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La revendication du droit à l'avortement est d'abord portée par la société civile : à partir de la fin des années 1960, les mouvements militants se multiplient. Le premier meeting du Mouvement de libération de la femme se tient à l’Université de Vincennes au printemps 1970. L’association Choisir est créée en juillet 1971 par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, en avril 1973 est fondé le Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception.
Le 5 avril 1971, le Nouvel Observateur publie une pétition, dite « Manifeste des 343 », dans laquelle 343 femmes déclarent s’être fait avorter. Le 3 avril 1973, dans le même journal est publié « Le Manifeste des 331 », pétition dans laquelle 331 médecins reconnaissent avoir pratiqué des avortements. Leur nom étant rendu public, ces femmes et ces médecins sont exposés à des poursuites pénales.

Affiche du Planning Familial "Contraception-avortement. 1920, les hommes font la loi. 1974, nous décidons nous mêmes"
© Centre de documentation du planning Familial - Paris
En octobre 1972, un fait divers aura des répercussions qui résonneront jusqu’à l’Assemblée nationale. Marie-Claire, 16 ans, qui a avorté après avoir été violée, sera dénoncée par son agresseur. Jugée à huit-clos, parce que mineure, dans ce qui sera appelé le Procès de Bobigny, elle sera finalement acquittée. Le procès de sa mère et de trois de ses collègues ayant aidé à l'avortement sera transformé en procès politique par leur avocate, Gisèle Halimi. Les accusées ne seront condamnées qu’à des peines avec sursis.
De fait, il est désormais devenu impossible d'appliquer à l'ensemble des femmes ayant interrompu volontairement leur grossesse les sanctions pénales en vigueur.
Ainsi, aucun des signataires des manifestes "des 343" et "des 331" ne seront poursuivis. Le Président de la Répulique, Valéry Giscard d'Estaing, annonce lors d'une conférence de presse du 25 juillet 1974 qu'aucune poursuite ne sera engagée pour avortement jusqu'au vote d'une loi l'autorisant. Par ailleurs, la loi d'amnistie du 10 juillet 1974 vise explicitement les faits d'avortement.
Toutefois, l'avortement restant prohibé, les femmes désirant mettre fin à leur grossesse doivent le faire dans des conditions de clandestinité ou de semi-clandestinité. Si certaines sont dirigées par les associations militantes vers des médecins ou vers l'étranger, d'autres doivent avorter dans des conditions qui peuvent mettre en danger leur santé. Selon les estimations, on compte près de 1 000 avortements clandestins par jour : un conduit au décès de la femme, d'autres entrainent, parfois, de graves mutilations.

Affiche du MLAC "On ne mandie pas un droit. On se bat pour lui"
© Centre de documentation du Planning Familial - Paris
L'inapplication de fait de la loi et le drame des avortements clandestins conduiront le Gouvernement de Pierre Messmer à déposer un premier projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse, le 7 juin 1973. Il sera finalement renvoyé en commission, par un vote en séance publique le 14 décembre 1973. Le Président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, Henry Berger, va alors chercher à trouver un compromis en recueillant l’avis de toutes les familles d’esprit. Il s’agissait de "rassembler préalablement à l’élaboration de tout dispositif législatif sur l’IVG, les éléments nécessaires à l’établissement d’un cadre de pensée". Plus de 42 organisations, associations et personnalités, soit plus de 154 personnes au total, pourront exprimer leur position.
Ce rapport servira de base au dépôt le 15 novembre 1974 du projet de loi relatif à l’interruption volontaire de la grossesse.