N° 276 annexe 15 - Rapport de M. Dominique Baert sur le projet de loi de finances pour 2008 (n°189)



N
° 276

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2007

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2008 (n° 189),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 15

ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Dominique BAERT

Député

____

INTRODUCTION 7

I.– LE PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT 11

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT 14

1.– La performance globale du programme 14

2.– L’exemple de la gestion de la trésorerie 19

3.– L’exemple de l’optimisation de la durée de vie de la dette 25

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT 29

1.– Le palier franchi par le financement de l’État 29

a) Le financement définitif de l’État en 2006 31

b) Le programme révisé de l’État pour 2007 33

c) Le financement prévisionnel de l’État pour 2008 36

2.– L’inexorable progression de la charge de la dette 38

a) La charge de la dette avant swaps 41

b) La charge de la dette après swaps 45

3.– L’évolution préoccupante de la dette publique 45

II.– LE PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT 48

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT 48

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT 49

1.– L’action Agriculture et environnement 50

2.– L’action Soutien au domaine social, logement, santé 50

3.– L’action Financement des entreprises et industrie 51

4.– L’action Développement international de l’économie française 52

5.– L’action Autres garanties 56

III.– LE PROGRAMME ÉPARGNE 58

A.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME ÉPARGNE 58

B.– LES DÉPENSES DU PROGRAMME ÉPARGNE 61

1.– L’action Épargne logement 61

2.– L’action Instruments de financement du logement 64

IV.– LE PROGRAMME MAJORATION DE RENTES 65

EXAMEN EN COMMISSION 67

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 25 % des réponses seulement étaient parvenues à votre Rapporteur spécial. Cela est d’autant plus regrettable que le volume du questionnaire budgétaire a été réduit de plus de la moitié par rapport à celui envoyé l’année dernière par le précédent rapporteur spécial.

In fine, votre Rapporteur spécial a pu disposer de 90 % des réponses. Toutefois, le caractère particulièrement succinct de bon nombre d’entre elles contraste avec la longueur de leur délai de transmission.

Synthèse

● L’élément majeur de l’année 2008 marquant la mission Engagements financiers de l’État est la très sensible augmentation de la charge de la dette de l’État, qui progresserait de 1,6 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2007.

La charge nette de la dette, mesurée après effet du programme d’échange de taux d’intérêt (swaps), s’établirait à 40,6 milliards d’euros l’année prochaine. Inscrite sur le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État, elle représente 96 % des crédits de la mission.

Cette forte augmentation de la charge de la dette est la conséquence de deux phénomènes, appelés à se prolonger dans les prochaines années : la remontée des taux d’intérêt et l’arrivée à échéance d’importants remboursements, représentatifs de l’accumulation des déficits passés.

À la différence de 2006, cette tendance ne pourra désormais plus être contrecarrée que marginalement, les mesures prises l’année dernière apparaissant à la fois ponctuelles et exceptionnelles (montant sans précédent de cessions d’actifs affecté au désendettement ; réduction drastique du niveau du compte du Trésor).

● Une autre source de préoccupation est l’accroissement prévisible des dettes de l’État vis-à-vis du Crédit foncier de France en 2007, faute de crédits suffisants sur le programme Épargne pour honorer le paiement des primes versées par l’État lors des clôtures, massives depuis la fin 2005, de plans épargne logement (PEL). Si rien n’est fait en collectif budgétaire de fin d’année, le cumul des besoins de financement résultant des exercices 2006 et 2007 pourrait atteindre 800 millions d’euros.

INTRODUCTION

Par son volume, la mission Engagements financiers de l’État participe directement à l’équilibre des finances publiques. À 42,4 milliards d’euros de crédits pour 2008 (1), cette mission est en effet la troisième du budget général, après les Remboursements et dégrèvements (83,2 milliards d’euros) et l’Enseignement scolaire (59,3 milliards d’euros).

PART DE LA MISSION ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L’ÉTAT DANS LE BUDGET GÉNÉRAL

(en pourcentage des crédits de paiement bruts)


La mission Engagements financiers de l’État réunit quatre programmes. Deux sont dotés de crédits évaluatifs (Charge de la dette et trésorerie de l’État et Appels en garantie de l’État), deux sont dotés de crédits limitatifs (Épargne et Majoration de rentes). Ces programmes trouvent leurs prolongements au plan patrimonial, en tant que passifs figurant au bilan de l’État ou en tant que passifs éventuels mentionnés en annexe de ce bilan.

Pourtant, en dépit de son intitulé et du volume de crédits qu’elle mobilise, cette mission est loin de rassembler l’ensemble des « engagements financiers » de l’État.

L’État est en effet tenu par de multiples engagements « latents », plus ou moins probables et aléatoires, dans leur principe comme dans leur montant.

Du point de vue strictement budgétaire, le niveau de ces engagements peut être approché par les autorisations d’engagement (AE) consommées sur les différents programmes du budget de l’État et appelant à l’ouverture, dans les prochaines années, d’importants montants de crédits de paiement correspondant (CP). Après l’adoption du présent projet de loi de finances, le montant des crédits de paiement qui devront théoriquement être ouverts en 2009, 2010 et au-delà afin de couvrir les engagements tels qu’ils devraient être arrêtés au 31 décembre 2008 est de près de 78 milliards d’euros pour le budget général. Pour la seule année 2009, ces « restes à payer » pèseraient à hauteur d’environ 28 milliards d’euros.

L’optique budgétaire est cependant insuffisante pour renseigner sur l’ensemble des engagements financiers de l’État. L’un des intérêts de la LOLF est la mise en place d’une comptabilité générale de l’État, fondée « sur le principe de la constatation des droits et obligations » (article 30) et appréhendant des produits et charges qui ne donnent pas lieu à des flux de trésorerie, comme les dotations aux amortissements et aux provisions. Cette comptabilité enrichie permet par exemple de mettre en lumière le fait qu’à côté de ses dettes financières (qui pour la plupart sont évoquées dans le présent rapport spécial), l’État est également redevable d’une série de dettes non financières ou de charges à payer (2). Celles-ci se décomposent notamment en :

– dettes envers ses fournisseurs, pour près de 2 milliards d’euros à la fin 2006, du fait de prestations et de livraisons pour lesquelles les factures n’étaient pas encore parvenues ;

– dettes envers son personnel (1,2 milliard d’euros à la fin 2006), sous l’effet des avancements d’échelon et des augmentations de la quotité de travail intervenant en fin d’année ou encore des primes d’installation versées en fin d’exercice ;

– dettes envers les organismes sociaux. En dépit de l’apurement par l’État, en octobre 2007, de 5,1 milliards d’euros de dettes à l’égard du régime général, une série d’engagements subsiste, pour près de 2 milliards d’euros, à l’égard des autres régimes de sécurité sociale (régimes agricole, de la SNCF, des travailleurs indépendants etc.). En outre, il est probable que, faute de dotations budgétaires suffisantes en loi de finances pour 2007, les dettes de l’État vis-à-vis du régime général s’accumulent de nouveau.

À cet ensemble de dettes, il convient d’ajouter les passifs de l’État dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé, mais qui sont certains ou probables dans leur principe. Ceux-ci peuvent être partiellement appréhendés par les provisions pour risques et charges constituées au sein du bilan de l’État, qui ont atteint 50 milliards d’euros à la fin de l’année dernière (voir le tableau ci-dessous). 

PROVISIONS POUR RISQUES ET CHARGES AU 31 DÉCEMBRE 2006

(en millions d’euros)

1. Provisions pour risques

 6 972

dont provisions pour litiges

5 515

2. Provisions pour charges

43 106 

Provisions pour charges de fonctionnement

273

Provisions pour charges de personnel

547

Provisions pour transferts

29 554

dont primes épargne logement et rentes viagères

12 584

dont indemnisation actes de barbarie 2nde guerre mondiale

1 151

dont mesures emploi et agriculture via CNASEA

3 505

dont régimes spéciaux de retraites

4 814

dont désendettement SNCF et RFF

1 357

dont investissements ferroviaires

1 143

Provisions pour remises en état

262

Autres provisions

12 470

dont obligations fiscales de l'État

4 000

dont reprise dette Charbonnages de France

2 400

Total provisions (1 + 2)

50 078

Source : Compte général de l’État 2006.

En dépit des progrès qu’elles représentent, ces provisions sont vraisemblablement loin d’être suffisantes. Par exemple, faute d’informations fiables, les provisions pour charges de personnel n’incluent pas les reports de congés payés des agents publics, qui s’accumulent notamment dans les comptes épargne temps (CET).

Une vue plus complète des engagements de l’État passe, enfin, par la prise en compte de son « hors bilan ». Celui-ci est loin de se limiter aux engagements budgétaires – qui pour partie relèvent de la mission objet du présent rapport spécial (par exemple les primes d’épargne logement ou les majorations de rentes viagères). Doivent, en effet, y être ajoutés : l’ensemble des engagements ayant reçu la garantie de l’État, soit un encours de 56 milliards d’euros à la fin 2006 ; les garanties accordées par l’État à des organismes chargés pour son compte de missions d’intérêt général, tels que la Caisse centrale de réassurance en matière de catastrophes naturelles, la COFACE pour les procédures de soutien à l’exportation (3) ou Natixis pour les procédures de couverture de risques ; les garanties de passif accordées par exemple dans le cadre d’opérations de cession ou de restructuration d’entreprises ; les contrats de plan État-région ; les partenariats public-privé ; les engagements de l’État en matière de retraites etc.

Le rapide tour d’horizon qui précède, qui gagnerait sans doute à être complété, a le mérite de montrer l’extrême diversité des « engagements financiers de l’État ». Encore n’a-t-on pas évoqué les engagements pesant sur d’autres acteurs de la sphère publique – desquels l’État ne peut pourtant guère se désintéresser. Pour s’en tenir ici à deux exemples, votre Rapporteur spécial tient à mentionner :

– l’ensemble des organismes publics chargés de « solder » le poids du passé : l’établissement public de financement et de restructuration (EPFR) pour cantonner les actifs compromis du Crédit lyonnais, qui devrait recevoir en 2008 un versement de 500 millions d’euros depuis le compte spécial Participations financières de l’État ; Charbonnages de France (CdF) et l’Entreprise minière et chimique (EMC) pour accompagner l’interruption des activités d’extraction de charbon et de potasse, deux établissements publics en cours de liquidation dont l’État reprend les engagements (4) ; l’ERAP pour couvrir progressivement le coût de la participation de l’État au redressement de France Télécom, qui pourrait bénéficier lui aussi d’une partie des recettes de cessions d’actifs en 2008 (au maximum 1,3 milliard d’euros) ;

– la dette sociale, dont l’évolution ces dernières années est préoccupante. C’est ainsi que la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) doit encore amortir plus de 70 milliards d’euros de dettes cumulées du régime général de la sécurité sociale. Compte tenu de la structure de ses émissions, le coût du financement qu’elle assure est supérieur à celui obtenu par l’État via l’Agence France Trésor (AFT) d’environ 0,05 % en moyenne, écart qui s’est encore creusé en 2007 du fait de l’élargissement général des « primes de risques » exigées par les investisseurs. À cette dette stricto sensu s’ajoute la dégradation de la situation de trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), laquelle devrait susciter des frais financiers – sous forme d’intérêts sur emprunts auprès de la Caisse des dépôts et consignations et, désormais, de billets de trésorerie – de plus d’un milliard d’euros en 2008, obligeant la loi de financement de la sécurité sociale à relever son plafond d’emprunt en cours d’année prochaine à 36 milliards d’euros.

En dépit du volume de crédits particulièrement important de la mission Engagements financiers de l’État, c’est donc en ayant à l’esprit le champ finalement limité de son objet qu’il convient de lire le présent rapport spécial.

I.– LE PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2008

I.– HYPOTHÈSES RETENUES

– Déficit à financer (en exercice) : 41,7 (42 en LFI 2007)

– Amortissements de titres : 103,2 (72,9 en LFI 2007)

– Émissions nettes à moyen et long terme : 123,2 (114,6 en LFI 2007)

– Émissions nettes à court terme : 22,3 (12 en LFI 2007)

– Taux d’intérêt moyens : court terme (3 mois) en 2008 : 4,4 % (LFI 2007 : 3,6 %)

 long terme (10 ans) en 2007 : 4,4 % (LFI 2007 : 4,1 %)

II.– ÉVOLUTIONS ATTENDUES

– Encours nominal de dette négociable fin 2006 : 876,6  (48,9 % du PIB)

– Projections d’encours : 918,6 fin 2007 (49,4 % du PIB)

 957,7 fin 2008 (49,4 % du PIB)

– Charge nette : constatée en 2006 : 38,4 (solde primaire : + 2,7)

 prévue en 2007 : 38,9 (LFI) (solde primaire : – 3,1)

 prévue en 2008 : 40,6 (PLF) (solde primaire : – 1,2)

(Après effet du programme de swaps : solde positif de 519 millions d’euros en 2006, 267 millions d’euros en LFI 2007 et 233 millions d’euros en PLF 2008)

Mobilisant 40,8 milliards d’euros pour 2008, le programme Charge de la dette et trésorerie de l’État est le deuxième programme du budget général en termes de volume de crédits, après les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (67,1 milliards d’euros) et avant l’enseignement scolaire public du second degré (28,3 milliards d’euros).

PART DU PROGRAMME CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
DANS LE BUDGET GÉNÉRAL
(a)

(crédits de paiement nets des remboursements et dégrèvements, en millions d’euros)

 

2003

2004

2005

2006

LFI
2007

PLF
 2008

I.– Programme Charge de la dette et trésorerie de l’État

           

Crédits initiaux nets

41 278

40 992

42 356

39 029

39 191

40 796

Dépenses nettes (b)

40 120

40 606

41 278

38 941

II.– Part du programme dans le budget général

           

Crédits initiaux nets

15,1 %

14,4 %

14,7 %

14,7 %

14,7 %

15,0 %

Dépenses nettes

14,3 %

14,0 %

14,0 %

14,6 %

(a) Avant 2006 : charge brute de la dette (crédits du titre I, parties 11, 12 et 13, y compris recettes d’ordre). À partir de 2006 : charge nette de la dette hors recettes d’ordre, celles-ci étant désormais imputées sur le compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État. À titre indicatif, les recettes d’ordre sont évaluées à 3,2 milliards d’euros pour 2008.

(b) Le montant indiqué pour 2006 correspond aux dépenses réelles. Il diffère du montant indiqué dans le rapport annuel de performances (38 946 millions d’euros), ce dernier étant entaché d’une erreur de saisie comptable.

Placé sous la responsabilité du directeur général du Trésor et de la politique économique, ce programme a pour objet de permettre à l’État d’honorer ses engagements financiers en toutes circonstances, au meilleur coût et dans des conditions de sécurité maximales : couverture du solde budgétaire, remboursement de la dette échue, financement quotidien et gestion de la trésorerie. Il est composé de trois actions (Dette négociable, Dette non négociable, Trésorerie de l’État), dont les crédits sont évaluatifs.

L’encadré présenté page suivante rappelle succinctement les grands principes relatifs à la gestion de la dette et de la trésorerie de l’État.

LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA GESTION DE LA DETTE
ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
(notions fondamentales sur les « valeurs du Trésor »)

Au milieu des années 1980, il est apparu que les besoins de financement de l’État devaient s’accroître très fortement et que le Trésor ne pourrait plus recourir à ses moyens traditionnels de financement : principalement l’accès à des ressources non négociables, à bon marché. Le Trésor s’est fait alors l’instigateur et l’acteur principal d’une réforme visant à modifier profondément la nature des titres émis par l’État, ainsi que les conditions de leur mise sur le marché et de leur négociation sur le marché secondaire. Il a impulsé des mutations essentielles pour le financement de l’économie française. Trois principes structurent la politique d’émission.

1/ La simplicité. La dette négociable de l’État a été réorientée autour de trois composantes standardisées, les « valeurs du Trésor ». Elles se distinguent par leurs échéances, qui couvrent tous les domaines de la courbe des taux :

– les BTF (bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés) couvrent les besoins de trésorerie à court terme : leur durée de vie à l’émission est inférieure à un an. Ils financent les décalages temporaires de trésorerie entre les encaissements et les décaissements. Les BTF sont aussi une variable d’ajustement dans le programme de financement ; ainsi, leur encours peut varier d’une année sur l’autre. Un nouveau type de BTF à très court terme (2 à 6 semaines) a été créé en 2006 ;

– les BTAN (bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels) assurent un financement à moyen terme. Chaque année sont émis deux BTAN à 5 ans et deux ou trois BTAN à 2 ans ;

– les OAT (obligations assimilables du Trésor) sont l’instrument du financement à long terme du Trésor, qui sert d’emprunt de référence au marché obligataire français. Leur durée de vie à l’émission peut aller jusqu’à 50 ans. Deux lignes d’OAT à 10 ans sont émises chaque année, ainsi qu’une OAT plus longue (15 ou 30 ans) suivant la demande.

2/ La transparence. Pour assurer le placement de ses titres, le Trésor a fait le choix d’une procédure assurant l’égalité de tous les investisseurs et leur mise en concurrence : l’adjudication « à prix demandé ». Avant chaque adjudication, le Trésor annonce le volume total de titres qu’il souhaite émettre. Les offres des investisseurs soumissionnaires sont compilées par la Banque de France et présentées au Trésor de façon anonyme, classées selon leur prix. Le Trésor décide du montant des soumissions qu’il retient, dans la limite de la fourchette annoncée auparavant.

Par ailleurs, le Trésor publie en début d’année un calendrier prévisionnel d’émission et s’attache à respecter la régularité des appels au marché. Ainsi, une adjudication d’OAT a lieu le premier jeudi de chaque mois et les BTAN sont adjugés le troisième jeudi de chaque mois (sauf en août et décembre). Les BTF sont adjugés chaque lundi.

La procédure de syndication, qui consiste à pré-placer le montant de l’emprunt auprès d’un syndicat d’établissements financiers chargé d’assurer ensuite son véritable placement auprès des investisseurs, n’est plus utilisée que de façon exceptionnelle. L’État y a recours pour le premier placement de titres aux caractéristiques innovantes.

3/ La liquidité. Attirer les investisseurs vers la dette de l’État supposait que fût rénové par ailleurs, pour le dynamiser, le marché secondaire. Le dynamisme du marché repose en partie sur la liquidité des titres qui peuvent s’y négocier. C’est pourquoi le Trésor a fait le choix d’émettre des titres dits « assimilables », qui peuvent être rattachés à des lignes déjà existantes présentant les mêmes caractéristiques. Les titres nouvellement émis deviennent, après le versement de leur premier coupon, totalement indiscernables des titres anciens composant la ligne.

Le gisement total de la ligne peut ainsi devenir important, favorisant la liquidité des échanges. Une trentaine de lignes ont ainsi un encours dépassant 15 milliards d’euros.

La performance du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État peut être mesurée grâce au premier rapport annuel de performances (RAP) annexé au projet de loi de règlement du budget de l’année 2006 et au projet annuel de performances (PAP) annexé au présent projet de loi de finances.

● L’exécution budgétaire de l’année 2006 porte la marque de la mise en œuvre de l’ « engagement national de désendettement » pris lors du débat d’orientation budgétaire pour 2007 par le précédent gouvernement. Fait notable, la dette négociable de l’État a reculé en euros courants – de 760 millions d’euros – entre 2005 et 2006. En tenant compte de la croissance, elle a diminué de plus de 2 points de PIB en 2006, pour s’établir à 48,9 %.

En conséquence, la charge nette de la dette de l’État a atteint 38,9 milliards d’euros en 2006, un montant très proche des crédits inscrits en loi de finances initiale (39 milliards d’euros). Après prise en compte des excédents dégagés sur les opérations de swaps de taux, la charge nette de la dette s’est établie à 38,4 milliards d’euros en 2006, soit un montant stable par rapport à 2005.

Votre Rapporteur spécial tient cependant à rappeler que l’évolution du déficit budgétaire n’explique qu’une très petite partie de cette diminution de la dette. L’essentiel de la réduction de la dette publique en 2006 est en effet la conséquence de deux autres facteurs.

Le premier, classique ces dernières années, est l’affectation au désendettement des produits de cessions d’actifs « non stratégiques ». En 2006, plus de 16 milliards d’euros de produits de cessions (tirés en particulier des sociétés concessionnaires d’autoroutes) ont été affectés au désendettement, ce qui a permis de réduire la dette publique d’environ 0,9 point de PIB. Un tel niveau de recettes n’avait jamais été atteint depuis la première vague de privatisations en 1986. Environ 13 milliards d’euros ont été affectés à la Caisse de la dette publique (CDP) (5), qui a ainsi pu procéder à des rachats de titres (pour 7,8 milliards d’euros, le reste allant à la couverture provisoire d’un besoin de trésorerie de l’ACOSS (6)), ce qui a réduit la charge de la dette de près de 500 millions d’euros. Ajoutés aux opérations directement effectuées par l’État via l’Agence France Trésor (AFT), les rachats de dette ont atteint en 2006 un montant, comparable à 2005 mais particulièrement important, de 17 milliards d’euros (7).

Quoiqu’elle puisse ponctuellement être légitime, cette stratégie de cessions diminue par définition autant le passif de l’État que son actif et s’analyse donc en une forme d’appauvrissement. Elle se heurte aussi à des limites matérielles : jusqu’où privatiser ? Qu’est-ce qu’un actif « non stratégique » ? Comment faire diminuer la dette lorsque, comme ces derniers mois, les conditions de marché ne sont pas propices à des cessions d’actifs ? etc.

Le second facteur de baisse de la dette en 2006, beaucoup plus inédit, a consisté en une gestion plus « tendue » de la trésorerie de l’État, grâce à une plus grande coordination des différentes administrations publiques et à la possibilité donnée à l’AFT, en contrepartie, d’émettre de nouveaux bons du Trésor à très court terme. Cette « optimisation » de la gestion de la trésorerie a permis d’abaisser le montant du compte courant du Trésor à seulement 13,8 milliards d’euros au 31 décembre 2006, soit près de 26 milliards d’euros de moins qu’à la fin de l’année 2005 (8).

● La performance globale du programme peut être appréciée au moyen de ses 12 indicateurs associés à ses 8 objectifs (9). En 2006, les résultats de ces indicateurs sont dans l’ensemble très satisfaisants. En outre, ils sont souvent bien éclairés par les analyses figurant dans le RAP (en dépit de leur caractère succinct) et, plus encore, par celles présentées dans le PAP 2008.

On relèvera en particulier que :

– sous l’effet de la politique d’optimisation de la gestion de la trésorerie, le solde moyen de l’État à la Banque de France en fin de journée est passé en 2006, pour la première fois, sous la cible de 100 millions d’euros. Pour 2007 et 2008, le même objectif est reconduit, le PAP 2008 soulignant que désormais « tout progrès est (…) tributaire d’une nette amélioration de la sécurité opérationnelle des opérations de trésorerie de fin de journée. Or, tant les entrées en fonction des nouvelles applications de tenue de compte de la Banque de France (EVCLI) et du Trésor (ALTAIR), que l’avancement des heures-limites pour les opérations de règlements-livraisons (…) conduiront à une modification et donc potentiellement à une déstabilisation transitoire du pilotage des fins de journée » ;

– les résultats de la gestion de la dette obligataire, mesurés grâce aux indicateurs « temps » et « allocation », paraissent significativement meilleurs en 2006 qu’en 2005 (10). Ces résultats sont très utilement complétés par les explications figurant dans le PAP 2008 ;

– les taux moyens de couverture des adjudications ont été très largement dépassés, même si celui relatif aux BTF a sensiblement diminué par rapport à 2005, passant de 380 % à 269 %. Opportunément, les documents budgétaires prennent le soin de préciser que le taux de couverture le plus bas observé pour une adjudication de BTF en 2006 a été de 177 % (au lieu de 170 % en 2005 et 105 % en 2004), ce qui témoigne d’une bonne sécurité des adjudications et de l’absence d’erreur d’appréciation significative de l’AFT dans la définition des titres proposés à la vente.

À l’inverse, certains résultats enregistrés en 2006 sont inférieurs aux prévisions :

– le taux d’annonce par les collectivités territoriales de leurs opérations financières supérieures à un million d’euros affectant le compte du Trésor a été de 92 %, soit un niveau à peine meilleur qu’en 2004 et 2005 et inférieur à la prévision de 95 % (11). Le PAP 2008, qui comporte un tableau présentant les taux d’annonce par département, révèle par exemple que la Corse du Sud, la Haute Corse et les Vosges n’ont pas procédé à la moindre annonce en 2006, en dépit de l’obligation résultant de l’article 114 de la loi de finances pour 2004 ;

– le nombre d’incidents d’exécution des opérations de dette et de trésorerie a été supérieur aux prévisions. Les incidents qui dégradent le niveau du compte à la Banque de France, essentiellement liés à des problèmes de règlement d’appels de marge, ont été au nombre de 31, au lieu d’un objectif nul, sans avoir eu de conséquence financière significative pour l’État. Seul un incident sur une opération de pension livrée a entraîné une réelle dégradation de trésorerie, pour un montant (8,5 millions d’euros) cependant minime au regard des sommes en jeu ;

– la rémunération des opérations de pensions livrées a été très légèrement inférieure à la prévision, mais ce résultat a été influencé par la concentration exceptionnelle de 14 milliards d’euros de recettes issues de cessions d’actifs qui, selon le RAP, « ont porté les placements de l’État à un niveau pesant sur l’intérêt du marché et sur sa capacité à livrer en collatéral des titres d’État ». Afin d’appréhender plus concrètement l’efficacité du placement de la trésorerie de l’État, le RAP gagnerait à mentionner explicitement la « perte » pour l’État (ou, plus exactement, le « gain manqué ») que la différence de rémunération représente ;

– la durée de vie moyenne de la dette n’a pas été ramenée à 5,9 ans en 2006, mais cet objectif est conditionné à la reprise du programme de swaps. Les conditions de marché, caractérisées par la faiblesse des taux à long terme, ont plutôt favorisé un allongement de la durée moyenne de la dette (7 ans à la fin 2006) (12).

À titre de récapitulation, le tableau présenté page suivante rend compte de l’ensemble des performances du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État en 2006.

PERFORMANCE DU PROGRAMME
CHARGE DE LA DETTE ET TRÉSORERIE DE L’ÉTAT
EN 2006

Objectif

Indicateur

Prévision 2006

Résultat 2006

1. Couvrir le programme d’émission en toute sécurité

Adjudications non couvertes

0

0

Taux de couverture moyen des adjudications

BTF : 200 %

BTF : 269 %

OAT et BTAN : 150 %

OAT et BTAN : 239 %

2. Améliorer la pertinence des choix de mise en œuvre de la gestion de la dette obligataire

Indicateur « temps »

+ 10 à – 10

– 7,8

Indicateur « allocation »

+ 10 à – 10

– 2,1

3. Piloter la durée de vie moyenne de la dette après swaps

Durée de vie moyenne de la dette après swaps

5,9 ans

Sans objet (a)

4. Gérer de manière satisfaisante l’extinction progressive de la dette financière non négociable

Taux d’anomalie sur les opérations de remboursement de la dette non négociable

0 %

0 %

5. Limiter le solde de l’État à la Banque de France en fin de journée

Solde du compte de l’État à la Banque de France en fin de journée (b)

100 millions d’euros

96 millions d’euros

6. Placer les excédents ponctuels de trésorerie de l’État au meilleur prix

Rémunération des opérations de dépôts réalisées avec les SVT

EONIA (b)

EONIA + 0,0031 %

Rémunération des opérations de pensions livrées réalisées avec les SVT

swap EONIA – 0,02 %

swap EONIA – 0,0278 %

7. Améliorer l’information préalable par les correspondants du Trésor de leurs opérations financières affectant le compte du Trésor

Taux d’annonce par les collectivités locales de leurs opérations financières supérieures à 1 million d’euros et affectant le compte du Trésor

95 %

92 %

8. Obtenir un niveau de contrôle des risques de qualité constante et qui minimise la survenance d’incidents

Qualité du système de contrôle : incidents ou infractions au cahier interne de procédures

0

1

Qualité du système de contrôle : notation externe du contrôle interne

(composite)

(composite)

Nombre d’incidents d’exécution des opérations de dette et de trésorerie

Dégradant le niveau du compte BdF : 0

Dégradant le niveau du compte BdF : 31

Ne dégradant pas ou améliorant le niveau du compte BdF : 10

Ne dégradant pas ou améliorant le niveau du compte BdF : 8

Autres incidents : 0

Autres incidents : 22

(a) La réalisation de cet objectif est conditionnée à la reprise du programme de swaps, interrompu depuis 2002. Pour mémoire, la durée de vie moyenne effective de la dette à la fin 2006 était de 7 ans.

(b) European overnight interbank average. Ce taux représente le taux moyen, pondéré par les volumes, des prêts à un jour réalisés sur le marché interbancaire par un panel d’établissements bancaires de la zone euro.

Les performances en matière de gestion de la trésorerie méritent des développements particuliers à un double titre : d’une part, l’ « optimisation » de la gestion des trésoreries publiques (13) a été l’un des éléments-clés de la gestion 2006 ; d’autre part, les indicateurs de performances présentés dans le PAP 2008 sont enrichis afin de rendre compte des nouvelles orientations en ce domaine.

Cette optimisation de la trésorerie consiste, selon les documents budgétaires, « à éviter tout excédent de trésorerie libre de l’État que la sécurité de gestion de la dette n’exigerait pas ». Concrètement, cela a signifié en 2006 :

– l’abaissement, déjà signalé, du montant du compte courant du Trésor à 13,8 milliards d’euros au 31 décembre 2006, soit près de 26 milliards d’euros de moins qu’à la fin de l’année 2005. La dette publique s’en est trouvée réduite d’environ 1,5 point de PIB ;

– la réduction de l’encours des BTF de 29 milliards d’euros, pour atteindre 66 milliards d’euros fin 2006. La mobilisation de la trésorerie s’analyse en effet comme autant d’émissions de BTF « évitées ».

Le graphique ci-dessous compare les profils d’évolution du compte du Trésor ces deux dernières années et permet de mesurer toute la spécificité de la fin de l’exercice 2006.

COMPARAISON DES PROFILS ANNUELS DU COMPTE DU TRÉSOR EN 2005 ET 2006

(solde spontané avant placements, en millions d’euros)

Source : Agence France Trésor.

● Techniquement, ces nouvelles modalités de gestion de la trésorerie sont de trois ordres.

En premier lieu, la possibilité a été donnée à l’AFT d’émettre de nouveaux bons du Trésor à très court terme, lui permettant de répondre aux besoins ponctuels de liquidité. Ce « BTF court terme », de maturité de 2 à 6 semaines, est inspiré des cash management bills du Trésor américain. Il n’a pour l’instant été émis qu’à deux reprises : l’une en septembre 2006 (pour 2,5 milliards d’euros), l’autre en avril 2007 (pour 2 milliards d’euros). L’existence de cette ressource de financement à très court terme permet de réduire l’encours de précaution sur le compte du Trésor, avec l’objectif de le limiter au strict nécessaire.

L’AFT a, en outre, significativement renforcé ses lignes de trésorerie. Des conventions bilatérales particulières ont été signées avec les contreparties bancaires, spécialistes en valeurs du Trésor (SVT). Elles autorisent l’AFT, lorsqu’il ne lui est plus possible de recourir aux instruments classiques de trésorerie (en particulier aux emprunts sur le marché monétaire) et que les dysfonctionnements constatés font peser un risque important sur la position créditrice du compte du Trésor, à mobiliser rapidement des montants substantiels à partir des comptes des établissements concernés domiciliés à la Banque de France. Le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi précise qu’ « il s’agit naturellement d’une procédure à caractère exceptionnel, à laquelle il n’a d’ailleurs encore jamais été nécessaire de recourir ».

En deuxième lieu, les aléas de trésorerie devraient progressivement être réduits, grâce à un enrichissement des informations communiquées à l’AFT. Cela se traduit par :

– la systématisation des annonces par les différents services de l’État des mouvements de trésorerie les concernant : contributions internationales, participations de l’État, relations avec le secteur bancaire, virements internationaux, versements communautaires etc. (14) ;

– la mise en place progressive de prévisions en trésorerie du recouvrement des recettes fiscales et de l’encaissement des recettes non fiscales ;

– une amélioration de l’information préalable par les collectivités territoriales de leurs opérations financières affectant le compte du Trésor. Le fait que les dotations de l’État aux collectivités territoriales soient désormais versées à dates fixes ou prédéterminées (15) devrait être de nature à réduire les infractions à la règle d’annonce obligatoire ;

– l’adoption en 2006 d’un système d’annonce préalable pour les opérations de placement et d’investissement de la Banque centrale des États d’Afrique centrale ;

– la récente création d’une obligation pour les établissements publics nationaux d’annoncer préalablement leurs dépenses supérieures à un million d’euros. Le décret n° 2007-1393 du 27 septembre 2007 a modifié en ce sens le décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. Avant son entrée en vigueur, l’AFT avait déjà, par la voie conventionnelle, mis en place un tel système avec plusieurs grands établissements : l’AFITF, l’AII, le FFIPSA, l’ERAP, CdF, le Fonds de solidarité, France Domaine etc. (16). Cette nouvelle obligation trouve sa traduction dans le PAP 2008 par la création d’un nouvel indicateur de performance, permettant de suivre le taux d’annonce des établissements publics. Dépourvu de prévision pour 2008, son objectif cible à l’horizon 2010 est fixé à 95 %, soit le même ratio attendu que pour les annonces des collectivités territoriales.

L’anticipation des mouvements de trésorerie est donc un enjeu majeur, conditionnant la capacité de l’AFT à déterminer le taux de mobilisation par l’État des ressources déposées par les correspondants du Trésor, à placer les excédents ponctuels de trésorerie sur le marché interbancaire, à effectuer le cas échéant des emprunts « en blanc » ou des opérations de mises en pension de titres et, in fine, à déterminer les émissions de BTF nécessaires.

En dernier lieu, l’amélioration de la gestion de la trésorerie passe par une meilleure coordination de l’ensemble des administrations publiques (17), consistant à optimiser la couverture de leurs besoins de financement et à réduire l’appel du secteur public au marché. Il s’agit de favoriser des placements dans des produits
– pudiquement – dits « déconsolidant », c’est-à-dire sans influence sur le montant de la dette publique au sens du traité de Maastricht.

Cette mutualisation des ressources financières publiques a notamment pris la forme, en fin d’année dernière, de la couverture d’un besoin de financement de l’ACOSS par la Caisse de la dette publique. Cette dernière, qui disposait en décembre 2006 d’un excédent de trésorerie de 4,96 milliards d’euros, issu des recettes de cessions d’actifs, a souscrit la première émission de billets de trésorerie de l’ACOSS. Selon l’AFT, « cette opération mutuellement bénéfique en ce qu’elle facilite l’entrée sur le marché de l’émetteur ACOSS tout en garantissant un retour financier à la CDP supérieur à celui de ses placements traditionnels a, de surcroît, permis de réduire d’environ 0,27 point le ratio dette/PIB en 2006 » (18). Dès le mois suivant, ces titres ont néanmoins été cédés au marché, ce qui a augmenté d’autant la dette publique au premier trimestre 2007 : l’opération n’a fait, en réalité, que retarder une inéluctable progression de la dette. La trésorerie ainsi récupérée par la CDP a ensuite été utilisée en octobre 2007 pour apurer une partie des dettes de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale (5,1 milliards d’euros).

● Pour votre Rapporteur spécial, ces différentes innovations sont susceptibles de faire peser au moins quatre types de risques sur la gestion de la trésorerie.

Le premier consiste en de moindres recettes tirées de la rémunération de la trésorerie (recettes qui viennent en déduction de la charge de la dette), du fait de possibilités de placement plus limitées pour l’AFT. Ce risque ne s’est certes pas vérifié en 2006, année au cours de laquelle les recettes de trésorerie ont été supérieures à celles de l’année précédente (674 millions d’euros après 487 millions d’euros en 2005, ce rendement supérieur s’expliquant essentiellement par la hausse des taux d’intérêt). En 2008, les excédents de trésorerie prévus permettraient même d’encaisser des recettes de 981 millions d’euros (19). Toutefois, le PAP 2008 indique que « la contribution de la gestion de la trésorerie à la maîtrise annuelle de la dette de l’État se traduit par une volatilité accrue du profil infra-annuel », qui limite d’autant la performance des placements.

RECETTES TIRÉES DE LA GESTION DE LA TRÉSORERIE DEPUIS 2000

(en millions d’euros)

N.B. : Somme des recettes tirées des placements des excédents de trésorerie sous forme de prêts « en blanc » sur le marché interbancaire (137 millions d’euros en 2006), de prêts à certains Trésors de la zone euro (6,1 millions d’euros) et de prises en pension de titres d’État (531,5 millions d’euros).

Un deuxième risque est le possible surcoût des financements à court terme, dans l’hypothèse où les taux servis sur les nouveaux BTF seraient supérieurs à ceux des BTF « classiques ». Lors de leur première émission en 2006, les titres à très court terme ont été cédés à un taux comparable aux taux habituels mais, en avril 2007, leur coût s’est situé entre celui des BTF ordinaires et celui d’un financement bancaire. En « régime de croisière », compte tenu de la faible fréquence d’émission de ces titres (les périodes de creux de trésorerie) et de leur durée de vie limitée, l’encours moyen sur une année est certes assez négligeable (inférieur à 4 milliards d’euros). Au-delà, l’AFT reconnaît cependant que « la préservation d’une situation de trésorerie invariante d’une année sur l’autre, tout en assurant le franchissement des points bas de trésorerie de mai, de septembre et de décembre, conduit à fortement moduler les émissions de BTF. Une telle modulation comporte un coût marginal pour l’État, dans la mesure où elle contrevient au besoin de régularité et de prévisibilité des investisseurs institutionnels » (20).

Un troisième risque est celui d’une gestion « opportuniste » des avoirs publics à la seule fin d’afficher un montant de dette satisfaisant au 31 décembre de chaque année, à l’image du window dressing de fin d’année pratiqué par certaines entreprises. Ce risque n’est pas seulement théorique : fin 2006, le Fonds de réserve des retraites (FRR) a été sollicité par l’État pour acquérir 2 milliards d’euros de titres pour quelques semaines, afin de limiter le montant du compte du Trésor en fin d’année. La Cour des comptes a dénoncé cette opération : « les disponibilités de trésorerie du Fonds de réserve des retraites ont été placées à hauteur de 2 milliards d’euros en titres d’État entre le 8 décembre 2006 et le 15 janvier 2007, dans le seul but de permettre une réduction de la dette publique au sens de Maastricht juste avant la clôture des comptes annuels » (21). Pour le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi, cet investissement « relève d’une décision de stratégie financière conforme aux orientations arrêtées [par le Fonds]. Il convient de noter que cette opération ne s’est en aucun cas faite au détriment d’un autre investissement ».

Enfin, plus généralement, un quatrième inconvénient réside dans le risque accru pesant sur la continuité financière de l’État. Ce dernier doit faire face aux aléas résultant des décalages quotidiens entre, d’une part, l’encaissement des recettes et, d’autre part, le paiement des dépenses budgétaires et la prise en charge des amortissements de titres. Votre Rapporteur spécial rappelle que, la France ayant rompu depuis nombreuses années avec la pratique dangereuse du « financement monétaire » du Trésor, le solde de son compte à la Banque de France doit impérativement demeurer quotidiennement créditeur.

D’ailleurs, l’article 101 du Traité de Maastricht interdit aux banques centrales d’accorder des concours financiers aux États membres (22). En réponse à une question posée par votre Rapporteur spécial, l’AFT indique ainsi que « si l’optimisation de la trésorerie a été un facteur majeur de réduction de la dette publique en 2006, la pérennisation sans risque de cette politique demande de limiter les aléas pesant encore sur les prévisions de trésorerie, qui peuvent dépasser 5 milliards d’euros à 48 h. À cet égard, l’amélioration des informations transmises à l’AFT et des prévisions (qui seules permettent véritablement de réduire les émissions de dette), a un caractère stratégique ».

C’est ainsi que, le 3 mai dernier, le ministre de l’économie, des finances, de l’économie a adressé une « feuille de route » aux directeurs de son ministère, déclinant les mesures structurelles nécessaires pour réduire les aléas de trésorerie et pour assurer la neutralité de la contribution de sa gestion à l’endettement de l’État. Les principales mesures sont :

– des améliorations des prévisions de recettes fiscales par la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP), la Direction générale des impôts (DGI) et la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ;

– la fiabilisation des annonces de recettes exceptionnelles par la Direction du budget (DB) et la Direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), au moyen de conventions ad hoc les liant à l’AFT ;

– la préparation de la mise en œuvre du paiement à date par la DGCP. Il s’agit de définir une date précise à laquelle sera effectué le mouvement de trésorerie lié à une dépense, afin de donner toute la prévisibilité requise aux opérations affectant le compte du Trésor ;

– la proposition de versement en fonction de leurs besoins des dotations à 26 opérateurs faisant l’objet d’un suivi renforcé de leur situation de trésorerie (23), en association avec l’AFT, la Direction du budget, les contrôleurs budgétaires et comptables ministériels (CBCM) et les responsables de programme concernés.

La mise en œuvre pluriannuelle de cette feuille de route, dont la coordination a été confiée à l’AFT, fait désormais l’objet d’un objectif et d’un indicateur de performance, inscrit dans le PAP 2008 (objectif n° 8 : « Optimiser la gestion de la trésorerie au regard de l’endettement public » ; indicateur n° 8.1 : « Mise en œuvre de la feuille de route visant à une optimisation de la gestion de la trésorerie »).

Votre Rapporteur spécial est sensible au fait que le Parlement soit ainsi à même de suivre l’état d’avancement de ces importantes réformes (24), une partie d’entre elles étant d’ailleurs d’ores et déjà achevées ou sérieusement entamées. Pour autant, on pourra reprocher à l’indicateur de mesurer moins de véritables performances (c’est-à-dire des résultats) qu’une simple activité (c’est-à-dire la mise en œuvre d’un plan). À titre plus anecdotique, on peut également relever que la création de ce nouvel objectif du programme fait elle-même partie des mesures prévues dans la « feuille de route », ce qui a cette conséquence singulière que l’inscription de l’objectif dans le PAP 2008 améliore ipso facto l’indicateur. Il serait plus intéressant – mais il est vrai plus délicat – de construire un indicateur permettant de vérifier que les différents risques inhérents aux nouvelles modalités de gestion de la trésorerie, précédemment évoqués, sont bel et bien contenus.

Fixé depuis l’automne 2001, l’objectif de réduction de la durée de vie moyenne de la dette a rompu avec la stratégie précédente qui consistait au contraire à allonger cette durée afin de mettre l’État le plus possible à l’abri des mouvements de taux affectant les échéances courtes. Cette nouvelle orientation se fonde sur la considération classique selon laquelle les taux à court terme sont en moyenne inférieurs aux taux à long terme (25). La contrepartie en est une augmentation de la variabilité du coût de la dette, c’est-à-dire du risque que ce coût évolue brutalement à la hausse ou à la baisse d’un exercice à l’autre, en fonction de l’évolution des taux sur la partie courte de la courbe des taux.

Le gestionnaire de la dette doit donc arbitrer entre la diminution moyenne espérée de sa charge et l’augmentation de sa variabilité. C’est d’ailleurs pourquoi l’objectif n° 3 assigné au programme Charge de la dette et trésorerie de l’État s’intitule « piloter » la durée de vie moyenne de la dette, plutôt que « réduire » celle-ci.

Du point de vue du Parlement, la difficulté pour apprécier le bien-fondé de l’arbitrage réalisé par le gestionnaire de la dette vient de ce que l’indicateur n° 3.1 correspondant à l’objectif précité est, par construction, inexploitable tant que le programme de swaps de taux n’est pas repris. En effet, la mise en œuvre de la stratégie de réduction de la durée de vie de la dette passe principalement, non par la modulation des émissions primaires de dette (qui risquerait de créer des inadéquations avec la demande des investisseurs), mais par une politique contractuelle d’échanges de taux sur le marché secondaire de la dette (26). Or, le programme de swaps, entamé au dernier trimestre de l’année 2001 et ayant abouti à la constitution d’un portefeuille de 61 milliards d’euros, a été interrompu en septembre 2002 du fait de la trop grande volatilité des marchés. La reprise des opérations de swaps reste conditionnée à un redressement de la courbe des taux : ces dernières années, le niveau historiquement bas des taux d’intérêt à long terme et la faible pente de la courbe des taux (voir le graphique ci-dessous) n’ont pas été propices à ces opérations.

COURBE DES TAUX SUR TITRES D’ÉTAT FRANÇAIS

(valeur en fin de mois, en %)

Source : Bulletin mensuel de l’AFT, octobre 2007.

D’ailleurs, la politique d’émission primaire de l’État a plutôt consisté à allonger la durée de vie de la dette, avec des émissions à long terme (par exemple l’OAT octobre 2023 émise cette année pour 4,5 milliards d’euros), voire à très long terme (par exemple l’OAT avril 2055 émise pour 6 milliards d’euros en 2005 et plusieurs fois abondée depuis, portant son encours actuel à près de 13 milliards d’euros).

Au moins trois facteurs plaident en faveur de cet allongement :

– le contexte macroéconomique : le vieillissement de la population dans les économies développées entraîne une baisse de la croissance potentielle et des taux d’intérêt réels (du fait de la diminution de la population active, de la hausse des dépenses publiques de santé et de retraite et de la réduction des investissements), créant un besoin accru d’épargne à long terme, destiné à financer des retraites plus nombreuses et plus longues et visant à compenser la baisse tendancielle des taux d’intérêt réels ;

– le contexte normatif : les réglementations relatives aux fonds de pension dans plusieurs pays européens, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Danemark, obligent ces fonds à ajuster plus précisément le profil de leurs actifs en fonction des engagements au passif pris vis-à-vis de leurs souscripteurs. Les obligations de très longues maturités apparaissent comme une couverture efficace de ces engagements ;

– les caractéristiques techniques des titres de long terme : leurs propriétés financières, marquées par une « duration » et une « convexité » élevées (27), sont particulièrement recherchées par certains types d’investisseurs tels que les hedge funds et les gestionnaires d’actifs. À titre d’exemple, en raison de la convexité élevée d’un titre à 50 ans, une combinaison de titres à 10 ans et 50 ans sera, en cas de forte variation des taux, systématiquement plus avantageuse qu’un titre à 30 ans.

L’année dernière, le niveau des taux d’intérêt et l’appétence toujours forte des investisseurs pour les maturités longues ont donc logiquement entraîné une augmentation de la durée de vie moyenne de la dette après swaps : celle-ci est passée de 6 ans et 228 jours à la fin 2005 à 7 ans et 16 jours à la fin 2006. Faute de reprise des opérations d’échange de taux, cette tendance se prolongera en 2007 et 2008.

Dans ces conditions, on comprend que la stratégie de réduction de la durée de vie moyenne de la dette ait pu être discutée, et ce d’autant plus que la Cour des comptes a émis une réserve à ce sujet à l’occasion de la certification des comptes de l’État pour l’exercice 2006 (28). La Cour a en effet considéré que les contrats de swaps ne pouvaient pas être qualifiés d’instruments de macro-couverture au sens des normes comptables, ce qui revient à mettre en cause, plus ou moins directement, l’efficacité de cette politique (29). Le certificateur a notamment pointé les insuffisances de la pertinence, de la mise à jour et de la documentation du modèle économétrique ayant servi à la définition de cette stratégie.

Tout en contestant certaines appréciations portées par la Cour des comptes, le Gouvernement a pris plusieurs engagements visant à conforter le traitement du portefeuille de swaps en instrument de macro-couverture. Il s’est notamment engagé à confier à une expertise extérieure un examen contradictoire de la stratégie menée et à revoir l’organisation et les moyens alloués à la cellule responsable du contrôle des risques à l’AFT. En outre, il a été décidé de moderniser le modèle servant de base à la stratégie de couverture, à en améliorer la documentation et à réaliser des tests prospectifs et rétrospectifs à chaque arrêté des comptes et chaque fois qu’un événement atypique important se produira sur les marchés.

Votre Rapporteur spécial se réjouit de ce qu’une partie des résultats de ces travaux soit présentée au Parlement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2008. En effet, depuis 2002, les documents budgétaires ne comportaient plus d’évaluation chiffrée des effets théoriques d’une modification de la durée de vie moyenne de la dette sur le couple risque / coût. Au contraire, le PAP 2008 du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État comporte un encadré consacré à la modélisation des effets d’un changement de stratégie de financement et, en particulier, un graphique illustrant, sous une forme très concrète, les « lieux » du compromis nécessaire entre réduction de la durée de vie de la dette et augmentation de la variabilité de sa charge (30).

MODÉLISATION DES ENJEUX DU PILOTAGE DE LA DURÉE DE VIE MOYENNE DE LA DETTE

N.B. : Le rectangle correspond aux effets de la poursuite de la stratégie actuelle sur toute la période de simulation (soit 10 ans).

Source : PAP 2008 du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État.

Les premiers résultats de ces travaux économétriques confirment que la politique d’échange de taux conduit à une réduction de la charge de la dette en moyenne et sur longue période, ce qui se traduit sur le graphique ci-dessous par un déplacement vers la gauche. Mais plus la durée de vie est réduite, plus la variabilité de la charge de la dette est grande, ce qui se traduit par un déplacement vers le haut du graphique. En l’état actuel du marché, l’objectif d’une durée de vie moyenne comprise entre 6 ans et 7 ans apparaît donc comme un bon compromis.

D’après l’AFT, un audit externe du modèle, mené pendant l’été 2007, a dégagé diverses pistes d’amélioration de cette approche économétrique. Les recommandations, qui touchent en particulier la documentation du modèle, devraient être prises en compte au cours de l’année à venir. Votre Rapporteur spécial, quant à lui, ne peut que – très modestement – faire remarquer que la problématique de la durée de vie de moyenne de la dette doit certes s’analyser à l’aune des critères « coût » et « variabilité », mais aussi être articulée avec la troisième préoccupation du gestionnaire de la dette, celle consistant à conserver une offre de titres en adéquation avec les attentes des investisseurs. En somme, la réflexion sur la durée de vie de la dette ne saurait être cantonnée aux opérations sur les marchés de produits dérivés : elle doit également irriguer la politique d’émission primaire de l’État.

Depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, le programme d’emprunt fait l’objet d’un vote du Parlement, qui se prononce sur le tableau de financement figurant à l’article d’équilibre des lois de finances. En prévision, le programme d’emprunt éclaire l’origine du besoin de financement qui sera supporté par l’État l’année considérée et définit la structure des ressources qui seront utilisées pour le couvrir. En exécution, le tableau de financement retrace les conditions d’exécution des lois de finances, l’effet des éventuels rachats de titres avant échéance et l’évolution effective des ressources à court terme du Trésor, dont certaines échappent à son contrôle, comme les comptes de dépôt des correspondants.

Le tableau présenté page suivante rend compte des modalités de financement de l’État durant ces dix dernières années.

DIX ANS DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Pour mémoire : déficit en exercice (y. c. FMI et FSC) (a)

37,1

34,3

31,0

31,2

48,7

55,9

44,7

44,9

37,0

42,0

41,7

Déficit en gestion (y. c. FMI et FSC) (b)

33,6

39,8

28,5

39,3

50,2

57,0

46,4

47,3

35,4

42,0

41,7

Amortissement des OAT

10,8

12,0

14,2

14,8

14,6

30,3

36,0

33,1

43,2

31,9

41,3

Amortissement des BTAN

40,3

29,6

42,9

36,5

44,8

32,2

30,5

32,5

34,4

37,2

61,5

Amortissement des dettes reprises par l’État (c)

 –

2,8

0,4

Total amortissements

51,1

41,6

57,1

51,3

59,4

62,5

66,5

65,6

80,4

69,1

103,2

Besoin de financement de l’État

84,7

81,5

85,6

90,6

109,6

119,5

112,9

112,9

115,8

111,0

144,9

Émissions brutes d’OAT (d)

50,6

44,8

47,6

51,6

53,9

66,3

76,3

75,5

62,8

   

Émissions brutes de BTAN (d)

40,8

37,2

42,9

42,0

43,0

52,6

55,2

50,9

58,3

   

Total Émissions brutes à moyen et long terme

91,4

82,0

90,5

93,6

96,9

118,9

131,5

126,4

121,1

   

Rachats avant échéance (d)

0,8

4,0

9,7

14,9

10,0

7,4

9,9

16,7

17,0

   

dont annulations par la CDP (e)

– 

7,8

8,1

3,7

Total Émissions nettes à moyen et long terme

90,6

78

80,8

78,7

86,9

111,5

121,6

109,7

104,1

102,5

119,5

Variation nette des BTF

+ 6,0

– 13,5

+ 9,3

+ 9,4

+ 35,7

+ 20,5

– 11,6

– 1,7

– 29,1

+ 24,5

+ 22,3

Variation des dépôts des correspondants du Trésor

+ 5,6

+ 5,4

– 5,7

– 2,3

+ 5,1

– 14,6

+ 1,7

+ 6,7

+ 5,1

– 8,4

– 2,7

Variation du compte courant du Trésor

– 13,3

+ 10,9

+ 1,9

+ 8,0

– 16,4

+ 0,2

– 2,2

– 5,9

+ 25,9

– 15,9

+ 2,1

Divers

– 4,2

+ 0,7

– 0,7

– 3,2

– 1,7

+ 1,9

+ 3,4

+ 4,2

+ 1,9

– 

– 

Ressources de financement de l’État

84,7

81,5

85,6

90,6

109,6

119,5

112,9

112,9

115,7

111,0

144,9

(a) En 2006, le montant indiqué est diminué de l’opération exceptionnelle de régularisation comptable des pensions de décembre 2005 (3,3 milliards d’euros).

(b) En 2006, le montant indiqué ne rend compte que des opérations dénouées d’un point de vue bancaire sur le compte du Trésor entre le 1er et le 31 décembre 2006 (cf. infra).

(c) Ligne non renseignée avant 2006.

(d) En valeur nominale.

(e) CDP : Caisse de la dette publique (ligne créée en loi de finances pour 2007).

Source : Agence France Trésor.

LE FINANCEMENT DE L’ÉTAT EN 2006

(en milliards d’euros)

 

LFI

Exécution

I.– Besoin de financement

   

Déficit budgétaire

46,9

35,4

Amortissement de la dette à long terme

44,1

43,2

Amortissement de la dette à moyen terme

39,9

34,4

Amortissement des engagements de l’État

2,5

2,8

Total Besoin de financement

133,4

115,8

II.– Ressources de financement

   

Émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)

125,0

104,1

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique (a)

7,8

Variation nette des titres à court terme

+ 2,5

– 29,1

Variation des dépôts des correspondants

+ 5,5

+ 5,1

Variation du compte courant du Trésor et divers

+ 0,4

+ 27,8

Total Ressources nettes de financement

133,4

115,8

(a) Cette ligne a été insérée au sein du tableau de financement en LFI 2007.

L’exécution 2006 a été marquée par une forte réduction du besoin de financement de l’État, du fait d’un moindre déficit à financer en gestion : 35,4 milliards d’euros, et non 46,9 milliards comme prévu en loi de finances initiale.

Votre Rapporteur spécial précise cependant que le déficit à financer n’est, en réalité, pas le déficit en gestion au sens de la comptabilité budgétaire, qui s’élève lui à 34,7 milliards d’euros (hors FMI et FSC). Ce décalage regrettable, stigmatisé par la Cour des comptes (31), s’explique par le fait que la ligne du tableau de financement retraçant l’impact en trésorerie du solde de la gestion ne peut être réconciliée exactement avec les comptabilités budgétaire et générale, faute de système d’information adéquat. Le « déficit budgétaire » mentionné dans la colonne « exécution » du tableau ci-dessus ne retrace donc que les opérations qui ont fait l’objet d’une imputation bancaire sur le compte du Trésor entre le 1er et le 31 décembre 2006 (32) et ne s’analyse, en définitive, que comme une résultante des autres lignes destinée à équilibrer le tableau de financement.

Par ailleurs, la structure du tableau de financement, qui présente parmi les ressources de financement les émissions de titres nettes des rachats, masque le fait que le besoin de financement à moyen et long terme a été nettement plus fort que prévu, du fait de rachats de titres massifs.

Ces dernières années, les rachats de dette ont atteint, en valeur nominale, des montants très importants (33) : 15 milliards d’euros en 2001 dans un contexte budgétaire encore aisé ; 10 milliards d’euros en 2002 et 7,4 milliards d’euros en 2003 malgré des conditions budgétaires médiocres ; 9,9 milliards d’euros en 2004 grâce aux bonnes conditions d’exécution de la loi de finances ; 16,6 milliards d’euros en 2005 grâce aux importantes recettes de cessions d’actifs. Avec 17,1 milliards d’euros de rachats (4,6 milliards d’euros d’OAT et 12,4 milliards d’euros de BTAN), l’année 2006 apparaît comme celle d’un nouveau « record ».

LES RACHATS DE TITRES EN 2006

(valeur nominale, en millions d’euros)

1. Rachats de gré à gré

16 201

- par l’État (AFT)

12 356

- par la Caisse de la dette publique (CDP)

3 845

2. Rachats par adjudications à l’envers (CDP)

3 997

Total des rachats en 2006 [(1) + (2)]

20 198

hors titres d’échéance 2006

17 065

dont rachats par la CDP

7 842

Les rachats s’effectuent soit par adjudication à l’envers, soit sous forme d’achats directs sur le marché. En 2006, les adjudications à l’envers ont été réalisées par la Caisse de la dette publique et ont atteint 4 milliards d’euros. Les rachats de gré à gré ont été réalisés par l’État (via l’AFT) pour 9,2 milliards d’euros et par la CDP pour 3,8 milliards d’euros. Les interventions totales de la CDP ont donc porté sur 7,8 milliards d’euros, ce qui justifie d’ailleurs qu’une ligne du tableau de financement lui soit, depuis la loi de finances pour 2007, désormais consacrée.

L’autre élément majeur du financement de l’État en 2006 est, comme on l’a signalé à plusieurs reprises, la mobilisation de la trésorerie (34). L’abaissement du niveau du compte courant du Trésor et les moindres émissions de dette à court terme se traduisent dans le tableau de financement par une progression des ressources apportées par la trésorerie (+ 27,8 milliards d’euros sur la ligne « Variation du compte courant du Trésor et divers ») et par une variation nette négative des BTF (– 29,1 milliards d’euros).

Enfin, il faut signaler le montant légèrement supérieur aux prévisions des amortissements de dettes reprises par l’État (2,8 milliards d’euros en exécution), sous l’effet :

– du remboursement d’une dette du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA), en application de l’article 11 de la loi de finances rectificative pour 2005 (pour 2,5 milliards d’euros) ;

– de l’amortissement d’une partie des dettes reprises de l’Entreprise minière et chimique (EMC), conformément à l’article 133 de la loi de finances pour 2006 (pour 300 millions d’euros).

Au total, la dette négociable de l’État a atteint 876,6 milliards d’euros l’année dernière. En y ajoutant la dette non négociable et les autres emprunts, la dette de l’État s’est élevée à 878,2 milliards d’euros en 2006, soit 49 % du PIB.

L’ENCOURS DE LA DETTE DE L’ÉTAT EN 2006

(en milliards d’euros)

1. Dette négociable (en valeur nominale)

876,59

OAT

609,91

BTAN

200,43

Sous-total Dette à moyen et long terme

810,34

BTF

66,25

2. Dette non négociable (a)

0,29

3. Autres emprunts (a)

1,29

Total Dette de l’État

878,17

(a) Au sens du Compte général de l’État.

 

Prog. 2007
(oct. 2006)

Prog. 2007
(déc. 2006)

I.- Besoin de financement

   

Déficit budgétaire

42

42

Amortissement de la dette à long terme

32,5

31,9

Amortissement de la dette à moyen terme

40,3

37,2

Amortissement des engagements de l’État

0,1

Total Besoin de financement

114,9

111

II.- Ressources de financement

   

Émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)……...

106,5

102,5

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

8,1

8,1

Variation nette des titres à court terme

+ 12

+ 24,5

Variation des dépôts des correspondants

– 4,2

– 8,4

Variation du compte courant du Trésor et divers

– 7,5

– 15,9

Total Ressources nettes de financement

114,9

111

La première colonne présente le programme prévisionnel, tel qu’il figure à l’article d’équilibre (article 52) de la loi de finances pour 2007. La seconde colonne présente le programme officiel de financement, publié en décembre 2006. Celui-ci diffère toujours légèrement du premier, notamment pour tenir compte des rachats de titres d’échéance n+1 réalisés au dernier trimestre de l’année : en l’espèce les amortissements de 2007 ont été revus à la baisse de 3,8 milliards d’euros. Toutefois, d’importants changements ont également affecté la répartition des ressources de financement à court terme, sans d’ailleurs que votre Rapporteur spécial ait pu obtenir d’éclaircissements sur ce point : l’évolution du compte courant du Trésor en 2007 serait moins favorable que prévu, obligeant à un recours accru aux émissions de BTF (dont l’encours progresserait de 24,5 milliards d’euros, au lieu de 12 milliards d’euros dans la première version du programme de financement).

Le 27 septembre dernier, la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi a décidé de réviser à la baisse le programme de financement à moyen et long terme, afin de « tenir compte notamment des recettes fiscales supplémentaires et de la révision à la baisse du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne ». Le programme d’émission de BTAN et d’OAT net des rachats a ainsi été réduit de 5 milliards d’euros par rapport au programme officiel et ramené à 97,5 milliards d’euros. Il est regrettable que, au contraire de l’année dernière, un tableau de financement actualisé n’ait pas été rendu public, notamment pour permettre de vérifier que cette réduction est bien la conséquence d’une diminution du besoin de financement de l’État, non de l’augmentation d’autres ressources de financement à plus court terme. Une telle actualisation paraît d’autant plus souhaitable que, désormais, le Parlement vote sur le tableau de financement figurant à l’article d’équilibre de la loi de finances de l’année.

Au 30 septembre dernier, 86,4 milliards d’euros de dette à moyen et long terme nette des rachats avaient été émis par l’AFT, soit près de 89 % du programme total. Puisque, comme de coutume, aucune adjudication n’a lieu au mois de décembre, deux mois subsistent pour réaliser le reste du programme. Cette « avance » calendaire prise par l’AFT lui permet de réduire le niveau de ses émissions ou de mettre en œuvre des rachats, lui offrant la possibilité de s’adapter à la situation du marché.

D’un point de vue plus « qualitatif », les émissions de 2007 ont été marquées par l’émission en mars, par syndication, de la nouvelle obligation de référence de maturité 30 ans indexée sur l’inflation de la zone euro (OAT€i 25 juillet 2040). Cette obligation, placée à hauteur de 4 milliards d’euros, est aujourd’hui le titre de dette souveraine indexé sur l’inflation de plus longue maturité dans la zone euro.

Plus généralement, la demande des investisseurs pour les titres indexés sur l’inflation est d’ailleurs demeurée forte ces derniers mois (35). L’encours des lignes existantes a été augmenté et l’AFT a consacré l’année dernière 17,5 % de son programme d’émissions à moyen et long terme aux OATi et aux OAT€i, soit davantage que le minimum de 10 % qu’elle avait annoncé au marché. En 2007, la proportion devrait être comparable, 15 milliards d’euros ayant été émis au 30 septembre. Du point de vue de l’État, ces titres augmentent la variabilité de la charge de la dette indexée, tout en produisant parallèlement un effet de « lissage » de la charge globale : en phase haute du cycle économique, le service de la dette indexée est généralement plus élevé et vient limiter les gains budgétaires provenant de meilleures rentrées fiscales ; en bas de cycle, le creusement du déficit budgétaire est partiellement compensé par l’amoindrissement de la charge de la dette indexée.

Quant au financement à court terme, il devrait être légèrement moins important en 2007 que ce que prévoyait le programme de financement officiel, qui tablait sur une augmentation de l’encours de BTF de 24,5 milliards d’euros, soit un total en fin d’année de 90,7 milliards d’euros. Au 30 septembre dernier, cet encours était de 89 milliards d’euros et, selon les informations communiquées à votre Rapporteur spécial, devrait décroître pour s’établir aux alentours de 80 milliards d’euros à la fin 2007, en l’état actuel des prévisions.

D’une manière plus générale, le financement de l’État pour 2007 se déroule dans des conditions nettement moins favorables que l’année dernière, du fait :

– d’une croissance économique atone, aboutissant à ce que la prévision de déficit pour 2007, même dans sa version révisée à 38,3 milliards d’euros, soit supérieure au déficit constaté en 2006 (35,7 milliards d’euros (36)) ;

– d’une absence de marge de manœuvre significative sur la mobilisation de la trésorerie : l’abaissement drastique du niveau du compte du Trésor en fin d’année dernière apparaît bien, de ce point de vue, comme une mesure « à un coup » (37) ;

– d’un niveau de recettes de cessions d’actifs sans commune mesure avec celui de 2006. Après l’affectation au désendettement de l’État de 13 milliards d’euros de recettes l’année dernière, la loi de finances initiale pour 2007 ne prévoit que 3,7 milliards d’euros cette année. Encore est-il loin d’être acquis que ce montant pourra effectivement être atteint : à l’heure actuelle, seul le produit de la vente en juin dernier de 5 % du capital de France Télécom, soit 2,7 milliards d’euros, a été affecté au désendettement – en l’occurrence à l’ERAP en vue du remboursement d’une première tranche de ses emprunts obligataires contractés en 2003 au titre du renforcement des fonds propres de France Télécom (38).

En 2008, en dépit d’un déficit prévu en légère baisse (41,8 milliards d’euros à l’issue du vote de la première partie du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale), le besoin de financement de l’État serait sensiblement plus important qu’en 2007, du fait d’amortissements massifs de titres arrivant à échéance, dont le montant serait supérieur à 100 milliards d’euros, soit près de 34 milliards d’euros de plus que cette année.

Le remboursement d’autres engagements de l’État ne jouerait que plus marginalement, à 0,4 milliard d’euros, correspondant à des échéances de dettes reprises par l’État en 2007 (Entreprise minière et chimique) et en 2008 (Charbonnages de France) (39).

Le graphique ci-dessous invite à constater l’évolution des deux principales composantes du besoin de financement depuis 1998, en particulier les amortissements très importants attendus l’année prochaine.

STRUCTURE DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT (1998-2008)

(en milliards d’euros)

Ce besoin de financement de l’État serait couvert :

– pour 119,5 milliards d’euros par les émissions de dette à moyen et long terme (nettes des rachats), soit un montant sensiblement plus élevé qu’en 2007 ;

– pour 3,7 milliards d’euros par l’annulation de titres par la Caisse de la dette publique, bénéficiaire à cette fin de recettes de privatisations (40) ;

– pour 22,4 milliards d’euros par l’augmentation du stock de dette à court terme. Le niveau de l’encours de BTF est notamment déterminé par le niveau du compte du Trésor visé au 31 décembre 2008, afin de faire face aux toujours importantes perspectives d’amortissements de dette à moyen terme en janvier de l’année suivante (en l’occurrence l’arrivée à échéance d’un BTAN d’une valeur nominale de 16,3 milliards d’euros) ;

– pour 2,1 milliards d’euros par des ressources diverses, notamment une diminution du compte du Trésor. En sens inverse, différents retraits sur le compte par des correspondants du Trésor (notamment l’ERAP) pèseraient sur les ressources de financement à hauteur de 2,7 milliards d’euros.

TABLEAU PRÉVISIONNEL DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT EN 2008

(en milliards d’euros)

 

PLF 2008
(version initiale)

PLF 2008
(texte adopté par l’AN)

I.- Besoin de financement

   

Déficit budgétaire

41,7

41,8

Amortissement de la dette à long terme

41,3

41,3

Amortissement de la dette à moyen terme

61,5

61,5

Amortissement des engagements de l’État

0,4

0,4

Total Besoin de financement

144,9

145,0

II.- Ressources de financement

   

Émissions à moyen et long terme (nettes des rachats)……......

119,5

119,5

Annulation de titres par la Caisse de la dette publique

3,7

3,7

Variation nette des titres à court terme

+ 22,3

+ 22,4

Variation des dépôts des correspondants

– 2,7

– 2,7

Variation du compte courant du Trésor et divers

+ 2,1

+ 2,1

Total Ressources nettes de financement

144,9

145,0

Ces modalités de financement sont quelque peu atypiques. Traditionnellement, en effet, les émissions de dette à moyen et long terme nettes des rachats ont vocation à couvrir les amortissements de dette à moyen et long terme, ainsi que le déficit budgétaire. Quant à la variation nette du solde du compte du Trésor, elle a habituellement vocation à couvrir les variations des émissions de BTF et des dépôts des correspondants. L’AFT a cependant indiqué à votre Rapporteur spécial que « compte tenu du montant des amortissements de dette à moyen et long terme en 2008 et 2009 (conséquence en particulier des déficits passés de 2003 et 2004), cette règle doit être modulée, afin d’éviter un ressaut brutal du programme d’émission à moyen et long terme qui pourrait dégrader les conditions de financement de l’État ».

On mesure ainsi très concrètement les dégâts collatéraux que peut causer l’effet « boule de neige » de l’endettement, qui oblige à accroître les financements à court terme (c’est-à-dire les émissions de BTF), pourtant plus exposés à l’évolution des taux, afin de limiter – autant que faire se peut – l’augmentation des émissions de dette à moyen et long terme.

C’est d’ailleurs ce qui explique que le plafond de variation de la dette négociable soumis au vote du Parlement s’établisse à « seulement » 16,7 milliards d’euros (41), soit un montant nettement inférieur aux 33,7 milliards d’euros de 2007, année au cours de laquelle les amortissements sont pourtant plus faibles. C’est l’une des conséquences de l’article 34 de la LOLF, aux termes duquel le vote du Parlement porte sur la seule dette négociable dont la durée de vie à l’émission est supérieure à un an, c’est-à-dire les OAT et les BTAN.

PRÉVISIONS DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT POUR 2008

(en milliards d’euros)

N.B. : pour des raisons de lisibilité du graphique, ne sont représentés ni l’amortissement des dettes reprises par l’État (0,4 milliard d’euros), ni les variations du compte du Trésor (+ 2,1 milliards d’euros) et des dépôt des correspondants (– 2,7 milliards d’euros).

Comme de coutume, ce programme de financement sera ajusté dans les prochaines semaines puis officialisé à la fin de l’année. D’ici là, la politique de rachats de titres menée par l’AFT se poursuit, afin notamment de limiter la hausse des amortissements obligataires en 2008. Au premier semestre, les rachats de gré à gré de titre d’échéance 2008 ont ainsi atteint 4,6 milliards d’euros en valeur nominale.

Pour le responsable du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État, la charge d’intérêt annuelle – qui seule constitue une dépense budgétaire – apparaît très largement comme une contrainte exogène, sur laquelle il ne lui est possible d’agir qu’à la marge au moyen d’une gestion « active » de la dette.

Techniquement, votre Rapporteur spécial rappelle que le montant de la charge de la dette de l’État résulte des opérations retracées sur le compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État (42). Sur sa première section sont imputées les opérations relevant du service primaire des intérêts de la dette, à savoir le versement des intérêts échus (en dépenses) et l’encaissement des coupons courus ou des revenus tirés de la rémunération de la trésorerie (en recettes). Cette section est équilibrée par un versement du budget général, égal au montant des crédits du programme Charge de la dette et trésorerie de l’État (43). Conformément à l’article 113 de la loi de finances rectificative pour 2004, elle fait l’objet d’une autorisation de découvert évaluative, dont le montant est proposé pour 2008 à 15 milliards d’euros (article 34 et état E du présent projet), soit un niveau identique à ceux de 2006 et 2007.

La seconde section du compte de commerce retrace les opérations de gestion active de la dette via des produits financiers dérivés – c’est-à-dire les produits et les charges des opérations, autorisées en loi de finances, d’échange de devises ou de taux d’intérêt (swaps), d’achat ou de vente d’options ou de contrats à terme sur titres d’État. Dénuée d’impact sur le budget général, cette section fait l’objet d’une autorisation de découvert limitative, qui serait fixée l’année prochaine à 1,7 milliard d’euros, à l’instar de 2006 et de 2007.

Le tableau page suivante présente la composition de la charge de la dette pour 2007 et 2008.

LA COMPOSITION DE LA CHARGE DE LA DETTE EN 2007 ET 2008

(en millions d’euros)

 

LFI 2007

PLF 2008

DETTE NÉGOCIABLE

 

 

Intérêts des BTF

3 017,9

4 008,9

Intérêts des BTAN

7 121,8

7 354,3

Intérêts des OAT (hors OAT indexées)

27 104,4

26 294,7

Intérêts des OAT indexées

3 020,4

3 318,3

Charge d’indexation du capital des OAT indexées

1 696,5

2 161,7

Frais et commissions

24

24

Intérêts sur autres dettes reprises par l’État

16

145

Intérêts couverture des risques

Intérêts appels de marge

Total charge brute de la dette négociable

42 001,1

43 306,8

DETTE NON NÉGOCIABLE

   

Charge d’intérêts

6

6

Intérêts sur autres dettes reprises par l’État

Total charge brute de la dette non négociable

6

6

GESTION DE LA TRÉSORERIE

   

Trésorerie : comptes de dépôts des correspondants

336,6

706,3

Trésorerie : intérêts des emprunts et mises en pension

Total charge brute gestion de la trésorerie

336,6

706,3

Charge brute de la dette

42 343,6

44 019,1

À déduire : Recettes en atténuation de la charge de la dette

3 152,6

3 223,1

Coupons courus des OAT et des BTAN

2 627

2 237,1

Commissions OAT aux personnes physiques

Couverture des risques

Rémunération compte Trésor à la Banque de France

2,6

5,4

Rémunération prêts court terme et pensions sur titres

523

980,6

Charge nette de la dette avant swaps

39 191

40 796

À déduire : solde des opérations de gestion active de la dette (A – B)

+ 267

+ 232,8

A. Recettes :

1 855

 1 985

dont Intérêts perçus au titre des swaps

1 820

1 950

dont Rémunération des appels de marge sur swaps

35

35

B. Dépenses :

1 588

1 752,3

dont Intérêts payés au titre des swaps

1 553

1 717,3

dont Intérêts des appels de marge sur swaps

35

35

Charge nette de la dette après swaps

38 924

40 563,2

● En 2006, la charge nette de la dette de l’État a atteint 38,9 milliards d’euros, hors effet des opérations de swaps. La justification au premier euro (JPE) figurant dans le rapport annuel de performances (RAP) annexé au projet de loi de règlement comporte les éléments essentiels déterminant l’évolution de cette charge : contexte économique et financier d’une part, contexte budgétaire d’autre part. Ces éléments sont assez succincts, ce qui ne pose pas de difficulté pour l’année 2006 à l’issue de laquelle la dépense a été en ligne avec la prévision (à 0,2 % près), mais votre Rapporteur spécial attendrait des informations plus développées en cas de décalage prononcé avec la loi de finances initiale.

L’articulation de ce programme avec le compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État mériterait également d’être mieux explicitée dans le RAP. Ce n’est en effet qu’au terme d’une lecture particulièrement attentive que l’on peut comprendre que si le versement du budget général en recette du compte spécial (38 941,3 millions d’euros) n’est pas égal aux crédits consommés sur le programme (38 945,8 millions d’euros), c’est en raison d’ « écritures saisies à tort par un comptable du réseau ». Le montant exact de la charge de la dette avant swaps en 2006 – 38 941,3 millions d’euros – n’est donc pas suffisamment mis en évidence dans le RAP.

Quoiqu’il ne s’agisse pas d’une obligation figurant dans la LOLF, il est également dommage que le RAP ne fournisse aucune information actualisée sur l’exécution 2007 (crédits consommés à la dernière date disponible et, surtout, prévision d’exécution sur l’ensemble de l’exercice).

On doit aussi regretter que la JPE soit dépourvue de justification par action : ne sont donc aucunement expliqués les écarts à la prévision des deux actions Dette non négociable (4,5 millions d’euros dépensés (44) au lieu de 30 millions d’euros de crédits initiaux) et Trésorerie de l’État (consommation de crédits nulle du fait de recettes supérieures aux dépenses). Par exemple, il aurait été souhaitable de justifier les plus-values de recettes de trésorerie, permises par l’augmentation des taux d’intérêt et par un comportement de dépôt des correspondants du Trésor nettement plus dynamique que prévu.

● Pour 2007, la charge de la dette de l’État (avant swaps) devrait s’établir à 39,2 milliards d’euros d’après la loi de finances initiale. Pourtant, il est probable que ce montant sera dépassé en exécution, du fait notamment de la hausse des taux d’intérêt au cours de l’année.

Ainsi, en réponse à une question posée cet été par votre Rapporteur spécial, l’AFT a estimé que la hausse des taux d’intérêt intervenue au premier semestre 2007 (soit un écart de plus de 50 points de base sur les taux à 3 mois et de plus de 30 points de base sur les taux à 10 ans) (45) entraînait un surcoût sur la charge de la dette négociable de plus de 250 millions d’euros.

IMPACT DE L’ÉVOLUTION DES TAUX SUR LA CHARGE DE LA DETTE EN 2007

(estimation à la mi-août 2007, en millions d’euros)

OAT et BTAN à taux fixe (a)

OAT TEC 10 (b)

13

BTF

246

Total

259

(a) Hypothèse de neutralité de la hausse des taux en année n, les recettes de coupons courus équilibrant en quasi-totalité les intérêts versés supplémentaires.

(b) OAT à taux variable, pour lesquelles les fluctuations de taux sont intégrées au bout de 3 mois.

Source : AFT.

Depuis, en dépit de plusieurs questions adressées au ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, votre Rapporteur spécial n’a pu obtenir aucune information récente sur la prévision d’exécution de la charge de la dette en 2007.

● Pour 2008, la charge nette de la dette augmenterait significativement par rapport à la loi de finances initiale pour 2007 : en hausse de 1,6 milliard d’euros (+ 4,1 %), elle atteindrait 40,8 milliards d’euros avant impact des opérations de swaps.

Cette très forte hausse par rapport à 2007 ne doit pas surprendre. En effet, la période de taux d’intérêt historiquement bas, qui permettait de compenser l’effet sur la charge d’intérêt annuelle de l’augmentation de l’encours de la dette, prend progressivement fin : l’ « effet taux » limite de moins en moins l’ « effet volume ». Ce dernier, de surcroît, sera particulièrement puissant dans les prochaines années, les amortissements de dette prévus jusqu’à 2010 étant très substantiels, du fait de l’accumulation des déficits passés. Dans ces conditions, la charge de la dette, qui avait pu être maintenue à moins de 40 milliards d’euros ces dernières années, pourrait atteindre 46 milliards d’euros à l’horizon 2010, soit une augmentation de plus de 2 milliards d’euros chaque année d’ici là.

VARIATION ANNUELLE DE LA CHARGE NETTE DE LA DETTE DE L’ÉTAT (avant swaps)

(données d’exécution avant 2007, en millions d’euros)

Sans surprise, les trois composantes de la charge de la dette connaîtraient en 2008 des évolutions très différentes.

Comme de coutume, la charge de la dette non négociable demeurerait négligeable. Dans l’hypothèse d’une stabilité du comportement de ses porteurs, le montant des intérêts se situerait à environ 6 millions d’euros en 2008, soit le même montant qu’en loi de finances pour 2007 (46).

À l’instar de 2007, la gestion de la trésorerie ne générerait aucune dépense du budget général en 2008. Les recettes tirées des placements d’excédents devraient en effet être supérieures de près de 280 millions d’euros aux charges de trésorerie – c’est-à-dire aux intérêts servis par l’État sur les comptes de dépôt au Trésor (évalués à 706 millions d’euros).

C’est donc la seule dette négociable qui explique l’évolution de la charge de la dette : la charge brute de la dette négociable atteindrait 43,3 milliards d’euros l’année prochaine, dont près de 32 milliards d’euros au titre des OAT (y compris la charge d’indexation du capital des obligations indexées sur l’inflation). L’augmentation de 1,7 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2007 découle :

– d’un « effet volume », lié au niveau élevé du besoin de financement de l’État en 2008 (47) ;

– d’un « effet taux » : la remontée des taux d’intérêt entraîne un écart, entre les hypothèses associées à la loi de finances pour 2007 et au projet de loi de finances pour 2008, de 80 points de base pour les taux à 3 mois et de 40 points de base pour les taux à 10 ans (48). Cet effet joue à plein sur la dette à court terme, dont l’encours augmente au demeurant, ce qui entraîne une forte augmentation de la charge d’intérêt des BTF, en hausse de près d’un milliard d’euros (+ 32,8 %).

HYPOTHÈSES DE TAUX D’INTÉRÊT RETENUES DANS LE PLF 2008

 

Taux à 3 mois

Taux à 10 ans

Fin 2007

4,4 %

4,4 %

Fin 2008

4,4 %

4,5 %

N.B. : Les hypothèses présentées dans le tableau ci-dessus ne constituent pas une prévision des choix à venir en matière de politique monétaire, et ne sauraient être interprétées comme une anticipation officielle de l’évolution des taux.

Votre Rapporteur spécial rappelle que les intérêts des BTF étant précomptés, le taux le plus approprié pour calculer la charge de la dette correspondante une année n est le taux à court terme prévu pour cette année n. Au contraire, pour les OAT et BTAN, la technique d’assimilation impose de percevoir à l’émission le montant du coupon couru depuis la date de versement du coupon précédent. Ainsi, les émissions de référence changeant tous les six mois, la charge brute des émissions d’une année est compensée à hauteur des trois quarts, environ, par les recettes de coupons courus encaissées cette même année. Dans ces conditions, la charge nette de la dette à moyen et long terme dépend, pour l’essentiel, du niveau des taux d’intérêt servis sur l’encours à moyen et long terme de l’année précédente.

Il convient également de tenir compte de l’impact de la reprise par l’État de la dette de Charbonnages de France (proposée à l’article 30 du présent projet de loi de finances), à l’issue de la dissolution de cet établissement au 31 décembre 2007. Le capital de la dette reprise s’élève à 2,4 milliards d’euros, composé exclusivement d’un emprunt obligataire en euros à amortir sur la période 2008-2013. Cet établissement étant une administration publique au sens de la comptabilité nationale, la dette publique ne s’en trouve pas augmentée. Les charges d’intérêts, quant à elles, représenteront pour l’État des dépenses de 470 millions d’euros au total, dont 100 millions d’euros dès 2008.

Enfin, pour déterminer la charge nette de la dette négociable, il convient de déduire de la charge brute les recettes de coupons courus, qui viennent en « atténuation » de cette charge. Par rapport à la loi de finances pour 2007, ces recettes diminueraient d’environ 390 millions d’euros l’année prochaine. La charge nette de la dette négociable atteindrait ainsi 41,1 milliards d’euros en 2008, en hausse de 4,3 % par rapport à la prévision initiale pour 2007.

Si, comme on l’a vu précédemment (49), le programme de swaps est interrompu depuis 2002, les contrats d’échange de taux d’intérêts « courts » initialement conclus sont en revanche toujours renouvelés, afin de conserver un certain volume d’encours et d’éviter une exposition de l’État à la volatilité des taux infra annuels. Durant l’année 2006 et le premier semestre 2007, 9,4 milliards d’euros de swaps de maturité 2 ou 3 ans ont ainsi été renouvelés. À l’inverse, l’encours du portefeuille de swaps a diminué fin 2006 du fait de l’arrivée à échéance de certains des swaps de maturité longue négociés à l’époque où le programme était actif. Au 30 juin dernier, l’encours total s’établissait à 40,5 milliards d’euros.

Les dépenses et recettes résultant de ces opérations sont, depuis 2006, retracées sur la seconde section du compte de commerce Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État. Les excédents qui en découlent peuvent être déduits de la charge nette de la dette, afin de disposer d’une vision plus exacte de cette dernière.

À la fin de l’année 2006, l’excédent était de 519 millions d’euros. En 2007, il pourrait s’établir à 233 millions d’euros, au lieu de 267 millions d’euros prévus en loi de finances initiale : la hausse des taux d’intérêt a conduit à renouveler les swaps courts à des taux plus élevés que ceux pris comme hypothèse à l’automne 2006. Le solde dégagé en 2008 devrait, quant à lui, se situer à un niveau proche de cette prévision actualisée, soit 232,8 millions d’euros. En conséquence, la charge nette de la dette après swaps atteindrait 40,6 milliards d’euros en 2008, en hausse de 1,6 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2007 (+ 4,2 %).

SYNTHÈSE DE LA CHARGE DE LA DETTE DE L’ÉTAT

(en millions d’euros)

 

LFI
 2006

Exécution 2006

LFI
2007

PLF
2008

Charge brute dette négociable

41 338

41 079

42 001

43 307

Charge brute dette non négociable

30

5

6

6

Charge brute gestion de la trésorerie

400

404

337

706

Total charge brute

41 768

41 487

42 344

44 019

Recettes d’ordre (à déduire)

2 740

2 546

3 153

3 223

Total charge nette dette (hors swaps)

39 029

38 941

39 191

40 796

Excédent opérations swaps (à déduire)

510

519

267

233

Total charge nette dette après swaps

38 519

38 423

38 924

40 563

Selon le Gouvernement, la dette publique (État, organismes divers d’administration centrale, administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale), serait stabilisée à 64,2 % du PIB à la fin de l’année 2007, soit un niveau inchangé par rapport à la fin 2006 (50). Elle décroîtrait ensuite légèrement en 2008, pour atteindre 64 % du PIB.

Les évolutions récentes de la dette publique sont cependant beaucoup moins favorables. Les données trimestrielles doivent certes être considérées avec précaution, la dette trimestrielle étant fondée sur des sources d’information moins directes que les comptes annuels (en particulier pour les administrations publiques locales et de sécurité sociale). Pour autant, les deux premiers trimestres de 2007 ont été marqués par une très forte progression de la dette publique (voir le graphique ci-dessous) : à la fin juin 2007, elle atteignait 1 216 milliards d’euros, soit approximativement 66,6 % du PIB, en augmentation de 1,2 point par rapport au trimestre précédent et de 2,4 points par rapport à la fin décembre 2006. La dette du seul État comptait pour 52 % de PIB au 30 juin 2007, après 51 % à la fin du premier trimestre et 49,8 % à la fin 2006.

ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE LA DETTE PUBLIQUE TRIMESTRIELLE

(en % du PIB)

N.B. : le PIB utilisé est la somme du PIB au cours des quatre derniers trimestres en données corrigées des variations saisonnières et des jours ouvrables.

Source : INSEE, Comptes nationaux trimestriels, calculs de votre Rapporteur spécial.

Ces évolutions rappellent que la baisse de 2,5 points de PIB du taux d’endettement public à la fin de l’année 2006 (à 64,2 %, après 66,7 % à la fin 2005) est la conséquence de facteurs à la fois ponctuels et exceptionnels. En particulier, l’ « optimisation » de la gestion de la trésorerie a joué pour environ 1,5 point de PIB dans cette réduction de l’endettement. Or, comme l’a fort bien expliqué le Directeur général de l’AFT, « la modification de la réalisation de la trésorerie réduit la taille du bilan de l’État : l’actif et le passif sont diminués simultanément. Elle n’a aucun effet sur la trajectoire de long terme et la soutenabilité des finances publiques françaises ni sur la valeur nette du patrimoine des administrations publiques » (51).

Dans ces conditions, il est pour le moins inquiétant de constater qu’au 30 juin 2007, l’endettement public a quasiment retrouvé son niveau « record » de la fin 2005 – niveau qui avait précisément motivé, quelques semaines plus tard, l’ « engagement national de désendettement » pris par le Gouvernement (52).

D’un point de vue plus « qualitatif », il convient également de demeurer vigilant quant à l’évolution de la part de la dette publique détenue par des investisseurs étrangers. Selon les données de la Banque de France, 61,1 % de la dette négociable de l’État était détenue par des non-résidents à la fin juillet 2007. Cette part croît régulièrement, ainsi qu’en atteste le tableau ci-dessous.

PART DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT DÉTENUE
PAR DES INVESTISSEURS NON-RÉSIDENTS

(au 31 décembre, en % du total des encours)

 

BTF

BTAN

OAT

Total

2003

56,7 %

70,0 %

39,7 %

48,1 %

2004

64,5 %

71,8 %

45,1 %

52,7 %

2005

71,6 %

72,7 %

49,7 %

56,5 %

2006

69,5 %

73,5 %

53,2 %

58,9 %

Source : AFT.

Cet accroissement ne doit pas inquiéter outre mesure : il permet d’apporter à l’État une certaine sécurité de refinancement face aux éventuels chocs de marché et de limiter l’effet d’éviction au plan domestique, en libérant davantage l’épargne nationale pour le financement des entreprises.

Pour autant, la France se trouve dans une position de plus en plus dépendante de l’extérieur. À cet égard, il est dommage qu’aucune donnée totalement fiable sur la nationalité de détenteurs de la dette française ne soit disponible. Une enquête récente du Fonds monétaire international tend néanmoins à montrer qu’un peu plus de la moitié des obligations françaises (obligations d’État, mais aussi d’autres émetteurs français) sont détenues par des investisseurs situés en dehors de la zone euro. L’AFT ne manque d’ailleurs pas de faire savoir qu’en 2006 et 2007 ses responsables se sont déplacés aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-est, en Chine et au Japon pour tirer parti de l’intérêt des investisseurs de ces zones pour les titres financiers en euro. Il serait appréciable que le Parlement puisse bénéficier d’informations plus précises sur la répartition géographique des détenteurs de la dette française.

II.– LE PROGRAMME APPELS EN GARANTIE DE L’ÉTAT

Placé sous la responsabilité du directeur général du Trésor et de la politique économique, le programme Appels en garantie de l’État retrace les dépenses budgétaires découlant de la mise en jeu de la garantie de l’État. Conformément à l’article 10 de la LOLF, ses crédits sont évaluatifs.

Le rapport annuel de performances (RAP) joint au projet de loi de règlement du budget 2006 confirme les limites de l’application de la logique de performance à l’égard de garanties dont l’octroi est extérieur à la volonté du responsable de programme et dont l’efficacité doit en réalité « être évaluée à la lumière de la politique sectorielle qui la sous-tend », ainsi que le souligne le bilan stratégique pour 2006.

C’est ce qui explique que, dans les documents budgétaires, seule l’action Développement international de l’économie française soit véritablement évoquée par le responsable de programme, au motif que la DGTPE exerce sur celle-ci « une action directe et continue ». C’est d’ailleurs la seule action à faire l’objet d’objectifs (au nombre de trois) et d’indicateurs (au nombre de quatre).

L’analyse des résultats de l’indicateur n° 1.1 fournit des informations intéressantes sur l’évolution des risques pesant sur les procédures d’assurance-crédit, mais faute de renseignement de l’indicateur en prévision dans le PAP 2006, il est difficile de porter un jugement sur la performance en gestion.

La même remarque vaut pour l’indicateur n° 2.1 de position nette réévaluée de la COFACE (49 millions d’euros en 2006), qui était dépourvu de cible dans le PAP 2006.

Enfin, si le taux de retour de l’assurance prospection est supérieur à la prévision, son effet de levier est moindre qu’attendu. Le ratio entre les exportations générées par les prospections et les indemnités versées par l’État aux entreprises n’a en effet atteint que 16,5 % en 2006 (1 euro versé génère 16,45 euros d’exportations), à comparer à une prévision de 20 % et à une réalisation en 2005 de 15,6 %. L’analyse des résultats figurant dans le RAP pointe les limites de cet indicateur – qui a tendance à sur-pondérer les anciens dossiers et donc à minorer les performances les plus récentes – mais laisse dans l’expectative quant aux enseignements à en tirer : faudrait-il supprimer l’indicateur ? L’améliorer ? Neutraliser certains biais de lecture ? etc.

Pour 2008, le PAP joint au présent projet de loi de finances confirme la plupart des objectifs précités, en ajustant certains d’entre eux. À première vue, certaines cibles fixées pour 2008 peuvent apparaître insuffisamment ambitieuses, car identiques aux prévisions actualisées pour 2007 : aucun progrès n’est donc envisagé entre 2007 et 2008 sur le nombre d’entreprises bénéficiaires d’une garantie de change, sur l’effet de levier de l’assurance prospection et sur le taux de retour en fin de période de garantie. Il conviendrait, à tout le moins, que les commentaires associés aux indicateurs justifient de la valeur des cibles ainsi retenues. A fortiori est-on en droit d’attendre du responsable de programme qu’il explique la révision à la baisse des objectifs 2007 : par exemple, ce sont 120 entreprises qui bénéficieraient d’une garantie de change de la COFACE, au lieu de 147 entreprises comme prévu initialement.

Action

Agriculture et environnement

Soutien au domaine social, logement, santé

Financement des entreprises et industrie

Développement international de l’économie française (a)

Autres garanties

Total

2005

Encours

52,5

5 624,8

12 943,8

43 160

6 216,2

24 837,3

Crédits initiaux

0,6

0,8

63

61

125,4

Dépenses

0,1

52,5

50,8

284

387,4

2006

Encours (b)

51,1

43 606,4

12 609,8

45 790

4 865,6

61 132,9

Crédits initiaux

0,6

5,3

64

51

163

283,9

Dépenses

1,2

54

0,2

210,5

265,9

2007

Encours 

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

Crédits initiaux

5,5

24

32

52

179,1

292,6

Dépenses (c)

20,9

13

83,4

117,4

2008

Encours 

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

n.d.

Crédits initiaux

2,5

24,4

16

52

192,8

287,7

Dépenses 

(a) Encours gérés par la COFACE, non pris en compte dans la colonne « Total ».

(b) Après reprise des passifs éventuels du FGAS à compter du 1er janvier 2006.

(c) Au 31 août 2007.

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi.

En 2006, les dépenses du programme Appels en garantie de l’État ont atteint 265,9 millions d’euros. Celles-ci sont explicitées dans la justification au premier euro du RAP 2006, à laquelle deux reproches peuvent néanmoins être adressés.

D’une part, lorsque des crédits n’ont pas été consommés (0,6 million d’euros sur l’action Agriculture et environnement ; 51 millions d’euros sur Développement international de l’économie française (53)) ou ont été sous-consommés (4,1 millions d’euros sur Soutien au domaine social, logement, santé ; 10 millions d’euros sur Financement des entreprises et industrie), on attendrait du RAP qu’il précise :

– que ces crédits ont été redéployés à d’autres fins. En l’occurrence, 47,5 millions d’euros ont été mobilisés au profit de l’action Autres garanties, qui a notamment dû assurer l’indemnisation imprévue de Natixis pour des annulations de dettes du Nigéria et de la Zambie (pour environ 40 millions d’euros) ;

– que le solde, soit 18 milliards d’euros, est annulé en loi de règlement.

D’autre part, la justification au premier euro du RAP 2006 souffre d’un manque global de précision. Il conviendrait de rappeler systématiquement les hypothèses sous-tendant la prévision de dépense (par exemple, lorsque cela est possible, en distinguant un « effet volume » et un « effet prix »), de les confronter aux réalisations effectives et d’expliquer le décalage entre le deux (à quoi est-il dû ? Est-il exceptionnel ou amené à se reproduire ? etc.).

En outre, les dépenses budgétaires ne constituant que la « partie émergée » de l’État garant, votre Rapporteur spécial considère que les documents budgétaires devraient être enrichis d’éléments d’information sur le montant des encours garantis et sur les principaux risques identifiés à court et moyen termes.

Les dépenses les plus significatives sur cette action concernent les prêts à l’accession sociale (PAS) et les prêts à taux zéro (PTZ) antérieurs à 2007, engagements pris en charge jusqu’à 2006 par la société chargée de gérer le Fonds de garantie de l’accession sociale à la propriété (FGAS).

Votre Rapporteur spécial rappelle que l’article 34 de la loi de finances pour 2006 a organisé la prise en charge par l’État de la totalité des engagements antérieurement souscrits par cette société, les disponibilités du FGAS au 31 décembre 2005 étant corrélativement reversées en totalité au budget de l’État. Désormais, ce dernier indemnise donc les établissements de crédit en fonction des sinistres constatés et non plus par le versement d’une cotisation annuelle à un fonds.

Cette réforme entraîne deux types de dépenses sur l’action Soutien au domaine social, logement, santé :

– l’indemnisation des sinistres des prêts PAS et PTZ des générations 1993 à 2006, soit un encours au 31 décembre 2006 estimé à 36,3 milliards d’euros. En 2008, la dépense serait limitée à 2,5 millions d’euros (soit la même prévision qu’en loi de finances pour 2007 et 1,5 million d’euros de plus qu’en 2006), du fait des conditions strictes d’octroi des prêts garantis par l’État et du dynamisme du marché immobilier ;

– le remboursement d’une créance conditionnelle des établissements de crédit d’un montant total de 100 millions d’euros, réparti entre chacun d’eux. Le remboursement effectif de cette créance est conditionné, pour chaque établissement, au maintien de la sinistralité constatée sur les prêts repris par l’État à une valeur inférieure au plafond de malus, tel qu’il résulte des conventions en vigueur. Le montant annuel du remboursement est égal au cinquième de la créance totale, soit 20 millions d’euros. S’y ajoutent des intérêts, qui s’élèvent à 1,5 million d’euros en 2008, portant la dépense totale à 21,5 millions d’euros (54).

RÉPARTITION DU MONTANT DE LA CRÉANCE CONDITIONNELLE

(en milliers d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

Total

Principal

20 000

20 000

20 000

20 000

20 000

100 000

Intérêts

903,7

1 543,4

2 202,6

2 882

3 582,2

11 114,9

Total

20 903,7

21 543,4

22 202,6

22 882

23 582,2

111 114,9

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi.

En ajoutant, les dépenses liées aux prêts de consolidation consentis aux rapatriés (300 000 euros) et à la garantie donnée par l’État au Crédit foncier de France et à Entenial au titre des prêts complémentaires aux fonctionnaires (50 000 euros), les dépenses totales sur l’action Soutien au domaine social, logement, santé atteindraient 24,4 millions d’euros en 2008, après 24 millions d’euros en loi de finances pour 2007.

Cette action regroupe des crédits consacrés aux garanties afférentes à l’exportation. Elle se compose de six sous-actions, chacune correspondant à un instrument mis par l’État à la disposition des exportateurs. À l’exception de la garantie de change qui relève de Natixis, l’ensemble de ces procédures de garantie sont gérées par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (COFACE).

Il faut en effet rappeler que la COFACE exerce à la fois des activités pour son compte propre (assurance crédit, information commerciale, recouvrement de créances) et des activités pour le compte de l’État. À l’occasion de la certification des comptes de l’État de 2006, la Cour des comptes a d’ailleurs émis une réserve à propos du traitement des opérations de la COFACE effectuées avec la garantie de l’État. Le compte « État » auprès de la COFACE, dont le bilan s’établit à la fin 2005 à 17 milliard d’euros, n’a en effet pas été intégré dans le compte général de l’État, alors même que ce dernier, selon la Cour, « exerce un contrôle effectif sur la gestion des procédures et effectue chaque année au profit du budget général un prélèvement sur le solde de trésorerie » (55).

Interrogé par votre Rapporteur spécial sur ce point, le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi considère au contraire qu’au regard de la loi ce compte retrace les opérations de la COFACE, et non celles de l’État : « L’État n’est pas assureur, mais garantit la COFACE qui tient ce rôle d’assureur. Ainsi, les polices d’assurance sont signées entre les assurés et la COFACE, et sont soumises au droit commercial et non au droit administratif. La Direction générale du trésor et de la politique économique s’est engagée sur plusieurs points pour répondre à la réserve de la Cour des comptes, afin de pouvoir faire lever cette réserve. Des travaux sont actuellement en cours pour mettre en œuvre ces engagements (notamment sur une meilleure présentation des comptes de ces activités dans les comptes de la COFACE) ».

CRÉDITS DE L’ACTION DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
DE L’ÉCONOMIE FRANÇAISE

(en millions d’euros)

 

2006

LFI
2007

PLF
2008

 

LFI

Exécution

Assurance crédit

Assurance prospection

31

32

36

Risque de change

Risque économique

20

20

16

Stabilisation de taux d’intérêt

Risque exportateur

Total action (a)

51

52

52

(a) En 2006, la consommation réelle a été nulle (le RAP 2006 indique une dépense de 0,2 million d’euros du fait d’une erreur d’imputation comptable).

Le tableau ci-avant présente les crédits consacrés à l’action Développement international de l’économie française de 2006 à 2008 et permet de conclure à leur très grande stabilité.

Votre Rapporteur spécial prend soin de préciser que l’absence de dépense en 2006 n’est qu’ « optique » : les nouvelles règles relatives à la période complémentaire fixées par le décret n° 2007-687 du 4 mai 2007 ne permettant plus les règlements réciproques (56), la régularisation des comptes entre l’État et la COFACE au titre de l’année 2006 interviendra sur les crédits de l’année 2007
– pour un montant de 40,7 millions d’euros : 29,3 millions d’euros au titre de l’assurance prospection et 11,4 millions d’euros au titre de la garantie du risque économique.

● L’assurance crédit couvre un exportateur (assurance crédit fournisseur) ou sa banque (assurance crédit acheteur) contre le risque de défaut de remboursement d’un crédit à l’exportation.

Depuis 1995, l’assurance crédit présente un solde excédentaire et ne suscite donc plus de dépense budgétaire. Le montant des récupérations par la COFACE dépasse en effet les indemnités versées, ce qui permet d’ailleurs à l’État de mettre la COFACE à contribution pour abonder ses propres recettes (57). Par exemple, 2 milliards d’euros ont été prélevés en 2006. Compte tenu des prochains résultats attendus à la fin de cette année (excédentaires d’environ 7,5 milliards d’euros), l’État a relevé à 2,9 milliards d’euros son prélèvement pour 2007 et pour 2008. À cet égard, il serait sans doute judicieux de suivre la recommandation de la Cour des comptes, tendant à l’édiction de règles encadrant les conditions dans lesquelles des prélèvements peuvent être opérés sur ce type de trésoreries (58).

RÉSULTAT COMPTABLE DES PROCÉDURES COFACE

(en millions d’euros)

 

2002

2003

2004

2005

2006

I. Produits

         

Récupérations

1 201

1 524

1 806

2 982

5 558

Primes

299

241

216

155

206

II. Charges

         

Indemnités reçues par les assurés

925

485

384

254

87

Frais de gestion et divers

– 34

80

104

122

89

Variation de trésorerie

609

1 200

1 534

2 761

5 588

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l’emploi.

En 2005 et 2006, le résultat comptable de la COFACE a fortement augmenté, atteignant 5,6 milliards d’euros l’année dernière, du fait de très importantes récupérations, permises par des traitements en Club de Paris en contrepartie d’abandons de créances. Toutefois, il s’agit essentiellement de remboursements anticipés, qui limiteront d’autant les récupérations des années à venir.

● Gérée elle aussi par la COFACE, l’assurance prospection a pour objet, d’une part, de couvrir les dépenses de prospection des entreprises recherchant de nouveaux marchés (moyennant le paiement d’une prime) et, d’autre part, de couvrir les frais engagés dans la participation à une manifestation commerciale agréée. La présentation « stratégique » du responsable de programme indique qu’en 2006 plus de 1 100 nouveaux contrats d’assurance prospection ont été signés et qu’à l’heure actuelle 1 400 entreprises sont concernées par des contrats en cours de garantie ou d’amortissement.

Le présent projet prévoit une dépense de 36 millions d’euros à ce titre, soit 4 millions d’euros de plus qu’en loi de finances pour 2007. Cette augmentation résulte d’une légère dégradation du solde entre les indemnisations et les récupérations et primes.

● La garantie de change offre une protection contre la baisse éventuelle des devises de facturation des exportations. Elle permet de couvrir le risque de change auquel les exportateurs français font face lors d’appels d’offres internationaux concurrentiels (entre la remise d’une offre et la signature éventuelle du contrat, puis pendant la période de paiement). Cette procédure fonctionne selon un impératif de gestion à l’équilibre et sans coût budgétaire pour l’État, à l’exception de 2005 où une dépense exceptionnelle de 10,5 millions d’euros a été enregistrée, du fait d’opérations de couverture insuffisantes. Pour 2008, les couvertures mises en place sur les marchés financiers offrent actuellement des prévisions excédentaires.

● La garantie du risque économique a pour objet de couvrir les entreprises contre la dérive de leurs prix de revient dans les marchés d’exportation conclus à prix fermes ou à prix révisables plafonnés et relatifs à la fourniture d’équipements élaborés.

Du fait de la baisse de l’inflation et, partant, de l’absence de nouveaux bénéficiaires, l’encours garanti diminue sans discontinuer depuis plusieurs années. Compte tenu des engagements antérieurs, les crédits relatifs à cette action seraient de 16 millions d’euros en 2008, soit 4 millions d’euros de moins qu’en loi de finances pour 2007.

● La garantie de taux d’intérêt de crédits à l’exportation constitue l’une des missions que Natixis assure pour le compte de l’État (59). Elle permet de proposer à un emprunteur étranger, au moment de l’offre d’un contrat commercial, un taux fixe défini par les autorités françaises selon les règles de l’« arrangement OCDE » (60) sur les crédits à l’exportation. Natixis prend en charge
– ou reçoit – le différentiel entre le taux du crédit et le coût de la ressource bancaire, majoré d’une marge définie par l’État. En outre, Natixis peut procéder à la mise en place d’opérations de couverture du risque de taux, afin de constituer un portefeuille de swaps « payeurs » annulant le risque supporté par l’État qui est engagé dans des flux opposés.

À l’instar de ces dernières années, aucun crédit n’est prévu à ce titre pour 2008, du fait de prévisions excédentaires quant aux couvertures mises en place sur les marchés financiers.

● La garantie du risque exportateur, sixième sous-action introduite à compter de 2008, regroupe deux garanties créées en 2005 et 2006 :

– la garantie des cautions permet à un exportateur d’honorer un contrat à l’international en lui fournissant, à hauteur de 60 % en général et de 80 % pour les PME, les cautions de bonne fin et de restitution d’acomptes exigées par l’acheteur ;

– la garantie des préfinancements, qui couvre un prêt consenti par une banque pour financer le lancement d’un contrat d’exportation.

Selon le PAP, ces deux garanties ne nécessitent aucun crédit, l’année 2006 s’étant terminée avec un excédent de trésorerie de plus d’un million d’euros, constitué de primes perçues alors qu’aucun sinistre n’avait été déploré.

À titre de synthèse, le tableau ci-après présente les encours garantis par les procédures de garanties précédemment décrites (hors risque exportateur).

ENCOURS GARANTIS PAR LES PROCÉDURES COFACE

(en millions d’euros)

Sous-action

2002

2003

2004

2005

2006

1. Assurance-crédit

69 720

58 308

51 540

50 357

42 956

dont moyen terme

67 662

55 930

49 482

48 702

42 475

dont court terme

2 058

2 378

2 058

1 655

482

2. Assurance prospection

126

121

107

106

110

3. Garantie de change

4 260

3 420

2 360

1 930

1 900

4. Garantie risque économique

4 944

4 942

4 749

4 607

4 277

5. Stabilisation de taux d’intérêt

         

Euro

3 900

3 200

3 036

2 689 

Dollar

8 900

7 800

5 350

5 395 

Source : Ministère de l’économie, des finances et de l’emploi.

Ce tableau permet de constater la diminution, depuis plusieurs années, des encours couverts par les procédures d’aide à l’exportation gérées par la COFACE. C’est tout spécialement le cas de l’assurance crédit, dont les encours ont assez nettement chuté, sous l’effet d’une moindre demande des exportateurs français. Alors qu’ils atteignaient 84,4 milliards d’euros en 2000, ils se sont établis à 69,7 milliards d’euros en 2002, puis à 50,4 milliards d’euros en 2005 et à 43 milliards d’euros en 2006.

Par ordre décroissant, les risques garantis par l’assurance crédit se concentraient, au 30 juin 2007, sur la Suisse (3,2 milliards d’euros d’encours), la Chine (2,8 milliards d’euros), l’Égypte (2,7 milliards d’euros), les Bermudes (2 milliards d’euros), les États-Unis (1,9 milliard), l’Inde (1,4 milliard d’euros), la Corée du Sud (1,4 milliard d’euros), le Pakistan (1,3 milliard d’euros), la Turquie (1,2 milliard d’euros) et l’Indonésie (1,1 milliard d’euros). Ces dix pays représentaient, à cette même date, 47 % de l’ensemble des encours. Selon la DGTPE, « la "logique pays" est cependant moins pertinente qu’autrefois : l’encours Coface traduit aujourd’hui la prise de risques sur certains gros acheteurs privés (naval et aéronautique). Une crise majeure dans ces secteurs pourrait donc générer des sinistres importants. Ainsi l’encours sur les États-Unis est concentré sur un seul débiteur qui représente donc le 5e encours de la Coface et 4,5 % de l’encours total ». Quant aux principaux sinistres ayant entraîné des indemnisations par la COFACE pour le compte de l’État, ils ont avant tout concerné, en cumul depuis 2000, des contrats au Pakistan et en Indonésie.

Pour votre Rapporteur spécial, il conviendrait de s’interroger sur :

– l’éventuelle corrélation entre la diminution des encours couverts par les procédures d’aide à l’exportation et la dégradation des performances du commerce extérieur français ces dernières années ;

– le degré de ciblage sur les PME des procédures gérées par la COFACE ;

– la pertinence des pays concernés par les garanties à l’exportation, à l’aune du degré de risque encouru.

En dépit de la diversité de son objet, cette action est la plus importante du programme Appels en garantie de l’État en termes de volume de crédits. En 2008, elle mobiliserait en effet plus des deux tiers des dépenses, soit 192,8 millions d’euros (après 179,1 millions d’euros en loi de finances pour 2007 et 210,5 millions d’euros en 2006).

Outre une provision de 15 millions d’euros constituée pour faire face à de futurs appels en garantie, l’essentiel des crédits de cette action concernent les garanties de l’État en faveur de dispositifs d’aide économique et financière au développement (61). Ces garanties sont accordées afin de favoriser l’octroi de prêts sur fonds propres des établissements concernés – en particulier l’Agence française de développement (AFD) – ou pour faire face à un risque de retrait des États bénéficiaires du mécanisme de refinancement par don découlant du volet bilatéral de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).

Il s’agit principalement :

– des prêts accordés par l’AFD aux pays de l’Afrique subsaharienne et aux pays éligibles à l’initiative PPTE ;

– des prêts accordés par l’AFD au titre de l’initiative PPTE et devant faire l’objet, dans le cadre du volet bilatéral complémentaire à cette initiative, d’un refinancement par dons (contrats de désendettement et de développement dits « C2D ») ;

– des prêts accordés par la Banque européenne d’investissement (BEI) aux États d’Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et aux territoires d’outre-mer dans le cadre de la mise en œuvre des conventions de Lomé et des Accords de Cotonou.

Les mises en jeu de la garantie de l’État ne sont pas comptabilisées dans l’aide publique au développement (APD) au sens de l’OCDE. Toutefois, l’action Autres garanties retrace également les dépenses liées à l’indemnisation de Natixis en cas d’annulation en Club de Paris de certaines créances garanties par l’État : de telles annulations sont comptabilisées dans les statistiques d’aide publique au développement.

Pour 2008, la totalité des dépenses prévues au titre des prêts de l’AFD, soit 173,6 millions d’euros, concerne des prêts octroyés à la République de Côte d’Ivoire. En 2006, des impayés de ce même État et, pour de moindres montants, de la République de Guinée avaient entraîné des dépenses de 161 millions d’euros. En 2007, selon les informations recueillies par votre Rapporteur spécial, les défauts sur des prêts à la Côte d’Ivoire pourraient coûter environ 203,2 millions d’euros, soit 39 millions d’euros de plus que ce que prévoyait la loi de finances initiale (une échéance de 81 millions d’euros ayant pu être couverte à hauteur de 41 millions d’euros par une partie du dividende 2006 de l’AFD).

*

* *

III.– LE PROGRAMME ÉPARGNE

Le programme Épargne, dont le responsable est le directeur général du Trésor et de la politique économique, a un caractère quelque peu hybride.

D’un côté, il comporte une forte dimension budgétaire, avec des dépenses atteignant chaque année plus d’un milliard d’euros. Pour l’essentiel, il s’agit de financer le logement, en particulier par le paiement des primes d’épargne logement versées aux détenteurs de comptes épargne logement (CEL) et de plans épargne logement (PEL).

D’un autre côté, ainsi que le souligne son responsable, ce programme a « vocation à retracer, plus largement, la politique de l’État en matière d’épargne, notamment l’épargne réglementée, qui ne donne pas lieu à une dépense budgétaire ». C’est ainsi qu’une trentaine de dépenses fiscales sont rattachées au programme, représentant de moindres recettes pour l’État de près de 7 milliards d’euros (pour celles d’entre elles qui font l’objet d’une évaluation, soit 22 sur 31) (62). Encore ce montant n’inclut-il pas les coûts de l’exonération d’impôt sur le revenu des intérêts et primes versés dans le cadre de l’épargne logement, rattachée au programme Développement et amélioration de l’offre de logement (900 millions d’euros en 2008) et de l’exonération des intérêts des livrets de développement durable, rattachée au programme Développement des entreprises, des services et de l’activité touristique (140 millions d’euros en 2008).

En dépit de ce caractère hybride, et parce que les annexes budgétaires demeurent avant tout des documents relatifs aux crédits, les projets et rapports annuels de performances (PAP et RAP) du programme Épargne sont essentiellement consacrés au soutien au logement.

Pour la première fois depuis le vote de la LOLF en 2001, le Parlement est en mesure d’apprécier la performance du programme Épargne, par l’intermédiaire du RAP annexé au projet de loi de règlement du budget de l’année 2006.

Le bilan stratégique dressé par le responsable de programme pour 2006 apparaît très pauvre :

– il se contente de commenter succinctement certains indicateurs (seulement ceux dont les résultats sont favorables), sans proposer de synthèse globale ;

– il ne dit rien de la gestion des crédits, passant sous silence l’élément majeur de la gestion 2006, à savoir le « dérapage » des dépenses liées aux primes d’épargne logement (220 millions d’euros de crédits ont été ouverts pour cette raison en loi de finances rectificative de fin d’année). Votre Rapporteur spécial rappelle pourtant que « performances » et « dépenses » ne sont pas deux sujets dépourvus de tout lien ;

– il est muet sur la mise en œuvre des leviers d’action qui ne passent pas par une dépense budgétaire, alors même que celle-ci, on l’a vu, ne représente qu’une partie des enjeux du programme. Cette lacune est d’autant plus regrettable que les dépenses fiscales rattachées au programme ont atteint environ 8 milliards d’euros en 2006. Quoique ce constat ne soit pas spécifique au programme Épargne, tout se passe en réalité comme si le « rattachement » des dépenses fiscales au programme n’avait qu’une dimension purement formelle, le responsable de programme ne s’estimant probablement pas tenu de justifier de leur efficacité, ni même concerné par elles.

La mesure de la performance de l’emploi des crédits, quant à elle, est articulée autour de 3 objectifs assortis de 8 indicateurs. Sans prétendre à l’exhaustivité, quatre résultats peuvent ici être mis en exergue.

En premier lieu, le pourcentage des ressources des fonds d’épargne employé au financement du logement social (indicateur n° 1.1) a atteint 60 % en 2006 (63), à comparer à une prévision de 55 %. Toutefois, cet indicateur n’est pas suffisamment indépendant du contexte économique et financier, non plus que des autres déterminants de l’équilibre prudentiel des fonds d’épargne. Un indicateur construit autour d’une évaluation de la part des ressources « fonds d’épargne » dans le total des ressources des organismes de logement social – illustrant la vision des bénéficiaires du dispositif – mériterait sans doute d’être étudié, afin d’illustrer le caractère plus ou moins attractif pour l’emprunteur de la ressource publique. Les indicateurs n° 1.2 et 2.1 permettent néanmoins de constater que le coût de cette ressource a diminué, les marges moyennes des établissements de crédits sur les prêts locatifs sociaux et les prêts sociaux de location-accession s’étant révélées inférieures aux prévisions de, respectivement, 2 et 4 points de base.

En deuxième lieu, en 2006, le taux de sinistralité sur les prêts à l’accession sociale bénéficiant de la garantie de l’État a été moindre que prévu (0,06 % au lieu de 0,09 %). Là aussi, l’effet de la conjoncture économique influe sur l’indicateur : ainsi que l’indique très bien le RAP, « en cas de difficultés de remboursement de son prêt à l’accession sociale, la revente du bien par l’emprunteur, dans le contexte actuel de hausse des prix, lui permet de limiter les pertes pour lui et pour l’établissement prêteur ». Cette faible pertinence a conduit à la suppression de cet indicateur dans le projet de loi de finances pour 2008, ce dont votre Rapporteur spécial se réjouit.

En troisième lieu, la part des primes restituée par les multi-détenteurs de PEL n’a été que de 39 % en 2006, soit un montant inférieur à la prévision de 44 %. La cible de 80 % pour 2009 paraît donc d’autant plus lointaine qu’aucun élément contenu dans le RAP ne permet d’entrevoir les moyens de s’en rapprocher. Pour 2008, cet indicateur a été heureusement remanié, afin de gagner en fiabilité (64).

En dernier lieu, le taux de transformation des dépôts d’épargne logement en prêts continue de chuter, pour s’établir à 5 % en 2006 (voir le graphique ci-après). Euphémiquement, le responsable de programme voit dans ce résultat une « limitation de la baisse de la part des dépôts d’épargne logement transformés en prêts ». Cette évolution mérite néanmoins d’être analysée à l’aune de la modification en 2006 du régime fiscal et social des « vieux » PEL, qui visait précisément à lutter contre l’utilisation de ces instruments d’accession à la propriété comme de simples outils d’épargne.

La fiscalisation des intérêts des PEL de plus de 12 ans et le versement anticipé de la CSG et de la CRDS sur les PEL de plus de 10 ans (65) ont en effet entraîné une « décollecte » massive de l’épargne logement en 2006, les fermetures de PEL ne s’accompagnant alors que très rarement d’une transformation en prêts, tout en entraînant une forte augmentation des dépenses budgétaires. Comme l’indique le RAP, cette tendance – ponctuelle mais puissante – limite l’impact attendu de la réforme de 2003, qui conditionne désormais la prime à la réalisation effective d’un prêt (66).

ÉVOLUTION DE LA TRANSFORMATION DES DÉPÔTS D’ÉPARGNE LOGEMENT EN PRÊTS

(échelle de gauche en milliards d’euros)

 

2006

LFI
2007

PLF
2008

 

LFI

Dépenses

Action 1 Épargne logement 

1 191,1

1 411

1 143,2

1 122

Action 2 Instruments de financement du logement

8,9 

9

5,8

6,8

dont Bonification HLM

0,12

0

0

0

dont Prêts spéciaux du CFF

8,46

8,78

5,5

6,53

dont Amélioration de l’habitat rural

0,04

0,02

0,02

0,01

dont Prêts aidés pour l’accession à la propriété

0,03

0,21

0,25

0,27

Total Programme

1 200

1 420

1 149

1 128,8

L’élément clé de la gestion 2006 sur l’action Épargne logement est la constatation d’un niveau de dépense de 1 411 millions d’euros, soit 220 millions d’euros de plus (18,5 %) que les crédits initiaux – du fait de l’ouverture, déjà évoquée, de crédits complémentaires en collectif de fin d’année pour couvrir une partie du paiement des primes d’épargne logement. C’est bien sûr ce décalage qui devrait être mis en avant dans la justification au premier euro du RAP 2006, plutôt que la constatation selon laquelle la consommation réelle « est conforme à l’euro près aux crédits ouverts en gestion ».

Cette augmentation des dépenses est, on l’a dit, la conséquence des changements du régime fiscal et social des PEL. L’impact de cette nouvelle législation s’est fait ressentir dès le mois de décembre 2005, de nombreux détenteurs d’anciens PEL anticipant l’application de ces mesures et clôturant leur plan. Cette tendance a joué à plein en 2006 : l’encours des dépôts a reculé de 8,5 % par rapport à l’année précédente, le nombre de primes versées (2,1 millions) a progressé de près de 40 % et le montant de ces primes a augmenté de plus des deux tiers, à 1,7 milliard d’euros.

Toutefois, une partie seulement des crédits rendus nécessaires par ce mouvement de « décollecte » ont été ouverts en loi de finances rectificative pour 2006, portant la dépense totale à 1,4 milliard d’euros (après 1,1 milliard d’euros en 2005) tout en entraînant des reports de charges sur 2007 d’environ 500 millions d’euros (67). Une autorisation de découvert de 715 millions d’euros a donc dû être contractée auprès du Crédit foncier de France (CFF), établissement chargé de la liquidation des primes pour le compte de l’État.

La Cour des comptes n’a pas manqué de critiquer cette opération : « dès lors que cette avance avait toutes les caractéristiques d’un emprunt à court terme, son montant aurait dû apparaître dans le tableau de financement en tant que ressource de trésorerie. En contrepartie, le solde budgétaire de 2006 aurait dû intégrer en dépenses les 715 millions d’euros de primes d’épargne logement versées par l’État aux établissements de crédit, via le Crédit foncier de France. Or, rien n’a été enregistré, ni dans le tableau de financement ni dans la comptabilité budgétaire, et la dette financière n’a pas été non plus retracée en comptabilité générale. Cette double omission, d’une ressource de trésorerie et de la charge budgétaire qu’elle a financée, recouvre une autre anomalie : la contraction de deux opérations conjointes, mais en réalité distinctes, ayant donné lieu à des mouvements de caisse de même montant mais de sens contraire. En l’espèce, l’emprunt – c’est-à-dire l’encaissement – de 715 millions d’euros a permis le paiement – c’est-à-dire le décaissement – d’un montant équivalent de dépenses sous la forme de primes d’épargne logement. L’absence de mouvements de caisse n’a été qu’apparente, du fait de la contraction des deux opérations » (68).

Pour 2007, les crédits de l’action Épargne logement ont été initialement fixés à 1 149 millions d’euros. Toutefois, ce montant s’est rapidement révélé insuffisant, la quasi-totalité des crédits ayant été consommée dès la fin avril. Le nombre de fermetures de PEL a certes ralenti par rapport à 2006, mais sans retrouver son rythme de croisière (le nombre de plans a reculé de 2,3 % au premier trimestre 2007, au lieu de – 3 % au premier trimestre 2006). D’après les informations recueillies par votre Rapporteur spécial, la prévision d’exécution budgétaire réalisée au 31 août dernier pour l’ensemble de l’année 2007 s’établissait à environ 1 450 millions d’euros, soit un besoin de financement d’environ 300 millions d’euros. Ajoutés aux reports de charges de 2006, ce sont donc 800 millions d’euros supplémentaires qui restent à ouvrir afin d’apurer les dettes de l’État vis-à-vis du Crédit foncier de France.

À la question de votre Rapporteur spécial sur le moment et les modalités de cet apurement, le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi a répondu, de façon quelque peu sibylline, que « l’apurement du surcoût des dépenses liées aux fermetures [de PEL] 2006 et 2007 sera assuré dans le cadre du retour à la normale des dépenses Épargne logement. L’avenant à la convention avec le Crédit foncier signé en 2006 pour permettre de limiter le coût des intérêts a été renouvelé en 2007 ».

Pour 2008, le présent projet de loi de finances est construit sur une hypothèse d’environ 1,5 million de primes PEL à payer, après 1,8 million en 2007 (prévision initiale, appelée à être dépassée). Compte tenu d’un coût moyen estimé à 737 euros par prime, la dépense budgétaire serait de 1 081 millions d’euros. En ajoutant les dépenses occasionnées par les comptes épargne logement (40 millions d’euros, au lieu de 60 millions d’euros en 2007) et par les frais de gestion (0,6 million d’euros), le montant total inscrit pour l’action Épargne logement est de 1 122 millions d’euros.

CRÉDITS ET DÉPENSES AFFÉRENTS AUX PRIMES D’ÉPARGNE LOGEMENT

(en millions d’euros)

À moyen terme, les effets des fermetures des « vieux » PEL devraient être contrebalancés par la réforme intervenue en loi de finances pour 2003, qui a conditionné l’octroi de la prime à la souscription d’un prêt au logement. Cette réforme n’a d’impact que très progressif, puisque le versement de la prime ne peut pas intervenir avant le troisième anniversaire du plan (50 % du montant de la prime, puis 100 % au bout de quatre ans) : concrètement, les comptes ouverts à partir du 12 décembre 2002 (69) n’ont donc donné lieu à « demi prime » que depuis le 12 décembre 2005 et ne donnent lieu à une prime complète que depuis le 12 décembre 2006. En 2007 et 2008, la génération des PEL arrivant à 3 ans ou 4 ans sera en revanche plus importante, ce qui pourra favoriser une hausse du taux de transformation des dépôts en prêts.

La seconde action du programme Épargne, intitulée Instruments de financement du logement, appelle moins de commentaires. Elle regroupe en effet des dispositifs hétérogènes et pour la plupart en extinction.

Elle mobiliserait 6,8 millions d’euros en 2008, après 5,8 millions d’euros en 2007. L’essentiel de l’augmentation tient aux prêts spéciaux du Crédit foncier de France, correspondant à des prêts antérieurs aux prêts aidés pour l’accession à la propriété et à des prêts spécifiques à l’outre-mer.

*

* *

IV.– LE PROGRAMME MAJORATION DE RENTES

Ce programme, doté d’une action unique, comporte les crédits par lesquels l’État participe aux majorations de rentes viagères, dispositifs en voie d’extinction (70). Le responsable du programme est le directeur général du Trésor et de la politique économique. Toutefois, compte tenu du caractère « fermé » des procédures concernées et de l’absence d’intervention directe de l’État dans leur gestion, ce programme est – à juste titre – dépourvu de dispositif de mesure de la performance.

Les crédits votés en 2006 s’établissaient à 237 millions d’euros. Ils ont été majorés par les reports de la gestion 2005 (1,4 million d’euros) et minorés par les annulations en loi de finances rectificative de fin d’année (5,1 millions d’euros). Les crédits ouverts ont donc atteint 233,3 millions d’euros, soit à 2 500 euros près, la dépense effective en 2006.

En conséquence, quoiqu’elle puisse être affinée (quant au nombre d’assurés, à l’âge moyen des bénéficiaires ou à l’évaluation des transferts aux mutuelles), la prévision de dépense se révèle relativement satisfaisante.

On peut en revanche regretter que la justification au premier euro du RAP 2006 ne comporte qu’un nombre global de crédirentiers bénéficiaires en 2006 (613 000), sans préciser leur ventilation entre les rentes servies par les compagnies d’assurance et les rentes servies par les mutuelles.

Pour 2007, les dépenses ne devraient pas excéder 226,6 millions d’euros, soit légèrement moins que les crédits initiaux (230 millions d’euros). Le décret d’avance n° 2007-1529 du 25 octobre 2007 a d’ailleurs annulé le différentiel, soit 3,4 millions d’euros de crédits.

Pour 2008, les dépenses devraient être quasiment stables, à 227 millions d’euros.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 7 novembre 2007 à 16h15, votre commission des Finances a examiné les crédits de la mission Engagements financiers de l’État.

Après l’exposé de votre Rapporteur spécial, M. Jean-Pierre Gorges s’est étonné de l’accroissement relativement rapide des charges de la dette malgré la stabilité du montant de celle-ci. Il a souhaité savoir quel niveau ces charges atteindraient en 2012 lorsque le retour à l’équilibre du budget marquera l’arrêt de la croissance de la dette.

M. Alain Rodet a souhaité obtenir des précisions sur la répartition par pays des encours d’assurance-crédit, sur l’évolution de ces encours et sur les indemnités versées au cours des dernières années.

M. Camille de Rocca Serra a demandé quelle était la part de la dette de l’État détenue par des investisseurs non résidents.

M. Michel Bouvard, Président, a souhaité obtenir des précisions sur l’évolution récente des mises en jeu de la garantie apportée par l’État et sur l’impact budgétaire prévisible de la remontée des taux d’intérêt.

En réponse aux différents intervenants, votre Rapporteur spécial a apporté les éléments de réponse suivants :

– les projections réalisées sur l’évolution de la charge de la dette ne couvrent pas la période postérieure à 2010, année au cours de laquelle elle atteindrait, selon le rapport du Gouvernement en vue du dernier débat d’orientation budgétaire, 46 milliards d’euros, soit un accroissement annuel de l’ordre de deux milliards d’euros par an ;

– s’agissant de l’impact de l’évolution des taux, il convient de noter que l’État tend à se financer davantage qu’auparavant à court terme, ce qui est de nature à accroître la sensibilité de la charge de la dette à l’évolution des taux. Cette évolution reste très incertaine comme l’atteste la structure actuelle de la courbe des taux – avec un taux à court terme de l’ordre de 4,4 % et un taux pour des emprunts à 10 ans de l’ordre de 4,5 % – qui constitue une curiosité économique ne pouvant théoriquement être pérenne. Compte tenu de ces incertitudes, la prudence a conduit l’État à ne pas réactiver la politique de swaps ;

– la répartition par pays des encours d’assurance-crédit est surprenante et conduit à s’interroger sur l’action conduite. Par ordre décroissant d’encours, les principaux pays où des risques sont couverts sont, au 30 juin dernier, la Suisse (3,2 milliards d’euros d’encours) – dont le risque pays n’est pas spontanément évident à l’observateur –, la Chine (2,8 milliards d’euros), l’Égypte (2,7 milliards d’euros), les Bermudes (2 milliards d’euros), les États-Unis (1,9 milliard), l’Inde (1,4 milliard d’euros), la Corée du Sud (1,4 milliard d’euros) et le Pakistan (1,3 milliard d’euros). Ces huit pays représentent, en leur ajoutant la Turquie et l’Indonésie, environ la moitié des encours. L’évolution de ces encours est à la baisse, puisqu’ils sont passés de 84,4 milliards d’euros en 2000 à 69,7 milliards d’euros en 2002 puis 50,4 milliards d’euros en 2005 et 43 milliards d’euros en 2006. En outre, il convient de noter que les indemnités versées au titre de l’assurance-crédit sont désormais inférieures aux primes perçues et aux récupérations. Quant aux principaux sinistres ayant entraîné des indemnisations par la COFACE pour le compte de l’État, ils ont avant tout concerné, en cumul depuis 2000, des contrats au Pakistan et en Indonésie. Dans la mesure où les performances de notre commerce extérieur se sont très sensiblement dégradées, il convient manifestement de s’interroger sur l’utilisation qui est faite de l’assurance-crédit ;

– en juillet 2007, 61,1 % de la dette négociable de l’État était détenue par des non-résidents. Cette part croît régulièrement : elle était par exemple de 48,1 % en 2003. S’il n’y a pas de données totalement fiables sur la nationalité des investisseurs étrangers concernés, il s’agirait, selon un sondage récent, essentiellement d’investisseurs résidents d’États situés en dehors de la zone euro. Cette situation traduit une dépendance croissante du financement de l’État envers les investisseurs étrangers. Elle permet toutefois d’apporter une certaine sécurité de refinancement face aux éventuels chocs de marché et de limiter l’effet d’éviction au plan domestique, en libérant davantage l’épargne nationale pour le financement des entreprises.

Sur la proposition de votre Rapporteur spécial, votre Commission a ensuite adopté les crédits de la mission Engagements financiers de l’État.

© Assemblée nationale