N° 3368 tome III - Avis de M. Jean-Paul Garraud sur le projet de loi de finances pour 2007 (n°3341)


N° 3368

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341),

TOME III

JUSTICE

JUSTICE JUDICIAIRE, ACCÈS AU DROIT ET POLITIQUE DE LA JUSTICE

PAR M. Jean-Paul GARRAUD,

Député.

Voir le numéro : 3363 (annexe 18).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001–692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses aux questionnaires sur le projet de loi de finances doivent parvenir aux commissions parlementaires au plus tard le 10 octobre.

Pour le projet de loi de finances pour 2007, la Chancellerie a transmis dans ce délai 84 % des réponses, et le Conseil d’État la totalité.

INTRODUCTION 5

I. —  LA JUSTICE JUDICIAIRE 7

A. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS JUDICIAIRES 8

1. L’activité judiciaire civile 8

2. L’activité judiciaire pénale 14

B. LES GRANDES LIGNES DU PROJET DE BUDGET DE LA JUSTICE JUDICIAIRE 21

1. Le financement de la réforme de la justice 21

a) l’organisation de la collégialité de l’instruction 22

b) Le renforcement du contrôle de la chambre de l’instruction 23

c) L’utilisation des moyens audiovisuels 24

2. Les dépenses de personnel 24

a) L’évolution des emplois 24

b) L’évolution des traitements et des primes 27

3. Les frais de justice 30

a) L’évolution des dépenses 30

b) Le plan de maîtrise des frais de justice 31

c) Les crédits demandés pour 2007 33

4. Les programmes d’investissement 33

II. —  LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 35

A. L’ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES 35

1. Le Conseil d’État 35

2. Les cours administratives d’appel 37

3. Les tribunaux administratifs 38

B. LES CRÉDITS PRÉVUS POUR 2007 40

1. Les crédits de personnel 40

2. Les crédits de fonctionnement et d’investissement 42

III. —  L’ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE 43

A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE 44

B. LES CRÉDITS EN FAVEUR DE L’ACCÈS AU DROIT ET DE L’AIDE AUX VICTIMES 45

EXAMEN EN COMMISSION 47

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 73

MESDAMES, MESSIEURS,

Alors que le budget total de l’État pour 2007 progresse de 0,8 %, celui de la justice augmente de 5 %, après 4 % en 2005 et 4,6 % en 2006. Il s’élève ainsi au total à 6,271 milliards d’euros, ce qui représente 2,34 % du budget de l’État, contre 1,69 % en 2002.

Depuis le début de la législature, le budget de la justice a augmenté de près de 1,8 milliard d’euros, soit une augmentation de 38 %. Cette priorité continue marque la volonté du Gouvernement de renforcer les fonctions régaliennes de l’État.

L’augmentation des crédits de la justice permettra de financer la dernière tranche de la loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) du 9 septembre 2002. Pour la période 2003-2007, celle-ci prévoit, au profit des services judiciaires, des juridictions administratives et de l’administration générale, l’ouverture de 382 millions d’euros en autorisations de programme et la création de 5 110 emplois. L’exécution de ces prévisions est retracée dans les tableaux ci-dessous.

Comme l’année dernière, le présent avis porte sur trois programmes de la mission « Justice » (« Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice » et « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés »), et analyse l’évolution des crédits du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Afin de garder une vision complète de l’activité judiciaire, la commission des Lois a en effet décidé de maintenir l’unicité de l’avis sur les crédits des juridictions judiciaires et administratives.

MISE EN ŒUVRE DES CRÉATIONS D’EMPLOIS PRÉVUES PAR LA LOPJ

 

Tranche 2003

Tranche 2004

Tranche 2005

Tranche 2006

Tranche 2007

Total 2003/
2007

Prévision d’exécution 2003/2007

Magistrats DSJ

180

150

100

186

160

776


Juges de proximité

35

35

63,8 %

Fonctionnaires et agents DSJ

520

559

255

354

360

2 048

 

Administration générale

40

48

51

7

146

180

78,3 %

Justice administrative

100

91

45

49

57

342

71,2 %

Source : ministère de la Justice

TAUX D’EXÉCUTION DE LA LOPJ EN DÉPENSES ORDINAIRES
(en crédits de paiement et en millions d’euros)

 

Montant total prévu pour 2003/2007

Droit de tirage mobilisé au titre de la LOPJ entre 2003 et 2007 (prévisions) (1)

Prévision d’exécution 2003/2007

Justice judiciaire

944,9

721,2

76,4 %

Conduite et pilotage de la politique de la justice

359,7

156,2

43,4 %

Accès au droit et à la justice

262,5

227,5

86,7 %

Conseil d’État et autres juridictions administratives

113,9

102,6

90,1 %

(1) Déduction faite des annulations de crédits

Source : ministère de la Justice

TAUX D’EXÉCUTION DE LA LOPJ EN DÉPENSES EN CAPITAL
(en crédits de paiement et en millions d’euros)

 

Montant total prévu pour 2003/2007

Droit de tirage mobilisé au titre de la LOPJ entre 2003 et 2007 (prévisions) (1)

Prévision d’exécution 2003/2007

Chancellerie

845

760

89,9 %

Conseil d’État et autres juridictions administratives

53,5

44

82,2 %

(1) Déduction faite des annulations de crédits

Source : ministère de la Justice

Le programme « Justice judiciaire » regroupe les crédits nécessaires au fonctionnement de la justice civile, pénale, commerciale et sociale. Il couvre les magistrats et les agents des services judiciaires (fonctionnaires et contractuels), ainsi que plus de 20 000 juges non professionnels bénévoles ou rémunérés à la vacation (juges consulaires, conseillers prud'hommes, assesseurs des tribunaux pour enfants, juges de proximité…), assistants et agents de justice, déployés dans 1 159 juridictions judiciaires (1).

Les services judiciaires ont pour mission principale de rendre la justice Ils ont également la charge de la conduite des politiques publiques orientées vers la prévention et la dissuasion de la délinquance ainsi que vers la réinsertion. Elles participent en outre aux politiques publiques menées en matière économique ou sociale (prévention des difficultés des entreprises, protection des mineurs, droit du travail).

La gestion des juridictions est assurée exclusivement par des personnels des services judiciaires, et comprend deux fonctions :

—  le support logistique de l'activité judiciaire proprement dite revient aux greffiers (catégorie B) et agents de catégorie C, encadrés par des greffiers en chef (catégorie A). Les greffiers assistent en outre les magistrats dans leurs missions, notamment par le suivi et l'authentification des procédures ;

—  la gestion des moyens humains et matériels est pour l'essentiel assurée de manière déconcentrée au niveau des chefs de cour. Ceux-ci disposent à cet effet d'un service administratif régional (sar), composé de fonctionnaires et contractuels des services judiciaires, professionnels de la gestion, et dirigé par un coordonnateur, magistrat ou greffier en chef, placé sous l'autorité des chefs de cour.

Les services judiciaires assurent par ailleurs la formation de leurs personnels. L'École nationale de la magistrature, constituée sous la forme d'un établissement public, est en charge de la formation initiale et continue des magistrats professionnels et non professionnels (juges de proximité, juges consulaires). La formation initiale des greffiers et greffiers en chef et la formation continue de l'ensemble des fonctionnaires des services judiciaires incombent à l'École nationale des greffes, service à compétence nationale.

Enfin, le budget des services judiciaires inclut les crédits du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel qui, par ses missions en matière de nomination des magistrats du siège et du parquet et ses compétences disciplinaires sur le corps judiciaire, est le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire.

Avec une dotation de 2 605,9 millions d’euros en crédits de paiement, le programme « Justice judiciaire » est en progression de 2,9 % à périmètre constant par rapport à 2006.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA JUSTICE JUDICIAIRE

(en euros)

 

LFI 2006

PLF 2007

Évolution
(en %)

Traitement et jugement des contentieux civils

Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

Cassation

Conseil supérieur de la magistrature

Enregistrement des décisions
judiciaires

Soutien

Formation (ENM, ENG)

Support à l’accès au droit et à la
justice (1)

706 972 545

1 001 316 462

44 895 619

2 129 457


11 988 126

673 422 238

65 044 882

735 325 617

938 429 166

56 718 384

1 205 764


13 523 064

747 829 781

85 115 956

27 719 589

+ 4

- 6,3

+ 26,3

- 43,4

+ 12,8

+ 11

+30,8

NS

TOTAL

2 505 769 329

2 605 867 321

+ 4

(1) Crédits inscrits jusqu’en 2006 sur le programme « Accès au droit et à la justice »

Source : projet de loi de finances pour 2007

L’ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE EN 2005

Juridictions

Affaires nouvelles

Affaires terminées

Durée moyenne
de traitement

Cour de cassation

18 830

24 776

NC

Cours d’appel

219 494

221 399

14,2 mois

Tribunaux de grande instance

953 447

945 227

6,7 mois

Tribunaux d’instance

603 446

589 736

4,7 mois

Ÿ  La Cour de cassation 

Le nombre d’affaires civiles nouvelles (18 830) portées devant la Cour de cassation a diminué en 2005 de 14,3 %, confirmant la tendance à la baisse de 2002 et 2003. La Cour a rendu 24 776 décisions, soit un nombre plus élevé de 5,3 % que celui de 2004.

La procédure de filtrage institué par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la Cour de cassation de déclarer « non admis » « les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation ». Depuis 2002 les affaires en « non admissions » viennent diminuer à la fois les rejets et les irrecevabilités ; en 2005, 6 747 affaires se terminent ainsi, soit plus d’une décision rendue sur quatre.

Les cassations ont augmenté en 2005 (+ 13,5 %) compensant partiellement la forte baisse de 2004. Elles ont représenté 19,8 % des décisions rendues. Si l'on ramène ce chiffre aux seules affaires soumises à la chambre, les cassations représentent alors près de 27 % des décisions. Les rejets de pourvois ont baissé et représentent 25,4 % de l'ensemble des affaires et 34,8 % des seules affaires admises.

Ÿ  Les cours d’appel 

En 2005, pour la quatrième année consécutive, le nombre d’affaires portées en appel est en hausse de 4,4 %. Si l’on examine les juridictions qui sont à l’origine des décisions appelées, on constate que la hausse est particulièrement nette pour les conseils de prud’hommes (CPH) (+ 7,8 %) et dans une moindre mesure pour les tribunaux de grande instance (+ 3,1 %).

Cette croissance des affaires nouvelles des cours d'appel est-elle un simple corollaire de l'augmentation de l'activité des juridictions de première instance, ou s'y superpose-t-il une hausse de la propension des justiciables à faire appel ? L'examen de l'évolution des taux d'appel contre les décisions de première instance ne fait pas apparaître d’augmentation sensible de ces taux quel que soit le type de juridiction. Le taux d'appel sur les décisions des tribunaux d'instance (hors ordonnances sur requête et commissions rogatoires) a un peu baissé en 2004 et celui sur les décisions des TGI continue à diminuer. Le taux d'appel sur les décisions des CPH a augmenté sans toutefois atteindre le taux exceptionnel de 2002.

S’agissant des affaires terminées, le même mouvement de hausse se poursuit depuis 2003. Avec 221 399 affaires terminées dont 5 607 référés, l’année 2005 affiche une hausse de 2,6 %. Comme les affaires terminées sont globalement supérieures en nombre aux affaires nouvelles, les cours d'appel ont à nouveau connu un dégonflement de leur stock d'affaires en cours d’environ 2 500 affaires, soit une diminution de 10 % d'un stock global estimé à 241 000 affaires âgées en moyenne de 11,2 mois.

La durée moyenne des affaires terminées par les cours d'appel en 2005 s'établit à 14,2 mois, en réduction de 1,1 mois par rapport à 2004. Cette baisse poursuit la tendance amorcée en 2001 en nette rupture par rapport à l'allongement observé les années précédentes. 25 % des affaires sont traitées en moins de 6,7 mois, la moitié en moins de 12,2 mois et 25 % durent plus de 18,8 mois.

Ce raccourcissement de la durée moyenne de traitement des affaires se vérifie sur les deux tiers des cours d'appel. Il atteint 3,5 mois à Douai et dépasse deux mois dans les cours de Chambéry, Rouen, Grenoble et Limoges. À l’inverse, neuf cours d'appel ont encore vu leur durée s'allonger en 2005 : 1,2 mois à Nîmes, 1,4 mois à Caen et 1 mois à Bastia.

Ÿ  Les tribunaux de grande instance 

À partir de 2004, les données d’activité des TGI comprennent des procédures qui ne faisaient pas auparavant l’objet d’un enregistrement au Répertoire général civil (RGC). Avec la mise en place du nouveau RGC, ces procédures peuvent être identifiées en tant que telles puisqu’elles constituent l’activité de la juridiction au même titre que les affaires traditionnellement prises en compte. Ce changement provoque inévitablement une importante rupture de série en 2004, tant au niveau des flux d’affaires nouvelles et terminées que des durées d’affaires.

En 2005, le nombre d'affaires nouvelles portées devant les TGI s’élève à 953 447 affaires parmi lesquelles se trouvent 115 800 référés et 150 219 ordonnances sur requête.

De 2000 à 2002, la diminution du nombre d'affaires nouvelles portées devant les TGI a été très lente. L’année 2003 a inversé la tendance avec, pour la première fois depuis sept ans, une hausse sensible du nombre d’affaires nouvelles. À champ constant, l’année 2004 semble déjà marquer une pause dans cette évolution. En 2005 le nombre d’affaires portées devant les TGI est quasiment stable (+ 0,1 %). Si l’on exclut les référés et les ordonnances sur requête qui baissent par rapport à 2004, le nombre d’affaires est en hausse de 2,4 %.

L’analyse des affaires nouvelles par famille de contentieux civils est fournie pour 2004 et 2005 à partir des tableaux de bord et du nouveau RGC. Toute comparaison avec les années antérieures est difficile (exception faite du juge aux affaires familiales), voire impossible du fait de la prise en compte de procédures non comptabilisées jusqu’alors :

– avec 368 254 affaires, les contentieux du juge aux affaires familiales sont en hausse de 3,2 % par rapport à 2004 atteignant le niveau le plus élevé des dix dernières années. Cette évolution concerne les ruptures d’union dont le nombre augmente de 3,5 % (185 579 demandes), ainsi que les contentieux hors divorce (+ 3,9 %) qui traitent du droit de visite, de l’autorité parentale et des obligations alimentaires des parents non mariés. En revanche, les contentieux de l’après divorce sont stables ;

– les affaires relatives à l’activité du juge de la liberté et de la détention en matière de rétention administrative des étrangers sont comptabilisées depuis 2004 ; leur nombre s’est accru de façon importante pour atteindre 17 551 affaires en 2005 ;

– les affaires relatives aux procédures de vente et d’expropriation nouvellement prises en compte également se situent un peu en dessous de 12 000 affaires en 2005 ;

– les contentieux de l'exécution s’élèvent à 129 485 affaires ce qui inclut depuis 2004 les ordonnances sur requête (près de 70 000 en 2005), tandis que les ordonnances sur requête du Président s’élèvent à 70 766 ;

– le nombre total de référés est à la baisse avec 115 800 référés nouveaux.

Le nombre d’affaires terminées est en hausse de 3 % en 2005. Son niveau reste inférieur à celui des affaires nouvelles (953 447 affaires nouvelles), ce qui provoque une hausse des affaires en cours de plus de 8 000 affaires. Le stock s’établit en fin d’année à 582 666 affaires avec des affaires âgées en moyenne de 15,5 mois. La durée moyenne de traitement toutes affaires confondues (fond + référé) s’établit à 6,7 mois sachant que cette durée intègre les ordonnances sur requête qui durent en moyenne 6 jours et les référés dont la durée moyenne d’établit à 1,9 mois. Si l’on exclut ces procédures dont le nombre a baissé, les affaires au fond terminées dans l’année présentent une hausse de 5,9 % par rapport à 2004.

Ÿ  Les tribunaux d’instance

En 2005 les tribunaux d’instance ont été saisis de 603 446 nouvelles affaires, soit près de 1 % de moins qu’en 2004. Parmi celles-ci se trouvent 73 154 référés, en baisse de 2,8 %. Cette situation tranche avec la hausse sensible de 2003 et la tendance observée les années précédentes.

L'évolution des principales familles de contentieux civils en 2005 recouvre les mouvements suivants :

– pour la première fois en 2005, les affaires de protection des personnes (tutelle ou curatelle des majeurs, incapacité des mineurs) diminuent (- 1,6 %). Les ouvertures de régime de protection pour les majeurs, stables de 1999 à 2001, en hausse de 2002 à 2004, diminuent pour atteindre 110 181 affaires. Les demandes concernant le fonctionnement des régimes en cours et les ouvertures de régime de protection pour les mineurs sont stables ;

– le contentieux de la responsabilité est en hausse de 4,7 % après une période de stabilité ;

– le contentieux de l’impayé représente 40 % des affaires soumises aux tribunaux d’instance. Sa tendance à la baisse s'était interrompue en 1999-2000 à la suite du relèvement du seuil de compétence des tribunaux d’instance. Ce mouvement ne s'est pas ralenti et la hausse a continué jusqu’en 2004 (+ 3,4 %). L'année 2005 marque donc une inversion de tendance avec une baisse de 2,7 %. Cette tendance s’observe dans tous les domaines à l’exception des prêts bancaires dont le nombre est resté stable. La diminution de ce contentieux de l’impayé doit être rapprochée de celle des référés dans le même domaine (60 000 référés, soit 4,7 % de moins), et surtout de celle des injonctions de payer qui baissent également de 4 % ;

– les autres contentieux civils restent stables même si on observe une hausse dans le domaine du droit des contrats ;

– concernant le contentieux de l'exécution, l'année 2005 confirme la tendance de 2004 : les dossiers de rétablissement personnel progressent pour atteindre un volume de 13 624 affaires.

Le nombre d'affaires terminées par les tribunaux d'instance en 2005 ressort à 589 736 en hausse de 1,5 %, dont plus de 73 000 référés (- 2,8 %). Cette évolution est dans la lignée de ce qui a été observé ces trois dernières années.

Malgré cette évolution positive du nombre d’affaires terminées, leur niveau est resté en dessous de celui des affaires nouvelles. Le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 2005 (472 796 affaires) s'est donc accru mécaniquement de 13 710 affaires par rapport à l'année précédente.

La durée moyenne de toutes les affaires terminées en 2005 par les tribunaux d'instance s'est établie, comme les années précédentes, à 4,7 mois. Parmi celles-ci, les référés sont traités en 3,1 mois. Cette durée moyenne recouvre l'éventail suivant : 25 % des affaires terminées par les tribunaux d'instance l'ont été en moins de 1,9 mois ; 50 % l'ont été en moins de 3,4 mois ; en revanche 25 % des affaires ont été terminées en plus de 5,8 mois.

Ÿ  Les juridictions de proximité

En 2003, 199 candidatures avaient été soumises au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et un seul décret de nomination était intervenu, le 19 septembre 2003, portant nomination de 19 juges de proximité.

En 2004, le rythme de traitement des candidatures s’est accéléré : le CSM s’était réuni à trois reprises, aux mois de mars, juin et novembre ; il s’était prononcé sur 488 candidatures. Six décrets de nominations relatifs à 337 juges de proximité étaient intervenus.

En 2005, le CSM a été saisi à trois reprises, en janvier, juillet et novembre, de propositions de nomination de juges de proximité. La durée du stage - jugée insuffisante par le groupe de travail sur la justice de proximité, dont le rapport a été remis au garde des Sceaux le 23 novembre 2005 -, et le degré d’exigence requis des candidats par le CSM ont conduit à une sélection ab initio particulièrement rigoureuse des candidatures. C’est ainsi que le recrutement proposé a été restreint à certaines catégories de candidats plus particulièrement formés à la pratique judiciaire et présentant un profil plus homogène : professions libérales juridiques et judiciaires et anciens magistrats de l’ordre judiciaire. Les promotions ont été réduites de moitié par rapport à l’année 2004. Sept décrets portant nomination de 197 juges de proximité sont intervenus en 2005. Au 31 décembre 2005, 456 juges de proximité avaient été installés dans leurs fonctions depuis le début de la programmation.

Pour cette même année, le nombre de renonciations ou de démissions des fonctions de juge de proximité se décompose de la manière suivante :

– 47 postulants ont retiré leur candidature après avoir été soumis par le CSM à un stage probatoire, avant ou postérieurement au suivi de celui-ci ;

– 18 juges de proximité ont démissionné après la parution du décret de nomination, 10 avant leur installation dans leurs fonctions, et 8 postérieurement à celle-ci. Les raisons invoquées sont majoritairement d’ordre professionnel ou personnel (défaut ou insuffisance de disponibilité, maladie) ; viennent ensuite les raisons liées aux mauvaises conditions d’exercice professionnel (ambiance de travail et non remboursement des frais de déplacement (2)) et parfois à des difficultés d’adaptation au milieu judiciaire. À ces motifs s’ajoute, pour les candidats aux fonctions de juge de proximité soumis par le CSM à un stage probatoire, la crainte d’une insuffisance de connaissances juridiques ou de compétence.

En 2006, le CSM s’est réuni à deux reprises au cours du premier semestre pour statuer sur les 10 nouvelles candidatures qui lui étaient soumises, constituées, à une exception près, d’anciens magistrats de l’ordre judiciaire. Deux décrets de nomination sont intervenus concernant huit juges de proximité.

Au total, au 30 juin 2006, 976 candidatures ont été soumises au CSM. L’effectif total des juges de proximité en fonction s’élevait à cette date à 530, installés dans 325 juridictions de proximité, soit dans 68 % de l’ensemble des juridictions à pourvoir de métropole et des départements d’outre-mer (476 juridictions de proximité). Sept candidats effectuaient leur stage préalable et 53 candidats suivaient une formation probatoire.

L’activité civile de la justice et des juges de proximité après l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 2005 a connu une évolution sensible : les audiences sont devenues nettement plus nombreuses à partir de mars 2005 (à titre d’exemple, le nombre de juges de proximité ne tenant qu’une audience tous les 2 mois est passé de 23 % à 9 %) et le nombre moyen d’affaires retenues par audience est passé, quant à lui, de 7,6 à 11,4.

Les statistiques nationales confirment la très nette progression de l’activité civile de la juridiction de proximité : le nombre des affaires nouvelles est ainsi passé de 18 518 pour 2004 à 77 550 pour 2005, soit une augmentation de plus de 400 %. Pour sa part, le pourcentage des affaires relevant de la compétence de la juridiction de proximité est passé de 3,47 % à 14,62 %. Dans le même temps, le nombre des affaires terminées est passé de 15 264 à 52 276, soit une augmentation de plus de 240 %. Il représente ainsi 10,12 % du nombre d’affaires civiles jugées tant par les tribunaux d’instance que les juridictions de proximité, au lieu de 3,02 % en 2004.

Avec 598 804 condamnations inscrites au Casier judiciaire national, les condamnations prononcées en 2004 remontent de plus de 8 % par rapport à 2003, atteignant le niveau le plus élevé de la période. La plus forte hausse concerne les condamnations prononcées par les juridictions de mineurs (+ 28 % d’inscriptions pour les tribunaux pour enfants et + 30 % pour les juges des enfants). Cette augmentation pourrait être due à la persistance d’un « effet amnistie » sur les données 2003 mais aussi à un meilleur enregistrement au Casier judiciaire des condamnations prononcées par ces juridictions.

Durant les dix dernières années, la durée moyenne des procédures pénales a été à peu près stable oscillant entre 10,3 mois et 11,5 mois. Elle se situe en 2004 à 11,4 mois.

En matière criminelle (toutes juridictions confondues), le délai imputable à l'institution judiciaire a été de 36,4 mois (24,8 mois pour l'instruction et 11,6 mois pour l'audiencement) en hausse par rapport à 2003 (34,8 mois). La possibilité d’interjeter appel des décisions des cours d’assises depuis le 1er janvier 2001 peut avoir entraîné une augmentation de la durée globale, la durée de la procédure en appel s’ajoutant à celle de première instance pour une part non négligeable des affaires.

La durée moyenne des procédures délictuelles est quasiment constante depuis 1999 et tourne autour de 11 mois. Les condamnations en matière de stupéfiants sont prononcées après 16,7 mois de procédure du fait d’un recours fréquent à l’instruction. À l’inverse les infractions de circulation routière et à la police des étrangers sont jugées beaucoup plus rapidement (respectivement 5,1 mois et 6,9 mois) grâce à l’utilisation de modes de comparution rapides.

Enfin la durée de traitement des contraventions de 5e classe a nettement augmenté pour s'établir à 10,3 mois en 2004, soit une durée presque aussi longue que pour le jugement des délits.

DURÉE MOYENNE EN MOIS DES PROCÉDURES PÉNALES
AYANT ABOUTI À UNE CONDAMNATION
 (1)

 

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Toutes condamnations

10,7

10,8

10,8

11,1

11,2

10,7

11,4

Crimes

30,2

31,7

30,6

30,9

33,8

34,8

36,4

Délits

10,9

11,0

11,0

11,2

11,3

11,0

11,4

dont : Vol, recel

9,2

9,5

9,4

9,7

9,3

8,9

10,0

Circulation routière

3,8

3,8

3,7

4,0

4,5

4,8

5,1

Stupéfiants

18,7

18,6

17,9

18,7

17,4

16,5

16,7

Étrangers

8,1

6,8

5,7

6,2

5,2

5,4

6,9

Contraventions de 5e classe

8,7

8,6

9,1

9,5

9,2

8,5

10,3

dont : Circulation routière

7,2

7,3

8,1

8,6

8,4

8,1

9,8

Environnement

9,8

9,8

10,4

10,5

9,4

7,7

10,1

Coups et blessures volontaires

9,0

9,5

9,8

10,2

8,5

7,0

9,4

(1) Sauf pour les crimes, les durées sont calculées par différence entre la date de la condamnation définitive et celle des faits.

Source : ministère de la Justice

Ÿ  Le parquet

En 2005, 5 155 566 plaintes, dénonciations et procès-verbaux sont parvenus aux parquets, soit une baisse de 4,5 % par rapport à 2004. Cette baisse des affaires pénales reçues par les parquets est plus forte sur les affaires avec auteur inconnu (- 6,5 %) que sur les affaires avec auteur connu (- 1,4 %). Ainsi, pour la troisième année consécutive, on observe une augmentation de la part des affaires élucidées parvenant au parquet (35 % en 2002 et 40 % en 2005).

Parmi les procédures traitées par les parquets, certaines n'ont pu donner lieu à poursuites :

– en premier lieu et pour une petite partie, l'examen a montré que l'infraction n'était pas constituée, ou que les charges contre les personnes mises en cause étaient insuffisantes, ou encore que des motifs juridiques faisaient obstacle à la poursuite : 408 711 affaires ont été dans ce cas en 2005 (1,9 % de plus qu'en 2004), soit 8,4 % des affaires traitées ;

– en second lieu et en majeure partie, l'auteur de l'infraction n'avait pas été identifié par les services de police ou de gendarmerie : 2 973 845 affaires traitées étaient non élucidées (5,5 % de moins qu'en 2004), ce qui représentait 61,4 % des affaires traitées.

Déduction faite de ces procédures, 1 462 429 affaires ont été susceptibles de recevoir une réponse pénale, soit 30,2 % des affaires traitées par les parquets au cours de l'année. Ce volume, en quasi-stagnation, a représenté une part des affaires traitées par les parquets plus élevée qu'en 2004. Globalement depuis 1997, le nombre d’affaires poursuivables s’est accru régulièrement chaque année.

Une réponse pénale a été donnée à 77,9 % de ces affaires poursuivables, soit une proportion à nouveau supérieure de plus de deux points à celle de l'année précédente (74,8 %) et de 14 points par rapport à 1997. Cette réponse pénale a pris trois formes : la poursuite devant une juridiction de jugement ou d'instruction, la composition pénale ou la mise en œuvre d'une procédure alternative aux poursuites :

– 677 632 procédures pénales ont donné lieu à poursuite judiciaire en 2005. Ce chiffre, le plus élevé de la période, est en légère augmentation par rapport à 2004 (+ 0,5 %). La part des poursuites dans la réponse pénale s’est également stabilisée en 2005 (46,3 %) ;

– 421 169 affaires poursuivables ont donné lieu à une procédure alternative réussie. Cette forme de réponse judiciaire reste en progression (+ 8,3 % par rapport à 2004). Sa part s'est encore accrue puisqu'elle s'est appliquée à 28,8 % des affaires poursuivables (26,7 % en 2004 et 19,3 % en 2000) ;

– les 40 034 compositions pénales réussies constituent, depuis 2001, le troisième pan de la réponse pénale. Cette procédure s’est appliquée à 2,7 % des affaires poursuivables en 2005.

Le reste des affaires poursuivables traitées, soit 323 594 affaires (11,7 % de moins qu'en 2004), n'a fait l'objet d'aucune réponse de la part de l'institution judiciaire : ces affaires ont été classées sans suite pour inopportunité des poursuites. Ce nombre, le plus faible enregistré depuis 1998, aboutit à un taux de classement de 22,1 %, en baisse de 3 points par rapport à 2004 (il tournait autour de 35 % en 1998).

Au total, l'année 2005 s'est caractérisée par une faible augmentation des poursuites judiciaires (+ 0,5 %) ; par le maintien d’une forte progression des procédures alternatives réussies (+ 8,3 %) et des compositions pénales (+ 55 %) ; par la diminution des classements d'affaires (- 11,7 %), le tout appliqué à un volume d'affaires poursuivables stable (+ 0,5 %).

ORIENTATIONS DES AFFAIRES POURSUIVABLES

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Procès-verbaux, plaintes et dénonciations reçus

5 007 674

5 385 826

5 501 481

5 309 811

5 399 181

5 155 566

dont auteur connu

1 866 401

1 887 648

1 915 630

2 006 448

2 111 126

2 080 684

Transmissions à d’autres juridictions

224 434

229 562

232 185

231 510

228 274

221 615

Variation du stock d’affaires en attente

+ 171 857

+ 211 543

+ 185 832

+ 69 577

+166 112

+88 966

Affaires pénales traitées par les parquets

4 611 383

4 944 721

5 083 465

5 008 724

5 004 795

4 844 985

Affaires non poursuivables

3 318 575

3 616 873

3 733 384

3 624 581

3 549 138

3 382 556

— absence d’infraction, charges insuffisantes, motif juridique

321 255

324 618

380 023

381 285

401 241

408 711

— défaut d’élucidation

2 997 320

3 292 255

3 353 361

3 243 296

3 147 897

2 973 845

Affaires poursuivables

1 292 808

1 327 848

1 350 081

1 384 143

1 455 657

1 462 429

Part des affaires traitées (%)

28,0

26,9

26,6

27,6

29,1

30,2

— Poursuites

628 065

621 866

624 335

654 579

674 522

677 632

Part des affaires poursuivables (%)

48,6

46,8

46,2

47,3

46,3

46,3

— Procédures alternatives réussies

250 051

269 996

289 485

328 905

388 944

421 169

Part des affaires poursuivables (%)

19,3

20,3

21,4

23,8

26,7

28,8

— Composition pénale

1 511

6 755

14 785

25 777

40 034

Part des affaires poursuivables (%)

 

0,1

0,5

1,1

1,8

2,7

— Classements sans suite

414 692

434 475

429 506

385 874

366 414

323 594

Part des affaires poursuivables (%)

32,1

32,7

31,8

27,9

25,2

22,1

Taux de réponse pénale

67,9

67,3

68,2

72,1

74,8

77,9

Source : cadres du parquet.

Ÿ  La Cour de cassation 

Le volume d'affaires pénales nouvelles soumises à la Cour de cassation s’est quasiment stabilisé en 2005  (- 0,7 %), infléchissant la tendance à la baisse observée depuis 2001. Le nombre d'arrêts rendus par la Cour de cassation s'est établi à 7 826 décisions, soit 3,7 % de moins qu'en 2004.

Comme en matière civile, la procédure de filtrage instituée par la loi organique du 25 juin 2001 permet à la cour de déclarer « non admis » les pourvois irrecevables ou non fondés sur un moyen sérieux de cassation. Depuis 2002 les affaires en non-admission représentent environ la moitié des décisions rendues, part qui semble en légère augmentation (52,6 % en 2005). Ces non-admissions viennent diminuer d'autant les décisions de rejet, d’irrecevabilité et les autres décisions.

Les arrêts de cassation prononcés en matière pénale (413) représentent le même volume qu’en 2004, mais compte tenu de la baisse du nombre total de décisions rendues ils ont constitué 5,3 % de l’ensemble des décisions et 11,1 % des seules affaires soumises à la chambre (non-admission exceptée), soit des parts en augmentation constante depuis 2002.

Ÿ  Les cours d’appel

En 2005, les chambres des appels correctionnels ont été saisies de 50 894 affaires, ce qui constitue une baisse de 1,6 % par rapport à 2004. Avec 51 557 arrêts rendus, le volume des affaires terminées s’est au contraire stabilisé. Malgré un nombre d’affaires terminées supérieur à celui des affaires nouvelles, le stock d’affaires en cours au 31 décembre s’est légèrement accru. Ce décalage s’explique sans doute par le fait qu’un arrêt rendu ne termine pas nécessairement l’affaire, en particulier sur les intérêts civils, une même affaire pouvant ainsi donner lieu à plusieurs arrêts. Le stock en fin d’année (27 419 affaires) représentait 6,4 mois d’activité.

De leur côté, les chambres de l’instruction ont rendu 39 513 arrêts, soit une diminution de 4,2 % par rapport à 2004. Cette évolution compense un peu l’augmentation importante observée depuis 2002. Le niveau atteint reste néanmoins supérieur à celui observé les années précédentes.

Les arrêts en matière criminelle ont cessé de diminuer ; les arrêts statuant sur la détention provisoire ou sur le contrôle judiciaire ont baissé de 15 % ; en revanche, ceux statuant sur appel des décisions des juges d’instruction ont augmenté de plus de 60 %.

Ÿ  Les tribunaux correctionnels

Le nombre de jugements portant condamnation ou relaxe rendus par les tribunaux correctionnels (389 209) est en baisse sensible par rapport à 2004, baisse largement compensée par un doublement des ordonnances pénales (88 000) et une augmentation encore plus massive des ordonnances d’homologation dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (plus de 20 000). Si l’on considère l’ensemble de ces décisions, ce sont 10 % de jugements supplémentaires en 2005.

Cette hausse d’activité est la traduction de l'augmentation du nombre d’affaires transmises par les parquets (+ 11 %).

Dans ces jugements :

– 494 000 personnes physiques ont été soit condamnées (472 500), soit relaxées (21 500), ce qui aboutit à un taux de relaxe de 4,3 %, plutôt orienté à la hausse sur la période ;

– 1 468 personnes morales ont été soit condamnées (1 065), soit relaxées (403), ce qui aboutit à un taux de relaxe de 27 % très éloigné de celui des personnes physiques ;

– 88 192 ordonnances pénales ont condamné 87 912 personnes et relaxé 280 soit un taux de relaxe dérisoire de 0,3 %.

Globalement les condamnations correctionnelles qui dépassent les 560 000 en 2005 ont augmenté de plus de 11 % par rapport à 2004.

Les autres décisions des tribunaux correctionnels (jugements sur intérêts civils essentiellement) se sont élevées à 38 000, ce qui représente une nouvelle baisse de plus de 16 % par rapport à 2004.

Ÿ  Les tribunaux de police

11,8 millions de procédures ont été transmises aux officiers du ministère public en 2004, soit une baisse de 1,8 % par rapport à 2004. Les amendes forfaitaires impayées constituent l'essentiel de ces procédures.

Avec un million d’affaires classées, les classements sans suite ont diminué d’un tiers, pour revenir à un niveau comparable à celui de 2003, en rupture avec la forte hausse enregistrée au moment de l’amnistie de 2002 (2,4 millions de classements sans suite en 2001 et 2002).

Par ailleurs, les amendes forfaitaires majorées sont restées en dessous de la barre des 10 millions, comme en 2004, et elles ont représenté une part à peu près équivalente des amendes forfaitaires impayées (88 %).

Les décisions de poursuite devant les tribunaux de police ont encore diminué après la fin du transfert de compétence vers les juridictions de proximité. Ainsi, seulement 22 000 affaires ont été poursuivies devant les tribunaux de police, soit une baisse de 73 % par rapport à 2004.

En corollaire, les affaires traitées par les tribunaux de police ont baissé de moitié, mais cette baisse est plus marquée pour les décisions concernant les contraventions des quatre premières classes que pour celles de 5e classe.

Ainsi, les jugements des quatre premières classes rendus par les tribunaux de police ont baissé de 55 % et les jugements de 5e classe de 17 %. En 2005, l’ensemble des jugements n’atteint pas 50 000 alors qu’il dépassait 200 000 en 2003.

Les ordonnances pénales ont baissé encore plus nettement et là encore de façon plus marquée pour les contraventions des quatre premières classes (- 66 %), que pour les contraventions de 5e classe (- 48 %).

Toutes procédures et juridictions confondues, les condamnations pour contravention de 5classe ont diminué de 39 % en 2005, et celles des quatre premières classes de 20 %.

Ÿ  Les juridictions de proximité

Depuis la loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005, la juridiction de proximité est compétente pour juger les contraventions des quatre premières classes à l’exception des contraventions de diffamation et d’injure non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire (décret n° 2005-284 du 25 mars 2005), le tribunal de police ayant compétence pour juger toutes les contraventions de la 5e classe.

Pour apprécier l’impact définitif de la réforme, il conviendra d’attendre les statistiques à la fin de l’année 2006, dans la mesure où les nouvelles dispositions législatives ne sont entrées en vigueur que pour les citations délivrées à compter du 1er avril 2005.

Néanmoins, d’après l’étude réalisée (3)par M. Pascal Lemoine, conseiller référendaire à la chambre criminelle de la Cour de cassation, depuis le 17 février 2004, date à laquelle la chambre criminelle a statué pour la première fois sur un pourvoi formé contre une décision d’une juridiction de proximité, seules 8 décisions rendues par des juges de proximité ont fait l’objet d’une censure sur les 187 qui ont été frappées de pourvoi. À la lecture de ces décisions, on observe que les motifs de cassation sont identiques à ceux qui fondaient, jusqu’à présent, la censure des décisions rendues par les juges de police : 2 cassations étaient motivées par une absence ou une insuffisance de motifs ; 3 par une interprétation erronée des dispositions de l’article 537 du code de procédure pénale relatives à la force probante des procès-verbaux ; 2 par un défaut de réponse à la demande du prévenu absent qui soit sollicitait un renvoi de l’examen de l’affaire à une audience ultérieure, soit avait soulevé des exceptions de nullité de la procédure ; et 1 par une question de pure procédure. La montée en charge progressive des juridictions de proximité constituées de magistrats non professionnels, choisis au terme d’une sélection rigoureuse, n’a donc pas entraîné d’augmentation du nombre des cassations, ni affecté la qualité des décisions rendues par ces juridictions.

Au cours de l’année 2005, le nombre d’affaires ayant fait l’objet d’une décision de poursuite devant les juridictions de proximité s’est élevé à 243 910 suivant la procédure d’ordonnance pénale et à 132 155 suivant la procédure de citation directe ou de convocation. Dans le même temps, les tribunaux de police ont été saisis de 13 607 affaires suivant la procédure d’ordonnance pénale et de 8 557 affaires suivant la procédure de citation directe ou de convocation. Ainsi, 94,5 % des contraventions de police ont relevé de la compétence des juridictions de proximité.

PART DES JURIDICTIONS DE PROXIMITÉ DANS LE CONTENTIEUX PÉNAL EN 2005

Nature des affaires

Tribunal de police

Juridictions de proximité

Ordonnances pénales 4e et 5e classes

62 598

(23,24 %)

206 680

(76,75 %)

Nbre de jugements hors intérêts civils

43 823

(27,9 %)

112 971

(72 %)

Nbre de jugements sur intérêts civils

2 190

(73,5 %)

789

(26,5 %)

TOTAL

108 611

(25,3 %)

320 440

(74,6 %)

Source : ministère de la Justice

Suite à l’affaire d’Outreau et des recommandations émises par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, le garde des Sceaux a lancé une réforme de la procédure pénale autour de trois principaux objectifs :

– assurer la cohérence de l’organisation territoriale de l’instruction afin de favoriser le travail en équipe ;

– améliorer le contrôle de la chambre de l’instruction sur le déroulement des informations et sur la détention provisoire ;

– renforcer le caractère contradictoire des expertises.

Le coût de cette réforme pour 2007 est estimé à 27,7 millions d’euros, imputables sur le programme « Justice judiciaire », auxquels s’ajoutent 141 500 euros destinés au renforcement du caractère contradictoire des expertises et relevant du programme « Accès au droit et à la justice ». L’impact de la réforme sur les années suivantes est retracé dans le tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DE L’IMPACT DE LA RÉFORME DE LA PROCÉDURE PÉNALE
SUR LE PROGRAMME « JUSTICE JUDICIAIRE »

 

2007

2008

2009

2010

Emplois

18.962.233 €

Le ministère finançant par ailleurs 710.000 €

26.943.620 €

dont 4.271.387 €
de mesures nouvelles

26.943.620 €

26.943.620 €

Fonctionnement
Avec enregistrement auditions

650.658 €

1.007.580 €

dont 356.922 €
de mesures nouvelles

1.007.580 €

1.007.580 €

Premier équipement

4.354.800 €

/

/

/

Investissement

3.052.000 €

6.104.000 €

3.052.000 €

/

Locations pérennes

240.750 €

294.300 €

dont 53.550 €
de mesures nouvelles

294.300 €

294.300 €

Locations transitoires

481.500 €

588.600 €

dont 107.100 €
de mesures nouvelles

588.600 €

/

Total

27.741.941 €

34.938.100 €

dont 4.788.959 €
de mesures nouvelles

31.886.100 €

28.245.500 €

Source : ministère de la Justice

Les dispositions permettant la co-saisine de juges d’instructions sont actuellement inadaptées, à la fois parce qu’elles ne peuvent être mises en œuvre sans l’accord du magistrat premier saisi, et, surtout, parce qu’elles sont dans les faits inapplicables dans la trentaine de juridictions dans lesquelles il n’existe qu’un seul juge d’instruction.

C’est pourquoi il est envisagé, sans revenir sur la présence d’au moins un juge d’instruction par tribunal de grande instance, de créer dans certaines juridictions des pôles de l’instruction, qui comporteraient plusieurs magistrats et dont la compétence territoriale pourrait, pour certaines affaires, excéder celle du tribunal de grande instance. Ces pôles seraient ainsi compétents en matière de crime, ainsi que pour les informations faisant l’objet d’une co-saisine. Seule une partie des informations suivies dans des tribunaux dans lesquels il n’y a qu’un seul juge d’instruction serait dès lors transférée aux juges des pôles de l’instruction.

Ces pôles permettraient d’assurer l’effectivité de co-saisine, qui pourrait être décidée, notamment à la demande des parties, par le président de la chambre de l’instruction même sans l’accord du magistrat initialement saisi, tant pour les affaires concernant des crimes, mais également pour toutes les affaires correctionnelles présentant une particulière complexité.

La création de ces pôles et l’extension des co-saisines permettraient par ailleurs de confier les affaires les plus complexes à des juges expérimentés, et de faire travailler les nouveaux juges d’instruction avec les plus anciens.

La mise en place de ces pôles améliorerait de surcroît la spécialisation des magistrats instructeurs, qui seraient ainsi habitués à prendre en charge les affaires les plus complexes, dans le prolongement du mouvement entrepris depuis plusieurs années avec la création des juridictions d’instruction spécialisées en matière d’affaires économiques et financières, de terrorisme et de santé publique, puis dernièrement avec la création des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) compétentes en matière de criminalité organisée.

Ces pôles permettraient enfin une meilleure répartition des moyens matériels, notamment en matière de visioconférence et d’enregistrement audiovisuel des auditions. Ils permettraient en particulier la généralisation des secrétariats communs de l’instruction et la mise en place de matériels spécifiquement dédiés à la reprographie des dossiers pour les avocats.

L’instauration des 125 pôles envisagés supposerait :

– la création de 28 nouveaux magistrats instructeurs dont 15 magistrats du 1er grade ;

– la création de 39 emplois de greffe (28 emplois de greffiers et 11 emplois de catégorie C) ;

– une augmentation annuelle des coûts de fonctionnement estimée à 470 265 euros ;

– 1 785 m² de surfaces supplémentaires (locations et/ou nouvelles opérations de restructuration extension).

Ce volet induirait :

– la création de 42 postes de magistrats (6 emplois de président de chambre et 36 emplois du 1er grade), de 63 emplois de fonctionnaires (45 greffiers et 18 postes de fonctionnaires de catégorie C) ;

– une augmentation annuelle des coûts de fonctionnement estimée à 537 315 euros ;

– la mise à disposition de 1 485 m² de surfaces supplémentaires (locations et/ou nouvelles opérations de restructuration extension).

Par ailleurs, les coûts d’équipement induits par la réforme ont été évalués à 4 354 800 euros dont :

– 722 400 euros pour l’installation des 70 magistrats et 102 fonctionnaires de greffe ;

– 1 600 000 euros pour l’équipement des pôles de l’instruction et des chambres de l’instruction en matériels de visioconférence générateurs d’économies d’escortes ;

– 920 000 euros pour l’équipement en matériels de numérisation de 46 pôles de l’instruction ;

– 1 112 400 euros pour l’équipement des cabinets d’instruction en matériels d’enregistrement des auditions par le juge d’instruction.

La mise en œuvre de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs a conduit la Chancellerie à élaborer un plan d’acquisition des matériels vidéo et d’aménagement des locaux au cours des exercices 1999 et 2000 sur l’ensemble des juridictions. C’est ainsi que 178 équipements de matériels audiovisuels destinés à l’enregistrement des déclarations des mineurs victimes d’infractions sexuelles ont été installés dans les tribunaux de grande instance et les cours d’appel.

Afin de renouveler le matériel d’enregistrement sur l’ensemble des sites et de le remplacer par du matériel plus simple d’utilisation, plus accessible et en plus grand nombre, une expérimentation a été conduite au cours du second semestre de l’année 2006 dans huit cabinets d’instruction. Un montant de 250 000 euros a été sollicité au projet de budget pour 2007.

Le programme « Justice judiciaire » comprend 30 301 « équivalents temps plein travaillé » (ETPT) (contre 29 475 en 2006), dont 7 714 magistrats, 2 038 fonctionnaires de catégorie A+ ou A, 8 861 fonctionnaires de catégorie B (99 % sont des greffiers) et 11 688 fonctionnaires de catégorie C.

Ce plafond d’emplois comprend le transfert de 660 ETPT depuis le programme « Accès au droit et à la justice » et de 5 ETPT vers le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice et organismes rattachés ». À structure constante, le nombre d’ETPT augmente de 5,8 %.

Les hypothèses de sorties concernent 583 agents, soit un coût global indiciaire et indemnitaire de 11,6 millions d’euros. Ces départs définitifs se décomposent en 125 magistrats, 30 fonctionnaires de catégorie A+ ou A, 180 fonctionnaires de catégorie B et 248 fonctionnaires de catégorie C.

Pour 2007, 834 entrées sont prévues. Les hypothèses de recrutement sont les suivantes : 285 magistrats, 31 greffiers en chef, 170 greffiers et 348 agents de catégorie C.

Le solde entre les entrées et les sorties s’établit à 251 entrées nettes, soit une variation de 171 ETPT entre 2006 et 2007, dont 100 correspondaient aux extensions en année pleine des créations de 2006.

ÉVOLUTION DES EMPLOIS EN ÉQUIVALENT TEMPS PLEIN

 

2006

2007

Progression

Crédits demandés pour 2007

Magistrats de l’ordre judiciaire

7 600

7 714

+ 114

814 383 942

Personnels d’encadrement

1 992

2 038

+ 46

123 987 640

Personnel de greffe, d’insertion et éducatifs (cat B+)

8 562

8 804

+ 242

396 580 586

Personnels administratifs et techniques de catégorie B

56

57

+ 1

2 407 531

Personnels administratifs et techniques de catégorie C type

11 265

11 688

+ 423

435 620 610

TOTAL

29 475

30 301

+ 826

1 772 980 309

Source : projet de loi de finances pour 2007

ÉTAT DES EFFECTIFS DE MAGISTRATS
(au 1er septembre 2006)

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

A. Magistrats occupant un poste budgétaire :

7134

7290

7541

7742

7902

8055

B  – Magistrats en détachement

253

226

221

245

218

221

C – Magistrats en congé de longue durée

23

17

16

21

20

25

D – Magistrats en congé parental

23

19

21

15

7

11

E – Magistrats en disponibilité

81

76

77

79

71

80

F – Magistrats en activité

6754

6952

7206

7382

7586

7718

G. Magistrats maintenus en activité en surnombre

58

53

49

50

47

50

H. Effectifs réels des magistrats en activité (F+G)

6812

7005

7255

7432

7633

7768

Effectifs budgétaires

7027

7344

7523

7675

7801

N.R

Postes vacants(1)

273

392

317

293

215

N.R

(1) Postes vacants = Effectifs budgétaires – Magistrats en activité + Ajustements liés aux emplois à temps partiel.

Source : ministère de la Justice

ÉVOLUTION DEPUIS 1993 DES EFFECTIFS RÉELS DE FONCTIONNAIRES
DES SERVICES JUDICIAIRES

Catégorie de
fonctionnaires

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Greffiers en chef

1 507

1 530

1 586

1 620

1 591

1 572

1 613

1 668

1 751

1 680

1 827

1 805

1 775

1 845

Greffiers

4 850

5 113

5 586

6 002

6 072

6 060

6 581

6 918

7 699

7 696

8 500

8 722

8 904

8 736

Personnel de catégorie C(1)

11 547

11 345

11 153

10 972

11 037

11 250

11 526

11 855

12.066

11 899

11 695

11 811

11 679

10 433

TOTAL

17 904

17 988

18 325

18 594

18 700

18 882

19 720

20 441

21 516

21 275

22 022

22 338

22 358

21 014

(1) Personnels de bureau + personnels techniques

Source : ministère de la Justice

Le rapporteur appelle l’attention sur la détérioration du ratio entre le nombre de magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. Ce ratio est passé de 2,87 en 1992 à 2,63 en 2005 (cf. tableau ci-dessous), alors que les missions confiées à la justice ont été, dans cet intervalle, profondément alourdies. Les créations de postes de magistrats n’ont pas été accompagnées de créations correspondantes en postes de fonctionnaires. Or, un magistrat a besoin d’aide à la décision, les fonctionnaires des services judiciaires jouant un rôle essentiel dans le fonctionnement de la justice.

ÉVOLUTION DU RATIO ENTRE LE NOMBRE DE MAGISTRATS
ET CELUI DES FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Magistrats

5 903

5 928

5 974

6 029

6 087

6 117

6 187

6 327

6 539

6 846

7 144

7 294

7 434

7 525

Fonctionnaires (1)

16 928

16 916

16 903

16 926

17 392

17 460

17 686

17 819

17 966

18 172

18 665

19 125

19 757

19 841

Ratio

2,87

2,85

2,83

2,81

2,86

2,85

2,86

2,82

2,75

2,65

2,62

2,62

2,66

2,63

(1) greffiers en chef, les greffiers, les agents de catégorie C chargés de fonctions administratives, à l’exclusion des agents de catégorie C-technique

Source : ministère de la justice

En particulier, les greffes sont indéniablement dans une situation très tendue dont M. Renaud Chazal de Mauriac, Premier Président de la Cour d'appel de Paris, s’est fait l’écho le 10 octobre dernier, lors de l'audience solennelle d'installation du Procureur Général près la Cour d'appel de Paris. Seul le très fort dévouement au service public des fonctionnaires permet de maintenir l’équilibre fragile dans lequel se trouvent les juridictions.

Par ailleurs, les juges de l’application des peines doivent faire face à une progression importante de leur activité. Leurs attributions ont été très sensiblement renforcées du fait des dernières réformes de la procédure pénale. De 2001 à 2004, les peines d'emprisonnement assorties d'un sursis avec mise à l'épreuve ont progressé de 20,8 %, tandis que les peines d'emprisonnement prononcées avec sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général inscrites au casier judiciaire augmentaient de 12 %, et les mesures de travail d'intérêt général de 18,9 %. En prenant pour référence le nombre de condamnés détenus au 1er janvier 2006, soit 38 612 personnes, les 352 magistrats chargés de l’application des peines suivent, en moyenne, 110 détenus.

Le total des crédits de personnel prévus pour la justice judiciaire atteint 1 772,98 millions d’euros répartis de la manière suivante :

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE PERSONNEL

(en millions d’euros)

Magistrats

814,38

Encadrement

123,98

Catégorie B+

396,58

Catégorie B

2,4

Catégorie C

435,62

Source : projet de loi de finances pour 2007

Ce budget a été construit sur l’hypothèse d’une valeur du point de 53,9795 euros le 1er janvier 2007 et de 54,2494 le 1er février 2007. La valeur moyenne du point en 2007 est ainsi en progression de 0,71 % par rapport à la moyenne annuelle en 2006.

Les mesures catégorielles inscrites dans le projet de budget se limitent à la prise en compte de l’accord sur l’amélioration des carrières conclu dans la fonction publique le 25 janvier 2006 pour un montant de 0,43 million d’euros hors charges.

Ÿ L’évolution du régime indemnitaire des magistrats

Après avoir été fortement réévalués de 1988 à 1996 – les mesures inscrites en lois de finances pour 1988, 1990, 1991, 1994, 1995 et 1996 ont permis de faire passer le taux indemnitaire des magistrats de l’ordre judiciaire de 19 % en 1987 à près de 37 % en 1996 –, les taux indemnitaires des magistrats sont restés inchangés de 1997 à 2002, alors que dans le même temps les régimes indemnitaires des magistrats de l’ordre administratif ont bénéficié de revalorisations successives.

Afin d’assurer aux magistrats de l’ordre judiciaire un régime indemnitaire à la hauteur des responsabilités importantes et des fortes sujétions de service qui sont les leurs, le garde des Sceaux a initié dès 2003 un effort significatif de revalorisation, avec pour objectif une parité avec les magistrats des juridictions administratives et financières.

Cette revalorisation s’est accompagnée, depuis le 1er janvier 2004, d’une nouvelle modification du régime indemnitaire des magistrats par une série de textes indemnitaires publiés au Journal officiel du 30 décembre 2003 comportant notamment l’instauration d’une modulation partielle de ce régime. En effet, le 1er octobre 2004, la part modulable du régime indemnitaire a été revalorisée de 4 %. Cette part a été à nouveau revalorisée de 1 % à compter du 1er octobre 2005 par des arrêtés du 8 septembre 2005.

La prime modulable est attribuée aux magistrats concernés en fonction de leur contribution au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions dans les juridictions du premier degré ou pour les magistrats de cours d’appel, l’attribution de cette prime modulable est gérée de manière déconcentrée au niveau des cours d’appel. Elle repose sur l’identification d’enveloppes régionales par cour d’appel, distinguant le siège et le parquet, réparties par décision de chaque chef de cour au profit des magistrats du ressort, sur proposition du chef de juridiction sous l’autorité duquel est placé le magistrat pour ceux affectés dans une juridiction du premier degré. Les enveloppes régionales sont globales et ne peuvent faire l’objet d’une subdélégation.

Le taux moyen de cette prime est fixé à 9 % du traitement indiciaire brut et le taux maximal d’attribution individuelle à 15 %. Le taux de la prime modulable versée aux chefs des cours d’appel et des tribunaux supérieurs d’appel ainsi qu’à l’inspecteur général des services judiciaires et au directeur de l’École nationale des greffes, est fixé à 9 %. Pour les magistrats exerçant leurs fonctions à la Cour de cassation, l’attribution de la prime modulable est gérée par les chefs de la Cour de cassation.

Les deux enveloppes, distinguant le siège et le parquet, sont réparties en fonction de la contribution de chaque magistrat au bon fonctionnement de l’institution judiciaire, respectivement par le premier président et par le procureur général au profit des magistrats placés sous leur autorité : magistrats du siège, auditeurs à la Cour de cassation et secrétaire général de la première présidence d’une part, magistrats du parquet général et secrétaire général du parquet général d’autre part.

Par ailleurs, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) en faveur des magistrats de l’ordre judiciaire exerçant des fonctions de responsabilité supérieure a été mise en œuvre par le décret n° 2004-676 du 5 juillet 2004 et son arrêté d’application du même jour. La liste des fonctions pouvant ouvrir droit au versement de la nouvelle bonification indiciaire est fixée dans le décret précité tandis que l’arrêté d’application précise le montant de la nouvelle bonification indiciaire et le nombre d’emplois bénéficiaires pour chacune des fonctions ainsi mentionnées.

Ÿ  L’évolution du régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires

Le régime indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers n’a pas évolué depuis 2001, malgré plusieurs demandes de revalorisation présentées dans le cadre des projets de lois de finances. En revanche, le régime indemnitaire des fonctionnaires de catégorie C a été régulièrement revalorisé chaque année, à compter de l’année 2003.

En application du décret n° 2005-1602 du 19 décembre 2005, les greffiers en chef et les greffiers perçoivent une indemnité forfaitaire de fonction (IFF) fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade. Le taux indemnitaire moyen de ces 2 corps n’a pas été revalorisé depuis 2001. Il a même diminué pour les greffiers, lors de la mise en œuvre de la réforme statutaire en 2003. En effet, la transformation de la structure de ce corps (deux grades au lieu de trois) a entraîné une modification de l’indice réel moyen par grade. Cependant, cette baisse du taux indemnitaire n’a pas entraîné de diminution des montants individuels servis.

Dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation sur la justice (LOPJ) de 2002, il avait été demandé, sur 5 ans, une augmentation de 3 points du taux indemnitaire des greffiers en chef et des greffiers. À ce jour, seule une augmentation de 1 point a été obtenue en 2006.

En application du décret n° 2005-1603 du 19 décembre 2005, les fonctionnaires de catégorie C des services judiciaires bénéficient, depuis le 1er janvier 2000, d’une indemnité spéciale fixée en pourcentage de l’indice réel moyen (IRM) de leur grade, dont le taux moyen a été régulièrement valorisé.

Une augmentation de 2 points du taux indemnitaire était souhaitée pour 2006 au bénéfice de l’ensemble des personnels de catégorie C. Une revalorisation d’un point a été obtenue. La mesure nouvelle obtenue au titre de l’année 2006 a permis de faire passer le taux moyen de l’indemnité spéciale servie aux fonctionnaires de catégorie C à 24 %.

Le régime indemnitaire des fonctionnaires des services judiciaires a été modifié en 2005, afin de permettre à ceux-ci de bénéficier, sous certaines conditions, d’une indemnité complémentaire à raison d’attributions spécifiques qui peuvent leur être confiées. Si les conditions de son attribution sont réunies, l’indemnité complémentaire s’ajoute à l’IFF actuellement attribuée aux greffiers en chef et aux greffiers et à l’indemnité spéciale allouée aux fonctionnaires de catégorie C.

L’indemnité complémentaire est attribuée aux :

– fonctionnaires qui exercent à titre habituel leurs fonctions dans un service spécialisé dans la poursuite ou l’instruction des infractions terroristes. Le montant mensuel maximal de l’indemnité complémentaire « anti-terroriste » serait de 90 euros pour l’ensemble des fonctionnaires concernés, quel que soit leur grade, les personnels de ces services étant exposés au même risque ;

- fonctionnaires qui exercent par intérim la fonction de chef de greffe, lorsque l’emploi afférent à cette fonction est vacant et que le fonctionnaire est d’un grade inférieur à celui de l’emploi vacant. Le montant mensuel de cette indemnité complémentaire « intérim » serait proche du montant prévu par la circulaire précitée : il serait fixé à 70 euros sauf pour les greffiers en chef du 1er grade assurant l’intérim d’un emploi de chef de greffe hors hiérarchie, pour lesquels il s’élèverait à 110 euros eu égard à l’importance des responsabilités exercées.

Par ailleurs, pour 2007, le ministère de la justice souhaite mettre en œuvre une politique indemnitaire modulable concernant les fonctionnaires des services judiciaires, pour un montant de 1,06 million d’euros.

Le rapporteur souhaite rappeler la nécessité de réduire l’écart entre le régime indemnitaire des magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires. L’effort consenti en faveur des catégories B et C n’est pas à la hauteur du rôle joué par les corps concernés dans le fonctionnement des juridictions. L’amélioration du service public de la justice est l’affaire de tous les personnels, qu’ils soient magistrats ou fonctionnaires. L’ensemble de ces personnels doit être intéressé aux résultats des juridictions par une généralisation de la modulation des primes, afin de combler le fossé entre les magistrats et les agents des services judiciaires.

Sur un plan plus général, le ministère de la justice a besoin d’une modernisation de la gestion de ses ressources humaines. C’est un des rares départements ministériels où les corps sont cloisonnés par direction. La création de corps communs à plusieurs directions et le regroupement de la gestion du personnel au sein d’une direction unique permettraient de réaliser des économies d’échelle. L’instauration d’un secrétariat général est une première étape qui ne doit pas rester sans suite.

En cinq ans, la dépense de frais de justice a subi une évolution de 86 %, soit une évolution annuelle moyenne d’un peu plus de 15 % sur la période concernée.

ÉVOLUTION DES FRAIS DE JUSTICE DEPUIS 2001

 

2001

2002

2003

2004

2005

Évolution 2001/2005

Frais de justice pénale

183 187 044

207 543 452

251 520 769

320 170 439

376 730 003

106 %

Frais de justice civile

45 620 340

47 010 737

50 485 662

56 501 572

60 550 124

33 %

Frais de justice commerciale

26 889 947

27 062 236

28 778 126

30 107 154

37 472 377

39 %

Autres frais

6 313 448

8 477 586

10 645 748

12 287 767

12 618 837

100 %

TOTAL

262 010 778

290 094 011

341 430 304

419 066 932

487 371 341

86 %

Source : ministère de la Justice

Les frais de justice pénale demeurent de loin la composante essentielle des frais de justice, avec 77 % du volume global, soit un peu plus de 376,7 millions d’euros en 2005. Les frais de justice en matière civile représentent 12 % du volume global, soit 60,5 millions d’euros. Quant aux frais de justice commerciale, ils représentent près de 8 % de la dépense et s’élèvent en 2005 à près de 37,5 millions d’euros, soit 7,2 % de la dépense totale de frais de justice.


La hausse des frais de justice pénale est notamment la résultante de l’augmentation du taux de réponse pénale, ainsi que du recours croissant aux technologies modernes sur lesquelles s’appuient les nouvelles méthodes de recherche de la vérité. Un tel effet est particulièrement significatif pour ce qui concerne les frais de réquisitions téléphoniques et les frais médicaux, qui constituent maintenant plus de la moitié de la dépense en matière de justice pénale.

Le bloc de dépenses relatif aux réquisitions téléphoniques représente en 2005 près de 94,2 millions d’euros. Il s’agit depuis 2004 du premier poste de dépenses des frais de justice. Ces dépenses ne recouvrent pas uniquement les interceptions mais également une grande variété de prestations, comme par exemple les recherches d’identification ou de localisation. L’augmentation spectaculaire de la dépense, de l’ordre de 242 % entre 1999 et 2004, est due à l’apparition et au développement de la téléphonie mobile.

La maîtrise des frais de justice est devenue l’un des objectifs majeurs du ministère de la justice. La mise en place d’une mission « frais de justice », placée sous l’autorité du secrétaire général de la chancellerie et ayant pour mission de fédérer l’activité de plusieurs services localisés dans plusieurs directions en atteste.

De nombreuses actions de sensibilisation ont été réalisées. La responsabilité particulière des chefs de cour, désormais ordonnateurs secondaires des dépenses, a été mise en avant. Des référents « frais de justice », chargés de coordonner les politiques locales des juridictions et de suivre le niveau et les caractéristiques des consommations locales de crédits, ont été nommés au sein de chaque tribunal de grande instance et au niveau de chaque cour d’appel.

Des efforts particulièrement importants ont été déployés par la Chancellerie dès l’année 2004 sur le domaine des frais de réquisitions téléphoniques. Ces efforts se sont notamment traduits par la création d’une délégation aux interceptions judiciaires (DIJ). Dans un premier temps, des négociations ont été menées avec les opérateurs et les sociétés de locations de matériel d’enregistrement d’écoutes téléphoniques. Celles-ci ont permis d’aboutir, à partir de 2004, à des baisses significatives des tarifs.

Une deuxième étape, qui portera pleinement ses effets en 2007, a consisté à rechercher une architecture technique plus adaptée à la mise en œuvre des écoutes téléphoniques au regard des nouvelles technologies (suppression des ouvertures de lignes téléphoniques provisoires France-Télécom grâce à la mise en place de centrales d’écoutes au niveau local). Si l’effort déployé en matière d’acquisition d’équipement a occasionné en 2005 un coût immédiat certain, il augure cependant, à terme, des économies substantielles.

Enfin et surtout, le décret n° 2006-358 du 24 mars 2006 relatif à la conservation des données des communications électroniques a introduit dans le code de procédure pénale un nouvel article R. 213-1 qui renvoie à un arrêté le soin de fixer les tarifs des réquisitions adressées aux opérateurs. L’arrêté du 22 août 2006 se base sur la notion de « juste rémunération » telle qu’issue de la décision n° 2000-441 du Conseil constitutionnel en date du 28 décembre 2000. En ce sens, il se fonde sur les conclusions de travaux menés par le conseil général des technologies de l'information sur les charges imposées aux opérateurs de communications électroniques. Cette étude permet d'envisager une baisse des tarifs actuels de l’ordre de 40 %.

Désormais incluse dans les budgets opérationnels de programme (BOP) des cours d’appel et soumise au régime des crédits limitatifs, la gestion des frais de justice a nécessité la mise en place d’un circuit spécifique. Celui-ci est basé sur le paiement direct par les régies des juridictions, des mémoires de frais inférieurs ou égaux à 2 000 euros et par le mandatement par les services administratifs régionaux (SAR) pour les frais supérieurs à 2 000 euros.

Ce plan de maîtrise a produit des résultats concrets : alors que les frais de justice connaissaient une augmentation de 15 à 20 % par an, ils seront en 2006 conformes aux prévisions.

423 millions d’euros d’autorisations d’engagement sont inscrits dans le projet de loi de finances pour les frais de justice. Cette enveloppe tient compte d’une progression du volume des frais de 7,5 % sur le flux prévu pour 2006. Cette progression correspond à l’augmentation de la part de l’activité judiciaire qui impacte la consommation des crédits de frais de justice, mais aussi à un certain nombre de revalorisations de données sur lesquelles sont indexés les tarifs de frais de justice (SMIC horaire, lettre-clés de la sécurité sociale pour ce qui concerne les prestations médicales).

Les autorisations d’engagement afférentes aux dépenses d’équipement s’élèvent en 2007 à 189,2 millions d’euros (hors crédits prévus l’Établissement Public du Palais de Justice de Paris), soit une progression de 18,2 % par rapport à 2005. Ces crédits se déclinent comme suit :

– 80 millions d’euros sont destinés au financement des opérations de Bourgoin-Jallieu et de Toulon qui seront réalisées dans le cadre d’un partenariat public-privé ;

– 35,4 millions d’euros sont prévus pour des opérations lourdes confiées par convention de mandat à l’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ) qui pourrait lancer quatre opérations nouvelles (Nancy, Caen, Lille et d’Aix-en-Provence) ;

– 73,8 millions d’euros seront affectés aux opérations déconcentrées, afin de permettre à l’institution judiciaire de faire face aux enjeux essentiels auxquels elle est confrontée (rénovation et restructuration, traitement des avis défavorables des commissions de sécurité, renforcement de la sûreté des palais de justice, mise en accessibilité des sites aux handicapés).

Les crédits de paiement afférents aux dépenses d’équipement s’élèvent à 103,2 millions d’euros et se déclinent comme suit :

– 50,3 millions d’euros seront consacrés aux opérations confiées par convention de mandat à l’AMOTMJ et plus particulièrement à la montée en puissance des chantiers de travaux des palais de justice de Toulouse, de Thonon-les-Bains, d’Avesnes-sur-Helpe, de Pontoise, de Rouen, de Bobigny, de Chartres et de Douai ;

– 52,9 millions d’euros seront destinés aux opérations déconcentrées.

Afin de piloter un programme particulièrement complexe, l’Établissement Public du Palais de Justice de Paris (EPPJP) a été créé par le décret n° 2004-161 du 18 février 2004. Administré par un conseil d’administration, doté d’un conseil d’orientation et placé sous la tutelle du garde des Sceaux, cet établissement public exerce les attributions du maître de l’ouvrage et a pour principale mission de concevoir, d’acquérir, de faire construire et d’aménager de nouveaux locaux pour les besoins des juridictions de l’ordre judiciaire et des organismes installés sur le site du Palais de Justice de Paris.

L’EPPJP a procédé à une remise à plat de l’ensemble des sites d’implantation qui avaient été proposés depuis 1999. Compte tenu de la rareté foncière dans Paris, en particulier pour un projet de l’ampleur du TGI (115.000 m²), douze sites d’implantation (4) ont été identifiés et ont fait l’objet d’un examen mené en concertation étroite avec les services de la Ville de Paris. Seuls cinq (5) de ces sites ont été retenus pour des études de faisabilité plus approfondie, réalisées par des équipes d’architectes.

Le 27 janvier 2005, le Gouvernement a exprimé officiellement sa préférence pour le site de Tolbiac. Le Conseil de Paris a, les 7 et 8 février 2005, émis des réserves et posé des conditions techniques pour l’implantation du TGI sur le site de Tolbiac, tout en souhaitant qu’une large concertation soit organisée sur ce sujet. En novembre 2005, le maire de Paris a fait connaître sa préférence pour le site de Masséna-Rives de Seine.

Le Conseil d’administration de l’EPPJP réuni le 29 novembre 2005 a maintenu sa recommandation en faveur du site de Tolbiac. Le 14 juin 2006, constatant l’état des discussions avec la Ville de Paris, il a décidé le lancement d’un concours d’idées international portant sur l’implantation du TGI de Paris dans le secteur Tolbiac incluant la conciliation des besoins du TGI avec les préoccupations urbaines exprimées par la Ville de Paris. Ce concours a été lancé le 4 juillet 2006 dernier. Ses résultats connus fin 2006 permettront de définir le cahier des charges nécessaire au lancement ultérieur d’un concours de maîtrise d’œuvre .

En 2006, l’EPPJP a reçu de l’État une subvention de 2,17 millions d’euros qui sera reconduite en 2007.

La justice administrative a pour mission de veiller au respect du droit par l’administration, dans les relations que celle-ci entretient avec les administrés. Cette mission comprend quatre fonctions :

—  une fonction juridictionnelle qui couvre l’activité contentieuse du Conseil d’État, des huit cours administratives d’appel et des 37 tribunaux administratifs ;

—  l’activité consultative du Conseil d’État qui est chargé d’examiner les projets de loi, d’ordonnance, d’acte communautaire ou de décret en Conseil d’État, et peut être consulté par le Gouvernement sur toute question ou difficulté d’ordre juridique ou administratif, ainsi que celle des cours administratives ou des tribunaux administratifs qui peuvent être saisis de demandes d’avis par les préfets ;

—  une fonction d’études et d’expertise, à travers les travaux de la section du rapport et des études du Conseil d’État et la participation des membres des juridictions administratives à diverses commissions ou leur mise à disposition après d’autres administrations ;

—  une fonction de gestion et de soutien, assurée par les services administratifs, de documentation et de bibliothèque placés auprès des juridictions administratives.

Si la situation du Conseil d’État se stabilise et celle des cours administratives d’appel s’améliore, les contentieux portés devant les tribunaux administratifs se développent dans des proportions préoccupantes.

ACTIVITÉ DU CONSEIL D’ÉTAT

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Affaires enregistrées

12 274

12 642

11 281

9 905

12 074

11 196

Affaires traitées

12 236

12 553

11 402

11 135

11 001

11 270

Affaires en stock

10 159

10 227

10 190

8 993

10 122

10 089

Affaires par magistrat

ND

ND

ND

69

69

70

Délai moyen de jugement

10 mois

10 mois

11 mois

9 mois et 15 jours

11 mois

10 mois et 3 semaines

Source : Conseil d’État

Le Conseil d’État a enregistré en 2005 un nombre total d’affaires sensiblement équivalent à celui enregistré en 2001 (12 572 contre 12 793). Cette stabilité recouvre, en fait, deux tendances inverses importantes :

– le nombre d’affaires de séries est croissant : il passe de 150 en 2001 à 1 400 en 2005 ;

– mais, dans le même temps, les affaires de règlement de compétence au sein de la juridiction administrative ont diminué de manière importante avec le décret du 19 avril 2002 qui a permis aux présidents de tribunal administratif de renvoyer une affaire ne relevant pas de la compétence de ce tribunal directement au tribunal compétent, sans solliciter l’intervention du Conseil d’État. À ce titre, près de 1 200 affaires ne transitent plus par la juridiction suprême.

Le Conseil d’État, avec le transfert aux cours administratives d’appel de l’appel du contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière, s’est recentré sur son rôle de juge de cassation. Les pourvois en cassation représentent désormais près de 60 % du total des entrées, contre 30 % en 2001.

L’application des contrats d’objectifs conclus avec les cours administratives d’appel a suscité un accroissement de leur activité qui a entraîné une augmentation corrélative du nombre des pourvois en cassation à l’encontre de leurs arrêts (augmentation de + 25 %, soit + 600 dossiers, constatée sur l’année courante s’achevant au 30 juin 2006, par rapport à l’année précédente).

La compétence du Conseil d’État en tant que juge de cassation de certains jugements de tribunaux administratifs, résultant du décret du 24 juin 2003, a porté en 2005 sur 2 018 affaires.

Un autre chef d’augmentation provient de la hausse des pourvois en cassation contre les décisions des juridictions spécialisées constatée en 2005, qui correspond dans une large mesure à l’activité intense déployée par la Commission des recours des réfugiés dont les moyens ont été renforcés.

Le nombre d’affaires jugées est resté élevé, en dépit de la disparition des affaires de règlement de compétence. Il a même augmenté en 2005 (11 270 affaires jugées en 2005 contre 11 001 en 2004).

Le stock en fin d’année est passé de 10 549 dossiers en 2001 à 10 408 dossiers au 30 juin 2006. La part des affaires enregistrées depuis plus de 2 ans, qui est passée, de 12,5 % à la fin de l’année 2002 à 8,5 % au 31 décembre 2003, s’est stabilisée à 6 % en 2004 et en 2005.

Le délai moyen de jugement reste inférieur à un an, si l’on comprend les appels dirigés contre les arrêtés de reconduite à la frontière. L’amélioration des délais de jugement reste une préoccupation constante du Conseil d’État. Les différentes réformes de procédure intervenues ces dernières années, notamment pour donner la possibilité au juge de statuer seul par voie d’ordonnance sur les affaires ne présentant aucune difficulté juridique, ont pour effet d’accélérer le traitement de ces affaires.

ACTIVITÉ DES COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Affaires enregistrées

16 540

15 375

15 267

15 640

14 347

20 208

Affaires traitées

12 906

12 928

14 281

16 700

19 829

23 553

Affaires en stock

37 723

40 073

40 968

40 058

35 031

31 861

Affaires par magistrat

91

84

88

93

96

98

Délai moyen de jugement

2 ans
11 mois

3 ans
1 mois

2 ans
10 mois

2 ans
5 mois

1 an
10 mois

1 an
4 mois

Source : Conseil d’État

Depuis 1992, les cours administratives d’appel ont connu, du fait du transfert échelonné de l’appel des recours pour excès de pouvoir, une très forte progression des entrées : le nombre annuel d’affaires enregistrées a triplé entre 1992 et 2000.

Il convient de souligner que cette progression, qui s’était déjà ralentie en 2000, s’est pour la première fois inversée en 2001, avec une diminution de 7 % du nombre des entrées. Après deux années de relative stabilité, le nombre d’affaires nouvelles a connu une nouvelle baisse de plus de 8 % pour l’année 2004, en raison essentiellement de la réforme de l’appel issue du décret n°2003-543 du 24 juin 2003, qui prévoit notamment un recours direct en cassation à l’encontre des jugements rendus par les tribunaux administratifs dans certains litiges de faible importance.

Toutefois, le transfert, le 1er janvier 2005, du Conseil d’État vers les cours administratives, de l’appel du contentieux des reconduites à la frontière a entraîné une hausse considérable du nombre d’affaires enregistrées en 2005. Si l’on exclut ce contentieux, l’augmentation des entrées des cours administratives d’appel n’aurait été que de 6 % en 2005.

Le volume des affaires traitées a progressé de 82,5 % entre 2000 et 2005. Après une certaine stabilisation en 2001, il connaît depuis 2002 une forte progression (de près de 19 % pour les deux dernières années), pour atteindre en 2005 23 553 affaires.

Cette amélioration très sensible s’explique notamment par la création des cours administratives d’appel de Marseille en 1997, de Douai en 1999 et de Versailles en 2004.

Pour les cours administratives d’appel, les résultats statistiques de l’année 2005 confirment le bien-fondé de la démarche engagée par la signature des « contrats d’objectifs » à la fin de l’année 2002. En effet, les objectifs définis pour cette troisième année d’application des contrats ont à nouveau tous été atteints, voire, pour la plupart, dépassés.

Depuis 2003, le nombre d’affaires en stock baisse de façon continue ce qui s’explique par l’augmentation importante du nombre d’affaires jugées, résultat des efforts importants consentis par les magistrats et les personnels des greffes.

En 2005, pour la troisième année consécutive, les juridictions d’appel ont traité plus d’affaires qu’elles n’en ont reçues, permettant ainsi une diminution du stock des affaires en instance. L’accroissement de l’activité des juridictions d’appel se traduit par une amélioration importante du délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui diminue chaque année depuis 2002. En trois ans, ce délai a été ramené de 2 ans et 10 mois à 1 an et 4 mois (soit un gain de 18 mois) et pour 2005, le délai moyen de jugement des affaires en stock est inférieur de 2 mois par rapport à l’objectif de 1 an et 6 mois prévu dans les contrats d’objectifs pour l’année 2005.

ACTIVITÉ DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Affaires enregistrées

113 059

123 354

112 703

128 422

149 008

156 994

Affaires traitées

118 991

120 773

118 915

127 035

137 189

155 562

Affaires en stock

201 534

203 303

196 068

197 913

209 439

210 043

Affaires par magistrat

219

221

209

222

240

261

Délai moyen théorique
d’élimination des stocks

1 an
8 mois

1 an
8 mois

1 an
8 mois

1 an
7 mois

1 an
6 mois

1 an
4 mois

Source : Conseil d’État

Le nombre annuel d’affaires enregistrées en données nettes s’est accru de près de 39 % au cours des cinq dernières années, notamment du fait de l’augmentation du contentieux des étrangers et du contentieux des pensions :

– le pic des requêtes enregistrées dans les tribunaux administratifs au cours de l’année 2001 s’explique, en partie, par la tenue cette même année des élections locales, qui a conduit à 4 500 contentieux électoraux ;

– en 2003 et 2004, on constate une très forte augmentation du nombre des requêtes enregistrées dans les tribunaux administratifs, liée notamment au contentieux des étrangers et au contentieux des pensions. En particulier, le contentieux des reconduites à la frontière a augmenté de 51 % en 2004 par rapport à 2003. Quant au contentieux des pensions, il a augmenté de 175 % en 2003 par rapport à 2002, pour atteindre près de 11 000 requêtes enregistrées dans l’année, en raison des refus systématiques opposés par les administrations, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et celle du Conseil d’État, aux fonctionnaires masculins demandant à bénéficier des mêmes avantages en matière de retraite que les fonctionnaires féminins ;

– en 2005, l’augmentation du nombre d’affaires nouvelles s’explique en partie par une nouvelle progression de près de 9 % du contentieux de la reconduite à la frontière, de 80 % du contentieux du permis de conduire, lié à la multiplication des procédures de retraits points avec notamment le développement des radars automatiques, ainsi que par le quadruplement du contentieux des taxes parafiscales et de la redevance audiovisuelle, du fait des modalités de son rattachement à la taxe d’habitation. De plus, la loi n° 2005-102 du 12 février 2005, en supprimant les commissions départementales des travailleurs handicapés, des mutilés de guerre et assimilés, a transféré aux tribunaux administratifs, le contentieux de ces juridictions spécialisés, ce qui a représenté en 2005 2 700 affaires nouvelles enregistrées.

Le nombre d’affaires jugées s’est accru de façon quasi continue de 1994 à 2005. Il est ainsi supérieur de près de 31 % en 2005 à celui relevé en 2000. Cette évolution favorable reflète à la fois les effets du renforcement des effectifs de magistrats et l’amélioration de la productivité au sein des juridictions.

Depuis l’année 2003, le nombre d’affaires réglées a, de nouveau, fortement progressé chaque année : + 6,8 % en 2003, + 8 % en 2004, + 13,4 % en 2005. Toutefois, la hausse du nombre des affaires enregistrées a connu dans la même période une telle progression que le ratio des affaires traitées sur les affaires enregistrées n’a pu être équilibré, mais a été de 92 % pour l’année 2004 et de 99 % pour l’année 2005.

Après une relative stabilisation du volume de dossiers en stock en 1999, l’année 2000 a enregistré, pour la première fois, une baisse du stock de près de 4 %, inversant ainsi la tendance observée sur la décennie. Cette évolution favorable ne s’est pas poursuivie en 2001, en raison notamment du volume important du contentieux électoral. Du fait de la baisse sensible des affaires enregistrées, l’année 2002 a permis une diminution du stock équivalente à celle constatée en 2000.

Depuis 2003, le déséquilibre constaté entre les affaires enregistrées et les affaires traitées entraîne, par effet mécanique, une nouvelle augmentation des stocks, qui avec plus de 210 000 affaires en instance au 31 décembre 2005, repasse nettement au-dessus de la barre des 200 000 affaires, et ce malgré une nette augmentation de la productivité des juridictions.

De 1993 à 1999, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock a diminué régulièrement, pour passer de 2 ans et 2 mois à 1 an et 10 mois, alors même que le volume des dossiers en stock continuait à progresser. Cette évolution traduisait l’augmentation de la capacité de jugement des juridictions administratives.

De 2000 à 2002, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock se stabilise autour d’1 an et 8 mois. À partir de 2003, il se réduit et descend même à 1 an et 4 mois pour l’année 2005 : cette évolution rend compte de l’effort de productivité des juridictions. Toutefois, ces bons résultats sont en partie liés à l’importance prise, dans le volume global des sorties, par les affaires régies par des textes particuliers, imposant une intervention rapide du juge, au détriment des autres affaires. En effet, ce délai atteint 2 ans et 1 mois pour les requêtes autres que les référés ou les affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers.

Le projet de budget 2007 du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » s’inscrit dans le cadre de l’application de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, qui se concrétise par la poursuite des contrats d’objectifs et de moyens conclus entre le Conseil d’État et les cours administratives d’appel, qui ont déjà permis de réduire le délai moyen de jugement de plus d’un an et demi entre 2002 et 2005.

Il a été fixé à 250,73 millions d’euros de crédits de paiement. Hors pensions, il s’élève à 204,54 millions d’euros, soit une progression de 5,8 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME « CONSEIL D’ÉTAT
ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

(en euros)

 

LFI 2006

PLF 2007

Évolution
(en %)

Fonction juridictionnelle : Conseil d’État

Fonction juridictionnelle : cours administratives d’appel

Fonction juridictionnelle : tribunaux administratifs

Fonction consultative

Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l’État et des collectivités

Soutien

21 164 316


41 896 060


106 863 602

7 862 409

10 539 517

49 850 309

20 868 677


44 078 332


114 355 177

8 820 302

11 302 411

51 309 400

- 1,3


5,2


7,0

12,2

7,2

2,9

TOTAL

238 176 213

250 734 299

5,2

Source : projet de loi de finances pour 2007.

1. Les crédits de personnel

L’ensemble des crédits de personnel progresse, hors crédits de pensions, de 9,3 millions d’euros.

Cette progression s’explique, pour un montant de 4,7 millions d’euros, par des mesures transversales communes à l’ensemble de la fonction publique (évolution du point de la fonction publique, financement de nouvelles cotisations sociales et mesures de revalorisation statutaire et indemnitaire) et la prise en compte du glissement vieillesse technicité, ainsi que de l’extension en année pleine de la variation des effectifs 2006.

Par ailleurs, le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » a obtenu la création d’emplois au titre de la loi d’orientation et de programmation pour la justice pour un montant de 3 millions d’euros.

En application des nouvelles règles de comptabilisation des postes budgétaires, le Conseil d’État et les autres juridictions administratives comptent 2 836 équivalents temps pleins (ETP) au 31 décembre 2006. Le projet de loi de finances pour 2007 fixe ce plafond d’ETP à 2 898 :

– les services administratifs du Conseil d’État bénéficieront de la création de 2 ETP, permettant de créer des postes de responsables informatiques régionaux dans les cours administratives d’appel. Il bénéficiera également du transfert de 6 ETP correspondant aux emplois de la commission pour la transparence financière de la vie politique dont les agents étaient, jusqu’à présent, mis à disposition par le ministère de l’intérieur et de l’aménagement du territoire et par le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie ;

– les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel bénéficieront en 2007, hors extension en année pleine des créations d’emplois 2006, de la création de 28 ETP (14,5 de magistrats administratifs, 12 d’agents de greffe et 1,5 d’assistants de justice). Ces créations seront affectées, pour partie, aux cours administratives d’appel dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens conclus entre elles et le Conseil d’État et, pour partie, aux tribunaux administratifs les plus chargés.

Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit également la mise en place de mesures catégorielles pour le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » à hauteur de 1,27 million d’euros :

– il sera mis en place une indemnité de fonctions et de résultats pour les agents du Conseil d’État à hauteur de 75 milliers d’euros pour ses personnels d’administration centrale en application du décret n° 2004-1082 du 13 octobre 2004. Cette indemnité de fonctions et de résultats permettra au Conseil d’État d’attirer des agents compétents pour exercer les fonctions d’administration centrale du programme ;

– les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel bénéficieront d’une revalorisation de leur régime indemnitaire. Le montant de cette mesure s’élève à 1,2 million d’euros. Le taux moyen budgétaire de l’indemnité forfaitaire sera ainsi porté à 51 % du traitement brut, au lieu de 47,75 % actuellement ;

– en outre, le Conseil d’État fera bénéficier les agents de greffe des mesures accordée aux agents des mêmes corps affectés dans les préfectures. Ces mesures seront toutefois autofinancées sur le programme.

Le projet de budget de fonctionnement (hors personnel) et d’investissement augmente de 1,47 million d’euros. L’essentiel de cette progression est lié à la remise à niveau de la dotation de frais de justice, qui augmentera de 1,25 million d’euros. Ces crédits sont consacrés, à plus de 90 %, au paiement des dépenses d’affranchissement dans le cadre de l’instruction des affaires devant les juridictions administratives. Ils sont directement corrélés à l’augmentation du contentieux devant les juridictions administratives, qui a crû de plus d’un tiers entre 2002 et 2005. La dotation consacrée aux frais de justice a été fortement déficitaire en 2005. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit donc de remettre à niveau cette dotation, qui s’élèvera à plus de 8,86 millions d’euros.

L’augmentation des autres dépenses de fonctionnement et d’investissement sera de 0,22 million d’euros. Elle est liée au transfert des crédits de l’action sociale des personnels du Conseil d’État et des magistrats administratifs du budget du ministère de la Justice sur le budget du Conseil d’État.

Le programme « Accès au droit et à la justice » comprend les crédits destinés à permettre au citoyen de connaître ses droits pour les faire valoir. Ces politiques comprennent trois volets :

—  l’aide juridictionnelle s’adresse aux personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits devant une juridiction, en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense. Elle s’applique aux procédures, actes et mesures d’exécution pour lesquels une admission a été prononcée. Les prestations sont versées aux auxiliaires de justice soit directement, soit par l’intermédiaire des caisses de règlements pécuniaires des avocats ;

—  le développement de l’accès au droit repose sur les conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD), institués dans 80 départements. Ces groupements d’intérêt publics sont chargés de recenser les besoins, de définir une politique locale, de faire l’inventaire des dispositifs en place et d’impulser des actions nouvelles. Leurs interventions sont complétées par le réseau judiciaire de proximité, le plus souvent implanté dans les zones urbaines sensibles, constitué d’une centaine de maisons de la justice et du droit, ainsi que d’antennes et de points d’accès au droit ;

—  l’aide aux victimes vise à améliorer la prise en compte des victimes d’infractions par l’institution judiciaire, et à rechercher des modalités d’indemnisation plus justes et plus transparentes. Elle s’appuie sur les commissions d’indemnisation des victimes d’infractions qui constituent des juridictions spécialisées, installées dans chacun des 181 tribunaux de grande instance, et sur un réseau d’associations d’aide aux victimes, chargées d’accueillir, d’orienter et d’accompagner les victimes.

Le programme « Accès au droit et à la justice » bénéficie d’une dotation de 338,5 millions d’euros, en progression à structure constante (6) de 6,9 % par rapport à 2006. Piloté par le chef du service à l’accès au droit et à la justice et à la politique de la ville, il se caractérise par une très forte composante en crédits d’intervention (98,8 %).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME
« ACCÈS AU DROIT ET AIDE AUX VICTIMES »

(en euros)

 

LFI 2006

PLF 2007

Évolution
(en %)

Aide juridictionnelle

Développement de l’accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

Aide aux victimes

Médiation familiale et lieux neutres de rencontre (1)

320 996 084

12 364 340

10 808 675

323 023 714

3 693 863

9 731 933

2 031 081

0,6

- 70,1

- 9,9

NS

TOTAL

344 169 099 (2)

338 480 591

1,6

(1) Crédits inscrits en 2006 sur le programme « Justice judiciaire ».

(2) dont 27,7 millions d’euros de crédits de personnel transférés à compter de 2007 au programme « Justice judiciaire ».

Source : projet de loi de finances pour 2007

A. L’ÉVOLUTION DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE

La dotation budgétaire prévue pour l’aide juridictionnelle passe de 303 à 323 millions d’euros.

Ce budget est destiné à financer plusieurs dispositifs de transfert  prévus par la loi du 10 juillet 1991 : l’aide juridictionnelle proprement dite, l’aide à l’intervention de l’avocat au cours de la garde à vue, l’aide en matière de médiation et de composition pénales, et l’aide à l’intervention de l’avocat pour l’assistance aux détenus au cours de procédures disciplinaires. Il finance également des protocoles d’amélioration de la défense des justiciables conclus entre les juridictions et les barreaux, conduisant à une majoration de la rétribution de l’avocat pour certaines de ces aides, limitée dans une proportion maximum de 20 %.

Le budget prévu pour 2007 tient compte d’une augmentation des admissions de 3 % en 2006 et 2007 (941 000 admissions prévues en 2007 contre 913 000 en 2006 et 886 500 en 2005). Les admissions donnent lieu à une dépense lors de l’achèvement de la mission de l’avocat, de l’officier public ou ministériel ou de l’auxiliaire de justice. Compte tenu de la durée moyenne des procédures, seule une partie des admissions donne lieu à un paiement l’année même où elles sont accordées.

Sont également prises en compte l’incidence des principales mesures pour l’année 2007 :

– la modification de l’article 388-1 du code civil relatif à l’audition de l’enfant introduite par le projet de loi relatif à la protection de l’enfance ;

– l’instauration d’une rétribution de l’avocat pour l’assistance des mineurs devant le tribunal de police pour les contraventions de la première à la quatrième classe ;

– la réforme de l’aide juridictionnelle en Polynésie résultant de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française et l’adaptation de l’aide juridictionnelle en matière pénale dans les autres collectivités ultra marines ;

– l’augmentation de 6 % de l’unité de valeur de référence permettant de fixer la contribution de l’État à la rétribution des avocats pour les missions d’aide juridictionnelle, ce qui va entraîner une hausse de 6 % des rétributions versées aux avocats pour les missions d’aide juridictionnelle achevées à compter du 1er janvier 2007.

En 2007, les crédits du ministère de la justice destinés au développement de l’accès au droit et au réseau judiciaire de proximité s’élèvent à 3,69 millions d’euros (hors personnels), contre 4,2 millions d’euros en 2006.

La majorité des crédits (3,5 millions d’euros) est allouée, sous forme de subventions pour charges de service public, aux conseils départementaux d’accès au droit (CDAD).

Les principales mesures 2007 portent sur le soutien à l’activité des 82 CDAD existants et la création de 4 CDAD. En outre, des crédits sont destinés à la dotation de premier équipement de 6 maisons de justice et du droit (MJD) lors de leur création, et au renouvellement des équipements informatiques et mobiliers de MJD existantes (68 730 euros), ainsi qu’à l’action des associations nationales œuvrant dans le domaine de l’accès au droit (113 745 euros).

S’agissant de l’aide aux victimes, deux axes seront privilégiés en 2007 :

– l’amélioration de la qualité et du nombre de prestations assurées par les associations d’aide aux victimes, grâce au développement de leurs capacités d’intervention en urgence, à la mise en place de permanences délocalisées dans les tribunaux, les services de police et de gendarmerie, les hôpitaux, et par le recrutement de psychologues à temps partiel ou à temps complet, en fonction de l’importance du bassin de « victimation » ;

– le renforcement des moyens des cours d’appel pour soutenir les projets pouvant donner lieu à un financement européen, suite à l’extension du dispositif des plateformes européennes à de nouvelles cours d’appel.

Les crédits consacrés à cette action en 2006 s’élèvent à 9,73 millions d’euros (hors personnel), ainsi répartis :

– financement du réseau des associations d’aide aux victimes sur le territoire national (7,4 millions d’euros) ;

– actions nationales et associations ou fédérations intervenant au niveau national (1,9 million d’euros) ;

– financement de projets présentés dans le cadre européen (0,25 million d’euros) ;

– fonds de réserve pour les accidents collectifs (0,2 million d’euros).

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du jeudi 9 novembre 2006, la Commission a procédé, en commission élargie à l’ensemble des députés, à l’audition de M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, sur les crédits de ce ministère.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances - Je suis heureux de coprésider cette réunion avec le président Houillon. Je rappelle que la formule de la commission élargie permet souplesse et réactivité. J’invite donc chacun à privilégier les interventions courtes et les questions, et à éviter les monologues académiques…

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois – Monsieur le garde des Sceaux, la commission des lois a plaisir à vous retrouver une nouvelle fois après l’audition d’hier sur le projet relatif à la prévention de la délinquance, et avant celle qui nous réunira le mercredi 29 novembre sur les projets relatifs à la réforme de la justice. La présente réunion, en formation « élargie », a trait aux crédits de la mission « Justice », qui fait l’objet de deux rapports pour avis de la commission des lois.

Ces crédits, et il convient d’emblée de s’en féliciter, sont en hausse sensible. Mais ils doivent accompagner l’indispensable mutation de la justice, attendue de nos concitoyens comme l’ont montré les travaux de notre commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Vous comprendrez donc aisément que nous vous interrogions sur les moyens nécessaires à la mise en œuvre, sinon de l’ensemble des propositions que nous avons faites, du moins de celles que vous avez reprises dans les projets de loi dont nous aurons à discuter prochainement, qu’il s’agisse des pôles de l’instruction, de l’accélération et de l’amélioration des procédures, ou encore de la formation des magistrats.

M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice – La justice sera en 2007, une nouvelle fois, une des priorités budgétaires du gouvernement. Le budget de la Justice augmente de 5 %, après 4 % en 2005 et 4,6% en 2006. Cette nouvelle augmentation pour 2007 est à comparer à celle – 0,8 % - du budget de l’État. Le budget de la justice s’élève au total à 6,271 milliards d’euros, soit 2,34 % du budget de l’État au lieu de 1,69 % en 2002. Depuis 2002, le budget de la justice a ainsi augmenté de près de 1,8 milliard d’euros. Cette priorité continue depuis la loi d’orientation et de programmation pour la justice marque la volonté du gouvernement de renforcer les fonctions régaliennes de l’état, en donnant à la justice les moyens d’assurer efficacement ses missions.

Cette année, la justice doit relever trois défis : celui de sa modernisation, celui de son accessibilité et celui de son efficacité. J’ai l’ambition d’une justice modernisée, dans son fonctionnement et dans ses procédures. C’était le défi que nous assignait la représentation nationale l’an dernier, lorsqu’il s’agissait de mettre en place la LOLF. Ce rendez-vous, nous l’avons honoré.

Les responsables locaux des services judiciaires, de l’administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse se sont vu attribuer une enveloppe de crédits et des objectifs, dans le cadre de « dialogues de gestion ». Ils ont été en mesure d’exercer, au plus près des besoins, les arbitrages nécessaires entre leurs crédits de fonctionnement et leurs crédits de rémunération.

Les chefs de cour sont désormais, conjointement, ordonnateurs des dépenses et responsables des marchés. Ils portent sur la gestion un regard nouveau, intéressé, responsable. Je rappelle que les ordonnateurs des dépenses des juridictions étaient auparavant les préfets. Les chefs de cour exercent désormais pleinement leurs responsabilités juridiques et financières. Ils sont de véritables « managers » du service public de la justice, comme en témoigne la gestion décentralisée des budgets des juridictions, réalisée avec le souci de l’économie et de la performance.

Avec mon collègue en charge du budget et de la réforme de l’État, nous avons souhaité approfondir cette démarche de modernisation. J’ai ainsi voulu que la Justice joue un rôle moteur dans les audits de modernisation de l’État. A la lumière d’un audit sur ce sujet, je souhaite que la visioconférence soit utilisée chaque fois que l’acte à accomplir pourra se satisfaire de cette technique, sans présentation physique de la personne devant le juge ou la juridiction. L’ensemble des juridictions et les principaux établissements pénitentiaires devraient être équipés en visioconférence d’ici la fin de cette année. Cette modernisation sera source d’économies importantes sur les déplacements d’experts et de magistrats, notamment dans les DOM-TOM, mais également en matière de transfèrement de détenus. Son utilisation dans le fonctionnement courant des services permet déjà des économies significatives de temps et de crédits, tout en favorisant une plus grande proximité entre des services répartis sur l’ensemble du territoire.

Dans la continuité de cette démarche de modernisation, je .souhaite que la Justice s’appuie, sur les nouvelles technologies pour être plus performante. J’ai ouvert, pour l’année qui vient, un chantier important : celui de la numérisation des procédures pénales. Il s’agit en effet de profiter de l’évolution des technologies pour assurer une plus grande fluidité dans le déroulement de ces procédures et l’accès en temps réel aux dossiers, tant pour les magistrats que pour les auxiliaires de justice. Le rapport de la mission d’audit de modernisation vient de m’être remis. D’ici la fin d’année, plus de la moitié des TGI mettront en œuvre la première vague de cette numérisation.

Le ministère de la justice a relevé un autre défi. Le cinquième des crédits du ministère est passé du statut de crédits évaluatifs, à celui de crédits limitatifs. Ces crédits concernaient les frais de justice, l’aide juridictionnelle, le financement du secteur associatif de la protection judiciaire de la jeunesse et la prise en charge de la santé des détenus. Dans chacun de ces cas, il convient à présent de rester dans l’enveloppe des crédits votés.

Il y a un an, je vous présentais un programme de maîtrise des frais de justice. J’ai rencontré un certain scepticisme, avant que chacun ne constate que la justice s’était effectivement donné les moyens de mieux maîtriser son budget. Cette démarche a produit des résultats concrets. Alors que les frais de justice connaissaient une augmentation de 15 à 20 % par an jusqu’à atteindre 487 millions d’euros en 2005, ils seront en 2006 conformes aux prévisions, soit environ 420 millions d’euros. J’avais assuré que cette maîtrise ne se ferait pas au détriment de la liberté d’initiative des magistrats et de la recherche de la vérité. Je crois pouvoir affirmer que nous y sommes arrivés. Nous poursuivrons donc nos efforts en 2007, pour contenir la progression de ces dépenses, en nous assurant notamment que les tarifs de nos fournisseurs sont compétitifs et que l’attention des prescripteurs, magistrats et officiers de police judiciaire, reste mobilisée. Ce sont donc 423 millions d’euros en autorisations d’engagement que nous avons pu inscrire en loi de finances pour 2007, pour les frais de justice. Si l’enveloppe de ces crédits est donc limitativement définie, elle l’est de façon réaliste et raisonnable.

Je souhaite ensuite que la Justice soit plus accessible pour tous les citoyens. C’était un des objectifs que vous nous aviez assignés en 2002, en votant la LOPJ.

L’accessibilité, c’est avant tout donner aux citoyens une réponse rapide lorsqu’il s’adresse à la justice. Entre 2002 et 2005, les délais moyens de traitement ont baissé pour toutes les affaires, même si des délais anormalement longs peuvent encore constatés. Ainsi, les délais moyens de traitement dans les juridictions du premier degré ont été réduits de 28 %, passant en moyenne de 9,4 à 6,7 mois. Pour prendre un exemple plus précis, en matière de divorce, les délais étaient de 12 mois en 2004, de 10 mois en 2005 et devraient être réduits à 9 mois en 2006. Ces efforts doivent bien sûr être poursuivis, afin de parvenir à des délais de jugement acceptables par nos concitoyens.

Le ministère de la justice doit également s’assurer que chacun puisse connaître et exercer ses droits. L’accès au droit doit être favorisé et, tout particulièrement, le droit à disposer d’un avocat pour les plus démunis. Ainsi, j’ai décidé, en accord avec le Premier ministre, d’une augmentation des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle de 6,6 %. Cette mesure représente 20 millions d’euros, dont plus de 16 millions consacrés à la revalorisation de l’unité de valeur, qui permet de fixer la rétribution des avocats. Le budget total de l’aide juridictionnelle sera ainsi de 323 millions d’euros en 2007. Il s’agit là d’un effort financier important, dans un contexte budgétaire toujours contraint. Cette mesure ambitieuse est néanmoins nécessaire et témoigne de la volonté du gouvernement d’assurer une juste rétribution des avocats, conforme à l’exigence d’une défense de qualité.

L’accessibilité de la justice doit aussi concerner les victimes, en leur garantissant une prise en charge concrète. Ainsi, la forte progression des crédits destinés aux associations d’aide aux victimes depuis 2002 a permis d’augmenter de 38% le nombre de victimes suivies, soit plus de 100 000 en 2005. L’effort budgétaire consacré à l’aide aux victimes est maintenu en 2007, à hauteur de 9,7 millions d’euros. Près de 3,7 millions d’euros seront consacrés au développement de l’accès au droit, par l’intermédiaire des maisons de la justice et du droit et des conseils départementaux de l’accès au droit. Ces structures sont en effet désormais présentes dans quasiment tous les départements. Les maisons de la justice et du droit ont vu leur nombre passer de 43 en 2002 à 118 en 2005.

Enfin, la Commission nationale de l’informatique et des libertés disposera d’un budget fortement renforcé. Près de 10 millions d’euros lui sont attribués, soit une hausse de 13 % en 2007, après celle de 26 % l’an dernier.

Je souhaite enfin que l’année judiciaire 2007 soit placée sous le signe de l’efficacité. Cette efficacité s’appuie tout d’abord sur de nouveaux recrutements et l’aboutissement du programme immobilier lancé il y a quatre ans.

Les crédits inscrits dans le PLF pour 2007 nous permettront de procéder à 1  548 recrutements supplémentaires. Sur la législature, 7 700 emplois nouveaux auront ainsi été créés. Cet effort considérable permettra aux juridictions d’accueillir 160 magistrats, 160 greffiers et 200 fonctionnaires de greffe supplémentaires, afin de rendre notre système judiciaire plus efficace.

La protection judiciaire de la jeunesse sera renforcée par le recrutement supplémentaire de 290 agents spécialisés dans les métiers de l’éducation et de l’insertion. Ils auront à cœur de répondre aux nouvelles formes de délinquance des mineurs sur l’ensemble du territoire national. L’installation, en 2008, de l’école nationale de la PJJ à Roubaix permettra, en outre, de renouveler la formation de ses personnels, dans la fidélité à ses principes fondateurs.

L’administration pénitentiaire bénéficiera de 703 emplois supplémentaires en 2007. Cela lui permettra notamment de recruter les 458 agents nécessaires à l’ouverture des nouveaux établissements pénitentiaires.

En effet, les années 2002 à 2006 ont été des années de construction et de réhabilitation. En 2007, commencera la mise en service des nouveaux établissements pénitentiaires et palais de justice, tandis que les opérations de rénovation se poursuivront. L’investissement du ministère dans ce programme immobilier représentera 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement. Parmi ces crédits, 890 millions permettront à l’administration pénitentiaire de respecter l’objectif de la LOPJ, en créant 13 200 places réparties sur trente établissements afin de faire face à la surpopulation carcérale et à la vétusté de certains établissements.

Notre pays disposera ainsi d’environ 60 000 places conformes à nos besoins quantitatifs et adaptés aux nouvelles normes pénitentiaires du Conseil de l’Europe. Sept établissements pénitentiaires pour mineurs seront livrés en 2007 et deux début 2008. Dix établissements pour détenus majeurs sont d’ores et déjà lancés dans le cadre de partenariats public-privé. L’ensemble des établissements prévus par la LOPJ seront construits d’ici 2010.

L’effort immobilier se poursuivra également pour les juridictions grâce à un programme de construction-rénovation de 190 millions d’euros. Dès 2007, les palais de justice de Thonon-les-Bains, Avesnes-sur-Helpe et la cour d’appel de Bordeaux seront livrés. Les travaux se poursuivront ou commenceront à Annecy, Bobigny, Dijon, Le Havre, Nanterre ou Pointe-à-Pitre. Deux opérations seront réalisées en partenariat public-privé : le palais de justice de Bourgoin-Jallieu et l’extension de celui de Toulon. Plusieurs centaines de juridictions bénéficieront, elles aussi, d’améliorations ou de rénovations de leur patrimoine immobilier.

Enfin, pour la PJJ, l’ouverture de vingt centres éducatifs fermés supplémentaires est programmée, portant le nombre de places disponibles dans ces établissements à 465 à la fin de 2007.

Ces recrutements et ces constructions nous permettront d’assurer la bonne exécution des décisions de justice. En quatre ans, le taux de réponse pénale a déjà augmenté de plus de 10 %, la justice apportant une réponse pénale dans 79 % des dossiers qui lui sont transmis – et pour les mineurs, ce taux est même de 87 %. J’ajoute que notre politique active de diversification de la réponse pénale a permis d’accroître le nombre de mesures alternatives aux poursuites de 45 %, rendant la justice plus effective.

J’avais fait, l’an dernier, de la mise en place des bureaux d’exécution des peines, l’une de mes priorités pour 2006. Aujourd’hui, 67 ont été créés dans les tribunaux de grande instance. Cette mesure sera généralisée à tous les TGI d’ici la fin de l’année. Ils seront dotés des moyens humains et matériels nécessaires à leur mission. Leur implantation sera étendue aux tribunaux pour enfants afin d’assurer une réponse pénale plus efficace à l’égard des mineurs.

Je souhaite aussi poursuivre la politique de sécurisation des établissements pénitentiaires engagée depuis 2002. La France dispose désormais d’un des taux d’évasion les plus faibles d’Europe. Conforter ce résultat nécessite une adaptation permanente des dispositifs de sécurité. Le programme d’équipement des prisons en moyens de protection contre les intrusions par voie aérienne, tout comme l’installation de brouilleurs de portables, seront poursuivis. L’équipement de protection des personnels pénitentiaires sera, par ailleurs, renforcé.

La sûreté des juridictions est également une de mes priorités. Ainsi, 18 millions d’euros sont consacrés à ce programme dans le budget 2007. Dans les juridictions les plus sensibles, j’ai décidé de faire appel, en complément du gardiennage, à des professionnels particulièrement adaptés. Aussi, nous déploierons, aux côtés de réservistes de la police nationale, d’anciens surveillants de l’administration pénitentiaire. Les expériences menées à Rouen, Aix ou Toulouse ont montré combien leur savoir faire permettait de pacifier les juridictions. Ils seront 260 sur le terrain, à partir du début 2007. Par ailleurs, nous équipons progressivement les juridictions qui ne l’étaient pas, de portiques de détection, de vidéosurveillance et d’alarmes afin de réduire les risques d’agression.

Si la justice doit être ferme avec ceux qui se croient au-dessus d’elle, elle a également vocation à réinsérer dans la société les mineurs suivis par la PJJ et les détenus ayant purgé leur peine.

La PJJ voit ses crédits augmenter de +8,6% cette année. L’effort en faveur des centres éducatifs fermés ne se fera pas au détriment des prises en charge classiques. Les crédits du secteur associatif progressent de 43 millions d’euros, au bénéfice de l’ensemble des structures de prise en charge des mineurs.

Je souhaite également tout mettre en œuvre pour éviter les « sorties sèches » de prison, c’est-à-dire les sorties sans suivi ni soutien adapté. Ainsi, nous devons poursuivre nos efforts en faveur des mesures d’aménagements de peine, qui ont augmenté à 27 % entre 2003 et 2005. Aucune mesure ne doit être négligée, mais je souhaite insister cette année sur le bracelet électronique mobile. Nombre d’observateurs étaient sceptiques lorsque nous nous étions fixé l’objectif de 3 000 placements simultanés pour la fin de l’année 2007, mais nous sommes en train de gagner ce pari. L’expérimentation du bracelet électronique offre au juge la possibilité de concilier protection de la société, respect des victimes et réinsertion des condamnés à de longues peines ou présentant un risque de récidive.

Nous devons avoir, enfin, l’ambition de la réforme. Le débat sur la réforme de la justice a été un des temps forts de cette année. Je souhaite que l’année 2007 soit l’année des premières réponses à l’affaire dite d’Outreau. A la suite de ce drame, l’équilibre entre les droits de la défense et l’efficacité de la procédure nécessitait d’être repensé.

La justice est confrontée aujourd’hui à trois enjeux : lutter contre les détentions provisoires injustifiées, renforcer les droits de la défense, moderniser le régime de la responsabilité des magistrats. Mes propositions ont été adoptées il y a deux semaines par le conseil des ministres.

Cette réforme nécessitera en particulier la création de 70 emplois de magistrats et de 102 emplois de fonctionnaires de greffes. Les postes de magistrats seront pourvus par redéploiement et un recrutement de fonctionnaires devra être organisé. Ce projet comporte, comme pour tous les projets de loi. Une étude d’impact financier qui est estimé pour le ministère de la justice à 30 millions d’euros. Ce financement ne figure pas dans le PLF 2007 puisque le chiffrage précis de cette réforme en 2007 dépend du périmètre définitif de la loi et de son calendrier de mise en œuvre, mais, dès .que la loi sera promulguée, le Gouvernement abondera en tant que de besoin les crédits du ministère.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des financesJ’aimerais que tous les projets de lois soient assortis d’une étude d’impact financier !

M. le Garde des Sceaux  Nous sommes exemplaires !

M. Jean-Paul Garraud, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice » Le budget de la justice, qui s’élève à 6,271 milliards d’euros, connaît, comme cela a été dit, une progression notable : 5 % en 2007, et 38 % depuis 2002. La réforme de la procédure pénale, qui fait suite aux travaux de la commission parlementaire d’Outreau, a dégagé des objectifs clairs : assurer la cohérence de l’organisation territoriale de l’instruction, favoriser le travail en équipe, améliorer le contrôle de la chambre de l’instruction sur le déroulement des informations et sur la détention provisoire, et enfin renforcer le caractère contradictoire des expertises.

Un certain nombre de dispositions budgétaires ont déjà été prises pour répondre à ces préoccupations, notamment en faveur de la mise en place des pôles de l’instruction – sans revenir sur la présence d’un juge d’instruction par tribunal de grande instance. L’objectif est de créer 125 pôles et de développer la co-saisine. Dans ce schéma, la place du juge des libertés et de la détention peut susciter des interrogations – certains membres de la commission d’enquête en avaient d’ailleurs préconisé la suppression pure et simple. Le pôle de l’instruction pourrait avoir compétence pour l’ensemble de ce qui concerne la détention provisoire et donc remplacer le JLD, juge unique – et peut-être inique, selon l’adage. Beaucoup de députés s’intéressent à cette question et une évolution est peut-être envisageable. Quant au renforcement du contrôle par la chambre de l’instruction et à la réforme de l’expertise, en particulier psychiatrique, ce sont deux sujets primordiaux.

L’année dernière, nous étions très inquiets de l’évolution des frais de justice, qui augmentaient de 15 à 20 % chaque année. À la suite des travaux de la mission que vous avez instituée, sous l’autorité de secrétaire général de la Chancellerie, des efforts importants ont été réalisés. Un nouvel article du code de procédure pénale a notamment permis d’encadrer les tarifs des réquisitions des opérateurs téléphoniques, qui ont baissé de 40 % depuis. C’était une mesure indispensable à la maîtrise des frais de justice et le sujet semble réglé. Quant aux juges de proximité, leur nombre augmente – 530 étaient en activité au 30 juin – et il faut souligner que seules huit de leurs décisions ont été annulées par la Cour de cassation. Leurs compétences ont été accrues, aussi bien au civil qu’au pénal. En revanche, un problème semble se poser au sujet du remboursement de leurs frais de déplacement.

L’accès au droit et à la justice regroupe l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et l’aide aux victimes. Ses crédits connaissent une progression notable, de 6,2 %. L’aide juridictionnelle, notamment, passe de 303 à 323 millions d’euros, avec une augmentation de six points de l’unité de valeur de référence pour la rétribution des avocats.

J’en viens à mes questions. La première concerne la dégradation du ratio entre le nombre des magistrats et celui des fonctionnaires des services judiciaires, qui était de 2,87 en 1992 et de 2,63 en 2005 alors que les missions confiées à la justice ont été alourdies. Il y a certes eu des créations de postes de magistrats, mais qui n’ont pas été accompagnées de postes de fonctionnaires. Or, un magistrat n’est rien sans son greffier ! Il est important de maintenir la corrélation entre les deux. Ma seconde question porte sur les juges d’application des peines : toutes les réflexions qui ont été conduites montrent qu’il est absolument indispensable d’augmenter leurs moyens, alors que les peines d’emprisonnement assorties d’un sursis avec mise à l’épreuve ont progressé de 20 % en quatre ans et que nous souhaitons développer les mesures de sûreté, telles que le bracelet électronique. Il convient donc de faire un effort dans ce domaine.

Les primes au mérite ont fait couler beaucoup d’encre, mais elles sont maintenant parfaitement entrées dans les mœurs. En revanche, il me semble tout à fait anormal que seuls les magistrats puissent en bénéficier, et pas les greffiers, alors qu’ils travaillent en équipe. Enfin, il me semble qu’il faut consacrer des moyens à l’amélioration de la gestion des ressources humaines du ministère. C’était une des grandes préoccupations de la commission parlementaire : sans vouloir en aucune façon mettre en cause le travail des agents, il faut parvenir à placer la bonne personne au bon endroit. Avant d’élaborer de nouvelles lois, il faut améliorer l’application de celles qui existe. Cette préoccupation rejoint celle de nombreux agents du ministère.

M. le Garde des Sceaux  La réforme qui a été présentée au conseil des ministres vise en particulier à améliorer le contrôle des chambres de l’instruction sur l’activité des juges d’instruction. En clair, dans toute la France, les assesseurs des chambres d’instruction seront des juges à plein temps. Les 42 postes que cela implique sont inscrits dès à présent dans la loi de finances. Cela devrait permettre de grands progrès dans le suivi des juges d’instruction. Avec ces moyens supplémentaires, les chambres de l’instruction vont perdre leur réputation, au demeurant injustifiée, de « chambres des évêques » et prendre toute leur place.

S’agissant de la présence d’un juge d’instruction dans chaque tribunal de grande instance à chambre unique, il va de soi qu’il est tout à fait inutile de prévoir une co-saisine dans les affaires simples. En revanche, les affaires criminelles ou complexes seront adressées aux pôles d’instruction – qui seront le plus souvent départementaux. La co-saisine est l’annonce de la collégialité : celle-ci est extrêmement difficile à mettre en place, sauf à accepter que les recrutements soient d’une qualité moindre qu’aujourd’hui. La mise en place de cette collégialité supposerait en effet le recrutement, d’un seul coup, de 250 magistrats supplémentaires. C’est une véritable difficulté pratique, pas seulement budgétaire, et toute suggestion sera la bienvenue.

Le problème de la proportion entre magistrats et fonctionnaires des greffes s’est surtout posé en 2005, pour la raison que la scolarité, cette année là, est passée de douze à dix-huit mois. L’année 2005 a donc été une année très inconfortable pour beaucoup de juridictions qui n’ont reçu aucun greffier pour compenser les départs à la retraite, alors qu’elles connaissaient déjà un déficit. Aujourd’hui, les choses s’améliorent. Plus de 360 greffiers auront pris leurs fonctions cette année et 260 en 2007 – soit 160 de plus que de départs à la retraite. La situation sera parfaitement normale d’ici deux à trois ans, mais le pire est déjà derrière nous. Le ratio était en 1990 de 2,8 fonctionnaires des greffes pour un magistrat et il est de 2,6 aujourd’hui, mais nous arriverons très vite à trois pour un.

En ce qui concerne les juges d’application des peines, en 2002, il en manquait dans toute la France et tout le monde ne parlait que de ça. À l’époque, il y en avait 176. Aujourd’hui, ils sont 352 ! Il me semble que le nécessaire a été fait. Quant à l’extension des primes au mérite aux fonctionnaires, une première enveloppe d’un million a été inscrite en loi de finances à cet effet. Dans un premier temps, le directeur des services judiciaires en arrêtera la répartition, après consultation des organisations professionnelle.

Vous avez aussi évoqué la fusion des grands corps de fonctionnaires. Le ministère est divisé en quatre directions : administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, direction des services judiciaires et administration centrale. La fusion des corps de catégorie A, qui ne comptent qu’un nombre limité d’agents, est engagée et celle des corps de catégorie B est à l’étude. Elle devrait aboutir en 2007. Le problème est plus difficile pour la catégorie C, qui regroupe 33 000 agents. Il ne paraît pas possible de réaliser la fusion dans les délais prévus par le protocole sur la fonction publique de janvier dernier. Une dérogation a été accordée au ministère pour réaliser la fusion en deux temps : il faudra parvenir à un maximum de deux corps de catégorie C par direction avant la fin de cette année, puis à deux corps pour l’ensemble du ministère d’ici au 1er janvier 2009.

Mme Michèle Tabarot, rapporteure pour avis de la commission des lois pour les programmes « Administration pénitentiaire » et « Politique judiciaire de la jeunesse » L’examen des programmes « Administration pénitentiaire » et « Protection judiciaire de la jeunesse » permet de constater les efforts sérieux que le Gouvernement a consentis dans ces domaines. Des inquiétudes s’étaient exprimées l’année dernière quant aux renforts en personnel rendus nécessaires par la montée en puissance des programmes immobiliers. Elles semblent dissipées aujourd’hui. Ce budget, conforme aux objectifs de la LOPJ, fait montre en effet d’ambition en matière de recrutement et de créations et réhabilitations d’établissements.

En ce qui concerne l’administration pénitentiaire, les crédits de paiement progressent de 5 %. Avec la création de 277 équivalents temps plein, le plafond de recrutement est porté à près de 2 000 emplois, ce qui permettra de doter premiers établissements du « programme 13 200 », qui seront livrés en 2007. Il est évident que les conditions de détention pourraient être meilleures mais je tiens très sincèrement à souligner, à la veille de la parution de l’enquête très médiatique de l’Observatoire international des prisons, l’effort mené par le garde des Sceaux pour la création et la réhabilitation d’établissements. C’est en effet la première réponse à apporter pour améliorer la situation des détenus. Mais on peut aussi saluer d’autres décisions, telles que la généralisation des unités de visite familiale, qui montre un effort important pour le maintien du lien familial, si important, le renforcement de la médiation, le développement des solutions alternatives ou la création d’établissements de courtes peines. Dans le contexte de l’après-Outreau, il faut aussi porter une attention toute particulière à la cohabitation entre condamnés et présumés innocents, à la mise en contacts de prévenus soupçonnés de faits lourds avec des détenus condamnés à de courtes peines. Il est essentiel de limiter au maximum cette mixité. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce domaine ?

Ma seconde question concerne la formation professionnelle en détention, qui est un élément essentiel de la réinsertion, mais aussi d’occupation des détenus. Des dysfonctionnements se sont produits cette année. Le ministère de la cohésion sociale a-t-il pris des engagements pour qu’ils ne se reproduisent pas ? Par ailleurs, la religion occupe une place importante dans l’univers carcéral : beaucoup de détenus y trouvent un espace de dialogue et d’échange. Or, il ressort des entretiens que j’ai eus avec les aumôniers nationaux que le maillage territorial est insuffisant. Face à la montée des intégrismes, qui est encore plus inquiétant à l’intérieur des prisons, et étant convaincue que les prosélytes ne peuvent occuper que le terrain laissé libre par les ministres officiels des cultes, il me semble que les aumôniers sont les meilleurs garants de nos valeurs républicaines. Qu’envisagez-vous de faire pour garantir la modération du discours religieux en prison ?

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse traduit lui aussi un effort conséquent de la part du Gouvernement, avec des renforts en personnel et l’ouverture de 28 centres éducatifs fermés. La direction de la PJJ a entrepris des efforts depuis 2003, aidée en cela par la mise en place de la LOLF, pour rationaliser son organisation et la gestion de ses effectifs, établir des outils de suivi statistique performants et diversifier ses modes d’intervention. Mais les délais de prise en charge des mineurs, malgré des progrès, restent trop longs. La part imputable à la PJJ dans ce retard diminue, et celle imputable aux magistrats augmente. Quoi qu’il en soit, 18 mois après le prononcer de la peine, un pourcentage élevé de mineurs ne l’ont toujours pas effectuée. Comment comptez-vous améliorer ce délai ?

Il apparaît, ensuite, que la très belle initiative que constitue le parrainage mérite d’être largement développée. Mais le dispositif souffre d’un manque de notoriété, et les éducateurs ne sont pas toujours en mesure de répondre aux interrogations des chefs d’entreprise. Est-il possible d’envisager l’intervention du service public de l’emploi ou des missions locales ? Enfin, je répète qu’il est très néfaste de mélanger des catégories de personnes très différentes, comme des enfants victimes et de jeunes délinquants. Comment faire pour les séparer et donner une réponse adaptée à chacun ?

M. le Garde des Sceaux : Les travaux lancés pour l’exécution de la LOPJ sont sans précédent. Ils permettront de créer 13 200 places en plus des 50 000 existantes. Par ailleurs, 5000 places devraient être totalement réhabilitées, notamment aux Baumettes, à la Santé, à Fleury-Mérogis. Les crédits de réhabilitation s’élèvent à 120 millions d’euros pour 2007 et représentent annuellement, sur la période 2002-2006, le double de ceux votés sous la précédente législature.

Nous disposerons donc d’un peu plus de 60 000 places, pour 56 000 détenus environ. Notre pays, avec 91 détenus pour 100 000 habitants, figure parmi ceux où la proportion de détenus est la plus faible – l’Allemagne compte 95 détenus pour 100 000 habitants, l’Italie et l’Espagne 97 et 98, l’Angleterre et le Portugal 134. Les proportions sont plus faibles dans les pays du Nord, mais il est difficile de nous comparer avec ces pays plus petits. Puissions-nous éradiquer cette idée reçue selon laquelle la France détiendrait un nombre record de détenus !

Par ailleurs, je suis favorable à ce que la presse fasse le point sur la situation dans les prisons, mais lorsqu’un metteur en scène se vante à la radio d’être « de parti pris », où est l’information ? Cette intervention était d’autant plus malheureuse qu’elle était très critique à l’égard de la France, ignorant l’apport des programmes Chalandon et Méhaignerie qu’il convient de saluer.

Je souhaite que soit mené, quelle que soit la couleur politique des prochaines majorités, un programme continu de réhabilitation et de construction, sans lequel les émissions de télévision et les discours tenus la main sur le cœur ne serviront guère. Beaucoup plus qu’en de beaux discours, je crois en une dépense budgétaire concrète qui nous permette de nous conformer aux règlementations du Conseil de l’Europe. À ce propos, je rappelle que M. Gil Robles, dont j’ai critiqué le rapport, ne représentait que lui-même, et non pas le Conseil de l’Europe, pour lequel il ne travaille d’ailleurs plus.

En tout cas, nul ne peut plus prétendre aujourd’hui que le budget de la justice soit ridicule. Nous avons fait beaucoup d’efforts ces cinq dernières années, et nous devons poursuivre sur la même voie, en évitant les coups d’accordéon, quand bien même la conjoncture économique ne permet pas toujours de se montrer très généreux. Pour la première fois, c’est le budget de la justice qui a bénéficié de la plus forte progression.

Par ailleurs, il n’est plus question de mélanger les courtes peines et les longues. Les primo-délinquants exécutant une courte peine seront hébergés dans des quartiers réservés, où des programmes de réinsertion en lien avec leur délit leur seront proposés. Deux de ces quartiers courte peine ouvriront dès 2007 à Fleury-Mérogis et à Toulouse. De surcroît, l’ambitieux programme immobilier en cours permettra de séparer les prévenus des condamnés.

S’agissant de la rémunération de la formation professionnelle en prison, qui dépend du ministère des affaires sociales, les crédits étaient passés de 13 à 10 millions entre 2005 et 2006. Je me suis battu pour retrouver 3 millions en 2006, et j’espère que cette décision permettra un ajustement pérenne. M. Borloo m’a assuré que les crédits nécessaires seraient dégagés cette année.

Pour ce qui est du prosélytisme, les 900 aumôniers sont en grande majorité catholiques, avec une importante minorité protestante, et seulement quelques rabbins et aumôniers musulmans. Je me réjouis que le Conseil français du culte musulman ait nommé un aumônier national des prisons, en la personne de M. Talabi. Je croyais, à mon arrivée au ministère, que les aumôniers étaient des prêtres ou des imams. Il n’en est rien – ce sont des laïques pour la plupart. Les choses se passent bien en général, même s’il existe une centaine de détenus islamistes à tendance dangereuse, dont le bureau du renseignement créé au sein de l’administration pénitentiaire, connaît très bien le passé, l’histoire, les relations, ce qui permet de ne pas commettre d’erreur lors des placements en prison. De surcroît, les personnels pénitentiaires sont formés à la pratique des cultes et à la lutte contre les prosélytismes en établissement.

Le délai de prise en charge des mineurs par la PJJ est resté quasi constant depuis 2001, alors que le nombre de mesures a augmenté de 25 %. Le nombre de mesures en attente de plus de quinze jours a diminué de 30 %. Le délai moyen de prise en charge des investigations est de onze jours. Selon une enquête lancée auprès des magistrats des six cours d’appel, 71 % des magistrats sont satisfaits, voire très satisfaits des conditions de prise en charge pour l’ensemble des investigations. Les délais de placement dans un foyer ou une famille d’accueil sont inférieurs à trois jours en moyenne. La réduction des délais est au cœur des préoccupations de la direction de la PJJ. Cet objectif assigné à ses services figure du reste parmi les indicateurs de performance. La prochaine création de bureaux d’exécution « mineurs » devrait permettre de prendre en charge immédiatement les mineurs qui le nécessitent. Les moyens inscrits au projet de loi de finances permettront à la PJJ de réduire de 150 le nombre des emplois vacants, notamment dans les services de milieux ouverts.

Je vous remercie d’avoir abordé la question du parrainage, qui me tient particulièrement à cœur, puisque c’est un projet que j’ai lancé à partir d’une expérience que j’ai menée dans la Loire. Nous comptons aujourd’hui 700 parrains. Le Premier ministre a réuni cette semaine, sur ma suggestion, l’ensemble des préfets, des recteurs, des procureurs généraux, des procureurs, qui ont beaucoup applaudi le PDG du groupe La Revue fiduciaire, M. de Lavilleguérin, venu leur présenter le dispositif. M. Guy Geoffroy m’a appris hier que le jeune qu’il parrainait venait de décrocher un contrat d’embauche. Nous pouvons faire des merveilles ! Ainsi, Pierre Gagnaire, grand chef qui s’est illustré dans mon département, a écrit à tous les chefs des Relais et Châteaux, de sorte que c’est ce réseau qui, contre toute attente, recrute le plus de jeunes sous main de justice ! Le jeune filleul de Pierre Gagnaire est aujourd’hui en apprentissage chez Gagnaire et y fait ses preuves !

Quant à la séparation des mineurs délinquants et des mineurs victimes au sein des établissements, je rappelle que les centres éducatifs fermés, tant critiqués à leur création, sont un véritable succès. Imaginez que plus de cinquante jeunes passent environ six mois, renouvelables une fois, dans un milieu fermé, sous l’autorité de pédagogues, d’éducateurs de la PJJ, de surveillants, et que les juges des enfants n’en revoient pas plus d’un sur deux à la sortie. Ce résultat est sans précédent ! Le séjour en établissement doit avoir la vertu de permettre à un jeune de faire le point, de faire retraite, se calmer. Une fois apaisé, il peut enfin trouver avec ses éducateurs le moyen d’être heureux, de trouver un métier. Il est alors envoyé faire des stages – rémunérés.

Les centres d’éducatifs renforcés complètent la palette du dispositif, avec les établissements pour mineurs qui fonctionneront dès cet été. Par ailleurs, les mineures des foyers de l’école Le Nôtre et de Saint-Quentin, qui ont commis des viols et des actes de barbarie sur d’autres mineures de ces foyers, étaient toutes placées au titre de l’assistance éducative. Elles sont donc à la fois victimes et délinquantes.

Afin de prendre en compte cette complexité, le projet de loi sur la protection de l’enfance prévoit que les mineurs et les jeunes majeurs doivent être accueillis dans des unités de vie distincts « en fonction du projet individualisé éducatif de chacun d’eux » et que les établissements doivent garantir leur « sécurité ».

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial de la commission des finances : Je ne reviens pas sur les chiffres : je rappellerai simplement que l’effort de rattrapage se poursuit. Cette action publique a été trop longtemps négligée, et nous souhaitons tous que cet effort soit poursuivi.

Permettez-moi tout d’abord d’aborder la question de l’exécution de la loi d’orientation et de programmation pour la justice. Selon le rapport rendu en octobre 2006, « l’exécution est globalement respectée pour les crédits et dans une moindre mesure pour les créations d’emploi ». Ce rapport extrapole les données arrêtées à 2005 pour les projeter sur 2006 et 2007.

Le taux d’exécution sera donc satisfaisant pour les crédits d’investissement, notamment grâce à la montée en puissance des contrats de partenariat public-privé. Il en ira de même des autres crédits.

En revanche, l’exécution sera insuffisante en matière de créations d’emplois. L’objectif initial ne sera notamment pas atteint pour les fonctionnaires des services judiciaires puisque le taux d’exécution prévisible de cette catégorie sera de 58 %.

Au-delà des chiffres, la justice s’apprécie aussi sur un plan qualitatif. En l’espèce, les délais de traitement des affaires n’ont cessé de s’améliorer, de même que l’effectivité de la réponse pénale, grâce notamment à la généralisation des bureaux d’exécution.

Cela étant, les objectifs sur le nombre de places en centres éducatifs fermés ou en centres d’éducation renforcée ne seront pas atteints.

Quant aux juges de proximité, nous devons revoir l’objectif. Alors que 3300 juges de proximité avaient été annoncés, 530 sont en fonction aujourd’hui. Nous serons donc très loin de l’objectif initial, qui avait du reste été fixé de manière assez pifométrique, et très au-delà des besoins des juridictions. Mieux vaudrait se concentrer sur l’amélioration de la formation des juges de proximité déjà en place.

Concernant la mise en œuvre de la LOLF, sans revenir sur le rapport que j’ai présenté à la commission des finances le 5 juillet dernier, je voudrais signaler quelques améliorations, et quelques difficultés persistantes.

Il convient tout d’abord de saluer, au sein du ministère de la justice, la création du secrétariat général, ainsi que l’instauration d’un dialogue de gestion assez fructueux avec les contrôleurs financiers. Enfin, la quasi-maîtrise de l’évolution des frais de justice est à mettre à l’actif des efforts de l’administration centrale et des chefs de cour.

Certaines difficultés subsistent cependant.

Tout d’abord, la charge de travail des services administratifs régionaux a considérablement augmenté, sans que leurs moyens en personnels ne suivent. Nous devons mener une réflexion approfondie sur les moyens et le statut de ces services. La gestion déconcentrée du personnel reste problématique, ce qui ruine l’idée de fongibilité des crédits.

Enfin, les services du ministère de l’économie et des finances devraient à leur tour s’imposer une petite révolution culturelle. La justice a fait beaucoup d’effort pour s’imprégner des règles de gestion de la LOLF, mais je n’en dirai pas autant des services du ministère de l’économie et des finances.

Dès lors qu’un budget opérationnel de programme est validé, un véritable contrat de confiance doit s’établir entre le ministère de l’économie et des finances et les gestionnaires responsables du programme. Or, en dépit de cette validation, les verrous se maintiennent, certains aspects de gestion sont recentralisés, ce qui est contraire à l’esprit de la LOLF.

Je terminerai par quelques observations, à commencer par l’évolution des dépenses de l’aide juridictionnelle. Nous sommes tous attachés à ce que l’aide juridictionnelle permette aux plus modestes d’accéder au droit, mais 886 000 admissions à l’aide juridictionnelle ont été enregistrées en 2005, et nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur un éventuel filtrage des demandes déposées au titre de l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, le secteur associatif habilité au sein de la PJJ souffre d’une sous-budgétisation récurrente.

Concernant les prisons, la situation devrait s’améliorer dans les prochaines années. J’ai été très sensible à la baisse de la détention provisoire ces derniers mois, mais je crains que la réforme envisagée ne soit homéopathique. Il faudrait aller plus loin en matière de santé, de travail dans les prisons et de lutte contre les sorties sèches.

Je salue la mission confiée au médiateur de la République sur le contrôle des prisons, et la généralisation des délégués du médiateur. Le respect des normes adoptées par le Conseil de l’Europe en janvier 2006 est un vrai défi à relever.

Il est enfin nécessaire de faire évoluer de manière concomitante les primes des magistrats de la cour de cassation et celles des magistrats du Conseil d’État et de la Cour des comptes. Je sais que le Conseil d’État et la Cour des comptes, indûment soustraits à la mission « Justice », bénéficient d’une proximité singulière avec le Premier ministre, les cabinets ministériels et les directeurs d’administration centrale, mais je pense que les magistrats de la Cour de cassation n’ont pas moins de mérite que les autres et que leurs primes doivent évoluer au même rythme. Je sais que vous y êtes sensibles, mais je tenais à le répéter, dans un souci qui, je le souligne, est d’équité et non de corporatisme.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances : Je poserai quatre questions complémentaires au nom de la commission des finances.

S’agissant tout d’abord de la LOLF, nous nous interrogeons sur le caractère opérationnel de la fongibilité asymétrique, notamment pour les chefs de cour qui sont nombreux à ne pas jouer de cette faculté ouverte par la loi.

Par ailleurs, les indicateurs du programme 166, qui est le programme principal, sont plutôt quantitativistes – délais, nombre de dossiers traités etc. Serait-il possible d’y introduire du qualitatif ? L’exercice semble difficile, mais les chefs de cour que nous avons rencontrés y sont prêts.

Pour ce qui est des moyens, ne pourrait-on profiter des nouvelles technologies, notamment la visioconférence, pour éviter les transferts de détenus, particulièrement lourds et coûteux ?

Enfin, la commission des finances s’est obligée à un droit de suite sur les travaux réalisés par les missions d’évaluation et de contrôle. Marie-Hélène des Esgaulx, sous l’autorité de Yves Deniaud et Augustin Bonrepaux, a conduit un travail sur la prise en charge des demandeurs d’asile. A cette occasion est apparu le problème de la salle d’audience de Roissy. Le président de la commission des finances a interrogé le Premier ministre le 12 avril, mais nous n’avons pas eu de réponse. Nous avons répété en vain notre question le 5 juillet. La commission, en examinant les crédits de la mission concernée, il y a quelques jours, a adopté une observation en la matière. Quand la salle d’audience de Roissy sera-t-elle mise en service ? Le rapport de la MEC sur ce même sujet a par ailleurs conclu à la nécessité d’améliorer l’indemnisation des médecins et interprètes requis d’office. Qu’en sera-t-il ?

M. le Garde des Sceaux : Vous êtes très aimable de me poser des questions qui relèvent du Ministre de l’Intérieur… (Sourires)

S’agissant de l’exécution de la LOLF, nous atteignons presque les 80 %, soit 2,8 milliards d’euros et 7 700 emplois dont 776 de magistrats. Peu de lois de programmation ont été respectées dans ces proportions.

Par ailleurs, des délais anormalement longs de traitement des affaires sont toujours constatés, mais les délais moyens ont été réduits de 28 % dans les juridictions du premier degré.

Le taux de réponse pénale a augmenté de dix points, et les mesures alternatives aux poursuites de 45 %. Les 13 200 nouvelles places de prison permettront de réduire l’encombrement carcéral, et le calendrier est tenu.

Pour ce qui est des normes pénitentiaires européennes, que nous avons adoptées ainsi que les 45 autres États membres du conseil de l’Europe en janvier 2006, je rappelle qu’elles n’ont pas de valeur impérative, mais nous les faisons nôtres, et nous avons distribué à nos personnels une charte d’action de l’administration pénitentiaire qui en rappelle les orientations, concernant notamment le principe de l’encellulement individuel et des 10 % de cellules à trois pour les détenus qui ne pourraient supporter la solitude absolue. J’ai visité à Fleury-Mérogis une cellule réhabilitée – les toilettes et la douche sont à l’intérieur de la cellule, et une croix en guise de fenêtre permet de ne plus donner cette impression de soupirail.

J’en viens au problème de l’admission à l’aide juridictionnelle. J’ai annoncé dernièrement aux bâtonniers 6,6 % d’augmentation. Ils ont salué cette avancée par rapport aux années précédentes, mais je n’ai pas reçu le même accueil en province ! Il est vrai que le chiffre de 886 000 admissions est énorme par rapport aux autres pays, surtout si l’on considère que cela rend d’autant plus faible la rémunération pour chaque affaire. Mais une progression annuelle de 15 à 20 % des crédits ne sera pas tenable très longtemps. C’est pourquoi nous devons poursuivre le dialogue avec les avocats, ainsi qu’avec les assureurs dans le cadre de l’assurance protection juridique. Mais ces derniers veulent faire travailler leurs propres avocats, alors que nous prônons la liberté de choix du défenseur. J’espère avoir gain de cause, d’autant plus que cette solution ne coûterait pas plus cher aux assureurs, qui octroieraient une somme forfaitaire à leurs assurés.

À propos des sorties sèches, je veux insister sur le rôle des centres de visites familiales, qui va bien au-delà de l’aspect humain, car il n’est pas possible de réinsérer quelqu’un qui a perdu tout contact avec sa famille. Oui, la réinsertion sociale et humaine passe par la réinsertion familiale. Il est donc essentiel, pour les personnes condamnées à de longues peines, de pouvoir passer deux à trois jours dans une petite maison, certes au sein de l’établissement pénitentiaire, mais avec sa femme et ses enfants. Chacun reconnaît que les détenus s’en trouvent changés psychologiquement, que leur désir le plus cher est de revivre cette scène au plus vite, que leur réinsertion ultérieure en est grandement facilitée. C’est pourquoi de tels centres ont été créés dans toutes les nouvelles prisons, et qu’un système moins perfectionné mais équivalent a été institué dans les vieux bâtiments des centrales.

Dans la mesure où les règles du Conseil de l’Europe imposent un contrôle externe sur les prisons il appartiendra désormais, en plus des nombreuses commissions existantes et du parquet, au médiateur de la République, autorité indépendante, de vérifier si les choses se passent comme les textes le prévoient.

Même si elle relève surtout du ministère de l’intérieur, j’en viens à la question de Roissy. Le projet a un peu tardé pour deux raisons. Le ministère de l’intérieur a dû régler une situation financière et immobilière complexe liée à la zone d’attente de Roissy, avant de pouvoir lancer la construction de cette annexe dédiée à la justice. Je rappelle qu’il doit s’agir d’une véritable annexe du palais de justice de Bobigny respectant à ce titre toutes les caractéristiques d’un lieu de justice : ouverture au public et accueil de ce public avec possibilité de tenir des audiences en parallèle, visioconférence, liaison informatique adéquate avec le TGI de Bobigny.

Aujourd’hui, ces problèmes de principes sont réglés. Le ministère de l’intérieur prévoit de notifier le marché de conception-réalisation en juillet 2007 et de livrer les locaux fin 2008. Le coût de l’investissement, intégralement à sa charge, est de 1,5 million d’euros.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances Les transfèrements coûtent 1,3 million…

M. le Garde des sceaux – Je vous répète que tous les tribunaux seront équipés de systèmes de visioconférence, de même qu’une quarantaine d’établissements pénitentiaires. Ce dispositif va être généralisé, et nous allons ainsi réaliser des économies importantes. Je suis tout à fait prêt à ce que mon ministère assume la charge de ces transfèrements. Encore faudrait-il prévoir, avec l’accord de Bercy, de répartir sur quelques années la charge budgétaire que représenteraient les 2000 surveillants supplémentaires nécessaires au remplacement des policiers et gendarmes.

M. Michel Vaxès – Dans votre réponse sur la loi de programmation, vous avez en fait confirmé qu’il manquera 2 milliards sur les 8 milliards d’euros annoncés et près de 3000 emplois sur les 10 000 promis.

Par ailleurs, lors de la présentation de votre projet à la presse, vous vous êtes félicité du programme de maîtrise des frais de justice. Pourtant, il y a six mois, les journaux faisaient état de retards considérables dans le paiement des jurés, des experts et de centaines de milliers de factures. Votre satisfaction tient-elle au fait que les retards dans ses dépenses sont désormais rattrapés ?

Dans son rapport de janvier dernier sur la gestion des prisons, la Cour des comptes a souligné que les dysfonctionnements dans la prise en charge par les services pénitentiaires d’insertion et de probation des personnes qui leur sont confiées, en milieu tant ouvert que fermé, s’expliquaient principalement par les problèmes d’effectifs de ces services. En effet, la priorité donnée à la sécurité et l’insuffisance des moyens ont des répercussions sur les résultats de la mission d’aide à la réinsertion. La plus grande partie des crédits sera de la sorte absorbée par la garde et le contrôle des personnes placées sous main de justice. N’est-il pas dommageable ce que votre budget ne prenne pas en compte des observations de la Cour des comptes ?

Enfin, on annonce pour le mois de décembre prochain un certain nombre de mouvements d’avocats à propos de l’aide juridictionnelle. Mais, au-delà de la demande de réévaluation des prestations dont vous avez reconnu la légitimité, c’est une véritable réforme en profondeur de l’aide juridictionnelle qui apparaît nécessaire. Êtes-vous prêt à la faire figurer dans le projet de loi que vous nous présenterez dans les prochaines semaines ?

M. Christophe Caresche – Ce budget intervient quelques mois après les travaux de notre commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, au sein de laquelle un consensus assez fort s’est dégagé sur la nécessité de donner davantage de moyens à la justice. Or, même si je reconnais qu’un effort est accompli, on est encore loin du compte et les objectifs de la loi d’orientation ne sont que partiellement atteints.

Il est vrai que 160 emplois supplémentaires de magistrats sont prévus, dans la continuité des créations des deux années antérieures, mais nous aimerions savoir s’il s’agit effectivement de postes supplémentaires ou de la simple compensation des nombreux départs en retraite prévus.

S’agissant des greffiers, je rappelle qu’il n’y a pas eu de concours en 2006 et qu’il n’y aura pas de créations de postes en 2007. Ceux dont vous avez parlé correspondent donc simplement à des fins attendues de scolarités.

Pour la justice de proximité, j’ai noté comme M. Albertini que l’objectif des 3 300 recrutements d’ici 2007 ne sera pas atteint, puisque 585 seulement étaient intervenus au 15 octobre dernier. L’écart est important.

On le voit, beaucoup reste à faire pour donner à la justice des moyens correspondants à ses besoins et aux préoccupations mises en exergue par l’affaire d’Outreau.

En ce qui concerne les prisons et l’administration pénitentiaire, ne faisant pas partie de ceux qui mènent un combat idéologique contre la prison, il me semble que le débat porte moins sur le nombre de places de détention que sur les conditions d’accueil des détenus. L’enquête intéressante menée par l’Observatoire international des prisons confirme les conclusions d’une précédente commission d’enquête parlementaire. On observe que l’essentiel des crédits va à la sécurisation. On peut le comprendre dans la mesure où le taux de 158 agressions contre les personnels pour 10 000 détenus reste particulièrement élevé, l’objectif de la loi de programmation de passer en 2005 à moins de 100 agressions pour 10 000 détenus étant loin d’être atteint. Mais la dégradation des conditions de sécurité est sans conteste liée aux mauvaises conditions d’incarcération, qui favorisent l’agressivité et la violence. Aussi, plus on incarcère, plus les difficultés augmentent.

Bien sûr, il est nécessaire de moderniser un certain nombre d’établissements et de créer des places nouvelles qui se substituent à celle des établissements dégradés, mais il faut aussi développer considérablement les alternatives à la prison et tous les moyens qui permettent de faire en sorte que l’incarcération ne soit plus l’unique voie de la sanction. Nous avons sur ce point une divergence avec la majorité, car le dispositif de peine-plancher que le ministre de l’intérieur veut introduire dans son projet sur la prévention de la délinquance se traduira à l’évidence par une inflation carcérale.

La situation préoccupante des détenus en prison apparaît clairement dans les indicateurs du document budgétaire. L’indicateur 3-1, page 80, montre ainsi une prévision de dégradation du pourcentage des personnes condamnées placées sous écrou bénéficiant d’un aménagement de peine.

M. le Garde des Sceaux – Je ne sais pas quel savant a rédigé cette partie du document, qui est absolument incompréhensible. Ce qui compte, ce n’est pas la prévision mais ce qui est effectivement réalisé. Retenez donc plutôt ce chiffre : 15 000 aménagements de peine en 2002, 20 000 aujourd’hui.

M. Christophe Caresche – Que je sache, c’est bien votre ministère qui affiche des prévisions en retrait par rapport aux réalisations de l’année antérieure et cet indicateur montre quand même que la situation se dégrade. C’est aussi le cas de l’indicateur 6-1, page 82, puisque le pourcentage des détenus bénéficiant d’une formation générale et professionnelle – ce qui est quand même un élément important de la réinsertion – passe d’une réalisation de 29,7 % en 2005 à une prévision de 27,4 % en 2006.

Plus accablant encore, l’indicateur 6-3 sur le pourcentage de détenus bénéficiant d’un projet de préparation à la sortie, qui permet en fait de mesurer le taux de sorties sèches, passe de 31,7 % en 2005 – ce qui marquait un effort important par rapport à une prévision de 21 % - à 22 % en prévision en 2006.

M. Warsmann a fait un rapport intéressant sur cette question et nous nous accordons tous sur la nécessité qu’il y ait moins de sorties sèches. Ce recul est donc préoccupant. Et si l’on accompagne moins les détenus à l’intérieur comme en dehors des prisons, cela s’explique bien par le fait que les moyens sont concentrés sur les constructions et sur la sécurisation.

M. Étienne Pinte – Au printemps dernier, après le séisme provoqué par l’affaire dite d’Outreau, j’ai pris la décision de m’immerger plusieurs jours dans le fonctionnement du tribunal de grande instance de Versailles. Ce fut une expérience enrichissante et instructive.

De tous mes échanges avec les magistrats et les personnels, je tire d’abord la conclusion que nous pourrions débattre sans fin du bien-fondé d’une réforme de la justice. En effet, pour certains magistrats, une remise à plat de notre système judiciaire s’impose ; pour d’autres appliquer les textes existants serait amplement suffisant ; d’autres encore se demandent si une telle réforme serait bien opportune à quelques mois d’échéances électorales importantes. Il me semble aussi que nous devons garder à l’esprit que l’inflation législative entraîne une grande insécurité juridique et un risque élevé d’erreur.

Surtout, une réformette comme un toilettage de fond de notre institution judiciaire n’auraient aucun sens si les moyens budgétaires nécessaires n’étaient pas engagés. En effet, il m’apparaît clairement, après ce que j’ai vu et entendu, que ce dont souffre le plus notre justice pénale, c’est du manque de moyens, tant humains que matériels.

Les efforts de ce projet de loi de finances en faveur de la justice ne m’ont pas échappé. Mais le retard est important et notre pays occupe un rang très médiocre en Europe au regard de la dépense par habitant en faveur de la justice.

Si les magistrats sont en nombre insuffisant, ce sont surtout les personnels de greffe qui manquent cruellement, et chaque magistrat a ainsi un nombre très élevé de dossiers à traiter – plus de 100 à Versailles. Les locaux sont si exigus que les dossiers s’entassent dans les bureaux et les couloirs. De ce point de vue, j’ai observé que dans la présentation de votre programme patrimonial pour 2007, vous n’aviez pas, monsieur le garde des Sceaux, cité le commencement des travaux pour la cour d’appel et la cour d’assises de Versailles, que vous aviez pourtant promis l’an dernier. Le matériel fait également défaut : comment photocopier des dossiers de plusieurs centaines de pages quand on ne dispose pas d’assez de photocopieurs ?

Cette insuffisance des moyens à des conséquences redoutables : une justice pénale lente – quel sens à un jugement rendu des mois, voire des années après les faits ? –, une inexécution trop fréquente des peines – quelle est alors la valeur de la peine prononcée ?

Face à ce constat, je m’interroge sur les priorités de notre société : quelle place accordons-nous aux victimes d’infraction ? Quels moyens consacrons-nous à la réinsertion des délinquants ? Quel regard portons-nous sur les détenus ? Il est préoccupant que la justice ne soit pas encore l’une nos préoccupations principales alors que la France est considérée comme un État de droit plutôt exemplaire. Or, lorsque la crédibilité de notre justice est entachée, c’est l’une des fondations de notre démocratie qui vacille.

M. Émile Blessig – Si la LOLF a été à l’origine d’une nouvelle approche budgétaire, il m’apparaît que la culture des indicateurs peut-être la meilleure comme la pire des choses et qu’il est impératif de faire la différence entre les indicateurs de situations et les indicateurs d’évolution.

Ainsi, si l’on parle souvent du nombre des personnes détenues, j’aimerais pour ma part connaître le nombre de celles qui entrent et qui sortent de prison chaque année, ce qui permettrait une analyse des flux.

Nous avions voté en 2000 une loi assez générale instituant un mécanisme de sas de sortie par le biais d’une nouvelle procédure d’aménagement de peine. J’aimerais savoir comment a évolué la situation, quelles ont été les mesures prises et quelle est la mobilisation des services à la suite du rapport Warsmann du 15 juin 2005 et du rapport thématique de la Cour des comptes de janvier 2006.

Je souhaite également témoigner, à propos de la mission justice judiciaire, d’une évolution culturelle intéressante dans le ressort de la cour d’appel de Colmar ou l’ensemble des parlementaires ont rencontré le procureur général, le premier président et tous les bâtonniers pour faire le point sur la prise de conscience de la nécessité de la maîtrise budgétaire mais aussi sur les problèmes auxquels sont confrontés les auxiliaires de justice et les magistrats.

Je souhaite aussi insister sur la nécessité pour le service public de la justice en Alsace-Moselle de tenir compte de la mise en œuvre du droit local – livre foncier, registre du commerce, registre de nantissements – dont on estime qu’elle mobilise 25 % des effectifs. Dans ces conditions, le déficit en fonctionnaires est estimé à 20 postes équivalents temps plein, ce qui pose un véritable problème de gestion du personnel. Or cela n’a pas été pris en considération dans votre budget.

Afin de pérenniser les postes de fonctionnaires de catégorie C et d’éviter une rotation préjudiciable au bon fonctionnement des juridictions, il serait utile d’organiser rapidement des recrutements locaux.

J’en viens enfin aux frais liés aux dépenses de sécurité des bâtiments judiciaires et à l’organisation des procès exceptionnels. Dans le ressort de la cour d’appel de Colmar, il faudra ainsi organiser en 2007 trois grands procès en dehors des locaux judiciaires traditionnels : le procès en appel du crash du mont Sainte-Odile, le procès de la catastrophe du parc de Pourtalès et le procès de l’affaire Bodein. Pour ce dernier, le seul poste des frais de gardiennage et de mise en sécurité s’élève à 166 000 euros pour le site de Strasbourg. Il me semble donc que ces frais exceptionnels devraient faire l’objet d’une démarche particulière.

Mme Marylise Lebranchu – Je crois que nous avions réalisé en 2000 et en 2001 un travail assez consensuel sur la façon, avant même d’en venir à l’adoption de nouveaux textes, de faire mieux fonctionner l’institution judiciaire. Il en ressortait qu’il fallait pour cela réussir d’une part à avoir, compte tenu des nombreux détachements, 8000 magistrats effectivement en poste, d’autre part à parvenir à un taux d’accompagnement de trois réfugiés les fonctionnaires pour un magistrat. Faute d’y être parvenu, on n’a pas su créer les conditions propices à d’autres réformes.

Car je crois – et c’est un reproche que nous pouvons partager - qu’à coup de petites réformes, même si elles s’accompagnent d’aujourd’hui heureusement d’études d’impact, on arrive à un empilement qui rend illisibles les conditions dans lesquelles l’institution s’adapte à ce qui lui est demandé.

En ce qui concerne la situation dans les prisons, si, compte tenu des programmes de construction-réhabilitation, le taux d’occupation est de près de 99 % dans les centres de détention, il est inférieur à 80 % dans les centres de peines aménagées et il atteint 144 % dans les maisons d’arrêt, cinq ou six d’entre elles dépassant même les 200 %. Comment s’étonner dans ces conditions que notre volonté de réduire le nombre des sorties sèches ne soit pas suivie d’effet, puisque c’est dans les maisons d’arrêt que s’effectue la très grande majorité des petites peines, que c’est aussi là que la grande criminalité recrute et que nous sommes bien incapables d’y prévoir un quelconque accompagnement. Dans ces conditions, parvenir à 10 000 détenus de moins permettrait une meilleure prise en charge et des sorties de qualité, comme dans les centres de détention.

En ce qui concerne les mineurs et les jeunes majeurs criminels, je pense qu’il faudrait que la sanction conduise à une reconnaissance de la citoyenneté et de la responsabilité. Les centres éducatifs, fermés ou non, peuvent jouer un rôle important. Nous manquons de centres de placement immédiat. Si nous sommes tous poussés à adopter les peines plancher pour les jeunes récidivistes, c’est aussi parce qu’on ne sait pas comment prendre en charge ceux qui ne vont heureusement pas en détention provisoire et qui sont aussi dangereux pour eux-mêmes que pour les autres.

Pour toutes ces raisons que je suis très attaché à ce que nous ayons un grand débat pénitentiaire.

M. Jérôme Lambert – Comme Étienne Pinte, je me suis immergé dans un TGI – à Angoulême pour ma part - et je veux ici marquer ma confiance envers les magistrats qui font, dans des conditions difficiles, un travail de qualité. Je ne reviendrai pas à ce propos sur la question des moyens, que mes collègues ont abondamment traitée.

Je souhaite plutôt savoir, monsieur le garde des Sceaux, si vous poursuivez la réflexion sur la réorganisation de la carte judiciaire et sur la disparition de certains petits tribunaux. Je ne vous entends plus en parler, tant mieux, mais j’aimerais être définitivement rassuré…

Par ailleurs, pour m’être rendu à la prison d’Angoulême, je m’étonne que, dans ce bâtiment qui a été rénové, les détenus se trouvent encore parfois à plus de six par cellule, ce qui crée bien sûr des situations très difficiles.

J’aimerais enfin que vous soyez plus précis dans votre analyse sur la revalorisation de l’aide juridictionnelle. Dans le ressort d’Angoulême, de nombreux justiciables ne disposent que de revenus très modestes et les revendications des avocats paraissent amplement justifiées.

M. Pierre Cardo – Je souhaite pour ma part insister sur la nécessité d’impliquer un réseau local dans l’accompagnement des jeunes qui sont souvent rejetés par leurs parents pendant leur séjour en prison et même à leur sortie. Il paraît impératif d’organiser un maillage du territoire par de tout petits établissements, qui permettent ce travail de proximité.

S’agissant par ailleurs des CER et des CEF, je m’interroge sur l’idée que l’inspection soit menée par les services de la PJJ eux-mêmes : est-il souhaitable qu’un malade fasse lui-même le diagnostic et rédige l’ordonnance ?

Pouvez-vous à ce propos nous donner des indications sur ce qui fait que l’on envoie des jeunes plutôt en CEF, en CER ou dans le système carcéral ? Cela tient-il au projet ou au nombre de places ?

M. Pierre Albertini, rapporteur spécial – J’ai une toute dernière question : peut-on espérer que sera déposé avant la fin de la législature un projet de loi relatif aux majeurs sous tutelle ou curatelle, sujet sur lequel la commission des finances avait demandé un rapport à la Cour des comptes ?

M. le Garde des Sceaux – MM. Vaxès et Caresche ont tous deux parlé chiffres, avec toutefois une approche légèrement différente l’un de l’autre. La LOPJ est bien réalisée à 80 % : 2,8 milliards d’euros sur 3,5 milliards, ainsi qu’il ressort de tous les bons ouvrages sur le budget… Quant au SPIP, il a gagné un millier de fonctionnaires, et 186 millions d’euros sont consacrés à la réinsertion, soit une augmentation de 4 ù et non une diminution.

M. Caresche, après avoir porté une appréciation plutôt positive, dont je le remercie, sur le budget, a soulevé la question du remplacement des magistrats partant à la retraite. C’est un grand motif de préoccupation, car ce sont les « classes pleines » qui approchent de l’âge fatidique – et cela vaut, d’ailleurs, pour toute la fonction publique. Je m’en suis ouvert à Bercy dès l’an dernier ; nous saurons demain ou après-demain si j’ai été écouté… C’est une raison de plus pour être très circonspect sur la collégialisation, car il ne sera pas possible de recruter subitement un nombre très accru de magistrats de qualité. Au demeurant, les magistrats de la cour d’appel de Rennes, auxquels j’ai rendu visite l’autre jour, m’ont tous dit qu’ils manquaient surtout de greffiers, et j’indique à ce propos qu’il n’y a pas eu d’année sans concours : le passage de la scolarité de douze à dix-huit mois a simplement retardé l’entrée en fonction des nouvelles recrues, et le taux souhaitable sera atteint d’ici un ou deux ans.

S’agissant des alternatives à l’incarcération, je conviens à nouveau que les tableaux figurant dans le « bleu » ne sont pas clairs. S’il y a un tel écart entre les prévisions et la réalité, c’est parce que nous avions anticipé un nombre de détenus plus élevé qu’il ne l’a été : 60 000 au lieu de 56 000. Au total, ce sont 20 000 personnes qui bénéficieront de ces alternatives en 2007, contre 15 000 en 2002. Le bracelet électronique est expérimenté dans le ressort de deux cours d’appel, le sera bientôt dans une troisième, avant d’être généralisé. Quant au nombre de mineurs en détention, il est de 560, soit quelque 300 de moins qu’en 2002.

Je m’en suis tenu, concernant l’enquête de l’Observatoire international sur les prisons, à une stricte neutralité. Il faut savoir que cette association, fondée par un ancien détenu pour crime, est de quelque parti pris, ce qui explique qu’aucun surveillant n’ait accepté d’y répondre. J’ai d’ailleurs dû, pour le faire distribuer dans les établissements, recourir au Médiateur de la République, qui s’est chargé de cette mission avec le talent que chacun lui connaît.

La surpopulation dans les maisons d’arrêt, dénoncée à juste raison par Mme Lebranchu, est évidemment insupportable, mais grâce à l’effort de construction et de modernisation que nous faisons, elle devrait avoir disparu d’ici à 2008 ou 2010 – ce qui permettra à mon successeur de couper quelques rubans…

Je remercie et félicite MM. Pinte et Lambert, au nom de l’institution judiciaire, de s’être volontairement immergés un certain temps dans le fonctionnement de leurs TGI respectifs, et ne doute pas que les magistrats y auront été sensibles. Que M. Pinte se rassure : l’appel d’offres pour les travaux de la cour d’appel et la cour d’assises de Versailles sera lancé dès 2007, et la livraison est prévue pour 2010.

Je n’ai jamais vu de réforme de la justice, quelle que soit son ampleur et son contenu, qui ait été bien accueilli, et lorsque j’entends parler avec nostalgie de la réforme Peyrefitte, je m’en amuse quelque peu, pour avoir été de ceux qui, au sein de la majorité de l’époque, menaient la bataille – avec le soutien de M. Chirac, d’ailleurs – contre cette loi dite « Sécurité et liberté », qui prétendaient enfermer la décision du juge dans une « fourchette », avec une peine-plancher et une peine-plafond… Je n’ai donc pas la prétention de vous proposer une réforme parfaite, mais simplement de résoudre quelques problèmes lancinants, comme la détention provisoire, les délais d’expertise, ou encore la solitude du juge. Sur ce dernier point, je me souviens d’ailleurs que nous avions voté à l’unanimité, sous M. Badinter, à quelques mois de la fin de la législature, la généralisation de la collégialité, et qu’après l’alternance de 1986, son successeur, M. Chalandon, chef d’entreprise avisé à défaut d’être un grand juriste, avait tôt fait de constater qu’il n’en avait pas les moyens, si bien que nous avons dû revenir – pas à l’unanimité, cette fois – sur la décision prise quelques mois plus tôt.

La vision que l’on a de la carte judiciaire varie grandement selon que l’on est élu en province ou dans le « PNBC » – Paris-Nanterre-Bobigny-Créteil –, auquel cas on a tendance à considérer qu’un tribunal par département suffit. Pour ma part, la solution aux inconvénients de la carte actuelle réside dans la spécialisation – à l’instar de ce qui a été fait avec les GIRS, avec le pôle financier du parquet de Paris, ou encore avec les deux pôles de santé – plutôt que dans la suppression de juridictions. Si mes trois prédécesseurs, dont Mme Lebranchu ici présente, ont eu le courage de supprimer quelques tribunaux de commerce, je n’ai pas eu celui de continuer, car les choses devenaient plus délicates…

Le nombre de personnes qui font un séjour en prison s’élève, au cours d’une année, à 85 000, monsieur Blessig. C’est considérable, et cela donne la mesure de la difficulté de la tâche des surveillants de prison, à qui je rends ici hommage, car ce sont des personnels d’une grande qualité, notamment sur le plan humain, contrairement à l’image que certains croient parfois devoir donner d’eux. Il faut savoir que, dans l’affaire d’Outreau, ce sont des surveillants de prison qui ont aidé certains des accusés à tenir le coup, à résister à la tentation du suicide, voire qui ont tiré le signal d’alarme pour dire que l’on était en pleine erreur judiciaire.

À Colmar, les choses devraient s’arranger, grâce au « dialogue de gestion » qui s’est engagé entre les chefs de cour et la direction des services judiciaires.

Quant au recrutement local des agents de catégorie C, c’est une excellente idée, qui sera mise en pratique dès 2007 : pourquoi obliger des Alsaciens à s’expatrier à Douai ? (Sourires)

Pour la tenue des grands procès, une ligne spécifique de 3 millions d’euros a été inscrite.

C’est au cours de l’exécution des courtes peines, c’est vrai, que se joue souvent le basculement dans la récidive, et c’est pourquoi nous allons construire deux mille places – soit autonomes, soit dans des quartiers ad hoc – pour les condamnés à ces peines, afin qu’ils ne soient pas mêlés à des délinquants endurcis.

Je confirme la livraison en 2007 de sept établissements pour mineurs, d’une capacité de 60 places chacun, ainsi que la rénovation de 600 places dans des quartiers pour mineurs. Nous offrirons ainsi des réponses diversifiées à la délinquance des mineurs, et éviterons leur enfermement dans des prisons-pourrissoirs.

Je conclurai mon propos en rappelant que le nombre de créations nettes de postes atteint cette année 555 pour les services judiciaires : 160 magistrats, 160 greffiers, 200 fonctionnaires des greffes, 35 juges de proximité. Je rappelle, s’agissant de ces derniers, qu’à la suite des réserves d’interprétation faites par le Conseil constitutionnel avant la promulgation de la loi, le Conseil supérieur de la magistrature s’est montré très exigeant : il y a eu beaucoup de candidats, mais peu d’élus, et certains d’entre eux, au curriculum vitae pourtant impressionnant, ont dû être écartés à l’issue de leur stage – par exemple des commissaires de police trop inexperts en droit civil. Si l’on ajoute à ces créations les 290 emplois nouveaux de l’administration pénitentiaire et les 290 de la protection judiciaire de la jeunesse, on obtient un total de 1 548. Je souhaite à mon successeur d’être aussi bien loti…

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances – Je ferai une brève observation : pour la première fois, nos collègues ont fait référence, au cours des échanges, aux indicateurs des projets annuels de performance. Nous sommes aux débuts de l’application de la LOLF, et certains de ces indicateurs devront sans doute être affinés, mais il est à la fois légitime, utile et nécessaire qu’ils nourrissent nos débats.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Pascal Clément, garde des Sceaux, ministre de la justice, la Commission a examiné pour avis, sur les rapports de Mme Michèle Tabarot, pour l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse, et de votre rapporteur, pour la justice et l’accès au droit, les crédits de la mission « Justice » pour 2007.

La Commission a examiné deux amendements identiques de M. Georges Fenech et de M. André Vallini modifiant la répartition des crédits de la mission « justice » afin d’augmenter l’aide juridictionnelle de 25 millions d’euros, ainsi que deux amendements de M. Georges Fenech, le premier augmentant l’unité de valeur de la rétribution des avocats pour leurs missions d’aide juridictionnelle, le second prévoyant une réévaluation annuelle de cette unité de valeur.

M. Georges Fenech a rappelé que, alors que le protocole signé en 2000 prévoyait d’augmenter l’aide juridictionnelle de 15 %, l’augmentation prévue par le projet de loi de finances se limite à 6 %. Il convient donc, pour respecter le protocole de 2000, d’augmenter les crédits de l’aide juridictionnelle de 25 millions d’euros par redéploiement entre les programmes de la mission « Justice ».

Mme Christine Lebranchu a précisé que le gel de l’aide juridictionnelle décidé en 2000 avait pour contrepartie l’engagement du Gouvernement de déposer un projet de loi relatif à l’accès au droit et à la justice. Ce texte n’ayant pas vu le jour, il convient aujourd’hui d’en tirer les conséquences budgétaires. Une revalorisation de l’aide juridictionnelle est d’autant plus nécessaire que le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance risque de multiplier les comparutions immédiates de mineurs.

M. Jérôme Lambert a estimé que le recours à l’assurance, préconisé par le garde des Sceaux, ne constitue pas une réponse adaptée, beaucoup de justiciables n’ayant pas les moyens de financer un contrat d’assurance.

Votre rapporteur s’est déclaré défavorable à ces amendements. La mesure proposée coûterait en effet 25 millions d’euros, financés par la diminution à due concurrence des crédits nécessaires au fonctionnement des juridictions, de l’administration centrale du ministère de la justice et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. L’amélioration de l’aide juridictionnelle passe davantage par une plus grande sélection des admissions, ce qui permettrait de dégager des moyens et d’augmenter la rétribution des avocats. En outre, les deux derniers amendements posent des problèmes de recevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution.

La Commission a rejeté ces amendements.

Conformément aux conclusions des rapporteurs pour avis, la Commission a ensuite émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Justice ».

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR (7)

CGT des chancelleries et des services judiciaires

M. Michel DEMOULE, secrétaire général adjoint

M. Jean-Michel JOLY, secrétaire général adjoint

Interco Justice CFDT

M. Pascal PARCELLIER, secrétaire fédéral

M. Jean-Paul LATAPIE, greffier, membre du syndicat

Association nationale de juges d’application des peines

M. Éric MARTIN, secrétaire général

Union syndicale des magistrats

M. Bruno THOUZELLIER, secrétaire national

Mme Catherine DABIN, magistrate, membre du syndicat

Syndicat de la magistrature

M. Côme JACQMIN, secrétaire général

G.I.E. Conseil national des barreaux, Barreau de Paris et Conférence des bâtonniers

Mme Brigitte MARSIGNY, président de la Commission Accès au Droit du Conseil national des barreaux

MM. Jean-Michel TRON et Laurent SAMAMA, avocats au Barreau de Paris

M. Frank NATALI, Président de la Conférence des bâtonniers

Syndicat de la juridiction administrative

M. Gil CORNEVAUX, membre du conseil syndical

Syndicat C – Justice

Mme Lydie QUIRIÉ, secrétaire générale

Syndicat des greffiers de France

Mme Annette PELLETIER, première secrétaire générale adjointe

M. Joël RECH, secrétaire général adjoint

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