Honoré, Gabriel Riquetti de Mirabeau

1749 - 1791

Informations générales
  • Né le 9 mars 1749 à Le Bignon ( - Généralité de Paris France)
  • Décédé le 2 avril 1791 à Paris (Département de Paris - France)

Mandats à l'Assemblée nationale ou à la Chambre des députés

Présidence(s)

Présidence de l'Assemblée nationale
du 29 janvier 1791 au 14 février 1791

Mandat(s)

Régime politique
Révolution
Législature
Assemblée nationale constituante
Mandat
Du 6 avril 1789 au 2 avril 1791
Baillage
Aix-en-Provence (Type : Sénéchaussée)
Groupe
Tiers-Etat

Biographies

Biographie extraite du dictionnaire des parlementaires français de 1789 à 1889 (Adolphe Robert et Gaston Cougny)

Député en 1789, né au château du Bignon (Généralité de Paris) le 9 mars 1749, mort à Paris (Département de Paris) le 2 avril 1791, fils de Victor Riquetti, marquis de Mirabeau, et de Marie de Vassan, il faisait lui-même remonter sa famille aux Arighetti, gibelins de Florence chassés de leur patrie en 1268, et réfugiés en Provence, où ils s'occupèrent de commerce.

Le père de Mirabeau avait acheté en 1740 la terre de Bignon pour se rapprocher de Paris. Le jeune Mirabeau se trouva, dès son enfance, en butte au caractère despotique de ce père, aigri par les discordes et par les scandales du foyer domestique. Atteint, à trois ans, de la petite vérole, qui laissa sur son visage de profondes cicatrices, « fougueux, incommode, penchant vers le mal avant de le connaître, écrivait son père, mais d'une intelligence, d'une mémoire, d'une capacité qui saisissent, ébahissent, épouvantent », il fut remis aux soins de Poisson, puis de l'abbé Chocquard, étudia à tort et à travers, apprit énormément de choses, et, son temps d'études achevé, fut placé dans le régiment du marquis de Lambert.

A l'armée comme à l'école, son insatiable curiosité l'intéressa à l'art de la guerre, à l'agronomie, à la science administrative ; laid, gauche, il avait la voix dominatrice, le don de la séduction, « l'âme d'un héros dans le corps d'un satyre » dit Dupont de Nemours. Son père en parlait plus net : « Je ne connais que l'impératrice de Russie, écrivait-il, avec laquelle cet homme peut être encore bon à marier. » Supplanté par Mirabeau dans le cœur de la fille d'un archer de Saintes, son colonel, M. de Lambert, se vengea de cet échec sur son subalterne, qui quitta son poste pour se soustraire à ces persécutions. Le marquis de Mirabeau obtint alors contre son fils une lettre de cachet et le fit enfermer à l'île de Ré ; celui-ci y écrivit l'Essai sur le despotisme.

Entré, peu après, au Royal-Comtois, il se conduisit si bien en Corse qu'il allait passer capitaine, quand son père le rappela près de lui, pour « le faire rural ». Il y eut entre eux, à cette époque, une sorte de réconciliation, que parut cimenter (22 juin 1772) le mariage de Mirabeau avec Marie-Emilie de Covet de Marignane, fille de parents séparés, et « à qui il faut, disait son beau-père, des odeurs fortes, des mauvais ragoûts, parfois des passe-temps de singes. » Elle avait 18 ans, et pas de dot. Malgré de beaux projets d'économie, le nouveau ménage mena une vie désordonnée ; 160 000 livres de dettes, contractées en peu de temps, provoquèrent l'interdiction de Mirabeau, qui, le jour même du second anniversaire de son mariage, fut enfermé au château d'If. Mme de Mirabeau fit alors la connaissance d'un mousquetaire, et ne revit plus son mari. Transporté au fort de Joux (Jura), Mirabeau, à peu près prisonnier sur parole, fréquenta les salons de Pontarlier, et y rencontra Sophie de Monnier, qui avait épousé, à 17 ans, un vieillard, ancien président de la chambre des comptes de Dôle. La présidente, beaucoup moins farouche que Mirabeau n'a voulu le faire croire « toutes ses vertus sont à elles, a-t-il écrit, toutes ses fautes sont à moi » abandonna simplement pour lui un sous-officier de la garnison; mais le scandale fut si apparent qu'il fallut bientôt songer à fuir : Sophie « emprunta » 25 000 livres à son mari, et partit avec Mirabeau en Suisse, puis à Amsterdam. Les efforts combinés du père de Mirabeau et du mari de Sophie amenèrent l'arrestation des deux amants ; le 8 juin 1777, Mirabeau était enfermé au fort de Vincennes. C'est là que, noyant dans l'encre « ses passions sulfureuses », il écrivit ses Lettres à Sophie, un Traité de Mythologie, un Traité de la langue française, un Essai de la littérature ancienne et moderne, un Essai sur les lettres de cachet et les prisons d'Etat, etc. Il sortit de Vincennes en février 1781, revit Sophie dans le couvent de Gien, où elle s'était momentanément retirée, et, quinze jours après, n'y pensa plus. Sophie sortit de sa prison volontaire après la mort de M. de Monnier en 1783, et s'asphyxia avec du charbon, en septembre 1789, en apprenant la mort d'un gentilhomme qui devait l'épouser. Pendant ce temps, Mirabeau plaidait lui-même, à Aix, contre sa femme défendue par Portalis ; la séparation des deux époux devenue définitive, il partit pour Londres, où il publia ses Considérations sur l'ordre de Cincinnatus (1784). Il rentra à Paris l'année suivante, reçut de M. de Vergennes une mission pour Berlin, et, s'étant vu refuser la place d'envoyé à Munich, quitta la diplomatie, et vint publier à Paris La monarchie prussienne sous Frédéric le Grand (1788).

Au moment des élections aux Etats-Généraux, il désira « passionnément », comme il l'écrivait à Cerutti, en faire partie. Repoussé par la noblesse du bailliage d'Aix qui n'admit que les nobles possesseurs de fiefs, il lui lança la célèbre apostrophe: « Ainsi périt le dernier des Gracques de la main des patriciens... », ouvrit une boutique avec cette enseigne: « Mirabeau, marchand de drap », et fut élu, le 6 avril 1789, député du tiers état de la sénéchaussée d'Aix aux états généraux, à la pluralité des voix.

Arrivé à Paris, il publia le Journal des états généraux, dont la suppression, par arrêt du conseil du roi en date du 6 mai 1789, lui fournit l'occasion d'une éloquente protestation en faveur de la liberté de la presse, dans une lettre à ses commettants. Le 13 mai, il demanda que le bureau du tiers conférât avec le clergé seulement en vue de la réunion des deux ordres, sans s'inquiéter de la noblesse. Le 15 juin, il appuya la motion de Sieyès tendant à la constitution de l'Assemblée en « Assemblée des représentants du peuple » .

Le 23 juin, après la séance royale, il déclara que « les présents du despotisme étaient toujours dangereux », et protesta contre l'appareil militaire qui environnait les Etats : « Je demande, ajouta-t-il, qu'en vous couvrant de votre dignité, vous vous renfermiez dans la religion de votre serment : il ne nous permet de nous séparer qu'après avoir fait la constitution. » Et comme M. de Dreux-Brézé rappelait les ordres du roi : « Oui, monsieur, répliqua Mirabeau, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au roi. Je déclare que si l'on vous a chargé de nous faire partir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer la force, car nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes. » L'Assemblée continua de délibérer.

Mirabeau prit dès lors une part des plus actives aux débats, toujours sur la brèche, s'appropriant habilement les pensées des autres, et ajoutant aux inspirations qu'on lui donnait le prestige d'une irrésistible éloquence. En juillet, il demanda, le 8, l'éloignement des troupes de Versailles, et, le 16, le renvoi des ministres ; lors de la nuit, du 4 août, il disait à Sieyès : « Voilà bien nos Français : ils sont un mois à discuter sur des syllabes, et, dans une nuit, ils renversent tout l'ancien ordre de la monarchie. » En septembre, il défendit les projets financiers de Necker, et entraîna le vote de l'Assemblée, par l'éloquente évocation de la banqueroute. En novembre, il s'éleva avec une remarquable compétence contre la centralisation de la banque (Caisse d'escompte) à Paris : « Nous avons aboli les privilèges et vous voulez en créer un... »

Sur le droit de paix et de guerre à attribuer au roi ou à l'Assemblée, il obtint, après une lutte mémorable, que le droit resterait au roi, sauf à l'exercer conjointement avec l'Assemblée. Ce fut alors que le parti avancé l'accusa de trahison, d'être vendu à la cour, et fit crier par les rues la grande trahison de Mirabeau. Mirabeau s'était en effet rapproché de la cour, car, « tribun par calcul et aristocrate par goût », selon le mot de Necker, il avait bien voulu, au début, essayer sur la royauté la puissance de ses coups, mais ses préférences secrètes et avouée étaient pour une monarchie constitutionnelle, dont il aurait été le premier ministre et le tuteur nécessaire. Ce fut ce qui l'entraîna dans le parti de la résistance bien plus que l'argent dont la Cour soldait ses services : « Je suis payé, disait-il, mais je ne suis pas vendu. » Il défendit donc énergiquement la sanction royale : « J'ai voulu, disait-il, délivrer les Français de la superstition de la monarchie pour y substituer le culte. » Il s'éleva contre la loi contre les émigrés, « jurant de lui désobéir ». L'ardeur de sa colère dominait l'Assemblée, et Barnave lui-même, son digne adversaire, n'osait protester, quand Mirabeau jetait à la gauche murmurante la dédaigneuse apostrophe: « Silence aux trente voix ! » Nommé membre de l'administration départementale de Paris le 16 janvier 1791, et de l'Assemblée le 31, il prit encore la parole, le 22 mars, à propos de la régence, et le 27 sur les mines ; ce fut son dernier discours.

Les fatigues de la tribune jointes aux excès ininterrompus d'une vie de plaisirs avaient ruiné sa robuste constitution. Il tomba malade le 28 mars, et expira le 2 avril, à huit heures et demie du matin, âgé de 42 ans, en murmurant, dit-on, ces dernières paroles : « J'emporte avec moi le deuil de la monarchie ; les factieux s'en disputeront les lambeaux. » Sa mort causa dans tous les partis une profonde stupeur; on lui fit d'imposantes funérailles, et ses restes furent déposés dans l'église Sainte-Geneviève qui fut érigée en Panthéon, et dont la façade reçut cette inscription : « Aux grands hommes la patrie reconnaissante. »

En novembre 1792, la découverte de l'armoire de fer aux Tuileries livra la preuve des subsides qu'il avait touchés de la cour. Son buste, qui ornait encore la salle des Jacobins, fut brisé, et, le 21 septembre 1794, son cercueil fut chassé du Panthéon, pour faire place à celui de Marat. Un huissier de la Convention s'avança devant la porte du monument, et lut à haute voix le décret qui excluait « les restes d'Honoré Riquetti Mirabeau ». Déposés dans un cercueil de bois, ils furent inhumés, sans aucune marque, dans le cimetière dit de Clamart, au faubourg Saint- Marcel. Des fouilles récentes (1889) entreprises dans le but de les retrouver n'ont donné aucun résultat.

Mirabeau a été l'objet des jugements les plus divers. « Capable de tout pour de l'argent, même d'une bonne action », a dit Rivarol ; « laideur éblouissante, figure flétrie, imposante et livide, effronterie de la lèvre se mariant à l'éclair des yeux, il avait l'âme de son visage », ajoute Louis Blanc. « La calomnie organisée contre Mirabeau, dit au contraire Proudhon, fut une honte pour le parti révolutionnaire de 1789 et une calamité nationale. » Entre ces citations, la vérité est peut-être dans ces deux lignes de Michelet : « Y eut-il corruption ? oui. Y eut-il trahison ? non. »