N° 3363 annexe 40 - Rapport de M. François Grosdidier sur le projet de loi de finances pour 2007 (n°3341)



N
° 3363

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2006

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2007 (n° 3341),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

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ANNEXE N° 40

VILLE ET LOGEMENT

RÉNOVATION URBAINE ; ÉQUITÉ SOCIALE

ET TERRITORIALE ET SOUTIEN

Rapporteur spécial : M. François GROSDIDIER

Député

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INTRODUCTION 7

I.– UNE PROGRESSION SOUTENUE DE LA RÉNOVATION URBAINE 9

A.– L’AGENCE NATIONALE DE RÉNOVATION URBAINE, CHEVILLE OUVRIÈRE DU PROGRAMME 9

1.– Les structures de l’établissement, de création récente 9

2.– Les ressources de l’Agence : une trésorerie abondante 10

3.– Des moyens en progression pour 2007 12

B.– LES AVANCÉES DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE 13

1.– Les territoires visés par le programme national de rénovation urbaine 13

2.– L’action multiforme de l’Agence et ses premiers résultats au 1er septembre 2006 14

II.– DES EFFORTS ACCRUS EN MATIÈRE D’ÉQUITÉ SOCIALE ET TERRITORIALE 17

A.– LE NOUVEAU PAYSAGE INSTITUTIONNEL DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 17

1.– La délégation interministérielle à la ville et l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances, deux institutions complémentaires 17

a) La délégation interministérielle à la ville, retour à la conception originelle 17

b) La constitution très récente de l’ANCSEC 18

2.– Une ligne de partage qui reste à établir de manière claire 19

B.– UNE ACTION MULTIFORME EN FAVEUR DES QUARTIERS EN DIFFICULTÉ 20

1.– L’accès à l’emploi 20

a) La mobilisation des politiques de l’emploi sur les quartiers 20

b) Les actions innovantes pour l’accès à l’emploi 22

2.– Les ateliers-Santé 23

a) Une forme désormais établie de coopération entre les professionnels du champ sanitaire 23

b) Les perspectives pour 2007 23

3.– La réussite éducative 24

4.– Les adultes-relais, la médiation sociale 25

a) Les missions des adultes-relais 25

b) Le profil-type des adultes relais 25

c) L’évolution du dispositif depuis 2000 et les perspectives pour 2007 26

5.– L’opération ville, vie, vacances 27

C.– MESURE DE LA PERFORMANCE ET GÉOGRAPHIE PRIORITAIRE 27

1.– Une évaluation indispensable 27

a) L’action de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles 28

b) Des outils statistiques de plus en plus performants et accessibles 28

2.– Vers une nouvelle géographie prioritaire ? 29

a) Un décalage qui apparaît entre les zones légalement définies et les quartiers en réelle difficulté 29

b) L’indice de charges socio-urbaines, critère à mieux prendre en compte 30

EXAMEN EN COMMISSION 31

ANNEXE 35

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 73 % des réponses étaient parvenues à votre Rapporteur spécial.

Le présent rapport spécial porte sur les programmes Rénovation urbaine et Équité sociale et territoriale et soutien de la mission Ville et logement.

Les deux autres programmes de cette mission sont l’objet du rapport spécial de M. François Grosdidier – doc AN n° 3363, annexe 41.

Synthèse

Grâce au plan en faveur des quartiers sensibles décidé l’automne dernier, la politique de la ville a redoublé d’intensité tout au long de l’année 2006. Le présent projet de loi de finances consolide l’abondement exceptionnel des crédits de la politique de la ville alors intervenu, à hauteur de 181 millions d’euros. Il propose pour 2007 des dotations budgétaires maintenues à ce niveau, ou en très légère diminution.

Le programme national de rénovation connaît une remarquable montée en puissance. Il a commencé à modifier la physionomie des quartiers en difficulté et à remodeler le tissu urbain dans les zones qui en avaient le plus besoin. Encore les actions engagées ne sont-elles pas encore toutes apparentes dans le paysage des villes, comme en témoigne le faible volume des paiements déjà exécutés par l’Agence nationale de rénovation urbaine, au regard des 7,2 milliards d’euros déjà engagés. Beaucoup d’opérations engagées devraient trouver leur traduction concrète en 2007 et en 2008. L’Agence s’efforce en tout état de cause d’adapter ses règles de paiement pour aider les collectivités territoriales à réaliser leurs projets le plus rapidement possible.

L’autre volet de la politique de la ville sera désormais mis en œuvre par l’Agence nationale de la cohésion sociale et territoriale, dont la création marque une nouvelle étape. En liaison étroite avec la Délégation interministérielle à la Ville, elle mettra en pratique le programme Équité sociale et territoriale, dont la dotation permettra de financer notamment les nouveaux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) qui succèderont en 2007 aux contrats de ville et seront orientés autour de cinq champs prioritaires : accès à l’emploi et développement économique, habitat et amélioration du cadre de vie, prévention de la délinquance et citoyenneté, santé et réussite éducative. Ainsi, le programme de réussite éducative inclura 200 projets supplémentaires, tandis que, dans le cadre de la prévention de la délinquance, l’objectif des 6.000 adultes relais devrait être atteint à la fin de l’année 2007.

Les élus locaux, et en particulier les maires, disposeront enfin de moyens accrus lorsqu’ils doivent faire face à des charges socio-urbaines particulièrement élevées. La dotation spéciale d’urbanisme continue en effet d’augmenter régulièrement, dans l’objectif d’atteindre 1,2 milliard d’euros en 2009. En 2006, elle s’établit à 879,6 millions d’euros, en hausse de 15,8 % par rapport à 2005.

INTRODUCTION

Le présent projet de loi de finances témoigne de l’engagement renouvelé du Gouvernement en faveur des quartiers en difficulté. Les affrontements dont certains d’entre eux ont, l’an dernier, été le théâtre ont agi comme un révélateur sur tous ceux qui ne ressentaient pas encore l’urgence de mettre en œuvre une politique de la ville offensive, qui sache s’attaquer à toutes les facettes des problèmes multiformes avec lesquels ces quartiers sont aux prises.

Votre Rapporteur spécial a déjà eu l’occasion de faire le point sur la très complète exécution des crédits en 2005 et au début de l’année 2006. (1) À leur tour, les dotations budgétaires proposées pour 2007 sont à la hauteur des enjeux : 1.156 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1.182 millions d’euros en crédits de paiement sur ces deux programmes, contre respectivement 1.073 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1.028 millions d’euros en crédits de paiement dans la loi de finances pour 2006. Les dotations proposées représentent donc un progrès supérieur à un vingtième, par rapport à des crédits qui avaient déjà été substantiellement réévalués en loi de finances pour 2006.

Il ne faut donc pas s’étonner des progrès accomplis par la politique de la ville. Pour mettre en œuvre le programme Rénovation urbaine, l’Agence nationale de rénovation urbaine disposera de moyens d’action supplémentaires pour poursuivre à un rythme soutenu ses opérations associant étroitement démolitions et reconstructions afin de donner un nouveau visage aux quartiers sensibles où elle intervient. La dotation prévue pour ce programme dans le présent projet de loi de finances s’élève à 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 386 millions d’euros en crédits de paiement, contre 305 millions d’euros en autorisations d’engagement ouvertes et 233 millions d’euros de crédits de paiement votés en loi de finances pour 2006, soit une hausse de près de 25 % par rapport à l’an dernier.

Le programme Équité sociale et territoriale se concentre quant à lui non sur le bâti, mais sur les populations qui habitent les zones sensibles. Leur situation individuelle requiert une action particulière des pouvoirs publics pour améliorer leur accès à l’emploi, leur réussite scolaire, mais aussi leur condition de santé. Ces efforts ciblés s’inscrivent naturellement dans une démarche gouvernementale plus vaste de lutte contre le chômage et la délinquance sur l’ensemble du territoire. La dotation prévue pour ce programme dans le présent projet de loi de finances s’élève à 756 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 794 millions d’euros en crédits de paiement, contre 768 millions d’euros en autorisations d’engagement ouvertes et 793 millions d’euros de crédits de paiement votés en loi de finances pour 2006. La stabilité des crédits de paiement et le léger tassement des autorisations d’engagement témoignent en réalité d’un effort soutenu en faveur des quartiers sensibles, puisque ces crédits avaient été sensiblement réévalués l’an dernier au cours de la discussion budgétaire, au commencement de laquelle ils s’établissaient à 585 millions d’euros en autorisations d’engagements.

Constituée en juillet 2006, l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances (ANCSEC) sera l’opérateur unique du programme Équité sociale et territoriale, programme piloté par la Délégation interministérielle à la Ville. Pour la première fois en 2007, l’Agence devrait être la cheville ouvrière de l’action des pouvoirs publics dans les quartiers en difficulté. Les moyens du programme devraient se partager à peu près à égalité entre elle et la Délégation interministérielle à la Ville. Cette création marque une nouvelle étape dans la politique de la ville. Après la politique des relais municipaux, irrigués par la dotation spéciale d’urbanisme (DSU), le nouveau schéma institutionnel revient à une vision plus centralisée. Peut-être en serait-il allé autrement si l’emploi de la dotation spéciale d’urbanisme avait été mieux encadré, son affectation effective à des opérations d’urbanisme étant plus contraignante. En tout état de cause, la création de l’ANCSEC ne doit pas bloquer la réflexion sur un possible « fléchage » de la dotation spéciale d’urbanisme, dont le montant s’établit en 2006 à 879,6 millions d’euros, en hausse de 15,8 % par rapport à 2005 (2).

I.– UNE PROGRESSION SOUTENUE DE LA RÉNOVATION URBAINE

Le programme Rénovation urbaine comporte deux actions. Seule la première est dotée en autorisations d’engagement, l’autre, intitulée Grands projets de ville – opérations de renouvellement urbain n’étant que le réceptacle des crédits de paiement nécessaires à la couverture des engagements pris entre 1997 et 2003. Il faudra encore 70 millions d’euros de crédits de paiement, dans les prochaines lois de finances, pour terminer de solder ces engagements.

Tout le programme se concentre donc dans l’action Programme national de rénovation urbaine. Son intitulé indique bien la destination des crédits qui y sont inscrits, soit 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et 386 millions d’euros en crédits de paiement. Ils augmentent de près de 25 % par rapport à 2006.

Établissement public à caractère industriel et commercial créé par l’article 10 de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine est placée sous la tutelle du ministre chargé de la ville, conformément à l’article 1er du décret n° 2004-123 du 9 février 2004 relatif à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Très logiquement, le programme Rénovation urbaine est donc placé sous la responsabilité du Délégué interministériel à la Ville.

L’Agence est dirigée par un conseil d’administration qui comporte 24 membres dont douze représentants de l’État, cinq représentants d’organismes intervenant dans la politique du logement social, quatre représentants des collectivités locales et trois personnalités qualifiées. Un projet de décret modifiant certaines dispositions du décret 2004-123 du 9 février 2004, et notamment la composition du conseil d’administration, a été examiné en séance de section au Conseil d’État le 22 août 2006.

Le directeur général de l’Agence a été nommé en Conseil des ministres le 10 mars 2004. Le président du conseil d’administration a été nommé par décret du 6 juillet 2004.

Le conseil d’administration s’est réuni onze fois depuis la création de l’Agence. Outre la validation des projets pour lesquels la subvention demandée est supérieure à 50 millions d'euros et l’approbation des documents réglementaires, le conseil d’administration a examiné principalement le règlement général et ses évolutions, les modes de gestion financière de l’Agence, la charte d’insertion prévue par la loi, les modalités de hiérarchisation des interventions de l’Agence, l’extension des quartiers bénéficiaires du programme national de rénovation , ainsi que diverses conventions passées entre l’Agence et ses partenaires.

Au niveau territorial, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a modifié l’article 11 de la loi du 1er août 2003 pour désigner le représentant de l’État dans le département en qualité de délégué territorial de l’Agence. Dans quatre cas sur cinq, les préfets accordent généralement délégation aux directeurs départementaux de l’Équipement pour l’exercice de cette compétence.

Les recettes de l’Agence sont déterminées par la loi et reposent principalement sur :

– les subventions de l’État (465 millions d’euros chaque année depuis 2004) ;

– les contributions de l’Union d’économie sociale du logement (512 millions d’euros) ;

– les subventions de la Caisse des dépôts et consignations (4 millions d’euros) ;

– la contribution des organismes bailleurs (29 millions d’euros).

La loi du 1er août 2003 cadrait le programme national de rénovation urbaine sur la période 2004-2008 et fixait un engagement de l’État à hauteur de 2,5 milliards d’euros, aucune dotation annuelle ne pouvant être inférieure à 465 millions d’euros. Une première prolongation est intervenue dans le cadre du plan de cohésion sociale jusqu’en 2010 (soit 4 milliards d’euros pour l’État).

La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement a prolongé la durée du programme national de rénovation urbaine jusqu’en 2013 et porté l’engagement financier de la part de l’État à 5 milliards d’euros.

LE FINANCEMENT DE L’AGENCE NATIONALE DE RÉNOVATION URBAINE (2004-2007)

(en millions deuros)

 

2004

2005

2006
(prévision)

2007 (prévisions)

Cumul

Autorisations d’engagement

         

Engagement

353

800

1.184

1.656

3.993

CDC + CGLLS

19

24

26

26

95

État

465

413

305

400

1.583

État extra budgétaire

0

50

160

200

410

UESL

472

462

425

565

1.924

Capacité d’engagement

956

949

916

1.191

4.012

Solde cumulé

603

752

484

19

 

Crédits de paiement

         

Dépenses

13

107

780

1.328

2.228

CDC + CGLLS

19

24

26

26

95

État

0

35

272

356

663

État extra budgétaire

50

100

60

200

410

UESL

120

120

517

556

1.313

Ressources

189

279

875

1.138

2.481

Trésorerie en fin d’année

176

348

443

253

 

CGLLS : Caisse de garantie du logement locatif social

CDC : Caisse des dépôts et consignations

UESL : Union d’économie sociale du logement

Sources : ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement

Ce tableau fait clairement ressortir ce que les responsables de l’Agence ont déclaré à votre Rapporteur spécial au cours de leur audition, à savoir que la trésorerie demeure relativement abondante. En 2005, aucun blocage ni aucune mise en réserve de crédits n’ont été réalisés. L’Agence n’a pas manqué de crédits de paiement, puisqu’elle n’en a consommé que 100 millions d’euros, ce qui est très faible. Par comparaison, les opérations engagées depuis le début du programme national de rénovation urbaine (18 mois) représentent 1.350 milliards d’euros financés sur le budget de l’État (soit 2,7 milliards d’euros avec le 1 % logement).

L’Agence promeut une gestion très dynamique de ses paiements. Vu l’ampleur des opérations de rénovation, tout délai excessivement long peut mettre en grande difficulté les collectivités territoriales engagées. Aussi le conseil d’administration de l’Agence a-t-il récemment décidé qu’elle pourrait avancer aux maîtres d’ouvrage 10 % de la subvention qui leur est destinée. L’Agence veut ainsi dépasser les règles traditionnelles de paiement pour arriver à des décaissements anticipés, car il importe d’aller vite.

Votre Rapporteur spécial estime en effet que la mécanique financière actuelle fonctionne trop lentement et que la situation réclame des solutions innovantes.

L’année 2006 a été marquée par la décision du Comité interministériel des villes et du développement social urbain (CIV) du 9 mars d’accélérer la réalisation du programme national de rénovation urbaine. Elle se traduit par une augmentation de la capacité d’engagement immédiate de l’Agence qui atteindra 1,2 milliard d'euros en 2007 avec les contributions de l’État, du 1 % logement, de la Caisse des dépôts et consignations et de la Caisse de garantie du logement locatif social.

Les dotations en autorisations d’engagement apportées pour le compte de l’État seraient d’un montant de 600 millions d'euros en 2007, en hausse de 30 % par rapport aux dotations des années 2004 à 2006. La loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui prévoit que les moyens d’engagement mis à disposition de l’Agence par l’État soient d’au moins 465 millions d'euros, est donc largement respectée. Sur ces 600 millions d'euros de moyens d’engagement, 400 millions d'euros figurent en autorisations d’engagement dans le programme Rénovation urbaine, 100 millions d'euros proviendront d’une contribution des sociétés anonymes de crédit immobilier (SACI) et 100 millions d'euros proviendront d’autres ressources.

Le succès du programme se traduit également par une augmentation sensible des besoins de paiement de l’Agence : de nombreuses opérations engagées les années précédentes se concrétisent et donnent désormais lieu à des paiements. Le présent projet de loi de finances répond à cette hausse sensible des besoins de paiement de l’Agence ; il marque une très forte augmentation, puisqu’il propose de la doter de 356 millions d'euros en crédits de paiement. En loi de finances initiale pour 2006, 250 millions d'euros de moyens de paiement étaient prévus pour l’Agence, dont 190 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme Rénovation urbaine de la mission Ville et logement.

En 2007, 556 millions d'euros de moyens de paiement sont prévus pour l’Agence, dont 356 millions d'euros figurent dans le programme Rénovation urbaine, 100 millions d'euros doivent provenir de la contribution des sociétés anonymes de crédit immobilier à la politique du logement et 100 millions d'euros d’autres ressources, qualifiées de « non budgétaires » par le projet annuel de performances. Cela représente plus qu’un doublement des moyens de paiement apportés par l’État à l’Agence entre la loi de finances initiale 2006 et le présent projet de loi de finances (+ 122 %).

Votre Rapporteur spécial se réjouit de l’ampleur du financement prévu. Il regrette néanmoins que le projet annuel de performances reste aussi vague sur l’origine des ressources d’appoint qui doivent revenir à l’Agence. L’essentiel demeure néanmoins que le plancher légal des 465 millions d’euros soit respecté.

L’Agence nationale pour la rénovation urbaine a pour mission fondamentale de mettre en œuvre le programme national de rénovation urbaine.

Malgré les efforts conduits depuis de nombreuses années par les élus, l’État, les acteurs du logement social et les autres acteurs socio-économiques, de nombreux quartiers demeurent confrontés à une attractivité trop faible et à une marginalisation qui ne cesse de s’amplifier. Les actions menées n’ont pas toujours permis de remédier à leur dégradation et les modes d’intervention classique ont montré leurs limites, qu’il s’agisse de la nature même de ces actions ou des procédures mises en œuvre.

Devant la persistance des situations d’exclusion socio-économique des habitants de ces quartiers, le Gouvernement a décidé de s’engager dans un plan exceptionnel d’une ampleur sans précédent, destiné à traiter massivement et rapidement les territoires les plus sensibles. L’effort porté dans le domaine du logement, de l’habitat et de l’environnement urbain devrait permettre une amélioration rapide des conditions de vie des habitants. C’est l’objectif principal du programme national de rénovation urbaine. Destiné à diversifier l’offre de logements dans les zones urbaines sensibles, il doit permettre aux acteurs locaux de réaliser plus facilement et plus rapidement des programmes de démolition, de reconstruction et de restructuration de plus grande envergure.

Le programme national de rénovation urbaine (PNRU) vise, sur la période 2004-2013, à :

– démolir et reconstruire 250.000 logements insalubres ;

– construire 250.000 logements ;

– réhabiliter 400.000 logements.

La loi du 1er août 2003 précise que le programme national de rénovation urbaine concerne « les quartiers classés en zone urbaine sensible et, à titre exceptionnel, après accord du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement, ceux présentant des caractéristiques économiques et sociales analogues » :

– parmi les 751 zones urbaines sensibles, 189 sites ont été considérés comme prioritaires et ont fait l’objet d’une liste précise (cette liste a été établie dès juillet 2002 à partir du critère de taille de zones urbaines sensibles),

– les dérogations au titre de l’article 6 ont rendu éligibles 120 sites supplémentaires qui étaient auparavant hors zones urbaines sensibles et inclus dans les périmètres de grands projets de ville ou d’opérations de renouvellement urbain, ainsi que 90 sites hors de ces zones et répondant à un certain nombre de critères de décrochage socio-économique.

Compte tenu de l’importance du nombre de projets de rénovation urbaine en préparation et des montants de subventions des projets déjà validés par l’Agence nationale de rénovation urbaine, son conseil d’administration a validé l’extension du programme national de rénovation urbaine au-delà des 189 quartiers prioritaires et a approuvé la liste de 342 quartiers supplémentaires susceptibles de faire l’objet de conventions pluriannuelles, sous réserve de l’existence d’une convention territoriale avec un département ou une région.

Les quartiers non encore couverts par une telle convention et faisant l’objet de partenariats financiers avec les départements et les régions pourront bénéficier d’une convention « cœur de projet » correspondant à un sous-ensemble structurant du programme et pouvant être engagé rapidement.

D’ores et déjà, quatre conventions sont signées entre l’Agence nationale de rénovation urbaine et des régions (Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Auvergne), et trois, entre celle-ci et des départements (Eure, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine). Cinq conventions sont en cours de finalisation : quatre avec des régions et une avec des départements. Les préfets de région ont reçu mandat de négocier l’adhésion des autres régions dans le cadre de la préparation des prochains contrats de projets État-Régions, qui remplaceront les contrats de plan État-régions.

À terme, le programme national de rénovation urbaine concernera ainsi près de quatre millions d’habitants et représentera un montant total de travaux de plus de 30 milliards d’euros.

Au 1er septembre 2006 , l’Agence a engagé 7,2 milliards d’euros de subventions, ce qui représente plus de 23 milliards d'euros de travaux programmés sur les cinq années à venir.

Ce sont 355 quartiers, où résident plus de deux millions d'habitants, qui sont déjà bénéficiaires d’un dispositif engageant notamment la construction de 84.000 logements locatifs sociaux, la démolition de 86.000 logements et la réhabilitation de près de 182.000 logements locatifs sociaux. Sur ces quartiers, l’Agence participe à la création ou la rénovation de nombreux équipements commerciaux, sociaux et culturels, ainsi que de plus de 200 écoles.

133 conventions pluriannuelles ont été signées et 201 dossiers ont été examinés par le comité d’engagement.

Selon les données recueillies auprès du ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement, la participation moyenne de l’Agence au financement des projets est de 32 %. Les collectivités territoriales participent au total à 21 %, dont 8 % apportés par les villes, 4 % par les établissements publics de coopération intercommunale, 4 % par les conseils généraux et enfin 5 % par les conseils régionaux. Les bailleurs contribuent à hauteur de 43 %.

Les opérations subventionnées par l’Agence se répartissent en une douzaine de catégories. Pour les dossiers examinés en comité d’engagement, la ventilation des aides de l’Agence s’effectue de la façon suivante :

Construction : 18,7 %

Démolition/reconstruction de logements sociaux : 27,4 %

Ingénierie et pilotage : 3,2 %

Équipements commerciaux et artisanaux : 1,7 %

Équipements publics : 11 %

Aménagements : 18,5 %

Intervention sur l'habitat privé : 2,1 %

Amélioration de la qualité de services (AQS) : 1,1 %

Résidentialisation : 6 %

Réhabilitation : 8,8 %

Habitat ancien dégradé : 1,5 %

Changement d’usage : 0,1 %

En 2006, l’Agence a créé des lieux d’échanges entre les acteurs de la rénovation urbaine grâce aux forums interrégionaux des acteurs de la rénovation urbaine (FRARU). Six inter-régions ont ainsi été définies et pour chacune d’elles, deux journées différentes doivent être organisées qui permettront d’aborder les questions essentielles que sont la conduite de projet et la concertation des habitants.

L’Agence a mis en ligne en décembre 2005 le site extranet « Ville et Rénovation urbaine » destiné aux acteurs de la rénovation urbaine : porteurs de projet, maîtres d’ouvrage, délégations territoriales de l’Agence nationale de rénovation urbaine et partenaires. Cet espace est conçu pour être un lieu privilégié d’échanges et de rencontres pour tous ceux qui concourent à la réussite du programme national de rénovation urbaine.

II.– DES EFFORTS ACCRUS EN MATIÈRE D’ÉQUITÉ SOCIALE ET TERRITORIALE

Le projet de loi de finances pour 2006 avait initialement proposé d’ouvrir 585,6 millions d’euros en autorisations d’engagement au profit du programme Équité sociale et territoriale et soutien. Au cours de la discussion budgétaire, cette dotation avait été très substantiellement réévaluée par voie d’amendement, de sorte que les autorisations d’engagement ouvertes en 2006 ont finalement atteint 768 millions d’euros, les crédits de paiement s’établissant à 793,2 millions d’euros. Le présent projet de loi de finances consolide cet abondement exceptionnel, en proposant des dotations d’un montant sensiblement équivalent, soit 756 millions d’euros en autorisations d’engagement et 795 millions d’euros en crédits de paiement. L’effort sera donc maintenu en 2007 en faveur des quartiers en difficulté.

L’année 2006 a été marquée par la création de l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances, à laquelle le comité interministériel des villes du 9 mars 2006 a confié l’essentiel de la mise en œuvre des futurs contrats urbains de cohésion sociale.

L’apparition d’un nouvel acteur de la politique de la ville, l’Agence nationale à la cohésion sociale et à l’égalité des chances, modifie naturellement le paysage institutionnel de la politique de la ville. De fait, ce n’est pas seulement un établissement nouveau qui voit le jour. Les missions relatives des organisations existantes, au premier rang desquels la délégation interministérielle à la ville, s’en trouvent, elles aussi, nécessairement affectées.

Pour la bonne mise en œuvre de la politique de la ville en 2007, il apparaît essentiel que la délégation interministérielle à la ville et l’Agence nationale de la cohésion sociale et de l’égalité des chances travaillent en symbiose.

La délégation interministérielle à la ville, placée auprès du ministre chargée de la politique de la ville, l’assiste pour :

– préparer les projets de loi en matière de politique de la ville et veiller à leur application ;

– définir, mettre en œuvre, évaluer et veiller à la bonne coordination des instruments techniques, juridiques, fiscaux, économiques ou financiers correspondants ;

– assumer la tutelle des établissements publics placés sous la responsabilité du ministre chargée de la ville ;

– animer l’ensemble des réseaux institutionnels, consultatifs, partenariaux et professionnels concernés par la mise en œuvre de la politique de la ville ;

– veiller à la qualification des acteurs (en particulier sur les métiers propres à cette politique tels que l’ingénierie urbaine, économique et sociale, la médiation…) et à la diffusion des expériences innovantes.

La délégation interministérielle à la ville, de l’administration de mission qu’elle était à l’origine, était devenue la gestionnaire des opérations qu’elles avaient lancées dans un souci d’expérimentation, comme les grands projets urbains (GPU). La création de l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances l’incitera sans doute à retrouver sa vocation d’administration de mission, par l’expérimentation de dispositifs qui seront ensuite remis en gestion à des opérateurs.

L’une de ses missions premières demeurera d’assurer l’organisation du comité interministériel à la ville et de veiller à la mise en œuvre des décisions qu’il prend. Il apparaît que, dans sa nouvelle forme, elle devrait en définitive se concentrer sur trois domaines :

1°) l’évaluation à trois mois, les liens avec les collectivités territoriales devant être développés à cette fin ;

2°) la définition de la stratégie ;

3°) la tutelle sur l’Agence nationale de rénovation urbaine et de l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances.

Établissement public à caractère administratif créé par l’article 38 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006, l’Agence est placée sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la cohésion sociale et du ministre chargé de la promotion de l’égalité des chances.

Ses missions sont fixées par les articles L. 121-14 et L. 121-18 du code de l’action sociale et des familles, à savoir :

– mettre en œuvre, sur le territoire national, des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France ;

– concourir à la lutte contre les discriminations ;

– contribuer à la lutte contre l'illettrisme ;

– mettre en œuvre le service civil volontaire ;

– par ailleurs, participer aux opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Aux termes du décret n° 2006-945 du 28 juillet 2006, l’Agence est administrée par un conseil d’administration, où siègent, de droit, le délégué interministériel à la ville ainsi que trois représentants des ministres chargés de la ville, de l’intégration et de la promotion de l’égalité des chances.

L’Agence se substitue au Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) à la date d’installation officielle de son premier conseil d’administration. Une partie des personnels de la délégation interministérielle à la ville aura vocation à rejoindre l’Agence, en vue de constituer son pôle « politique de la ville ».

Un contrat d’objectifs et de moyens sera conclu entre l'Agence et l'État, représenté par la délégation interministérielle à la ville (DIV) et la direction des populations et migrations (DPM) en début d’exercice 2007.

Il faut cependant regretter que le projet annuel de performances ne trace pas encore de ligne de partage claire entre les crédits alloués à la délégation interministérielle et la dotation budgétaire destinée à l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances. Le document ne propose en effet qu’une répartition indicative.

LE PARTAGE DES ACTIONS ACTUELLES ENTRE LA DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À LA VILLE ET L’AGENCE NATIONALE DE COHÉSION SOCIALE ET D’ÉGALITÉ DES CHANCES

Unité de budgétisation

CP du programme
en 2007

Crédits gérés par la DIV

Crédits gérés par l’ANCSEC

Crédits de l’ex-FIV

233.900.000

63.300.000

170.600.000

Fonctionnement

190.900.0000

20.300.000

170.600.000

Investissement

43.000.000

43.000.000

-

Réussite éducative

112.125.000

3.000.000

109.125.000

Ville, vie, vacances

10.000.000

-

10.000.000

Adultes-relais

93.000.000

-

93.000.000

Exonérations ZFU

333.000.000

333.000.000

 

Partenariat national

3.000.000

2.000.000

1.000.000

Fonctionnement

9.958.000

8.058.000

1.900.000

TOTAL

794.983.000

409.358.000

385.625.000

Le total des financements de l’État qui seront versés à l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances est estimé à 500,5 millions d’euros pour 2007. Aux 385,6 millions d’euros prévus au titre de la mission Ville et logement s’ajouteront en effet 114,8 millions d’euros au titre du programme Accueil des étrangers et intégration de la mission Solidarité et intégration.

Les quartiers sensibles sont aux prises avec des difficultés aux multiples facettes. Aussi les pouvoirs publics s’emploient-ils à y traiter les problèmes sous leurs différents aspects.

Réuni le 9 mars 2006, le comité interministériel des villes a défini le cadre des nouveaux contrats urbains de cohésion sociale, qui remplaceront les anciens contrats de ville. D’une durée reconductible de trois ans, ils se déclineront selon cinq champs d’intervention prioritaires : l’emploi et le développement de l’activité, l’habitat et le cadre de vie, la réussite éducative, la prévention de la délinquance et la citoyenneté, la santé.

Les volets emploi de la politique de la ville reposent sur deux grandes orientations : la mobilisation des politiques d’emploi sur les quartiers et la mise en œuvre d’actions innovantes pour l’accès à l’emploi dans les territoires de la politique de la ville.

Le volet emploi de la politique de la ville s’appuie également sur le dispositif d’exonérations fiscales et de charges pour les entreprises qui sont implantées en zones franches urbaines (ZFU). Les exonérations dans les 85 zones existantes concernent déjà plus de 90.000 salariés. Le 1er août 2006, le nombre de zones a été porté de 85 à 100. Ce sont 333 millions d’euros qui seraient consacrés aux exonérations de charges dans les zones franches urbaines en 2007. S’y ajoutent des réductions d’impôt sur les bénéfices, plafonnées à 61.000 euros, pour les entreprises qui exercent une activité en zone franche urbaine. Leur montant prévu en 2007 s’élève à 170 millions d’euros.

Il s’agit en premier lieu d’assurer une présence physique du service public de l’emploi dans les quartiers prioritaires.

Pour ce faire, des équipes emploi-insertion ont été mises en place à la suite d’une décision du comité interministériel des villes du 14 décembre 1999. Elles ont pour double mission d’assurer un appui de proximité aux chômeurs résidant dans les quartiers prioritaires des contrats de ville et ne fréquentant pas les services publics de l’emploi. L’équipe pluridisciplinaire permet d’assurer des permanences continues au sein des quartiers. D’autre part, elles organisent un relais efficace avec les structures de l’agglomération : agences locales pour l’emploi, missions locales, plan local pour l’insertion et l’emploi, ASSEDIC, services sociaux, structures d’appui aux projets, etc.

En 2005, près de 70 équipes ont été financées par la délégation interministérielle à la ville. Environ 38.000 personnes sont suivies chaque année par les équipes. Parmi elles, 30 % sont des demandeurs d’emploi qui n’étaient pas inscrits au préalable à l’ANPE, 20 % sont repérés comme bénéficiaires du RMI, près de 40 % ont moins de 26 ans. Un référentiel métier, visant à harmoniser les pratiques, a été réalisé en 2005. En 2006, l’ensemble des équipes a été convié à des réunions régionales de présentation du référentiel et d’échanges sur leurs pratiques. Avec la mise en place des maisons de l’emploi, les équipes ont désormais vocation à devenir une antenne de proximité dans les quartiers de ces structures.

En 2007, une soixantaine d’équipes serait financée afin de favoriser leur rapprochement avec les maisons de l’emploi. Le montant de la dépense totale est estimé à 1,1 million d'euros. Les autres partenaires financiers sont l’ANPE, les missions locales et les collectivités territoriales. Les fonds structurels européens peuvent également être mobilisés pour le financement de ces équipes.

Plusieurs collectivités ont décidé d’installer une maison de l’emploi dans des quartiers prioritaires :

– en zone franche urbaine, à Nantes, Béziers, Maubeuge, Argenteuil, Evreux, Avignon…

– en zone urbaine sensible, à Ajaccio, Bayonne, Valenciennes (antenne), Lille (antenne).

D’autres se sont appuyées, pour constituer la maison de l’emploi, sur des dispositifs déjà mis en œuvre pour le dispositif ZFU :

Alençon, Valenciennes, Roubaix, Maubeuge (antenne-emploi formation), le Havre (appui à la création d’entreprise).

Dans le cadre des mesures d’urgence pour l’emploi et du comité interministériel des villes du 9 mars 2006, il a été demandé aux préfets de région de déterminer un objectif de baisse du nombre de demandeurs d’emploi dans les quartiers de la politique de la ville. Des moyens nouveaux ont été mis en place pour répondre à cet objectif. 20.000 contrats d’avenir et contrats d’accompagnement à l’emploi ont ainsi été mobilisés pour les résidents de ces quartiers.

Parallèlement, à partir du 1er décembre 2005, dans les 750 zones urbaines sensibles, tous les jeunes de moins de 25 ans n’étant ni employés, ni en formation, lorsqu’ils en ont fait la démarche, se sont vus proposer dans les trois mois une offre spécifique d’emploi, de formation ou de stage d’un contrat.

Les pouvoirs publics se sont, tout d’abord, efforcés de mobiliser les grandes entreprises privées sur les problématiques d’emploi dans les quartiers de la politique de la ville.

La délégation interministérielle à la ville (DIV) a signé des conventions avec des entreprises publiques et privées afin de faciliter l’accès des habitants des quartiers prioritaires aux emplois proposés par ces grands groupes. Les grandes entreprises produisent par ailleurs souvent un effet d’entraînement sur les autres acteurs économiques dans un projet d’insertion. Un programme, mis en œuvre en 2006, a ainsi été développé avec SFR Cegetel, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cinq autres entreprises ont rejoint le projet : Nokia, Alcatel, Siemens, Motorola et Ericsson. Il a pour objectif de favoriser l’accès aux écoles d’ingénieurs télécoms de jeunes issus des quartiers sensibles, avec, en perspective, des carrières de haut niveau dans les métiers des technologies de la communication.

La politique de la ville a, ensuite, conduit à la mise en place de plusieurs actions d’appui aux initiatives économiques des jeunes dans les quartiers, en complément des incitations fiscales et sociales déjà existantes.

L’opération « Talents des Cités - ambassadeurs de la réussite » a pour objectif de valoriser les réussites en matière de création d’entreprise en mettant en avant le parcours de créateurs, en particulier de jeunes. Une quarantaine de jeunes est récompensée chaque année par un prix remis au Sénat en présence de plusieurs grandes entreprises partenaires. Ces jeunes deviennent alors « ambassadeurs de la réussite » dans leurs quartiers en aidant à leur tour d’autres jeunes porteurs de projet. Cette mission est assurée en partenariat avec les acteurs locaux chargés d’encourager les initiatives dans les quartiers en difficulté.

La délégation interministérielle à la ville soutient enfin les actions que conduisent les réseaux associatifs d’aide et d’accompagnement des créateurs d’entreprise pour développer la création de très petites entreprises (TPE), notamment par les jeunes dans les quartiers. En négociant une convention d’objectif avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et chacun des réseaux d’appui, la délégation a incité les entreprises à intervenir dans un nombre croissant de quartiers et à s’y installer. Dans le cadre de la convention nationale DIV-CDC-Réseaux d’appui à la création d’entreprises, une quarantaine d’agents de développement économique est en fonction en 2006.

Au total, le taux d’accès des jeunes de moins de 26 ans résidant en zones urbaines sensibles à l’ensemble des dispositifs de la politique de l’emploi est supérieur de 0,8 % au taux moyen observé en France métropolitaine.

Le comité interministériel des villes du 9 mars 2006 a placé la santé dans les cinq mesures prioritaires des futurs contrats urbains de cohésion sociale 2007-2009. Il a décidé la création de 160 ateliers en 2006, ainsi que d’équipes mobiles spécialisées en psychiatrie au bénéfice des sites en politique de la ville suivant le plan santé mentale du ministère de la santé, piloté par la direction générale de la santé, la direction générale de l’hospitalisation et de l’offre de soin, et la direction générale de l’action sociale.

La politique de développement de l’accès à la prévention et aux soins des populations les quartiers en difficulté s’est traduite par la création des ateliers santé ville.

Régis par la circulaire du 13 juin 2000, les ateliers ont inauguré un mode d'intervention contractualisé entre les villes et l’État pour le développement de projets locaux de santé publique, à adapter aux populations des quartiers de la politique de la ville. Ils représentent aujourd’hui une forme établie de coopération entre les professionnels du champ sanitaire (libéraux et public), social, éducatif et d’insertion afin d’atteindre les objectifs d’accès à la prévention et aux soins. Ils établissent les instances de concertation entre les services de l’État, les collectivités territoriales, les élus locaux pour définir les axes de mise en œuvre de leur politique locale de santé. Leur aire d’intervention est communale ou intercommunale. Ils adaptent à leur niveau les objectifs des programmes régionaux de santé publique (PRSP) et les programmes régionaux de prévention et d’accès aux soins (PRAPS) dont ils constituent la déclinaison territoriale.

Depuis leur expérimentation en 2001 dans deux régions (Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France), les ateliers se sont développés au sein des agglomérations comportant au moins une zone urbaine sensible suivant la loi relative à la rénovation urbaine et de programmation pour la ville du 1er août 2003. On en dénombre aujourd’hui 160 qui couvrent plus de 300 zones urbaines sensibles. En 2007, ils devraient être 220 en activité.

Les ateliers interviennent prioritairement dans quatre secteurs majeurs de la santé publique :

– la lutte contre les conduites à risque et les conduites addictives ;

– la prise en charge de la souffrance psychique dans le cadre de la santé mentale ;

– l’accès aux soins, aux droits, à la prévention et au dépistage ;

– l’éducation à la santé et les questions de nutrition.

Concurremment avec le développement des ateliers, le programme adultes relais (cf. infra) a été mobilisé dans le champ de l’accès à la prévention et aux soins par la création d’emplois de médiateur santé. De même, plus d’un quart des projets de réussite indicative présentent un volet santé explicite et pleinement articulé avec les actions éducatives.

Le développement des ateliers santé ville se poursuivra en 2007. Pour l’année 2007, la dotation globale des crédits qui leur sont consacrés s’élèverait à 11 millions d'euros. Chaque atelier reçoit une subvention moyenne de l’État de 50.000 euros. Les crédits spécifiques de la politique de la ville afférents à ce programme seront désormais mis en œuvre par l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

La réussite éducative passe par la réussite scolaire, mais aussi par le développement harmonieux sur le plan culturel et sportif des enfants et des jeunes vivant sur les territoires de la politique de la ville. Cet objectif fait partie intégrante des priorités de l’action gouvernementale : annexe 1 de loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, programmes 15 et 16 du plan de cohésion sociale de juin 2004, articles 128 à 132 de la loi de programmation pour la cohésion sociale n° 2005-32 du 18 janvier 2005, loi relative à la cohésion sociale et à l’égalité des chances du 8 mars 2006, champ prioritaire du comité interministériel des villes du 9 mars 2006.

Au total, 370 projets de réussite éducative représentant environ 450 équipes pluridisciplinaires et prenant en charge près de 80.000 enfants et adolescents auront été labellisés d’ici à la fin de l’année 2006, pour un montant de 85 millions d'euros. Au regard des objectifs fixés par le plan de cohésion sociale qui prévoyait la création de 750 équipes pluridisciplinaires de réussite éducative à son terme fin 2009, on peut considérer que 60 % du chemin est déjà parcouru.

Par ailleurs, la délégation interministérielle à la ville a poursuivi son soutien financier aux autres dispositifs éducatifs. Ce sont notamment 1,58 million d'euros qui ont été délégués aux préfets de région pour la mise en œuvre des opérations École ouverte. Cela correspond à 3.600 semaines d’ouverture, dont 2.480 dans les établissements en zones d’éducation prioritaire/réseau d’éducation prioritaire. Ce sont 717 collèges et lycées qui sont concernés, dont 433 en zones d’éducation prioritaire/réseau d’éducation prioritaire. De même, la part prise par la politique de la ville dans le financement de l’accompagnement à la scolarité est très importante. Ces actions seront désormais conduites et financées par l’Agence nationale de cohésion et d’égalité des chances.

En 2007, environ 500 projets de réussite éducative seraient financés pour un montant associé de 105 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Créé par le comité interministériel du 14 décembre 1999, le programme adultes-relais confie des missions de médiation sociale ou culturelle à des résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le comité interministériel des villes du 9 mars 2006 a renforcé le dispositif en prévoyant la création de 3.000 postes supplémentaires et le recours accru à la validation des acquis de l’expérience (VAE) afin d’aider à la professionnalisation de ce métier.

Ce programme répond à un double objectif :

– valoriser et conforter le rôle des adultes et la fonction parentale ;

– créer, développer ou favoriser le lien social dans les territoires de la politique de la ville.

Au-delà des intitulés des postes, l’observation de la réalité des missions et des activités exercées au quotidien reflète l’inscription des emplois créés dans le champ des objectifs de renforcement du lien social dans les quartiers et d’amélioration du rapport entre des populations et les institutions : médiateur culturel, intervenant de prévention santé, chargé de communication, animateur de proximité… De façon générale, les fonctions exercées par les adultes-relais font appel à des aptitudes, qualités individuelles, expériences et savoir-faire acquis par ces derniers parce qu’ils sont précisément issus des quartiers visés par la politique de la ville.

La diversité des activités exercées reflète en vérité la diversité des champs d’intervention de leurs employeurs. D’abord uniquement ouvert à certains employeurs de droit privé, le dispositif a en effet été élargi aux collectivités territoriales et à certains établissements publics par l’article 149 de la loi de finances pour 2002, adoptée le 28 décembre 2001.

Les associations demeurent néanmoins les principaux employeurs, avec près de 80 % des conventions signées. Le secteur public local, auquel le dispositif a été étendu en 2002, constitue le second employeur, pour 15 % des conventions signées. Les bailleurs sociaux, établissements d’enseignement, syndicats de transports, etc. ne sont que faiblement représentés et correspondent aux conventions restantes.

Les adultes-relais sont majoritairement des femmes, qui représentaient 70 % des embauches au début du dispositif et environ 60 % aujourd’hui. Ce dispositif s’est en effet substitué à celui des femmes-relais, qui ont alors pu bénéficier d’un statut plus avantageux. Dans 75 % des cas, les salariés embauchés sont de nationalité française. L’âge moyen se situe entre 40 et 50 ans.

Deux tiers des adultes-relais recherchaient un emploi à leur entrée dans le dispositif. La grande majorité était inscrite à l’ANPE, et moins d’un sur cinq était bénéficiaire du RMI. Plus d’un adulte-relais sur quatre occupait un emploi avant l’embauche, le plus souvent chez le même employeur (69 %). En 2004, près de 80 % des salariés embauchés étaient déjà présents chez l’employeur, ce taux s’expliquant principalement par l’apparition des premiers renouvellements de convention. La proportion d'embauches à temps partiel diminue au fil du temps : 21 % en 2000, moins de 10 % en 2004.

Dans la très grande majorité des cas, les adultes-relais bénéficient d’une formation et d’une qualification notamment par l’acquisition de diplômes dans les domaines de l’animation et de la médiation.

Au 1er janvier 2006, on comptabilise 3.867 postes sur le territoire français, dont 25 % en région Île-de-France. Les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Nord-Pas-de-Calais sont celles qui comptabilisent le plus grand nombre de postes. On notera également la forte mobilisation des régions Haute-Normandie et Rhône-Alpes. L’Outre-mer a également fortement développé ce programme, puisque les quatre départements ultramarins ont créé au total 409 postes, dont 207 pour la seule Guadeloupe. Plus généralement, c’est l’ensemble des zones urbaines sensibles qui bénéficient de postes d’adultes-relais.

L’ÉVOLUTION DES POSTES D’ADULTES-RELAIS DEPUIS LE 31 DÉCEMBRE 2000

Date

Nombre de postes

31/12/00

215

31/03/01

584

31/05/01

649

15/09/01

1.089

15/10/01

1.234

31/01/02

1.498

31/12/02

2.438

01/07/03

2.868

31/12/03

3.100

31/12/04

3.290

31/08/05

3.110

31/08/06

3.867

L’aide de l’État est calculée sur la base d’un SMIC annuel à temps plein, charges sociales et patronales comprises. En 2003, la dotation était de 50 millions d'euros. Elle s’est élevée à 57 millions d'euros en 2004 et en 2005.

Les dotations ont été fortement augmentées en 2006 pour développer ce programme : elles atteignent actuellement 83 millions d'euros.

Pour 2007, 93 millions d'euros sont prévus pour ce dispositif, ce qui permettrait de poursuivre sa montée en charge. Ces financements seront désormais mis en œuvre par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Les ressources du dispositif proviennent de plusieurs ministères. Concurremment avec le ministère chargé de la politique de la ville, le ministère de la Justice y concourt à hauteur de 0,54 million d'euros, le ministère de la Culture à hauteur de 0,6 million d’euros et le ministère des Affaires sociales à hauteur de 2,13 millions d'euros. Au total, les moyens disponibles pour les opérations ville, vie, vacances ont atteint 10,1 millions d'euros en 2006.

Environ 14.000 projets par an sont financés et près de 60 % des actions engagées au cours de l’année le sont en période estivale, période relativement longue pendant laquelle beaucoup de jeunes ne partent pas en villégiature. Les activités proposées sont liées au sport et à la culture. Des sorties à la journée sont organisées ainsi que des chantiers.

Sur les crédits de la mission Ville et logement proprement dits, l’État consacre en moyenne quelque 750 euros par projet. Le nombre de projets financés en 2007 sera de l’ordre de 13.500. Les crédits d’intervention dédiés à ce dispositif s’élèvent à 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Pour 2007, les crédits spécifiques de la politique de la ville seront mis en œuvre par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Les outils conçus pour mesurer la performance des dépenses publiques en faveur de la politique de la ville doivent également pouvoir servir à mieux délimiter son champ d’intervention spécifique. La récente décision du comité interministériel des villes du 9 mars 2006 y invite, puisqu’il a défini de manière large le périmètre des futurs contrats urbains de cohésion sociale.

La politique de la ville enregistre déjà quelques progrès indéniables. Il importe au plus haut point de ne pas les minimiser, car la prise de conscience qui en découlera contribuera elle-même puissamment à la poursuite des premières avancées. Loin d’être un simple sujet de controverse entre spécialistes, l’évaluation de la politique constitue donc un enjeu considérable. Dès cette année, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles s’est saisi de la question. Les bons résultats obtenus doivent être mesurés dans des délais beaucoup plus courts qu’ils ne le sont aujourd’hui. Votre Rapporteur spécial souhaite vivement que se réalise en 2007 ce préalable à leur indispensable diffusion.

Créé par l’article 3 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles est « placé sous l’autorité du ministre chargé de la politique de la ville et sous la responsabilité fonctionnelle de l’administration centrale en charge de la politique de la ville ». La compétence de l’Observatoire a été étendue, par décision du comité interministériel des villes du 9 mars 2006, à l’ensemble des territoires de la politique de la ville. L’observatoire national des zones urbaines sensibles, qui a été installé par décret n° 2004-1135 du 22 octobre 2004, est doté d’un conseil d’orientation.

Le conseil d’orientation définit le programme de travail de l’Observatoire et décide des enquêtes, exploitations statistiques et études à conduire. Il valide et transmet chaque année au ministre chargé de la politique de la ville un rapport sur la situation et l’évolution des zones urbaines sensibles. Cette instance associe des représentants du Parlement, des ministères conduisant des politiques en faveur des quartiers en zones urbaines sensibles, des établissements publics qui contribuent à ces politiques, des collectivités territoriales concernées par le biais de leurs associations, le Conseil national des villes ainsi que des personnalités qualifiées.

Doté d’une équipe opérationnelle au sein de la délégation interministérielle à la ville, l’Observatoire prépare chaque année le rapport visé à l’article 5 de la loi du 1er août 2003 et qui doit être présenté par la Gouvernement au Parlement, « au plus tard à l’ouverture de la session ordinaire ».

La production de données statistiques pertinentes pour la conduite de la politique de la ville suppose des moyens importants et présente deux types de difficultés :

– les unes tiennent à la finesse et au caractère spécifique du découpage géographique des territoires prioritaires ;

– les autres au caractère global de ses interventions qui requiert de mettre en relation des champs d’observation multiples.

Les recensements de la population constituent la source principale des études socio-démographiques portant sur le local et, en particulier, sur le niveau infra communal, celui des quartiers. Des exploitations nationales de la liste des demandeurs d’emploi inscrits à l’ANPE permettent de disposer d’indicateurs sur la situation du marché du travail et les caractéristiques du chômage dans la plupart des zones urbaines sensibles en chaque fin d’année, mais avec un délai de plus d’un an. Pour l’observation des niveaux de revenus et, tout particulièrement, la connaissance des ménages disposant de faibles ressources, des accords régionaux associant des caisses d’allocation familiale permettent un suivi de la précarité financière dans les quartiers des villes concernées.

Pour rendre l’ensemble de ces informations facilement accessibles par le réseau de ses correspondants dans les services déconcentrés de l’État, la délégation interministérielle à la ville a développé un système d’information géographique qui associe des données statistiques, cartographiques et textuelles sur les différents échelons territoriaux de la politique de la ville. Ce système, accessible aux correspondants habilités via Internet, est largement consulté. Il sera enrichi au fur et à mesure de la disponibilité des informations. Son objectif est ainsi de fournir aux responsables locaux de la politique de la ville un tronc commun de données permettant des comparaisons entre territoires et susceptible d’être enrichi par des données produites localement.

Placée au centre de la réforme budgétaire, la mesure de la performance pose des difficultés particulières dans le domaine de la politique de la ville. La réussite de la politique de la ville se mesure en effet de deux manières. Si elle est efficace, elle doit permettre aux quartiers prioritaires de rentrer dans la norme nationale, de telle sorte que la sécurité, l’habitat, le taux d’emploi et la réussite des enfants scolarisés y soient les mêmes qu’ailleurs. Mais ne faut-il pas considérer aussi comme un succès pour la politique de la ville que des habitants de ces quartiers réussissent un parcours d’insertion sociale et professionnelle qui les conduise à emménager dans d’autres quartiers ? Le succès s’attache alors non à un territoire, mais à une population.

Le rapport 2005 de l’Observatoire national des zones sensibles a ouvert la question de la délimitation des zones où intervient la politique de la ville.

Au vu des progrès accomplis dans certaines communes, les rédacteurs du rapport appellent à une révision du zonage. Ils soulignent en effet que les zones n’ont pas été conçues pour être permanentes. Tout au contraire, il s’agit de soustraire de manière effective la population qui y habite à un engrenage de pauvreté, d’insécurité et de chômage. Plus de dix ans après la définition des zones, une révision leur paraît donc légitime. Si la politique de la ville a produit des résultats tangibles, il semble en effet qu’il faille en tirer les conséquences.

Bernadette Malgorn, Présidente du Conseil d’orientation de l’observatoire national des ZUS, observe à ce sujet dans son Avant-propos :

« Le rôle assigné à l’Observatoire national des ZUS à sa création était de « mesurer le retour de ces quartiers dans la République ». La révision du zonage serait une manière officielle d’en prendre acte. »

Le rapport de l’Observatoire souligne que ce ne sont pas seulement les ressources qui font l’écart entre les communes comportant des zones urbaines sensibles et celles qui n’en abritent pas. Car « les dotations de compensation et les dotations de péréquation jouent leur rôle de réducteur des écarts » (p. 225). Il ajoute que « les potentiels financiers moyens des communes comportant les zones urbaines sensibles les plus peuplées sont supérieurs aux potentiels financiers moyens de l’ensemble des communes de plus de  10.000 habitants » (ibidem).

Les communes en cause ne paraissent donc pas moins bien dotées que la moyenne, tout au contraire. Mais ce sont les charges particulièrement élevées auxquelles elles doivent faire face qui les handicapent par rapport à leurs homologues : taux de logements sociaux, taux d’allocataires logement, nombre de ménages à faibles revenus... Le rapport de l’Observatoire note ainsi : « Lorsque l’on introduit les charges socio-urbaines en atténuation des ressources disponibles, les écarts redeviennent significatifs ». Il en conclut que « l’indice de charges socio-urbaines est révélateur des manques de la géographie prioritaire de la politique de la ville » (p. 224).

Ainsi, des contours anciens s’estompent, de nouveaux contours se dessinent. Selon l’Observatoire, sur les deux cents communes qui supportent les plus fortes charges au vu de l’indice de charges socio-urbaines, un cinquième ne comporte pas de zones urbaines sensibles (p. 225).

À l’inverse, « une quarantaine de communes de plus de 10.000 habitants, dotées de zones urbaines sensibles, présentent des taux de logements sociaux inférieurs à 15 %, dans un contexte où les revenus fiscaux moyens des ménages sont particulièrement élevés. Leur maintien dans les zonages de la politique de la ville peut être un objet de débat ».

Les pouvoirs publics ont déjà pris la mesure de ces enjeux nouveaux. Dès 2007, les contrats urbains de cohésion sociale seront engagés, comme le précise le projet annuel de performances, sur la base d’une géographie prioritaire révisée, afin d’assurer la pertinence du périmètre d’intervention du programme Équité sociale et territoriale.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 8 novembre à 16 heures 15, votre commission des Finances a examiné les crédits des programmes Rénovation urbaine et Équité sociale et territoriale et soutien de la mission Ville et Logement.

Votre Rapporteur spécial a souligné que le projet de loi de finances témoigne de l’engagement renouvelé du Gouvernement en faveur des quartiers en difficulté. Les événements de l’an dernier ont agi comme un révélateur sur tous ceux qui ne ressentaient pas encore l’urgence de mettre en œuvre une politique de la ville offensive, qui sache s’attaquer à toutes les facettes des problèmes multiformes avec lesquels ces quartiers sont aux prises.

L’examen de la loi de règlement en juin dernier a montré la très bonne exécution des crédits en 2005 et au début de l’année 2006. À leur tour, les dotations budgétaires proposées pour 2007 sont à la hauteur des enjeux : 1.156 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1.182 millions d’euros en crédits de paiement sur ces deux programmes, contre respectivement 1.073 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1.028 millions d’euros en crédits de paiement dans la loi de finances pour 2006. Les dotations proposées représentent donc un progrès par rapport à des crédits qui avaient déjà été substantiellement réévalués en loi de finances pour 2006, après les décisions du Gouvernement consécutives aux événements de novembre.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est l’opérateur unique du programme Rénovation urbaine. Au 1er septembre 2006, l'Agence a engagé 7,2 milliards d’euros de subventions, ce qui représente plus de 23 milliards d'euros de travaux programmés sur les cinq années à venir. Le présent projet de loi de finances prévoit de lui affecter 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et 386 millions d'euros en crédits de paiement. Cette dernière dotation excède, au demeurant, ses besoins de trésorerie immédiats.

Ce sont 355 quartiers, où résident plus de deux millions d'habitants, qui sont déjà bénéficiaires du dispositif qui engage notamment la construction de 84.000 logements locatifs sociaux, la démolition de 86.000 logements et la réhabilitation de près de 182.000 logements locatifs sociaux. Sur ces quartiers, l’agence participe à la création ou à la rénovation de nombreux équipements commerciaux, sociaux et culturels, ainsi que de plus de 200 écoles.

Les opérations subventionnées par l’Agence sont réparties en une douzaine de familles, qui s’échelonnent de la réhabilitation à la destruction en passant par les aménagements et les reconstructions.

Le programme Équité sociale et territoriale se concentre quant à lui non sur le bâti, mais sur les populations qui habitent les zones sensibles. Ce seraient 756 millions d’euros qui lui seraient affectés pour 2007. Constituée en juillet 2006, l’Agence nationale de cohésion sociale et d’égalité des chances (ANCSEC) sera l’opérateur unique du programme. Pour la première fois en 2007, elle devrait être la cheville ouvrière de l’action des pouvoirs publics dans les quartiers en difficulté. Les moyens du programme devraient se partager à peu près à égalité entre elle et la Délégation interministérielle à la Ville (DIV).

Cette création marque une nouvelle étape dans la politique de la ville. Après la politique des relais municipaux, irrigués par la dotation spéciale d’urbanisme (DSU), le nouveau schéma institutionnel revient à une vision plus centralisée. Peut-être en serait-il allé autrement si l’emploi de la dotation spéciale d’urbanisme avait été mieux encadré et que son affectation effective à des opérations d’urbanisme était plus contraignante. En tout état de cause, la création de l’ANCSEC ne doit pas bloquer la réflexion sur un possible fléchage de la dotation spéciale d’urbanisme.

Au titre du programme, 120 millions d’euros seraient affectés à la prévention de la délinquance, 93 millions d’euros au dispositif des adultes-relais et 112 millions d’euros au programme de réussite éducative, qui monte en puissance. Il faut noter également que les zones franches urbaines sont, depuis le 1er août 2001, au nombre de cent, de sorte que la dotation prévue pour compenser les exonérations de charges sociales impliquées par leur statut devrait s’élever à 333 millions d’euros en 2007.

Placée au centre de la réforme budgétaire, la mesure de la performance pose enfin des difficultés particulières dans le domaine de la politique de la ville. À mesure que la mixité sociale s’accroît dans un quartier et que l’intégration opère mieux, il sort peu à peu de l’orbite des zones en difficulté. Certains habitants peuvent également déménager dans d’autres quartiers. Dans ce dernier cas, la réussite de la politique de la ville peut aussi se mesurer au succès personnel de cette population. Le droit de la protection des données personnelles empêche cependant d’en effectuer le suivi statistique, comme il pourrait être souhaitable du point de vue de la politique de la ville, qui est non seulement une politique territoriale, mais aussi une politique de population.

M. Jean-Louis Dumont a rappelé qu’en son temps, il avait applaudi à la création de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), comme guichet unique des opérations de rénovation urbaine, avec des moyens renforcés et sur la base d’un discours mobilisateur pour les acteurs. Force est de constater que le financement ne suit pas et que les ressources du 1 % logement (taxe sur les HLM de la CGLS et de la Caisse des dépôts) des deux ou trois années à venir ont été préemptées. On peut dès lors s’interroger sur l’avenir du 1 % logement. L’Etat n’arrive à maintenir ses interventions que par cette opération de débudgétisation. En outre, plusieurs acteurs de terrain qualifient maintenant l’ANRU d’« usine à gaz mouvante », dans la mesure où des règles nouvelles sont édictées en permanence. Il est étonnant d’entendre dire que la trésorerie de l’Agence est excédentaire, alors qu’il faut plus de cinq mois pour obtenir un paiement, après plusieurs allers et retours entre les opérateurs, les services ministériels et l’ANRU. Il semble qu’il s’agisse d’une tentative de reconquête de certains services ministériels, qui se sentent dépossédés de leurs prérogatives.

L’espoir suscité par l’ANRU a trouvé ses limites. Dans les villes moyennes, on assiste à des déplacements de populations, alors que l’on a démoli, sans avoir reconstruit à due concurrence. Il faut s’interroger sur les interventions en matière foncière, les prêts locatifs sociaux ne correspondent pas aux besoins et les surcoûts entraînent des problèmes de paiement de loyer.

M. François Scellier a rappelé qu’en tant que membre du conseil d’administration de l’ANRU, au titre de l’Association des départements de France, il confirme la critique : une délibération a, ce matin même, été adoptée qui prévoit une mobilisation plus rapide des fonds par délégation et sous-délégation. La volonté du Président de l’ANRU, le sénateur Jean-Paul Alduy, est de surmonter les difficultés relatives à l’opposition de certaines administrations, qui sont réticentes à céder une part de leurs prérogatives. Mais l’idée de globaliser dans une agence unique l’ensemble des actions de rénovation urbaine demeure intacte.

M. Michel Bouvard, Président, a exprimé deux interrogations, l’une sur la prise en compte des préconisations du rapport de la Cour des comptes, et l’autre sur la méthodologie des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Ainsi à Chambéry, sur l’ensemble des zones éligibles, un seul quartier a été retenu.

M. Denis Merville s’est fait l’écho de la lourdeur et des délais des procédures de l’ANRU, qui parfois ne répond même pas aux courriers de parlementaires. Le zonage et les décisions en matière de CUCS manquent également souvent de clarté.

M. Jean-Louis Dumont a regretté l’abandon dans les CUCS des actions de politique éducative, de soutien et d’encadrement. La situation s’est dégradée en quelques semaines. Il faut, au contraire, soutenir les associations et dire au ministre qu’il ne doit pas abandonner les quartiers.

En réponse, votre Rapporteur spécial a reconnu une certaine complexité du fonctionnement de l’ANRU, nécessaire contrepartie de la démarche de partenariat, quoiqu’il ne faille pas exagérer. À la multiplicité des intervenants administratifs s’ajoutent effectivement les réticences des administrations centrales, qui se sentent dépossédées, du fait de la décentralisation, et par l’ANRU. Les bailleurs sociaux sont aussi les principaux bénéficiaires des crédits de l’ANRU, de façon directe avec les projets de reconstruction et de résidentialisation, et indirecte avec le désenclavement et l’ouverture d’espaces publics. Au total, le monde du logement social tire donc aussi bénéfice de ces opérations.

Il est exact que les délais de paiement de l’ANRU sont souvent trop longs, avec les va-et-vient et les demandes d’information complémentaires. Ainsi, à Woippy, le projet de rénovation urbaine représente 100 millions d’euros, alors que les recettes annuelles de la ville sont de 13 millions d’euros seulement.

Les crédits de paiement de l’ANRU peuvent faire face aux besoins de trésorerie en 2007, mais seront inférieurs aux engagements des années suivantes. C’est la conséquence du succès de l’ANRU, qui a dérogé à la cartographie traditionnelle de la ville en investissant dans des zones n’étant pas toutes des zones urbaines sensibles (ZUS). Mais l’ANRU n’a pas vocation à épuiser tout le contenu de la politique de la ville.

Des interrogations se posent sur les PLS et les plans locaux d’urbanisme (PLU). L’ANRU est plus restrictive qu’à ses débuts dans ses actions. Les PLS ne sont pas pris en compte dans l’offre de reconstruction.

La cartographie de la politique de la ville est très ancienne et les CUCS doivent agir dans un contexte qui n’est pas tout à fait en adéquation avec la réalité socio-économique des quartiers. Il faut approfondir cette question importante, avec le maximum d’objectivité, et la DIV travaille à développer une série de critères en ce sens.

Il faut s’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle les actions de soutien et d’encadrement des associations sont abandonnées. Le montant très important des crédits mis en œuvre dans le cadre des CUCS, joint à la dotation de solidarité urbaine (DSU), en témoigne. Mais il est normal qu’une intensification dans les quartiers prioritaires s’accompagne d’une diminution, là où l’on constate une amélioration de la situation.

Puis, conformément à la position des Rapporteurs spéciaux, la Commission a adopté les crédits de la mission Ville et logement, et vous demande de les adopter.

ANNEXE

Liste des personnes entendues par votre Rapporteur spécial

Votre Rapporteur spécial tient à exprimer de nouveau ses vifs remerciements aux personnes qu’il a rencontrées le mardi 13 juin 2006 et qui lui ont fourni beaucoup d’éléments utiles à la préparation de ce rapport :

– M. le Sénateur Jean-Paul Alduy, président de l’Agence nationale de rénovation urbaine ;

– Mme Anne-Marie Charvet, préfète, déléguée interministérielle à la Ville ;

– M. Philippe Van de Maele, directeur général de l’Agence nationale de rénovation urbaine.

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