Audition du 26 mars 2019 - Visioconférence avec trois entrepreneurs français établis à l'étranger

1 avril 2019

Groupe d’études « Attractivité de la France, export, investissement, compétitivité »

Réunion du 26.03.2019

Visioconférence avec trois entrepreneurs français établis à l'étranger

 

 

En présence par visioconférence de :

  • M. Mickael Georgitsis (depuis Melbourne), président de la chambre de commerce de l’État de Victoria (Australie) ;
  • M.Aurélien Bayer (depuis Hô Chi Minh City), président directeur général de Baydrach Marketing and Development Inc. ;
  • M.David Lasfargue (depuis Moscou), avocat au barreau de Paris, partenaire au sein du cabinet Jeantet à Moscou et conseiller du commerce extérieur de la France.

Mme Marie Lebec, présidente du groupe d’études, a introduit la réunion en rappelant que la France menait une grande réforme de l’accompagnement à l’export et que le groupe d’études était intéressé par le fait d’avoir un retour « opérationnel » de terrain à l’international, par des entrepreneurs, sur les liens entre la France et les différents pays d’implantation des entreprises française, sur les  opportunités de marché, la méthodologie nécessaire au succès de l’implantation, les opportunité d’accords commerciaux en cours de négociation, les bonnes pratiques et expériences de chacun.

Mme Anne Genetet, vice-présidente du groupe d’études, a rappelé avoir rencontré les différents intervenants entendus au cours de ses déplacements menés en circonscription. Elle a indiqué qu’il fallait dynamiser la filière de l’accompagnement à l’export, dans le cadre de la réforme en cours, en prêtant attention non pas uniquement à l’amont (au « décollage » en France), mais également à l’aval, c’est à dire à l’ « atterrissage » dans le pays cible et à la pérennisation de l’activité de l’entreprise. Elle a demandé aux intervenants leurs recommandations et conseils, pour bénéficier d’un véritable partage d’expérience.

M. Mickael Georgitsis a rappelé son parcours, celui d’un Français vivant à l’étranger depuis trente-deux ans, scolarisé dans les écoles françaises à l’étranger, parfois par correspondance. Il a été jusqu’à récemment directeur de l’entreprise Saint-Gobain pour la zone pacifique, il est actuellement président de la chambre de commerce de l’État de Victoria et vice-président fédéral membre du bureau des conseillers du commerce extérieur français (CCEF).

M. Georgitsis a rappelé la place de la France en Australie. La balance commerciale est excédentaire pour la France (11ème excédent), essentiellement grâce aux secteurs de la pharmacie, des cosmétiques, et des vins et spiritueux. La France est le 13ème fournisseur de l’Australie (quand l’Allemagne est le 5ème, le Royaume Uni le 10ème, et l’Italie le 12ème). Cinq cent sociétés françaises sont implantées en Australie, dont trente-sept du CAC 40, qui emploient 75 000 personnes. La France est le 8ème investisseur dans ce pays.

M. Georgitsis a présenté les difficultés de ce territoire, en raison de son positionnement géographique très à l’Est et très au Sud. Le pays est immense (une fois et demi l’Europe), mais peu peuplé (l’équivalent de la Roumanie), le marché est à la fois très concentré, très protégé et peu habitué à la concurrence.

Il en a aussi souligné les atouts :

  • le taux d’urbanisation est important, de l’ordre de 80 % dans 5 villes, La ville de Melbourne connaît la 3ème plus grosse croissance démographique dans les pays développés (150 000 habitants par an), ainsi qu’une croissance de 3 % par an et un taux de chômage de 5 % ;
  • par ailleurs, s’il est difficile de pénétrer le marché, il est plutôt facile d’y consolider sa position une fois que l’entrepreneur y est présent ;
  • enfin, le pays connaît les avantages d’un système anglo-saxon, s’agissant par exemple du respect des délais de paiement ou de la sécurité juridique.

S’agissant de la réforme du dispositif d’accompagnement, M. Georgitsis a insisté sur trois points :

  • le travail de préparation à faire, en amont, avec les entreprises qui souhaitent exporter ou s’expatrier. M. Georgitsis a indiqué que beaucoup d’entre elles n’avaient pas de département « export », ne savaient pas suffisamment précisément ce qu’elles cherchaient ou ce dont elles avaient besoin. Il y aurait un problème de « qualité d’exécution », dépassant le cadre de la langue, et concernant plus généralement la préparation, l’image, le format, la rigueur. M. Georgitsis a préconisé un renforcement de la communication liée à l’aval, pour permettre aux entreprises de disposer de toute l’information pertinente sur le marché, et de savoir utiliser cette information pour s’adapter. Ce renforcement doit être, selon lui, en priorité axé sur les PME d’artisans ou de fabricants, moins familières de la méthodologie à employer et maitrisant éventuellement moins les langues que les petites et moyennes entreprises (PME) centrées sur l’innovation ou les nouvelles technologies ;
  • la meilleure adaptation des outils d’accompagnement aux besoins des PME. Les PME ont, en effet, évolué ces dernières années. Il leur faut des programmes propres, avec des interlocuteurs et une communication adaptés. Les chambres de commerce, qui travaillent à cette évolution, doivent être des « incubateurs de business », aider les entreprises en leur proposant un soutien de marketing, de communication, de représentation sur place ;
  • la coordination des entités sous l’ombrelle « Team France ». Ce projet est en gestation depuis plusieurs années, mais doit avancer au niveau local. Il faut redéfinir les objectifs de performance et la gouvernance de cette « Team France » au niveau des marchés. Une attention doit être portée à la représentativité des membres de l’équipe et à leur renouvellement, de manière à ce qu’il n’y ait pas uniquement des représentants d’entreprises du CAC 40. La communication doit être claire et progressive pour que les équipes s’y identifient et soient identifiées. Il faudrait, également, des structures légères qui puissent être modulables, réactives, proches des entreprises, plutôt qu’un système centralisé.

Mme Anne Genetet a rappelé qu’au Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas de cette année, la France avait été, pour la première fois, représentée sous une ombrelle unique « Team France Export », qui lui avait donné beaucoup de visibilité.

M. Georgitsis a estimé qu’en Australie, quand bien même il n’y aurait pas de projet « Team France » il y a une volonté d’articuler et d’étendre l’action « Team France » qui se met progressivement en place sous forme de soutien d’actions ciblées et de partage d’information.

Il est important que les organisations ne regroupent pas toujours les mêmes personnes.

Il a souligné que les CCEF étaient dynamiques sur le sujet, sans doute parce qu’ils constituent une organisation petite et plus facile à coordonner. Ils font le lien entre la chambre de commerce d’une part et l’ambassade ou l’attaché économique d’autre part.

Business France agirait en amont, la chambre de commerce serait idéalement la plateforme de communication et de diffusion pour toutes les entreprises sur place, et les CCEF feraient la liaison entre l’entreprise et le corps diplomatique et politique.

S’agissant du contrat pour la construction et la vente de sous-marins par le groupe Naval Group, M. Georgitsis a souligné l’action importante de l’ambassadeur de l’époque, M. Christophe Lecourtier, qui a entrainé dans son sillon la « Team France Export » elle-même qui, au travers des chambres de commerce et d’industrie et des CCEF a relayé l’information auprès de la communauté d’affaires. M. Georgitsis a toutefois regretté une certaine « confusion » autour de la conclusion du contrat, s’agissant notamment des besoins de la chaîne de fournisseurs ou des aspects pouvant intéresser des entreprises chargées de services connexes. 

Répondant à une question de Mme Genetet, M. Georgitsis a souligné le fait qu’il existait des partenariats avec le monde de la recherche et les entreprises, ainsi qu’une volonté, promue notamment par l’ambassade, d’organiser des échanges et des contrats entre chercheurs en France et chercheurs en Australie.

S’agissant de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, en cours de négociation, M. Georgitsis a indiqué n’avoir pas beaucoup de retour des entreprises françaises. En effet, la plupart des sociétés françaises présentent et qui vendent en Australie fabriquent leurs produits en Australie ou en Chine : peu de produits viennent directement de France à destination de l’Australie. Les produits exportés vers l’Australie viennent de sociétés basées en France.

Les entreprises allemandes ont davantage à y gagner, en particulier l’industrie automobile. Cependant, l’harmonisation de certains standards australiens spécifiques avec les règles européennes pourrait permettre de lever quelques freins qui persistent, s’agissant notamment des normes relatives aux produits agricoles et manufacturiers.

M. Aurélien Bayer a rappelé son parcours. Après des études en France, puis en Alaska, il a travaillé dans l’export pendant cinq années avant de partir en Asie du Sud-Est en 2011. Après avoir passé deux ans dans l’industrie pétrolière en Thaïlande, puis deux ans au Myanmar, il a créé son entreprise aux Philippines. Cette entreprise est spécialisée dans l’aide au développement commercial des PME, surtout françaises et a pour objet d’apporter « un réseau » aux entreprises qui disposent de produits à vendre mais manquent de contacts. M. Bayer est également « représentant pays » des opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), spécialisé dans l’industrie lourde (énergie, marine, construction, infrastructures) et membre du comité des jeunes entrepreneurs de la chambre de commerce France-Myanmar.

M. Bayer a souligné que la zone Asie du Sud-Est représentait 640 millions d’habitants, avec un produit intérieur brut de de 2800 milliards de dollars (Md$), une inflation de 1,9 % et un taux de chômage de 4,1 %. La valeur des échanges de cette zone avec le reste du monde atteindrait 2575 milliards d’euros (Md€) par an ; celle de ses échanges avec l’Europe s’élèverait à 261 Md€ par an.

M. Bayer a pointé un important défaut de connaissance de la zone, dont chaque pays est différent, possédant une culture propre, une monnaie propre. En conséquence, beaucoup d’opportunités sont méconnues. Parmi ces opportunités, M. Bayer souligne en particulier les secteurs suivants :

  • l’industrie du luxe, en raison du développement des classes moyennes ;
  • le tourisme (hôtellerie, restauration, services associés). Ce tourisme concerne la Thaïlande (45 millions de visiteurs l’an dernier) mais se répand dans les États voisins (Malaisie, Indonésie...) ;
  • l’énergie (exploration pétrolière, production énergétique, hydropower, solaire, éolien, biomasse). Un potentiel important peut être constitué autour de la conversion de déchets en énergie, qui permettrait d’assurer l’indépendance énergétique de certaines zones isolées ;
  • l’environnement : les États ont de nombreuses évolutions à apporter et la volonté de le faire. La France peut jouer un rôle pour leur donner des idées, leur apporter une expertise, accompagner ce changement.

M. Bayer a présenté trois points d’amélioration :

  • l’importance, pour les entreprises, de se préparer davantage avant d’exporter ou de s’expatrier. 60 % des PME qui échouent à l’export échouent au cours de leur première année. Ce n’est pas parce que leur produit n’était pas le bon, mais plutôt parce qu’elles étaient mal préparées. Ceci requiert de prendre du temps, d’évaluer le marché, de s’y déplacer, de prendre des contacts, de se faire conseiller... Trop d’entreprises y vont en s’étant simplement renseignées sur les réseaux sociaux. Ce temps long est indispensable pour rentabiliser l’investissement initial, car ces entreprises ne peuvent se permettre de « se tromper de pays » ;
  • l’importance de ne pas négliger ce qui n’apparait pas être dans le cœur d’activité d’une entreprise, mais demeure essentiel : le taux de change et la monnaie ; le règlement des différends dans la législation locale ; la stabilité politique, etc. ;
  • la nécessité de mieux faire travailler ensemble la « Team France Export » et le secteur privé. M. Bayer regrette, à titre personnel, de n’être pas associé aux démarches de la « Team France Export ».

Mme Marie Lebec a souligné, également, que le défi qui restait à relever pour la « Team France Export » était celui de réussir à emmener avec elle le secteur privé. Elle a toutefois indiqué que, pour les OSCI notamment, la plateforme des solutions, devrait permettre de répondre partiellement au problème de l’accès à l’information.

M. Aurélien Bayer a indiqué qu’en règle générale, les services économiques des ambassades étaient bien accessibles. Cette accessibilité serait moindre s’agissant des CCEF car il n’existe plus d’annuaire en ligne. En tout état de cause, cela dépendrait des pays : alors que le contact est facile au Myanmar et au Vietnam, M. Bayer a constaté qu’il était plus difficile aux Philippines.

Il a indiqué que, souvent, la meilleure source d’information pour avoir connaissance des acteurs locaux pertinents et compétents sur des questions spécifiques (s’agissant du droit, de la banque, de la fiscalité, etc) étaient les cabinets d’avocats locaux comportant des avocats français : ceux-ci ont et partagent les informations – gratuitement – sur la manière de créer une société, d’employer du personnel, d’ouvrir un compte en banque, etc.

Répondant à une question de M. Masseglia, M. Bayer a regretté que les pays émergents soient, parfois, négligés au profit des « BRICS », alors que leur potentiel de croissance est très important. Il a indiqué que beaucoup appréhendaient mal la zone « Asie du Sud-Est », qu’ils estiment trop complexe. Pourtant, la France a un rôle à y jouer, notamment en raison de son histoire commune avec l’ancienne Indochine, ou encore de certaines législations nationales proches des siennes (comme celle du Cambodge).

Répondant à une question de Mme Genetet, M. Bayer a estimé qu’en Asie du Sud-Est, environ 50 % des nouveaux arrivants s’appuieraient sur la Team France Export. Toutefois, certains préfèrent s’en passer. Ceci est, également, fonction des États.

David Lasfargue a présenté ses activités d’avocat en Russie et de président du comité « Russie » des CCEF. Ce comité y comporte 52 conseillers, représentatifs de toutes les tailles d’entreprises et de tous les secteurs : énergie, banque, agroalimentaire, luxe, pharmacie...

M. Lasfargue a souligné que les avocats français à l’étranger ont pour habitude de donner beaucoup d’informations préalables  – services non facturables – aux personnes s’apprêtant à partir s’installer à l’étranger qui les interrogent. Ils ont une vision à la fois pratique et juridique du marché. Les conseillers du commerce extérieur n’ont pas vocation à faire du lobbying, mais à conseiller les pouvoirs publics et les entreprises. Ils travaillent en bonne intelligence avec la chambre de commerce franco-russe, mais également avec l’ambassade et les services régionaux. Cette bonne entente, qui préexistait à la crise des sanctions de 2014, s’est poursuivie depuis.

M. Lasfargue a estimé que les CCEF faisaient un effort pour être plus visibles et plus faciles à contacter par les entreprises. Les OSCI seraient présents également et joueraient un rôle important dans le tissu économique.

En conséquence, la présence de soutien aux entreprises est très diversifiée et fonctionne bien.

M. Lasfargue a cependant souligné les difficultés qui résultent de la fermeture brutale du bureau de Business France en juillet, effective quelques jours seulement après son annonce. L’appel d’offres pour faire effectuer les missions de Business France par d’autres organismes n’a été lancé que six mois plus tard. Les missions ne seront donc effectivement reprises qu’après près d’un an de vacance. Ceci étant, chacun des acteurs présents sur place a déjà, plus ou moins, repris une partie des missions de l’opérateur, pour combler le vide laissé. La chambre de commerce a répondu à deux des trois lots mis en concurrence. Les différents OSCI ont répondu à l’ensemble des lots, chacun de manière différente.

S’agissant de la dynamique du marché local, M. Lasfargue a souligné qu’il y avait eu un avant et un après « sanctions de 2014 ». En effet, la France a toujours été l’un des principaux investisseurs en Russie, mais elle a la particularité de l’être restée depuis 2014 : très peu d’entreprises françaises (et aucune parmi les grandes) n’ont quitté le marché russe. Le groupe Mulliez emploie 100 000 salariés en Russie et le groupe Renault 50 000. Aujourd'hui plus qu’avant, la France est clairement identifiée comme un partenaire économique crédible et important par les Russes (ce qui était moins le cas avant 2014, même si elle a toujours joui d’un « capital sympathie » fort). Cela ouvre des portes vis à vis des dirigeants locaux.

M. Lasfargue a indiqué que plusieurs secteurs étaient dynamiques :

  • l’agroalimentaire. Ceci est une conséquence de la politique de localisation mise en place par les russes à la suite des sanctions et de l’embargo agroalimentaire décidé et prolongé. Il s’agit d’une mesure protectionniste qui vise à développer la production locale avec un certain succès. Mais cela peut être saisi par des entreprises françaises, comme Bonduelle et Savencia, qui produisent désormais sur place) ;
  • la pharmacie ;
  • le luxe ;
  • l’énergie (Total a plus de 20 Md$ d’investissements en Russie).

Les CCEF notent parfois certains besoins sur les marchés qu’ils observent. Dans plusieurs domaines, en effet, des entreprises sont requises sans que les besoins ne soient comblés. Les entreprises françaises pourraient avoir un rôle important à jouer. À titre d’illustration, plus d’une trentaine de sociétés du CAC 40 sont présentes en Russie, mais les PME y sont beaucoup moins nombreuses. Les grands groupes, par exemple dans l’agroalimentaire, expriment parfois des besoins pour des sous-traitants ou des entreprises connexes à leur activité, qu’ils peinent à identifier.

S’agissant des sanctions, M. Lasfargue a estimé qu’aujourd'hui, chacun des acteurs concernés savait comment travailler dans le cadre des sanctions européennes à l’encontre de la Russie. Les interlocuteurs pertinents pour obtenir des informations ou des autorisations si nécessaires (notamment au sein du ministère de l’économie et des finances) sont connus. Les relations sont bonnes, mêmes si plusieurs entreprises aimeraient que davantage de personnes suivent ces dossiers au sein de l’administration française (la charge de travail du bureau concerné est importante, en raison de la multiplication des sanctions, et le délai pour obtenir les réponses est parfois long).

Il faut toutefois, pour l’ensemble des acteurs, accepter l’imprévisibilité en particulier des sanctions américaines et l’intégrer à leur stratégie commerciale. Il n’est pas possible de savoir ce qui se passera dans quelques semaines. Ceci peut poser des difficultés, car les entreprises françaises sont très implantées en Russie (il ne s’agit pas d’un simple « potentiel » comme en Iran), et demeure plus pénalisant pour les plus petites entreprises. La véritable difficulté, pour les entreprises françaises est plutôt d’identifier leurs partenaires russes et de faire face à une imprévisibilité politique qui doit être intégrée dans leur stratégie.

M. Lasfargue a aussi estimé que la France a, parfois, une vision très conservatrice du risque et une application très stricte des sanctions, davantage que d’autres pays européens. Certaines entreprises italiennes, voire allemandes, sont parfois des concurrents jugés déloyaux par certaines entreprises françaises, au regard de la marge qu’ils prennent par rapport aux sanctions.

Ces sanctions européennes et américaines sont perçues actuellement de deux manières par les entrepreneurs russes :

  • beaucoup ont exprimé une déception vis à vis de l’Union européenne, qui ne serait pas souveraine dans ses choix et adopterait, par principe, la position des États-Unis ;
  • certains ont exprimé, souvent parallèlement, une lassitude par rapport à la politique russe elle-même, à la crise, à la dégradation des relations avec l’occident et aux conséquences de ceci sur le pouvoir d’achat. Une majorité des Russes considèrent désormais que M. Poutine est responsable personnellement des effets de la politique russe (y compris des effets négatifs).

M. Lasfargue a estimé, en revanche, qu’il y a une bonne mobilisation et une bonne utilisation des outils français s’agissant de la lutte contre la corruption ou les extorsions.

Par ailleurs, s’il est nécessaire, dans certains cas, de parler russe, ce n’est pas systématiquement le cas. À partir d’un certain niveau de direction, beaucoup parlent anglais et il demeure toujours possible de faire appel à un traducteur. En revanche, il est nécessaire  d’y consacrer du temps et d’accorder de l’importance à la relation humaine, qui compte beaucoup pour les Russes : tout ne peut pas se négocier à distance et il faut accepter d’avoir un « billet d’avion ouvert pour le retour ».

M. Lasfargue a souligné que l’essentiel des investissements français et la quasi-totalité des entreprises françaises établies en Russie se situaient dans la partie européenne de la Russie (à l’exception du projet Yamal de Total). Beaucoup d’opportunités existent en Oural, qui est une région riche, mais celle-ci est difficile à appréhender pour des raisons culturelles et logistiques. Dans la partie asiatique de la Russie, le développement est important, mais se fait principalement avec la Chine, la Corée du Sud et, dans une moindre mesure, le Japon.

M. Lasfargue a indiqué que, parmi les entreprises françaises et les Français investis dans la vie économique, une partie assez importante étaient liée à la « Team France Export », jouent un rôle, participent, ou sont investis dans la relation franco-russe.

3500 Français sont présents en Russie (contre 10 000 avant 2014).

Mme Anne Genetet a souhaité faire la synthèse des trois principaux points abordés :

  • la nécessité d’un projet plus clair de la « Team France Export » à l’ « atterrissage » dans le pays cible, avec des acteurs renouvelés et diversifiés, pour avoir une bonne compréhension du pays ;
  • la nécessité de mieux préparer les PME, notamment au démarrage de leur projet, en partant des besoins d’un marché ;
  • la nécessité de mettre en place une « cellule conformité », qui peut faire défaut dans certaines PME, au sein de Business France ou des ambassades, pour les aider à comprendre un marché. Cela passe aussi par une plus grande réactivité du ministère de l’économie et des finances sur certains sujets, notamment les sanctions.

Mme Marie Lebec a remercié l’ensemble des participants pour leur disponibilité malgré les décalages horaires et l’intérêt des propos échangés.