N° 3808 tome V - Avis de M. Jean-Jacques Guillet sur le projet de loi de finances pour 2012 (n°3775)



N
° 3808

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME V

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DURABLES

par M. Jean-Jacques GUILLET,

Député

Voir le numéro 3805 (annexes n°s 13 et 14).

INTRODUCTION 5

I – LES GRANDS AXES DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT 7

A – LES NÉGOCIATIONS MULTILATÉRALES INTERNATIONALES ET COMMUNAUTAIRES SUR LE CLIMAT 7

1. La conférence de Durban de novembre 2011 : le risque d’une nouvelle déception 7

a) La conférence de Cancun : un résultat mitigé 7

b) La préparation du sommet de Durban : l’impossible compromis 8

c) Le fonds verts à l’épreuve des groupes de pression 11

2. La politique de l’Union européenne 11

3. Vers une meilleure régulation du marché du carbone ? 13

4. Convergence et divergence entre l’Union européenne et les grands pays industrialisés 14

5. L’Union pour la Méditerranée, de l’espoir à la déception 16

6. La mise en place de l’agence internationale des énergies renouvelables 17

7. Le dispositif français de participation aux négociations internationales 19

B – UN PROGRAMME BUDGÉTAIRE RIGOUREUX 21

1. La stabilisation des moyens budgétaires 21

2. Le maintien de la contractualisation avec les ONG de défense de l’environnement 22

3. Le Fonds français pour l’environnement mondial 24

C – RÉFLEXIONS SUR LA MISE EN PLACE D’UNE ORGANISATION MONDIALE DE L’ENVIRONNEMENT 26

1. Transformer le PNUE en Organisation mondiale de l’environnement ? 27

2. Une structure légère et décentralisée 28

II – LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ 31

A – L’ENGAGEMENT DE LA FRANCE AU NIVEAU INTERNATIONAL 32

1. Une politique européenne conforme aux engagements pris à Nagoya 32

2. La protection des espèces menacées : aller au-delà de la simple prise de conscience 33

a) Une politique nationale rigoureuse 33

b) Poursuivre le soutien à la CITES 34

3. De nombreux engagements multilatéraux 35

4. Une politique nationale qui respecte rigoureusement nos engagements internationaux 38

B – LA BIODIVERSITÉ SUR LES CÔTES ET EN HAUTE MER 40

1. Des régimes juridiques de protection, mais peu de moyens de contrôle 40

2. De nombreux forums, mais aucune décision 42

3. La réforme de la politique commune de la pêche : un essai de conservation de la biomasse et de la biodiversité 42

a) Le constat de l’Union européenne 42

b) La position de la France 43

c) Le thon rouge, question conjoncturelle ou structurelle ? 45

CONCLUSION 47

EXAMEN EN COMMISSION 49

Mesdames, Messieurs,

L’analyse de l’action internationale de la France en matière d’environnement peut être opérée à tout moment de l’année, car elle relève plus d’un exercice diplomatique quotidien que du montant des crédits –fort modestes – inscrits en loi de finances. Notre pays défend tout au long de l’année dans les forums internationaux la vision d’un monde multilatéral avec l’espoir que chaque puissance ou groupe de puissance accepte un compromis permettant la gestion la plus sobre possible des ressources naturelles et des biens publics mondiaux. Cette politique est de longue haleine. Le relatif échec du sommet de Copenhague en 2009 et les résultats en demi teinte de celui de Cancun en 2010 nous obligent à tenir compte du poids déterminant de groupes de pression représentant des intérêts privés, qui savent convaincre leurs Gouvernements de ne pas mettre en place des règles ou des taxes qui selon eux, nuiraient à l’économie sous couvert de protéger l’environnement. Ce dilemme est connu de longue date, mais il demeure au cœur de toutes les négociations, qu’il s’agisse du climat ou de l’éventualité de breveter les organismes vivants.

La période d’examen du projet de loi de finances est par ailleurs plus propice à l’analyse d’évènements passés qu’à un travail de prospective. Elle intervient en effet quelques semaines avant les grands sommets internationaux qui ponctuent la fin de l’année. L’examen des crédits consacrés au volet environnemental de notre politique étrangère se déroulera avant le sommet de Durban, réduisant l’analyse à quelques conjectures, à la position affichée par la France et aux espoirs que nourrit notre pays quant aux résultats de ces négociations. Il est heureux que l’Assemblée nationale dispose d’autres instruments que le projet de loi de finances pour connaître de la politique du Gouvernement et des lignes de force qui sous-tendent les négociations sur le climat et la biodiversité.

L’année 2011 a été marquée par la crise économique et financière, qui a quelque peu relégué l’environnement derrière d’autres priorités. Où trouver en effet les moyens exigés pour les investissements nécessaires au développement des énergies renouvelables, à la transformation de nombreuses industries polluantes et à la protection de la biodiversité alors que les dettes souveraines s’élèvent à un niveau jamais atteint ? Dans un tel contexte, il est difficile d’honorer des objectifs ambitieux. Pour autant, la politique est affaire de volontarisme. Si 2011 ne constitue pas une année spectaculaire, le travail patient et discret accompli par les Etats, les institutions internationales et de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) s’est poursuivi, avec par exemple la mise en place de l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA) ou la préparation de la réforme de la politique européenne de la pêche.

La crise financière ne peut en effet servir de paravent aux exigences du temps présent. Un grand nombre de catastrophes climatiques – 2011 a constitué une année record en la matière – est dû au réchauffement climatique, tandis que la dégradation des zones côtières dans les pays tropicaux accentue les déplacements de populations. La notion de réfugiés climatiques sera bientôt une réalité si nous ne modifions pas nos modes de production et de vie.

La diplomatie française a mesuré de longue date le lien qui unit l’environnement et le développement mais de la prise de conscience à la réalisation de projets, le chemin est long. L’on peut toutefois être relativement optimiste devant la multitude d’initiatives qui oeuvrent en faveur des énergies renouvelables, du recyclage des produits en fin de vie ou d’une agriculture respectueuse des sols, et qui compensent ainsi la faiblesse des résultats obtenus dans les conférences internationales. Ces initiatives émanent le plus souvent de collectivités locales, d’associations, d’entreprises et de particuliers. La mise en œuvre des politiques environnementales sera largement décentralisée. Il faudra en tirer la conséquence politique, à savoir que les Etats doivent donner une force juridique aux principaux concepts comme la préservation de la biodiversité, faciliter le financement des investissements de projets environnementaux mais laisser les acteurs de nos sociétés les définir et les réaliser.

I – LES GRANDS AXES DE LA DIPLOMATIE FRANÇAISE POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Deux axes majeurs guident la politique française internationale en matière d'environnement pour les années 2011 et 2012: les négociations multilatérales relatives au climat et la poursuite des négociations communautaires. En revanche, paralysée par le conflit entre Israël et les pays arabes, l’Union pour la Méditerranée ne répond pas aux espoirs que l’on plaçait en elle.

A – Les négociations multilatérales internationales et communautaires sur le climat

Les négociations multilatérales sur le climat sont allées d’échec en échec depuis deux ans. Le sommet de Copenhague de décembre 2009 a mis en lumière l’incapacité des pays industrialisés, des pays émergents et de la Chine de s’entendre sur les moyens de réduire les émissions de carbone (CO2). A Cancun, les pays parties à la négociation se sont entendus sur le plus petit commun dénominateur permettant un accord, à savoir la fixation d’un objectif de limitation du réchauffement climatique et la mise en place d’un fonds, sans savoir comment le financer. A contrario, l’Union européenne s’efforce de bâtir une économie et une société sobres en carbone quel que soit le résultat des négociations multilatérales.

1. La conférence de Durban de novembre 2011 : le risque d’une nouvelle déception

L’objectif de la conférence de Cancun était de trouver un compromis pour préparer un nouvel accord international sur le climat. Ce compromis devait porter sur une révision du protocole de Kyoto et sur la coopération à long terme dans le cadre de la convention sur le climat, ainsi que sur des sujets comme la réduction des émissions de carbone et le financement de nouvelles technologies.

a) La conférence de Cancun : un résultat mitigé

La conférence de Cancun a débouché sur un résultat mitigé, si l’on songe qu’elle est le fruit de cinq années de travail sous l’égide de l’ONU. Elle a juste permis la mise en place d’indicateurs et d’outils encourageant les actions de lutte contre le changement climatique, à savoir :

• une limitation du réchauffement en dessous de 2°, avec une clause de rendez-vous en 2013-2015, et la décision de travailler sur la fixation d’une date pour le pic des émissions ;

• un arrangement pour enregistrer les objectifs et les actions des pays développés et des pays en développement, avec un système de suivi et de contrôle (MRV) ;

• la mise en place de mécanismes pour soutenir les actions des pays en développement : nouveau fonds vert pour le climat, registre pour reconnaître les actions entreprises et faciliter leur soutien, aide aux nouvelles technologies, recherche et développement contre la déforestation.

Les accords de Cancun ont recueilli le soutien de toutes les parties à la convention sur le climat, à l’exception de la Bolivie, mais laissent toutefois ouverts de nombreux points essentiels, principalement l’avenir du protocole de Kyoto. La session de négociation de Bonn en juin dernier n’a pas permis de progresser sur ces sujets et les négociations se poursuivent actuellement au Panama. Elles ne laissent guère présager d’un compromis sur les points essentiels que sont l’avenir du protocole précité et le financement du fonds vert. La France et ses partenaires de l’Union européenne espèrent que le fonds vert et le système de suivi MRV pourront être opérationnels à l’issue de la conférence de Durban, mais elles ne disposent d’aucun moyen de pression sur les deux pays qui bloquent les négociations, les Etats-Unis et la Chine.

b) La préparation du sommet de Durban : l’impossible compromis

Le blocage des négociations sur le climat est principalement dû aux intérêts divergents des pays qui disposent des économies majeures de notre planète.

Principaux émetteurs de CO2 (1)en 2010

Chine

Etats-Unis

Union européenne (2)

Inde

Russie

Japon

8 950

5 250

4 050

1 840

1 750

1 160

Source : PNUD.

(1) en millions de tonnes émises.

(2) dont France, 330 millions de tonnes.

La Chine et les Etats-Unis ne font pas des négociations climatiques une priorité. La Chine considère en effet qu’elle n’a pas à brider sa croissance économique par des mesures pénalisant ses entreprises et qu’une économie respectueuse de l’environnement sera principalement le fruit de l’innovation technologique. Pékin a encouragé avec succès la mise en place d’une industrie solaire, devenant en quelques années le premier producteur mondial de panneaux. Pékin juge en outre que les pays développés sont historiquement responsables de la situation actuelle et qu’il leur appartient de fournir les efforts nécessaires aux transformations de nos économies. Cet argument, sans doute valable il y a quelques années, tient de moins en moins dans la mesure où le CO2 émis annuellement atteint désormais 6,8 tonnes par habitant en Chine, à comparer à 5,9 tonnes en France. La Chine a ainsi multiplié par deux son niveau d’émission depuis 2003. Mais compte tenu de son poids dans l’économie mondiale comme dans la finance, aucun pays ne peut faire pression sur elle. Son inertie volontaire préfigure à elle seule un échec de la conférence de Durban.

L’analyse des Etats-Unis est similaire à celle de la Chine. Washington met en avant la priorité qu’elle accorde à la création d’emplois et au soutien de la croissance et parie sur l’innovation technologique plutôt que sur un accord international. En outre, même si le Gouvernement fédéral se ralliait à un accord, ce dernier ne serait pas ratifié par un Congrès dominé par le parti Républicain, largement hostile à toute réglementation environnementale.

On rappellera que le processus pour définir les engagements des pays développés au titre du protocole de Kyoto au-delà de la première période d’engagement de 2008-2012 a été lancé dès 2005, à travers notamment la mise en place d’un groupe spécial de négociation appelé l'AWG-KP. Les travaux n'ont connu depuis que des progrès lents et difficiles. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation :

• Un désaccord entre les pays développés et les pays en développement sur la priorité relative à accorder à la fixation des règles qui devraient s’appliquer après 2012 par rapport à la fixation des objectifs. La négociation post-Kyoto a démontré qu’il n’y a aucun sens à définir les objectifs sans connaître préalablement les règles, notamment pour le recours aux mécanismes de flexibilité et l’utilisation du secteur de la forêt.

• Le déséquilibre entre les pays développés parties au protocole de Kyoto et les États-Unis, et la tentation de certains pays développés d'abandonner le protocole. Le Japon et la Russie, ainsi que le Canada dans une moindre mesure, ont récemment réitéré leur refus d'adopter une deuxième période tout en indiquant que cela ne signifiait pas pour autant la fin du protocole.

• La volonté des pays développés de disposer d’une vision globale des actions menées tant par les pays développés que par les pays émergents, voire dans l'idéal de définir un nouveau cadre juridique unique englobant le protocole de Kyoto après 2012 ou tout au moins de mettre en place un texte parallèle permettant de combler les lacunes du protocole de Kyoto, dont notamment la couverture trop faible (moins de 30%) des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Le sommet de Copenhague a vu la perspective d'un nouvel accord juridiquement contraignant à court terme s'éloigner, sur fond d'accusations des pays en développement à l'encontre des pays de l'Annexe I (et en particulier l'UE) de vouloir « tuer » le protocole de Kyoto. Depuis, la question de l’avenir de Kyoto est devenue incontournable, les pays en développement faisant clairement du réengagement des pays développés dans une seconde période d’engagement un pré-requis à toute avancée. Après l’échec relatif de la conférence de Cancun, les parties ne sont pas parvenues à trancher la question de l’avenir du protocole de Kyoto. La prolongation du mandat de l'AWG-KP a donc été décidée afin d’éviter tout vide juridique entre la première et la deuxième période d'engagement. Le seul véritable résultat de la conférence de Cancun est d’avoir obtenu des pays en développement qu’ils acceptent de repousser d'un an la résolution de la question du protocole de Kyoto pour éviter un constat d'échec définitif sur les négociations onusiennes sur le climat.

A Durban, les attentes se porteront essentiellement sur l’avenir du protocole de Kyoto. A l'approche de la fin de la première période, et face au risque grandissant d'un vide juridique au 1er janvier 2013, la pression sera d'autant plus importante sur les pays de l’Annexe I parties au texte de Kyoto pour adopter une seconde période d'engagement. Les pays en développement, fermement attachés au maintien du protocole, seront plus que jamais désireux de parvenir à cet objectif.

S’agissant de la poursuite des mécanismes de marché en l'absence d'une seconde période d'engagement sous le protocole de Kyoto au 1er janvier 2013, les parties restent divisées.

• Sur le mécanisme de développement propre (MDP), la plupart des États soutiennent l'interprétation juridique selon laquelle ce mécanisme est découplé de l'existence d'une seconde période d'engagement, autrement dit le MDP continuera de s'appliquer (les crédits MDP étant reconnus dans les systèmes ETS domestiques, comme le système européen) afin de remplir son second objectif visant l'aide au développement durable dans les pays en développement.

• Sur les projets de mise en œuvre conjointe, leur poursuite semble moins immédiate car elle nécessite l'existence d'un sous-jacent, les unités de quantité attribuée, directement lié à l'existence d'une période d'engagement. Cependant, plusieurs solutions techniques pourraient être envisagées pour assurer leur poursuite.

• Enfin, s'agissant du système d'échange de quotas, il semble nécessaire d'assurer au maximum le maintien des processus d'échanges entre États dans la perspective de la création d'un prix du carbone unique. Si les États décidaient de recourir à la création d'unités nationales, se poserait alors la question de leur qualité et du système de comptabilisation des émissions et des unités sous-jacents. La prolongation des règles éprouvées issues du protocole de Kyoto apparaît alors comme étant la plus simple des solutions.

De manière générale, certains États, tels que le Brésil, la Bolivie et les pays africains, réfutent ces interprétations estimant que le protocole de Kyoto est un ensemble de mesures indissociables des engagements pris par les pays développés parties à ce texte. Il serait alors à leurs yeux inenvisageable de continuer à appliquer les mécanismes de marché en l'absence d'une seconde période d'engagement.

L'Union européenne souhaiterait quant à elle maintenir ce système de comptabilisation des émissions et des efforts et l'appliquer dans le cadre d'un nouvel accord juridiquement contraignant. Actuellement, les négociations internationales sur le climat s'orientent vers l'adoption d'une deuxième période sous le protocole de Kyoto à Durban en tant qu'instrument de transition vers un nouvel accord global qui engloberait à terme (après 2015 ou 2020) le protocole de Kyoto. Cette solution permettrait de préserver les mécanismes de Kyoto en attendant que le nouvel instrument voie le jour.

c) Le fonds verts à l’épreuve des groupes de pression

Le fonds vert constitue une promesse des pays développés envers les pays en développement de leur verser 100 milliards de dollars par an (74 milliards d’euros) à partir de 2020 pour leur permettre d’investir dans des projets permettant de lutter contre le réchauffement climatique. Le sommet du G20 qui se tiendra à Cannes les 3 et 4 novembre prochain doit se pencher sur les sources de ce financement, sur la base d’un rapport de la Banque mondiale.

Une première version de ce rapport a été remise le 23 septembre dernier aux ministres des finances des pays du G20. La Banque mondiale, assistée des principales institutions financières multilatérales (FMI, OCDE, BEI, BERD, BAD) a dégagé les pistes afin que le fonds vert créé à Cancun ne demeure pas une coquille vide :

• La réorientation des subventions à la production et à l’utilisation des carburants fossiles. 40 à 60 milliards de dollars sont versés annuellement à cette fin. Un rapport de l’OCDE rappelle que la réaffectation de 20% de cette somme vers les énergies renouvelables dégagerait environ 10 milliards de dollars par an.

• L’instauration d’une taxe sur le carbone, maintes fois rejetée jusqu’à présent. Une taxe de 25 dollars par tonne émise rapporterait 250 milliards de dollars en 2020 et inciterait à réduire de 10% les émissions de CO2.

• La mise en place d’une taxe carbone assise spécifiquement sur les transports aérien et maritime. Si elle était de 25 dollars par tonne, elle rapporterait 40 milliards par an.

La France s'efforce de faire avancer les discussions sur la mobilisation de ces sources dans le cadre de sa présidence du G20. Il existe plusieurs obstacles aux financements proposés, notamment par des groupes de pression de l’industrie du pétrole. Si la taxe carbone sur le transport aérien et maritime n’est pas universelle, les opérateurs s’approvisionneront dans les pays où elle ne s’applique pas. De même, les pays en développement craignent un renchérissement du coût de leurs importations. La Banque mondiale a également réfléchi à des associations entre fonds publics et privés, qui seraient susceptibles de rapporter 150 milliards de dollars supplémentaires.

2. La politique de l’Union européenne

L’échec éventuel de la conférence de Durban aurait des répercussions dommageables car il démontrerait l’impossibilité d’aboutir à un accord alors que la plupart des pays ont conscience du réchauffement climatique. La politique de l’Union européenne revêt en conséquence une grande importance dans la mesure où elle oblige les pays membres à accomplir les efforts nécessaires vers une économie sobre en carbone, sans attendre un accord multilatéral.

L’UE met en œuvre une politique jouant d'une large gamme de leviers. Son vecteur principal est le paquet Énergie-Climat (PEC) qui permet de lier politiques climatiques et énergétiques. L'objectif central de la politique climatique est la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20% d'ici 2020 et de 80 à 95% d'ici 2050 par rapport à 1990. La feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050, en cours de discussion, est une nouvelle étape permettant de définir une trajectoire vers nos objectifs de réduction à long terme. La stratégie européenne sur le climat passe par une large gamme d'instruments, dont les principaux sont :

– le système communautaire de quotas de carbone ;

– l'obligation pour les États membres de réduire les émissions pour les secteurs hors quotas ;

– le développement des énergies renouvelables, couplé à une réduction des émissions de GES des véhicules ;

– un volet sur l’efficacité énergétique, actuellement en cours de renforcement ;

– un cadre pour l'adaptation au changement climatique doublé d’une politique d'innovation et de recherche ;

– un cadre communautaire pour le stockage du carbone dans les sols ;

– enfin, la recherche d’une meilleure efficacité de l’utilisation des ressources naturelles.

Forte de son volontarisme, l’UE cherche à convaincre ses partenaires d’œuvrer concrètement pour atteindre l’objectif d’une limitation à 2° du réchauffement. Elle souhaite un régime multilatéral contraignant qui engage de concert l'ensemble des pays, et plus particulièrement ceux dotés d’économies puissantes. Cette politique cherche également à traiter des effets néfastes pouvant découler du changement climatique, facteurs possibles d’aggravation de la pauvreté et des conflits.

Dans cette optique, la Commission européenne a présenté le 13 avril dernier une proposition de directive visant à réformer les principes et niveaux de taxation de l’énergie au niveau européen. Il s’agit de réviser la directive 2003/96/CE, qui fixe des minima de taxation en matière de droits d’accises sur les différents produits énergétiques (charbon, diesel, fuel, etc.). Cette révision pourrait conduire à l’instauration d’une taxe carbone au niveau européen. La France est favorable à l’esprit de cette directive.

La taxation de l’énergie proposée combinerait deux éléments : une taxe carbone fondée sur les émissions de CO2 générées par l’utilisation des différents produits énergétiques, et une taxe générale sur la consommation d’énergie définie par rapport au contenu des différents produits énergétiques. L’objectif est donc de scinder l’accise actuelle en deux éléments distincts. Il faut toutefois noter que ce projet de directive n’impose à l’heure actuelle que des minima de taxation. Les États membres auraient toujours la possibilité d’appliquer des taux supérieurs à ces minima.

Les négociations communautaires relatives à la révision de cette directive ont tout juste commencé. Pourtant, celles-ci s’avèrent d’ores et déjà difficiles dans la mesure où un certain nombre de pays s’opposent à l’introduction d’une « composante carbone » dans la fiscalité énergétique. Les négociations pourraient durer plusieurs années.

3. Vers une meilleure régulation du marché du carbone ?

Lors de la présentation des avis budgétaires portant sur les projets de loi de finances pour 2010 et 2011, votre Rapporteur avait souligné l’intérêt d’un marché du CO2, sans en mésestimer les dangers. Ce marché a en effet donné lieu à des fraudes à grande échelle, qui ont porté atteinte à sa crédibilité, alors qu’il peut constituer un outil intéressant.

Le gouvernement a également bien perçu ce problème. Après avoir initié la réflexion sur une régulation du marché du CO2 en confiant une mission à M. Michel Prada, il a été très actif dans la mise en œuvre des recommandations de ce rapport sur la régulation du marché du carbone.

Au niveau national, un cadre de régulation du marché au comptant a été mis en place par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, sans attendre une mise en œuvre nécessairement plus longue au niveau européen, conformément au rapport Prada. Les principales dispositions de ce cadre de régulation prévoient :

• l’admission à la négociation sur un marché réglementé d’instruments financiers des quotas de CO2 permettant ainsi une supervision de la plateforme BlueNext par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ;

• une extension des sanctions pénales applicables aux abus de marché réalisés sur le compartiment au comptant du marché carbone ;

• une coopération entre le régulateur financier (AMF) et le régulateur de l’énergie (la CRE) concrétisée par la signature le 10 décembre 2010 d’un accord de partenariat entre les deux autorités.

En application de ces modifications législatives, le pouvoir réglementaire a rapidement publié les textes nécessaires à leur entrée en vigueur. En effet, M. le ministre de l’Économie a pris :

• un arrêté du 22 février homologuant le livre VII du règlement général de l’AMF sur les marchés réglementé d’instruments financiers qui autorisent à la négociation des quotas de CO2. Ces dispositions sont entrées en vigueur au 1er avril 2011;

• un arrêté du 11 mars 2011 portant reconnaissance de la qualité de marché réglementé d’instruments financiers au marché géré par la société BlueNext S.A.

Enfin, le décret d’application prévu par la modification législative et qui étend les dispositions des recommandations d’investissement aux recommandations portant sur des quotas de CO2 devrait être prochainement signé par M. le Premier ministre.

Au niveau européen, le Gouvernement a porté et continue de promouvoir les recommandations du rapport Prada visant à renforcer la régulation de ce marché. Ces efforts ont notamment permis :

• d’obtenir la définition d’un cadre de lutte contre les abus de marché dans le cadre du règlement 1031/2010 du 12 novembre 2010 relatif à la mise aux enchères des quotas de CO2 ;

• de renforcer les contrôles à l’accès au registre national de quotas dans le cadre du règlement communautaire instaurant un registre communautaire.

Plusieurs démarches ont été entreprises afin d’inciter la Commission européenne à ouvrir les discussions visant à instaurer un cadre de régulation spécifique au marché du carbone, conformément aux recommandations du rapport précité. Par exemple, au mois de juin dernier, les ministres en charge de l’Économie et de l’Écologie ont adressé un courrier conjoint aux commissaires européens respectivement en charge du marché intérieur et de l’action climatique pour leur faire part de leur volonté de lancer rapidement les travaux techniques au niveau européen visant à réguler le marché carbone.

4. Convergence et divergence entre l’Union européenne et les grands pays industrialisés

On observe une convergence partielle des positions des grands pays émetteurs de CO2.

• Sur la nécessité même d'agir, la majorité des pays affiche désormais la volonté d'avancer au niveau domestique. On peut par exemple citer la doctrine climatique russe publiée en 2009, les lois pour limiter le changement climatique adoptées ou en cours d'adoption au Mexique et en Inde ces dernières années, ou les plans quinquennaux chinois.

• Sur les outils domestiques à mobiliser, la plupart des grands pays se retrouvent autour des moyens d'atteindre les réductions d'émission nécessaires. L'importance de donner un prix au carbone (système de quotas et taxes), le rôle des politiques publiques, l'importance de l'efficacité énergétique ou l’importance de l'innovation sont autant d'éléments largement reconnus. On retrouve aussi une grande proximité en matière de recours à l'électricité propre, de développement de la voiture électrique, de place accordée aux biocarburants (États-Unis, Brésil, Inde notamment) ou du rôle attendu du stockage de carbone.

• La communauté internationale a réussi à s'entendre à Cancun autour d’un objectif général (hausse de moins de 2°C, ce qui constitue un plus petit commun dénominateur), des engagements volontaires de réduction soumis à révision internationale, tout en reconnaissant le besoin d'aider à l'adaptation des pays les plus vulnérables et en prévoyant des transferts financiers et technologiques pour les aider.

Mais il demeure de sensibles divergences parfois entre pays, qui expliquent les difficultés à avancer vers un accord international. Les plus notables sont :

• Sur le besoin d'agir : certains pays doivent encore faire face à des groupes de pression influents qui ne sont pas fermement convaincus de la nécessité d'agir (notamment aux Etats-Unis, en Australie et en Russie), rendant complexe leur positionnement interne et leur politique étrangère. De plus, le changement climatique reste souvent une motivation secondaire des actions entreprises : les États-Unis ont par exemple clairement placé la création d’emplois et la recherche de l’autonomie énergétique avant les efforts climatiques dans l’échelle de leurs priorités, ce qui risque de se renforcer avec le contexte économique actuel ; la Russie agit pour combler son retard compétitif en matière d'intensité énergétique. Les pays nouvellement industrialisés restent quant à eux hésitants à brider leur croissance par des contraintes trop fortes sur leurs émissions de GES, d’autant qu’ils s’estiment en général peu responsables des émissions passées.

• Sur la vision de l'équité : des visions différentes de l'équité sont encore prégnantes entre les grands pays émergents et les pays développés, conduisant à freiner les négociations. En schématisant, on observe d'un côté des pays émergents pour lesquels les contraintes juridiques de réduction des émissions doivent porter uniquement sur les pays développés afin d'honorer leur dette carbone passée, et de l'autre, des pays comme la Russie, le Canada ou les États-Unis, demandant aux pays émergents de s'engager juridiquement comme les pays développés et à hauteur de leur poids dans les émissions actuelles et à venir.

• Sur le poids à donner au régime international: si la vision pragmatique domine depuis deux ans, il reste que l'Europe considère les accords de Cancun comme une étape importante mais encore insuffisante et défend un système international fort permettant de garantir des réductions mondiales d'émissions plus ambitieuses que celles annoncées à ce jour. Certains pays, les États-Unis en tête, imaginent plutôt un régime international a minima, apportant entre les pays la transparence nécessaire sur les actions individuelles entreprises et favorisant les échanges et la coopération.

• Sur les outils à mobiliser : même si l'on observe globalement une proximité sur les mesures de réduction des émissions, des divergences peuvent subsister quant à la manière de les mettre en œuvre, comme l'illustrent les différences de position sur l'inclusion de l'aviation dans le système de quotas européen sur le CO2, la mobilisation de nouvelles ressources pour financer les actions internationales…

5. L’Union pour la Méditerranée, de l’espoir à la déception

Les projets environnementaux sont un enjeu essentiel pour l'Union pour la Méditerranée (UPM), qui se conçoit essentiellement comme une union de projets. La dépollution de la Méditerranée, les énergies de substitution (projet de plan solaire méditerranéen) et les transports figurent parmi les six priorités retenues par les Chefs d'Etat et de gouvernement lors du Sommet de Paris (13 juillet 2008) à l'occasion du lancement de l'UPM.

Depuis 2008, plusieurs réunions sur les thèmes de l’environnement et du développement durable ont été organisées, comme la réunion sur la gestion intégrée des zones côtières du 19 décembre 2008 à Nice. Les ministres des pays de l'UPM en charge de l'environnement se sont réunis le 22 décembre 2008 en Jordanie à l'occasion d'une conférence sur l'eau et ont établi des orientations et un calendrier de travail en vue d'adopter une stratégie pour l'eau en Méditerranée.

Malgré les événements survenus à Gaza en janvier 2009, les réunions de travail se sont poursuivies dans les domaines de l'eau, de l'énergie et des transports. Ainsi, le 20 mars 2009, le forum mondial de l'eau à Istanbul a permis une réunion informelle des directeurs de l'eau; de même, la question des financements étant cruciale pour l'avenir de l’UPM, l'Égypte a organisé une conférence sur les financements, le 30 avril 2009 à Alexandrie, rassemblant les principaux bailleurs de fonds.

La première réunion ministérielle sur les projets de développement durable s'est tenue le 25 juin 2009 à Paris, avec quatre domaines à l'ordre du jour : l'énergie, l'eau et l'environnement, les transports et le développement urbain durable. Cette réunion a été un réel succès si l’on considère l’importante mobilisation politique, les recommandations des sessions d'experts, la forte participation et les annonces nouvelles des bailleurs de fonds. Dans le domaine de l'eau, la réunion de Paris a permis la collecte de plus d'une centaine de projets dans le cadre de la stratégie pour l'eau en Méditerranée, dont la rédaction a été finalisée lors de diverses réunions techniques. Les experts en énergie de 43 pays ont quant à eux examiné, le 10 février 2010, le document stratégique du plan solaire méditerranéen en vue d'une adoption par les ministres. La réunion ministérielle sur l’énergie prévue au Caire en 2010 a toutefois été reportée.

L’ensemble de ces réunions a nourri de forts espoirs mais les oppositions entre pays membres ont mis à mal l’idée d’une union de projets. Les travaux de l’UPM ont été freinés à partir de 2010.

L’échec de la conférence ministérielle sur l'eau de Barcelone, le 13 avril 2010, a été due à un désaccord politique entre Israël et les pays arabes sur la mention des « territoires occupés » et a empêché l'adoption de la stratégie pour l'eau en Méditerranée. Les conférences ministérielles prévues au second semestre 2010 ont été reportées, tout comme le second sommet de l'UPM des chefs d'État et de gouvernement prévu en novembre.

Les changements politiques dans le monde arabe au début de 2011 ont limité la programmation de certaines conférences. Ainsi, la réunion ministérielle « agriculture et sécurité alimentaire » aurait dû se tenir en Egypte en mai. Par ailleurs, l'Egypte étant coprésidente au côté de la France, la coopération a été rendue plus difficile en raison de sa situation intérieure. La réunion ministérielle consacrée au développement urbain durable qui devait se tenir à Nice à la fin de 2010 à l'initiative de la France a été décalée d'un an. Elle devrait avoir lieu en novembre prochain à Strasbourg. Elle est la seule réunion ministérielle liée à l'environnement et au développement durable dans le programme de travail de 2011. Elle a été précédée d'une réunion des directeurs du développement urbain de 43 pays au Maroc les 12 et 13 septembre derniers. La tenue de cette réunion ministérielle semble essentielle à la relance du processus, et constituerait le début d'une coopération entre l'Union européenne et ses voisins sur les questions de développement urbain.

La réalisation de projets concrets reste la principale faiblesse de l’UPM. A ce jour, aucun projet n’a abouti De réunions techniques en réunions de labellisation, l’UPM constitue une déception. Le test qui semble le plus crucial pour votre Rapporteur serait la construction d’une usine de dessalement d’eau à Gaza afin de répondre aux besoins d’accès en eau potable de la population.

6. La mise en place de l’agence internationale des énergies renouvelables

Parallèlement aux accords internationaux dont la négociation est difficile, les progrès technologiques permettent d’apporter une réponse partielle au problème du réchauffement climatique. 2011 constitue ainsi l’année de la mise en place de l’Agence Internationale des Énergies Renouvelables (IRENA).

IRENA a été créée officiellement à Bonn le 26 janvier 2009, 75 États en ayant signé les statuts. La 25ème ratification, par Israël, a enclenché le processus d'entrée en vigueur des statuts, 30 jours plus tard, le 8 juillet 2010. Au début du mois d'avril 2011 ont eu lieu l'ultime session de la commission préparatoire puis la première session de l'Assemblée, au cours de laquelle ont été décidés le siège définitif de l'agence (confirmation d'Abou Dabi) et la nomination du directeur général.

La française Hélène Pelosse a été la première directrice par intérim de l'agence, de son élection à la fin de juin 2009 jusqu’à sa démission à la fin d’octobre 2010. Elle a alors été remplacée dans cette fonction par le kenyan Adnan Amin, qui venait d'être recruté au poste d'adjoint, et qui a été élu au poste de directeur général lors de la première assemblée, le 4 avril 2011.

Au 23 août 2011, l'Agence comptait 149 pays signataires (48 États africains, 37 européens, 36 asiatiques, 17 américains et 10 océaniens, ainsi que l'Union Européenne) ainsi que 82 membres représentant diverses organisations environnementales.

IRENA est une organisation internationale pouvant faciliter la diffusion des informations et stratégies concernant le développement des énergies renouvelables. L’Agence doit ainsi assurer un suivi et une analyse de l’ensemble des politiques nationales en faveur de ces énergies ainsi que de l’état de leur développement et des pratiques déjà en vigueur dans les pays membres ; assister les États qui le souhaitent dans la constitution et la mise en œuvre de politiques incitatives; jouer un rôle de sensibilisation auprès du grand public. Il est fondamental d'éviter les duplications et de favoriser les synergies avec les autres organisations internationales travaillant dans le domaine de l’énergie, comme l’Agence internationale de l'énergie.

IRENA est implantée à Abou Dabi (Emirats Arabes Unis). Outre le siège d'Abou Dabi, IRENA comporte un centre d'innovation et de technologie à Bonn, et devrait disposer d'un bureau de liaison avec les autres organisations internationales, qui sera établi à Vienne.

L'Agence est organisée en trois branches auxquelles s’ajoutent un service de logistique et de soutien. Les trois directeurs de programmes sont Gauri Singh (directrice de la branche gestion de la connaissance, innovation et technologie), Hugo Lucas (directeur de la branche conseil en matière de politique, renforcement de capacité) et Dolf Gielen (directeur du centre d'innovation et de technologie à Bonn).

La première assemblée de l'Agence s'est tenue les 4 et 5 avril 2011 et a permis, grâce à l'adoption d'un certain nombre de textes (règlements financier, du personnel, ...), l'élection du directeur général et la confirmation du siège d'Abou Dabi. Ceci est d'autant plus vrai que les contributions financières, jusqu'ici volontaires, sont devenues obligatoires pour les membres, gageant ainsi une meilleure stabilité financière.

La première assemblée a été également remarquable par l'adoption, sous l'impulsion en particulier de la France, d'une décision affirmant l'importance du multilinguisme, et qui a mis implicitement un terme à "l'arrangement de Madrid", qui avait conduit à imposer l'anglais comme seule langue officielle et de travail pendant la phase préparatoire de l'organisation. Cette décision sur le multilinguisme doit permettre l'intégration progressive des langues des Nations Unies dans le fonctionnement de l'agence tout en tenant compte de ses ressources budgétaires.

L'assemblée a procédé à l'élection des vingt-et-un membres du Conseil, organe appelé à déterminer la politique de l'Agence. C'est in fine une répartition géographique fondée sur les groupes des Nations Unies qui a été adoptée. Au terme de ce processus la liste des membres du Conseil a été établie comme suit : France, Antigua et Barbade, Tonga, Australie, Etats-Unis, Espagne, Mali, Érythrée, Sénégal, Corée du Sud, Japon, Afrique du Sud, Nigeria, Danemark, Allemagne, Mexique, Inde, Emirats Arabes Unis, Pologne, Luxembourg et Equateur. Le Luxembourg devra céder son siège à la Suède au bout d'une année.

Le conseil s'est réuni une première fois les 10 et 11 juillet 2011, poursuivant les travaux de mise en place de l’Agence, et a prévu l’organisation des prochaines étapes : constitution et organisation du travail des comités, préparation du recrutement de l’adjoint au directeur général, second conseil et seconde assemblée en janvier 2012.

La première assemblée a permis de créer trois comités, dont les mandats ont été confirmés par le conseil : ils ont vocation à poursuivre les travaux engagés en phase préparatoire, concernant notamment la finalisation des textes juridiques et régissant le fonctionnement de l'agence (comité de gouvernance et des questions juridiques, comité financier) mais aussi de prévoir les programmes de travail (comité politique et stratégie).

Les travaux de 2011 se sont principalement concentrés sur la collecte de données et le recensement d'acteurs : en effet, l'une des premières actions d'IRENA est la réalisation d'une cartographie des potentiels en énergies renouvelables. Celle-ci s’est concentrée sur l'Afrique, comme en a témoigné l'organisation d'un forum consultatif en juillet dernier. Les prochaines régions "cibles" sont les îles du Pacifique, l'Amérique Latine, les Caraïbes et l'Asie Pacifique.

Le budget de 2011 s'élève à près de 25 millions de dollars, dont un budget principal de plus de 13 millions de dollars financé par les contributions obligatoires des membres et les contributions volontaires des signataires, le reste correspondant aux contributions volontaires des Émirats Arabes Unis (plus de 8 millions de dollars) et de l'Allemagne (plus de 3 millions de dollars, pour le centre de Bonn). La France a réglé au secrétariat international sa contribution obligatoire pour 2011 au prorata temporis de son adhésion à l'Agence, soit un montant de 655 000 dollars.

7. Le dispositif français de participation aux négociations internationales

Le développement durable constitue une des priorités du Gouvernement français. Il nécessite une approche nationale et internationale, dont le maître d’œuvre est la direction des affaires européennes et internationales (DAEI). Rattachée au secrétariat général, elle a été bâtie en regroupant les services internationaux des pôles ministériels ayant constitué le ministère du développement durable et en les renforçant sur les thèmes prioritaires du nouveau ministère. Elle est aujourd’hui constituée d’une centaine d’agents ayant à la fois une compétence technique dans les domaines d’actions du ministère et une large expérience des activités européennes et internationales. En outre, 74 personnes sont mises à disposition par la direction dans les ambassades, les organisations européennes et internationales ou sur des fonctions liées à l’action européenne et internationale du ministère. Enfin, la DAEI anime un réseau de plus de 200 agents détachés, essaimés dans des fonctions diverses à l’international.

Dès sa création, la DAEI a été mobilisée pour conduire l’action européenne et internationale du ministère et, tout particulièrement, coordonner la présidence française de l’Union européenne en 2008. Elle pilote, au sein du ministère, les négociations internationales sur le climat et la biodiversité ainsi que les réflexions en cours sur la gouvernance mondiale de l'environnement. Elle travaille de manière étroite avec les directions générales du ministère, le ministère des affaires étrangères et européennes, et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle s’appuie en particulier sur le réseau des ambassades et des services économiques dont le suivi des dossiers liés au développement durable constitue maintenant une priorité majeure.

En résumé, la direction des affaires européennes et internationales a pour mission :

• d’assurer la coordination générale des affaires européennes et internationales du ministère et des établissements publics placés sous la tutelle du ministère ;

• de préparer et piloter la politique européenne et internationale du ministère ;

• de coordonner les positions du ministère dans les instances chargées d’élaborer la position de la France sur les questions européennes et internationales et d’organiser la représentation du ministère auprès des organisations internationales et des institutions européennes ;

• elle est associée au suivi de la mise en œuvre par le ministère des engagements souscrits par le Gouvernement dans le cadre des institutions européennes et internationales et à la transposition de la législation européenne.

Elle comporte trois sous-directions et une mission qui lui est directement rattachée, ainsi qu’une mission mise à disposition par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. En outre, est placé auprès du directeur le chef de l’équipe de négociation sur le climat composée d’agents de la direction et du ministère. En lien avec l’ambassadeur pour le climat, il coordonne la délégation française interministérielle aux négociations.

• la sous-direction du changement climatique et du développement durable traite les questions communautaires et multilatérales relatives au changement climatique, à la maîtrise de l’énergie, à la biodiversité, aux milieux et au développement durable, ainsi que le volet international du Grenelle de l’environnement ;

• la sous-direction de la régulation européenne est en charge des questions relatives à la politique commune des transports, au marché de l’énergie, aux risques, à la pollution, à l’environnement, au marché intérieur et aux financements communautaires. Dans ces domaines, elle est responsable des relations bilatérales avec les États membres de l’Union européenne, l’Islande, la Norvège et la Suisse et des négociations multilatérales. Elle assure la cohérence de l’action européenne du ministère et le suivi de ses engagements européens ;

• la sous-direction des échanges internationaux est chargée de l’animation des relations bilatérales dans le monde entier, hors Union européenne, Islande, Norvège et Suisse, des jumelages, des relations avec les banques de développement, du soutien des entreprises à l’exportation et de la gestion du personnel à l’international ;

• la mission internationale de l’urbanisme et du logement est chargée d’animer, coordonner et évaluer des actions internationales dans les domaines de l’aménagement et du logement. Elle est mise à disposition de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature ;

• la mission des Alpes et des Pyrénées, mise à disposition par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, suit les projets de transport dans les Alpes et les Pyrénées.

B – Un programme budgétaire rigoureux

Conformément à l’effort de rigueur applicable aux finances publiques, le budget pour 2012 marque une stabilisation des moyens.

1. La stabilisation des moyens budgétaires

Le programme 217 du ministère ”Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer” comporte une action spécifique (action 6) entièrement dédiée à l'action européenne et internationale. Suivie par la direction des affaires européennes et internationales, cette action couvre l’ensemble des domaines d’activité du ministère et vise notamment à développer l’influence française, à faire partager sa conception du développement durable et à promouvoir le savoir-faire des entreprises françaises. Les moyens prévus au projet de loi de finances pour 2012 s’élèvent à 9 429 695 euros. Ces crédits recouvrent notamment les contributions obligatoires versées aux organisations internationales entrant dans le champ de compétence du ministère et transférées par le ministère des Affaires étrangères et européennes dans le cadre de la rationalisation de la gestion des contributions internationales et conformément aux recommandations du Parlement, les contributions volontaires aux organisations internationales entrant dans le périmètre du ministère.

Les programmes et actions budgétaires du ministère chargé de l’environnement sont les suivants :

• Programme 190 "Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables", action 12 "Recherche dans les domaines des transports, de la construction et de l'aménagement" et action 13 "Recherche partenariale pour le développement et l'aménagement durable" ;

• Programme 174 "Energie, climat et après-mines", action 1 "Politique de l'énergie" et action 5 "Lutte contre le changement climatique" ;

• Programme 113 "Urbanisme, paysages, eau et biodiversité", action 7 "Gestion des milieux et bio-diversité" ;

• Programme 205 "Sécurité et affaires maritimes", action 4 "Action interministérielle de la mer".

2. Le maintien de la contractualisation avec les ONG de défense de l’environnement

Les relations de travail entre le ministère chargé de l’environnement et les principales ONG (françaises et étrangères) respectent le principe n°10 de la déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement, qui prévoit : « La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ».

En France, le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement (CNDDGE) qui a succédé au Comité de suivi du Grenelle, est un élément majeur de la gouvernance en matière d'environnement. Le CNDDGE est organisé en 5 collèges : Etat, élus, représentants des entreprises, organisations syndicales de salariés, associations de protection de l’environnement auxquels s'ajoutent 6 représentants de personnes morales agissant dans les domaines de la famille, la défense des consommateurs, la solidarité, l’insertion sociale, la jeunesse et l’aide au développement, ainsi qu’un représentant des chambres consulaires.

Sur la base du CNDDGE et en vue de la préparation de la conférence des Nations unies pour le développement durable, appelée Rio+20, qui aura lieu en juin 2012 à Rio de Janeiro, le ministère en charge de l’environnement et le ministère des affaires étrangères ont créé un comité consultatif : le Comité Rio+20. Ce comité regroupe l'ensemble des membres du CNDDGE et a été élargi à quelques ONG spécialisées en politique internationale. Il se réunit régulièrement depuis fin 2010 et vise à alimenter la position française sur les deux thèmes principaux de la conférence des Nations Unies :

– le cadre institutionnel du développement durable, qui inclut la réforme de la gouvernance internationale de l’environnement (GIE) ;

– l'économie verte dans le cadre du développement durable et de l'éradication de la pauvreté.

Pour le compte de la DAEI, diverses ONG françaises et étrangères de protection de l'environnement ont bénéficié en 2010 et 2011 de subventions de fonctionnement. Il convient de préciser que la DAEI ne confie aucune étude à des associations. Elle octroie seulement des subventions sur la base de demandes que lui font parvenir les ONG afin de mener des actions d'information, de sensibilisation (séminaires, publications, tables rondes), voire des actions de formations de membres de leurs réseaux sur les politiques européennes et les conventions internationales en matière d'environnement et de développement durable.

Les thématiques prioritaires qui ont été établies par la DAEI en 2011 afin d'allouer ces subventions sont les suivantes : la gouvernance de l’environnement, le climat, la biodiversité, la désertification, la Convention d'Aarhus ainsi que le développement durable. Les subventions accordées s'insèrent pour certaines dans le cadre de conventions pluri-annuelles d'objectifs de 3 ans conclues entre les associations concernées et le ministère. Une quinzaine d'organisations étaient concernées en 2011 pour un montant de 638 401 € à ce stade. Dans un contexte budgétaire tendu, il est à noter que ce montant était en diminution par rapport au montant de l'année précédente (737 000 € en 2010).

ONG FRANCAISES

Subventions

DAEI 2010

Subventions

DAEI 2011

Réseau Action Climat (RAC-France)

50 000 €

36 401 €

Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO)

25 000 € (1)

25 000 €

France Nature Environnement (FNE)

36 000 € (2)

10 000 €

Fédération des parcs naturels régionaux

20 000 €

 

CARI (lutte contre la désertification)

70 000 €

70 000 €

Agropolis – CSFD (lutte contre la désertification)

40 000 €

40 000 €

Plan Bleu (Méditerranée)

140 000 €

140 000 €

CIPRA-France (Alpes)

23 000 €

35 000 €

Institut de développement durable et de relations internationales (IDDRI)

100 000 €

80 000 €

Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité (FRB)

50 000 €

20 000 €

Surfrider Foundation Europe

8 000 €

7 000 €

ONG INTERNATIONALES

   

UICN-international

100 000 €

100 000 €

Bureau européen de l'environnement (BEE), association de droit belge.

45 000 € (3)

45 000 €

Partenaires européens pour l'environnement (ou EPE en anglais), association de droit belge.

25 000 €

25 000 €

Forum Ökologisch-Soziale Marktwirtschaft, association de droit allemand (Green Budget Europe)

5 000 €

5 000 €

Total général

737 000 €

638 401 €

(1) Actions relatives aux politiques européennes de protection de la biodiversité.

(2) Actions relatives à la politique agricole commune, la politique des transports et la Convention d'Aarhus.

(3) Actions relatives à la préparation du 7e programme d'actions pour l'environnement (élaboration d'une position du BEE sur les principaux éléments du 7e PAE, participation active aux discussions, notamment celles que la présidence belge prévoit d'organiser pour lancer le débat sur le 7e PAE, promotion auprès de la Commission européenne des positions du BEE, organisation de la conférence annuelle du BEE le 1er octobre 2010 sur ce thème).

Pour 2012, il est envisagé de conserver les mêmes axes prioritaires dans le soutien aux ONG.

3. Le Fonds français pour l’environnement mondial

Le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) est financé par le programme 110 « Aide économique et financière au développement » mis en oeuvre par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Reconstitué tous les quatre ans, le FFEM a disposé entre 1994 et 2010 d’un total de ressources s’élevant à 277,5 millions d’euros, comptabilisés en aide publique au développement.

Pour la période 2011-2014, le FFEM a été reconstitué à hauteur de 95 millions d’euros (soit une augmentation de 35 % de ses ressources pour une période de quatre ans), dont 30 millions (15 millions en 2011 et 15 millions en 2012) sont consacrés à des projets de réduction des émissions de gaz carbonique liées à la déforestation et à la dégradation des forêts. Ces 30 millions contribuent au respect, par la France, de ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique pris en 2009 dans le cadre de l’accord de Copenhague.

Rappelons que le FFEM est un fonds public bilatéral créé en 1994 par le Gouvernement français à la suite de la conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement qui s’est tenue à Rio (1992). Il est une composante de la politique de coopération bilatérale entre la France et les pays en développement. Comme le Fonds pour l’environnement mondial, qui lui a servi de modèle, le FFEM a pour mandat de cofinancer des projets de développement à forte composante environnementale, comportant des enjeux de portée mondiale, dans les domaines de la biodiversité, des eaux internationales, de la lutte contre le changement climatique, de la dégradation des terres ou des polluants organiques persistants, la gestion durable de la forêt étant un sujet transversal. Ce cofinancement, exclusivement sous forme de dons, est destiné à la mise en œuvre de projets ou programmes pilotes dans les pays pouvant bénéficier de l’aide publique au développement (APD), en priorité en Afrique et en Méditerranée.

Les objectifs généraux du FFEM pour 2012 s’inscrivent dans sa programmation pluri annuelle déclinée en objectifs sectoriels et géographiques comme mentionnés dans son cadre de programmation stratégique couvrant la période 2011-2012. L’ objectif d’engagements annuels de l’ordre de 20 millions d’euros de projets a été jugé cohérent avec les ressources du Fonds.

Les objectifs sectoriels du FFEM pour 2012 découlent des orientations définies dans le cadre de sa programmation stratégique.

Compte tenu de la montée des thématiques liées aux changements climatiques, les fourchettes par domaine pour la période 2011-2012 ont été ainsi révisées:

 

Réalisés cumulés en % sur la période 1994-2010

Objectifs en % pour les exercices 2011-2012

(base = 40 M€)

Objectifs en milliers d’euros pour les exercices 2011-2012

(base = 40 M€)

Hypothèse basse

Hypothèse haute

Biodiversité

48%

32% 41%

12 800

16 400

Changement climatique

28%

32% 41%

12 800

16 400

Eaux internationales

14%

10% 20%

4 000

8 000

Dégradation des terres/POP

10%

8% 15%

3 200

6 000

Total

100%

 

40 000

Dont « fast start » forêt

 

30 000*

Il est entendu que les projets visant à lutter contre la déforestation et à promouvoir la gestion durable des forêts servent à la fois à conserver la diversité biologique (domaine de la biodiversité), à combattre la désertification (domaine de la dégradation des terres) ou à lutter contre l’effet de serre (changement climatique).

Conformément aux priorités de la France en matière de coopération, de développement et d’environnement, les engagements du FFEM se concentreront sur l'Afrique et sur la Méditerranée (jusqu’à 65 % de ses engagements). Dans les autres régions et particulièrement les pays émergents, les concours du Fonds seront concentrés sur les pays où le maximum de synergies est possible avec les autres interventions françaises, et ceux présentant les plus grands enjeux environnementaux à l’échelle mondiale.

Afin d'associer des collectivités d'outre-mer françaises aux projets du FFEM, les projets régionaux financés par le Fonds pourront bénéficier aux collectivités d'outre-mer incluses dans les régions visées, sous réserve que ce bénéfice n'excède pas 25 % de la contribution du Fonds et qu’il favorise un effet levier sur la contribution des collectivités d’outre-mer à ces projets.

Ainsi, en cohérence avec les priorités françaises en matière d’environnement, le Gouvernement a retenu la répartition géographique suivante :

C – Réflexions sur la mise en place d’une organisation mondiale de l’environnement

La France porte depuis de nombreuses années l’idée d’une organisation mondiale de l’environnement (OME) qui rassemblerait les nombreuses agences internationales qui s’occupent de cette question. L’objectif est de donner aux politiques de l’environnement la place fondamentale qu’elles méritent.

La prochaine conférence qui se tiendra à Rio, du 4 au 6 juin 2012, vingt ans après le premier sommet de la terre, aura une triple importance pour la France et l’Union européenne :

• elle sera l’occasion de promouvoir une réforme de la gestion internationale de l’environnement ;

• elle permettra de donner au développement durable une place plus importante au sein du dispositif des Nations Unies ;

• elle pourrait fixer les grandes orientations et le calendrier conduisant à une économie mondiale sobre en ressources naturelles et en émission de carbone.

Lors de son intervention à Genève, le 15 juin 2009, le Président de la République avait souligné la fragmentation de la gestion internationale de l’environnement, qui affaiblit l’action de la communauté internationale. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) n'a pas, en l'état, les moyens de coordonner cet ensemble. La France propose de le transformer en une organisation universelle, dotée d'une personnalité juridique et disposant de ressources stables. Seule une Organisation mondiale de l'environnement (OME) semble à même de piloter l'agenda environnemental international, de donner une cohérence aux programmes et aux accords internationaux, de dialoguer efficacement avec les établissements financiers porteurs des instruments existants, d'associer la société civile en reconnaissant une place aux ONG, aux collectivités locales, au secteur privé et aux partenaires sociaux. La relation entre les responsables politiques et les experts scientifiques est également cruciale.

La France, l'Allemagne et l'ensemble de Union européenne portent avec détermination ce projet qui reçoit un accueil favorable de plusieurs autres grands pays industrialisés (Australie, Suisse), émergents (Mexique, Indonésie) ou en développement (Algérie, Maroc, Kenya, Sénégal, Gabon). D’autres pays sont sérieusement réticents : certains ont des réserves de principe (Etats-Unis, Canada); d'autres craignent le coût d'un tel projet (Japon); d'autres enfin demandent encore à être convaincus (Chine, Inde, Argentine, Afrique du Sud). Rien n'est donc acquis mais le débat a mûri. Le calendrier international est favorable (travaux du PNUE et de l'OCDE, processus de Nairobi-Helsinki, présidence française du G8-G20 qui a confié au Premier ministre David Cameron une réflexion sur la gouvernance mondiale incluant la gestion de l'environnement, travaux du panel de haut niveau sur la durabilité mondiale créé par M. Ban Ki Moon quelques mois après la conférence de Copenhague et en vue de la conférence de Rio, volonté d’accorder la priorité au développement durable pour son second mandat). Un large consensus se dessine sur la nécessité d'une vraie réforme de la gestion internationale de l'environnement et les insuffisances d'une approche graduelle ou trop modeste.

La réflexion sur l'OME a progressé lors du processus consultatif sur la gouvernance internationale de l'environnement qui s'est conclu en février 2011 à Nairobi. Ce processus a permis d'identifier les défaillances du système actuel et a mis en lumière les avantages d'une OME sur les plans juridique, structurel et financier.

1. Transformer le PNUE en Organisation mondiale de l’environnement ?

L'idée encore admise d'un renforcement du PNUE sans transformation de ce programme en organisation de plein droit ne semble pas suffisante, pour la France, pour répondre aux défis identifiés lors du processus de Nairobi-Helsinki, comme, par exemple, mettre en place une interface entre politique et science. Or en quarante ans, le PNUE n'a pas pu assurer cette fonction, ce qui entrave l’adoption de normes internationales par les Etats.

Une OME, insérée dans le cadre des Nations Unies et ayant compétence sur l’environnement permettrait à la communauté internationale de travailler de manière approfondie sur les questions de développement durable. La création de l’OME résulterait d’une transformation du PNUE, qui est pour l’heure un organe subsidiaire de l'ONU. La conférence de Rio de 2012 pourrait adopter une recommandation en ce sens, débouchant ensuite sur un traité faisant référence à l'article 57 de la Charte.

L'OME respecterait l'autonomie des diverses agences et organes spécialisés en environnement. La spécialisation est en effet nécessaire, pour des raisons de compétence technique et parce que tous les Etats ne souhaitent pas adhérer aux mêmes normes, ce qui justifie un système à géométrie variable. Chaque organe conserverait en conséquence sa conférence des parties (COP) qui garderait son rôle de définition des priorités d'action et sa capacité de proposer l'adoption de nouvelles normes dans son domaine de compétence. L'objectif est que l’OME ait une autorité politique suffisante pour n'avoir à faire que des recommandations non contraignantes aux conférences des parties.

L’apport principal de l’OME résidera dans les lignes directrices qu’elle déterminera pour la politique de l’environnement et dans la garantie qu’elle apportera aux études scientifiques, à partir desquelles sera élaboré le droit international de l’environnement. Comme le relevait le rapport du corps commun d'inspection des Nations Unies sur la gouvernance internationale de l'environnement en 2008, des problèmes structurels fragilisent actuellement l'indépendance des évaluations et des avis de des différents organes. Ainsi, le groupe indépendant des études sur le climat (GIEC) fait l'objet de vives critiques, le plus souvent injustes, alors qu'il offre des garanties d'indépendance très sérieuses de ses experts. En rassemblant de multiples compétences, elle permettra de décloisonner l’approche des politiques environnementales.

2. Une structure légère et décentralisée

Pour la France, une OME bâtie à partir du PNUE serait avant tout une porte d'entrée de l'ONU pour l’ensemble des acteurs travaillant sur le développement durable. Elle se concentrerait sur la coordination de sujets et d'acteurs concernés par des défis transversaux. L'objectif est de progresser dans la mise en œuvre de normes et de politiques agréées au niveau international et d'orienter l'agenda international vers des questions non résolues et prioritaires.

La France souhaite que le siège soit établi à Nairobi. Comme le PNUE, l'OME serait une organisation décentralisée. Elle pourrait être organisée autour de Nairobi où seraient localisées les principales fonctions support et où se tiendraient les négociations plénières. Des bureaux régionaux seraient mis en place sur la base des implantations régionales actuelles du PNUE.

Le mandat de l'OME serait le suivant :

– être l'autorité environnementale globale qui, sur la base d'une interface entre science et politique, fixe les priorités stratégiques de l'agenda international en matière environnementale ;

– mobiliser l'ensemble des acteurs concernés par la mise en œuvre des politiques de l’environnement, en favorisant une participation active de la société civile, y compris des ONG et du secteur privé ;

– aboutir à des synergies entre les différentes agences en charge de l’environnement.

Les relations avec les secrétariats des agences environnementales existantes seraient essentiellement placées sous le sceau de la coordination. L’OME n'aura en effet pas la capacité d'héberger tous les secrétariats de ces agences. En revanche, certaines mutualisations permettraient de dégager plus de moyens, d'anticiper et de traiter les conflits de normes, ou de répondre à des enjeux qui ne peuvent pas être entièrement traités par des organes subsidiaires d'une agence particulière. Les secrétariats des agences pourraient conserver leur siège distinct, mais inscriraient les activités de leurs organes subsidiaires dans un cadre global défini par l’OME. Par ailleurs, leurs secrétaires exécutifs seraient placés sous l'autorité hiérarchique du directeur général de cette dernière.

La mutualisation pourrait s'organiser en trois temps, à l’instar des conférences régionales de la FAO.

– Dans un premier temps, les COP identifieraient les priorités de leur action et les communiqueraient à l’OME.

– Dans un deuxième temps seraient établis un programme de travail et un budget. Ce budget, voté par l'assemblée de l'OME, pourrait être construit à partir des priorités définies par les COP et de grandes missions (préservation de la biodiversité, lutte contre les pollutions chimiques...) auxquelles seraient associés des objectifs et des indicateurs.

– Dans un troisième temps, le programme de travail ainsi élaboré serait mis en œuvre par le secrétariat de l'OME en partenariat avec les instances compétentes des Nations unies. Les missions à portée régionale seraient réalisées par des bureaux régionaux de l'OME, en concertation avec les Etats membres concernés et les institutions régionales compétentes.

Comme les autres institutions spécialisées (OMS, FAO, UNESCO), l'OME serait liée au Conseil économique et social (ECOSOC) par l'article 63 de la Charte de l’ONU. Elle présenterait son rapport annuel à l’Assemblée générale des Nations Unies.

L'assemblée mondiale de l'environnement remplacerait le Conseil d'administration du PNUE et se réunirait, comme lui, à Nairobi. Elle serait assistée d'un conseil exécutif dont le nombre de membres pourrait être fixé à 54, qui est l’effectif de l’ECOSOC.

Au plan administratif, l'OME remplacerait le PNUE dans les enceintes de coordination existantes :

– l'Environment management group (EMG) : cette instance pilotée par l’OME pourrait être rattachée directement au secrétariat général des Nations Unies. Elle aurait pour rôle de favoriser la mise en œuvre d'objectifs environnementaux partagés par le système des Nations Unies.

– le Groupe des Nations Unies pour le développement (GNUD) pourrait évoluer en Groupe pour le développement durable, pour mieux intégrer les objectifs environnementaux dans les programmes de développement des pays.

Le lien avec les institutions de Bretton Woods sera crucial. La multiplicité des agences crée actuellement un problème de visibilité et de saupoudrage. On assiste à un risque de prolifération de nouveaux fonds pour chaque enjeu environnemental à traiter, et les instruments financiers sont insuffisamment dotés. Il apparaît en conséquence nécessaire qu’une autorité des Nations Unies en matière d'environnement assure un rôle de référent pour les institutions financières internationales. Sans centraliser l'ensemble des fonds, l'OME pourrait jouer le rôle suivant :

– donner la vision globale qui manque aujourd'hui au financement international de l'environnement ;

– donner aux fonds des orientations générales et politiques.

L’un des objectifs de la création d’une OME est de maîtriser le financement des politiques environnementales. Au lieu de créer une agence pour répondre à un problème spécifique, avec son secrétariat et ses comités, une OME ayant vocation à coordonner et animer l’ensemble de l’action internationale en ce domaine permettrait de rationaliser l’utilisation des crédits. Les principaux bailleurs actuels du PNUE s’engageraient à maintenir a minima leur contribution à son niveau actuel, quitte à compléter leur part de contributions obligatoires sous forme de contributions volontaires. L'OME garantirait ainsi une prévisibilité de financements pour un noyau dur de missions.

II – LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ

La défense de la nature est un concept qui recouvre de nombreux thèmes. Les travaux de l’ONU ont mis en lumière deux d’entre eux, la biodiversité et l’écosystème. La biodiversité renvoie à l’ensemble des manifestations du vivant (espèces, gènes qui contribuent à leur variété) tandis que l’écosystème englobe des complexes dynamiques qui regroupent des espèces animales et végétales, ainsi que des micro-organismes qui interagissent entre eux et avec leur milieu. La protection de la nature exige que nous agissions à la fois sur la quantité d’espèces vivantes comme sur leur variété, car la disparition d’une espèce animale ou végétale peut en entraîner d’autres. Le concept de biodiversité s’est donc graduellement imposé car l’amplification des menaces sur la variété des espèces met à terme en danger la survie de l’être humain.

La diversité biologique est reconnue comme préoccupation commune de l’humanité et a été affirmée comme ressource naturelle par la résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies, en décembre 1962. Il a fallu attendre vingt ans, en 1982, pour qu’un premier instrument juridique, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, régisse la protection de la biodiversité dans les océans, puis 1992, avec la Convention sur la diversité biologique. Le concept de biodiversité avait en effet pris toute sa portée en 1992 lors du Sommet de la terre, qui s’était tenu à Rio de Janeiro. L’article 2 de la Convention sur la diversité biologique le définit comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine, y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces ainsi que celle des écosystèmes ». En résumé, ce concept décrit la variété de la vie sur terre et reflète la façon dont cette diversité change géographiquement et temporellement.

La disparition d’espèces vivantes à grande échelle n’est pas un phénomène nouveau. Les biologistes ont identifié cinq phases de disparitions dans l’histoire de la terre, la plus notable étant sous la période géologique du Permien, 250 millions d’années avant notre ère, lorsque 70 % des espèces terrestres et 95 % des espèces marines ont disparu pour des raisons encore inexpliquées (anoxie des océans, impact d’une météorite en Sibérie…). Mais ces phénomènes se sont déroulés naturellement, sur une longue période, alors que la menace qui pèse actuellement sur les espèces vivantes est due à notre activité et constitue un processus en cours d’accélération.

A – L’engagement de la France au niveau international

La France est signataire de nombreuses conventions internationales et applique les directives européennes relatives à la protection de la biodiversité. Les avis convergent, au niveau national, européen et international sur le fait que l’objectif d’enrayer la perte de biodiversité n’a pas été atteint. La communauté internationale s’accorde également sur la nécessité de renforcer son action et les moyens d’atteindre cet objectif au plus vite. Aussi, de nouveaux objectifs internationaux et européens pour la biodiversité ont été définis, respectivement en octobre 2010 et en juin 2011.

1. Une politique européenne conforme aux engagements pris à Nagoya

La convention sur la biodiversité biologique, avec la dixième conférence des parties (COP10) s'est tenue en octobre 2010 à Nagoya au Japon et a adopté à travers son plan 2011-2020 de nouveaux objectifs. Ce plan s’accompagne d’une stratégie de mobilisation des ressources, par laquelle la communauté internationale souhaite se doter d’un instrument de mesure de son action et de renforcement de sa capacité d’action. Par ailleurs, la conférence de Nagoya a permis l'adoption d'un protocole juridiquement contraignant, le « Protocole de Nagoya » portant sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation. Pour le milieu marin, en particulier, le plan prévoit notamment que « d'ici à 2020, au moins 10% des zones marines et côtières, y compris les zones qui sont particulièrement importantes pour la diversité biologique et les services fournis par les écosystèmes, sont conservées au moyen de réseaux écologiquement représentatifs et bien reliés d’aires protégées gérées efficacement et équitablement ».

La stratégie communautaire pour la biodiversité de l’UE – avec le soutien actif de la France - a contribué de façon constructive à ces négociations. Le conseil européen a adopté en mars 2010 une vision ambitieuse, reconnaissant la biodiversité comme capital naturel  en raison de sa valeur intrinsèque et de sa contribution essentielle au bien être humain et au développement économique. Il s’est fixé l’objectif de renforcer les actions de l’UE d’ici à 2020 tant en faveur de la conservation et de la restauration de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes dans l’Union européenne que sur la réduction de l’impact de son activité sur la biodiversité à l’échelle internationale.

Au vu du résultat des négociations internationales, la Commission européenne a adopté une communication en 2011 proposant une stratégie communautaire pour la biodiversité dont les objectifs essentiels sont :

• conserver, restaurer la nature  par la mise en œuvre des directives « nature » et améliorer l’état de conservation des habitats et des espèces (objectif 1);

• maintenir et valoriser les écosystèmes et les services qu'ils rendent  en améliorant la connaissance que l’on en a (objectif 2);

• assurer la durabilité de l'agriculture, l'exploitation forestière, la pêche  en assurant une meilleure prise en compte des objectifs de biodiversité dans les politiques qui leur sont consacrées (objectifs 3 et 4);

• combattre les espèces  invasives (objectif 5);

• répondre à la crise de la biodiversité en favorisant une économie efficace dans l’utilisation des ressources et en mettant en œuvre les engagements pris à Nagoya (objectif 6);

• coordonner la politique en faveur de la biodiversité avec les politiques de l’eau et des milieux marins.

Le conseil des ministres chargés de environnement a approuvé le 21 juin 2011 cette stratégie et souligné la nécessité de discuter du plan d’actions proposé par la Commission en vue de sa mise en œuvre effective.

2. La protection des espèces menacées : aller au-delà de la simple prise de conscience

Le trafic d’animaux vivants et morts a pris une ampleur considérable. Il est classé au quatrième rang des trafics illégaux. Il a pour origine des intérêts commerciaux et des pratiques culturelles qui sont bien connues. Le commerce n’est toutefois pas la seule menace qui pèse sur les espèces animales et végétales. L’extension des activités humaines, qui réduit les habitats naturels, et des pratiques économiques qui empêchent la reproduction des espèces animales, comme la surpêche ou l’épandage de produits chimiques, sont également responsables de cette menace.

a) Une politique nationale rigoureuse

Autant votre Rapporteur est parfois critique à l’encontre du manque de volontarisme de notre pays sur certaines questions comme la biodiversité ou la pêche, autant il est heureux de souligner l’engagement français en faveur des espèces menacées. La France est en premier lieu partie à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) depuis 1978. Cette convention a pour objectif de garantir que le commerce international des espèces inscrites dans ses annexes, ainsi que des parties et produits qui en sont issus, ne nuit pas à la conservation de la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces sauvages.

Du fait de sa responsabilité particulière en tant que second marché mondial après les Etats-Unis, l’Union européenne a mis en place des règlements plus stricts que la CITES et couvrant davantage d’espèces, afin de mieux maîtriser ses importations et le commerce interne des espèces les plus menacées. Au titre de ces règlements, la France délivre chaque année près de 64 000 permis certifiant que les spécimens qu’ils accompagnent ont été obtenus légalement et de façon non préjudiciable à l’espèce considérée.

Les douanes françaises contrôlent et visent annuellement aux frontières plus de 57 000 de ces permis. Elles recherchent également les infractions de manière ciblée en fonction des courants de fraude qui leur sont signalés. Ces contrôles ont conduit en 2009 à la saisie de plus de 6 000 spécimens, dont 758 animaux vivants, ainsi que de 1 443 kilogrammes de coquillages, coraux et caviar.

En complément de l’action des douanes, d’autres services effectuent des contrôles sur le territoire national : les directions départementales de la protection des populations assurent le suivi et le contrôle des établissements ou élevages d’agrément hébergeant de la faune sauvage captive, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage dispose d’une brigade nationale mobile spécialisée disposant d’une grande capacité d’expertise et d’au moins un correspondant CITES dans chaque département. Enfin, les brigades de gendarmerie sont habilitées à procéder à des contrôles, à relever des infractions et à effectuer des saisies.

Il existe en outre depuis juin 2004 un Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, chargé de constater les infractions (si l'importance le justifie), d'animer et de coordonner l'action des services répressifs sur le plan national, de les assister, de centraliser l’information et d'en assurer la diffusion à l'ensemble des services, d'observer et d'étudier les comportements les plus caractéristiques des auteurs et complices et de participer à des actions de formation et d'information.

Enfin, pour sensibiliser davantage nos concitoyens, le ministère chargé de l’écologie a mené une vaste campagne d’information des voyageurs, notamment via la diffusion d’un court métrage de sensibilisation des touristes à bord des avions longs-courriers d’Air France et par la large diffusion d’une plaquette d’information sur la CITES mettant l’accent sur la responsabilité qui incombe aux voyageurs lorsqu’ils achètent des animaux, plantes ou produits dérivés issus de la faune ou de la flore sauvages.

b) Poursuivre le soutien à la CITES

En décrétant que 2010 serait l’année de la biodiversité, les Nations Unies ont placé la protection des espèces menacées sous le feu de l’actualité. La conférence de la CITES, à Doha, du 13 au 25 mars 2010 a ainsi bénéficié d’un retentissement mondial, d’autant que le sort du thon rouge y était débattu.

La conférence de Doha peut être qualifiée de succès relatif. Certaines espèces de requins ont été inscrites à l’annexe II de la CITES, mais le thon rouge, dont l’exploitation commerciale est source de grands profits, n’a pas été classé en annexe I (animaux en voie de disparition imminente). Son exploitation demeure en conséquence autorisée.

La CITES présente l’immense qualité de s’appuyer sur le contrôle du commerce international pour préserver la biodiversité. Malgré quelques échecs, elle constitue l’un des rares organismes internationaux dont les objectifs ont été respectés, au point que d’autres systèmes de contrôle se tournent vers elle lorsque leur action est sans résultat. Ainsi la CITES a été saisie du dossier du thon rouge après que les Etats membres de la commission internationale pour les thonidés de l’Atlantique aient échoué à parvenir à un accord sur la gestion de l’espèce. De ce fait, ses décisions sont concrètes et d’application rapide alors que les conventions sur la biodiversité fixent des objectifs généraux dont la mise en œuvre dépend du bon vouloir ou des possibilités humaines et budgétaires des Etats.

Les décisions de la CITES se prennent à la majorité, ce qui empêche un seul Etat de les bloquer. Elle est donc en mesure de peser sur la communauté internationale dès lors qu’une prise de conscience prend de l’envergure. Un bon millier d’espèces, dont certaines très emblématiques – tigres, tortues marines, grands singes, éléphants, cactées, orchidées, bois rose – doivent leur survie à ce mécanisme, mais la tâche demeure de grande ampleur lorsque l’on se rappelle que 32 000 espèces exigent une protection.

La CITES ne couvre pas malheureusement l’ensemble des menaces à l’encontre de la biodiversité. Elle ne traite ni de la réduction des habitats, ni des espèces invasives, ni encore du réchauffement climatique. Son objet limité explique d’une certaine manière son succès, mais l’ampleur de la réduction du vivant exige une mobilisation plus large de la communauté internationale.

3. De nombreux engagements multilatéraux

Les principaux dispositifs internationaux et régionaux auxquels la France est partie sont rappelés ci-après. La France a soutenu en 2010 et 2011 la mise en place d’une meilleure gestion internationale de la biodiversité. Ce processus a abouti, notamment, à l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies d'une résolution donnant son feu vert à la poursuite du processus de création de la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité (IPBES), qui, à l'image du GIEC pour le climat, sera une véritable interface mondiale entre la science et les décideurs politiques.

Convention sur la diversité biologique : ce texte est le premier accord mondial sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique. Cette convention se fixe trois objectifs principaux : la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments constitutifs et le partage équitable des avantages qui découlent de l'utilisation des ressources génétiques, à des fins commerciales et autres. Elle reconnaît, pour la première fois, que la conservation de la diversité biologique est "une préoccupation commune à l'humanité" et qu'elle fait partie intégrante du processus de développement. La convention couvre tous les écosystèmes, toutes les espèces, et toutes les ressources génétiques. Elle s'étend également au domaine de la biotechnologie, en expansion rapide, puisqu'elle traite des questions du transfert et du développement des biotechnologies, du partage des avantages qui en découlent et de la bio-sécurité. Bien qu’intervenant sur des sujets complexes, la convention possède un caractère juridiquement contraignant.

Protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques, (dit « Protocole biosécurité ») : il s’agit du premier texte international sur la prévention des risques biotechnologiques. Conformément au principe de précaution, il a pour objectif d’assurer un degré adéquat de protection de l'environnement, celui-ci étant entendu dans une acception très large (incluant la santé humaine) lorsqu’il y a transfert, manipulation et utilisation sans danger des organismes vivants modifiés (OGM). Son champ d'application couvre tous ces organismes, à l'exception des médicaments pour les êtres humains. Le protocole réglemente plus particulièrement les échanges internationaux d’OGM susceptibles d'avoir des effets défavorables sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique.

Protocole de Nagoya portant sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages issus de leur utilisation (APA) : cet instrument juridiquement contraignant, adopté par 193 États en octobre 2010, constitue pour la biodiversité une avancée de l'ordre de ce que représentait le protocole de Kyoto sur le climat. Il fixe des règles pour lutter contre le pillage des ressources biologiques, qui permettront de garantir un juste retour, financier ou en nature, à ceux qui conservent la biodiversité. Afin d'être en mesure de ratifier ce traité majeur dans les meilleurs délais, la France, qui a activement contribué à la conclusion de cet accord, a entamé une réflexion en vue d’adopter une loi sur l’APA, en lien avec les travaux engagés au niveau de l’Union européenne.

Convention pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel : sous l’égide de l’UNESCO, cette convention a pour finalité de préserver les biens culturels et naturels, de valeur universelle ou exceptionnelle qui sont reconnus par la communauté internationale comme patrimoine mondial de l’humanité.

Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture : négocié dans le cadre de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA), ce traité, qui a été récemment révisé, est intéressant car il applique à un secteur particulier, les ressources phytogénétiques pour l’agriculture et pour l’alimentation, les principes proclamés par la convention sur la diversité biologique.

Convention relative aux zones humides : son objectif est la conservation et la gestion naturelle des zones humides et de leurs ressources. Le choix de ces zones est effectué sur la base de critères parmi lesquels figurent  la présence d’espèces rares, d’espèces en danger ou encore d’espèces, qui sont, au contraire, en nombre significatif à l’échelle mondiale (oiseaux d’eau notamment) ; le rôle que jouent les zones humides dans le maintien d’activités économiques durables, qui, elles mêmes, conditionnent le maintien sur place des populations locales. La désignation constitue pour chaque zone humide concernée un label de reconnaissance internationale. Fondée à l’origine sur la préservation des habitats d’oiseaux d’eau, cette convention a maintenant élargi son champ de compétence à la protection de tous les aspects de la biodiversité et va même jusqu’à la protection des valeurs sociales et culturelles présentes sur le territoire des zones humides.

Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (dite CITES) : la CITES repose sur le principe selon lequel en limitant le commerce des espèces menacées d’extinction, on peut également en contrôler les prélèvements de spécimens. La CITES réglemente ainsi l’importation, l’exportation, la réexportation et le transit des différents spécimens. Les espèces sont réparties dans les annexes I (espèces menacées d’extinction, II (espèces qui risquent de devenir menacées d’extinction si le commerce international de leurs spécimens n’est pas réglementé) et III (espèces qu’un pays soumet à une réglementation locale visant à restreindre l’exploitation, le contrôle de ces mesures nécessitant la coopération des autres Etats parties).

Convention internationale pour la protection des végétaux: cette convention organise l’action commune pour empêcher la dissémination et l’introduction d’organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux, et promouvoir des mesures en matière de lutte contre les espèces exotiques envahissantes végétales, animales ou autres.

Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (dite » convention de Bonn ») : son objectif est d'assurer la conservation des espèces migratrices terrestres, marines et aériennes sur l'ensemble de leur aire de répartition. C'est l'un des traités intergouvernementaux concernant la conservation de la faune sauvage et de ses habitats à l'échelle mondiale. La France a récemment proposé l’inscription de l’esturgeon européen à l’annexe I de la convention.

A côté des textes internationaux, notre pays est également signataire de textes européens.

Convention européenne du paysage : la convention vise à encourager les autorités publiques à adopter aux niveaux local, régional, national et international, des politiques et mesures de protection, de gestion et d’aménagement des paysages européens, dans une perspective de développement durable. Elle concerne tous les paysages, remarquables ou ordinaires qui déterminent la qualité du cadre de vie des populations, quel que soit leur état, dégradé ou non.

Convention sur la protection des Alpes: cette convention porte sur la protection des Alpes et a pour objet l’harmonisation des politiques des parties en vue de concilier les intérêts économiques en jeu dans le massif alpin avec les exigences de la protection d’un patrimoine naturel menacé.

Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe (dite « convention de Berne ») : cette convention a pour objet d'assurer la conservation de la flore et de la faune sauvage ainsi que de leurs habitats naturels. Elle insiste, notamment sur les espèces et les habitats dont la conservation nécessite la coopération de plusieurs Etats. Une attention particulière est accordée aux espèces, y compris les espèces migratrices, menacées d'extinction et vulnérables. Les parties contractantes prennent les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de la flore et de la faune sauvage à un niveau qui correspond notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles.

Accord relatif à la conservation des chauves-souris en Europe : cet accord protège toutes les espèces de chauves-souris d’Europe. Les obligations pour les Etats signataires sont les suivantes: interdire la destruction, la détention et la capture de chauves-souris, inventorier et protéger les sites les plus importants particulièrement les zones de chasse et s’efforcer de remplacer les pesticides et les produits chimiques de traitement du bois hautement toxiques par des substituts moins dangereux.

Accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique et Eurasie : l’accord couvre 235 espèces d’oiseaux, qui dépendent écologiquement des marécages pour au moins une partie de leur cycle annuel ; parmi ces espèces se trouvent de nombreuses espèces de pélicans, de cigognes, de flamands roses, de cygnes, d’oies, de canards, d’échassiers, de mouettes, et d’hirondelles de mer.

4. Une politique nationale qui respecte rigoureusement nos engagements internationaux

La politique de protection de la biodiversité est par nature transversale. Toute action, qu’il s’agisse des transports, de la construction et de l’aménagement urbain, de l’agriculture, peut entraîner des conséquences sur la biodiversité.

La France fonde son action internationale sur la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) adoptée en 2004. Elle a pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en renforçant la politique du patrimoine naturel et en intervenant sur l’ensemble des politiques et activités sectorielles.

Notre pays porte une responsabilité forte et se doit d’être exemplaire. Il est en effet le seul pays présent dans cinq des 25 "points chauds" de la biodiversité mondiale (Méditerranée, Caraïbes, Océan Indien, Nouvelle Calédonie, Polynésie) et dans une des trois zones forestières majeures de la planète (Guyane / Amazonie). Son domaine maritime est le deuxième du monde. Sur son territoire métropolitain, elle accueille 4 des 5 zones biogéographiques de l’Europe occidentale et centrale. Elle doit donc moderniser sa politique du patrimoine naturel et plus largement de préservation et gestion durables de la biodiversité, en conservant les acquis, afin de mobiliser davantage les acteurs privés, les citoyens et les collectivités territoriales.

La stratégie nationale pour la biodiversité constitue le principal instrument de mobilisation nationale en faveur de la protection du patrimoine vivant. Ses deux objectifs sont :

– contribuer à inverser l’érosion de la biodiversité d’ici 2010, objectif fixé au Sommet de la Terre à Johannesburg, repris par l’Union européenne, et réaffirmé par le Président de la République en janvier 2005.

– valoriser les territoires par une gestion concertée et contractualisée du patrimoine naturel.

La mise en place de la SNB résulte en grande partie des engagements internationaux de la France qui est signataire des nombreuses conventions internationales précitées et des directives européennes relatives à la protection des espèces.

La stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 vise à produire un engagement plus important des divers acteurs, à toutes les échelles territoriales, en métropole et en outre-mer, en vue d’atteindre les objectifs annoncés. Elle fixe pour ambition commune de « préserver et restaurer, renforcer et valoriser la biodiversité, en assurer l'usage durable et équitable, réussir pour cela l'implication de tous et de tous les secteurs d'activité ».

L’objectif de la SNB pour 2011 à 2020 est de mettre en place un cadre cohérent pour que tous les porteurs de projets publics et privés puissent y contribuer sur une base volontaire. Les travaux prévus en 2012 sont les suivants :

– Adhésion et engagement volontaire des acteurs : un dispositif d’adhésion d’une part, et un dispositif de reconnaissance des engagements volontaires d’autre part, sont mis en place. Tous les acteurs (publics et privés) sont invités à faire connaître la SNB.

Pour accompagner les acteurs dans leur démarche d'engagement volontaire, un guide pour l’action, outil méthodologique et pédagogique, sera disponible en 2012. Il permettra à ceux qui le souhaitent de formaliser un engagement à contribuer à la mise en œuvre de la SNB. Le guide sera adapté aux différents types d’acteurs et en particulier aux collectivités territoriales.

– Gestion de la SNB : un comité de suivi de la SNB sera mis en place au début de 2012. Il s’assurera du respect de la stratégie nationale et de nos engagements pris à Nagoya.

– Les engagements de l'Etat 2011-2013 permettent la mise en œuvre de la SNB. Ce sont des actions complémentaires à celles déjà initiées dans le cadre du Grenelle de l'environnement et du Grenelle de la mer. Plus de 40 nouveaux engagements interministériels s'articulent autour des six axes suivants : restauration de milieux naturels et de continuités écologiques, intégration de la biodiversité dans des politiques sectorielles, amélioration de la connaissance en matière de biodiversité et innovation, usage des sols et action foncière, redevances, fiscalité et financement.

L’intégration de la biodiversité dans les politiques sectorielles (activités économiques ou institutionnelles) est nécessaire pour concilier les intérêts publics et privés et sensibiliser les entreprises à leur dépendance vis à vis de la biodiversité. A ces fins, la stratégie prévoit notamment l’intégration de l’étiquetage environnemental des produits et le soutien des labels favorables à la biodiversité et le soutien à la certification environnementale des exploitations agricoles. 

B – La biodiversité sur les côtes et en haute mer

La gestion de la biodiversité sur les côtes et en haute mer devient un enjeu crucial en raison de la menace que l’activité humaine fait peser sur les espèces. Les mers et océans forment 72% de la surface du globe, et les deux tiers des eaux marines sont en haute mer, où vivent de nombreuses espèces pélagiques.

Cet espace subit de nombreux risques : pollution d’hydrocarbures et autres produits chimiques, soupes plastiques notamment (résidus non biodégradables qui flottent entre la surface et 3 mètres de fond et qui suivent les sens des courants, que les poissons ingèrent parfois) et enfin surpêche.

Le problème principal provient de ce que cet espace n’est pas géré par la communauté internationale. Il relève de la res communes et de la res nullius.

1. Des régimes juridiques de protection, mais peu de moyens de contrôle

Les régimes juridiques de non-appropriation s’appliquent à des choses qui, en raison de leur nature et de leurs caractéristiques physiques, ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation. C’est le cas de la mer, de l’espace ou de l’atmosphère (res communes) ou des choses qui, compte tenu de leur abondance, ne rendent pas nécessaire des règles en régissant la propriété (res nullius telle que la ressource halieutique, par exemple). Le statut de res nullius caractérise une chose qui, au moment envisagé, se trouve être sans propriétaire. Contrairement à la res communis qui est une chose ou un bien, corporel ou incorporel, appartenant à l’ensemble d’une communauté, la res nullius peut devenir la propriété de celui qui, le premier, l’occupe, l’utilise ou la ramasse.

En droit de la mer, dans le cadre de la Convention des Nations Unies de 1982 (CNUDM), le régime de res nullius s’applique aux ressources situées en haute mer, c'est-à-dire au-delà des zones soumises à la juridiction des Etats, la haute mer elle-même étant considérée comme res communis. Le statut de res nullius ne caractérise toutefois que les seules ressources de la colonne d’eau, les fonds marins situés au-delà des limites de la juridiction nationale (y compris leur sous-sol) ayant, quant à eux, le statut de « patrimoine commun de l’humanité ».

Le statut de res nullius n’empêche toutefois pas de soumettre les ressources auxquelles il s’applique à des règles de gestion visant à en garantir la protection et la conservation. Ainsi, tout en rappelant que c’est la liberté qui prévaut pour la pêche en haute-mer, la CNUDM souligne que les Etats ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour assurer la conservation des ressources biologiques ou de coopérer entre eux à cette fin. C’est dans cet esprit que la communauté internationale a adopté l’Accord des Nations Unies relatif à la conservation et à la gestion des stocks de poissons chevauchants et de poissons grands migrateurs (1995) ou encore le Code de conduite pour une pêche responsable de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (1993). C’est également dans cet esprit qu’ont été institués des modes de gestion collective des ressources halieutiques dans des zones comprenant des parties de haute mer, dans le cadre de diverses organisations régionales de pêche. La France, qui est membre de plusieurs de ces organisations régionales de pêche, participe à ces travaux et veille à l’application des règles qui en découlent par ses ressortissants et les navires battant son pavillon.

Par ailleurs, au-delà des seules affaires de pêche, la CNUDM met à la charge des Etats une obligation générale de protection du milieu marin (article 192 de la convention). Cette obligation concerne aussi bien les zones placées sous la juridiction des Etats que la haute mer. Dans cette perspective, les Etats se mobilisent, depuis plusieurs années, au sein de différentes instances internationales, pour explorer les voies d’une gestion durable de la haute mer et de ses ressources. Ce processus repose, en particulier, sur les réflexions d’ordre juridique et institutionnel menées au sein du groupe de travail ad hoc des Nations Unies chargé d’étudier les questions relatives à la conservation et à l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale, dont la dernière réunion s’est tenue à New-York du 1er au 5 février 2010.

La France, qui participe à ces travaux aux côtés de ses partenaires de l’Union européenne, met en avant l’importance centrale de la CNUDM, qui doit demeurer le cadre de référence de toute initiative portant sur la haute mer. La France est favorable à la mise en place d’un système de protection et d’exploitation soutenable de la biodiversité dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale. A cette fin, elle est disposée à examiner toutes les possibilités, y compris un statut de res communis encore à élaborer.

Au-delà des textes internationaux, qui démontrent que l’humanité a une conscience limitée de l’importance de la haute mer, la question du contrôle des activités humaines est cruciale. Peu de pays disposent de forces navales et de satellites en nombre suffisant pour contrôler l’application de ces textes. La haute mer est en pratique une zone de non-droit. Or son importance exige que soit mise en place un mode de gestion commun (gouvernance) de cet espace.

2. De nombreux forums, mais aucune décision

A l’initiative de nombreux instituts, think tanks et autres organisations internationales, la protection de la biodiversité en haute mer a pris toute sa place dans le débat général sur la préservation de l’environnement. En France, l’Institut de développement durable et des relations internationales (Iddri) a animé plusieurs séminaires, notamment à Monaco, en liaison avec le Fonds français pour l’environnement mondial. D’autres enceintes – congrès mondial de la nature à Singapour, forum global sur les océans, les côtes et les îles à Hanoï, colloque international de Brest – ont permis de bien identifier l’ensemble des problèmes. L’avenir de la haute mer demeure néanmoins indécis, ce qui en matière d’environnement est lourd de menaces. Les Etats peinent à remettre en question une tradition séculaire de totale liberté dans cet espace. Mobilisés par les négociations sur le climat et l’énergie, analysant la biodiversité sous l’angle de la vie terrestre, ils ne montrent guère de volonté à ouvrir un nouveau dossier sur lequel la communauté internationale a, une nouvelle fois, de fortes chances d’être divisée.

3. La réforme de la politique commune de la pêche : un essai de conservation de la biomasse et de la biodiversité

La réforme de la politique commune de la pêche (PCP) constitue un enjeu crucial pour un secteur économique important dont l’existence dépend du bon état naturel des espaces benthiques et pélagiques. Sans ressource naturelle, sans une abondante biomasse marine, elle-même gage d’une biodiversité nécessaire aux équilibres marins, c’est l’ensemble d’une filière qui se trouve en péril.

a) Le constat de l’Union européenne

Dans son livre vert d’avril 2009, la Commission européenne a dressé un constat de l’état actuel des ressources halieutiques et du secteur européen de la pêche et a préconisé une réforme de la PCP. Ce constat a mis en évidence :

• une grande fragilité des ressources (surpêche) ;

• une disproportion entre le niveau de disponibilité de ces dernières et la capacité de pêche développée par les pays de l’Union européenne (surcapacité) ;

• une rentabilité médiocre de ce secteur économique.

A la suite de la diffusion de ce document, les différentes parties prenantes ont participé au processus de consultation ouvert par la Commission jusqu'au 31 décembre 2009. Plusieurs débats ont eu lieu lors des Conseils des ministres, notamment en avril et juin 2010.

La réforme de la PCP proposée par la Commission européenne le 13 juillet 2011 comprend notamment :

• une communication de la Commission concernant la réforme de la PCP ;

• un rapport de la Commission concernant les obligations liées aux dispositions du règlement 2371/2002 ;

• une communication de la Commission concernant le volet externe de la politique commune des pêches ;

• une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la politique commune des pêches (en remplacement du règlement de base 2371/2002).

Une proposition de règlement sur le futur instrument financier devrait être présentée par la Commission avant la fin de 2011, certaines orientations étant déjà présentées dans le cadre des propositions de la Commission de juin 2011 sur le financement de l’UE pour 2014-2020 (perspectives financières). L’ensemble des nouvelles dispositions entre en vigueur le 1er janvier 2013, à l’exception du futur instrument financier qui sera applicable pour la période 2014-2020.

b) La position de la France

La proposition de la Commission ne correspond pas en l’état aux positions développées par la France dans son mémorandum  élaboré à l’issue des « Assises de la pêche » à l’automne 2009.

Si la France soutient la méthode de gestion fondée sur l’atteinte du rendement maximal durable (RMD), la fixation proposée par la Commission d’une date unique et obligatoire pour l’ensemble des stocks en 2015 n’est ni réaliste, ni conforme aux engagements pris par l’UE. L’atteinte simultanée du RMD pour tous les stocks est biologiquement difficile, de même que la nécessaire prise en compte de la difficulté de gérer les pêcheries mixtes. Dans ce contexte, la France privilégie une approche par pêcherie où les objectifs d’atteinte du RMD seraient fixés pour chaque stock dans le cadre des plans pluriannuels, en tenant compte de l’impact socio économique et des interactions entre espèces.

La France est par ailleurs favorable à une cohérence entre les politiques de l’UE (en particulier entre la PCP et la politique environnementale) mais sans subordination entre elles. Il semble également opportun de mettre sur un même plan l'ensemble des piliers du développement durable (social, économique et environnemental). A ce titre, la France estime que le volet social de la PCP doit être mieux pris en compte au sein du règlement de base. La PCP doit affirmer un certain niveau d’ambition en la matière en vue d’améliorer les conditions de travail des marins pêcheurs et leur niveau de protection sociale, tout en assurant de façon concrète une compétition loyale et équitable entre les Etats membres, empêchant les distorsions de concurrences fondées sur des différences excessives de coûts du travail maritime. La proposition devrait donc intégrer un objectif en ce sens et prévoir des critères minimaux d’harmonisation du droit du travail à la pêche et de la protection sociale des pêcheurs, en se fondant par exemple sur la Convention 188 de l’OIT sur le travail à la pêche.

S’agissant des rejets de prises, une réduction significative et progressive est souhaitable, mais une interdiction généralisée, telle que proposée par la Commission, ne semble pas réaliste. Les causes des rejets sont en effet multiples (quotas trop faibles, mesures techniques inadaptées…) et supposent des mesures adaptées à chaque pêcherie. Dans ce contexte, des interdictions de rejets pourraient être introduites progressivement dans certaines pêcheries spécifiques. Pour les autres pêcheries, des plans pluriannuels pourraient fixer des objectifs de réduction progressive de rejets, par le biais de mesures adoptées au niveau régional. Ces mesures de réduction doivent s'appuyer sur une multitude d'outils qui pourront être choisis par les parties prenantes : sélectivité, gestion spatio-temporelle, mise en place de quotas de captures pour certaines espèces sensibles dans certaines zones... Les professionnels, par le biais de conseils consultatifs régionaux renforcés, doivent jouer un rôle majeur en la matière.

En ce qui concerne les droits de pêche, la France est favorable à une individualisation des droits de pêche, gérés collectivement au sein des organisations de producteurs ou par l’autorité publique mais n’est en revanche pas favorable à la proposition de la Commission d’instauration obligatoire d’un système de droits individuels transférables monétarisés, qui est de nature à favoriser la spéculation et la concentration excessive des quotas au travers de la constitution d’un marché de droits. En outre, les contraintes administratives liées à l’instauration d’un tel système seraient très lourdes pour les Etats et une individualisation des droits ne pourrait être envisagée que pour les stocks gérés au niveau de l’UE.

La France se félicite de l'intégration au sein du règlement de base d'un chapitre dédié à l'aquaculture et à la création d’un comité consultatif dédié à cette industrie. Toutefois, les dispositions proposées manquent cruellement d'ambition et la Commission, au nom de la subsidiarité, ne s’implique quasiment pas et renvoie l’essentiel de la responsabilité aux Etats membres :

– la recherche de simplification administrative que la Commission souhaite imposer aux Etats membres (objectif prévu des plans stratégiques nationaux pluriannuels qu’elle demande aux Etats membres d’élaborer) ne peut être obtenue sans l’intervention directe des institutions européennes car les contraintes pesant sur les exploitations aquacoles découlent pour l’essentiel de la réglementation européenne.

– la coordination des plans stratégiques nationaux doit relever de la compétence de la Commission au titre de la compétence partagée (rôle prépondérant de la Commission qui doit être chargée d’organiser la concertation entre Etats) alors que le projet de règlement ne prévoit qu’une invitation des Etats membres à échanger entre eux. A titre d’exemple, la gestion de la population de cormorans au niveau supranational est une absolue nécessité.

Il est nécessaire que les campagnes européennes de promotion des produits de l’aquaculture de l’Union aient lieu à l’initiative de la Commission et non des seuls Etats membres, en lien avec la représentation professionnelle et le futur comité consultatif de l’aquaculture.

La France est enfin particulièrement attachée au maintien d’un instrument financier fort pour la PCP, sans réduction des crédits destinés au secteur de la pêche et de l’aquaculture par rapport à la période 2007-2013, qui doit permettre l'adaptation du secteur de la pêche aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux (et notamment la poursuite de l'adaptation de la flotte ainsi que la modernisation des navires) et favoriser le développement durable de l'aquaculture. Le fonds européen devra répondre aux enjeux suivants :

– amélioration, d’une part, de la connaissance scientifique sur l’état des ressources halieutiques et d’autre part, de la situation socio-économique de l’ensemble de la filière pêche et aquaculture européenne ;

– expérimentation et promotion, d’une part, de techniques de pêche préservant la ressource et assurant une meilleure protection de l’environnement et, d’autre part, de la mise en place de mesures halio-environnementales dans les différentes pêcheries, aux côtés des mesures aqua-environnementales ;

– accompagnement du renouvellement de la flotte de l’UE afin de répondre aux enjeux de diminution de la dépense énergétique, d’accroissement de la sécurité des navires et d’adaptation de la capacité de stockage à la valorisation des produits et à la gestion des rejets, dans le respect de l’adéquation des capacités de pêche aux ressources disponibles ;

– accompagnement de la responsabilisation du secteur des pêches et de l’aquaculture dans la gestion et la couverture des risques.

c) Le thon rouge, question conjoncturelle ou structurelle ?

Le thon rouge est une espèce devenue emblématique du conflit entre économie et écologie et entre institutions publiques et ONG écologistes. Pour les institutions, notamment européennes, il s’agit d’une question conjoncturelle tandis que les ONG considèrent qu’il convient de réformer l’ensemble des pratiques concernant sa capture.

La pêche du thon rouge est gérée par la commission internationale de conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA). La CICTA a ainsi adopté en novembre 2010 une recommandation qui complète le plan pluriannuel de reconstitution du stock de thon rouge en fixant le total admissible de capture (TAC) pour la période 2011-2013 et en répartissant les quotas de thon rouge entre toutes les parties contractantes. Cette recommandation [10-04] vise également à réduire de façon accélérée la surcapacité des flottes de pêche et des établissements d’engraissement de thon rouge et à conditionner l’activité de pêche à l’existence dans chaque partie contractante des moyens de contrôle permettant de faire respecter la règlementation de la pêche du thon rouge.

L’Union européenne, représentée par la Commission européenne, est partie contractante à la CICTA. Elle a soutenu l’adoption de cette recommandation [10-04] puis a transposé par un règlement du Conseil, dit règlement TAC et quotas, les droits de pêche du thon rouge pour les pêcheurs européens et français.

Cette procédure est basée sur une évaluation scientifique du stock de thon rouge réalisée en 2010 par le comité scientifique (SCRS) de la CICTA. L’Ifremer et les organismes scientifiques d’autres parties contractantes participent à cette évaluation sous la direction du président du SCRS. En 2009 et 2010, un nombre considérable d'informations scientifiques sur la biologie, la structure de population, les dynamiques spatiales et d'autres informations liées à la pêche de ce stock ont été rendues disponibles, grâce notamment à des expérimentations de marquage, des survols aériens et des analyses génétiques. Les prospections aériennes en 2009, notamment, ont indiqué une plus forte abondance ou une plus forte concentration de petits thons rouges dans le nord-ouest de la Méditerranée que ce qui avait été découvert dans des prospections réalisées en 2000-2003. De même, des améliorations importantes ont été apportées aux statistiques de prise et d’effort. L'évaluation s'est donc fondée sur un nombre accru de données.

Aucun signe d’effondrement du stock n’a été détecté par le comité scientifique et la plupart des scénarii testés par les experts scientifiques montrent une amélioration du stock même si des incertitudes demeurent dans les projections réalisées en raison du manque de fiabilité des données collectées sur la période 1998-2007.

Toutefois, selon le SCRS le stock demeure soumis à une pêche excessive et la biomasse reproductrice est toujours inférieure au niveau permettant d'atteindre le rendement maximum durable. Les tailles des prises ont également diminué. Le SCRS a indiqué dans ses conclusions que la reconstitution du stock de thon rouge de l'Est au niveau de la biomasse reproductrice à l'équilibre, avec une probabilité de 60% au moins, pourrait donc être réalisée pour 2022 avec le choix d'un TAC à 13 500 tonnes ou moins. Lors de la réunion annuelle de la CICTA en novembre 2010, les parties contractantes ont fait le choix d’un TAC de 12 900 tonnes conforme à l’avis scientifique le plus récent.

CONCLUSION

L’action internationale de la France en matière d’environnement est l’exact reflet de l’état des négociations à l’échelle internationale : l’affichage d’une volonté politique, mais peu de résultats.

2010 est apparu comme une année de transition. 2011 risque de recevoir le même qualificatif. Après le relatif échec de la conférence de Cancun, la préparation de la conférence de Durban ne permet pas à ce stade de se prononcer sur l’accord qui pourrait être trouvé en Afrique du Sud. Les lignes de force de la négociation, avec des Etats-Unis attentistes, une Chine drapée dans son splendide isolement et des pays en voie de développement qui ne souhaitent pas subir de contraintes laissent plutôt présager un accord minimal, comme à Cancun, bien en deçà des efforts exigés pour limiter les émissions de CO2.

Paradoxalement, la politique en faveur de la biodiversité, sur laquelle les Etats parties aux différentes conférences ne parvenaient pas à s’accorder, a été relancée grâce à la conférence de Nagoya. Cette conférence a notamment permis un accord qui semblait impensable encore il y a deux ans, sur le partage des ressources génétiques, ce qui confère désormais une valeur économique à la biodiversité.

Si la politique n’était pas une école de patience et de ténacité, l’on pourrait osciller entre découragement et ironie. Des dizaines de réunions préparatoires, qui ont un coût budgétaire, ne débouchent que sur des accords a minima, sans force contraignante, renvoyant à la conférence suivante le soin de régler les questions non résolues. Le cadre multilatéral des négociations, indispensable en raison du caractère global des problèmes, se révèle d’un maniement difficile dès lors que les pays qui négocient partent de situations nettement différentes et ont des objectifs souvent divergents. Peut-être faut-il remettre en cause ce mode de travail et lui privilégier des approches régionales. L’Union européenne dispose de son programme de travail et la réalisation effective d’une économie sobre en carbone aurait valeur d’exemple sur le reste du monde.

Dans ce contexte, la France agit selon sa vision d’un monde multipolaire. Notre pays a activement contribué aux timides avancées de la politique européenne et au compromis trouvé à Copenhague, mais lorsque deux puissances – les Etats-Unis et la Chine – s’opposent et bloquent toute évolution majeure, la France comme l’Europe ne peuvent que constater leur incapacité à peser sur les processus multilatéraux. La diplomatie multilatérale exige une infinie patience et la construction pas à pas de nouveaux équilibres. Il faut juste espérer que cette construction ne sera pas trop lente, face aux exigences environnementales de notre époque. Les opinions publiques attendent beaucoup des grandes conférences et risquent de perdre foi en la politique si cette dernière n’apporte aucune solution, alors que se multiplient les catastrophes naturelles d’origine anthropiques et que s’amorcent de lents processus, dangereux pour l’activité humaine, comme l’érosion des côtes et la salinisation des terres.

Les crédits que consacre notre pays à l’action internationale pour la protection de l’environnement peuvent apparaître modestes au regard des enjeux pour notre planète. La nécessaire politique de rigueur budgétaire s’applique à cette action comme à d’autres… Mais une politique ne se résume pas à des montants financiers. Votre Rapporteur a mesuré depuis plusieurs années combien était importante la mobilisation des fonctionnaires des ministères du budget, des affaires étrangères et de l’écologie en faveur de l’environnement, ainsi que leur excellente capacité d’expertise. Depuis 2007, la France a pleinement participé à l’ensemble des négociations multilatérales grâce à la réorganisation de son outil administratif. Aussi est-il logique de donner un avis favorable aux crédits proposés pour 2012.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine les crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables » pour 2012 au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2011.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jean-Paul Lecoq. Je comprends l'idée d'un service public mondial de l'environnement et je crois aussi en la force des réunions, même ratées. Ces réunions ont un fort impact, même par leur échec, et permettent une sensibilisation croissante des populations sur la question du climat. Je le constate dans l’intérêt que suscitent les plans climatiques locaux. C'est donc un investissement.

Il faut aussi « balayer devant sa porte ». Notre pays a des responsabilités dans ce domaine, avec ses incohérences, par exemple s’agissant des incitations fiscales pour les équipements photovoltaïques, ses retards : au Havre, on parle de captage du CO2 depuis quinze ans. Les industriels mettent moins d'ardeur à investir dans la recherche sur le captage du CO2 que sur les gaz de schiste. Il faudrait exercer une pression politique plus forte.

Les conférences n’abordent jamais le problème des migrations climatiques. Un maire m'a écrit pour savoir si j’étais prêt à accueillir provisoirement des enfants de Fukushima. Je lui ai demandé s'il proposait la même chose pour les familles somaliennes. Il m’a répondu par la négative car selon lui, nous étions sûrs que les enfants retourneraient au Japon. Quelle est cette mentalité ? Il faudra soulever ces questions des migrations climatiques, pour savoir comment la solidarité internationale va fonctionner.

Je comprends la position des Chinois à propos de la pollution que nous avons produite dans le passé ; ils nous disent qu'ils ont droit à leur part de développement. Nous devrions leur montrer nos efforts et les inviter à faire de même.

En matière d'économie, il ne faut pas oublier la dimension éthique : pourquoi ne pas défendre les produits respectueux de l'éthique environnementale et créer un label spécifique ?

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Je partage votre opinion sur l'éthique. Concernant la Chine, les préoccupations environnementales existent de plus en plus dans ce pays. C'est une consigne donnée par le comité central à l'ensemble des premiers secrétaires dans les provinces il y a trois ans. La notation dans les provinces est aussi réalisée sur des critères environnementaux. Le pouvoir chinois y est très sensible : une agence de l'environnement a été créée il y a cinq ans et il y a une volonté de mettre davantage l'accent sur les problèmes environnementaux, qui sont dramatiques dans certaines régions. La Chine fait un effort, même si elle ne veut pas être partie prenante à des négociations sérieuses sur le climat.

Les sommets contribuent à la sensibilisation croissante des populations. Est-ce qu'il faut chercher à tout prix à trouver des accords mondiaux et ne pas commencer par nous même ? Les collectivités locales, les Etats, l'Union européenne doivent faire porter leur action là où il y a consensus plutôt que chercher à tout prix un accord mondial.

Sur la cohérence des incitations fiscales, les panneaux photovoltaïques sont produits en Chine, qui a développé une filière pour l'exportation. L'incitation fiscale sur le photovoltaïque était particulière et encourageait l'importation avec toutes ses conséquences sur la balance commerciale et l’empreinte carbone.

Vous avez raison sur le captage du CO2 mais les entreprises s'y mettent progressivement. En Europe, il y a un gros effort qui est fait, en particulier en Norvège, et le nombre d’opérations de captage va augmenter, même s'il y a des réserves sur la pertinence du procédé.

Enfin, concernant les migrations climatiques, on a évalué l’année dernière à 15 millions le nombre de migrants climatiques. Il y a une prise de conscience des Etats mais ce sujet ne rentre paradoxalement pas dans le champ des négociations environnementales. Les Etats-Unis l’intègrent dans le domaine de la sécurité.

M. Henri Plagnol. Je voudrais remercier le rapporteur, le rapport est très éclairant et très riche. Je souscris à ce qui a été dit sur la Chine. Pour le régime chinois, la question de l’environnement est devenue cruciale. Les élites de Shanghai ne parlent que d’environnement.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Ce qui est vrai à Shanghaï est aussi vrai au fin fond de la province chinoise.

M. Henri Plagnol. Notre consul sur place me disait d’ailleurs qu'il y avait une carte française à jouer. J’en viens à l’Europe. L’environnement est l’un des rares éléments identifiants de l’Union Européenne. Kyoto était une réussite européenne, avec l’aide du Canada et du Japon.

J’ai deux questions précises. Premièrement, l'Union Européenne va t-elle avoir une position commune au sommet de Durban, car il y a actuellement de fortes tensions ?

Deuxièmement, il convient d’approfondir notre réflexion sur le projet d'organisation mondiale de l'environnement. Une organisation mondiale de l’environnement n’est pas pour demain. Puisque les résultats des grandes conférences mondiales sont décevants, il faut aller vers des approches régionales. Ne faudrait-il pas relancer dans ce domaine l’Union pour la Méditerranée (UPM) puisque les projets environnementaux fonctionnent ?

Par ailleurs, ne faut-il pas réfléchir à une organisation euro-africaine sur la biodiversité ? C’est une tragédie en Afrique.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. L’Union européenne aura une position commune à Durban. C'est une compétence partagée entre les Etats et l’Union. Est-ce que l'Union fait le poids pour autant face à la Chine et aux Etats-Unis ? Non, il ne faut pas se faire d'illusions.

Concernant l’Union pour la Méditerranée, je suis plus sceptique que vous. L’Union pour la Méditerranée est une excellente idée mais, pour le moment, aucun projet n'a abouti. Le problème israélo-palestinien constitue un obstacle.

M. Hervé de Charette. Je voudrais d’abord remercier le rapporteur. La conférence de Durban confirmera l’échec du processus engagé à Kyoto. Y a-t-il des pistes sur ce qu'on peut négocier à l'échelle mondiale alors qu'il n'y a que l’Europe qui soit disposée à faire des efforts en matière de climatologie ?

La décision prise par les Allemands de renoncer à la filière nucléaire rend toute idée de politique énergétique commune caduque, sauf si nous prenions la même voie. Les Européens doivent être réalistes. Si l’on veut rester sur le marché mondial, on ne peut pas accroître le coût moyen de l'énergie. Nous sommes dans une impasse. Nous avons de bonnes intentions, mais avant de dépenser et d’investir au niveau des collectivités publiques pour alourdir le coût général de l’action publique, sans améliorer le climat mondial mais en détériorant le climat économique, il y a un pas que j’hésiterais à franchir.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Il n’y a pas vraiment de piste en cas d'échec de la conférence de Durban, comme en cas de non prolongation du processus de Kyoto. Il y a un secrétariat dans le système de Kyoto mais je ne sais pas comment il va fonctionner ensuite. Nous sommes dans un vide juridique total à la fin 2012.

Sur le deuxième point, j'ai regretté la position allemande. Chacun est souverain mais nous avons l’objectif d'une politique énergétique commune. Sur le plan énergétique, on a oublié les grands enjeux énergétiques au profit des grands enjeux climatiques. Nous n’avons pas vu la corrélation entre les deux, ce qui pose un véritable problème. La décision allemande est unilatérale. On ne peut imaginer une politique énergétique commune si chacun prend des décisions unilatérales.

Mme Henriette Martinez. Je souhaite intervenir en tant que rapporteure pour avis des crédits de l’aide publique au développement sur les aspects budgétaires. Je peine à comprendre comment s’articule la répartition des crédits entre les programmes 217 et 110, ce dernier concernant l’aide au développement. Parvenez-vous à y voir clair ? Cette répartition selon vous s’opère t-elle sur des critères géographiques ? Je ne le pense pas. L’aide est essentiellement multilatérale ce qui rend difficile une ventilation par pays. Correspond-elle à une distinction entre aide bilatérale et multilatérale ? Je ne le crois pas non plus en raison de ce que je viens d’énoncer. Comment donc s’opère cette répartition ? Vous paraît-il logique que les crédits consacrés à l’écologie au travers du fonds français pour le programme mondial relèvent de l’aide au développement et du programme 110 ?

Pouvez-vous ensuite m’indiquer la proportion des crédits déclarée au comité d’aide au développement de l’OCDE comme aide au développement ? Vous savez que la moitié seulement des crédits du programme 110 sont déclarés à ce comité tandis que de nombreux ministères lui soumettent des dépenses correspondant à leur effort en matière d’aide au développement.

Enfin, avec humour mais aussi amertume, je souhaite réagir à votre réflexion sur la biodiversité sacrifiée à l’activité humaine en vous invitant à venir dans les Hautes-Alpes. Vous y verrez que c’est l’inverse qui s’y passe : c’est l’activité humaine qui est sacrifiée à la biodiversité. Cet intégrisme doit nous interpeller. Quand on voit les éleveurs ovins déserter les montagnes au profit des loups ou les activités économiques bloquées par les pies, les crapauds et les tulipes jaunes. Alors que je défends avec ferveur l’environnement, je crois qu’en toutes choses il faut raison garder.

M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur. Sur le dernier point, je comprends votre préoccupation. Je précise que le sacrifice de la biodiversité sur l’autel de l’activité humaine concerne plutôt les pays émergents.

Le rattachement des crédits consacrés au fonds français pour le programme mondial au programme 110 du ministère de l’économie et des finances s’explique par la tutelle qu’exerce ce ministère sur l’Agence française de développement qui gère ce fonds.

Concernant l’OCDE, je ne suis pas en mesure de vous répondre pour l’instant car les réponses aux questions posées au ministère de l’écologie sur les crédits dont nous sommes saisis ne me sont parvenues que ce matin.

Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, la commission émet alors un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Ecologie, développement et aménagement durables pour 2012.

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