N° 4553
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2017.
PROPOSITION DE LOI
visant à faciliter l’exercice des missions confiées
au Conseil supérieur de l’audiovisuel,
(Renvoyé à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Marcel ROGEMONT,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Mesdames, Messieurs,
En créant la commission d’enquête sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’émettre à la chaîne Numéro 23 et de sa vente, l’Assemblée nationale a souhaité que la lumière puisse être faite sur trois séries de faits : les circonstances dans lesquelles une autorisation d’émettre a été octroyée à la société Diversité TV France pour diffuser la chaîne « Numéro 23 », les contrôles mis en œuvre par le régulateur pour vérifier le respect des engagements qu’elle a souscrits et les conditions dans lesquelles ont évolué son actionnariat et son contrôle.
À l’issue de six mois d’investigations, le tableau général qu’a pu dresser le rapporteur de cette commission d’enquête est édifiant.
La commission d’enquête a pu acquérir la conviction qu’il y a eu, à un certain point, volonté de monnayer une autorisation d’utiliser le domaine public hertzien. Cela a été rendu possible grâce à la légèreté, sinon la connivence, du régulateur : c’est lui qui a retenu un projet de chaîne très contestable et qui a arrêté des obligations peu contraignantes, puis qui a négligé d’exercer avec la rigueur nécessaire les compétences dont il dispose pour contrôler les évolutions financières et éditoriales de la chaîne. Il faut convenir que l’exercice de cette dernière mission n’a pas été facilité par les interventions répétées d’un législateur plus réactif que proactif, cherchant à circonvenir les problèmes surgissant de l’actualité par des dispositifs juridiques et fiscaux trop ponctuels ou impropres à atteindre leur but.
En définitive, ce que révèle le « dossier Numéro 23 » est autant les agissements de personnes habiles à se saisir d’un thème porteur pour obtenir, exploiter puis vendre un service de télévision, dans un contexte de rareté des fréquences disponibles, que les limites d’un système de régulation qui a été impuissant à préserver l’intérêt général.
Cette impuissance n’est pas due à l’absence d’outils législatifs, dont le législateur a abondamment doté le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), mais à la réticence de celui-ci à s’en saisir pour exercer les missions de régulation qui lui ont été confiées.
C’est pourquoi la commission d’enquête a formulé quelques propositions ayant pour but que l’utilisation du domaine public hertzien pour la libre communication audiovisuelle ne soit plus détournée au profit d’intérêts différents.
La présente proposition de loi reprend ces propositions, tout en soulignant qu’elles ont vocation à permettre au régulateur d’exercer les missions qui lui ont été confiées par la loi. Leur absence n’explique pas les échecs qu’a connus le régulateur dans la gestion du « dossier Numéro 23 ».
Ainsi, l’article 1er pose dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication les grandes lignes des obligations déontologiques des membres du CSA et charge le président de les faire appliquer (proposition n° 9 du rapport d’enquête).
L’article 2 complète le contenu du rapport public annuel du CSA, adressé au Président de la République, au Gouvernement et au Parlement, en rétablissant la publication des rapports publics annuels consacrés à chaque chaîne de la TNT nationale (proposition n° 5), en l’obligeant à rendre compte précisément de la manière dont il applique les missions que le législateur lui a confiées et à fournir, en particulier, un état des avenants apportés aux conventions et de leur justification (proposition n° 8) et en intégrant l’obligation de rendre compte de l’application des règles de déontologie qui sont applicables au CSA (proposition n° 9).
L’article 3 renforce les facultés d’accès du CSA aux informations détenues par les opérateurs de télévision et de radio pour exercer les missions qui lui sont confiées par la loi, et non les seules obligations des opérateurs.
L’article 4 renforce les conditions à remplir pour que le CSA reconduise une autorisation d’émettre sans passer par un appel aux candidatures, en soumettant cette reconduction aux intérêts supérieurs prévus d’ores et déjà par la loi du 30 septembre 1986 (intérêt du public, sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, diversité des opérateurs et nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence) et en insérant un bilan de l’exécution de la convention dans la décision du CSA, présentée au Parlement dans le cadre d’un rapport spécial (proposition n° 4).
Les articles 5 et 6 renforcent les dispositions anti-concentration de la loi du 30 septembre 1986 afin de contrôler la croissance externe de groupes réunissant télévisions, radios, organes de presse écrite et fournisseurs d’accès, en prévoyant l’application des règles existantes non seulement à l’attribution de nouvelles fréquences, mais également à la prise de contrôle de chaînes de télévision ou stations de radio existantes (proposition n° 3).
L’article 7 précise que les mises en demeure et sanctions peuvent être prises par le CSA en cas de non-respect des dispositions légales et réglementaires, mais également des obligations prévues par les conventions conclues entre le CSA et les chaînes de télévision et stations de radio privées, et par les cahiers des charges des chaînes et stations publiques (proposition n° 8).
L’article 8 réécrit l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, relatif notamment à l’agrément des changements de contrôle capitalistique des chaînes de télévision et réseaux de radio, afin de prévoir explicitement :
– que le CSA puisse assortir son agrément d’un renforcement des exigences de la convention, en considération de l’identité et des capacités du repreneur (proposition n° 7) ;
– que l’examen de la demande doive s’accompagner d’une vérification du respect des engagements de l’éditeur depuis la délivrance ou le renouvellement de l’autorisation, que l’échec du modèle économique ne soit pas en soi un motif justifiant une modification rapide du contrôle et que la personne qui serait amenée à contrôler la société titulaire prouve les qualités techniques et la solidité financière nécessaires à la pérennité et au développement du service (proposition n° 6) ;
– que le CSA puisse refuser l’agrément sollicité lorsque la modification de contrôle envisagée est de nature à compromettre l’intérêt du public, la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversité des opérateurs et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.
L’article 9 limite l’office du Conseil d’État chargé de se prononcer sur les recours contre les décisions du CSA à celui de l’excès de pouvoir (proposition n° 2).
PROPOSITION DE LOI
L’article 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel adopte un règlement de déontologie reprenant les obligations légales applicables à ses membres, les modalités de prévention des conflits d’intérêts et les modalités de contact avec les dirigeants ou les propriétaires des entreprises de l’audiovisuel, du cinéma, de l’édition, de la presse, de la publicité ou des communications électroniques. Le président prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations et interdictions résultant du règlement de déontologie. »
L’article 18 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots :
« et les actions menées par le Conseil pour remplir les missions confiées par la présente loi, notamment pour assurer le respect des obligations déontologiques prévues par les articles 5 et 8 et les textes législatifs applicables aux membres du conseil supérieur de l’audiovisuel » ;
2° Après le 4° sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° bis Les autorisations délivrées, les conventions conclues et les avenants à ces conventions signés par le Conseil, ainsi que les motifs qui les justifient ;
« 4° ter Pour chaque service de télévision terrestre en mode numérique autorisé en application de l’article 30-1 et pour chaque service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3, un état de l’exécution de la convention et des obligations légales et conventionnelles par son éditeur, ainsi que des mises en demeure et sanctions éventuellement prononcées ; ».
Le troisième alinéa du 1° de l’article 19 de la même loi est complété par les mots : « et pour exercer les missions qui lui sont confiées par la présente loi ».
L’article 28-1 de la même loi est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le 3° est complété par les mots : « , à l’intérêt du public, à la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, à la diversité des opérateurs, et à la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence ; » ;
b) Au 6°, après le mot : « exercices, » sont insérés les mots : « des obligations légales, réglementaires ou conventionnelles par l’éditeur du service ou » ;
2° Le premier alinéa du II est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « motivée », sont insérés les mots : « et transmet au Parlement un rapport spécial » ;
b) Cet alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un bilan de l’exécution de la convention et du respect par l’éditeur de ses obligations légales, réglementaires et conventionnelles depuis la délivrance ou le renouvellement de l’autorisation est annexé à la décision et au rapport spécial du Conseil. ».
Au premier alinéa de l’article 41-1-1 de la même loi, après les mots : « article 30-1 » sont insérés les mots : « et aucun agrément ne peut être délivré en application de l’article 42-3 »
Au premier alinéa de l’article 41-2 de la même loi, après le mot : « délivré », sont insérés les mots : « et aucun agrément ne peut être délivré en application de l’article 42-3 ».
Au premier alinéa de l’article 42 de la même loi, après le mot : « réglementaires » sont insérés les mots : « , par les conventions prévues à l’article 28, par les cahiers des charges prévus à l’article 48 ».
L’article 42-3 de la même loi est ainsi rédigé :
« Art. 42-3. I. – L’autorisation peut être retirée, sans mise en demeure préalable, en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée, notamment des changements intervenus dans la composition du capital social ou des organes de direction et dans les modalités de financement.
« II. – Sans préjudice de l’application du I, tout éditeur de services détenteur d’une autorisation délivrée en application des articles 29, 29-1, 30-1, 30-5 et 96 doit obtenir un agrément préalable du Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification du contrôle direct ou indirect, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, de la société titulaire de l’autorisation.
« Cet agrément ne peut être délivré pour les services mis en exploitation depuis moins de cinq ans.
« Lorsque la modification du contrôle porte sur un service national de télévision autorisé en application de l’article 30-1 de la présente loi ou un service de radio appartenant à un réseau de diffusion à caractère national au sens de l’article 41-3, et que cette modification est susceptible de modifier de façon importante le marché en cause, l’agrément est précédé d’une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. S’il l’estime utile, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut effectuer une telle étude pour les autres services autorisés.
« Cet agrément fait l’objet d’une décision motivée, délivrée en tenant compte :
« 1° Du respect par l’éditeur de ses obligations légales, réglementaires et conventionnelles depuis la délivrance ou le renouvellement de son autorisation ;
« 2° De l’expérience dans les activités de communication et des engagements des personnes appelées à exercer le contrôle ;
« 3° Du financement et des perspectives d’exploitation du service.
« Le Conseil peut subordonner son agrément à des modifications de la convention prévue à l’article 28 renforçant les obligations prévues en matière de nature et durée de la programmation et de diffusion et programmation d’œuvres audiovisuelles.
« Le Conseil peut refuser l’agrément sollicité lorsque la modification de contrôle envisagée est de nature à compromettre l’intérêt du public, la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversité des opérateurs, et la nécessité d’éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence.
« III. – Dans le respect des critères mentionnés à l’article 29, notamment le juste équilibre entre les réseaux nationaux et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut donner son agrément à un changement de titulaire d’autorisation pour la diffusion de services de radio lorsque ce changement bénéficie à la personne morale qui contrôle ou qui est contrôlée par le titulaire initial de l’autorisation au regard des critères figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce.
« À l’occasion de ce changement de titulaire de l’autorisation, le Conseil peut, dans les mêmes conditions, donner son agrément à un changement de la catégorie pour laquelle le service est autorisé, lorsqu’il est compatible avec la préservation des équilibres des marchés publicitaires, notamment locaux.
« Les services mentionnés à l’article 80 et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants ne peuvent faire l’objet d’un changement de titulaire de l’autorisation.
« IV. – Sous réserve du respect des principes prévus par les articles 1er et 3-1, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, par décision motivée, donner son agrément à une modification des modalités de financement lorsqu’elle porte sur le recours ou non à une rémunération de la part des usagers.
« Cet agrément fait l’objet d’une décision motivée, délivrée en tenant compte des équilibres du marché publicitaire.
« Cet agrément est précédé d’une étude d’impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires, et à l’audition publique du titulaire et des tiers intéressés. »
Aux premier et second alinéas de l’article 42-8 de la même loi, les mots : « de pleine juridiction » sont remplacés par les mots : « pour excès de pouvoir ».
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