N° 1861 - Avis de M. Marc Joulaud sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n°1697)



N° 1861

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juillet 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

sur le projet de loi (n° 1697)
d’
orientation et de programmation
pour la
performance de la sécurité intérieure,

PAR M. Marc JOULAUD,

Député.

——

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : UNE APPROCHE GLOBALE DE LA SÉCURITÉ

AXÉE SUR LA PERFORMANCE 7

I. — DES OBJECTIFS OPÉRATIONNELS 7

II. — UN BUDGET CROISSANT, DONNANT LA PRIORITÉ À LA MODERNISATION 8

III. — UNE COOPÉRATION RENFORCÉE ENTRE LES FORCES 12

1. L’optimisation de l’organisation et du fonctionnement des forces 12

2. La mutualisation des moyens techniques et logistiques 13

3. Le partage des prestations de soutien 13

4. Les actions conjointes dans le domaine des ressources humaines 14

IV. — LA PRISE EN COMPTE DES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES 16

1. Des équipements mieux adaptés aux nouvelles menaces 16

2. Des technologies au service des missions de sécurité 16

3. La modernisation du système d’alerte des populations 18

4. Un meilleur service à l’égard des victimes 18

5. Un parc automobile à l’heure du développement durable 18

V. — UNE GESTION RÉNOVÉE 19

1. Recentrer l’activité des gendarmes et des policiers sur leur cœur de métier 19

2. La modernisation de la gestion immobilière 19

3. La valorisation des personnels et des carrières 20

DEUXIÈME PARTIE : DE NOUVEAUX MOYENS JURIDIQUES

PERMETTANT DE CONFORTER LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ

ET LA DÉLINQUANCE 23

I. — DES MESURES TENDANT À MIEUX LUTTER CONTRE CERTAINES

FORMES DE CRIMINALITÉ OU DE DÉLINQUANCE 23

1. La cybercriminalité 23

2. La criminalité organisée 24

3. Les infractions commises dans les enceintes sportives 24

4. L’insécurité routière 25

II. — DES RÈGLES D’ORGANISATION EN VUE D’ACCROÎTRE L’EFFICACITÉ

DES SERVICES 27

1. L’adaptation des moyens d’enquête aux nouvelles technologies 27

2. L’élargissement des pouvoirs du préfet de police 28

3. L’amélioration de certains moyens matériels 29

4. Codification, échanges d’informations et application outre-mer 30

TROISIÈME PARTIE : DES DISPOSITIONS CONCERNANT LA DÉFENSE

DANS LE DROIT FIL DU LIVRE BLANC 31

I. — LE NOUVEAU RÉGIME D’ACCÈS AUX INSTALLATIONS D’IMPORTANCE VITALE 31

1. Un dispositif qu’il convenait de renforcer 31

2. Les nouvelles règles proposées 33

II. — LA PROTECTION DES AGENTS DE RENSEIGNEMENT 35

1. La poursuite d’un processus 35

2. Les mesures de protection générales 36

3. Les sanctions pénales 37

4. Le régime des dépositions dans le cadre des procédures judiciaires 38

III. — L’ENCADREMENT DES ACTIVITÉS PRIVÉES D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE 40

1. Un vide juridique 40

2. Un encadrement souhaitable 41

3. Les sanctions pénales 43

4. Les améliorations possibles 44

TRAVAUX DE LA COMMISSION 45

I. — AUDITION DU GÉNÉRAL ROLAND GILLES, DIRECTEUR GÉNÉRAL

DE LA GENDARMERIE NATIONALE (21 JUILLET 2009) 45

II. — EXAMEN DU PROJET DE LOI 60

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION  77

AUDITIONS DU RAPPORTEUR 81

INTRODUCTION

Le présent projet de loi s’inscrit dans le prolongement de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (dite « LOPSI » ou « LOPSI 1 ») (1), dont il tend à poursuivre l’action et à améliorer les résultats.

De fait, le bilan de la LOPSI est très encourageant. Outre les mesures positives prises pour un meilleur redéploiement territorial de la police et de la gendarmerie, une organisation plus rationnelle des forces et une valorisation des carrières, cette loi a permis d’améliorer substantiellement les résultats en matière de sécurité. Alors que la délinquance générale avait augmenté de 17,8 % entre 1997 et 2002, elle a diminué de 12,8 % entre 2002 et 2007, pendant la période de mise en œuvre de la LOPSI. Quant à la délinquance de proximité, qui s’était accrue de 9,8 % entre 1997 et 2002, elle a chuté de 29,6 % entre 2002 et 2007. Le taux d’élucidation des affaires s’est également amélioré, passant de 26,3 à 31,1 %.

On notera que c’est dans les zones relevant de la gendarmerie que la délinquance générale et la délinquance de proximité ont été les plus fortement réduites, avec une baisse respective de 15,1 et 33,6 % au cours de la même période.

Cela dit, l’effort ne doit pas être relâché. Comme l’a rappelé le Président de la République dans son discours du 28 mai dernier, les résultats de ces derniers mois contrastent avec l’évolution constatée depuis sept ans : les crimes et délits ont augmenté de 4 % en mars et de 2 % en avril, les cambriolages et les vols avec violence de près de 7 % en six mois. De nouvelles formes de délinquance tendent à se développer, telles que les phénomènes de bande, les violences dans les établissements scolaires, le trafic de drogue ou celui des armes. 180 000 infractions à la législation sur les stupéfiants ont été relevées en 2008, en augmentation de 11 %. Les vols à main armée dirigés contre les petits commerces se sont accrus de 25 % la même année, avec 7 000 actes.

La délinquance emprunte également de nouveaux canaux, plus complexes, en tirant tout le profit possible des progrès technologiques, comme le montre le développement de la cybercriminalité.

Enfin, le taux d’élucidation des affaires, qui est actuellement de 39 %, peut sans doute être amélioré.

Par ailleurs, le cadre politique et juridique dans lequel s’exercent les missions de sécurité a changé. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a mis fin au clivage traditionnel entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, au profit de l’approche plus large de sécurité nationale, davantage axée sur l’anticipation des menaces. Cette conception est d’ailleurs reprise dans la nouvelle loi de programmation militaire (2).

En outre, le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, qui sera définitivement adopté dans les prochains jours, en plaçant cette force sous l’autorité du ministre de l’intérieur, permet d’approfondir la coordination et les mutualisations avec la police nationale, tout en préservant les compétences de l’autorité judiciaire et du ministre de la défense pour les missions judiciaires et militaires.

Comme en 2002 sur le projet de LOPSI 1 (3), la commission de la défense a décidé de se saisir pour avis de ce texte. Deux aspects principaux relèvent en effet de sa compétence : l’impact général du projet de loi sur la gendarmerie nationale – dans la mesure où celle-ci demeure une force armée – et les dispositions touchant particulièrement la défense – essentiellement les articles 19, 20 et 21 – en ce qu’elles modifient le code de la défense ou affectent les activités militaires.

Au regard de ces aspects, il ressort de l’examen de ce texte trois constats principaux :

- les orientations générales sur les objectifs et moyens retenus pour 2009-2013 reposent sur une approche globale de la sécurité, axée sur la performance ;

- les nouveaux moyens juridiques proposés devraient permettre de conforter la lutte contre la délinquance et la criminalité sans poser de problème majeur à la gendarmerie ;

- les dispositions concernant la défense s’inscrivent – à juste titre – dans le droit fil du Livre blanc.

PREMIÈRE PARTIE : UNE APPROCHE GLOBALE DE LA SÉCURITÉ AXÉE SUR LA PERFORMANCE

Les objectifs et moyens de la politique de sécurité intérieure pour les cinq prochaines années (2009-2013) sont fixés dans un rapport annexé au projet de loi, dont l’article 1er dispose qu’il est adopté. Cet article précise que ces objectifs et moyens sont ceux de la police nationale, de la gendarmerie et de la sécurité civile.

Il ressort de l’ensemble du projet de loi une idée directrice – la performance –, exprimée dans son intitulé même – projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) – qui le distingue de la précédente LOPSI. La politique proposée repose sur cinq orientations principales : la définition d’objectifs opérationnels ; un budget croissant donnant la priorité à la modernisation ; un approfondissement de la coopération entre les forces ; la prise en compte des progrès technologiques ; et la rénovation de la gestion.

Le projet de loi retient dans son exposé des motifs six « objectifs opérationnels prioritaires » :

- les menaces terroristes, dans la mesure où elles portent atteinte aux principes fondamentaux de la République, à l’intégrité du territoire national et aux intérêts supérieurs du pays ;

- les mouvements et actes nuisant à la cohésion nationale, à savoir les « formes de radicalisation » favorables au développement de la xénophobie, du racisme et de l’antisémitisme, ou bien les trafics et violences urbaines menaçant la tranquillité des quartiers ;

- la criminalité organisée, en particulier celle liée aux progrès technologiques, telle que la cybercriminalité, ou à l’évolution des rapports géostratégiques, comme les trafics de matières à haute valeur marchande, l’émigration irrégulière et clandestine ou les flux économiques souterrains ;

- les violences infra-familiales ;

- la délinquance routière ;

- les crises de santé publique ou environnementale.

Ces objectifs généraux couvrent de fait la plupart des menaces, y compris le trafic de drogue ou des armes, qui font partie des matières à haute valeur marchande.

Crédits de paiement (hors CAS (1))

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Mission « Sécurité »

11 456

11 438

11 452

11 554

11 766

(1) Compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Source : projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, rapport annexé.

Le rapport annexé souligne que « le parti pris est de ne plus augmenter les effectifs mais de rechercher systématiquement leur adéquation aux missions confiées », dans le cadre de la nouvelle organisation gouvernementale plaçant la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur.

La répartition des crédits entre la police et la gendarmerie n’est pas indiquée, contrairement à la LOPSI, qui avait programmé une enveloppe spécifique de 2,75 milliards d’euros pour la police et de 2,8 milliards d’euros pour la gendarmerie (4). Il conviendrait que cette répartition soit précisée pour les cinq ans à venir, ne serait-ce qu’à titre indicatif. Il en est de même de l’évolution des effectifs des deux forces.

Selon les informations communiquées par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), l’enveloppe spécifique prévue pour la gendarmerie s’élèverait à 764 millions d’euros de crédits de paiement (CP) entre 2009 et 2013 (hors dépenses de personnel), répartis de la manière suivante.

Programmation budgétaire des crédits de la gendarmerie entre 2009 et 2013 (hors dépenses de personnel)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

Total 2009-2013

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Saut technologique (1)

47

20

62

48

55

57

68

61

62

85

294

271

Force de souveraineté outre-mer (FSOM)  (2)

77

         

40

64

28

73

145

137

Immobilier
(constructions nouvelles)  (3)

141

3

140

13

114

25

55

13

19

48

469

102

Resoclage du fonctionnement courant (4)

30

30

50

50

50

50

50

50

50

50

230

230

Besoins complémentaires en termes d’investissement

           

12

12

12

12

24

24

TOTAL LOPPSI 2

295

53

252

111

219

132

225

200

171

268

1 162

764

(1) Améliorations technologiques prévues (dématérialisation des procédures judiciaires, visioconférence, vidéoprojection, déploiement des capacités biométriques…).

(2) Reprise partielle de la mission des armées en outre-mer à partir de 2012.

(3) Maîtrise d’œuvre interne et privée ou avec financements innovants.

(4) Dotation supplémentaire visant à compenser la sous-évaluation structurelle des crédits de fonctionnement.

Source : DGGN.

Comme on le voit, les moyens devraient connaître une augmentation croissante, passant de 53 millions d’euros de crédits de paiement en 2009 à 132 millions d’euros en 2011 et 268 millions en 2013. Pour la DGGN, si cette enveloppe « semble suffisante pour réaliser les améliorations technologiques prévues, la reprise partielle de la mission des armées en outre-mer dès 2012 et un resoclage du fonctionnement courant des unités à partir de 2010, les montants arbitrés sur les années 2012 à 2013 sont limités pour répondre au besoin de financement des opérations immobilières souhaitées sur la période et consolider le patrimoine immobilier de la gendarmerie dans la continuité de la LOPSI ». De fait, on observe une diminution sensible des autorisations d’engagement (AE) consacrées à l’immobilier à partir de l’an prochain, avec un montant passant de 140 millions d’euros en 2010 à 114 millions en 2011, 55 millions en 2012 et 19 millions seulement en 2013, alors que le besoin de financement est évalué, selon la DGGN, à environ 150 millions par an. Il conviendra donc que le Gouvernement précise, dès les prochains projets de loi de finances, comment il entend concilier les objectifs du présent projet de loi avec les moyens budgétaires prévus.

Par ailleurs, le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, a indiqué, lors de son audition par la commission de la défense, que le maillage territorial de la gendarmerie sera préservé et qu’il n’y aura pas de plan national de suppression de brigades. Quant aux effectifs, ils baisseront de 3509 emplois équivalents temps plein entre 2009 et 2011 dans le cadre du budget triennal 2009-2011.

Les efforts consacrés au renseignement – priorité du Livre blanc comme de la nouvelle loi de programmation militaire – ne sont pas non plus précisés, ni en terme de budget, ni en terme d’effectifs. Il serait souhaitable qu’ils le soient. Ces précisions devront en tout état de cause être apportées dans le cadre de l’examen des prochains projets de loi de finances.

Sont identifiés, en revanche, et à juste titre, les crédits dévolus à l’ensemble des services de sécurité (police, gendarmerie, sécurité civile) pour « améliorer la modernisation, la coopération et le management de la sécurité intérieure ». Ces ressources, qui incluent les effets du plan de relance (notamment l’achat anticipé de véhicules pour 100 millions d’euros en 2009, qui devait être réalisé en 2011 et 2012), évolueront de la manière suivante :

Crédits de paiement (hors CAS) consacrés à lamélioration de la modernisation,
de la coopération et du management de la sécurité intérieure

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

TOTAL

Dépenses de personnel (titre 2)

67

124

151

195

228

766

Hors titre 2

120

251

332

462

608

1 773

TOTAL

187

375

483

657

836

2 539

Source : projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, rapport annexé.

Ces moyens représentent un peu plus de 4 % de l’ensemble de ceux consacrés à la sécurité. Leur mise en œuvre fera l’objet d’un rapport annuel présenté au Parlement dans le cadre du débat budgétaire portant sur les missions « Sécurité » et « Sécurité civile ». Il serait néanmoins souhaitable de connaître dès maintenant les principales mesures qu’ils ont vocation à financer, ainsi que la répartition, au moins indicative, des crédits correspondants.

Cette coopération, déjà entamée depuis plusieurs années et évoquée en détail dans le rapport de M. Alain Moyne-Bressand sur le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale (5), devrait être approfondie selon quatre modalités : complémentarité, coordination, optimisation et mutualisation. Quatre axes principaux sont privilégiés : optimiser l’organisation des forces ; mutualiser les moyens techniques et logistiques ; partager les prestations de soutien ; et mener à bien conjointement des actions en matière de ressources humaines.

De nouveaux redéploiements entre police et gendarmerie sont prévus, afin de renforcer la cohérence territoriale des forces. La police s’inscrira dans « une logique de police territoriale d’agglomération » tandis que la gendarmerie « améliorera l’appropriation territoriale et le contrôle des flux ». Ces opérations seront conduites de manière à garantir une qualité de l’offre de sécurité au moins équivalente, selon le mode d’organisation et de fonctionnement propre à chaque force. Elles tendront également à favoriser la cohérence opérationnelle de la responsabilité de certaines infrastructures, telles que les axes autoroutiers, les ports, les aéroports ou les établissements pénitentiaires.

Le rapport annexé apporte à cet égard trois précisions complémentaires :

- l’attention sera portée sur un rééquilibrage des moyens entre les territoires : les délais d’intervention devront rester adaptés à la nature des zones, au nombre et à la fréquence des sollicitations ;

- les missions de garde et d’escorte au profit des centres de rétention administrative (CRA) seront intégralement transférées à la police aux frontières. Le schéma des forces mobiles de la gendarmerie sera aménagé en conséquence ;

- l’emploi des unités spécialisées en sécurité routière sera revu pour tenir compte de la généralisation des contrôles automatisés, au profit notamment du réseau secondaire.

Mais le rapport n’indique ni la liste de ces redéploiements, ni les critères précis sur lesquels ils seront décidés, ni le calendrier prévu, ni le volume des effectifs concernés. Il conviendrait que ces points soient précisés dès la présentation du projet de loi de finances pour 2010.

Plusieurs mesures sont programmées en la matière :

- pour optimiser le coût élevé de certains matériels, les moyens aériens et nautiques, ainsi que les véhicules blindés et les fourgons pompes de la police et de la gendarmerie seront engagés au profit des deux forces. Des protocoles seront établis pour compenser les coûts liés à l’augmentation d’activité, coordonner l’engagement des moyens et permettre une réactivité optimale ;

- les bornes de signalisation par empreintes digitales de la police seront ouvertes aux services de la gendarmerie (des protocoles de même nature sont là aussi prévus) ;

- une convergence sera « activement engagée » en matière d’équipements automobiles ;

- il en sera de même pour les vecteurs de communication des services de sécurité intérieure afin de permettre, à terme, une interopérabilité complète de leurs réseaux de transmission. S’agissant de la gendarmerie, le projet ATHENA, relatif au système départemental de centralisation de l’information des centres opérationnels de la gendarmerie (COG), sera poursuivi ;

- l’optimisation des moyens de transport à vocation logistique sera assurée aux niveaux national, régional et local entre la police et la gendarmerie.

Là encore, même si le rapport annexé ne peut entrer dans le détail de toutes les mesures, des précisions devront être apportées sur leur contenu, leur coût et leur calendrier de mise en œuvre d’ici l’examen du prochain projet de loi de finances.

Cinq secteurs principaux donneront lieu à des mutualisations entre la police et la gendarmerie pour les prestations de soutien :

l’immobilier, en premier lieu. Le redéploiement des compétences entre les deux forces conduira à un partage des implantations. Ce partage s’accompagnera d’une mutualisation des opérations immobilières : leur prise en charge sera dévolue au service de la police ou de la gendarmerie répondant le mieux au double critère de compétence et de proximité géographique. L’expérimentation de mutualisation et d’externalisation de la maintenance des infrastructures actuellement menée en Auvergne et en Limousin pourra être étendue à d’autres régions ;

l’utilisation d’un centre d’entraînement commun à la lutte contre les violences urbaines est par ailleurs prévu ; de même seront mutualisés des centres de la police et de la gendarmerie pour la formation de spécialités communes ;

- s’agissant de l’équipement et de la maintenance automobile, un marché commun sera lancé cette année pour renouveler la tenue de maintien de l’ordre des deux forces et l’externalisation de la gestion de l’habillement, qui prévaut déjà pour la police, sera étudiée pour la gendarmerie. Concernant le reconditionnement des armes et la maintenance automobile, le nouveau site logistique de la police à Limoges sera organisé autour de trois pôles (automobile, armement et matériels techniques, plate-forme logistique) tandis qu’un nouveau pôle consacré aux matériels et équipements de sécurité sera créé au sein du site logistique de la gendarmerie au Blanc (Indre). En Île-de-France, police et gendarmerie mutualiseront leurs ateliers automobiles et seront définis conjointement de futurs véhicules en vue d’optimiser la passation des marchés ;

- dans le domaine de la police technique et scientifique, une complémentarité technique des opérations sera organisée, de même que l’harmonisation des technologies de pointe et leur concentration sur des sites uniques spécialisés ;

la lutte contre le risque NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique) fera l’objet d’une gestion partagée, conformément aux préconisations du Livre blanc. Sera ainsi développée l’interopérabilité entre le détachement central ministériel (DCI), chargé de l’intervention technique sur tout engin, et les unités d’intervention de la police et de la gendarmerie, dans leur action contre les auteurs d’une menace terroriste. De même, est projetée la création d’un centre national de formation en matière de risque NRBC, commun à l’ensemble des services de sécurité.

Le contenu de ces différents projets devra également être précisé rapidement.

Plusieurs types de partenariats sont prévus dans le domaine des ressources humaines :

- la cohérence et la complémentarité des dispositifs de recrutement de la police et de la gendarmerie seront recherchées pour les emplois de soutien, techniques et administratifs ;

- la gendarmerie, qui recourra plus largement aux personnels civils pour mettre en œuvre la LOPPSI, fera appel aux moyens de la police pour former ces personnels ;

- la formation des cavaliers, des maîtres de chien et des plongeurs des deux forces sera assurée dans les centres actuels de la gendarmerie de Saint-Germain-en-Laye, Gramat et Antibes, selon des protocoles à définir, tandis que la police prendra en charge les formations spécialisées en matière de renseignement et de prévention situationnelle ;

- enfin, une démarche commune d’accompagnement de la reconversion des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité est prévue.

Quatre orientations sont retenues dans ce domaine :

- les tenues seront plus protectrices, grâce à des matériaux plus résistants. Les militaires de la gendarmerie mobile seront équipés d’une tenue d’intervention de nouvelle génération, de conception modulaire, permettant par exemple l’insertion de coques souples ou rigides selon les besoins. 21 000 gilets de protection modulaire amélioreront la protection individuelle des gendarmes départementaux dans les zones les plus exposées ;

- les moyens gradués d’intervention, telles que les armes à létalité réduite, seront développées en partenariat (munitions marquantes, lacrymogènes, cinétiques, éblouissantes, incapacitantes, assourdissantes…). Le lanceur de 40 mm sera généralisé : 1 800 seront acquis au profit de la gendarmerie et 2 500 pour la police. 20 stands de tirs mutualisés avec la police seront par ailleurs déployés au sein de la gendarmerie dans les centres de formation et les départements les plus sensibles ;

- des moyens d’observation adaptés à l’intervention nocturne en milieu urbain sont prévus ;

- l’expérimentation de vidéo embarquée dans les véhicules légers de la police sera étendue. La modernisation des centres d’information et de commandement (CIC) de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie (COG) permettra ainsi un pilotage en temps réel des interventions des forces. Des véhicules plus maniables et plus protecteurs seront en outre mis à disposition des gendarmes et des policiers, notamment dans les zones sensibles.

Le calendrier de mise en œuvre de ces mesures gagnerait à être rapidement précisé.

L’utilisation des nouvelles technologies permettra d’améliorer les missions de sécurité à plusieurs égards :

le développement de l’informatique embarquée à bord des véhicules permettra notamment la consultation des fichiers à distance. Ainsi, la gendarmerie achèvera le plan d’équipement des terminaux informatiques embarqués (TIE), destinés à équiper 6 500 véhicules et 500 motocyclettes ;

- le dispositif de lecture automatique des plaques d’immatriculation sera étendu ;

les moyens de renseignement et de lutte contre le terrorisme seront renforcés. Parmi les équipements envisagés à cette fin, figurent le traitement des données techniques liées à la téléphonie, l’interception, le brouillage des téléphones portables et satellitaires, et des scanners plus performants ;

la vidéo sera plus largement utilisée, que ce soit à terre ou embarquée. 1 500 caméras devraient être installées dans Paris, dans un délai qui reste à préciser. Le nombre exact prévu sur l’ensemble du territoire n’est pas non plus indiqué, ni le calendrier de leur mise en place ou de leur raccordement prévu avec les centres d’information et de commandement (CIC) de la police et les centres opérationnels de la gendarmerie (COG) ;

- des outils plus performants seront consacrés à l’investigation judiciaire et à la lutte contre la criminalité, notamment en termes de détection ;

la gestion de l’urgence des grands événements sera modernisée. Avec la mise en place du projet ATHENA, le système de centralisation de l’information départemental de la gendarmerie offrira des fonctionnalités nouvelles dans la gestion des appels, du renseignement et des interventions par géo-localisation. La gendarmerie poursuivra le déploiement des systèmes de retransmission des images captées par les caméras gyrostabilisées installées sur les nouveaux hélicoptères légers de surveillance. L’usage des moyens aériens sera mutualisé avec la police, en liaison avec la sécurité civile. Enfin, le développement de l’état-major de gestion de crise au sein de la force de gendarmerie mobile et d’intervention (FGMI) permettra, avec la réorganisation du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), d’accroître les capacités de riposte face aux situations extrêmes, telles que les prises d’otages de masse ;

les moyens de la police scientifique et technique seront renforcés, notamment dans le cadre d’une nouvelle implantation des laboratoires de la région parisienne. L’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) et l’ensemble des capacités judiciaires nationales spécialisées de la gendarmerie seront regroupées sur le site de Pontoise afin d’accroître la cohérence des procédures et des protocoles d’enquête ;

- un centre de recherche moderne en matière de sécurité sera créé, permettant de trouver des solutions innovantes dans des domaines tels que les dispositifs d’arrêt de véhicules, la détection des drogues ou la miniaturisation des capteurs.

Le rapport annexé indique que le transfert des tâches administratives et techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes à des agents spécialisés « sera mis en œuvre avec ambition ».

Pour le système de soutien de la gendarmerie, est prévue une politique volontariste de transformation de postes de sous-officiers et officiers en personnels civils, dont le nombre passera de 2 000 à au moins 5 000. Le rôle du corps de soutien de la gendarmerie sera réexaminé. Le développement des nouvelles technologies conduira par ailleurs à supprimer des missions de garde statique et toutes les tâches non directement liées à des missions de sécurité.

En outre, la solution de l’externalisation sera examinée à chaque fois qu’elle est susceptible d’assurer un service de qualité au moins égal à coût réduit. Il en sera ainsi notamment pour les fonctions logistiques telles que l’habillement dans la gendarmerie, la gestion immobilière ou celle du parc des autocars.

Les procédures de construction prévues par la LOPSI seront pérennisées tout en veillant à maîtriser le coût des opérations. Quatre priorités sont par ailleurs retenues :

le patrimoine immobilier des forces mobiles sera rationalisé ;

l’implantation des sites de formation sera revue. Dès cette année, la gendarmerie adaptera le schéma directeur de ses écoles et centres de formation en fonction des besoins. Quatre sites de formation initiale de la gendarmerie seront fermés, à Libourne, Châtellerault, Le Mans et Montargis. L’institut de formation des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police sera installé à Lognes et mutualisé avec la gendarmerie ;

le parc sera rénové dans les quartiers en difficulté. L’accueil devra notamment permettre une prise en charge individualisée des victimes et des conditions favorables pour les dépôts des plaintes ;

le patrimoine immobilier de la gendarmerie sera consolidé. La réhabilitation du parc sera achevée « en veillant à assurer aux personnels et à leur famille des conditions de travail et de vie en rapport avec les normes actuelles, tout en garantissant un haut niveau de qualité environnementale ». Un effort particulier sera mené en matière de maintenance préventive.

Cinq orientations principales sont prévues dans ce domaine :

une formation moderne, adaptée aux nouveaux enjeux. La formation initiale fera une place importante à trois domaines : la déontologie, la communication et l’international. Le caractère obligatoire des formations continues liées aux franchissements de grades sera élargi aux changements professionnels importants ;

les déroulements de carrière devront répondre aux besoins des forces et reconnaître les mérites individuels. Il est prévu de donner toute sa place à la filière administrative, technique et scientifique et le régime indemnitaire de ses personnels sera fixé en fonction des responsabilités exercées. La culture du résultat constituera « un axe stratégique de la gestion des ressources humaines, pour mieux récompenser la performance individuelle et collective ». À cet égard, les régimes indemnitaires pour les corps de conception et direction et de commandement devront davantage être liés à la difficulté des responsabilités assurées, aux résultats, à la manière de servir et non plus seulement au grade détenu.

Pour ce qui concerne particulièrement la gendarmerie, les carrières seront rendues plus attractives : les parcours de carrière offerts seront plus motivants et les rémunérations déterminées en fonction des contraintes, des sujétions et des responsabilités exercées. Le début de carrière des officiers à fort potentiel sera accéléré. S’agissant des sous-officiers, trois voies d’avancement coexisteront, permettant à chaque personnel méritant d’accéder à une promotion : une voie « encadrement-commandement », qui représentera au moins 80 % des promotions, pour les titulaires des diplômes d’officier de police judiciaire ; une voie « professionnelle », au choix et jusqu’au grade d’adjudant-chef, dans la limite de 10 % des promotions annuelles, pour les sous-officiers ayant satisfait à un examen professionnel ; une voie « gestion des fins de carrière », au choix et jusqu’au grade d’adjudant, dans la limite de 10 % des promotions annuelles.

Par ailleurs, le repyramidage entamé depuis 2005 par le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) sera poursuivi. Il tendra à assurer des normes d’encadrement comparables à celles prévalant dans les corps similaires de la fonction publique civile. Ce repyramidage devrait conduire en 2012 à la composition suivante : 62 % de gendarmes et maréchaux des logis-chefs, 29 % d’adjudants-chefs et majors et 9 % d’officiers ;

les carrières seront plus ouvertes. Des passerelles statutaires seront mises en place entre police et gendarmerie. Le concours d’accès au corps de sous-officiers de gendarmerie sera ouvert aux adjoints de sécurité et le concours interne d’accès au corps d’encadrement et d’application sera ouvert aux gendarmes adjoints volontaires. Une autre passerelle statutaire sera créée entre les grades de gardien de la paix et de gendarme. Le recrutement des sous-officiers de gendarmerie sera plus diversifié : le concours et la détention du baccalauréat seront la règle pour les recrutements externes mais sera maintenue, au titre de la politique d’intégration et de l’égalité des chances, une proportion d’au moins un tiers de recrutement interne sans exigence de diplôme. Le recours à la réserve militaire de la gendarmerie sera conforté : la ressource allouée pour 2009-2012 sera consolidée et un effort nouveau sera réalisé en 2013 pour accroître de 100 000 jours de réserve le potentiel opérationnel. L’harmonisation des réserves de la police et de la gendarmerie sera renforcée par l’ouverture de la réserve civile de la police à d’autres publics que les retraités des corps actifs ;

les agents seront soutenus dans leur vie professionnelle et privée. La gendarmerie étudiera notamment le projet de créer une chaîne territoriale de soutien psychologique de proximité, dont la vocation sera d’assurer le suivi des personnels confrontés à des événements traumatiques importants liés au service ;

l’application du principe de parité globale entre les deux forces fera l’objet d’une attention particulière. Dans le cadre d’une approche concertée, « l’harmonisation devra être constamment recherchée » pour corriger les disparités susceptibles de se faire jour en matière de ressources humaines.

*

Le rapport annexé a le mérite de tracer les orientations principales relatives aux objectifs et aux moyens de la sécurité intérieure pour les cinq années à venir. Elles concernent d’ailleurs plus largement la sécurité nationale, nombre de menaces, telles que la cybercriminalité, le terrorisme, la criminalité organisée, les risques chimiques, nucléaires ou bactériologiques, ne se limitant pas aux frontières intérieures.

La programmation budgétaire devra cependant être clarifiée. Par ailleurs, la plupart des mesures proposées devront être précisées – qu’il s’agisse des mutualisations futures, de l’utilisation des nouvelles technologies ou de la rénovation de la gestion – de même que leur coût, les bénéfices attendus et le calendrier de leur réalisation.

DEUXIÈME PARTIE : DE NOUVEAUX MOYENS JURIDIQUES PERMETTANT DE CONFORTER LA LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ ET LA DÉLINQUANCE

Le projet de loi offre deux types de moyens juridiques : des mesures visant à mieux lutter contre diverses formes de criminalité et de délinquance et de nouvelles règles d’organisation pour accroître l’efficacité des services.

Trois mesures sont prévues pour contrevenir au phénomène croissant de la cybercriminalité, qui recouvre l’ensemble des infractions pénales commises sur le réseau Internet.

En premier lieu, est instaurée une incrimination d’utilisation frauduleuse de données à caractère personnel de tiers sur un réseau de télécommunication (article 2). Le nouvel article 222-16-1 du code pénal prévoirait que « le fait d’utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique l’identité d’un tiers ou des données qui lui sont personnelles, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d’autrui, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Une peine identique s’appliquerait lorsque cette utilisation tend à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de cette personne.

Deuxièmement, les sanctions de certains délits de contrefaçon sont aggravées (article 3). Les infractions relatives aux chèques et aux cartes de paiement commises en bande organisée sont punies de dix ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende. Les peines relatives à certains délits prévus par le code de la propriété intellectuelle (atteinte aux droits concernant principalement les dessins et modèles, les brevets ou les marques de fabrique), commis par la communication au public en ligne, sont alignées sur celles applicables lorsque le délit est exécuté en bande organisée, soit cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende.

Enfin, le texte protège les internautes contre les images de pornographie enfantine (article 4). À l’instar d’autres pays européens, tels la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Danemark ou la Suède, qui se sont dotés de dispositifs permettant de bloquer l’accès aux sites pornographiques sur leur territoire, il est prévu d’obliger les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) d’empêcher l’accès des utilisateurs aux contenus illicites. La liste des sites concernés sera définie par un arrêté du ministre de l’intérieur. En pratique, l’office de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC) transmettra par voie électronique les données utiles aux FAI, qui auront le choix des technologies de blocage. Un décret précisera les modalités d’application de ce texte, notamment les compensations financières éventuelles des surcoûts résultant des obligations imposées aux FAI.

Si ce dispositif semble opportun, l’étude d’impact correspondante n’en démontre pas l’efficacité, ni n’évalue précisément son coût global, tant en termes de compensation pour les FAI que de moyens pour les services de l’État.

Deux mesures principales sont prévues pour renforcer la lutte contre la criminalité organisée.

En premier lieu, l’article 22 allonge de quinze jours la durée des interceptions téléphoniques pour les infractions commises dans ce cadre, portant ainsi la durée des écoutes à un mois, renouvelable une fois.

En second lieu, l’article 23 permet la captation à distance, pour une durée de quatre mois renouvelable une fois, des données informatiques (et non, seulement, des images et des sons). Ce droit est réservé à des cas limités, relevant de la criminalité la plus grave, tel le terrorisme, et exercé avec l’autorisation et sous le contrôle du juge d’instruction, par ordonnance motivée, après avis du procureur de la République. Lorsque l’installation du dispositif de captation nécessite que les officiers de police judiciaire pénètrent dans un lieu privé, le juge des libertés et de la détention devra être saisi quand cette installation a lieu en dehors des heures légales, soit entre 6 et 21 heures.

L’article 24 renforce la répression des infractions commises dans les enceintes sportives par différents moyens :

une interdiction administrative de stade pourra être prononcée dès la commission d’un fait grave pour une durée de six mois (contre trois actuellement), voire douze mois en cas de réitération intervenue au cours de trois années précédentes ;

- les personnes méconnaissant l’arrêté préfectoral d’interdiction encourront une peine d’un an d’emprisonnement ;

- les associations sportives pourront faire l’objet d’une dissolution administrative ou d’une suspension d’activité dès la commission d’un premier fait s’il est d’une gravité particulière.

Ces décisions, qui seront inscrites au fichier national des interdits de stade, pourront, conformément aux accords et à la réglementation communautaires, être communiquées à nos partenaires européens.

La lutte contre l’insécurité routière est accentuée par les principales mesures suivantes :

une peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule est prévue en cas de conduite sans permis ou malgré une décision judiciaire d’interdiction de conduire lorsque le conducteur en est le propriétaire (article 25). Le juge peut cependant ne pas prononcer cette peine par décision motivée ;

les délits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou en état d’ivresse manifeste pourront être punis par une peine complémentaire consistant à interdire à leur auteur, pendant une durée de cinq ans au plus, la conduite d’un véhicule qui ne serait pas équipé d’un dispositif homologué d’anti-démarrage par éthylotest électronique, installé par un professionnel agréé (article 26) ;

- si cette dernière obligation n’était pas respectée, le contrevenant encourra une peine de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende, la peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule, ainsi que trois autres peines complémentaires : l’interdiction, pendant cinq ans au plus, de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux dont la conduite n’exige pas de permis de conduire ; l’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant trois ans au plus ; une peine de travail d’intérêt général ;

le refus de se soumettre à des tests de dépistage de l’alcoolémie, de conduire ou d’accompagner un élève conducteur en étant sous l’emprise de produits stupéfiants, ou le refus de se soumettre à leur dépistage, est également puni de la peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule ;

- cette même peine sera applicable aux conducteurs de véhicule condamnés pour homicide ou blessures involontaires ou en cas de récidive de conduite sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants ou de récidive de grand excès de vitesse (articles 27 et 28) ;

l’achat ou la vente de « points » de permis de conduire sera constitutif d’un délit puni de six mois d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (article 29). Le fait de se livrer à ce trafic de manière habituelle ou par une diffusion publique fait l’objet d’une circonstance aggravante, donnant lieu à une sanction d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ;

- les agents de police judiciaire adjoints pourront retenir à titre conservatoire le permis de conduire d’un conducteur coupable d’un excès de vitesse de plus de 40 km/h ou, en cas d’accident mortel, celui d’un conducteur à l’encontre duquel existe une ou plusieurs raisons « plausibles » de le soupçonner d’avoir commis une contravention aux règles de limitation de vitesse, de croisement, de dépassement, d’intersection ou de priorité (article 30) ;

- en cas d’accident mortel de la circulation, la durée de suspension du permis pourra être portée à un an.

Les frais de garde des véhicules confisqués supportés par l’État sont estimés, selon les études d’impact jointes, à environ 13 millions d’euros.

Si l’ensemble des mesures proposées est de nature à renforcer la sécurité routière, on peut cependant s’interroger sur la portée de l’effet dissuasif de la peine de confiscation du véhicule.

Les mesures proposées concernent les investigations techniques et scientifiques, les fichiers et la vidéoprojection.

Sur le premier point, les services de police pourront, en dehors des procédures de recherche des causes de la mort et de disparition suspecte, procéder à des investigations techniques et scientifiques sur des cadavres anonymes pour les identifier et répondre à l’attente des familles (articles 5 à 8). Il sera donc sursis à l’inhumation de ces cadavres afin de procéder, sous le contrôle du procureur de la République, au recueil des indices scientifiques permettant l’identification (empreintes digitales et génétiques notamment). Le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier des personnes recherchées (FPR) pourront être consultés à cet effet.

S’agissant des fichiers, plusieurs dispositions sont prévues :

- la simplification des procédures d’alimentation du FNAEG (article 9), en permettant aux agents de la police technique et scientifique de procéder, sous le contrôle des officiers de police judiciaire, aux actes de vérification, de prélèvement et d’enregistrement ;

- la codification, dans le code de procédure pénale, des articles 21, 21-1 et du I de l’article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (LSI) et, ainsi, la création d’un chapitre réservé aux fichiers de police judiciaire (articles 10 et 11) ;

- l’adaptation du cadre légal des fichiers d’antécédents et d’analyse sérielle (articles 10 et 11). Le projet de loi propose, d’une part, l’élargissement du champ des données collectées, pour les fichiers d’antécédents, aux victimes dans le cadre des procédures de recherche des causes de la mort et de disparition inquiétante et, d’autre part, la possibilité de mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel pour des crimes ou délits portant atteinte aux biens punis de cinq ans d’emprisonnement (au lieu de sept actuellement) ;

- l’amélioration des procédures d’enregistrement et de contrôle des délinquants sexuels figurant au fichier national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS), ainsi que l’élargissement de son accès au greffe des établissements pénitentiaires (articles 12 à 16).

Enfin, le régime de la vidéoprojection est modifié (articles 17 et 18), afin de permettre la réalisation du plan de triplement des caméras installées sur le territoire et de renforcer les garanties relatives au respect de la vie privée des personnes filmées. Sont prévues les principales dispositions suivantes :

les personnes privées pourront installer des systèmes de vidéoprojection filmant notamment les abords de leurs bâtiments afin de prévenir des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux publics particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol (et non, seulement, à des actes de terrorisme aux abords immédiats des bâtiments) ;

- lorsque des personnes privées exploitent des images par délégation d’une autorité publique, elles pourront visionner celles prises sur la voie publique, sans avoir accès à leur enregistrement ;

- les missions de la commission nationale compétente en matière de vidéoprojection sont étendues à une mission générale de contrôle du développement de ce procédé, afin de renforcer la protection de la vie privée. La composition de la commission est diversifiée et ses modalités de saisine assouplies ;

- le préfet pourra décider la fermeture temporaire des établissements où fonctionne un système de vidéoprojection non autorisé.

Le projet étend les compétences du préfet de police de trois manières (article 32).

D’abord, dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, il sera chargé du maintien de l’ordre dans sa totalité. Il dirigera à cette fin l’action des services de police et de gendarmerie de ces départements. Cette mesure tend à renforcer l’efficacité de la politique du maintien de l’ordre dans toute la petite couronne de l’agglomération parisienne.

Deuxièmement, dans l’ensemble de la région Île-de-France, le préfet de police aura le pouvoir de diriger l’action des services de police et de gendarmerie en matière de régulation et de sécurité de la circulation sur des axes routiers qui seront désignés par arrêté du ministre de l’intérieur. Cette disposition est conçue comme le « prolongement logique du rôle de coordonnateur que ce préfet joue déjà dans le domaine de la sécurité routière en sa qualité d’autorité de tutelle du Centre régional de coordination et d’information routière de Créteil ». Ses pouvoirs relatifs à la sécurité des personnes et des biens dans les transports ferroviaires de la région sont maintenus.

Enfin, il sera possible de déroger à la règle selon laquelle chaque préfet ne peut exercer sa mission de maintien de l’ordre que sur le territoire de son département, cette stricte délimitation territoriale pouvant nuire, dans certains cas, à l’efficacité des opérations conduites dans ce domaine. Un décret en Conseil d’État précisera les conditions d’application de cette dérogation.

Deux mesures sont prévues à cet effet :

le dispositif de bail emphytéotique administratif (BEA) (6) institué par la LOPSI sera pérennisé (article 33) ; il fera l’objet d’une évaluation préalable au-dessus d’un certain montant de loyer ainsi que d’une mise en concurrence et de mesures de publicité selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. Le ministère de l’intérieur estime en effet que ce dispositif a été utile depuis cinq ans dans la réalisation des opérations d’investissement. Interrogée par le rapporteur, la DGGN, qui précise n’avoir pas participé aux travaux préparatoires de cet article, ni été demandeuse de la pérennisation du BEA, a un avis réservé sur l’efficacité de cet outil. Selon ses études, il s’est traduit par un surcoût important (de l’ordre de 4,8 millions d’euros en 2008 et 5,5 millions d’euros en 2009) (7). Dans ces conditions, elle entend contingenter de manière drastique les nouveaux projets de BEA et réserver ce type de montage aux opérations absolument indispensables, pour lesquelles aucun autre montage n’a pu être retenu. Il conviendra d’être attentif aux résultats de la politique conduite dans ce domaine ;

le dispositif expérimental mis en place pour le transport des personnes en rétention administrative dans les aéroports de Roissy et pour le centre de rétention de Palaiseau sera également pérennisé (article 34). Selon le ministère de l’intérieur, cette expérimentation aurait montré que le recours à des prestataires privés permettrait de réaliser une économie substantielle sans nuire à la sécurité, à l’intégrité ou à la dignité des personnes transportées, ni à celle des agents du service public. Cette disposition ne fait cependant pas l’objet d’étude d’impact : des précisions devront donc être apportées sur ses effets, notamment en termes d’économies.

Dans le chapitre IX, le projet de loi regroupe quatre types de dispositions diverses :

- une habilitation donnée au Gouvernement d’adopter par ordonnance la partie législative du code de sécurité intérieure (article 36) ;

- une autre habilitation donnée au Gouvernement de prendre par ordonnance les dispositions permettant l’application de la décision-cadre 2006/960/JAI du Conseil du 18 décembre 2006 (mécanisme commun simplifié d’échange d’informations entre les services d’enquête des États membres de l’Union européenne) (article 37) ;

- un article de coordination (article 38) ;

- plusieurs mesures d’application outre-mer (articles 39 à 46) : le projet de loi s’appliquera sur l’ensemble du territoire de la République, sous réserve des adaptations nécessaires pour tenir compte des compétences propres de chaque collectivité.

*

Dans l’ensemble, le projet de loi offre un large éventail de mesures utiles aux forces de l’ordre pour lutter contre la criminalité et la délinquance. Il ne devrait donc a priori pas poser de difficulté majeure à la gendarmerie pour les mettre en œuvre.

TROISIÈME PARTIE : DES DISPOSITIONS CONCERNANT LA DÉFENSE DANS LE DROIT FIL DU LIVRE BLANC

Trois dispositions du projet de loi – regroupées dans le chapitre IV, intitulé « Protection des intérêts fondamentaux de la nation » – concernent plus directement la défense : les articles 19 et 20, relatifs respectivement à l’accès aux installations d’importance vitale et à la protection des agents de renseignement, en ce qu’elles modifient notamment le code de la défense ; et l’article 21 encadrant l’activité privée d’intelligence économique.

Toutes trois, notamment les deux premières, s’inscrivent dans la continuité du Livre blanc. Aucune, cependant – contrairement à la plupart des dispositions du projet de loi – n’est accompagnée d’une étude d’impact, ce qu’on ne peut que regretter.

Le Livre blanc a consacré un chapitre sur les infrastructures vitales. Il préconise de poursuivre « énergiquement » la politique de sécurité lancée depuis 2006 en la matière. Il recommande, pour chacun des douze secteurs concernés, d’évaluer et de hiérarchiser les risques, puis d’élaborer les mesures pour y faire face. L’un des objectifs essentiels sera de « déterminer les sites névralgiques, sur lesquels les efforts de protection les plus significatifs devront être faits dès les prochaines années, d’abord par les opérateurs, puis avec les moyens de l’État si nécessaire » (8). Il rappelle à cet égard que nombre d’infrastructures majeures, notamment celles de transport d’énergie, d’informations et de marchandises, étant transnationales, leur sécurité doit faire l’objet d’une approche cohérente par les États et les opérateurs concernés. Il précise également que l’approche française des secteurs d’importance vitale sera présentée à nos partenaires européens afin que les initiatives lancées par l’Union européenne débouchent sur la définition de principes communs et un partage des meilleures pratiques.

La liste des douze secteurs d’activités d’importance vitale est fixée par un arrêté du Premier ministre du 2 juin 2006. À chacun d’eux correspond un ministre responsable, dit « coordonnateur ».

Les douze secteurs d’activités d’importance vitale
et leurs ministres « coordonnateurs »

Secteurs

Ministres coordonnateurs

Activités civiles de l’État

Ministre de l’intérieur

Activités judiciaires

Ministre de la justice

Activités militaires de l’État

Ministre de la défense

Alimentation

Ministre de l’agriculture

Communications électroniques, audiovisuel et information

Ministre chargé des communications électroniques

Énergie

Ministre chargé de l’industrie

Espace et recherche

Ministre chargé de la recherche

Finances

Ministre chargé de l’économie et des finances

Gestion de l’eau

Ministre chargé de l’écologie

Industrie

Ministre chargé de l’industrie

Santé

Ministre chargé de la santé

Transports

Ministre chargé des transports

Les installations concernées couvrent environ 2 000 points sur le territoire national, relevant de quelque 250 opérateurs, tels EDF, France Télécom ou la SNCF par exemple. Il s’agit pour l’essentiel, selon la définition de l’article L 1332-1 du code de la défense, d’installations « dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation », c’est-à-dire, par exemple, les centrales nucléaires, certaines usines d’armement, les grands centraux de télécommunications, les principaux ports et les aéroports, les salles de commandement de certains transports collectifs, certaines usines de traitement d’eau ou les systèmes informatiques de certains établissements bancaires. La liste de ces installations, qui sont désignées par l’État, est classifiée et ne peut être reproduite ici. Leur recensement n’est d’ailleurs pas achevé.

Ces infrastructures sont régies principalement par les articles L 1332-1 à L 1332-7 et R 1332-1 à R 1332-42 du code de la défense et font déjà l’objet de nombreuses mesures de protection (directives nationales de sécurité, plans de protection établis ou validés par l’État, procédures de suivi de leur mise en œuvre, sanctions pénales à l’égard des contrevenants…) (9).

Toutefois, le dispositif actuel d’accès à ces installations présente, selon les informations communiquées au rapporteur, plusieurs insuffisances. D’abord, les accréditations ne sont pas systématiques et ne donnent pas nécessairement lieu à une enquête préalable ; leur délivrance est parfois lente et les décisions rendues par les autorités administratives peuvent différer d’un département à un autre.

Il était donc nécessaire d’y remédier. Et ce, d’autant plus, dans un contexte marqué par l’accroissement des menaces terroristes.

Le dispositif proposé à l’article 19 – qui tend à insérer un article L 1332-2-1 dans le code de la défense après l’article L 1332-1 précité – repose sur plusieurs règles :

l’accès à tout ou partie des établissements, installations et ouvrages d’importance vitale est autorisé par l’opérateur. Autrement dit, l’accès à ces infrastructures sera désormais soumis à une accréditation. Cela est déjà le cas aujourd’hui pour les aéroports et les ports, au titre notamment des articles L 213-5 et L 321-8 du code de l’aviation civile et de l’article L 303-6 du code des ports maritimes. Il en sera désormais ainsi pour toutes les installations. Le texte à cet égard réaffirme la responsabilité de chaque opérateur en matière de protection. L’article L 1332-1 dispose déjà, en effet, que les opérateurs publics ou privés exploitant les établissements ou utilisant les installations d’importance vitale « sont tenus de coopérer à leurs frais à la protection desdits établissements » et installations « contre toute menace, notamment à caractère terroriste » ;

l’opérateur peut, dans ce cadre, demander l’avis de l’autorité administrative compétente – en pratique, le préfet de département – dans des conditions et selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. Le décret fixera le cadre et le contenu des conventions qui seront passées entre l’État et les opérateurs pour mettre en œuvre ce dispositif. Compte tenu du caractère particulièrement sensible des installations concernées, le recours à un décret en Conseil d’État plutôt qu’à un décret simple est justifié ;

cet avis sera rendu à la suite d’une enquête administrative. Celle-ci pourra donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. Ce bulletin comporte, pour mémoire, la plupart des condamnations pour crimes et délits, à l’exception notamment des condamnations bénéficiant d’une réhabilitation judiciaire ou de plein droit, de celles prononcées à l’encontre des mineurs, pour contraventions de police, ou avec sursis lorsque le délai d’épreuve a pris fin. L’enquête pourra également permettre la consultation des traitements automatisés de données à caractère personnel relevant des dispositions de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s’agit des fichiers qui intéressent la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique ou de ceux qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou bien l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté. Le projet exclut cependant les fichiers d’identification (FAED et FNAEG), qui ont une finalité exclusivement judiciaire. Dans l’ensemble, le choix des données qu’il est proposé de permettre à l’autorité administrative de consulter paraît justifié et proportionné à l’objet recherché ;

la personne concernée sera informée de l’enquête administrative dont elle fera l’objet. Les modalités de cette information restent à définir. Il serait logique que cette obligation d’information soit assurée par l’opérateur, qui est l’interlocuteur direct des personnes qu’il autorise à accéder aux installations. Il conviendra par ailleurs de trouver un équilibre entre les objectifs de sécurité et de protection des droits de personnes. Au regard du premier objectif, il ne paraît pas souhaitable de communiquer à celles-ci des précisions sur les fichiers consultés ou toute information de nature à porter atteinte à la sécurité des installations ou à la sécurité publique en général. Au regard du second, il convient que l’intéressé soit immédiatement informé, dès le début de l’enquête dont il fait l’objet. Par ailleurs, il paraît légitime qu’en cas de refus, les motifs de celui-ci soient portés à sa connaissance.

*

Au vu des informations communiquées, le dispositif proposé répond à l’objectif recherché. Il conviendra néanmoins d’en évaluer l’effet et, dans les deux ans de sa mise en œuvre, d’informer la représentation nationale des résultats de cette évaluation, notamment à l’occasion des réponses aux questionnaires budgétaires.

La protection des agents de renseignement fait l’objet de l’article 20. Elle fait droit, là aussi, à une recommandation du Livre blanc. Ce document confère, on le sait, une priorité au développement du renseignement (10). Il préconise notamment un accroissement des ressources humaines qui lui sont consacrées, une amélioration de leur formation, le renforcement des moyens techniques, une rationalisation de la gouvernance des services, ainsi qu’un cadre juridique adapté. Sur ce dernier point, il précise : « Les activités de renseignement ne disposent pas aujourd’hui d’un cadre juridique clair et suffisant. Cette lacune doit être comblée. » Et d’ajouter : « Des adaptations de nature législative seront apportées, en respectant l’équilibre entre protection des libertés, efficacité des poursuites judiciaires et préservation du secret ».

La nouvelle loi de programmation militaire a déjà apporté une première pierre en traduisant les recommandations du Livre blanc sur la protection du secret de la défense nationale (11).

Mais ce document indiquait aussi : « Des dispositions seront prises pour encadrer la possibilité pour ces agents d’utiliser une identité d’emprunt et réprimer la révélation de l’identité ou de l’appartenance d’un agent à un service de renseignement, quand elle est protégée. Il en sera de même pour la préservation de l’anonymat des agents dans le cadre des procédures administratives ou judiciaires et pour la protection des sources et des collaborateurs des services : la divulgation d’informations susceptibles de révéler leur identité sera également interdite. ».

Il convient en effet de rappeler que la seule protection actuellement accordée aux agents de renseignement est celle qui résulte de l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 modifiée sur la liberté de la presse : « Le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou de personnels civils du ministère de la défense ou d’agents des douanes appartenant à des services ou unités désignés par arrêté du ministre intéressé et dont les missions exigent, pour des raisons de sécurité, le respect de l’anonymat, est puni d’une amende de 15 000 euros. ». Ainsi, s’agissant du ministère de l’intérieur, la liste des services concernés est établie par l’arrêté du 27 juin 2008 relatif au respect de l’anonymat de certains fonctionnaires de police, dont font naturellement partie les agents de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Mais cette protection est très partielle et peu dissuasive, et elle ne s’inscrit que dans le cadre du droit de la presse.

Le présent projet de loi répond précisément à la préconisation du Livre blanc, et ce, de trois manières. En premier lieu, il ajoute dans la deuxième partie du code de la défense, au livre III – relatif aux régimes juridiques de défense d’application permanente – un titre VII intitulé « Du renseignement », édictant des règles de protection générales. Deuxièmement, il insère au titre III du livre IV du code pénal un chapitre 1er bis – avec pour titre « Des atteintes aux services spécialisés de renseignement » – prévoyant un ensemble de sanctions pénales. Enfin, il crée après le livre IV du code de procédure pénale, un titre IV bis : « De la manière dont sont reçues les dépositions des personnels des services spécialisés de renseignement ».

Trois dispositions sont prévues à cet égard :

- d’abord, les agents des services spécialisés de renseignement pourront, « pour l’exercice d’une mission intéressant la défense et la sécurité nationale » et sous l’autorité de l’agent chargé de superviser ou de coordonner la mission, faire usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité. Cette possibilité – qui est une condition, pour ces agents, de remplir efficacement leur mission – ne leur était guère reconnue jusqu’ici (12). Or, elle existe déjà dans plusieurs pays : en Espagne, où prévaut l’usage légal de fausse identité et des faux documents afférents ; en Grande-Bretagne, où ce droit est également protégé dans le cadre d’une procédure judiciaire, lors d’une citation à témoigner ; ou bien en Roumanie, où les agents travaillent sous couverture avec leur vrai nom mais bénéficient d’une « légende » officielle leur garantissant de n’être jamais reliés à leur service d’appartenance ;

- en deuxième lieu, ces agents ne pourront être pénalement responsables de cet usage. Il en sera de même, pour leurs actes, des personnes requises à seule fin d’établir ou de permettre l’usage de cette identité d’emprunt ou de cette fausse qualité. Cette disposition est le corollaire logique de la précédente. Il convient de rappeler que les personnes aidant les agents de renseignement à se procurer les éléments nécessaires à la réalisation de fausses pièces d’identité tombent sous le coup de l’article 441-4 du code pénal, qui punit de deux ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende le faux en écriture publique. Le rapporteur a souhaité connaître le nombre de personnes concernées par cette disposition : le ministère de l’intérieur lui a répondu que ce nombre n’avait pas été « évalué », ce qui n’est pas satisfaisant. Il conviendra que des données précises puissent être communiquées sur ce point à la commission de la défense, quitte à ce qu’elles soient sous la forme d’informations classifiées ;

- les services spécialisés de renseignement concernés seront désignés par un arrêté du Premier ministre. Selon les informations communiquées au rapporteur, ce texte énumérera les services « placés sous l’autorité des ministres chargés de la sécurité intérieure, de la défense, de l’économie et du budget » au sens de la loi du 9 octobre 2007 (13) portant création d’une délégation parlementaire au renseignement.

Le chapitre 1er bis qu’il est proposé d’ajouter au titre III du livre IV du code pénal prévoit quatre sanctions pénales :

- est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende la révélation volontaire – « en connaissance de cause » – de toute information pouvant conduire directement ou indirectement à la découverte d’un des trois faits suivants : l’usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité ; l’identité réelle des agents des services spécialisés de renseignement ; leur appartenance à l’un de ces services. Il est par ailleurs précisé que ces dispositions sont applicables à la révélation de la qualité de source ou de collaborateur occasionnel de ces services. Il convient de rappeler qu’aujourd’hui, il est impossible de sanctionner de telles révélations, quand bien même la sécurité de l’agent concerné serait mise en péril. Ainsi, récemment, un fonctionnaire de l’ex direction de la surveillance du territoire (DST) a dû être muté pour que sa sécurité physique soit préservée, son identité ayant été révélée à la suite d’une opération de renseignement dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Le rapporteur a souhaité disposer de données plus précises sur les révélations de ce type constatées jusqu’ici, leurs conséquences, les mesures prises pour y remédier. Le ministère de l’intérieur a répondu qu’il était difficile d’en « évaluer la fréquence », ce qui, là non plus, n’est pas satisfaisant. Selon le coordonnateur national du renseignement, M. Bernard Bajolet, on enregistrerait une dizaine de cas de révélation d’appartenance à un service de renseignement depuis 2001 ;

lorsque cette révélation a causé des violences, coups et blessures à ces agents, à leur conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité, à leurs descendants ou à leurs ascendants directs, ces peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende ;

quand cette révélation a provoqué la mort d’une de ces personnes, ces peines sont de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Elles n’excluent pas naturellement l’application des autres sanctions prévues par le chapitre 1er du titre II du livre II du code pénal en cas d’atteinte à la vie ;

- enfin, si cette révélation a été commise de façon involontaire – « par imprudence ou par négligence » – par une personne soit dépositaire de l’information par état ou profession, soit qui en a eu connaissance à l’occasion d’une mission temporaire ou permanente, ces peines sont réduites à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende.

Le régime des dépositions des personnels des services spécialisés de renseignement qu’il est proposé d’ajouter au code de procédure pénale obéit à plusieurs règles :

- la première – et la principale – prévoit que lorsque des agents des services spécialisés de renseignement doivent témoigner au cours d’une procédure judiciaire sur des faits dont ils auraient eu connaissance à l’occasion dune mission intéressant la défense et la sécurité nationale, leur identité réelle « ne doit jamais apparaître » au cours de cette procédure. Seules leur appartenance à l’un de ces services et la réalité de leur mission pourront, « le cas échéant », être attestées par leur autorité hiérarchique ;

- dès lors, les questions qui leur seront posées ne doivent avoir ni pour objet ni pour effet de révéler, de façon directe ou indirecte, leur véritable identité ;

- de même, leurs auditions seront reçues dans des conditions garantissant leur anonymat ;

- par ailleurs, si une confrontation doit être réalisée entre une personne mise en examen et une personne « dont il apparaît qu’elle est un agent des services spécialisés de renseignement en raison des éléments de preuve à charge résultant de constatations personnellement effectuées par cet agent », elle le sera dans les conditions fixées par l’article 706-61 du code de procédure pénale. Cette disposition permet d’éviter toute confrontation directe et de recourir notamment à un dispositif technique permettant l’audition du témoin à distance en rendant sa voix non identifiable ;

- enfin, aucune condamnation ne pourra être prononcée à l’encontre de ces agents sur le seul fondement des déclarations recueillies dans le cadre de ces dépositions. Cette disposition est une transposition de l’article 706-62 du code de procédure pénale concernant le témoignage anonyme.

*

L’ensemble des dispositions prévues va dans le bon sens. Elles offrent une sécurité juridique aux agents des services de renseignement pour leur permettre de remplir pleinement leur mission. Elles sont par ailleurs équilibrées, conciliant la protection de ces agents avec la nécessité pour l’autorité judiciaire de pouvoir recueillir leur témoignage.

On observe cependant que le projet de loi ne transcrit pas les autres recommandations du Livre blanc en matière de renseignement qui n’auraient pas déjà fait l’objet de dispositions législatives. Qu’il s’agisse de la définition des missions des services de renseignement ou de l’aménagement de la loi du 10 juillet 1991 (14) relative au secret des correspondances émises par la voie des télécommunications, pour tenir compte des évolutions techniques récentes. Il serait souhaitable que le Gouvernement précise ses intentions à cet égard.

Les activités privées d’intelligence économique constituent un secteur dont le développement est relativement récent. De ce fait, leurs contours restent encore flous, d’autant que les prestataires opérant dans ce domaine sont nombreux et de nature différente (cabinets spécialisés, sociétés de conseil en stratégie, départements de grandes entreprises, organismes d’enquêtes…).

Elles consistent dans l’ensemble à collecter et à analyser de manière légale (par distinction avec l’espionnage industriel) des informations de nature économique, commerciale ou financière pour des entreprises, en vue de défendre ou de développer leur activité. Elles comportent donc à la fois un volet défensif et offensif. Si elles touchent l’ensemble de l’économie, elles peuvent aussi concerner la défense et la sécurité nationale, qu’il s’agisse des informations portant sur le nucléaire, les industries d’armement, les systèmes d’information ou bien l’identification de menaces économiques pouvant avoir des conséquences géostratégiques.

En ce sens, elles participent aux fonctions stratégiques de connaissance et d’anticipation, de prévention, de protection et, dans une certaine mesure, d’intervention et de dissuasion distinguées par le Livre blanc. Il est significatif à cet égard que la nouvelle loi de programmation militaire prévoie, dans son rapport annexé (15), que l’effort de recrutement en matière de renseignement concernera « la lutte contre l’ingérence économique ». D’ailleurs, il ressort des auditions organisées par le rapporteur que le ministère de la défense a régulièrement recours à ce type de prestations.

Selon la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), chargée de suivre ce secteur, on ne dispose pas d’une évaluation précise du nombre d’opérateurs, ni de leur chiffre d’affaires. On sait cependant que la Fédération des professionnels de l’intelligence économique (FéPIE), principale instance de représentation des prestataires du secteur, revendique 120 adhérents, dont 80 personnes morales, ainsi que des membres associés tels que le MEDEF ou la CGPME. Selon les dernières données disponibles, on estime qu’en 2004, les 24 principaux cabinets représentaient plus de 70 millions de chiffre d’affaires et que celui-ci enregistrait une progression de l’ordre de 15 à 20 % par an. Les données dont on dispose dans ce domaine sont donc, on le voit, très lacunaires.

Il s’agit pourtant d’un secteur stratégique pour nos entreprises, notre économie générale ou la défense et la sécurité nationale. C’est la raison pour laquelle l’État a mis en place depuis 2003 une politique publique dans ce domaine. Cette politique repose sur deux piliers. D’une part, un haut responsable chargé de l’intelligence économique (HRIE), placé auprès du Premier ministre au sein du secrétariat général pour la défense nationale (SGDN) et chargé d’assurer la synthèse, d’organiser la diffusion de l’information disponible et de veiller à l’élaboration ou à la mise en œuvre des mesures à prendre. D’autre part, une action territoriale, au niveau régional, associant, sous la coordination du préfet de région, les services et organismes concernés (directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (DRIRE), directions régionales du commerce extérieur (DRCE), banque de France, président du conseil régional, présidents des chambres consulaires, chefs d’entreprise, universitaires…) (16).

En revanche, le secteur privé de l’intelligence économique n’est soumis à aucune réglementation. La loi du 12 juillet 1983 (17) réglemente seulement certaines activités privées de sécurité (surveillance, gardiennage, transport de fonds, protection physique des personnes, agences de recherche privées…), dont l’objet est différent.

Cette absence de régulation a, selon la FéPIE et la DCRI, plusieurs inconvénients :

- la possibilité pour n’importe quelle personne, physique ou morale, d’offrir des prestations d’intelligence économique sans aucun encadrement professionnel ;

- les risques liés à de telles pratiques pour l’image de la profession et pour ses clients ;

- la relative vulnérabilité ainsi conférée à ce secteur stratégique.

C’est précisément pour y remédier – et, selon les termes de l’exposé des motifs, « garantir la moralisation des professionnels de ce secteur » – que le projet de loi propose d’encadrer ces activités.

L’article 21 insère à cet effet un nouveau titre III dans la loi du 12 juillet 1983 précitée, intitulé « De l’activité d’intelligence économique ».

Le régime proposé repose sur les principales dispositions suivantes :

il définit en premier lieu les activités concernées. Il s’agit des activités qui ne sont pas exercées par un service administratif, « menées afin de préserver l’ordre public et la sécurité publique, qui consistent à titre principal à collecter et traiter des informations non directement accessibles au public et susceptibles d’avoir une incidence significative pour l’évolution des affaires ». Outre sa lourdeur, cette rédaction n’est pas satisfaisante pour au moins trois raisons. D’abord, les activités d’intelligence économique ne sont pas menées afin de préserver l’ordre public et la sécurité publique, mais principalement pour favoriser le développement économique des entreprises. Deuxièmement, une grande partie des informations qu’elles collectent sont directement accessibles au public (activités de veille sur Internet, documentation...). Enfin, ces informations ne sont pas seulement susceptibles d’avoir une incidence sur l’évolution des affaires, mais sur l’économie en général et même, au-delà, la défense et la sécurité nationale. Il sera donc proposé plus bas une nouvelle rédaction ;

les personnes physiques ne pourront exercer à titre individuel, ni diriger, gérer ou être l’associé d’une personne morale exerçant ces activités sans être titulaires d’un agrément délivré par le ministre de l’intérieur. Trois conditions sont nécessaires pour obtenir cet agrément. D’abord, être de nationalité française ou ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un des États de l’Espace économique européen (EEE) (18). Deuxièmement, ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation à une peine correctionnelle ou criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire – ou pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent – pour des motifs incompatibles avec l’exercice des fonctions. En troisième lieu, il faut que l’enquête administrative menée à la suite de la demande ne révèle aucun comportement ou agissement contraire à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs, de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l’État, ou incompatible avec l’exercice des fonctions. Dans ce cadre, l’autorité administrative pourra consulter les fichiers de police et de gendarmerie (principalement le système de traitement des infractions constatées (STIC), son équivalent JUDEX pour la gendarmerie, ainsi que le fichier Cristina de la DCRI), à l’exception des fichiers d’identification ;

cet agrément pourra être retiré si l’une de ces conditions cesse d’être remplie. Ce retrait sera décidé au terme d’une procédure contradictoire, sauf en cas d’urgence ou de nécessité tenant à l’ordre public, où l’État pourra prendre préalablement les mesures conservatoires qui s’imposent ;

les personnes morales ne pourront exercer les activités d’intelligence économiques sans une autorisation délivrée par le ministre de l’intérieur. Cette autorisation sera délivrée au vu de trois éléments : la liste des personnes employées par la société et chacun de ses établissements pour exercer ces activités (cette liste devant être mise à jour une fois par an) ; la mention du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (sauf pour une personne établie dans un autre État membre de l’Union ou de l’EEE) ; l’avis d’une commission consultative nationale chargée d’apprécier la compétence professionnelle et la déontologie de l’entreprise. Un décret précisera la composition de la commission, ses modalités d’organisation, son fonctionnement, ainsi que les conditions de délivrance de l’autorisation et de l’agrément ;

cette autorisation pourra être retirée ou suspendue si les conditions nécessaires à son octroi ne sont plus réunies ou si l’agrément est lui-même retiré. Comme pour l’agrément, ce retrait ou cette suspension seront décidés au terme d’une procédure contradictoire, sauf en cas d’urgence ou de nécessité tenant à l’ordre public ;

- enfin, il est interdit à certains agents (fonctionnaires de la police nationale, officiers ou sous-officiers de la gendarmerie nationale, militaires et agents travaillant dans les services spécialisés de renseignement (19), autres officiers et sous-officiers affectés dans des services mentionnés par arrêté du ministre de la défense (20)) d’exercer ces activités durant les trois années suivant la date de cessation temporaire ou définitive de leurs fonctions. Ils pourront néanmoins déroger à cette interdiction s’ils ont obtenu, au préalable, une autorisation écrite à cet effet du ministre de l’intérieur ou de celui de la défense.

Deux sanctions principales sont prévues à l’égard des contrevenants.

La première punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait d’exercer cette activité sans être immatriculé au registre du commerce et des sociétés, ou sans être titulaire de l’agrément ou de l’autorisation, ou bien alors même que ceux-ci ont été suspendus ou retirés.

La seconde punit de six mois d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende le fait de ne pas transmettre la liste annuellement mise à jour des salariés, prévue dans le cadre de la procédure d’autorisation.

Par ailleurs, les personnes physiques déclarées coupables de l’une des infractions aux dispositions relatives à l’intelligence économique figurant dans le projet de loi sont passibles de deux peines complémentaires. En premier lieu, la fermeture, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, du ou des établissements – qu’elles dirigent ou gèrent – exerçant ces activités. En second lieu, l’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer ces activités.

Le dispositif proposé pourrait être amélioré sur au moins trois points.

D’abord, la définition des activités d’intelligence économique doit être revue. Il est proposé de retenir à cet effet la rédaction suivante : « les activités consistant à collecter et à analyser des informations de nature économique pour des entreprises en vue de défendre ou de développer leurs intérêts ». Cette formule permet d’éviter les inconvénients précédemment évoqués.

Deuxièmement, on peut s’interroger, au-delà des avantages déjà mentionnés de doter le secteur de l’intelligence économique d’un cadre juridique spécifique, sur les éventuels inconvénients de cette réglementation. Interrogé par le rapporteur sur ce point, le ministère de l’intérieur a indiqué que « le Gouvernement est conscient que la mise en place d’une réglementation nationale stricte risque d’inciter un certain nombre d’acteurs à délocaliser leurs structures dans des pays européens où il n’existe pas encore de telles dispositions. Des cabinets ont d’ores et déjà largement recours à cette pratique en s’installant en Grande-Bretagne et en Belgique, tout en continuant à mener leurs activités sur notre territoire ». Le ministère estime néanmoins que les avantages l’emportent sur les inconvénients. Tout comme d’ailleurs M. Hervé Séveno, le président de la FéPIE, qui indique que la quasi-totalité des adhérents de la fédération et des professionnels du secteur en général sont en faveur du dispositif proposé. Dans ces conditions, il serait souhaitable que dans les deux ans suivant sa mise en œuvre, le Gouvernement l’évalue et communique au Parlement le résultat de cette étude, ainsi que les modifications éventuelles qu’elle appelle.

Enfin, et dans le même esprit, il n’est sans doute pas souhaitable, pour obtenir l’autorisation, d’exiger des seules personnes établies sur le territoire national de fournir la mention du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Cela constitue une discrimination par rapport aux entreprises concurrentes installées dans un autre État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Demander à celles-ci la mention d’une immatriculation équivalente permettrait d’y remédier et de disposer, de surcroît, de davantage d’informations sur les activités d’opérateurs étrangers en France.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, c’est avec grand plaisir que nous recevons une nouvelle fois le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale.

Je me félicite que nous ayons pu trouver un accord avec le Sénat sur le projet de loi relatif à la gendarmerie. Tous les membres qui siègent dans cette commission comptent suivre sa mise en œuvre et veiller au respect de la militarité de la gendarmerie.

Vous allez aujourd’hui, général, nous présenter les dispositions du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI, qui peuvent concerner la gendarmerie.

Le texte a été déposé le 27 mai dernier et la commission de la défense s’en est saisie pour avis. Il fait suite à la loi du 29 août 2002 et vise à améliorer la sécurité de nos concitoyens dans un environnement incertain et complexe.

C’est un projet très attendu qui clôt, dans une certaine mesure, le cycle débuté avec le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

M. le général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale. Monsieur le président, j’ai été particulièrement sensible à l’attachement que la représentation nationale a montré à l’égard de notre institution lors du débat sur le projet de loi relatif à la gendarmerie, durant lequel j’avais d’ailleurs invité tous les gendarmes à lire au jour le jour vos échanges. J’ai éprouvé comme eux une grande fierté à être gendarme. Avoir entendu vos témoignages de soutien est pour nous tous un encouragement. Je tenais à vous le dire très sincèrement et à vous en remercier.

La LOPPSI confirme la gendarmerie dans son identité. Ce texte a vocation à contribuer à l’efficacité opérationnelle de la gendarmerie pour les années à venir, par le biais d’une démarche normative et d’un fléchage budgétaire identifié de certains crédits. Préserver la capacité opérationnelle de la gendarmerie relève, bien sûr, de ma responsabilité.

Comme cela a été souligné au cours des débats, la première force de la gendarmerie réside dans ses hommes et ses femmes. Depuis les conclusions du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, l’aboutissement du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées – PAGRE – nous tenait à coeur. Grâce au fléchage budgétaire de la LOPPSI, les objectifs de ce plan, qui contribue à l’équilibre et à la parité globale entre policiers et gendarmes, seront atteints fin 2012.

L’évolution de la masse salariale correspond bien sûr à la diminution de nos effectifs prévue par la révision générale des politiques publiques. À cet égard, j’ai proposé au ministre de l’intérieur de faire porter le moins possible l’effort sur les unités opérationnelles. Mon souci est en effet de préserver le « muscle », la partie opérationnelle de la gendarmerie, et de faire supporter l’essentiel de l’effort par les unités d’environnement, le format des écoles, les états-majors et une partie de la Garde républicaine.

Les grandes fonctions de la gendarmerie seront préservées, qu’il s’agisse de la couverture du territoire avec le maillage territorial des 3 600 brigades, de la police judiciaire ou de la lutte contre l’insécurité routière, qui requiert 8 000 gendarmes.

Le format des écoles sera quant à lui réduit. La suppression de quatre écoles permettra de remonter 480 gendarmes, sans pour autant altérer les capacités de formation.

En revanche, je suis face à une équation difficile à résoudre : renforcer les zones géographiques qui en ont le plus besoin tout en étant au rendez-vous de la masse salariale.

D’après L’INSEE, notre pays subit une pression démographique dans la vallée du Rhône, les départements méditerranéens, la côte atlantique, quelques départements de la grande couronne, la région toulousaine, la région de Mulhouse et à la périphérie des grandes capitales régionales. Or, cette forte pression démographique s’accompagne d’une augmentation de la délinquance. Pour renforcer notre présence dans ces régions, j’ai proposé de dégager les effectifs nécessaires à partir d’escadrons de la gendarmerie mobile. À l’heure actuelle, dans certains départements, nos effectifs sont en permanence renforcés par des escadrons de gendarmerie mobile. Sédentariser une partie des unités de gendarmerie mobile permettrait de renforcer entre 20 et 25 départements et d’y être en capacité opérationnelle.

S’agissant justement de la capacité opérationnelle, le « saut technologique » nous permet de l’accroître. C’est pourquoi la LOPPSI consacrera plus de 270 millions d’euros de crédits de paiement aux améliorations technologiques entre 2009 et 2013, garantissant ainsi le financement des nouvelles priorités. Nous attendons beaucoup des possibilités offertes par le « saut technologique » : en l’occurrence, il s’agit d’acquérir des capacités nouvelles susceptibles d’améliorer l’efficacité opérationnelle des unités en économisant des « heures gendarme ».

C’est un domaine dans lequel la gendarmerie a déjà beaucoup travaillé. Nous disposons d’un acquis solide qui nous rend enclins à être très optimistes sur les potentialités offertes, qui sont nombreuses. En témoignent notamment : la rénovation des centres opérationnels et de renseignement de la gendarmerie avec le déploiement de PULSAR et d’ATHENA ; la mise en place de bornes de visiophonie destinées à améliorer l’accueil du public ; la fin du déploiement des terminaux informatiques embarqués – TIE –, qui permettent l’accès aux différents fichiers dans les véhicules des brigades territoriales ; la dématérialisation des procédures judiciaires avec le déploiement du procès-verbal électronique, ce qui permettra aux gendarmes de gagner du temps et simplifiera la relation avec les magistrats – des expériences très intéressantes ont été menées, notamment en Poitou-Charentes ; la poursuite du déploiement de la visioconférence sur les principaux sites de commandement ; ou l’acquisition de cinémomètres LASER de nouvelle génération pour mesurer les vitesses dans de mauvaises conditions climatiques.

Deux autres mesures importantes doivent être mentionnées : d’une part, le « resoclage » du fonctionnement courant des unités de terrain, qui a été engagé en 2009 avec 30 millions d’euros, sera poursuivi avec 20 millions d’euros supplémentaires en 2010 ; d’autre part, la reprise partielle des missions assurées jusqu’à présent par les armées en outre-mer, qui nécessitera de renforcer les capacités d’intervention de la gendarmerie, notamment héliportées – une enveloppe de 137 millions d’euros de crédits de paiement sera dégagée entre 2012 et 2013 à cet effet.

S’agissant de l’immobilier, la LOPPSI prévoit la pérennisation des nouvelles formes de financement innovant : je veux parler des BEA – baux emphytéotiques administratifs – et des autorisations d’occupation temporaire (AOT), qui ont permis durant ces cinq dernières années la livraison de constructions nouvelles pour la gendarmerie. Même si nous devons recourir à ces procédures avec discernement pour éviter de trop alourdir la ligne budgétaire des loyers, cette voie est intéressante pour conduire certains projets ambitieux.

Parmi ces projets ambitieux figure la réalisation du pôle de police judiciaire de Pontoise, qui permettra de regrouper l’ensemble des moyens de la gendarmerie dédiés à la police judiciaire et d’accueillir l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale et le service technique de recherches judiciaires et de documentation, aujourd’hui installés à Rosny-sous-Bois et dont les locaux sont inadaptés. C’est pour nous le projet majeur de la période.

Les mutualisations et les coopérations possibles avec la police nationale constituent également un enjeu au regard du souci d’économies.

La LOPPSI permettra de franchir une nouvelle étape dans la coopération entre les deux forces de sécurité intérieure par l’approfondissement de la mutualisation des moyens logistiques et des capacités de soutien.

Ainsi, un nouveau pôle consacré aux matériels et équipements de sécurité est créé au sein du centre logistique de la gendarmerie au Blanc, qui prend en charge, par exemple, le reconditionnement des gilets pare-balles. De même, le service de diffusion de la gendarmerie à Limoges travaille pour les deux forces. S’agissant de l’armement, les pistolets à impulsion électrique seront acquis grâce à un marché passé par la police nationale. La convergence entre les deux forces se traduira aussi par l’acquisition d’équipements automobiles communs, tels les systèmes de caméras embarquées et de lecture automatisée des plaques d’immatriculation.

Le projet ARIANE, lancé en 2006, est externalisé au profit de la police et de la gendarmerie. Le fichier FOVES – ex FVV, fichier des véhicules volés pour la gendarmerie, et base objet du fichier STIC de la police nationale – est actuellement développé par une équipe mixte.

Tandis que la gendarmerie nationale assure la maintenance en interne de ses postes RUBIS – 45 000 postes de télécommunications –, pour un coût unitaire moyen de 300 euros, la police nationale fait assurer la maintenance de ses 51 000 postes ACROPOL par EADS pour un coût proche de 600 euros. Dans le cadre de la LOPPSI, une maintenance des postes ACROPOL par la gendarmerie est en cours d’étude.

J’en viens au chapitre de la démarche normative en matière de fichiers.

Certaines évolutions liées aux technologies sont possibles moyennant des coûts limités, mais elles nécessitent aussi de trouver le juste équilibre entre l’efficacité opérationnelle et le respect des libertés. C’est un débat sensible, auquel la gendarmerie apporte sa contribution en développant une réflexion sur les outils techniques dont elle dispose. Elle a notamment conduit une réflexion innovante en matière de lutte contre la délinquance de proximité au travers de l’extension de ses capacités d’analyse des faits commis en série.

La délinquance de proximité est celle qui pénalise le plus nos concitoyens, et c’est dans ce domaine que les taux d’élucidation sont les moins élevés. Or une grande partie des faits émane de multirécidivistes, les « noyaux durs » de la délinquance. La réponse pénale apportée à ces faits sera d’autant plus intéressante que nous aurons pu imputer à un individu un certain nombre de faits – on parle de délinquance sérielle. Nous avons donc réfléchi au moyen d’utiliser au mieux les capacités d’analyse criminelle en améliorant le traitement de l’information judiciaire. Il s’agit de faciliter l’identification des multiréitérants en développant – sous le contrôle des magistrats, bien sûr – les rapprochements à partir des données déjà disponibles au titre de l’enquête judiciaire. Le développement de cet outil et son périmètre fonctionnel dépendent du vote de l’article 10 de la LOPPSI.

D’autres dispositions normatives de la LOPPSI sont de nature à améliorer l’efficacité de la gendarmerie.

Les dispositions de l’article 4 permettront de bloquer l’accès à des sites pédopornographiques hébergés à l’étranger, parfois en toute impunité, et ainsi de prévenir les consultations, notamment involontaires, de tels contenus par les usagers d’Internet. Venant en complément de l’action quotidienne des 190 enquêteurs en technologies numériques de la gendarmerie, cette possibilité parachève le dispositif législatif donnant aux forces de l’ordre les moyens de lutter efficacement contre toutes les formes d’échange et de diffusion de contenus pornographiques représentant des mineurs.

Les dispositions de l’article 23 du projet de LOPPSI s’inspirent de la procédure déjà existante, dite « Perben II », en matière de sonorisation et de fixation d’images de certains lieux ou véhicules.

Enfin, trois mesures relatives à la sécurité routière rendront l’action de la gendarmerie plus dissuasive : l’instauration d’une peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule du conducteur pour certaines infractions commises en récidive – conduite sans permis, grands excès de vitesse ou encore alcoolémie ; la création d’une peine complémentaire d’interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d’un dispositif d’anti-démarrage par éthylotest électronique en cas de condamnation pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique – sur décision de justice ; la définition d’une infraction spécifique sanctionnant le fait de donner, mettre en vente, vendre ou inciter à vendre des points de permis – pratique courante sur Internet.

M. le président Guy Teissier. Mon général, vous avez parlé de mutualisation et d’économies. À cet égard, j’ai noté des éléments très significatifs, telle la différence de coût entre la maintenance des postes RUBIS et celle des postes ACROPOL de la police nationale – 300 euros contre 600 !

Par ailleurs, pourquoi les personnels civils de la gendarmerie seront formés par la police nationale, dans le cadre de la LOPPSI ?

Mme Patricia Adam. Très bonne question !

M. le général Roland Gilles. S’agissant des personnels civils, nous avons adopté une démarche générale qui s’inscrit dans le cadre de la politique globale de gestion des ressources humaines et de formation des deux forces. Cette démarche répond au principe selon lequel il faut préserver l’identité des deux maisons – les statuts correspondent à des missions.

S’agissant de la formation initiale des hommes et des femmes qui constituent les forces vives des deux grandes maisons, il n’y aura pas de mutualisation car les statuts, les modes de fonctionnement, les cultures des deux forces sont différents.

En revanche, nous n’hésiterons pas à mutualiser les formations si ce processus n’a pas d’incidence sur l’identité de l’une ou l’autre force : formations professionnelles complémentaires, actes techniques… Une mutualisation des formations destinées à apprendre à conduire une équipe cynophile ou à plonger en milieu subaquatique dans le cadre d’une investigation judiciaire est possible, car le geste technique est le même, que l’on soit policier ou gendarme.

Les personnels civils de la gendarmerie n’ont pas des missions différentes de celles des personnels civils de la police nationale. Ils occupent des fonctions administratives ou de gestion à caractère logistique : tâches de bureau, entretien automobile… Entretenir un véhicule de police ou un véhicule de gendarmerie appelle le même geste technique. Les formations des personnels civils sont donc, pour nous, tout à fait mutualisables.

M. le président Guy Teissier. Mon général, je persiste à penser que l’esprit maison s’acquiert lors de la formation initiale. Je considère donc qu’il est regrettable de s’acheminer vers des formations communes pour les personnels civils car la militarité de la gendarmerie, qui nous est chère, risque de se dissoudre au fil du temps.

Un parachutiste civil et un parachutiste militaire n’apprennent pas de la même façon à franchir la porte. Leur formation se fait dans deux écoles totalement différentes : l’une est plutôt ludique et sportive, l’autre militaire. De même, les hommes du GIGN et ceux des groupements de la police nationale ne sont pas formés de la même façon.

Selon moi, une formation doit être destinée aux civils qui servent les militaires et une autre à ceux qui servent les civils, car elles ne sont pas menées dans le même esprit.

Permettez-moi d’exprimer une crainte : si l’altération de la militarité peut résulter de la formation des civils par des civils, elle peut aussi découler de la formation dispensée aux gendarmes par des civils dans des formations communes avec des policiers.

M. le général Roland Gilles. Monsieur le président, je suis très sensible au sentiment que vous exprimez. Je veille, et je veillerai chaque jour, à cette problématique.

La gendarmerie ne formait pas les personnels civils. Ils étaient recrutés par le ministère de la défense – ils le seront désormais par le ministère de l’intérieur – et les formations étaient conduites sous l’égide de la direction des ressources humaines du ministère de la défense. La gendarmerie était affectataire de ces personnels, qui, ensuite, s’intégraient dans une culture. Pour avoir moi-même été employeur de personnels civils en tant que commandant de groupement et commandant de région, je partage votre opinion sur ce qui constitue la culture propre à un corps.

J’en viens aux formations mutualisées concernant les gestes techniques.

Notre centre de formation de Fontainebleau a vocation à accueillir les motocyclistes des deux forces – nous en débattons actuellement –, et je peux vous garantir que la culture militaire de ce site perdurera.

Notre centre de Gramat formera les maîtres chiens des deux forces, et je vous garantis que la culture militaire de ce site perdurera.

Notre centre d’instruction d’Antibes forme déjà les plongeurs des deux forces, en n’abandonnant rien de la culture militaire à laquelle nous sommes très attachés.

M. Marc Joulaud. Mon général, quelles sont, selon vous, les mesures du projet de loi les plus marquantes pour lutter contre la criminalité et la délinquance ?

Le projet ne prévoit pas d’étude d’impact globale, qui permettrait d’en apprécier l’effet sur l’organisation et le fonctionnement de la gendarmerie. Qu’en pensez-vous ?

Le rapport annexe n’identifie pas clairement les crédits de la police et ceux de la gendarmerie, contrairement à la LOPSI précédente. Pourriez-vous nous apporter des précisions chiffrées ?

Comment concilier, selon vous, les objectifs du projet de loi avec la nécessité d’engager malgré tout des opérations immobilières du type de celles que vous avez évoquées ?

M. le général Roland Gilles. Parmi les démarches les plus marquantes, il y a bien sûr l’attention portée au « saut technologique » à travers le fléchage des crédits budgétaires.

Comme je l’ai indiqué, les effectifs seront revus. Il nous appartient donc, pour les temps à venir, de faire en sorte que la technique vienne au secours de nos unités. D’autant que notre maillage territorial restera inchangé : le drapeau de la gendarmerie continuera de flotter jusque dans les endroits les plus reculés de notre pays – c’est une option politique. La technologie viendra nous aider à rentabiliser l’heure ou le « temps gendarme ».

Des démarches visent à faciliter la relation entre nos concitoyens et le gendarme, au travers de la gestion de l’information. J’ajoute que des procédures ne nécessitant pas de financement seront bientôt généralisées, comme le pré-dépôt de plainte en ligne, expérimenté de façon positive en Charente-Maritime et dans les Yvelines : le gain de temps et la qualité de la relation entre l’usager qui vient signer sa plainte et le gendarme sont au rendez-vous.

Je suis en train de généraliser un dispositif permettant d’assurer un lien entre nos concitoyens internautes et chacune des brigades de gendarmerie. Expérimenté de manière positive dans dix départements, ce dispositif permet de recevoir dans une « boite aux lettres », 24 heures sur 24, les méls des usagers. Bien entendu, un appel au secours nécessitant une réaction opérationnelle immédiate est géré différemment. Je ne connais guère de service public décentralisé de cette manière.

Autre mesure marquante : l’article 10, qui vise à lutter contre la délinquance de proximité imputable à des auteurs sériels et permettra de faire progresser le taux d’élucidation des enquêtes. La réponse pénale apportée aux faits commis sera d’autant mieux adaptée que l’auteur pourra se voir imputer leur nombre réel.

Effectivement, le projet n’identifie pas le budget de la police et celui de la gendarmerie : il indique une enveloppe globale. Je pourrai communiquer ultérieurement à votre commission des éléments distincts pour chacune des deux forces.

Pour la période 2009-2013, 271 millions d’euros de crédits de paiement et 294 millions d’euros d’autorisations d’engagement seront consacrés au « saut technologique ». Une enveloppe de 137 millions d’euros de crédits de paiement sera dégagée entre 2012 et 2013 pour faire face au transfert des forces de souveraineté outre-mer. L’immobilier disposera d’une enveloppe de 102 millions d’euros de crédits de paiement. Quant au « resoclage » du fonctionnement courant, une enveloppe de 230 millions d’euros de crédits de paiement lui sera consacrée. Au total, sur la période d’application de la LOPPSI, la gendarmerie se verra dotée d’un volume d’autorisations d’engagement de 1 162 millions d’euros et d’un volume de crédits de paiement de 764 millions d’euros.

M. Patrick Beaudouin. Mon général, la direction générale de la gendarmerie nationale a été contrainte de ne pas notifier en 2008 le marché de renouvellement des VBRG – véhicules blindés à roues de la gendarmerie –, qui prévoyait l’acquisition de 92 nouveaux engins. Les dotations de la LOPPSI ne semblent pas vous permettre le renouvellement de cette capacité. Comment comptez-vous faire pour que la gendarmerie puisse continuer à assurer ses missions en matière d’ordre public ?

L’acquisition de PVP – petits véhicules protégés – est prévue. Actuellement expérimentés en Géorgie dans le cadre des missions européennes, ces blindés sont-ils fiables ? Dans le cas contraire, comment comptez-vous les remplacer ?

L’achat de 25 hélicoptères EC 135, initialement prévu en 2009, n’est pas confirmé. Vous venez d’évoquer les nouvelles missions de souveraineté outre-mer, avec l’achat d’hélicoptères : le financement de ces achats est-il pris sur celui du renouvellement de notre parc d’hélicoptères de mission en métropole ? Si c’est le cas, comment pourrez-vous assurer le repositionnement des appareils pour le sauvetage en haute montagne ou les interventions en zones urbaines, par exemple ?

Les missions de souveraineté doivent être accompagnées, selon vous, d’une augmentation des capacités humaines. La LOPPSI n’en prévoit pas le financement. Comment pensez-vous faire la jonction pour assurer ces missions nouvelles ? En Guyane, par exemple, utiliserez-vous toujours les moyens des armées ? Y aura-t-il, là aussi, un transfert ?

Enfin, aurez-vous, étant donné le temps nécessaire pour préparer un cheval, la capacité d’assurer dans les années à venir le maintien de la Garde républicaine – dernier grand régiment à cheval de l’armée française –, qui compte de plus de 450 chevaux ?

M. Yves Fromion. Vous avez défendu ce texte avec une grande conviction, mon général, et l’on peut espérer que cela sera communicatif. De même que le président de notre commission et un grand nombre de nos concitoyens, eux aussi très attachés à notre gendarmerie, je m’inquiète pourtant des évolutions qui pourraient résulter du rapprochement en cours. La police nationale et la gendarmerie ont des missions, des qualités, des savoir-faire et des modes opératoires spécifiques ; il y a un esprit propre à chacune de ces deux maisons.

Vous avez solennellement affirmé que la couverture du territoire ne serait pas altérée. Dans mon département, le groupement de gendarmerie a cependant laissé entendre que deux brigades, dont l’une est située dans ma circonscription, allaient fermer dans le cadre de la reconfiguration actuelle. Il faut être clair : soit il n’y aura pas de fermeture de brigades, ce qui veut effectivement dire que la couverture du territoire ne sera pas altérée, soit de telles évolutions auront lieu, ce qui change alors le sens de vos propos.

Beaucoup redoutent que la révision générale des politiques publiques, le rapprochement avec la police, ainsi que les évolutions concernant les territoires périurbains conduisent, en réalité, à un retrait de certaines forces des zones rurales, au motif que celles-ci seraient moins affectées que d’autres par la criminalité. Il ne faudrait pas dégrader la sécurité de certains territoires afin d’améliorer la situation ailleurs. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la politique retenue en matière de couverture du territoire ? Il serait naturellement souhaitable qu’il n’y ait pas de remise en cause dans ce domaine, comme vous venez de l’indiquer.

M. le général Roland Gilles. La gendarmerie dispose de 101 VBRG, aujourd’hui vieux de trente ans. Grâce au maintien en condition opérationnelle du parc actuel, nous serons en mesure d’assurer notre contrat opérationnel, lequel nécessite au moins 75 engins blindés. Il est vrai que nous avons failli signer, au cours de l’été 2008, un contrat portant sur la fourniture de 92 véhicules nouveaux ; les contraintes budgétaires n’ont pas permis d’aboutir, mais il n’y a pas d’inquiétudes à avoir pour les prochaines années.

Faute de temps, nous avons dû prendre « sur étagère » le PVP, le petit véhicule protégé, aujourd’hui utilisé en Géorgie. Les résultats obtenus sur le terrain nous paraissant convenables, nous envisageons de provisionner trois millions d’euros pour acquérir quelques exemplaires de ce véhicule en attendant les engins blindés d’accompagnement de nouvelle génération dont nous pourrons nous équiper ultérieurement.

Nous ne toucherons pas à la flotte d’hélicoptères qui est aujourd’hui affectée, en métropole, aux opérations de police et de secours en montagne. Une enveloppe budgétaire supplémentaire, destinée à l’acquisition de nouveaux hélicoptères pour l’exercice de nos missions de souveraineté outre-mer, est en effet prévue ; je précise qu’il est envisagé d’acquérir au moins six EC 145 pour compléter notre flotte. L’affectation des matériels dépendra naturellement du nombre d’hélicoptères que l’armée continuera à fournir en soutien, notamment en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. En Guyane, par exemple, nous bénéficions actuellement de l’appui de cinq Puma dans le cadre de l’opération « Harpie ». Je le répète : les besoins nouveaux seront couverts sans impact pour le parc existant.

S’agissant du régiment de cavalerie de la Garde républicaine, aujourd’hui composé de trois escadrons et de 480 chevaux, il n’y a pas de projet de réduction des effectifs. C’est l’un de nos fleurons ; le défilé du 14 juillet vient encore de le montrer.

J’en viens à la question du maillage territorial. Nous sommes entre Saint-cyriens, monsieur Fromion : je peux vous dire qu’il n’existe pas, au plan national, de projet de suppression de brigades, et qu’il n’y en aura pas. C’est un choix politique. Des discussions pourront porter, au plan local, sur la suppression de certaines brigades territoriales, mais ce ne seront que des ajustements. Contrairement à d’autres pays, tels que l’Allemagne et l’Espagne, nous n’avons pas choisi de toucher à notre maillage territorial. J’ajoute que les évolutions feront l’objet de discussions au plan local, autour des préfets et selon des critères objectifs, et qu’elles n’ont pas vocation à être réalisées sans l’accord des élus locaux.

M. Jean-Claude Viollet. Je dois avouer que vos propos ne me rassurent pas entièrement, mon général. Je pense notamment à la tutelle qu’exerceront les autorités civiles, à savoir les préfets, sur l’organisation territoriale de la gendarmerie, qui est une force armée.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer lors du débat général sur le projet de loi relatif à la gendarmerie, je trouve regrettable que n’ayons pas pu travailler de façon transversale sur la loi de programmation militaire, sur la loi relative à la gendarmerie et sur ce texte. Nous souffrons, en effet, d’un manque de visibilité, notamment pour les missions de défense de la gendarmerie : compte tenu du sort qui lui est réservé, tant en ce qui concerne son organisation que ses moyens, je me demande comment la gendarmerie pourra continuer à exercer ces missions.

Il me semble, d’autre part, que notre commission devrait s’efforcer d’appréhender globalement les questions de défense et de sécurité nationale, qui ont fait l’objet d’un même Livre blanc. Qui d’autre que nous pourrait s’en charger ? Bien que la gendarmerie soit concernée par toutes les fonctions stratégiques identifiées par le Livre blanc, y compris la dissuasion – je rappelle, en particulier, que nous avons longuement débattu du rôle de la gendarmerie en matière de sécurité des armements nucléaires –, nous n’avons ni le temps, ni les moyens nécessaires pour apprécier toutes les conséquences de ce texte.

J’observe, par ailleurs, que l’exécution de la précédente loi d’orientation et de programmation n’a guère été favorable à votre institution : il y a un « trou » entre la LOPSI et ce texte, et la gendarmerie a été privée d’une annuité de crédits, contrairement à la police nationale, ce qui n’est pas sans conséquences pour les moyens disponibles, notamment les hélicoptères et les blindés. Dans ces conditions, on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir. Je constate également que les crédits dont vous avez fait mention, mon général, ne figurent ni dans le texte de la loi de programmation militaire, ni dans le rapport qui lui est annexé, ce qui est sans précédent : jusqu’à présent, nous disposions au moins d’un tableau chiffré pour y voir un peu plus clair.

En octobre 2008, notre collègue Moyne-Bressand, rapporteur pour avis des crédits de la gendarmerie, s’inquiétait de la diminution des autorisations d’engagement : il nous indiquait que la gendarmerie allait être obligée de réduire ses missions faute de disposer des moyens suffisants pour assumer le niveau élevé d’engagement qui était le sien. Or, la situation n’a pas changé depuis cette date : les hélicoptères de la gendarmerie – les Ecureuil ou encore les Alouette III – ont entre trente et quarante ans, de même que les Puma déployés outre-mer ; et pourtant, le renouvellement du parc continue à se faire attendre. Vous avez certes mentionné l’acquisition de six EC 145 – quatre pour la gendarmerie et deux pour la sécurité civile, si mes informations sont exactes –, mais nous sommes encore loin des 25 exemplaires initialement prévus. D’autre part, on peut se demander si les hélicoptères monoturbines pourront être utilisés, dans le cadre du nouveau système de commandement, pour le survol des agglomérations. Je suppose également que nous ne pourrons pas conserver les blindés actuels pendant trente années supplémentaires. Sans aller aussi loin dans la critique que certains collègues de la majorité, qui regrettent sans doute d’avoir voté le texte relatif à la gendarmerie, on peut tout de même s’interroger.

Nous avons appris qu’il était question de créer, au sein du GIGN, un peloton d’assaut constitué d’éléments venant du groupement blindé de la gendarmerie mobile et équipé de véhicules de l’avant blindés (VAB) déclassés. Est-ce exact ? Allons-nous équiper la gendarmerie en faisant appel aux surplus de l’armée ? Je pose la question sans esprit de polémique.

Je le répète : il nous appartient de réaliser un travail sérieux sur ce texte, travail qui ne saurait se résumer à quelques réunions de commission. La gendarmerie étant une force armée essentielle au sein de notre dispositif de sécurité et de défense nationales, nous avons un rôle particulier à jouer. Ce qui m’inquiète, ce ne sont pas seulement les dispositions du présent texte, mais aussi la façon dont nous les examinons. La représentation nationale devrait davantage se saisir de ces questions, lesquelles n’ont pas vocation à être réglées par la seule autorité préfectorale.

M. Jacques Lamblin. Vous avez indiqué, mon général, que la gendarmerie comptait moderniser, autant que possible, ses moyens de communication, notamment en développant le recueil des plaintes par Internet et la visiophonie. Il faut incontestablement s’engager dans cette voie, qui est celle du progrès, mais il convient également de chercher un équilibre entre le recours à la technologie et l’exigence de proximité. Dans ma circonscription, il arrive que l’on soit renvoyé, en pleine nuit, de poste en poste par des robots électroniques. Il faut également être conscient que tous nos concitoyens ne maîtrisent pas de façon identique les technologies modernes.

Ma deuxième observation concerne l’augmentation de la consommation et du trafic de drogue en milieu rural. Les consommateurs étant à la recherche d’argent, cette évolution s’accompagne d’une multiplication de la délinquance. Afin de resserrer les mailles du filet, ne pourrait-on pas procéder, dans le cadre des contrôles routiers, à des dépistages systématiques ? Pour le moment, seuls les auteurs d’infractions y sont soumis.

M. le général Roland Gilles. Qu’il s’agisse de la gendarmerie maritime, de la gendarmerie de l’air ou de la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires, les structures, l’organisation et les effectifs dédiés à nos missions militaires ne changeront pas.

D’autre part, l’hypothèse d’un conflit d’intérêts entre les deux ministères, celui de la défense et celui de l’intérieur, reste purement théorique : on pourrait certes imaginer que le premier demande davantage d’effectifs pour accompagner nos forces armées sur des théâtres extérieurs, comme c’est aujourd’hui le cas en Afghanistan et en Côte-d’Ivoire, et le second davantage d’effectifs pour maintenir l’ordre sur le territoire national ; il reste que nous n’avons jamais rencontré au cours des dix dernières années ce type de problème et qu’il existe une possibilité d’arbitrage. Ce serait, en effet, au Premier ministre de trancher, comme il l’a déjà fait pour l’envoi d’escadrons de gendarmerie aux Antilles – je précise, toutefois, que je n’établis pas de parallèle entre cette situation et les opérations extérieures.

Vous avez laissé entendre, monsieur Viollet, que la gendarmerie ne disposerait que de quatre hélicoptères EC 145 au lieu des 25 prévus. Or, il s’agit d’enveloppes budgétaires différentes : les hélicoptères que vous citez correspondent à un financement nouveau, inscrit dans la LOPPSI, qu’il faut distinguer du renouvellement des Ecureuil par 25 EC 135 biturbines. En outre, nous allons continuer à faire vivre nos hélicoptères Ecureuil. Au total, il ne manquera pas un seul hélicoptère pour remplir nos missions.

Le « saut technologique », monsieur Lamblin, ne doit pas s’accompagner d’une dégradation de la qualité de notre relation avec les populations – vous avez évoqué le manque d’humanité de certaines formes d’accueil, notamment en matière téléphonique. Pour éviter ce type de problème, nous avons mis en place un certain nombre d’objectifs et d’indicateurs : le temps de réponse par téléphone, qui est d’une trentaine de secondes, ou encore le taux de déperdition des appels.

On constate effectivement une augmentation de l’usage de la drogue dans les zones rurales, où la consommation d’héroïne se développe à côté de celle du haschich et du cannabis. Sachez que toutes nos unités sont sensibilisées à cette question, et qu’il ne se passe pas une semaine sans que des réseaux locaux soient démantelés. C’est en effet l’une de nos priorités. J’ajoute que nous nous sommes engagés dans le déploiement de kits de dépistage. Il reste à finaliser l’outil – l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie y travaille –, mais je confirme que notre objectif est de dépister l’usage de la drogue au volant, comme nous le faisons déjà pour l’alcool.

Mme Françoise Hostalier. Comme vous l’avez rappelé, général, nous nous sommes tous mobilisés pour défendre la spécificité militaire de la gendarmerie. C’est dans le même esprit que je m’interroge aujourd’hui sur la création de passerelles entre la police et la gendarmerie, ainsi que sur les dispositions relatives à la réserve : ne s’achemine-t-on pas vers un corps intermédiaire, de nature hybride, qui constituerait les prémices d’un mélange général ?

M. Alain Moyne-Bressand. La loi relative à la gendarmerie, qui avait beaucoup tardé, a fini par nous rassurer ; elle vous a également permis de constater que vous pouviez compter sur notre soutien.

Disposez-vous, mon général, d’informations plus précises concernant l’évolution des effectifs d’ici à 2012 ? Si tel est le cas, pouvez-vous nous les communiquer ?

J’aimerais également savoir où en sont les discussions qui ont été engagées, sous l’égide des préfets, sur la répartition territoriale des brigades de gendarmerie et des commissariats de police. Comment ces discussions se passent-elles ?

Je rappelle, en dernier lieu, que le budget de la gendarmerie est obéré par le coût des constructions réalisées au cours des dernières années, au titre desquelles d’importants loyers doivent être versés. Alors que certains départements ont apporté leur soutien à ces constructions, d’autres se sont abstenus. Ne pourrait-on pas aller plus loin dans ce domaine afin de réduire les loyers versés ?

M. Franck Gilard. Nous nous demandons tous jusqu’où la mutualisation nous conduira. Nous avons en effet juré que la gendarmerie resterait une force militaire ; c’est notre bataille de Salamine. Toute remise en cause dans ce domaine serait un casus belli.

J’aimerais également quelques précisions sur les escadrons de la Garde républicaine. Le nombre des chevaux compte, mais il faut aussi prendre en considération les effectifs humains. Ce n’est pas une question anecdotique, car une nation a besoin de symboles.

M. le général Roland Gilles. S’agissant des passerelles, je précise qu’un seul projet, répondant à une demande de Mme Alliot-Marie, est aujourd’hui envisagé : il s’agit de permettre un changement de maison, au niveau des grades de gendarme et de gardien de la paix, après examen par une commission constituée de représentants de l’institution d’accueil. Afin de ne pas mélanger des cultures, qui sont différentes, il n’est pas question d’aller plus loin.

S’agissant de la réserve, je peux vous indiquer qu’il n’y a pas de projet de mutualisation à l’étude. Chacun sait, au demeurant, que la police nationale ne dispose pas d’une réserve comparable à celle de la gendarmerie : nos 25 000 réservistes, qui nous ont consacré, chacun, plus de 20 jours en 2008, forment une réserve très opérationnelle, dotée d’une véritable culture commune. Cette situation n’a pas vocation à changer : aucune forme de « capillarité » n’est envisagée, hormis peut-être sous la forme d’une mise à disposition de notre expérience auprès de la police nationale.

Vous m’avez interrogé, monsieur Moyne-Bressand, sur l’évolution des effectifs de 2009 à 2012. Le présent texte n’aborde pas cette question, mais je peux vous rappeler que les effectifs devraient baisser d’au moins 3 509 équivalents temps plein dans le cadre du budget triennal 2009-2011.

Le Président de la République a demandé au ministre de l’intérieur de travailler à la création d’une « police d’agglomération », dont la tutelle serait unifiée dans certaines zones présentant des caractéristiques communes de population et de délinquance. Bien que la réflexion ait d’abord porté sur le « grand Paris », elle concerne également Lille, Lyon et Marseille.

Les préfets concernés ont été chargés de faire au ministre de l’intérieur des propositions d’ajustement des zones de compétence des forces de police et de gendarmerie, ce qui n’est pas un exercice totalement inédit : en 2002 et 2003, la police nationale a en effet pris en charge un certain nombre de communes nouvelles, situées à proximité des noyaux urbains, et la gendarmerie 41 circonscriptions de police. Il va de soi, comme je l’ai indiqué tout à l’heure à M. Fromion, que les préfets ne manqueront pas d’associer les élus locaux à leurs réflexions.

Les loyers, qui représentent la moitié de notre effort financier en matière immobilière, constituent naturellement une question essentielle. Il faut saluer le rôle considérable joué par les collectivités locales dans ce domaine : elles ont en effet assuré la construction de près de 60 % de notre parc. Cela étant, force est de constater qu’il existe des approches très différentes : certains départements ont, par exemple, concédé la propriété du parc immobilier à des opérateurs privés. Pour notre part, nous sommes très attachés à la qualité de notre relation avec les collectivités, car nous ne nous considérons pas comme de simples locataires : la question principale est, pour nous, de construire en commun un outil de sécurité.

Les mutualisations n’ont pas pour objet de répondre à tous les besoins. Chaque fois que nous pourrons réaliser des économies d’effectifs et de crédits par ce biais, nous le ferons : je pense en particulier à l’entretien des gilets pare-balles, qui peut être confié à un même opérateur. En revanche, nous ne nous engagerons pas dans cette voie si cela devait remettre en cause notre culture ou notre histoire ; M. Péchenard est tout à fait d’accord avec moi sur ce point. Afin que vous puissiez vérifier par vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés, qu’il n’est nullement question de porter atteinte à notre identité, je pourrais vous remettre une liste des mutualisations envisagées. Vous avez évoqué la bataille de Salamine, monsieur Gilard ; sachez que je serai, de mon côté, aussi tonique que Miltiade à Marathon.

J’en viens à la Garde républicaine, qui compte aujourd’hui environ 480 chevaux…

M. le président Guy Teissier. Et 480 hommes.

M. le général Roland Gilles. Si vous le souhaitez, je pourrai ultérieurement vous apporter davantage de précisions sur ce sujet. Dans l’immédiat, je peux vous confirmer qu’aucune évolution n’est prévue à ce jour.

M. le président Guy Teissier. Merci, mon général, pour toutes les réponses que vous venez de nous apporter.

La commission examine pour avis, au cours de sa séance du mercredi 22 juillet 2009, sur le rapport de M. Marc Joulaud, le projet de loi (n° 1697) d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI).

M. le président Guy Teissier. Nous nous sommes saisis pour avis sur trois articles du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui en comporte quarante-six. En raison de la disparition du cloisonnement entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, et dans le sillage du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, notre rapporteur Marc Joulaud a beaucoup, et bien travaillé sur l’ensemble du projet de LOPPSI.

M. Marc Joulaud, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, le projet de loi s’inscrit dans le prolongement de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002, dite LOPSI 1, dont il tend à poursuivre l’action et à améliorer les résultats. Le bilan de la LOPSI 1 est encourageant puisque la délinquance a diminué de plus de 12 % entre 2002 et 2007. Mais l’effort ne doit pas être relâché car les résultats de ces derniers mois contrastent avec cette tendance. De nouvelles formes de délinquance sont apparues : les phénomènes de bande, la violence dans les établissements scolaires, le trafic d’armes ou de drogue et la cybercriminalité. Par ailleurs, le Livre blanc, la loi de programmation militaire et le projet de loi relatif à la gendarmerie nationale ont changé la donne.

Le projet de loi présente trois caractéristiques principales : premièrement, l’approche globale de la sécurité est axée sur la performance ; deuxièmement, les nouveaux moyens juridiques proposés conforteront la lutte contre la délinquance et la criminalité sans poser de difficulté majeure à la gendarmerie ; troisièmement, les dispositions concernant la défense s’inscrivent dans le droit fil du Livre blanc.

Les objectifs et les moyens de la politique de sécurité fixés pour les cinq prochaines années dans le rapport annexé au projet de loi suivent une idée directrice : la recherche de la performance. Outre la définition d’objectifs opérationnels, le budget, en augmentation, donne la priorité à la modernisation. La coopération entre les forces sera approfondie, les progrès technologiques seront pris en compte et la gestion sera rénovée.

S’agissant du budget – sur lequel je souhaite aujourd’hui concentrer mon propos -, les crédits de la mission « Sécurité » devraient passer de 11,5 à 11,8 milliards d’euros entre 2009 et 2013, soit une hausse de 2,7 %. Le parti est pris de ne plus augmenter les effectifs et de rechercher leur meilleure adéquation aux missions auxquelles ils sont affectés. Contrairement à la LOPSI 1, la répartition des crédits entre la police et la gendarmerie n’est pas indiquée, ce qui offre davantage de souplesse à l’exécutif. Mais elle gagnerait à l’être, ne serait-ce qu’à titre indicatif, de même que celle des effectifs.

Selon les informations de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), l’enveloppe spécifique de la gendarmerie s’élèverait, hors dépenses de personnel, à 764 millions d’euros en crédits de paiement au total, en forte augmentation sur la période puisqu’elle devrait passer de 53 millions en 2009 à 132 millions en 2011, et à 268 millions en 2013. Pour la DGGN, si cette enveloppe « semble suffisante pour réaliser les améliorations technologiques prévues », des questions subsistent au sujet des opérations immobilières et de leur financement. On observe une diminution des autorisations d’engagement consacrées à l’immobilier surtout en fin de programmation. Il conviendra que le Gouvernement apporte des précisions, notamment dans les prochaines lois de finances. Sur les efforts consacrés au renseignement, des précisions sont aussi nécessaires.

Sont identifiés, en revanche, les crédits affectés aux services de sécurité, pour « améliorer la modernisation, la coopération et le management de la sécurité intérieure ».

Dans l’ensemble, le rapport annexé au projet de loi a le mérite de tracer dans leurs grandes lignes les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure pour les cinq années à venir. Il s’agit d’ailleurs plutôt de la sécurité nationale puisque des menaces récentes comme le terrorisme ou la cybercriminalité ne connaissent pas de frontières. Pour le reste, la programmation budgétaire devra être clarifiée de même que les mutualisations futures ou l’utilisation de nouvelles technologies.

Deuxième constat principal, le projet de loi offre deux types de moyens juridiques : des mesures tendant à mieux lutter contre diverses formes de criminalité et de délinquance et de nouvelles règles d’organisation pour accroître l’efficacité des services.

Il s’attaque ainsi à la cybercriminalité, à la criminalité organisée, aux infractions commises dans les enceintes sportives et à l’insécurité routière.

Sont notamment prévues une incrimination d’utilisation frauduleuse des données à caractère personnel de tiers sur un réseau de télécommunication, l’aggravation des sanctions de certains délits de contrefaçon et la protection des internautes contre les images de pornographie enfantine en créant des obligations pour les fournisseurs d’accès à Internet.

Pour lutter contre la criminalité organisée, l’article 22 du projet de loi allonge de quinze jours – la portant ainsi à un mois – la durée autorisée des interceptions téléphoniques. L’article 23 autorise aussi pendant quatre mois la captation à distance de données informatiques, et non plus seulement d’images ou de son. Il s’agit là d’une avancée importante.

L’article 24 renforce la répression envers les infractions commises dans les enceintes sportives, en portant à six mois, au lieu de trois mois maximum, l’interdiction administrative de stade si un fait grave est commis. De même, les sanctions encourues par les personnes qui méconnaîtraient l’arrêté préfectoral d’interdiction sont alourdies.

La lutte contre l’insécurité routière sera complétée par la création d’une peine complémentaire obligatoire de confiscation du véhicule en cas de conduite sans permis. Les délits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique pourront être punis d’une peine complémentaire interdisant pendant cinq ans à leur auteur la conduite d’un véhicule qui ne serait pas équipé d’un dispositif homologué d’anti-démarrage par éthylotest électronique. Par ailleurs, les sanctions sont alourdies à l’égard des personnes qui se refuseraient à des dépistages d’alcoolémie ou de produits stupéfiants. Enfin, l’achat ou la vente de points de permis de conduire pourra être puni de six mois d’emprisonnement.

Parallèlement, l’organisation des services sera revue pour en accroître l’efficacité.

Les moyens d’enquête seront adaptés aux nouvelles technologies. Les services de police pourront procéder à des investigations techniques et scientifiques pour favoriser l’identification des cadavres. Il est prévu de simplifier les procédures d’alimentation du fichier national des empreintes génétiques. Enfin, le régime de la vidéoprojection est modifié de façon à permettre un accroissement important des caméras installées sur le territoire.

Les pouvoirs du préfet de police seront étendus. Dans les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, il sera chargé du maintien de l’ordre dans sa globalité. Et, dans un souci d’efficacité et de cohérence, il dirigera l’ensemble des services de police et de gendarmerie en matière de régulation de la circulation sur certains axes routiers en Île-de-France.

Enfin, s’agissant des moyens matériels, le dispositif de bail emphytéotique administratif sera prolongé.

Dans l’ensemble, le projet de loi offre un large éventail de mesures utiles et nouvelles pour lutter contre la criminalité et la délinquance.

Troisième constat principal : les trois dispositions concernant directement la commission de la défense s’inscrivent dans la perspective du Livre blanc. Il s’agit des articles 19 et 20, consacrés respectivement à l’accès aux installations d’importance vitale et à la protection des agents de renseignement, et de l’article 21, qui encadre les activités privées d’intelligence économique. On peut regretter qu’aucune de ces mesures n’ait fait l’objet d’une étude d’impact.

Le nouveau régime d’accès aux installations d’importance vitale concerne 2 000 sites environ, qui relèvent de 250 opérateurs tels qu’EDF, France Télécom ou la SNCF. Il s’agit d’infrastructures « dont l’indisponibilité risquerait de diminuer de façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation ». C’est le cas, entre autres, des centrales nucléaires, des usines d’armement, de grands centraux de télécommunications, des principaux ports ou aéroports, ou des salles de commandement de certains transports collectifs. Ces infrastructures font déjà l’objet de mesures de protection, mais elles sont encore insuffisantes : les accréditations ne sont pas systématiques et ne sont pas toujours accordées après enquête préalable ; leur délivrance est parfois lente et diffère selon les départements.

Pour y remédier, l’article 19 fixe plusieurs règles. L’accès à tout ou partie des établissements et ouvrages d’importance vitale sera autorisé par l’opérateur. Autrement dit, l’accès sera obligatoirement soumis à une accréditation, comme c’est le cas pour les ports et aéroports. L’opérateur pourra solliciter l’avis de l’autorité compétente – le préfet de département –, qui rendra son avis après une enquête administrative diligentée par les services de l’État. Dans ce cadre, il pourra être procédé à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. La personne qui fera l’objet de ces recherches en sera informée selon des modalités qui restent à définir. Il faut concilier l’objectif de sécurité avec le respect des libertés individuelles.

La protection des agents de renseignement est traitée dans l’article 20. Aujourd’hui, la seule protection qui est leur est accordée repose sur la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui punit d’une amende le fait de révéler, par quelque moyen d’expression que ce soit, l’identité des fonctionnaires de la police nationale, de militaires ou de personnels civils du ministère de la défense dont les missions exigent l’anonymat. Le droit est lacunaire dans ce domaine. Aussi est-il proposé que les agents des services spécialisés de renseignement puissent, pour l’exercice d’une mission intéressant la défense et la sécurité nationale, et sous l’autorité de l’agent chargé de superviser ou de coordonner cette mission, faire usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité. Cette possibilité, qui est une condition de réussite de leur mission, ne leur était pas jusqu’à présent reconnue légalement. Ensuite, ces agents ne seront pas pénalement responsables de cet usage. Il en sera de même pour les personnes requises à la seule fin d’établir cette identité d’emprunt.

Des sanctions sont prévues en cas de révélation volontaire de toute information qui pourrait conduire à la découverte de l’usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité, de l’identité réelle des agents des services spécialisés de renseignement, ou de leur appartenance à ces services. Les sanctions encourues seront aggravées si la révélation est suivie de violences, ou réduites si elle est involontaire.

Le régime des dépositions des agents de renseignement dans le cadre des procédures judiciaires est aménagé. Ainsi, lorsque des agents devront témoigner au cours d’une procédure judiciaire, leur identité ne devra jamais apparaître.

Quant à l’article 21 du projet, il tend à encadrer les activités d’intelligence économique, qui ne font pour le moment l’objet d’aucune réglementation. Il s’agit d’abord de définir les activités concernées : je vous proposerai une autre définition que celle - inappropriée - figurant dans le projet de loi.

Les personnes physiques ne pourront exercer ni à titre individuel, ni diriger, gérer ou être l’associé d’une personne morale exerçant ces activités sans êtres titulaires d’un agrément délivré par le ministre de l’intérieur. Les personnes morales devront obtenir une autorisation du ministre. Enfin, il sera interdit à certains agents d’exercer ces activités avant un certain délai.

Le projet de LOPPSI offre, dans l’ensemble, à la fois une stratégie pour la politique de sécurité nationale et de nombreux moyens pour renforcer son efficacité. Je vous invite donc à l’adopter.

M. Christian Ménard. La protection accordée aux agents de renseignement – dont notre collègue vient de faire état dans son excellent rapport – couvre-t-elle les commandos du type GIGN qui interviennent sur le territoire, et dont l’anonymat n’est pas préservé dans le cadre des procédures judiciaires ?

M. le président Guy Teissier. Les gendarmes du GIGN et les policiers du GIPN ne sont pas considérés comme des agents de renseignement. Or le texte protège exclusivement les agents de renseignement et leurs sources. Je comprends cependant vos préoccupations. Il est troublant de voir parfois des noms étalés dans la presse avec les risques de vindicte et de vengeance qui vont de pair. La différence entre les agents de renseignement et les autres agents de la force publique ne se comprend pas toujours. Cela étant, ces fonctionnaires opèrent souvent à visage couvert.

M. le rapporteur pour avis. Les procédures judiciaires préserveront l’anonymat des agents de renseignement. Et la révélation de leur identité sera passible de sanctions qui n’existent pas aujourd'hui. Mais, à ma connaissance, il n’est pas envisagé d’étendre cette protection à d’autres catégories de personnes.

M. Jean-Claude Viollet. Je salue à mon tour le travail du rapporteur, d’autant plus délicat que les détails sont rares dans cette LOPPSI, surtout dans le domaine budgétaire. Certes, notre rapporteur a bien indiqué, par exemple, que le manque d’éléments concernant la répartition entre la police et la gendarmerie pouvait permettre plus de souplesse, mais il n’en reste pas moins que des précisions seraient utiles en la matière.

Pour sécuriser les installations d’importance vitale, en particulier les aéroports, il faudrait commencer par le début. Je viens d’un département qui abrite un aéroport – à Angoulême – ouvert au trafic international et où les avions en provenance de pays de l’Est, extérieurs à l’espace Schengen, se posent par centaines sans aucun contrôle douanier, ce qui pourrait d’ailleurs nous exposer à des amendes relativement lourdes au niveau européen. Or après m’en être étonné, non seulement les douanes m’ont simplement demandé de signaler, en vue d’une éventuelle enquête, les avions susceptibles de présenter un risque, mais un de ses responsables s’est défendu en disant que ces avions ayant fait le plein à Berlin ou à Francfort, ils devaient être considérés comme venant de l’espace Schengen ! Je ne savais pas que cela suffisait pour être exempt de tout contrôle douanier !

Quant aux effectifs, aucun renforcement n’est prévu, ainsi que l’a souligné le rapporteur. Ils vont même diminuer. Pourtant, lors du redécoupage des zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie, le ministre de l’intérieur de l’époque m’avait assuré, dans un courrier personnalisé où il me remerciait de ma contribution, de la nomination de vingt-neuf policiers supplémentaires pour pallier ce redécoupage. À ce jour, je n’ai rien vu venir. Pire, j’en ai perdu trente-six, si bien qu’il m’en manque soixante-cinq. On est loin du parler vrai.

Le général Gilles n’a pas répondu hier aux questions pourtant simples que je lui ai posées à propos du matériel. Mme Alliot-Marie, que nous avons auditionnée en octobre 2008, avait indiqué que sept hélicoptères devaient être livrés cette année-là : quatre EC 145 et trois EC 135. Comme l’année 2008 ne relevait ni de la LOPSI 1, ni de la LOPPSI 2, peut-on savoir si les sept hélicoptères ont été livrés, sachant que la tranche conditionnelle de vingt-cinq appareils ne sera pas confirmée ?

On nous dit par ailleurs qu’il est prévu six hélicoptères supplémentaires biturbines, dont quatre pour la gendarmerie et deux pour la sécurité civile, mais qu’ils seront plutôt déployés dans les DOM-TOM. Conclusion : il nous en manque toujours.

Certes, le général Gilles a déclaré hier que l’on n’en avait pas besoin. Si c’est vrai, celui qui a dit qu’il fallait en acheter vingt-cinq a alors commis une faute. Sinon, il nous en manque. Or, va-t-on pouvoir continuer à survoler les zones habitées avec des monoturbines ? Rien n’est moins sûr, et nous risquons d’être confrontés un jour à un problème majeur.

Je n’ai pas eu non plus de réponse, s’agissant des blindés de la gendarmerie, à ma question portant sur la livraison possible au GIGN de véhicules de l’avant blindés (VAB) déclassés de l’armée de terre. Qu’une unité d’élite de la gendarmerie nationale puisse être ainsi équipée exigeait pourtant une réponse.

Mon propos n’est pas d’embêter le monde, même si le ministre de l’intérieur en exercice m’a traité l’autre soir de vieux ringard. J’ai d’autant moins apprécié que j’ai plutôt le sentiment d’avoir, depuis douze ans, tenté d’accompagner l’esprit de réforme. Il y a des leçons qu’il vaudrait mieux ne pas donner, surtout d’où elles viennent !

La gendarmerie ne doit pas être la variable d’ajustement de la LOPPSI 2, comme elle l’a été dans la LOPSI 1 avec une annuité manquante. Il reviendra à notre commission, où règne à ce sujet une communauté de pensée, de veiller à ce que la gendarmerie soit dotée des équipements dont elle a besoin pour exercer ses missions.

Le rapporteur n’est pas en cause, car c’est justement l’absence de tout renseignement chiffré qui l’a empêché de porter une juste appréciation de la situation. Aussi conviendra-t-il de suivre les évolutions année après année, pour éviter que les dérives constatées dans la LOPSI 1 ne s’amplifient avec la LOPPSI 2, compte tenu de l’autorité organique et budgétaire du ministère de l’intérieur. Il y va de l’avenir de la gendarmerie et, au-delà, de celui de la sécurité nationale.

M. le président Guy Teissier. Sachez, mon cher collègue, que j’apprécie beaucoup, comme nous tous ici, la pertinence de vos questions et le sérieux de votre travail.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit avant tout en l’occurrence d’un projet de loi d’orientation, ce qui peut expliquer son caractère général. Il est vrai néanmoins que des précisions sur les effectifs et les budgets alloués respectivement à la police et à la gendarmerie seraient utiles. Nous en avons obtenu pour cette dernière dans la programmation budgétaire 2009-2013, hors frais de personnels, et il faudra veiller en tout cas à ce que les lois de finances correspondent à ce qui a été annoncé.

S’agissant des matériels, nous nous en tenons aux déclarations de la DGGN. Mais combien de temps pourra-t-elle se satisfaire de l’existant ?

Quant aux aéroports, ils font partie des installations à caractère vital et leur accès est réglementé. Mais le champ de compétences des douanes relève de règles distinctes.

M. Jean-Claude Viollet. Pourtant, n’importe qui, semble-t-il, peut se poser sur n’importe quel aéroport !

M. le président Guy Teissier. C’est une porte béante que nous décrit en effet notre collègue. Manifestement, quelque chose ne va pas et la commission se doit de tirer la sonnette d’alarme.

M. Georges Mothron. S’agissant de la protection de l’anonymat des informateurs des agents de renseignement, ceux de la police nationale sont théoriquement également protégés. Pourtant, tout récemment encore, le nom d’une personne ayant dénoncé le trafic de drogues dures qui se déroulait dans sa cage d’escalier a été divulgué par la justice, ce qui a entraîné des menaces contre l’informateur, sa famille et ses biens.

Si la protection est aussi efficace pour les agents de renseignement et leurs sources, on peut craindre pour eux !

M. le rapporteur pour avis. Les mesures prévues dans le texte concernent les agents de renseignement et leurs informateurs, à l’exception des autres. Tout le monde s’accorde sur la nécessité de sanctionner la révélation de l’identité ou de l’appartenance aux services – une dizaine de cas ont été relevés depuis 2001 –, et cela d’autant plus lourdement qu’elle a des conséquences sur l’intégrité physique de l’agent ou de son entourage. À cet égard, le dispositif prévu satisfait les services que j’ai interrogés.

L’extension du dispositif à d’autres catégories n’est pas envisagée pour l’instant, mais la loi « Perben 2 » a ouvert la voie – dans le cadre de procédures judiciaires et non, il est vrai, dans celui du renseignement – en autorisant un officier de police judiciaire à utiliser un nom d’emprunt.

M. le président Guy Teissier. Nous abordons l’examen des articles.

CHAPITRE IV 
Protection des intérêts fondamentaux de la nation

Article 19 

Accès aux installations d’importance vitale

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 sans modification.

Article 20

Protection des agents de renseignement

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD 2 du rapporteur pour avis.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 20 ainsi modifié.

Article 21

Encadrement des activités privées d’intelligence économique

La Commission est d’abord saisie de l’amendement CD 3 du rapporteur.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner une définition plus appropriée des activités privées d’intelligence économique. Celle du projet de loi n’est en effet pas satisfaisante pour au moins trois raisons : tout d’abord, les activités d’intelligence économique ont pour objet, non de préserver l’ordre public et la sécurité publique, mais principalement de favoriser le développement économique des entreprises. Ensuite, une grande partie des informations qu’elles collectent sont directement accessibles au public, comme les activités de veille sur Internet ou de documentation. Enfin, ces informations ne sont pas seulement susceptibles d’avoir une incidence sur l’évolution des affaires, mais aussi sur l’économie en général, et même, au-delà, sur la défense et la sécurité nationale.

M. Gilbert Le Bris. Les entreprises privées d’intelligence économique n’agissent pas exclusivement dans le champ économique, mais cherchent à se renseigner dans tous les domaines – politique, social, humain, etc. – afin de mieux cerner le contexte général dans lequel se déroule la compétition économique en question. Ne considérer que les « informations de nature économique » est donc trop restrictif. Il vaudrait mieux prendre en compte « des informations de toute nature ».

M. le rapporteur pour avis. Tout le monde est convenu que la définition initiale n’était pas satisfaisante, mais nos échanges, notamment avec la Fédération des professionnels de l’intelligence économique, ont montré qu’il n’était pas simple de parvenir à une définition qui soit à la fois claire et suffisamment pratique sur le plan juridique pour faciliter la tâche d’appréciation du juge.

Le fait de préciser que les informations sont collectées « en vue de défendre ou de développer leurs intérêts » correspond en tout cas à l’objectif de l’intelligence économique, qui est à la fois défensif, pour se protéger de la concurrence, et offensif, pour conquérir des marchés. Quant à la nature des interventions, il est vrai que celles-ci peuvent être de tous ordres, à condition toutefois qu’elles soient collectées de manière légale.

M. le président Guy Teissier. La formule « de nature économique » étant en effet relativement restrictive, je propose, par un sous-amendement, de retenir l’expression « de nature stratégique », qui me semble plus large.

M. le rapporteur pour avis. Tout qualificatif restant de toute façon toujours difficile à apprécier, peut-être conviendrait-il de ne retenir que le terme « des informations », sans autre précision ?

M. Dominique Caillaud. Le terme « intelligence économique » est générique et recouvre un champ beaucoup plus large que la recherche d’informations économiques. Préciser que l’information couvre tous les domaines stratégiques de l’entreprise, c’est faire référence à cette donnée générique.

M. le président Guy Teissier. C’est bien pourquoi la formule « de nature stratégique » me semble intéressante.

Mme Françoise Hostalier. D’autant qu’elle permet d’orienter l’appréciation du juge sans rien imposer pour autant.

Après avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte le sous-amendement oral de M. Guy Teissier.

Puis elle adopte l’amendement ainsi modifié.

Elle en vient ensuite à l’amendement CD 4 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’article 21 du projet de loi prévoit que la demande d’autorisation pour exercer des activités d’intelligence économique est examinée au vu de trois éléments : la liste des personnes employées par la société ; l’avis d’une commission consultative nationale – dont la composition et l’organisation seront fixées par décret -, chargée d’apprécier la compétence et la déontologie de l’entreprise ; la mention du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Cependant, l’alinéa 19 de l’article exonère de cette troisième formalité les personnes établies soit dans un autre État membre de l’Union européenne, soit dans un autre État de l’Espace économique européen.

Cette différence de traitement n’est pas justifiée. D’une part, elle inflige une contrainte supplémentaire aux entreprises établies en France. D’autre part, elle prive l’autorité administrative d’une information sur les activités d’opérateurs étrangers dans notre pays.

L’amendement tend donc à soumettre les entreprises établies hors de France aux mêmes formalités que celles situées sur notre territoire, en prévoyant que leur demande sera examinée au vu de la mention du numéro d’immatriculation « à un registre équivalent » au registre du commerce et des sociétés.

La Commission adopte l’amendement.

M. Michel Grall. Je propose, dans ces conditions, de modifier dans le même sens l’alinéa 24 afin d’éviter toujours toute différence de traitement entre entreprises, certaines pouvant sinon être tentées d’installer leur siège dans un pays voisin.

Mon amendement se lirait de la façon suivante :

« L’alinéa 24 de l’article 21 est ainsi rédigé :

« 1° Le fait d’exercer pour autrui, à titre professionnel, l’une des activités mentionnées à l’article 33-1 sans être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou à un registre équivalent ; ».

Après avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission adopte l’amendement (CD 7).

Elle examine ensuite l’amendement CD 5 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’alinéa 21 de l’article 21 du projet de loi interdit à certains agents d’exercer des activités d’intelligence économique durant les trois années suivant la date de cessation temporaire ou définitive de leurs fonctions.

Pour désigner les services de renseignement concernés, le texte fait référence à l’article unique de la loi du 9 octobre 2007 portant création d’une délégation parlementaire au renseignement. Or, cet article a été intégré à l’article 6 nonies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Cet amendement tend donc à tenir compte de cette intégration en visant directement cette dernière disposition.

La Commission adopte l’amendement.

Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 21 ainsi modifié.

Après l’article 31

La Commission est saisie de l’amendement CD 6 de M. Guy Teissier.

M. le président Guy Teissier. Cet amendement, qui s’adresse d’abord aux primo-contrevenants, s’inscrit dans le cadre du renforcement de la sécurité routière en incitant les automobilistes à porter toute leur attention sur la route. J’estime en effet abusif de sanctionner un excès de vitesse de moins de cinq kilomètres par heure de la même manière qu’un excès de vitesse de trente voire de cinquante kilomètres par heure.

Dans une volonté de hiérarchisation bien comprise des infractions au code de la route, je souhaite donc que l’on évite d’enlever un point pour des vitesses n’étant pas supérieures de cinq kilomètres heure à la vitesse autorisée, sachant que la contravention demeure puisqu’il y a infraction.

M. Dominique Caillaud. Autant je partage cette idée sur le fond, car l’on peut se sentir parfois victime de véritables embuscades, autant la notion de « première infraction » me laisse perplexe. S’agit-il de la première infraction une fois que l’on a retrouvé tous ses points ou depuis que l’on a son permis de conduire ?

M. le président Guy Teissier. Dans mon esprit, l’amendement s’applique lorsque l’automobiliste dispose de tout son capital, même si ce dernier a été reconstitué.

M. Dominique Caillaud. Il conviendrait alors de le préciser.

M. Philippe Vitel. En indiquant pour le moins qu’il s’agit de la première infraction « le cas échéant après reconstitution du capital de points ».

M. Dominique Caillaud. Concernant par ailleurs le dépassement de « moins de cinq kilomètres par heure », s’agit-il de la vitesse mesurée ou de la vitesse retenue ?

M. le président Guy Teissier. La marge de cinq kilomètres par heure est pour ainsi dire incluse de droit, en ce sens qu’elle est systématiquement appliquée. Il n’est donc pas besoin de préciser qu’il s’agit en l’occurrence de la vitesse retenue.

M. Philippe Vitel. La vitesse prise en compte est donc celle corrigée ?

M. le président Guy Teissier. Exactement.

M. Philippe Vitel. Il conviendrait donc également de préciser que le dépassement de cinq kilomètres par heure est celui constaté après correction.

M. le président Guy Teissier. Une telle précision ne peut être apportée dans un texte.

M. Jean-Louis Bernard. Je ne suis pas favorable à l’amendement. Outre qu’il sera très difficile de le rédiger, la peur du gendarme est le commencement de la sagesse. Or voilà qu’un automobiliste disposant de son entier capital de points, pourra commettre, en vitesse retenue, des dizaines de dépassements de moins de cinq kilomètres par heure, sans être pour autant pénalisé en termes de points.

Alors que des propositions de loi émanant de parlementaires de tous les groupes sont déjà déposées en la matière et que l’on assiste depuis quelques mois à une recrudescence de la morbidité des accidents de la route, un tel amendement ne constituerait donc pas un bon signal.

Le sujet est d’ailleurs tel qu’il risquerait de soulever une boite de Pandore dont on mesure assez mal les conséquences. Je m’abstiendrai donc dans le vote sur cet amendement.

M. le président Guy Teissier. Comme le disait Marcel Pagnol à propos d’un tout autre sujet : la confiance, « c’est comme les allumettes, ça ne sert qu’une fois ». L’amendement ne porte en effet que sur la première infraction, car il serait bien entendu immoral de passer à chaque fois à travers les mailles du filet. Mais il me semblerait tout autant immoral de pénaliser non pas seulement d’une amende, mais également d’un retrait de point, un père de famille ou un VRP attentifs. Aussi appartient-il selon moi au législateur de hiérarchiser la sanction, sachant que je partage l’intérêt de la peur du gendarme.

Pour en rester sur le plan de l’immoralité, il faut d’ailleurs savoir que les entreprises ou les collectivités locales n’ont pas à dénoncer le conducteur d’une voiture de société. On ne perd donc jamais de point lorsque l’on utilise, y compris le week-end, de telles voitures.

M. Jean-Claude Viollet. Lors de l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière, j’avais tenté de faire passer l’idée que l’excès de vitesse était de nature différente selon les zones dans lesquelles il se produisait. J’avais ainsi défendu un amendement qui tendait à faire reconnaître dans certains cas le délit de grande vitesse à un niveau inférieur à celui actuellement sanctionné – soit tout dépassement de cinquante kilomètres par heure de la vitesse autorisée. En zone urbaine, en effet, à proximité par exemple d’un passage pour piétons, une vitesse de cinquante-six kilomètres par heure peut avoir des effets plus graves qu’un dépassement de vitesse sur une route départementale en rase campagne.

Pour autant, s’il doit s’agir uniquement de la première infraction, il conviendrait de préciser si la vitesse qui éviterait le retrait de point est celle obtenue après déduction ou non de la marge de cinq kilomètres par heure. Je préférerais pour ma part qu’il s’agisse de la vitesse mesurée afin que, dans le cas d’une limitation à cinquante kilomètres par heure, on soit en excès de vitesse dès cinquante et un kilomètres par heure. La violence d’un choc dépend en effet de la vitesse mesurée et non de la vitesse retenue.

Mme Patricia Adam. Il ne pourra s’agir en tout état de cause dans l’amendement que de la vitesse retenue puisque tant l’amende que le retrait de points ne s’appliquent que sur la base de celle-ci.

Cela étant, je me suis beaucoup interrogée sur cette question de la sanction, car après avoir trouvé absurde, comme beaucoup de nos concitoyens, d’être sanctionnée en termes de points à cinquante-deux kilomètres par heure – même si à la limite je pouvais comprendre que l’on paye une amende –, les questions de sécurité routière ont fini par m’interpeller. Je crains ainsi qu’à force de repousser les limites, notamment en matière de vitesse, il n’y en ait finalement plus.

Puisque chaque automobiliste ne dispose que de douze points, il lui revient d’adopter une discipline de vie, sachant qu’il incombe en contrepartie aux autorités de bien l’informer. Outre qu’il ne doit plus être prévenu d’un retrait de point très longtemps après l’infraction, il convient de lui faire connaître en même temps le cumul de ses points et, également, de répondre à tout courrier de sa part – par exemple quand il cherche à expliquer que le conducteur n’était pas le propriétaire du véhicule. Le dispositif actuel n’est en effet ni responsable ni respectueux des droits du citoyen.

Pour autant, si l’information doit être améliorée, tous les moyens existent pour s’informer. Cela fait partie, je le répète, de la discipline de vie à adopter en la matière, surtout quand la vie d’autrui est en danger. À cet égard, ce n’est pas, à proximité d’une école ou d’un marché, une limitation de vitesse de cinquante kilomètres par heure que l’on devrait instaurer, mais une vitesse bien moindre.

M. Gérard Charasse. Au-delà de l’amendement, que je suis prêt à voter s’il est précisé que la vitesse prise en compte est la vitesse retenue, je tiens à dénoncer une certaine irresponsabilité du dispositif coercitif actuel, ne serait-ce qu’en raison du positionnement de certains radars qui ne sont que des « pièges à fric ».

Si l’on veut responsabiliser les automobilistes, encore faut-il que les politiques de sécurité routière soient elles-mêmes responsabilisantes et n’aient pas seulement pour objet d’assurer des subsides supplémentaires à l’État, aux communes et aux départements, ce qui ne me semble pas très moral.

Mme Françoise Briand. La proposition de loi de M. Bernard Reynès créant une « semi-tolérance » pour les petites infractions au code de la route, que j’ai cosignée, poursuit le même objectif. Notre débat ne pourrait-il pas avoir lieu dans le cadre de cette proposition de loi ?

M. le président Guy Teissier. M. Bernard Reynès s’est lui-même largement inspiré de l’une de mes propositions de loi, en allant toutefois plus loin, notamment en matière de port de ceinture de sécurité.

Pour revenir au problème de la vitesse retenue, celle-ci dépendra, pour les radars non automatiques, de l’appréciation de l’officier ou de l’auxiliaire de police judiciaire. Je rappelle par ailleurs que sous le gouvernement de Dominique de Villepin, le retrait en la matière était de deux points, sanction qui a été ramenée avec beaucoup de sagesse à un point, ce qui n’a pas augmenté pour autant le nombre des accidents.

Mme Françoise Hostalier. Je suis d’autant plus favorable à l’amendement qu’il aura au moins le mérite d’ouvrir le débat.

Tout comme mon collègue, je regrette que certains radars ne soient que des pièges à points. Certains finissent d’ailleurs par être tellement connus qu’ils ne servent plus à rien et n’ont alors plus grand-chose à voir avec les problèmes de sécurité.

Je suis en revanche en désaccord avec Mme Adam, car il me semble que c’est à chacun de savoir à quelle vitesse on peut rouler à tel ou tel moment. Il est des endroits où on ne roulera même pas à cinquante kilomètres par heure parce que c’est trop dangereux, tandis qu’ailleurs on sait très bien que l’on pourrait rouler à quatre-vingt-dix kilomètres par heure plutôt qu’à soixante-dix comme indiqué.

Pour ma part, je propose que l’amendement ne porte pas seulement sur la première infraction, mais qu’il soit généralisé – à condition toutefois que l’infraction soit commise sans mise en cause grave de la sécurité. Il convient en effet de permettre à l’automobiliste de pouvoir demander l’indulgence des autorités afin que la sanction d’un excès de vitesse de six kilomètres par heure, par exemple, ne soit pas systématique.

M. le président Guy Teissier. J’ai en mémoire un proverbe provençal que je pourrais traduire par : « Le mieux est l’ennemi du bien ». Il convient en effet, selon moi, de ne réserver le bénéfice de l’amendement qu’à la première infraction, ce qui constituerait une sorte de feu clignotant. C’est en cela que notre action serait pédagogique : en faisant en sorte non pas d’exonérer les délinquants, mais d’aider au contraire les honnêtes gens.

M. Christian Ménard. Je souscris d’autant plus à l’amendement que j’ai tellement vu d’automobilistes se faire piéger dans des zones qui n’étaient pas dangereuses qu’il m’est arrivé, en ma qualité de maire, d’y faire passer la vitesse maximale de cinquante à soixante-dix kilomètres par heure.

M. Philippe Vitel. Je souscris également à l’amendement, mais encore ne faut-il pas occulter d’autres problèmes liés aux contrôles.

Je pense d’abord à la signalisation dont le Président de la République avait, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, demandé aux préfets de revoir la logique. Beaucoup n’en ont absolument pas tenu compte, et il convient aujourd'hui d’insister à nouveau sur ce point, car des illogismes majeurs rendent les choses totalement incompréhensibles pour le conducteur. Il en va ainsi des panneaux de limitation de vitesse dont les nombres jusqu’à présent impairs sont maintenant parfois pairs.

Un autre problème tient au délai de récupération des points, sujet qui fait l’objet d’un abondant courrier de la part des professionnels. Ces derniers ne doivent pas risquer de perdre leur emploi du fait – contrairement aux engagements qui avaient été pris – d’un délai de récupération des points beaucoup trop long. Il conviendrait de ramener ce délai de trois ans sans infraction à un an.

L’amendement répondrait à cet égard en partie à cette préoccupation, en particulier dans les zones urbaines où la vitesse est limitée à cinquante kilomètres par heure et où les chauffeurs de taxi sont le plus réprimés.

M. le président Guy Teissier. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous ne sommes saisis que pour avis. Vous aurez tout loisir de participer aux débats sur ce point devant la commission des lois saisie au fond.

M. Gérard Charasse. S’agissant de sécurité routière, j’ai toujours été scandalisé par le fait que des automobilistes privés de permis puissent conduire jusqu’à la vitesse de quatre-vingts kilomètres par heure des voitures dites sans permis. Je sais que des raisons économiques peuvent expliquer cet état de fait, mais ce n’en est pas moins un vrai scandale.

M. le rapporteur pour avis. Pour ce qui est de façon générale des conducteurs sans permis, l’article 25 du projet de loi prévoit la confiscation du véhicule.

M. le président Guy Teissier. J’ai connu le cas d’un jeune homme qui, renversé par un chauffard ivre d’origine étrangère, sans permis et sans assurance, n’a pu s’en sortir que grâce à sa famille, ses maigres indemnités de chômage ne pouvant plus lui permettre de payer ne serait-ce que son loyer et son électricité. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité que la ville de Marseille finance à concurrence de la moitié le coût du permis pour les jeunes afin de les inciter à le passer. Il est en effet devenu banal pour un jeune de conduire sans permis dès seize ans, alors qu’en cas d’accident, il serait susceptible d’être assujetti, à titre de réparation, à des prélèvements sur son salaire tout au long de sa vie.

M. Patrick Beaudouin. L’amendement soulevant une problématique d’ordre général, ne conviendrait-il pas de profiter de l’examen de la LOPPSI pour demander la mise à plat – par l’intermédiaire d’une étude de six mois par exemple – de tous les problèmes qui se posent en la matière ? Cela démontrerait une fois de plus que la commission de la défense a le sens des responsabilités.

M. le président Guy Teissier. On pourrait en effet soumettre au Gouvernement l’idée d’une telle étude.

La Commission adopte l’amendement.

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Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION (21)

AMENDEMENT N° CD 2

présenté par M. Marc JOULAUD, rapporteur

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Article 20

Au 15e alinéa, remplacer le mot « paragraphe » par le mot : « chapitre ».

AMENDEMENT N° CD 3

présenté par M. Marc JOULAUD, rapporteur

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Article 21

Rédiger ainsi le 7e alinéa :

« Art. 33-1. – Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités consistant à collecter et à analyser des informations de nature stratégique pour des entreprises en vue de défendre ou de développer leurs intérêts. »

AMENDEMENT N° CD 4

présenté par M. Marc JOULAUD, rapporteur

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Article 21

Au 19e alinéa, remplacer le mot « sauf » par les mots : « ou à un registre équivalent ».

AMENDEMENT N° CD 5

présenté par MM. Marc JOULAUD, rapporteur, et Guy TEISSIER

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Article 21

Au 21e alinéa, remplacer les mots « l’article unique de la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d’une délégation parlementaire au renseignement » par les mots : « l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ».

AMENDEMENT N° CD 6

présenté par

MM. Guy TEISSIER et Marc JOULAUD, rapporteur

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Article additionnel après l’article 31

Après l’article 31, insérer l’article suivant :

« Après le 2° de l’article L. 223-8 du code de la route, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis– Les modalités selon lesquelles la première infraction au code de la route consistant en un dépassement d’une limitation de vitesse pour moins de cinq kilomètres par heure n’entraîne pas de perte de points sur le permis de conduire ; »

AMENDEMENT N° CD 7

présenté par MM. Marc JOULAUD, rapporteur, et Michel GRALL

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Article 21

Rédiger ainsi le 24e alinéa : «1° Le fait d’exercer pour autrui, à titre professionnel, l’une des activités mentionnées à l’article 33-1 sans être immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou à un registre équivalent ; ».

AUDITIONS DU RAPPORTEUR

Présidence de la République :

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