Le suffrage est l'expression de la volonté individuelle de l'électeur. C'est aussi la décision collective résultant du décompte de chacun des votes. Il peut avoir pour objet d'élire un ou plusieurs députés, un chef d'État, une assemblée parlementaire ou locale ou d'exprimer par référendum l'adoption ou le rejet d'une mesure, d'une disposition constitutionnelle, d'un projet de loi ou encore d'autoriser la ratification d'un traité.

L'universalité du suffrage ne signifie pas qu'il soit accordé à tous. Le suffrage est, en effet, soumis à certaines conditions, d'âge notamment, sous réserve qu'elles soient les mêmes pour tous. L'universalité du suffrage résulte de l'assimilation de la qualité d'électeur à celle de citoyen. S'il peut revêtir des modalités différentes - le suffrage peut être direct ou indirect -, le suffrage doit, en tout état de cause, être égal et secret, pour que chaque voix pèse d'un poids égal et pour que chaque voix s'exprime librement. Le suffrage universel est la première condition d'une vie politique démocratique.

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Avant d'être un droit acquis, une habitude, parfois une lassitude, la République et le suffrage universel, son frère jumeau, ont été passionnément attendus. Des hommes et des femmes entre 1830 et 1848, après l'essai non transformé de 1792, ont souffert, parfois sont morts, parce qu'ils ont eu « le goût infini de la République » pour reprendre les mots de Charles Baudelaire.

Le cortège des Républiques a été accompagné jusqu'à nos jours du même contrepoint de sentiments antagonistes. La IIIe République, si prosaïque et si vite résignée au compromis, a été objet de haine, celle des royalistes pour « la Gueuse ». Les républicains se sont souvenus longtemps que, à peine instauré, le suffrage universel avait, par deux fois, porté un Bonaparte à l'Empire. Les socialistes, au début, ont douté : la République est-elle conciliable avec la révolution sociale ? Le « vote universel », comme on disait encore au XIXe siècle, n'est-il pas voué au sacre des possédants et des puissants ? Sans oublier la dérision : on sait quelle est la rime d' « élections » dans le langage anarchiste et soixante-huitard.

La République et le suffrage universel n'en ont pas moins, depuis deux siècles, prouvé à chaque tournant leur capacité de renaissance, et d'expansion. La République est « revenue » après les temps d'éclipse : les deux Empires, l' « État français » sous Vichy. Le suffrage universel a conquis, ou reconquis, de nouveaux domaines : élections présidentielles, élections régionales, référendum législatif et constitutionnel. Les oubliés du suffrage -femmes, jeunes de dix-huit ans-, votent enfin, les premières depuis 1945, les autres depuis 1974. Le vote de tous les Français puis de toutes les Françaises a été le moteur, à maintes reprises l'accélérateur de la législation : droit syndical, libertés des collectivités locales, lois scolaires, droit d'association, sécurité sociale, congés payés, retraite à 60 ans, droits des travailleurs dans les entreprises... Il permet le dénouement des crises, la légitimation des autorités, l'adoption et la confirmation du cadre des institutions, l'amorce des grands choix de l'avenir.