Réunion du mercredi 14 mai 2014

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Mercredi 14 mai matin, la mission d’information sur l’écotaxe poids lourds a autorisé la publication du rapport présenté par son président-rapporteur, Jean-Paul Chanteguet. Ce rapport présente treize pistes d’évolutions du dispositif, qu’il propose de renommer « éco-redevance poids lourds », dont l’instauration d’une franchise kilométrique mensuelle, l’organisation d’une « marche à blanc » nationale (période d’expérimentation de quatre mois pour tous les poids lourds afin de détecter les secteurs d'activité qui seraient confrontées à des difficultés ) et la création d’un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds. Il insiste par ailleurs sur l’effort de pédagogie nécessaire pour redonner du sens au dispositif.

Voir le rapport

Intervention du président-rapporteur devant la mission mercredi 14 mai 2014.

 

             LE CAHIER DES CHARGES DE NOTRE MISSION 

 

"Alors qu’après plusieurs reports, l’écotaxe allait être mise en œuvre au 1er janvier 2014, les manifestations et les contestations bretonnes ont conduit le gouvernement de Jean-Marc Ayrault à suspendre sine die, son application.

Conscient qu’en prenant cette décision le gouvernement s’était mis dans une impasse, la conférence des présidents de l’Assemblée Nationale a donc décidé en décembre 2013 de créer une mission d’information sur l’écotaxe, considérant que compte tenu des enjeux, financiers, environnementaux, économiques et sociaux, il pouvait être utile de demander à des députés de toutes sensibilités d’essayer d’identifier le chemin lui redonnant du sens et lui permettant de retrouver une plus grande acceptabilité.

Et ce d’autant plus que ce projet qui n’en était pas à ses tous premiers balbutiements, bien au contraire, portait en lui de multiples engagements de l’Etat.

Engagement tout d’abord à l’égard du consortium Ecomouv chargé de collecter l’écotaxe, qui a déjà investi dans ce projet près de 600 millions d’euros et des six sociétés habilitées de télépéage qui chacune d’entre elles ont aussi investi plusieurs dizaines de millions d’euros.

Engagement vis à vis de l’Union Européenne qui voit dans le dispositif technique retenu le premier système interopérable en Europe

Engagement vis-à-vis  des Conseils Généraux qui avaient prévu de mobiliser une partie de la recette pour l’entretien de leurs routes

Engagement vis à vis des entreprises du secteur des transports qui disposaient déjà de leurs équipements électroniques embarqués (200 000 camions en étaient déjà dotés)

Engagement vis-à-vis  des salariés recrutés par les douanes (130 agents à Metz et 170 douaniers pour les contrôles manuels) et Ecomouv (159 personnes en CDI à Metz)

Engagement enfin vis-à-vis de l’agence de financement des infrastructures de transport de France qui elle devait recevoir plus de 700 millions d’euros par an.

 

 

UN PROJET A REPENSER A PARTIR DE BASES SOLIDES 

En près de six mois, dégagés de la pression des mécontentements, nous avons modestement essayé de repenser en toute sérénité ce dossier.

Nous nous sommes déplacés à Bruxelles, Vienne et Bratislava. Nous avons procédé à une trentaine d’auditions, reçu les représentants des institutions et fédérations professionnelles, des ONG, des syndicats, des collectifs d’acteurs et de la société Ecomouv.

Ce travail tout à l’honneur de l’Assemblée Nationale, des députés comme de son administration, nous aura permis dans un premier temps de reposer les fondements de l’écotaxe et d’en identifier les éléments incontournables.

L’écotaxe bénéficie tout d’abord d’une grande force, puisqu’elle prend racine dans un véritable consensus politique.

En effet, en nous saisissant de ce dossier, nous ne nous saisissions pas d’un projet venu de nulle part, d’un projet sans paternité, d’un projet orphelin depuis l’élection du nouveau Président de la République et du renouvellement législatif de juin 2012.

Non, nous nous saisissions d’un projet porté sur les fonts baptismaux par la précédente majorité et adopté à la quasi-unanimité, dans le cadre de la loi de programmation du Grenelle 1 du 3 août 2009 ; mais plus encore d’un projet, que la majorité actuelle s’était appropriée d’une part en validant le contrat de partenariat public-privé passé avec le consortium Ecomouv et d’autre part en faisant voter en mai 2013 une loi prévoyant que, comme cela était écrit dans les textes Grenelle, le prélèvement écotaxe, qui devait être neutre pour les transporteurs, serait répercuté sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises, c’est-à-dire les affréteurs et les chargeurs, au travers d’un mécanisme de majoration forfaitaire ; et actant une réduction du taux de l’écotaxe de 40 % à 50 % pour la Bretagne et de 25 % à 30 % pour les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, ainsi que l’exonération des véhicules affectés à la collecte du lait.

L’écotaxe répond ensuite, bien au-delà de son aspect technique, à un véritable choix de société.

Elle est un outil qui participe à la mise en place d’une politique durable des transports routiers. En favorisant une répartition différente des trafics, elle concourt à réorienter notre économie vers un modèle moins dépensier en énergie, moins polluant et plus résilient au changement climatique.

En effet, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, la France s’est engagée à porter des politiques permettant de respecter les engagements nationaux et internationaux qu’elle a pris en matière d’émissions de GES et d’autres polluants.

En 2011, au niveau national, le transport terrestre de marchandise s’effectuait à 87,6 % par camion, 10 % par voie ferrée et 2,4 % par la voie d’eau.

Nous le savons, le transport routier est la première source d’émission d’oxydes d’azote (NOx) de monoxydes de carbone (CO) et représente près de 20 % des émissions de particules fines et près du tiers de celles de dioxydes de carbone (CO2).

À cette pollution de l’air engendrée par le trafic des poids lourds dont l’impact sur la santé est non négligeable, s’ajoute la forte accidentologie des routes et autoroutes due à la présence des camions sur les réseaux.

Aujourd’hui, la gratuité du réseau routier, hors le réseau autoroutier concédé, le rend particulièrement attractif.

Demain malgré les efforts à l’échelle européenne pour développer les modes de transports alternatifs à la route et la progression du transport ferroviaire dans plusieurs pays voisins (notamment l’Allemagne et la Suède), le transport routier mieux adapté à la structure et à la géographie de l’activité économique européenne restera le mode de transport  terrestre largement prépondérant dans les 20 prochaines années.

VERS UNE POLITIQUE DURABLE DES TRANSPORTS DE MARCHANDISES

Néanmoins, si nous voulons construire une politique soutenable des transports de marchandises, plusieurs voies complémentaires doivent être empruntées et développées. Il convient d’une part de promouvoir le développement de technologies plus économes ou plus propres (véhicules normes Euro V, Euro VI ; carburants alternatifs au pétrole : GNC, GNV, GNL, motorisations électriques).

D’autre part, de réduire la demande de fret routier (optimisation des tournées, taux de chargement et retour à vide, modification et allègement des emballages…).

Et enfin, de favoriser l’utilisation de modes de transport alternatifs à la route.

 

             L’ECOTAXE FAIT PAYER L’UTILISATEUR ET LE POLLUEUR

Si l’on veut rendre le transport terrestre de marchandises durable, il faut rétablir la vérité des prix afin d’établir une meilleure équité entre les modes de transports et éviter que les citoyens soient les seuls à payer l’entretien des routes.

En effet, aujourd’hui la circulation sur le réseau routier non concédé est gratuite alors que l’utilisation des réseaux ferroviaires et fluviaux fait l’objet d’un péage. C’est pourquoi, il faut faire payer au transport routier de marchandises les coûts réels d’usage de l’infrastructure afin de mieux les reporter dans le prix.

Ainsi la loi Grenelle I introduit le principe de l’éco redevance pour corriger la sous-tarification actuelle sur le réseau routier national non concédé. L’objectif de l’éco redevance est d’améliorer d’un point de vue économique, la couverture par les poids lourds des coûts qu’ils génèrent lors de l’utilisation des infrastructures routières (il s’agit du coût d’usage qui inclut les charges d’investissement, d’entretien et d’exploitation de l’infrastructure, mais pas les externalités : pollution, nuisance, autres coûts sociaux).

L’écotaxe s’appuie sur deux principes qui sont incontestables :

Le premier est celui de l’utilisateur payeur. L’écotaxe n’est pas un impôt, qui serait la marque d’une écologie punitive. C’est une redevance à payer par les utilisateurs des routes, qui jusqu’ici les empruntent gratuitement sans contribuer à leur réparation ni à leur entretien contrairement à ce qui se passe pour tous les autres modes de transport. En finir avec cette gratuité du réseau routier constitue donc une mesure de justice. Ce n’est pas aux contribuables qu’il revient de payer pour le passage des camions.

Le second principe est celui du pollueur payeur. Le transport routier est effectivement la première source de pollution  qui nuit à la santé de la population et entraine des frais sanitaires considérables, ce qui est doublement contraire à l’intérêt général.

L’ECOTAXE PARTICIPE A LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

L’importante circulation des poids lourds participe au réchauffement  climatique, confirmé par le 5ème rapport du GIEC qui prévoit sauf mesures radicales prises par la communauté internationale, la multiplication d’évènements climatiques extrêmes, le développement de conflits d’accès à l’eau et à l’alimentation et l’augmentation des déplacements de réfugiés.

La France doit d’autant plus se mobiliser sur cette question qu’elle accueillera en 2015 la Conférence climatique mondiale et que plusieurs pays européens ont déjà pris des mesures permettant le report modal.

L’ECOTAXE FAIT EVOLUER LES COMPORTEMENTS

C’est exactement ce que permet l’écoredevance grâce au signal prix envoyé aux acteurs économiques, afin qu’ils utilisent des camions moins polluants, optimisent leurs tournées, réduisent leurs charges, favorisent les circuits courts et la relocalisation des productions et bien sûr choisissent le rail et la voie d’eau dès que possible.

 

L’ECOTAXE FOURNIT DES RESSOURCES FINANCIERES

Enfin, cette écotaxe permet à l’Etat et aux collectivités territoriales de disposer des ressources financières pour le nécessaire entretien des routes mais aussi pour le développement d’infrastructures alternatives de transport durable, à mettre au plus vite à disposition des acteurs économiques comme le chemin de fer ou les voies fluviales.

 

L’ECOTAXE PORTEUSE D’EFFETS TANGIBLES

D’ailleurs, les résultats des dernières simulations réalisées par le Ministère des transports montrent qu’elle aura un effet sur les trafics.

- le trafic routier imputable à l’éco redevance diminuerait de près de 3 %  se décomposant en : 1 % pour le report modal et un peu moins de 2 % dus à la réduction des distances de trajet et au contournement du territoire de certains flux de transit.

- la réduction du trafic international représentera 40 % de la baisse totale du trafic.

- enfin, le report du trafic sur les autoroutes concédées est évalué entre 300 et 400 millions d’euros de recettes de péage additionnelles.

La Suisse quant à elle, qui depuis 2001 applique sur l’ensemble de son réseau public couvrant 70 000 km (nationales, autoroutes, cantonales et communales) une redevance kilométrique quatre fois supérieure à celle prévue en France, a déjà obtenu des résultats particulièrement probants :

- entre 2001 et 2005, le nombre de kilomètres réalisés par les poids lourds a baissé de 6,4% tandis que le volume des marchandises transportées a augmenté de 16,4%.

- les émissions de particules ont diminué de 10%, celle d’oxyde d’azote (NOx) et de dioxyde de carbone (CO2) de 6%

- le nombre d’emplois dans le secteur du transport routier a été maintenu

 

 LE CONTRAT ECOMOUV, LA LOI EUROPEENNE, LES ENJEUX FINANCIERS, SOCIAUX ET ECONOMIQUES ONT DESSINE LE CADRE DE NOTRE REFLEXION

Le contrat de partenariat avec Ecomouv qui a abouti à la désignation d’un prestataire commissionné par l’Etat, pour la liquidation et la collecte de l’écotaxe et conclu en janvier 2011, au terme d’un appel à projets et d’une période dite de « dialogue compétitif » est bien au cœur de ce projet.

Aujourd’hui, alors qu’il n’a pas été démontré, qu’il n’avait pas été passé conformément aux règles et règlements en vigueur ; que la société Ecomouv considère qu’elle a rempli ses obligations en respectant le délai maximum de 6 mois pour la mise à disposition du système à partir de la date contractuelle de livraison du 20 juillet 2013 ; et alors que l’Etat tout en ayant engagé une procédure de déchéance au titre de l’article 64, a accepté une procédure de conciliation sur la base d’un protocole d’accord, il n’est pas possible pour nous de ne pas tenir compte de toutes les dimensions de ce contrat et des contraintes techniques, administratives et financières qu’il nous impose.

Face à la volonté de certains, clairement exprimée à de nombreuses reprises de remettre en cause (dénoncer) ce contrat, il n’est pas inutile de rappeler que les systèmes et dispositifs proposés par Ecomouv l’ont été, sur la base des prescriptions de l’Etat.

Au-delà d’un enjeu de crédibilité, concernant la parole mais aussi la signature de l’Etat, disposons-nous aujourd’hui des moyens financiers qui nous autoriseraient à dédommager le prestataire à hauteur d’au moins 800 millions d’euros, hors le montant des indemnités qui seraient réclamées par les entreprises ayant signé des contrats de sous-traitance comme Thalès, SFR ou Stéria, ainsi que par les sociétés habilitées de télépéage au nombre de 6.

Difficile ensuite de s’affranchir de la législation européenne qui, au travers de la directive « Eurovignette » n’oblige pas les Etats membres à établir des péages ou des droits d’usage, mais pose des règles à respecter lorsque les Etats décident d’introduire, pour faire payer l’usage des routes par les poids lourds, des dispositifs qui entrent dans son champ d’application du fait des véhicules et des zones géographiques concernés. Entre autres, la création d’une éco redevance au niveau national, doit se faire de manière non discriminatoire, vis-à-vis des usagers étrangers, notamment, et ses modalités ne doivent pas non plus conduire à des discriminations entre acteurs nationaux et acteurs des autres pays de l’Union européenne.

En effet, l’article 7§3 précise que les péages et droits d’usage sont appliqués sans discrimination, directe ou indirecte, en raison de la nationalité du transporteur, de l’état du transporteur, ou d’immatriculation du véhicule, ou de l’origine ou de la destination du transport. Ainsi, il n’apparaît pas possible d’instaurer une vignette uniquement pour les véhicules étrangers.

Enfin, la directive en son article 7§2, interdit aux États d’imposer cumulativement des péages et des droits d’usage pour une catégorie de véhicules donnée pour l’utilisation d’un même tronçon de route, à l’exception du franchissement de ponts, de tunnels et de cols. De plus, la directive Euro vignette pose le principe de l’interdiction de percevoir cumulativement des péages et des droits d’usages pour un même tronçon sachant que la Commission considère que la notion de tronçon ne s’applique pas par sous-réseau, mais à l’échelle d’un pays entier. De ce fait, l’existence en France de plus de 8 000 km d’autoroutes concédées rendrait impossible la mise en place d’une vignette en France, à tout le moins imposerait-elle la mise en place d’un fonds de compensation, visant à éviter le double péage, qui devrait être doté de plus de 2 milliards d’euros correspondant aux péages acquittés par les poids lourds. Une opération qui serait largement déficitaire pour l’Etat puisque la vignette ne rapporterait qu’environ 650 millions d’euros.

Difficile aussi de ne pas prendre en compte les enjeux financiers d’un tel projet.

En effet, les engagements gouvernementaux pris en juillet 2013 par J.M. Ayrault, à la suite de la remise du rapport de la Commission Mobilité 21 présidée par Philippe Duron, devaient se traduire par la mobilisation pour le financement des infrastructures de transport d’une enveloppe globale de 35 milliards d’euros, inscrite au budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF).

Une enveloppe déjà amputée en 2014 de près de 500 millions d’euros du fait de la suspension de l’écotaxe. De plus, si cette suspension devenait abandon ou si le bilan financier d’une remise à plat était trop dégradé, le financement des quatre lignes LGV en cours de réalisation, des projets de transport collectifs en site propre, ou des volets mobilité des contrats de plan Etat-Région (2014-2020) pour lesquels la participation de l’AFITF est de 950 millions d’euros annuels, serait remis en cause.

Comment non plus, ne pas tenir compte du temps qui passe, générateur tous les mois d’un loyer de près de 20 millions d’euros, non couvert par une recette d’écotaxe.

Une situation qui nous interdit de proposer des modifications, des adaptations au dispositif qui porteraient en elles un report dans le temps de la mise en œuvre de l’écotaxe, comme la création d’une 4ème catégorie de poids lourds, l’extension du réseau local taxé, qui nécessiterait la consultation de tous les conseils généraux ou la modification du seuil des véhicules taxés (7,5 tonnes au lieu de 3,5 tonnes) qui nous obligerait à en informer la Commission européenne.

Temps qui passe et inquiétude sociale qui grandit pour les douaniers recrutés à Metz, et pour les salariés d’Ecomouv basés à Augny (57), chargés de la gestion de l’écotaxe, comme pour les fonctionnaires auxquels seront confiées des missions dans le contrôle et l’encaissement.

Il est enfin, d’autres dispositions, soutenues avec force par les principales organisations de transporteurs, qui ne paraissent pas pouvoir être remises en cause, sous peine de les voir demain s’y opposer très frontalement, ce sont celles portant sur les mécanismes de répercussion de l’écotaxe, par les transporteurs sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises (chargeurs ou affréteurs).

En effet, l’objectif de l’éco redevance étant de faire payer l’usage de la route à ses utilisateurs, il est prévu d’en répercuter le coût sur les chargeurs c’est-à-dire sur ceux qui commandent la prestation de transports (principe inscrit dans la loi Grenelle 1).

L’inapplicabilité reconnue par tous du décret n° 2012-670 du 4 mai 2012 « relatif aux modalités de majoration du prix du transport liée à l’instauration de l’écotaxe » a conduit le Ministre F. Cuvillier à proposer un système simple de répercussion au travers d’une majoration forfaitaire de plein droit (incluant les frais de gestion que devront supporter les transporteurs) avec un taux fixé par région et un taux distinct pour les trajets interrégionaux.

Ce dispositif, qui permet à tout transporteur routier de majorer le prix de sa prestation quel que soit l’itinéraire emprunté, a été adopté par le Parlement (loi promulguée le 28 mai 2013) et le Conseil constitutionnel en a validé la constitutionnalité le 23 mai 2013. Dans sa décision, il a admis le principe de la majoration forfaitaire, au double motif que celui-ci demeurait corrélé avec l’objectif de la taxe, à savoir que c’est le donneur d’ordre qui choisit le mode de transport et qui doit s’acquitter de la taxe, et que l’objectif de politique économique poursuivi par le législateur à l’égard du transport routier de marchandises le justifiait.

Les différents taux seront fixés par arrêté ministériel annuel. Ils seront établis à partir de modèles de simulation de trafic issus de l’enquête nationale annuelle sur le transport routier de marchandises.

Le principal intérêt d’une majoration forfaitaire (en pied de facture) réside dans sa simplicité et son automaticité. Cette simplicité implique cependant, contrairement à un système de calcul au réel, des cas individuels « gagnants » et des cas individuels « perdants » puisque chacun des taux du barème constitue une valeur moyenne. Des effets d’aubaine sont inévitables dans un système forfaitaire.

LES PROPOSITIONS DE LA MISSION

Au terme de nos travaux, nous avons considéré que les propositions que nous devions faire, devaient bien entendu respecter les engagements pris par la classe politique et par l’Etat, qu’elles devaient renforcer l’acceptabilité de l’écotaxe, mais qu’elles devaient aussi permettre une meilleure prise en compte des inquiétudes économiques locales et des préoccupations environnementales légitimes.

PARLER D’ECOREDEVANCE POIDS LOURDS

Tout d’abord, nous avons tenu à repréciser que l’écotaxe n’était pas une taxe supplémentaire qui relèverait de l’écologie punitive, en effet c’est une redevance kilométrique d’usage des infrastructures routières et sa mise en œuvre comme nous l’avons déjà rappelé fait appel à deux principes : le principe « utilisateur payeur » et le principe « pollueur payeur ».

Parler maintenant d’éco redevance poids lourds, peut paraître très symbolique aux yeux de certains, mais cette modification est pour nous la première étape d’une démarche indispensable de pédagogie et de communication qu’il convient de mener en direction des redevables, des élus et du grand public pour relégitimer ce prélèvement.

Difficile de nier que le contexte économique qui prévalait lors de la mise en place de l’écoredevance est singulièrement différent aujourd’hui. Ainsi, le monde du transport routier traverse actuellement une profonde crise amorcée dès 2008 et exacerbée par une concurrence européenne souvent déloyale.

De même, certaines activités de l’industrie agroalimentaire souffrent d’une situation économique particulièrement difficile, alors même que sa structure logistique et économique a pour conséquence un impact proportionnellement plus important de l’écoredevance sur ce secteur d’activité.

Au-delà du monde du transport routier, l’écoredevance a suscité une inquiétude et parfois la colère de milieux professionnels notamment chez les dirigeants d’entreprises artisanales et les PME et plus spécialement dans les filières de l’agroalimentaire. Pour ce secteur c’est la situation d’entreprises bretonnes, fragilisées par la crise qui a servi de révélateur à une situation plus générale dont les causes sont sans doute profondes et n’ont pas pour unique origine la mise en œuvre annoncée de l’écoredevance.

Dans les faits, plus que le montant d’écoredevance, c’est le principe de sa répercussion sur les donneurs d’ordres (chargeurs et affréteurs) qui a  suscité les critiques voire les réfutations les plus vives.

Face aux demandes d’exonération pure et simple présentées par tel ou tel secteur d’activité, il ne nous a pas paru souhaitable de répondre favorablement ; en effet au sein d’un même secteur, les schémas productifs et logistiques sont par nature très différents d’une activité à l’autre.

L’idée consistant à soustraire de l’assujettissement à l’écoredevance au gré des situations conjoncturelles filière par filière n’est guère praticable.

APPLIQUER UNE FRANCHISE KILOMETRIQUE EXPRIMEE EN EUROS

En effet, le dispositif de l’éco redevance poids lourds tel qu’il a été arrêté aujourd’hui, compte tenu de la diversité des chaînes logistiques et de production, pénalisera demain, ceux qui effectueront des courtes distances, ou qui seront des  utilisateurs occasionnels ; ceux qui mettront en œuvre des systèmes de distribution vertueux comme celui des tournées ; ceux pour lesquels l’usage du véhicule n’est pas généralement l’activité principale ou certaines filières économiques intensives en transport.

C’est pourquoi nous pensons que la proposition d’instaurer une franchise kilométrique mensuelle (exprimée en euros) est plus pertinente. Elle allégera les montants qui seront acquittés par tous les redevables et encore sensiblement plus dans les trois régions classées au titre de la périphéricité.

En outre, elle aura un effet réducteur sur les taux de majoration forfaitaire et donc la répercussion facturée aux donneurs d’ordre pour chaque prestation de transport s’en trouvera minorée d’autant.

Elle sera créée sans discrimination de secteur d’activité, de nature du transport ou de nationalité.

Elle se présentera sous la forme d’une franchise kilométrique exprimée en euros. Pour des raisons pratiques, cette franchise sera mensualisée et valable uniquement par poids lourds et non pas par entreprise. La mesure concernera tous les utilisateurs du réseau taxable, quelle que soit la distance parcourue ou la localisation des trajets.

Une franchise kilométrique mensuelle de l’éco redevance, réduit par construction la charge pour les petits utilisateurs de réseau taxable, et sera plutôt favorable à ceux qui effectuent leur transport en compte propre.

La franchise sera exprimée en « euros » et mensualisée. Ainsi, elle bénéficiera davantage aux véhicules se voyant appliquer un taux kilométrique relativement plus faible, et donc favorisera davantage les poids lourds circulant sur le réseau des régions périphériques, ainsi que les catégories de poids lourds les moins dommageables pour la chaussée et les moins polluants respectant les règles européennes d’émissions les plus strictes.

Cette solution est la plus pertinente pour tenir compte à la fois d’inquiétudes économiques locales, mais aussi de préoccupations environnementales légitimes. Elle permet de renforcer la légitimité de l’éco redevance en allégeant le coût de cette redevance pour les petits trajets et par conséquent les petits transporteurs qui ne peuvent structurellement pas bénéficier de report modal, ou pour lesquels le report modal est impossible.

La franchise aura un impact plus fort pour le secteur agroalimentaire notamment en Bretagne, qui repose sur une structure économique plus intensive en transports routiers de courtes distances peu propice à un report modal. Les systèmes logistiques de production d’un produit agroalimentaire font appel à une multitude de petits trajets routiers entre les différentes phases de production du produit final. Cette multiplication des petits trajets pour la production d’un bien unique multiplie l’effet de l’éco redevance sur le coût du produit, mais multiplie également l’effet de la franchise.

Cette franchise protégera nos territoires et l’économie de proximité. En effet, dans le contexte de notre économie mondialisée, les sites de production sont souvent très éloignés des lieux de distribution, situation rendue possible par un système de transport routier sous-tarifé.

Au travers de cette franchise, nous ferons proportionnellement plus payer les transports de longues distances.

Les taux kilométriques de l’éco redevance varient en fonction du nombre d’essieux et du poids total autorisé en charge des poids lourds, c’est la prise en compte du principe utilisateur payeur mais ils sont également modulés, en fonction de la catégorie d’émissions Euro des véhicules.

Nous proposons une franchise mensuelle de 400 km qui convertie en euros permettra en fonction des différentes catégories et de la norme Euro du poids lourds (barème 2014 et nouvelle modulation proposée par la mission) de bénéficier des abattements suivant en km parcourus :

DISTANCE POUVANT ÊTRE PARCOURUE POUR UNE FRANCHISE de 400 KM EN  FONCTION DE LA CATÉGORIE ET DE LA NORME EURO DU POIDS LOURDS (BaRÈME 2014 ET NOUVELLE MODULATION PROPOSÉE PAR LA MISSION)

(en kilomètres)

  VE, EURO VI, EURO V (EEV) EURO V EURO IV EURO III EURO II, EURO I et avant
Catégorie 1 844 622 591 514 492
Catégorie 2 669 493 468 407 390
Catégorie 3 482 355 338 294 281

 

Pour la Bretagne les distances pouvant être parcourues grâce à la franchise exprimée en euros, seront multipliées par 2 et par un facteur 1,4 pour les régions Aquitaine et Midi Pyrénées (puisque ces régions bénéficient d’une minoration des taux kilométriques respectivement de 50% et de 30%).

Il est important de noter que l’utilisation du réseau taxable ne représente en moyenne que 30% du trajet effectué par un poids lourd. En bénéficiant d’une franchise de 400 km sur le réseau taxable, le poids lourd aura effectué en moyenne un trajet sur le réseau routier de près de 1 300 km.

Un transporteur breton pourra avec un véhicule de 1ère catégorie de norme Euro VI parcourir gratuitement près de 5 000 km sur un mois.

Enfin, la mise en place d’une franchise exprimée en euros aura un impact réducteur sur les taux de majoration forfaitaire dont l’objectif est d’assurer une répercussion vers les donneurs d’ordres.

TAUX DE MAJORATION forfaitaire révisés en fonction d’UNE FRANCHISE KILOMETRIQUE DE 400 KILOMETRES EXPRIMEE EN EUROS

(en pourcentage)

Régions Taux de majoration Régions Taux de majoration
Ile-de-France 5.3% (au lieu de 7 %) Pays de la Loire 3.0 % (au lieu de 3,9 %)
Champagne-Ardenne 4.2   % (au lieu de 5,5 %) Bretagne  2.8 % (au lieu de 3,7 %)
Picardie 3.1 % (au lieu de 4,1 %) Poitou-Charentes  3.5 % (au lieu de 4,6 %)
Haute-Normandie 3.1 % (au lieu de 4,1 %) Aquitaine  1.7 % (au lieu de 2,3 %)
Centre 2.7 % (au lieu de 3,6 %) Midi-Pyrénées  2.1 % (au lieu de 2,8 %)
Basse-Normandie  3.5 % (au lieu de 4,6 %) Limousin  4.6 % (au lieu de 6 %)
Bourgogne  3.3 % (au lieu de 4,3 %) Rhône-Alpes  2.6 % (au lieu de 3,4 %)
Nord-Pas-de-Calais  5.0 % (au lieu de 6,7 %) Auvergne  2.9 % (au lieu de 3,8 %)
Lorraine  4.3 % (au lieu de 5,7 %) Languedoc-Roussillon 1.7 % (au lieu de 2,1 %)
Alsace  5.2 % (au lieu de 6,9 %) PACA  2.1 % (au lieu de 2,7 %)
Franche-Comté  2.5 % (au lieu de 3,3 %) Corse 0.0%
Taux de majoration interrégional 3.8 % (au lieu de 5,2 %)

Une franchise de 400 kilomètres exprimée en euros se traduira pour les donneurs d’ordre ayant recours à une prestation de transport pour compte d’autrui, par une réduction importante du taux de majoration interrégional forfaitaire qui passera de 5,2 % à 3,8 %.

 

MODULER L’ECOREDEVANCE POUR FAVORISER LE REPORT MODAL

Afin de renforcer la dimension environnementale en favorisant le report modal, ou un report autoroutier lorsque cela est possible, nous avons examiné la possibilité de relever le taux kilométrique de l’écoredevance sur certains axes particuliers.

Cette proposition pourrait conduire à prendre en compte le niveau de congestion sur certains axes très sensibles, ce que permet déjà l’article 275 du code des douanes ou à envisager une surtaxe temporaire de certains itinéraires routiers parallèles au tracé du futur canal Seine Nord Europe comme le préconise le rapport de la mission de reconfiguration confiée à notre collègue Rémi Pauvros.

SOUTENIR LES VEHICULES LES MOINS POLLUANTS

Le parc roulant français de poids lourds est essentiellement composé de véhicules diesel anciens, aux normes d’émissions Euro moins exigeantes que celles applicables aux véhicules neufs d’aujourd’hui. L’âge moyen du parc est progressivement passé de 5 ans en 2007 à 5,5 ans en 2011 et 6,7 ans en 2013. Au 1er janvier 2014, le parc de poids lourds était encore composé de 30 % de véhicules Euro II et Euro III. Or, les véhicules Euro VI émettent 13 fois moins de particules et 12 fois moins d’oxydes d’azote qu’un véhicule Euro III.

À compter du 31 décembre 2031, tous les véhicules neufs devront être conformes à la norme Euro VI. Renforcer la dimension environnementale de l’éco redevance est pour nous une priorité. C’est pourquoi nous proposons, afin d’accélérer le renouvellement de notre parc de poids lourds, d’accentuer la modulation des taux kilométriques de l’éco redevance en faveur des véhicules les moins polluants, afin de renforcer la prise en compte du principe pollueur payeur. Nous proposons en particulier de fusionner les véhicules électriques et la norme Euro VI et de leur appliquer un rabais de 30 % au lieu des 15 % prévus à l’origine.

CREER UN FONDS DE MODERNISATION DES FLOTTES DE POIDS LOURDS

De plus, nous pensons qu’il conviendrait de créer un fonds de modernisation pour inciter les entreprises de transports à investir dans les véhicules moins polluants au gaz (GNV, GNC, GNL) ou à motorisation électrique.

En effet, l’acquisition d’un véhicule au gaz ou à motorisation électrique entraine un surcoût intégrant l’achat et la maintenance de l’ordre de 20 à 50% par rapport à une motorisation diesel.

A la suite de la mise en place de LKW Maut en 2005, le gouvernement allemand a mis en place un plan de modernisation des flottes de poids lourds de 16 millions d’euros.

IMPOSER UNE MARCHE A BLANC NATIONALE

Nombreux sont ceux qui ont regretté que l’expérimentation prévue en Alsace n’ait pas eu lieu, et que la marche à blanc mise en œuvre sur la base du volontariat n’ait concerné qu’une dizaine de milliers de véhicules.

Nous proposons donc, pour renforcer l’acceptabilité de l’éco redevance poids lourds, mais également pour tester son bon fonctionnement et disposer d’éléments d’évaluation de son impact économique et financier, la mise en place d’une marche à Blanc nationale, c’est-à-dire sur l’ensemble du réseau soumis à l’éco redevance et d’une durée minimale de 4 mois. Elle devra être obligatoire pour tous les poids lourds et toutes les sociétés habilitées de télépéage.

La préparation de la marche à blanc nécessite une validation préalable et globale de tous les dossiers déjà enregistrés par Ecomouv en sa qualité de prestataire commissionné.

Au fur et à mesure de leur enregistrement s’y agrégeront les nouveaux entrants qui devront être suffisamment nombreux pour que la marche à blanc ait véritablement du sens.

Un mécanisme d’incitation fort devra être mis en place.

Cette marche à blanc devrait nous servir d’étude d’impact et, pour ce faire, un certain nombre d’entreprises et de secteurs d’activité seront identifiés afin de mesurer les effets et conséquences de l’éco redevance. Elle nous permettra notamment de vérifier l’adéquation des taux de majoration forfaitaire avec la redevance réellement prélevée et de détecter en amont les secteurs d’activité ou les filières qui seraient confrontés à des difficultés et pour lesquels pourrait être mis en place un plan d’adaptation.

FACILITER LES NEGOCIATIONS COMMERCIALES ENTRE LE CHARGEUR ET LE DISTRIBUTEUR

Plusieurs organisations professionnelles ont exprimé leurs craintes de voir certaines filières agricoles ou agroalimentaires pénalisées par l’état des relations commerciales, notamment avec la grande distribution. L’idée a donc été émise, afin d’influer sur les négociations commerciales, d’autoriser l’inscription en bas de facture, lorsqu’elles sont disponibles, des informations relatives aux majorations supportées au titre de l’éco redevance ou aux coûts supportés par le producteur assurant le transport en compte propre. Il s’agirait d’une répercussion au réel, et non forfaitaire, sans caractère obligatoire.

Cette proposition ne correspond pas à une répercussion automatique et obligatoire des coûts de l’écoredevance sur l’ensemble de la chaîne de production car elle serait impossible à mettre en œuvre et à contrôler

Par conséquent, la mesure peut se révéler sans effet réel ou n’avoir que de faibles conséquences.

Néanmoins, elle faciliterait sans doute la répercussion de l’écoredevance en particulier dans les secteurs d’activités où les négociations commerciales sont systématiquement tendues comme la filière agricole ou agroalimentaire.

RENFORCER L’ACCEPTABILITE DU DISPOSITIF

Reconnaissant avec de nombreux acteurs de ce dossier, la complexité des dispositifs et des difficultés d’application, nous proposons :

- d’adapter la mise en œuvre du dispositif de majoration forfaitaire pour le transport routier de pré et post acheminement relevant d’une opération de transport combiné, les opérations de déménagement et les opérations de livraisons expresses.

- de simplifier les procédures d’enregistrement des redevables (transporteurs) auprès du prestataire commissionné (Ecomouv)

- et d’exonérer les poids lourds immatriculés en « W garage », les poids lourds de collectionneurs et les véhicules de formation ou de conduite école.

PLUS DE COMMUNICATION ET DE PEDAGOGIE

Enfin, relevant que la contestation de l’écoredevance poids lourds est due aussi à un déficit d’explication, il serait particulièrement opportun de renforcer la communication et la pédagogie afin de redonner du sens au dispositif.

Comme je l’ai déjà indiqué, bien que soumis à une réglementation abondante et complexe, le secteur du transport routier français est fortement confronté à du dumping social et à la déloyauté de certaines pratiques concurrentielles. Nos entreprises se trouvent de la sorte injustement pénalisées et la nécessité de mettre en œuvre des contrôles mieux ciblés pour lutter contre les dérives s’imposent.

Renforcer la surveillance humaine constitue un enjeu d’importance.

Il revient donc aux pouvoirs publics de mobiliser les services de l’Etat et surtout de donner aux forces d’intervention les moyens d’agir.

LE CAS PARTICULIER DE LA BRETAGNE

Au cours de nos travaux, je me suis toujours refusé à appréhender notre dossier écoredevance poids lourds au travers de problématiques bretonnes.

Néanmoins, je reconnais avec vous l’existence de schémas, d’organisations qui sont spécifiques à l’économie agroalimentaire bretonne et qui s’appuie sur des processus de production reposant sur une chaîne d’interventions marquée par une succession de transports, d’approvisionnements de base jusqu’à la distribution du produit fini, avec différentes ruptures de charges.

Si nous devons reconnaître qu’en Bretagne, comme dans d’autres territoires, les possibilités de report modal de la route vers le rail sont relativement limitées, nous devons aussi dire que le chaînage du transport routier intervient sur des distances souvent limitées (généralement voisines de 150 à 200 kms) avec des fréquences assez différentes selon les productions et souvent dans un cadre géographique principalement local. D’ailleurs en Bretagne, une partie importante du transport intra-régional par route ne sera pas effectué sur le réseau soumis à l’écoredevance.

Ne disposant pas aujourd’hui de véritables études d’impact sur le plan économique et financier, je considère qu’il serait indispensable, dans le cadre de la marche à blanc, d’identifier en amont les secteurs d’activités ou filières qui pourraient être confrontés à des difficultés ; et pour ce faire, qu’il serait utile de tester à partir d’un échantillon, la répercussion de la majoration forfaitaire sur les chargeurs.

Si certains pensent que le Pacte d’Avenir pour la Bretagne, présenté par le Premier Ministre le 13 décembre 2013, peut constituer un cadre propice à la déclinaison de mesures ciblées d’adaptation et d’accompagnement pour les filières qui seraient impactées, d’autres considèrent que la seule réponse consiste à retirer du réseau taxé toutes les routes bretonnes, ce qui pourrait se faire par voie règlementaire après la modification de l’article 270 du Code des Douanes définissant le réseau taxé. Une décision lourde de sens qui devrait être prise par l’exécutif, expliquée et justifiée.

DES PROPOSITIONS QUI PERMETTENT L’APPLICATION DE L’ECOREDEVANCE POIDS LOURDS  SANS FAIRE TABLE RASE DU CAHIER DES CHARGES INITIAL

 

Avec ces différentes propositions, que certains trouveront peu révolutionnaires, mais qui au moins ont le mérite de ne pas être farfelues, nous respectons tout d’abord la parole et la signature de l’Etat puisque nous considérons que le dispositif technique mis en œuvre par Ecomouv, après avoir franchi les différents tests de contrôle (VABF et VSR) doit être réceptionné.

Ainsi, en ces périodes d’austérité budgétaire nous préservons les intérêts de l’Etat puisqu’une résiliation, voire une déchéance coûterait au bas mot, au moins 800 millions d’euros.

De plus, en ne remettant pas en cause fondamentalement le cahier des charges nous limitons la facture du temps qui passe et s’élève chaque mois à près de 100 millions d’euros.

En accentuant la modulation des taux de la redevance et en créant un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds nous renforçons la dimension environnementale.

Nous facilitons au travers de la marche à blanc, la montée en puissance du dispositif et limitons les risques d’enrayement.

Nous redonnons du sens à l’écotaxe en la dénommant conformément à ses fondements, qui ne font pas d’elle une nouvelle taxe qui relèverait de l’écologie punitive, mais une redevance kilométrique permettant de faire payer aux transporteurs le coût d’usage des routes afin de rétablir la vérité des prix dans le domaine des transports, puisque aujourd’hui le transport routier est sous-tarifé par rapport aux autres modes comme le fer ou la voie d’eau.

Nous confirmons l’engagement pris auprès des organisations professionnelles du secteur des transports de répercuter l’écoredevance sur les chargeurs et affréteurs au travers d’une majoration forfaitaire.

Nous lui redonnons de l’acceptabilité en proposant le maintien pendant au moins trois ans d’un taux moyen de 13cts d’euros afin de donner de la visibilité aux entreprises ; en adoptant la mise en œuvre du dispositif de majoration forfaitaire aux spécificités de certaines activités ; en simplifiant les procédures d’enregistrement des transporteurs auprès d’Ecomouv et en acceptant des exonérations limitées.

Enfin, conscient que le dispositif tel qu’il a été arrêté aujourd’hui pénaliserait l’économie de proximité et nos territoires car elle pénaliserait grandement ceux qui n’ont aucune possibilité de réduire leur usage de la route, nous proposons de créer une franchise mensuelle kilométrique (400km) convertie en euros.

Elle sera favorable à ceux qui effectueront des courtes distances, ceux qui seront des utilisateurs occasionnels, ceux pour lesquels l’usage du véhicule n’est pas généralement l’activité principale ou certaines filières économiques intensives en transport. Elle bénéficiera davantage aux poids lourds circulant sur le réseau des régions périphériques comme la Bretagne, ainsi qu’à ceux les moins dommageables pour la chaussée et les moins polluants.

Face à la diminution des recettes attendues de l’ordre de 300 millions d’euros, nous pensons que le report de trafic vers les autoroutes générateur de recettes additionnelles des péages comprises entre 300 et 400 millions d’euros, serait créateur d’un effet d’aubaine qui mériterait sans nul doute d’être partagé, une telle situation pouvant justifier une renégociation partielle des concessions du fait d’une modification substantielle de leurs conditions économiques.

De plus, l’augmentation mécanique de la Taxe d’aménagement du territoire et de la redevance domaniale  permettrait de présenter un bilan financier légèrement dégradé mais préservant l’essentiel des moyens de l’AFITF."