N° 3093 - Rapport d'information de MM. Pierre Lequiller et Daniel Garrigue déposé par la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur l'avenir du brevet en Europe




N° 3093

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 mai 2006

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur l'avenir du brevet en Europe,

ET PRÉSENTÉ

par MM. Daniel GARRIGUE et Pierre LEQUILLER,

Députés.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe-Armand Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

LE BREVET, MODE D'EMPLOI 11

I. UN VOCABULAIRE SPECIFIQUE 11

II. TROIS VOIES DE DEPOT 15

A. La voie nationale 15

B. La voie européenne 16

C. La voie internationale 17

III. BREVET EUROPÉEN ET BREVET COMMUNAUTAIRE 19

A. Le brevet européen fait l'objet de deux propositions de réforme bien distinctes 19

1) L'organisation européenne des brevets 19

2) Le protocole de Londres : la question linguistique 19

3) L'accord EPLA : la question juridictionnelle 20

B. Le projet de brevet communautaire : au stade du projet 21

C. Des dossiers en attente 21

1) La décision de la France commande l'entrée en vigueur du protocole de Londres 21

2) Le brevet communautaire n'est pas prêt d'être en vigueur 23

IV. LES REGLES PREVUES PAR LE PROTOCOLE DE LONDRES 25

A. Le droit actuel 25

B. Les modifications introduites par le protocole de Londres 31

C. Quelques exemples 34

D. Observations d'ordre général 35

1) Le protocole de Londres vise l'efficacité, non la simplicité 35

2) Le protocole de Londres sera d'autant plus efficace qu'il y aura d'Etats parties 36

ANALYSE 37

I. LA QUESTION LINGUISTIQUE : UN STATUT DE LANGUE OFFICIELLE QUI RESTE GLOBALEMENT FAVORABLE 37

A. L'évolution générale est tendanciellement défavorable à la langue française 38

1) De plus en plus de brevets européens délivrés en anglais 38

2) La menace du « tout anglais » 39

B. Les enjeux linguistiques liés au protocole de Londres ne se situent qu'après la délivrance du brevet 40

C. Le protocole de Londres confirme le statut du français comme langue officielle 41

1) Le français est conforté comme langue officielle de l'OEB 41

2) La traduction française demeure obligatoire en cas de litige 43

3) Les règles linguistiques prévues pour le brevet communautaire sont plus défavorables au français 44

D. L'incidence du protocole de Londres varie beaucoup selon les acteurs 45

1) Les entreprises simplement utilisatrices de brevets ne seront pas désavantagées 46

2) Les préoccupations des professionnels sont réelles mais ne sont pas déterminantes 47

a) Les traducteurs des brevets d'invention 47

b) Les conseils en propriété industrielle 48

II. L'ENJEU ECONOMIQUE LIE AU COUT DU BREVET : UNE AVANCEE POUR LES ENTREPRISES ET POUR LA RECHERCHE ACADEMIQUE 51

A. Le coût des brevets pénalise l'innovation 51

1) Le brevet européen moins attractif que les brevets américain et japonais 51

2) Des entreprises réticentes 52

3) La valorisation de la recherche universitaire pénalisée 54

B. Le protocole de Londres permettrait de réduire le coût du brevet européen 54

C. D'autres facteurs dissuasifs 57

1) Le coût des annuités 57

2) Un manque de « culture du brevet » 59

III. LA DIMENSION TECHNOLOGIQUE : SATURATION OU NOUVELLE DYNAMIQUE 63

A. La veille technologique s'opère avant la délivrance des brevets 64

1) La délivrance d'un brevet européen intervient plusieurs années après son dépôt 64

2) Le rôle essentiel de la publication de la demande 64

3) Un très faible niveau de consultation des brevets traduits en français 65

4) L'improbable désavantage des francophones 66

B. L'absence de fondement de la menace d'invasion de brevets d'origine extra-européenne 67

C. Un élément de consolidation du pôle européen des brevets 69

IV. LES FAUX DEBATS INSTITUTIONNELS : LES NEGOCIATIONS DU BREVET COMMUNAUTAIRE ET LA JURIDICTION EUROPEENNE DES BREVETS 71

A. Le brevet européen même aménagé par le protocole de Londres répond à des besoins différents de ceux du brevet communautaire 71

1) Une nécessaire coexistence 72

2) Le brevet européen demeure la seule voie européenne pour plusieurs années au moins 74

B. La ratification du protocole de Londres, de portée purement linguistique, ne préjuge en rien de la future juridiction européenne des brevets 74

1) Un amalgame malvenu entre le protocole de Londres et l'accord EPLA 75

a) Les critiques des autorités françaises à l'encontre de l'accord EPLA 75

b) L'absence de lien entre les deux réformes 76

2) Une inévitable unification à terme des deux systèmes juridictionnels 76

TRAVAUX DE LA DELEGATION 79

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION 85

ANNEXES 89

Annexe 1 : Lettre du Premier ministre du 3 avril 2006 91

Annexe 2 : Protocole de Londres 93

Annexe 3 : Liste des personnes auditionnées 97

Mesdames, Messieurs,

En juin 1999, la France prenait l'initiative d'organiser à Paris une conférence intergouvernementale des Etats membres de l'Organisation européenne des brevets (OEB), dont l'un des principaux objectifs affichés était de trouver un moyen de réduire le coût du brevet européen. Cette initiative constituait l'un des volets de la politique en faveur de l'innovation mise en œuvre à la suite du « rapport Lombard » sur la propriété industrielle(1).

Un an plus tard, lors d'une seconde conférence intergouvernementale tenue à Londres, les 16 et 17 octobre 2000, un accord était trouvé, visant à modifier l'article 65 de la Convention sur le brevet européen. Il s'agit du « protocole de Londres », dont l'objet est limité à la réduction des coûts de traduction au stade de la validation des brevets.

Le protocole de Londres a rapidement suscité de vives critiques, provenant pour l'essentiel des professionnels de la propriété industrielle et de certains défenseurs de la francophonie.

Avant de signer le protocole, le Gouvernement de l'époque a donc procédé à de nombreuses consultations, qui débouchèrent
- dans un premier temps - sur le dépôt du « rapport Vianès », très favorable à ce protocole(2), puis - dans un second temps - sur la signature de cet accord international par la France, le 30 juin 2001.

Les adversaires du protocole n'ont pas pour autant renoncé. L'intervention dans le débat de quelques sommités académiques, le déferlement de questions écrites des parlementaires à chaque fois que le dépôt d'un projet de loi de ratification était évoqué et l'opposition manifestée par le Président du Sénat, à l'occasion de l'inauguration de la foire aux livres de Brive, le 8 novembre 2002(3), ont conduit les gouvernements successifs à adopter une position d'attente.

Le débat a été relancé lors du récent examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de programme sur la recherche. Sur l'initiative de notre collègue Jean-Michel Fourgous, la commission des finances, saisie pour avis, a adopté un amendement visant à autoriser la ratification du protocole de Londres(4). Après de longues discussions en séance publique(5), cet amendement fut finalement retiré, après que le Gouvernement eut fait valoir que la procédure suivie soulèverait un « sérieux problème de constitutionnalité ». L'engagement de ne pas abandonner ce dossier permit aussi d'obtenir ce retrait.

Quelques jours plus tard, lors du comité interministériel sur l'Europe du 13 mars 2006, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a annoncé qu'il demanderait aux Présidents des deux délégations parlementaires pour l'Union européenne de conduire, chacun de leur côté, une mission sur l'avenir du brevet en Europe.

La lettre adressée par le Premier ministre à M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, est datée du 3 avril 2006 (voir l'annexe 1). Elle précise notamment :

« Votre réflexion éclairera les enjeux de la ratification éventuelle par la France de l'Accord de Londres du 17 octobre 2000 qui vise à modifier l'article 65 de la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens. Vous pourrez ainsi évaluer l'impact de cet accord sur les entreprises innovantes, ainsi que sur la place de la langue française et, sur la base de ces critères, procéder également à une analyse comparée du projet de brevet communautaire. Il conviendra par ailleurs de s'assurer de la compatibilité de l'accord de Londres avec le projet de brevet communautaire, notamment dans la perspective d'une réforme juridictionnelle, et d'identifier enfin les moyens de réaliser des progrès rapides sur le brevet communautaire ».

Dès le 4 avril 2006, la Délégation a désigné le Président Pierre Lequiller et M. Daniel Garrigue, rapporteurs d'information(6).

*

* *

La technicité des questions abordées justifie de fournir, en avant-propos, quelques éléments de vocabulaire, de procédure et
- plus largement - un rappel du contexte du brevet en Europe. Le contenu du protocole de Londres sera également précisé.

Pourront alors être examinés les quatre arguments qui, selon les rapporteurs, conduisent à conclure à la nécessité de ratifier le protocole de Londres.


LE BREVET, MODE D'EMPLOI

Une bonne compréhension des implications du protocole de Londres nécessite de définir plusieurs termes de vocabulaire spécifique au droit des brevets, de présenter les trois voies possibles de dépôt d'un brevet et de rappeler la distinction à établir entre le brevet européen et le brevet communautaire.

Il convient, en premier lieu, de donner un lexique définissant des notions qui seront fréquemment utilisées dans la suite du présent rapport : brevet, revendications, description, dépôt, abrégé, examen, désignation, délivrance, validation et annuités.

- Brevet

Le brevet est un titre de propriété industrielle donnant droit, pour une période limitée dans le temps (20 ans) et sur un territoire donné, d'interdire à tout tiers non autorisé d'exploiter (c'est-à-dire de fabriquer, d'utiliser, de commercialiser ou d'importer) l'invention. En contrepartie de cette protection, le détenteur du brevet accepte de rendre publique son invention.

Pour qu'une invention soit susceptible d'une protection par un brevet, elle doit répondre à trois critères : la nouveauté, l'activité inventive et l'application industrielle.

Un brevet n'atteste pas de l'excellence technique et n'est pas non plus une garantie de succès commercial.

- Revendications

Un fascicule de brevet comporte généralement trois parties : les revendications, la description et les dessins.

Les revendications définissent l'objet de la protection demandée. Elles doivent être claires et concises (un fascicule de brevet comprend, en moyenne, 3,5 pages de revendications et 16,5 pages de description). Elles doivent se fonder sur la description.

- Description

La description (et les dessins) servent à interpréter les revendications. La description expose l'état antérieur de la technique, le problème technique et la solution apportée.

- Dépôt

Le dépôt est la première phase de la procédure susceptible d'aboutir à la délivrance d'un brevet. Plusieurs voies de dépôt sont offertes, selon l'étendue territoriale de la protection que le déposant souhaite apporter à son invention.

- Abrégé

Dix-huit mois après le premier dépôt d'un brevet intervient la publication de la demande dans la langue du dépôt. Lorsqu'il s'agit d'une demande de brevet européen déposée dans une autre langue que le français, l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) publie à cette occasion, en France, une traduction française de l'abrégé descriptif de l'invention.

Cet abrégé, rédigé par l'inventeur et très bref (quelques lignes de texte), est unanimement considéré comme insuffisant pour apprécier la portée de l'invention.

Certaines bases de données fournissent un abrégé « enrichi » de l'invention en langue anglaise.

- Examen

L'examen du brevet est l'opération consistant pour un office de la propriété industrielle à procéder à des recherches, afin d'identifier les antériorités susceptibles d'affecter la brevetabilité de l'invention objet de la demande de brevet, à vérifier si cette invention répond aux deux autres critères de brevetabilité et enfin à délivrer ou rejeter le brevet.

- Désignation

Lorsque le déposant d'un brevet utilise l'une des deux voies internationales de dépôt, la désignation consiste à déterminer le champ territorial de la protection souhaitée, c'est-à-dire à énumérer la liste des Etats où il souhaite que son invention soit protégée.

Dans la majeure partie des cas, le déposant d'un brevet européen ne désigne qu'une nombre restreint d'Etats (cinq à quinze), même si la taxe de désignation (80 euros par Etat désigné) est réputée acquittée pour tous les Etats membres de l'Office européen des brevets dès lors qu'un montant correspondant à sept fois cette taxe a été acquitté.

- Délivrance

La délivrance du brevet est l'opération consistant pour un office de la propriété industrielle à accepter la demande de brevet déposée auprès de cet office.

Cette opération intervient, en général, plusieurs années après le dépôt.

- Validation

Dans le cadre d'une procédure internationale, la validation consiste à faire en sorte qu'un brevet délivré par l'Office européen des brevets ait des effets juridiques dans chacun des Etats désignés par le breveté. Dans l'état actuel du droit, elle implique le dépôt auprès de l'office national de la propriété industrielle de chacun des Etats en question, de la traduction intégrale - description et revendications - dans une langue officielle de cet Etat.

- Annuités

Les annuités sont la redevance que le breveté doit payer chaque année, dans chaque pays, à l'office de la propriété industrielle pour que le brevet soit maintenu en vigueur dans ce pays.

Jusqu'à sa délivrance, un brevet européen implique le paiement d'annuités auprès de l'Office européen des brevets.

Le montant des annuités est croissant : des augmentation interviennent à compter des troisième, onzième et seizième annuités après la délivrance.

La voie européenne est gérée par l'Office européen des brevets (OEB), qui met en œuvre une procédure de dépôt et d'examen centralisée suivant des règles uniformes.

A partir d'un seul dépôt (rédigé en français, en anglais ou en allemand), un brevet européen peut être délivré pour tous les pays désignés par le déposant (parmi les 31 pays membres de l'OEB). Ce brevet européen est ensuite éclaté en autant de brevets nationaux que de pays désignés.

Les demandes européennes sont de deux types :

il peut s'agir d'une demande dite « euro-directe », qui entre à l'OEB sans passer par la voie PCT. Ce peut donc être une demande déposée directement à l'OEB ou une demande déposée auprès d'un office national que le déposant souhaite étendre à plusieurs Etats européens avant l'expiration du délai de priorité de 12 mois ;

- ce peut être aussi une demande dite « euro-PCT », qui est une demande de brevet internationale réalisée auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et contenant la désignation d'au moins un pays membre de l'OEB. En effet, lorsqu'un pays de l'OEB est désigné dans le cadre de la voie internationale, le dépôt entre dans le système européen des brevets, qui l'examine selon ses règles propres.

Evénements suivant le depot d'une demande de brevet par la voie europeenne

La procédure PCT permet, à partir d'une demande unique, déposée dans la langue du demandeur auprès de l'OMPI, de désigner les pays où la protection est souhaitée parmi plus de 120 Etats.

Chacun des offices nationaux ou régionaux récepteurs traite la demande selon ses règles propres.

Les trois voies de dépôt ne débouchent finalement que sur la délivrance de deux types de brevet :

- le brevet national ;

- le brevet européen (qui se scinde en autant de brevets nationaux que de pays de l'OEB désignés).

L'intérêt de la voie PCT réside dans la possibilité d'attendre jusqu'à 30 mois avant de rentrer dans les phases nationales où il faut confirmer les désignations par le paiement des taxes propres à chaque pays. Elle permet donc au déposant de confirmer ou non les désignations initiales sur la base d'une meilleure appréciation de la concurrence, des marchés et de la valeur économique de la demande de brevet.

Evénements suivant le depot d'une demande de brevet par la voie internationale

1) L'organisation européenne des brevets

Mise en place par la Convention de Munich signée en 1973 et entrée en vigueur en 1977, l'Organisation européenne des brevets (OEB) est, à ce jour, le seul organisme susceptible de délivrer selon une procédure uniforme et centralisée des brevets désignant plusieurs Etats européens, appelés « brevets européens ».

L'OEB, composée de 31 Etats membres, n'est pas un organe relevant du droit communautaire, même si la quasi-totalité des Etats de l'Union appartiennent à l'OEB (à l'exception de Malte).

Le dispositif en vigueur suscitant des critiques, une conférence intergouvernementale des Etats membres de l'OEB a été réunie à Paris en juin 1999. Cette réunion est à l'origine de deux importantes propositions de réforme : le protocole de Londres (concernant les aspects linguistiques) et l'accord sur les litiges en matière de brevet européen (dit « accord EPLA »).

2) Le protocole de Londres : la question linguistique

Cet accord conclu en octobre 2000 vise à limiter les exigences de traductions afin de réduire le coût des brevets européens.

Actuellement, le dépôt d'un brevet auprès de l'OEB doit être fait dans l'une des trois langues officielles de cet organisme (anglais, allemand ou français). La procédure d'examen et la publication du brevet délivré ont lieu dans la langue de dépôt. Mais, au stade de la validation du brevet, chaque Etat impose la traduction intégrale du brevet dans sa langue nationale. Ainsi, un demandeur de brevet désignant les 31 Etats de l'OEB doit traduire son brevet dans 22 langues et la désignation des 25 Etats membres de l'Union européenne implique 21 traductions.

Le protocole de Londres cherche à réduire les coûts de la traduction au stade de la validation du brevet.

Les dispositions du protocole, conjuguées avec d'autres dispositions de la Convention européenne des brevets, conduisent
- pour l'essentiel(
7) - à limiter les traductions aux seules revendications et à privilégier les trois langues officielles de l'OEB.

3) L'accord EPLA : la question juridictionnelle

L'accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens (dit « accord EPLA » pour European patent litigation agreement) est le second volet important de réforme de l'Organisation européenne des brevets.

Il vise à créer une Cour européenne des brevets (comprenant un Tribunal de première instance et une Cour d'appel) compétente pour examiner les litiges relatifs à la validité et à la contrefaçon du brevet européen.

Aujourd'hui, ces litiges sont examinés par les juridictions nationales. Dès lors, le titulaire d'un brevet européen peut être conduit à saisir plusieurs juridictions pour faire valoir ses droits, ce qui est onéreux et risque d'aboutir à des jurisprudences divergentes.

L'accord EPLA permettrait d'unifier ce contentieux.

Depuis plus de trente ans, l'Union européenne s'efforce d'instituer un « brevet communautaire », qui se distinguerait du « brevet européen » actuel sur plusieurs points :

- d'abord, le brevet communautaire serait unitaire : il protègerait les inventions dans l'ensemble des Etats de l'Union (alors que dans le cadre du brevet européen, le déposant doit désigner individuellement les Etats où il souhaite que son invention soit protégée) ;

- ensuite, le brevet communautaire serait régi par le droit communautaire et ne serait donc pas réparti, comme pour le brevet européen, en autant de brevets nationaux qu'il y a de pays désignés par le déposant ;

- enfin, et en conséquence, le contentieux du brevet communautaire relèverait d'une juridiction unitaire dépendant de la Cour de justice des Communautés européennes.

1) La décision de la France commande l'entrée en vigueur du protocole de Londres

Comme cela a déjà été indiqué, après avoir mené une large consultation des parties intéressées, la France a signé le protocole de Londres le 30 juin 2001.

A ce jour, 13 Etats (sur 31) membres de l'OEB ont signé ce protocole.

Toutefois, il ne pourra entrer en vigueur que lorsque 8 parties à la Convention l'auront ratifié, dont les trois Etats dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999 (à savoir Allemagne, France et Royaume-Uni).

Or, le protocole a déjà été ratifié par 6 Etats (dont l'Allemagne et le Royaume-Uni)(8). En outre, les parlements danois, suisse et néerlandais ont déjà adopté les dispositions nationales préalables aux ratifications par ces pays, qui ne dépendent plus désormais que de décisions ministérielles.

La France exerce donc aujourd'hui un pouvoir de blocage du protocole de Londres.

Il importe de souligner que les Etats ayant déjà ratifié le protocole ou ayant mis en œuvre une procédure de ratification représentent - si l'on ajoute la France - 90 % des dépôts effectués par des européens auprès de l'OEB.

Etats membres de l'OEB (31)

Etats signataires du protocole de Londres (13)

Etats ayant ratifié le protocole de Londres (6)

Allemagne

Allemagne

Allemagne

France

France

 

Royaume-Uni

Royaume-Uni

Royaume-Uni

Suisse

Suisse

(a)

Danemark

Danemark

(a)

Islande

Islande

Islande

Liechtenstein

Liechtenstein

 

Lettonie

Lettonie

Lettonie

Luxembourg

Luxembourg

 

Monaco

Monaco

Monaco

Pays-Bas

Pays-Bas

(a)

Suède

Suède

(a)

Slovénie

Slovénie

Slovénie

Autriche

   

Belgique

   

Bulgarie

   

Chypre

   

République tchèque

   

Estonie

   

Finlande

   

Grèce

   

Hongrie

   

Irlande

   

Italie

   

Lituanie

   

Pologne

   

Portugal

   

Roumanie

   

Slovaquie

   

Espagne

   

Turquie

   

(a) Une procédure de ratification est en cours dans ces pays.

2) Le brevet communautaire n'est pas prêt d'être en vigueur

Après plusieurs tentatives infructueuses, la Commission européenne a proposé un nouveau règlement, en 2000(9), ayant pour base juridique l'article 308 du traité, ce qui implique un vote à l'unanimité.

Les discussions ont abouti à l'adoption d'une « approche politique commune » lors du Conseil « Compétitivité » du 3 mars 2003, qui semblait autoriser des compromis sur les quatre principales questions en débat : le système juridictionnel, le régime linguistique, le rôle des offices nationaux de brevets et la répartition des taxes.

Une nouvelle version de la proposition de règlement a donc été soumise au Conseil « Compétitivité » des 17 et 18 mai 2004(10).

Pourtant le dossier n'a toujours pas progressé. Officiellement, le seul obstacle demeurerait la position espagnole exigeant que les revendications traduites dans toutes les langues de l'Union aient valeur juridique, ce que refusent la France et l'Allemagne pour des raisons de sécurité juridique. Mais, par ailleurs, il semblerait que l'Allemagne soit encore très réticente à l'égard des dispositions de l'approche politique commune concernant le système juridictionnel centralisé. En outre, il apparaît que la question de la répartition des taxes n'a pas encore fait l'objet d'un examen approfondi et cette discussion sera certainement très ardue, puisque les offices des pays les plus souvent désignés souhaiteront défendre leurs revenus dans ce nouveau dispositif où tous les Etats de l'Union seront indistinctement désignés.

Face à cette impasse, la Commission européenne s'est contentée d'organiser une large consultation grâce à un « questionnaire sur le système des brevets en Europe » publié en janvier 2006, qui devrait déboucher sur un débat à Bruxelles le 13 juillet 2006.

*

* *

Le contexte ayant été rappelé, il convient d'examiner plus précisément le contenu du protocole de Londres.

Quatre dispositions de la Convention sur le brevet européen encadrent le régime linguistique du brevet européen :

- l'article 14, qui dispose que les trois langues officielles de l'OEB sont l'allemand, l'anglais et le français. Il exige également que les fascicules de brevet européen comportent une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles ;

- l'article 65, qui donne la faculté aux Etats membres de l'OEB de prescrire la traduction de l'intégralité du brevet dans leur langue nationale dans les trois mois suivant la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet européen ;

- l'article 67, paragraphe 3, qui autorise les Etats membres de l'OEB n'ayant pas une langue officielle commune avec celles de l'OEB à prévoir que la protection provisoire assurée après la publication de la demande de brevet n'est assurée qu'à partir de la date à laquelle une traduction des revendications dans la langue de l'Etat a été rendue accessible au public ou a été remise à la personne exploitant dans cet Etat l'invention qui fait l'objet de la demande ;

- et l'article 70, qui précise que le texte du brevet européen rédigé dans la langue de la procédure est le texte qui fait foi dans toutes les procédures devant l'OEB et dans tous les Etats contractants.

Convention sur le brevet européen

Article 14

Langues de l'Office européen des brevets

(1) Les langues officielles de l'Office européen des brevets sont l'allemand, l'anglais et le français. Les demandes de brevet européen sont déposées dans une de ces langues.

(2) Néanmoins, les personnes physiques et morales ayant leur domicile ou leur siège sur le territoire d'un Etat contractant ayant une langue autre que l'allemand, l'anglais ou le français comme langue officielle, et les nationaux de cet Etat ayant leur domicile à l'étranger peuvent déposer des demandes de brevet européen dans une langue officielle de cet Etat. Toutefois, une traduction dans une des langues officielles de l'Office européen des brevets doit être produite dans le délai prévu par le règlement d'exécution ; pendant toute la durée de la procédure devant l'Office européen des brevets, cette traduction peut être rendue conforme au texte original de la demande.

(3) La langue officielle de l'Office européen des brevets dans laquelle la demande de brevet européen a été déposée ou celle dans laquelle cette demande a été traduite, dans le cas visé au paragraphe 2, doit être utilisée, sauf s'il en est disposé autrement par le règlement d'exécution, dans toutes les procédures devant l'Office européen des brevets relatives à cette demande ou au brevet délivré à la suite de cette demande.

(4) Les personnes visées au paragraphe 2 peuvent également déposer, dans une langue officielle de l'Etat contractant en question, des pièces devant être produites dans un délai déterminé. Toutefois, elles sont tenues de produire une traduction dans la langue de la procédure dans le délai prescrit par le règlement d'exécution ; elles peuvent également déposer une traduction dans une autre langue officielle de l'Office européen des brevets.

(5) Si une pièce qui n'est pas comprise dans les pièces de la demande de brevet européen n'est pas produite dans la langue prescrite par la présente convention ou si une traduction requise en application de la présente convention n'est pas produite dans les délais, la pièce est réputée n'avoir pas été reçue.
(6) Les demandes de brevet européen sont publiées dans la langue de la procédure.

(7) Les fascicules de brevet européen sont publiés dans la langue de la procédure ; ils comportent une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l'Office européen des brevets.

(8) Sont publiés dans les trois langues officielles de l'Office européen des brevets :

a) le Bulletin européen des brevets ;
b) le Journal officiel de l'Office européen des brevets.

(9) Les inscriptions au Registre européen des brevets sont effectuées dans les trois langues officielles de l'Office européen des brevets. En cas de doute, l'inscription dans la langue de la procédure fait foi.

Article 65
Traduction du fascicule du brevet européen

(1) Tout Etat contractant peut prescrire, lorsque le texte dans lequel l'Office européen des brevets envisage de délivrer un brevet européen pour cet Etat ou de maintenir pour ledit Etat un brevet européen sous sa forme modifiée n'est pas rédigé dans une des langues officielles de l'Etat considéré, que le demandeur ou le titulaire du brevet doit fournir au service central de la propriété industrielle une traduction de ce texte dans l'une de ces langues officielles, à son choix, ou, dans la mesure où l'Etat en question a imposé l'utilisation d'une langue officielle déterminée, dans cette dernière langue. La traduction doit être produite dans un délai de trois mois à compter de la date de publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet européen ou du maintien du brevet européen tel qu'il a été modifié, à moins que l'Etat considéré n'accorde un délai plus long.

(2) Tout Etat contractant qui a adopté des dispositions en vertu du paragraphe 1 peut prescrire que le demandeur ou le titulaire du brevet acquitte, dans un délai fixé par cet Etat, tout ou partie des frais de publication de la traduction.

(3) Tout Etat contractant peut prescrire que, si les dispositions adoptées en vertu des paragraphes 1 et 2 ne sont pas observées, le brevet européen est, dès l'origine, réputé sans effet dans cet Etat.

Article 67
Droits conférés par la demande de brevet européen
après sa publication

(1) A compter de sa publication en vertu de l'article 93, la demande de brevet européen assure provisoirement au demandeur, dans les Etats contractants désignés dans la demande de brevet telle que publiée, la protection prévue à l'article 64.

(...)

(3) Chaque Etat contractant qui n'a pas comme langue officielle la langue de la procédure peut prévoir que la protection provisoire visée aux paragraphes 1 et 2 n'est assurée qu'à partir de la date à laquelle une traduction des revendications, soit dans l'une des langues officielles de cet Etat, au choix du demandeur, soit, dans la mesure où l'Etat en question a imposé l'utilisation d'une langue officielle déterminée, dans cette dernière langue :

a) a été rendue accessible au public, dans les conditions prévues par sa législation nationale, ou

b) a été remise à la personne exploitant, dans celui-ci, l'invention qui fait l'objet de la demande de brevet européen.

(...)

Article 70
Texte de la demande de brevet européen
ou du brevet européen faisant foi

(1) Le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de la procédure est le texte qui fait foi dans toutes les procédures devant l'Office européen des brevets et dans tous les Etats contractants.

(2) Toutefois, dans le cas visé à l'article 14, paragraphe 2, le texte initialement déposé est pris en considération pour déterminer, dans les procédures devant l'Office européen des brevets, si l'objet de la demande de brevet européen ou du brevet européen n'a pas été étendu au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée.

(3) Tout Etat contractant peut prévoir qu'une traduction dans une langue officielle de cet Etat, ainsi qu'en dispose la présente convention, est considérée dans ledit Etat comme étant le texte qui fait foi, hormis les cas d'actions en nullité, si la demande de brevet européen ou le brevet européen dans la langue de la traduction confère une protection moins étendue que celle conférée par ladite demande ou par ledit brevet dans la langue de la procédure.

(4) Tout Etat contractant qui arrête une disposition en application du paragraphe 3,

a) doit permettre au demandeur ou au titulaire du brevet européen de produire une traduction révisée de la demande ou du brevet. Cette traduction révisée n'a pas d'effet juridique aussi longtemps que les conditions fixées par l'Etat contractant en application de l'article 65, paragraphe 2 et de l'article 67, paragraphe 3, n'ont pas été remplies ;

b) peut prévoir que celui qui, dans cet Etat, a, de bonne foi, commencé à exploiter une invention ou a fait des préparatifs effectifs et sérieux à cette fin, sans que cette exploitation constitue une contrefaçon de la demande ou du brevet dans le texte de la traduction initiale, peut, après que la traduction révisée a pris effet, poursuivre à titre gratuit son exploitation dans son entreprise ou pour les besoins de celle-ci.

L'article 65 précité impose donc une seule formalité obligatoire pour rendre opposable un brevet européen délivré sur le territoire d'un Etat désigné par le déposant du brevet : la publication de la mention de la délivrance au Bulletin européen des brevets.

Cet article ajoute une autre condition formelle - la traduction de l'intégralité du brevet dans la langue nationale - mais cette condition a un caractère facultatif. Chaque Etat membre de l'OEB peut décider - ou pas - de la mettre en œuvre(11).

En pratique, l'ensemble des Etats contractants a fait usage de cette faculté.

S'agissant de la France, elle figure aux articles L.614-7 et R.614-8 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Code de la propriete intellectuelle

Article L.614-7

Lorsque le texte, dans lequel l'Office européen des brevets créé par la Convention de Munich délivre un brevet européen ou maintient un tel brevet sous une forme modifiée, n'est pas rédigé en français, le titulaire du brevet doit fournir à l'Institut national de la propriété industrielle une traduction de ce texte dans les conditions et délai déterminés par décret en Conseil d'Etat. Faute de satisfaire à cette obligation, le brevet est sans effet.

Article L.614-8


Dans les trois mois qui suivent la publication des demandes de brevets européens et lorsque la langue de la procédure n'est pas le français, l'Institut national de la propriété industrielle assure la traduction et la publicité en français des abrégés prévus à l'article 78, paragraphe 1-e, de la Convention de Munich.

Article L.614-9


Les droits définis aux articles L. 613-3 à L. 613-7, L. 615-4 et L. 615-5 du présent code peuvent être exercés à compter de la date à laquelle une demande de brevet européen est publiée conformément aux dispositions de l'article 93 de la Convention de Munich.

Si la publication a été faite dans une langue autre que le français, les droits mentionnés à l'alinéa précédent ne peuvent être exercés qu'à compter de la date à laquelle une traduction en français des revendications a été publiée par l'Institut national de la propriété industrielle, sur réquisition du demandeur, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ou a été notifiée au contrefacteur présumé.

Article L.614-10


Lorsqu'une traduction en langue française a été produite dans les conditions prévues à l'article L. 614-7 ou au second alinéa de l'article L. 614-9, cette traduction est considérée comme faisant foi si la demande de brevet européen ou le brevet européen confère dans le texte de la traduction une protection moins étendue que celle qui est conférée par ladite demande ou par ledit brevet dans la langue dans laquelle la demande a été déposée.
   Toutefois, une traduction révisée peut être produite à tout moment par le titulaire de la demande ou du brevet. Cette traduction ne prend cependant effet que lorsque les conditions prévues à l'article L. 614-7 ou au second alinéa de l'article L. 614-9 ont été remplies.

Toute personne qui a, de bonne foi, commencé à exploiter une invention ou fait des préparatifs effectifs et sérieux à cette fin, sans que cette exploitation constitue une contrefaçon de la demande ou du brevet dans le texte de la traduction initiale, peut, dès que la traduction révisée a pris effet, poursuivre à titre gratuit son exploitation dans son entreprise ou pour les besoins de celle-ci.

Par dérogation aux dispositions ci-dessus, la langue de la procédure fait foi dans les actions en nullité.

*

* *

Article R.614-8


La traduction en français du texte du brevet européen prévue à l'article L. 614-7 doit être remise dans un délai de trois mois à compter de la date de publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance du brevet visée à l'article 97, paragraphe 4, de la convention sur le brevet européen et, le cas échéant, de la mention de la décision concernant l'opposition visée à son article 103. La traduction doit être accompagnée de la justification de la redevance exigible.

Article R.614-9


Mention de la remise de la traduction du texte du brevet européen est publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle elle a été fournie. Cette mention comporte les indications nécessaires à l'identification du brevet.

A compter du jour de la publication de la mention visée à l'alinéa précédent, toute personne peut prendre connaissance gratuitement à l'Institut national de la propriété industrielle du texte de la traduction et en obtenir reproduction à ses frais.

Article R.614-10


Mention du défaut de la remise de la traduction du brevet européen ou du défaut de paiement de la redevance exigible dans le délai prévu à l'article R. 614-8 est publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle. Cette mention comporte les indications nécessaires à l'identification du brevet. La redevance payée est remboursée.

Article R.614-11


La traduction des revendications de la demande de brevet européen visée par l'article L. 614-9 est établie par le demandeur. Son texte est remis à l'Institut national de la propriété industrielle par le demandeur, accompagné d'une réquisition de publication et de la justification du paiement de la redevance exigible. Les dispositions de l'article R. 614-9 sont applicables.
   La réquisition de publicité est déclarée irrecevable si elle n'est pas accompagnée de la justification du paiement de la redevance.

(...)

Article R.614-18


La publication de chacune des traductions et des traductions révisées mentionnées aux articles R. 614-8, R. 614-11 et R. 614-12 donne lieu au paiement d'une redevance exigible lors de la remise de la traduction.

Le texte adopté à Londres, le 17 octobre 2000 (voir l'annexe 2) ne modifie que le seul article 65 de la Convention sur le brevet européen. Les articles 14, 67 et 70 demeurent identiques.

Le protocole de Londres comporte onze articles, dont seuls les deux premiers n'ont pas un caractère procédural ou formel.

Protocole de Londres

Article premier
Renonciation aux exigences en matière de traduction


(1) Tout Etat partie au présent accord ayant une langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'Office européen des brevets renonce aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen.

(2) Tout Etat partie au présent accord n'ayant aucune langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'Office européen des brevets renonce aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen, si le brevet européen a été délivré dans la langue officielle de l'Office européen des brevets prescrite par cet Etat, ou traduit dans cette langue et fourni dans les conditions prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen.

(3) Les Etats visés au paragraphe 2 conservent le droit d'exiger qu'une traduction des revendications dans une de leurs langues officielles soit fournie dans les conditions prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen.

(4) Le présent accord ne saurait être interprété en vue de restreindre le droit des Etats parties au présent accord de renoncer à toute exigence en matière de traduction ou d'appliquer en matière de traduction des règles moins contraignantes que celles visées aux paragraphes 2 et 3.

Article 2
Traductions en cas de litige


Le présent accord ne saurait être interprété en vue de restreindre le droit des Etats parties au présent accord de prescrire que, en cas de litige relatif à un brevet européen, le titulaire du brevet fournit, à ses frais,

a) à la demande du prétendu contrefacteur, une traduction complète du brevet dans une langue officielle de l'Etat où la contrefaçon alléguée du brevet a eu lieu,
b) à la demande de la juridiction compétente ou d'une autorité quasi-juridictionnelle dans le cadre d'une procédure, une traduction complète du brevet dans une langue officielle de l'Etat concerné.

Cet accord international souligne dans ses considérants l'importance de l'objectif visant à réduire les coûts liés à la traduction des brevets européens et affirme la détermination des Etats parties à l'accord à contribuer efficacement à une telle réduction des coûts.

Les dispositions de l'article premier conduisent à distinguer trois cas de figure, que nous illustrerons ensuite par des exemples.

¬ 1er cas de figure : les Etats parties au protocole de Londres ayant une langue officielle en commun avec les langues officielles de l'OEB

A supposer que la France ratifie, cela pourrait viser l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, Monaco et la France.

Dans ces Etats, un brevet européen serait applicable sans autre exigence que la traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l'OEB.

¬ 2ème cas de figure : les Etats parties au protocole de Londres n'ayant aucune langue officielle en commun avec celles de l'OEB

Cela concerne l'Islande, la Lettonie, la Slovénie, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas.

Ces Etats renoncent à l'obligation de traduction de l'intégralité du brevet dans leur langue nationale, mais ils peuvent néanmoins demander une version intégrale dans celle des trois langues officielles de l'OEB qu'ils ont prescrite (concrètement, les quatre Etats précités, s'ils font usage de cette faculté, disposeront d'une version intégrale en anglais).

En outre, ils pourront exiger (mais il ne s'agit, là encore, que d'une option facultative) une traduction des revendications dans leur langue nationale.

¬3ème cas de figure : les Etats non-parties au protocole de Londres

Il importe de souligner que les dispositions du protocole ne vaudront qu'entre les Etats membres de l'OEB ayant ratifié cet accord. Les autres Etats membres de l'OEB (c'est-à-dire une vingtaine d'Etats) continueront à faire valoir les règles actuellement en vigueur, à savoir une traduction intégrale du brevet dans leur langue nationale.

On doit noter que, parmi ces Etats, figurent des pays dont le marché est significatif, ce qui conduit les déposants à les désigner fréquemment (Italie, Espagne, Autriche notamment).

Deux exemples permettront d'illustrer cette présentation théorique.

¬ Exemple A : une entreprise française dépose un brevet en français auprès de l'OEB et désigne l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Autriche, l'Italie, Monaco et la Slovénie

Il convient de reprendre une grille d'analyse reprenant les trois cas de figure précités :

· Etats parties au protocole ayant une langue officielle en commun avec celles de l'OEB :

L'Allemagne, le Royaume-Uni, Monaco sont des Etats parties au protocole ayant une langue officielle commune avec celles de l'OEB. L'entreprise française devra donc traduire les seules revendications en anglais et en allemand pour valider son brevet dans ces Etats.

· Etats parties au protocole n'ayant pas une langue officielle en commun avec celles de l'OEB :

Pour la Slovénie, l'entreprise française devra, le cas échéant, traduire l'intégralité de son brevet dans la langue prescrite par la Slovénie (certainement l'anglais) et, probablement, traduire les revendications en slovène.

· Etats non-parties au protocole :

- La Belgique n'est pas partie au Protocole mais possède le français comme langue officielle. L'entreprise française n'a donc aucune obligation spécifique de traduction (si ce n'est la traduction des revendications en anglais et en allemand, en application de l'article 14 de la Convention sur le brevet européen).

- L'Autriche et l'Italie ne sont pas parties au protocole de Londres. L'entreprise française devra traduire l'intégralité de son brevet en allemand et en italien.

¬ Exemple B : une entreprise américaine dépose un brevet en anglais auprès de l'OEB et désigne la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique, l'Autriche, l'Italie, Monaco et la Slovénie

· Etats parties au protocole ayant une langue officielle en commun avec celles de l'OEB :

Pour la France, l'Allemagne et Monaco, il conviendra de traduire les revendications en allemand et en français.

· Etats parties au protocole n'ayant pas une langue officielle en commun avec celles de l'OEB :

Pour la Slovénie, il n'y aura pas lieu de traduire l'intégralité du brevet (si ce pays a prescrit l'anglais comme langue officielle) et il faudra probablement traduire les revendications en slovène.

· Etats non-parties au protocole :

Pour la Belgique, l'Autriche et l'Italie, il sera nécessaire de traduire l'intégralité du brevet respectivement en français, en allemand et en italien.

De ce qui précède, plusieurs observations peuvent déjà être tirées.

1) Le protocole de Londres vise l'efficacité, non la simplicité

Les règles actuelles - la traduction du brevet en intégralité dans l'ensemble des langues nationales - sont sans conteste plus faciles à appréhender au premier abord.

Toutefois, les nouvelles règles posées par le protocole de Londres - conduisant à répartir les Etats en trois catégories - ne sont pas d'une grande complexité et seraient rapidement maîtrisées par les professionnels qui auraient à les mettre en œuvre.

2) Le protocole de Londres sera d'autant plus efficace qu'il y aura d'Etats parties

L'entrée en vigueur du protocole dès que huit Etats l'auront ratifié permettrait d'obtenir un gain sur les coûts de traduction. Toutefois, l'avantage ira croissant en fonction du nombre d'Etats parties.

A cet égard, on peut partager la remarque formulée par le « rapport Vianès », jugeant « regrettable que l'accord de Londres n'ait pas soumis explicitement l'admission de nouveaux Etats [à l'OEB] à son acceptation ».

Toutefois, le même rapport estime que si l'accord entre en vigueur, il créerait « une dynamique en mettant les autres Etats au pied du mur et dans une position inconfortable ».

L'essentiel est ailleurs.

La véritable interrogation porte sur l'intérêt d'une traduction intégrale de l'ensemble des brevets européens délivrés.

Cela conduit à examiner les arguments d'ordre linguistique, économique, technologique et institutionnel qui plaident en faveur de la ratification du protocole de Londres.


ANALYSE

Les opposants à la ratification du protocole de Londres font valoir que ce texte constituerait une menace pour la langue française. Le risque dénoncé revêtirait plusieurs aspects : la fin de l'usage du français comme langue scientifique et technique, l'appauvrissement du vocabulaire, l'affaiblissement de la francophonie, voire même la disparition programmée de notre langue(12).

La diffusion de tels arguments par diverses personnalités, qui n'ont pas hésité à évoquer « un acte de guerre contre les langues et leur diversité »(13) a grandement contribué à donner au débat sur le protocole de Londres un tour passionnel.

Pourtant, l'analyse des éléments du dossier conduit à considérer que le protocole de Londres ne porte pas atteinte à la langue française et qu'il s'agit là d'un faux problème.

La part du français est passée de 8,9 % en 1990 à 5,7 % en 2005.

La part de l'allemand a également subi une érosion sensible, passant de 25 % à 19 %.

En revanche, la part de l'anglais dans les brevets européens délivrés - ce qui, rappelons-le, implique une évolution similaire des brevets déposés puisque la langue de dépôt détermine la langue de délivrance - n'a cessé de croître et représente aujourd'hui les trois quarts du total.

Ces chiffres traduisent la marginalisation progressive de notre langue dans le domaine des brevets.

En chiffres absolus, les brevets européens délivrés à des Français ont certes connu une évolution positive (passant de 2 110 en 2000 à 4 366 en 2004), mais cette progression n'est pas à la mesure de celle du nombre global des brevets délivrés (pendant la même période, ce nombre est passé de 27 523 à 58 730).

Une telle évolution est imputable à la croissance des brevets d'origine américaine ou japonaise, mais aussi au fait que les déposants français de brevets européens ont tendance à déposer plus fréquemment en anglais leurs demandes de brevets européens. Ainsi, en 2003, les déposants français ont utilisé l'anglais pour plus d'une première publication de brevet sur huit.

2) La menace du « tout anglais »

Compte tenu de la place prédominante et croissante de l'anglais, la tentation est grande chez un grand nombre de nos partenaires de s'affranchir de toute obligation linguistique.

Il faut ainsi rappeler que lors de la Conférence intergouvernementale de Paris en 1999, la Suède, suivie par la Suisse, avait proposé la suppression de l'article 65 de la Convention sur le brevet européen et l'abandon complet des exigences de traduction pour peu que le brevet soit disponible en anglais.

De telles menaces, qui conduiraient véritablement à reléguer le français à un rang secondaire, resurgissent régulièrement, que ce soit dans le cadre des discussions relatives au brevet européen ou dans celui des négociations concernant le brevet communautaire.

Le « rapport Vianès » de 2001 notait fort justement qu'il y a un danger incontestable d'un accord du même type que le protocole de Londres, mais où les Etats parties s'accorderaient sur une solution « tout anglais ».

Ce risque n'est pas une vue de l'esprit. Le « rapport Vianès » observait également que la France et ses partenaires n'en sont plus au stade du statu quo : la démarche visant à alléger le coût des traductions est irréversible. Cette affirmation a d'ailleurs été confirmée lors de l'adoption de l'approche politique commune sur le brevet communautaire en mars 2003 : le régime linguistique retenu par ce texte restreint sensiblement les obligations de traduction.

A cet égard, il est illusoire de penser que les pays méditerranéens (Espagne, Italie, Grèce, Portugal) constitueraient des alliés naturels ou historiques de la France dans un tel dossier. Au contraire, ces pays - l'Espagne en particulier - préféreraient une solution « tout anglais » au trilinguisme actuel, qui leur semble plus préjudiciable au statut international de leurs propres langues.

Le protocole de Londres permet de conforter le statut du français comme langue officielle de l'OEB. Il garantit, en outre, la disposition d'une traduction intégrale du brevet en cas de litige. Le régime linguistique posé par ce texte est d'ailleurs très proche de celui actuellement envisagé pour le brevet communautaire.

1) Le français est conforté comme langue officielle de l'OEB

L'OEB, qui a son siège à Munich en Allemagne, emploie près de 6 000 personnes, dont 1 078 Français et environ 1 500 francophones au total.

Il ne saurait être affirmé que l'absence de ratification du protocole de Londres remettrait en cause le statut privilégié du français au sein de cette organisation. En effet, toute modification de l'article 14 de la Convention sur le brevet européen (qui a trait aux langues officielles de l'OEB) exigerait de rassembler l'unanimité des Etats membres, ce qui est impossible.

En revanche, il apparaît crédible de souligner que l'entrée en vigueur du protocole de Londres renforcerait la place de notre langue au sein du système européen des brevets. Il ne faut jamais oublier, à cet égard, que le protocole de Londres (malgré son nom) résulte d'une initiative du gouvernement français.

L'intérêt linguistique de ce texte pour notre pays peut être perçu sous deux angles :

- d'une façon défensive, il écarte une évolution vers un accord de nos principaux partenaires en faveur d'un dispositif « tout anglais », comme cela a été rappelé précédemment ;

- de manière plus positive, le protocole pérennise le régime des trois langues prépondérantes (dont le français) pour la validation des brevets européens. Il permet également au détenteur d'un brevet européen délivré en français de le faire valoir sur le territoire des Etats parties à l'accord ayant une langue officielle commune avec celles de l'OEB, sans aucune obligation de traduction autre que celle déjà accomplie au stade de la délivrance du brevet (à savoir la traduction des revendications en anglais et en allemand).

Les brevets en français auraient ainsi valeur juridique dans les deux plus importants marchés européens (l'Allemagne et le Royaume-Uni) sans que les entreprises françaises n'aient à financer des traductions pour leur validation(14).

Il importe aussi d'affirmer que le protocole de Londres ne conduira pas à l'abandon du français comme langue de premier dépôt par les entreprises françaises.

Aujourd'hui, 90 % des entreprises françaises déposant des brevets utilisent la voie nationale (dépôt auprès de l'INPI) pour leur premier dépôt et près de 50 % de ces demandes nationales sont ensuite étendues à l'international (en particulier par une demande de brevet européen).

Il est peu probable que cette situation soit modifiée par la ratification du protocole de Londres. L'INPI a judicieusement mis en place une collaboration avec l'OEB permettant de sous-traiter à l'office européen la réalisation du rapport de recherche d'antériorités, qui est ensuite facturé au quart de sa valeur réelle au
déposant(15). Dans une phase de la procédure où le déposant n'a pas de certitudes sur la valeur réelle de son invention, ce mécanisme est très attractif et le demeurera, d'autant qu'il accorde également au déposant un délai de douze mois pour affiner sa demande d'extension européenne.

2) La traduction française demeure obligatoire en cas de litige

L'article 2 du protocole de Londres prescrit explicitement que le titulaire du brevet devra fournir, à ses frais, une traduction complète du brevet dans la langue de l'Etat concerné en cas de litige.

Si une entreprise française est soupçonnée de contrefaçon d'un brevet délivré en anglais ou en allemand, cette entreprise - ou la juridiction - pourra donc exiger une traduction de ce brevet intégralement en français.

Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat, dans son avis du 21 septembre 2000, cet article 2 du protocole satisfait aux exigences de l'article 2 de la Constitution, qui prévoit que « la langue de la République est le français ». Il empêche effectivement que des particuliers ne soient contraints, dans leurs relations avec la justice française, de faire usage d'une langue autre que le français.

Il faut souligner, toutefois, qu'en adhérant à la Convention sur le brevet européen, la France accepte depuis la fin de 1977 que ce soit le texte du brevet rédigé dans la langue de procédure devant l'OEB qui fasse foi sur le territoire national. D'ores et déjà, ce sont donc des brevets européens très majoritairement rédigés en anglais ou en allemand qui font foi devant les juridictions françaises, en vertu de l'article 70 de la Convention sur le brevet européen(16).

En tout état de cause, le nombre de litiges relatifs aux brevets en France est très faible, de l'ordre de 200 à 300 par an (ce chiffre incluant les contentieux concernant des brevets délivrés en français par la voie nationale auprès de l'INPI). Cette donnée doit être mise en regard avec les 388 343 brevets en vigueur sur le territoire français au 31 décembre 2004 (dont 252 782 délivrés par la voie européenne).

3) Les règles linguistiques prévues pour le brevet communautaire sont plus défavorables au français

Il est courant d'entendre les opposants au protocole de Londres se déclarer de fervents partisans du brevet communautaire, sans doute pour se dédouaner de toute suspicion sur leur motivation européenne.

Un tel positionnement suscite néanmoins une certaine perplexité.

L'approche politique commune arrêtée par les Etats membres sur le brevet communautaire le 3 mars 2003 - à laquelle une majorité d'Etats a rappelé son attachement lors du dernier groupe « Brevet » organisé le 28 avril 2006 - institue un régime linguistique peu différent de celui du protocole de Londres, si ce n'est qu'il accorde au français une place plus réduite :

- la traduction de la description n'est plus exigée (comme dans le protocole de Londres) ;

- les revendications devront être traduites dans toutes les langues officielles de la Communauté(17), sauf si un Etat renonce à la traduction dans sa propre langue (dans le cas du protocole de Londres, c'est au contraire la traduction qui est facultative et non la renonciation, ce qui confère un rôle privilégié aux trois langues officielles et notamment au français) ;

Régime linguistique du brevet communautaire dans l'approche politique commune du 3 mars 2003

2.1 Le régime linguistique devra atteindre les objectifs fixés : coût abordable, rentabilité, sécurité juridique et non-discrimination.

2.2 Le régime linguistique du brevet communautaire sera, jusqu'à la délivrance du brevet, le même que celui prévu dans la Convention sur le brevet européen. Cela signifie que le déposant doit présenter une demande complète dans l'une des trois langues officielles de l'OEB ainsi que, au moment de la délivrance du brevet, une traduction des revendications dans les deux autres langues. Toutefois, si le demandeur dépose sa demande dans une langue autre qu'une langue de l'OEB et fournit une traduction dans l'une des langues de l'OEB, le coût de cette traduction sera supporté par le système (« mutualisation des coûts »).

2.3 Pour des raisons de sécurité juridique (en particulier dans le cas d'actions en dommages), de non-discrimination et de diffusion de la technologie brevetée, le déposant devra, au moment de la délivrance du brevet(a), déposer une traduction de toutes les revendications dans toutes les langues officielles de la Communauté, excepté si un Etat membre renonce à la traduction dans sa propre langue. Les traductions seront déposées auprès de l'OEB et les coûts en seront supportés par le déposant, qui décidera du nombre et de la longueur des revendications à inclure dans la demande de brevet, ce qui lui permettra de jouer sur le coût de la traduction.

(a) Le Conseil déclare que les termes « au moment de la délivrance du brevet », au point 2.3, signifient « dans un délai raisonnable à partir de la date de délivrance du brevet ». Pendant ce délai, le brevet délivré est valable indépendamment de la disponibilité des traductions de toutes les revendications dans toutes les langues officielles de la Communauté.

Le Conseil note que, pour la délégation allemande, un délai raisonnable signifierait dans les deux ans suivant la date de la délivrance du brevet et qu'aucune délégation n'est en désaccord avec cette interprétation.

On doit ajouter qu'à l'issue du récent groupe « Brevet » évoqué précédemment, il est clairement apparu que le choix du régime linguistique du brevet communautaire serait sans doute plus que jamais entre un système fondé sur un régime égalitaire (c'est-à-dire, peu ou prou, l'accord de mars 2003) ou un système privilégiant directement ou indirectement l'anglais.

Dans ces conditions, la ratification du protocole de Londres par la France et, conséquemment, l'entrée en vigueur de cet accord ne manquerait pas d'influencer, dans un sens favorable à notre langue, le régime linguistique du futur brevet communautaire - dont, rappelons-le, toute la procédure de délivrance sera également assumée par l'OEB.

Les auditions organisées par les rapporteurs ont permis de discuter de l'ensemble des griefs formulés à l'encontre du protocole de Londres.

Si certaines de ces critiques n'ont pas semblé devoir retenir l'attention, d'autres exprimaient manifestement des inquiétudes légitimes quant à l'avenir des professionnels du secteur de la propriété industrielle ou quant à la situation des PME très peu innovantes.

N'ont pas semblé être pertinentes, en particulier, les critiques juridiques tenant à la constitutionnalité de la renonciation par la France à l'exigence d'une traduction complète des brevets européens ou mettant en avant la valeur juridique de la description.

Sur le premier point, l'avis précité du Conseil d'Etat du 21 septembre 2000, s'appuyant sur l'interprétation donnée précédemment par le Conseil constitutionnel de l'article 2 de la Constitution, a déjà fourni une réponse très claire.

Sur le second point, les articles 69 et 84 de la Convention sur le brevet européen indiquent précisément que ce sont les revendications qui définissent l'objet de la protection ainsi que son étendue.

1) Les entreprises simplement utilisatrices de brevets ne seront pas désavantagées

Les entreprises peuvent adopter des stratégies diverses au regard des brevets.

Elles peuvent choisir d'en déposer pour protéger leurs innovations et, le cas échéant, les valoriser, ou bien ne pas le faire par manque d'information ou par volonté de ne pas divulguer leurs inventions.

Elles peuvent utiliser les brevets comme un instrument de la veille technologique, leur donnant des éléments précieux sur l'orientation de la recherche dans leur secteur d'activité et sur le positionnement de leurs concurrents.

Elles peuvent enfin se percevoir comme utilisatrices de brevets déposés par d'autres entreprises.

Dans ces diverses approches du brevet, le protocole de Londres ne soulève pas de problème spécifique pour les entreprises :

- le dépôt pourra toujours s'effectuer en français ;

- la veille technologique est d'ores et déjà assurée au stade de la publication du brevet par du personnel de l'entreprise ou des conseils en propriété industrielle maîtrisant les trois langues officielles ;

- en tant qu'utilisatrices des brevets, les entreprises sont souvent dans une démarche commerciale qui les conduit à avoir des relations directes avec le détenteur du brevet. Ce n'est en fait que dans un nombre limité de cas que les utilisateurs se réfèrent directement au texte du brevet. Selon les statistiques, moins de 2 % des brevets traduits en français font l'objet d'une consultation.

2) Les préoccupations des professionnels sont réelles mais ne sont pas déterminantes

L'éventuelle entrée en vigueur du protocole de Londres suscite des inquiétudes chez deux catégories professionnelles essentiellement, qui représentent le noyau des opposants à la ratification de cet accord.

a) Les traducteurs des brevets d'invention

Ils sont évidemment les plus directement concernés. Il est certain que l'application du protocole de Londres réduirait singulièrement le volume des traductions à réaliser, ce qui est précisément son objet.

Ces professionnels, qui travaillent généralement sous un statut de profession libérale, sont au nombre de 200 à 300 et représentent, selon leurs affirmations, un millier d'emplois compte tenu du personnel auxiliaire (secrétaires, comptables...).

La plupart d'entre eux ont une double formation d'ingénieur et de traducteur, ce qui leur permet de réaliser des traductions de qualité et de contribuer à l'adaptation et à l'enrichissement du vocabulaire technique en français. Ce rôle est cependant assuré en France par d'autres canaux - les diverses commissions de terminologie et de néologie, par exemple(18). La très faible consultation des brevets traduits conduit d'ailleurs à douter de l'impact réel des néologismes créés par la voie de la traduction des brevets.

Les grandes compétences de ces professionnels trouveraient mieux à s'employer dans le cadre d'une politique dynamique des brevets en France, visant à encadrer et à soutenir beaucoup plus étroitement qu'aujourd'hui nos petites et moyennes entreprises pour les inciter à déposer des brevets et développer leurs activités à l'international.

Cette remarque vaut tout autant pour les conseils en propriété industrielle.

b) Les conseils en propriété industrielle

Les conseils en propriété industrielle qui ont été longuement auditionnés par les rapporteurs sont, de façon générale, les plus critiques à l'égard du protocole de Londres, minimisant l'impact économique de cet accord et mettant en avant les difficultés éventuelles des PME et les aspects linguistiques.

Certes, ces conseils sont quotidiennement confrontés à la question des langues, mais c'est précisément pour atténuer cette difficulté que les PME font très largement appel à eux. Il ne faut donc pas confondre la difficulté, qui peut être parfois réelle, et la compétence nécessaire pour la résoudre, qui est leur raison d'être.

D'autre part - et ce fait peut également justifier leurs préoccupations - le « rapport Vianès » a fait ressortir que les traductions représentent une part importante du chiffre d'affaires (10 à 20 %) et des bénéfices des plus gros cabinets. La mise en œuvre du protocole de Londres pourrait, il est vrai, réduire pour partie cette activité.

Mais il faut noter que la position de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) - certes très majoritaire au sein de la profession - n'est pas une position unanime. D'autres professionnels de ce secteur ont fait part aux rapporteurs de leur appui au protocole de Londres, estimant qu'il s'agit d'un facteur important de modernisation et de développement de leur profession, et se déclarant convaincus que l'avenir de la profession réside dans l'accroissement du nombre de dépôts de brevets par les entreprises françaises.

Dans une économie où l'innovation est un moteur essentiel, convient-il de privilégier une vision purement défensive qui ne prendrait en compte que le seul point de vue de l'utilisateur de brevet, alors que ce sont les aspects veille technologique, capacité d'innovation et dépôt de brevets qu'il convient de mettre en avant ?

Or, en ce domaine, les conseils en propriété industrielle ont un rôle fondamental à exercer. Cette évolution nécessiterait un meilleur maillage du territoire, alors qu'actuellement, les activités de conseil sont concentrées à Paris et dans quelques villes de province, laissant souvent isolées de nombreuses PME désireuses d'innover. Elle pourrait aussi impliquer une offre intégrée des professionnels de la propriété industrielle, conduisant à un rapprochement des professions d'avocats et de conseils ; rapprochement auquel ces derniers aspirent depuis longtemps et qui - selon les avocats auditionnés par les rapporteurs - paraît aujourd'hui être concevable.

Un tel renforcement de la filière française de la propriété industrielle aiderait à vitaliser l'offre de brevets dans notre pays en renforçant l'effet économique attendu de l'entrée en vigueur du protocole de Londres.

1) Le brevet européen moins attractif que les brevets américain et japonais

Même si cela a déjà été maintes fois souligné, il importe de rappeler que le coût global d'un brevet européen est sensiblement supérieur au coût d'un brevet aux Etats-Unis et au Japon. Sans se lancer dans d'inutiles batailles de chiffres, il est communément admis qu'un brevet européen maintenu en vigueur pendant dix à vingt ans correspond à une charge deux fois supérieure à celle d'un brevet japonais et trois fois plus importante que celle d'un brevet aux Etats-Unis.

Deux estimations des coûts respectifs des brevets en Europe,
aux Etats-Unis et au Japon

Coût d'un brevet pour dix années de protection (demande de brevet européen désignant huit Etats)

. Brevet européen : 28 900 euros ;

. Etats-Unis : 10 330 euros ;

. Japon : 16 450 euros.

Source : Barbara Pick, « La politique européenne de brevets », Fondation Robert Schuman, Questions d'Europe, novembre 2005.

- Coût d'un brevet pour vingt années de protection (demande de brevet européen pour six pays)

. Brevet européen : 68 000 euros ;

. Etats-Unis : 21 000 euros ;

. Japon : 31 000 euros.

Source : Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle.

Cet état de fait pénalise évidemment les entreprises européennes sur leur marché principal et naturel, mais aussi - on l'oublie trop souvent - la recherche universitaire et académique.

2) Des entreprises réticentes

Le constat a déjà fort bien été dressé par le « rapport Vianès » qui, s'appuyant sur une étude réalisée par le Roland Berger Forschungs Institut en 1994 auprès d'entreprises de l'ensemble des Etats membres de l'OEB, rappelait que le premier inconvénient de la procédure d'accès au brevet européen est le coût (pour 33 % des entreprises), suivi de la durée de la délivrance (16 %). Cette étude montre également que 39 % des entreprises françaises disent ne pas déposer de demandes de brevets pour des raisons liées au coût.

On peut ajouter que trois PME françaises sur quatre ne déposent jamais de brevets et que, par voie de conséquence, 12 % seulement des brevets sont déposés par les PME.

Par ailleurs, en 2004, 317 déposants par la voie nationale(19) ont assuré à eux seuls près de la moitié des dépôts de brevets en France, tandis que trois-quarts des déposants n'ont effectué qu'un seul dépôt.

Nombre de dépôts par déposant par la voie nationale(a)

Nombre de dépôts par déposant

Déposants

%

Dépôts

%

1

5 694

75.5

5 694

30.1

2

963

12.8

1 926

10.2

3

307

4.1

921

4.9

4 et 5

264

3.5

1 146

6.1

6 à 10

163

2.2

1 211

6.4

11 à 50

123

1.6

2 816

14.9

51 à 100

15

0.2

976

5.2

plus de 100

16

0.2

4 233

22.4

Total

7 545

 

18 923

 

(a) En cas de co-dépôt, le dépôt est comptabilisé pour chacun des co-déposants, ce qui explique que le total des dépôts soit supérieur au nombre mentionné précédemment dans le rapport (17 291).

Source : INPI, Chiffres clés 2004.

Enfin, selon l'OEB, les entreprises françaises valident leurs brevets dans 10 % de pays de moins, en moyenne, que les entreprises britanniques, cette différence étant notamment marquée dans des pays dont la langue nationale est moins courante d'un point de vue technologique tels que le Danemark, la Grèce ou les Pays-Bas.

3) La valorisation de la recherche universitaire pénalisée

Cet aspect du problème a été remarquablement développé par M. Arnold Migus, directeur général du CNRS, lors de l'audition publique organisée sur le protocole de Londres par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le 11 mai dernier.

Après avoir observé que le CNRS figure en sixième position dans le classement des principaux déposants de demandes de brevets délivrés, le directeur général a souligné que les coûts des brevets étaient dissuasifs, obligeant à effectuer un tri sélectif dans les inventions susceptibles d'être brevetées, afin de ne pas dépasser le montant annuel de trois millions d'euros affecté à ce poste budgétaire.

Cette situation conduit la direction générale du CNRS à soutenir la ratification du protocole de Londres, puisqu'à budget constant, plus de brevets pourraient être déposés.

Cette difficulté rencontrée par la recherche universitaire avait déjà été signalée aux rapporteurs par les représentants des entreprises pharmaceutiques, qui doivent parfois renoncer à développer une innovation issue de la recherche académique car le déposant, faute de moyens suffisants, n'a pas désigné un nombre suffisamment élevé de pays pour la protéger efficacement.

De multiples estimations de l'impact de l'entrée en vigueur du protocole de Londres circulent, chaque camp mettant en avant les chiffres qui lui sont le plus favorables ou assurant une présentation de ces données sous un angle conforme à ses propres intérêts.

La mission menée par M. Georges Vianès en 2001 s'était également heurtée à cet obstacle et avait finalement réalisé ses propres évaluations, auxquelles on peut renvoyer.

Le chiffrage de l'impact moyen du protocole de Londres est, en fait, difficile à établir car :

- il n'existe pas de « brevet type » (si la plupart des fascicules comportent une dizaine ou une vingtaine de pages, d'autres - notamment dans le secteur des biotechnologies - s'étendent sur plusieurs centaines de pages) ;

- plusieurs variables influencent le coût de la traduction, en particulier le nombre d'Etats désignés, la diversité des langues concernées ou le nombre de traducteurs maîtrisant ces langues ;

- l'évaluation de l'impact du protocole de Londres dépend du nombre d'Etats qui, finalement, décideront de s'y rallier ;

- le chiffrage peut faire référence au seul coût des traductions ou s'appliquer au coût global du brevet (incluant, par exemple, les annuités de maintien en vigueur sur dix ou vingt ans).

Dès lors, les estimations disponibles fournissent une fourchette très étendue des gains autorisés par le protocole de Londres, variant grosso modo de - 5 % à - 42 %.

Le présent rapport se limitera à citer quelques estimations réalisées, d'une part, par la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) et, d'autre part, par le « rapport Vianès ».

Estimations des gains liés au protocole de Londres

(a) Le coût d'accès intègre les coûts du dépôt, d'examen, de délivrance et de traduction, à l'exclusion des coûts liés aux annuités de maintien en vigueur du brevet postérieures à la validation.

(b) Le coût du brevet européen prend en compte l'ensemble des coûts d'un brevet durant l'ensemble de la durée de la protection accordée. Il intègre donc le coût global des annuités.

En tout état de cause, il ressort du tableau précédent que l'entrée en vigueur du protocole de Londres permettrait de dégager des marges significatives, susceptibles d'inciter à accroître le nombre de brevets déposés ou à étendre la protection désirée. A titre d'exemple, le représentant de la société Thomson entendu par les rapporteurs a affirmé que l'entrée en vigueur de cet accord permettrait à cette entreprise de déposer 25 % de brevets en plus à dépenses constantes.

Les chiffres relatifs au coût d'accès paraissent les plus appropriés dans le cadre de notre analyse, car reflétant plus exactement l'importance des coûts de traduction pour un déposant. Ces coûts - d'un montant de plusieurs milliers d'euros(20) - doivent en effet être supportés par le déposant dans un laps de temps très court (dans les trois mois après la délivrance du brevet européen), dans une période où ils s'ajoutent aux frais de délivrance, à ceux des cabinets en propriété intellectuelle servant de relais dans chacun des pays désignés et aux frais des annuités de l'année en cours(21). Le montant total peut alors s'avérer très élevé pour une PME, d'autant que l'invention protégée est rarement source de revenus importants à ce moment précis(22).

Une réduction de 20 % du coût d'accès constitue donc le gain essentiel à attendre du protocole de Londres.

On comprend mieux que l'ensemble des opérateurs économiques directement concernés par le dépôt de brevets se soit prononcé en faveur du protocole de Londres. Il s'agit non seulement du MEDEF, de la CGPME, mais aussi de l'Académie des technologies (dans sa séance du 12 avril 2006), de l'Académie des sciences (vote du comité restreint en date du 2 mai 2006) et du Conseil supérieur de la propriété industrielle (dans un avis du 9 mai 2006). Le protocole de Londres satisfait, en effet, à l'objectif poursuivi par son négociateur français, qui était de « renforcer la capacité concurrentielle des entreprises françaises et européennes pour leur permettre de gagner dans la guerre économique mondiale »(23).

Le coût des traductions est l'un des éléments - pas le seul, mais pas pour autant négligeable, comme on vient de le démontrer - susceptibles d'expliquer l'insuffisance du nombre de brevets déposés par les Français.

Deux autres facteurs sont fréquemment avancés : le coût des annuités et, plus généralement, une absence de « culture du brevet ».

1) Le coût des annuités

Dans le coût global d'un brevet européen, le coût des annuités représente la fraction la plus considérable (jusqu'à 70 % pour un brevet désignant peu de pays et maintenu en vigueur durant vingt années).

Même s'il convient d'insister à nouveau sur l'étalement de cette charge dans le temps, on comprend aisément que certains demandent avec insistance la diminution de ce poste.

Des propositions ont déjà été formulées en ce sens, notamment l'harmonisation des montants des annuités dans chacun des Etats membres de l'OEB.

Des différences sensibles sont effectivement constatées dans les montants des redevances nationales annuelles de maintien en vigueur d'un brevet.

Brevets nationaux - Comparatif du montant des annuités de maintien

 

France

Allemagne

Royaume-uni

Italie

Pays-Bas

Espagne

Suède

Suisse

 

2006 (1)

2006

2006

2005 (2)

2006

2006

2006

2006

Redevances

£

SEK

FCH

procédures

 

 

1 £ = 1,45 €

 

 

 

1 SEK = 0,11 €

1 FCH = 0,65 €

1ère annuité

 

 

 

 

17

 

 

200

22,00

 

 

2ème annuité

35

 

 

 

34

 

 

250

27,50

 

 

3ème annuité

35

70

 

 

40

 

21,33

350

38,50

 

 

4ème annuité

35

70

 

 

47

 

26,63

700

77,00

 

 

5ème annuité

35

90

50

72,50

61

242

50,93

900

99,00

310

201,50

6ème annuité

150

130

70

101,50

88

279

75,18

1 100

121,00

310

201,50

7ème annuité

150

180

90

130,50

121

318

99,27

1 350

148,50

310

201,50

8ème annuité

150

240

110

159,50

168

356

123,59

1 600

176,00

310

201,50

9ème annuité

150

290

130

188,50

202

390

147,79

1 900

209,00

310

201,50

10ème annuité

150

350

150

217,50

236

443

172,02

2 250

247,50

310

201,50

TOTAL

890

1 420

600

870,00

1 014

2 028

716,74

10 600

1 166,00

1 860

1 209,00

Source : INPI.

(1) En France, depuis le 1er septembre 2005, une réduction de 25 % sur les principales redevances d'instruction des brevets est accordée aux personnes physiques, aux PME de moins de 250 salariés, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions d'euros et dont le capital n'est pas détenu à plus de 25 % par une entité ne remplissant pas ces premières conditions, ainsi qu'aux organismes à but non lucratif du secteur de l'enseignement ou de la recherche.

Ainsi, pour ces personnes bénéficiant du tarif réduit, le total des annuités de maintien en vigueur d'un brevet, pour 10 ans, est de 778 €.

(2) Depuis le 1er janvier 2006, le gouvernement italien a supprimé toutes les taxes de maintien en vigueur des brevets. Les informations mentionnées concernent donc l'année 2005.

Une évolution vers l'harmonisation n'est pas acquise. Lors de l'audition par les rapporteurs de responsables allemands, ces derniers ont clairement affirmé que le maintien d'annuités élevées dans ce pays correspondait à un choix politique, visant à favoriser la diffusion des innovations : selon ce raisonnement, les entreprises n'exploitant pas un brevet sont incitées à renoncer plus rapidement à le protéger.

Cette action de sélection des brevets en vigueur est incontestablement mise en œuvre par les entreprises : un représentant de l'entreprise Rhodia a précisé aux rapporteurs que le portefeuille de brevets en vigueur de cette société ne regroupait qu'un quart du nombre total des brevets qui pourraient théoriquement être encore protégés.

2) Un manque de « culture du brevet »

Il est fréquemment affirmé que supprimer les traductions des brevets européens ne résoudra pas le problème de la faiblesse du nombre de dépôts de brevets français. La cause fondamentale serait l'insuffisance de culture juridique, de sensibilisation des dirigeants, de formation des ingénieurs ou encore de confiance dans l'efficacité du système judiciaire national de lutte contre la contrefaçon.

L'étude précitée réalisée en 1994 par le Roland Berger Forschungs Institut soulignait que 36 % des entreprises françaises pensaient que la protection des connaissances par le brevet n'est pas nécessaire ou n'apporte pas d'avantages.

Ce problème « culturel » est confirmé par la progression du nombre de premiers dépôts (dépôts par la voie nationale) réalisés par des demandeurs ayant leur domicile ou leur siège dans le pays. L'évolution des dépôts français fait pauvre figure au regard de celle des dépôts allemands, américains ou japonais.

Evolution des dépôts par la voie nationale

Il faut ajouter que la France n'est pas le seul Etat européen à souffrir de ce handicap, comme le montre la répartition des demandes de brevets européens.

Répartition des demandes de brevets européens

Source : OEB, Quelques faits et chiffres. 2005.

Le brevet n'est pas seulement un titre juridique assurant à son titulaire une protection de son invention. Cette protection est assortie d'une contrepartie : l'obligation de rendre publics tous les éléments de la demande de brevet.

Le système des brevets contribue donc à la diffusion de l'information technologique.

Les opposants à la ratification du protocole de Londres considèrent que la renonciation à la traduction en français des descriptions des brevets délivrés en anglais ou en allemand restreindrait l'accès de nos entreprises à cette source de connaissances indispensables pour qu'une économie demeure innovante et concurrentielle.

Ils ajoutent que l'assouplissement du régime linguistique des brevets devrait provoquer un « effet d'aubaine » pour les entreprises américaines ou asiatiques qui en profiteraient pour « saturer » les divers domaines d'innovation pour pouvoir opposer leurs propres brevets aux nouvelles inventions des entreprises européennes.

Ces arguments n'ont pas convaincu les rapporteurs, dans la mesure où, d'une part, la veille technologique des entreprises s'opère en amont de la délivrance des brevets et où, d'autre part, le risque de « saturation » est limité et peut d'ailleurs être retourné pour apparaître comme un vecteur supplémentaire de divulgation de la connaissance.

1) La délivrance d'un brevet européen intervient plusieurs années après son dépôt

Un point important mérite d'être rappelé : la durée moyenne de la procédure aboutissant à la délivrance d'un brevet européen est de 44 mois, soit environ 4 ans (s'agissant d'une moyenne, la durée est souvent plus longue et peut atteindre 6 ans).

Cette durée fait l'objet de critiques, mais - de toute évidence - elle ne pourra jamais être réduite de façon considérable(25) sauf à sacrifier la qualité à la rapidité.

Or, quoi qu'on puisse en dire, le brevet européen est aujourd'hui reconnu pour sa qualité.

2) Le rôle essentiel de la publication de la demande

Pour les entreprises innovantes, grandes ou petites, qui ont besoin d'être tenues informées de l'avancement des travaux de leurs concurrents et de connaître les plus récents développements de la technique dans leur secteur, la veille technologique se réalise au stade de la publication du brevet, 18 mois après le dépôt de la demande.

Comme le rappelait le « rapport Vianès », « il serait suicidaire de ne pas considérer une information technique provenant d'un concurrent dès qu'elle est disponible c'est-à-dire au stade de la publication de la demande ».

Or, il faut rappeler que la publication est effectuée par l'OEB dans la langue de dépôt de la demande, à savoir en anglais ou en allemand dans 90 % des cas.

Les entreprises françaises n'ont d'ores et déjà comme choix que de consulter directement ces publications dans une langue étrangère ou de procéder à une approche indirecte en se référant à des bases de données en ligne fournissant l'abrégé descriptif de l'invention donné par le déposant ou mettant à disposition un abrégé « enrichi » en langue anglaise (sur le site de l'OEB). Elles peuvent également se rendre au siège de l'INPI pour consulter sur CD Rom l'abrégé traduit en français(26).

Le protocole de Londres ne modifie en rien cet état de fait, puisqu'il ne vise qu'un stade postérieur de la procédure, celui de la validation, qui intervient deux années après, au plus tôt.

3) Un très faible niveau de consultation des brevets traduits en français

La traduction en français du texte intégral du brevet délivré doit intervenir, selon le droit en vigueur, dans les trois mois suivant la publication au Bulletin européen des brevets de la mention de la délivrance (article R.614-8 du code de la propriété industrielle).

Au moment où la traduction intégrale est disponible, les entreprises françaises disposent depuis longtemps du texte intégral de la demande dans la langue de dépôt, de la traduction en français de l'abrégé descriptif, et - de façon plus récente - de la traduction en français des revendications (figurant obligatoirement dans la publication du fascicule du brevet, lors de la délivrance).

Dans ces conditions, on comprend pourquoi les traductions visées par le protocole de Londres sont extrêmement peu consultées dans la pratique.

Ces traductions gravées sur CD Rom sont librement et gratuitement consultables au siège de l'INPI. Toute personne peut aussi en obtenir une reproduction papier à ses frais (environ 4,5 euros pour un brevet).

Selon une étude réalisée par l'OEB en 1994 auprès de l'ensemble des offices nationaux, le taux de consultation des brevets traduits sur l'ensemble du nombre de traductions disponibles à l'INPI est estimé à 1,7 %. Dans les autres Etats, le taux de consultation des traductions n'est jamais supérieur à 5 %.

L'intérêt documentaire de ces traductions est donc sujet à l'interrogation exprimée par le « rapport Vianès » : « A quoi servent des centaines de milliers de traductions si elles ne sont que peu utilisées ? ».

Les statistiques de consultation démontrent, par ailleurs, que même les entreprises peu ou pas innovantes n'y ont que très peu recours lorsqu'elles veulent connaître l'état de la technique ou lorsqu'elles envisagent d'utiliser une invention étrangère encore protégée par un brevet. Dans ce dernier cas, où l'invention a déjà eu le temps de prouver son intérêt, l'approche est d'ordre commercial et le détenteur du brevet, qui cherche à valoriser son portefeuille d'inventions, a tout avantage à donner lui-même les informations nécessaires à l'entreprise française. Invoquer le droit d'accès à l'information des PME non innovantes pour refuser le protocole de Londres ne semble donc pas un élément pertinent.

4) L'improbable désavantage des francophones

Il est souvent suggéré que les 25 à 30 % de brevets européens qui ne sont pas déposés et délivrés en anglais continueront à être intégralement traduits dans cette langue après l'entrée en vigueur du protocole de Londres, pour deux raisons :

- d'abord, les déposants français ou allemands qui souhaiteront étendre leur protection au niveau international devront évidemment fournir une traduction anglaise pour protéger leurs inventions aux Etats-Unis ;

- ensuite, il faut prendre en compte, la place prédominante de l'anglais dans les échanges économiques, scientifiques et culturels. Dans la plupart des pays membres de l'OEB n'ayant pas comme langue officielle l'une des trois langues officielles de cet office, les anglophones sont donc bien plus nombreux que les francophones ou les germanophones. Si ces pays ratifient le protocole de Londres et qu'ils usent de la faculté de prescrire une traduction intégrale du brevet dans une langue officielle de l'OEB, il est probable qu'ils choisiront l'anglais.

Le premier point est incontestable et tient à l'importance du marché américain à l'échelon international.

Sur le second point, il est important de souligner que ni les lois de ratification danoise et néerlandaise, ni le projet de loi suédois en cours d'examen, ne font usage de cette option facultative d'une traduction intégrale en anglais et se contentent de la traduction des revendications dans la langue nationale. Ces pays considèrent donc que leurs nationaux n'ont pas besoin de disposer de la traduction de la description des brevets délivrés en allemand et en français.

Les germanophones pourront aussi disposer d'une traduction en allemand lorsque l'Autriche aura été désignée (ce qui est aujourd'hui le cas de 61 % des brevets européens délivrés). Mais cette situation pourrait être remise en cause si l'Autriche décidait d'adhérer au protocole pour ne pas être marginalisée(27).

En tout état de cause, les taux de consultation des brevets traduits dans les divers offices nationaux prouvent que ces brevets sont peu utilisés chez les anglophones, les germanophones et les francophones.

La menace d'une « invasion » de brevets américains et asiatiques apparaît fortement exagérée. Un accroissement de ces brevets est envisageable, mais représenterait surtout un élément de consolidation du pôle européen des brevets.

En 2004, les Américains ont déposé 185 000 demandes de brevets auprès de leur office national et « seulement » 32 600 demandes auprès de l'OEB, ce qui représente tout de même 26,4 % des demandes faites, cette année-là, auprès de l'office européen.

Les Japonais ont été encore plus sélectifs, puisque si 362 000 dépôts ont été comptabilisés par l'office national, l'OEB ne recense que 20 600 dépôts japonais (16,6 % du total des demandes de brevets européens)(28).

Les marges de progression peuvent effectivement paraître considérables : en réalité, elles sont beaucoup moins importantes que la simple consultation des chiffres précités le laisse supposer.

D'abord, le champ de la brevetabilité est défini de façon beaucoup plus large dans ces pays qu'en Europe. En revanche, les brevets soumis à l'examen de l'OEB sont régis par un droit matériel plus sévère. De nombreux brevets américains n'ont donc aucune chance d'être retenus par l'OEB. En outre, le mécanisme européen prévoit une procédure d'opposition (qui n'existe pas aux Etats-Unis), autorisant toute personne à faire opposition, dans un délai de neuf mois, à un brevet délivré, notamment si elle considère que l'objet du brevet européen n'est pas brevetable(29)

Les fameux « buissons de brevets », appellation désignant une stratégie de « saturation » mise au point aux Etats-Unis, et visant à multiplier les dépôts pour restreindre les possibilités d'innovation de la concurrence et accroître les oppositions pour contrefaçon, sont donc plus difficiles à « transplanter » sur le territoire européen, comme l'atteste d'ailleurs le nombre limité de contentieux dans ce domaine sur notre continent.

Ensuite, les déposants américains sont essentiellement représentatifs de leurs grandes entreprises. Ces dernières n'ont pas été entravées jusqu'à présent par le coût du brevet européen.

On imagine mal, en revanche, les PME de ces pays multiplier les demandes de brevets sur un marché européen qui n'est pas leur marché « naturel » et où elles auraient à supporter, en toute hypothèse, le coût des annuités et celui du suivi d'éventuelles menaces de contrefaçon.

L'abaissement du coût des traductions lié au protocole de Londres pourrait néanmoins renforcer l'augmentation du nombre de pays européens désignés dans les demandes des grandes sociétés américaines ou asiatiques. A cet égard, le nombre de ces brevets susceptibles d'être opposés à des entreprises en France risque peu de subir une forte progression car notre pays est déjà désigné par 94 % des brevets européens délivrés.

Taux de désignation des Etats
dans les brevets europeens delivres (2004)

Allemagne

98 %

France

94 %

Royaume-Uni

93 %

Italie

77 %

Espagne

66 %

Pays-Bas

66 %

Suède

64 %

Suisse

63 %

Autriche

61 %

Finlande

60 %

Portugal

60 %

Grèce

60 %

Danemark

60 %

Irlande

60 %

Belgique

51,5 %

A l'opposé de la dénonciation critique de l'effet d'aubaine provoqué par le protocole de Londres - dénonciation sous-tendue par des réflexes protectionnistes, dont on constate une résurgence à chaque fois qu'une mesure visant à harmoniser le marché européen est proposée - il peut être soutenu que l'Europe et les entreprises européennes profiteront d'une éventuelle augmentation du nombre des dépôts de brevets européens.

En premier lieu, car cela devrait permettre à nos entreprises d'être mieux informées de l'état de la technique dans le monde, bénéficiant d'une divulgation accrue des connaissances acquises rendues publiques par les brevets.

En second lieu, parce qu'il est probable que l'accroissement global du nombre des dépôts de brevets européens résultera aussi d'une hausse des brevets déposés par les entreprises européennes. A dépenses constantes, les entreprises innovantes protégeront plus d'innovations. Quant aux autres entreprises, elles percevront que l'un des obstacles les freinant dans cette démarche a été réduit. On en revient alors à la nécessité, évoquée précédemment, de réorganiser le secteur de la propriété industrielle dans notre pays, pour être plus proche des PME et mieux les encadrer.

Bien que le brevet européen ne relève pas de la construction communautaire au sein de l'Union européenne, le protocole de Londres pourrait ainsi contribuer à la promotion de l'innovation dans l'Union, objectif essentiel de la « stratégie de Lisbonne ».

Le brevet européen et le brevet communautaire constituent deux catégories très proches l'une de l'autre. Il faut ainsi rappeler que l'OEB jouera un rôle central dans la gestion des brevets communautaires et sera seul responsable de l'examen des demandes et de la délivrance des brevets communautaires. De même, il a déjà été indiqué que le régime linguistique prévu pour le brevet communautaire devrait être similaire à celui proposé par le protocole de Londres pour le brevet européen.

La principale différence entre ces deux brevets réside essentiellement dans le fait que le brevet communautaire couvrira automatiquement l'ensemble des Etats membres de l'Union européenne, tandis que le déposant d'un brevet européen peut désigner un nombre plus limité d'Etats et choisir de protéger son invention dans des Etats membres de l'OEB n'appartenant pas à l'Union européenne.

Il ne pourra y avoir pour la même invention coexistence entre un brevet européen et un brevet communautaire.

Contribuer à l'amélioration et à l'attractivité du brevet européen en ratifiant le protocole de Londres ne serait pas un acte de défiance à l'égard du brevet communautaire car :

- chacun de ces brevets est adapté à une stratégie spécifique de protection des inventions ;

- le brevet européen sera pour plusieurs années encore le seul mécanisme susceptible d'être utilisé en Europe.

1) Une nécessaire coexistence

Le brevet communautaire correspond surtout aux attentes des secteurs économiques ayant absolument besoin de protéger leurs inventions sur de nombreux marchés.

Tel est le cas, en particulier, de l'industrie pharmaceutique.

En revanche, d'autres déposants n'estiment pas nécessaire de se protéger sur l'ensemble des marchés européens. Ce choix peut être celui d'un secteur industriel dont les activités productives sont concentrées dans quelques Etats européens seulement (l'automobile, par exemple). Il peut aussi être celui de PME désirant se protéger uniquement là où elles souhaitent développer leurs activités. Il importe de rappeler, à cet égard, que le nombre moyen d'Etats désignés par un brevet européen n'est que de huit.

On perçoit bien que pour un grand nombre de déposants, le brevet européen conservera son attrait, même lorsque le brevet communautaire sera entré en vigueur.

Cet attrait sera d'autant plus élevé que le brevet communautaire risque de comporter une taxe de maintien en vigueur supérieure au total des annuités concernant un brevet européen limité à quelques Etats.

L'approche politique commune adoptée par le Conseil « Compétitivité » du 3 mars 2003 se contente d'indiquer :

« 2.4 La taxe de maintien en vigueur d'un brevet communautaire ne devra pas dépasser le niveau des taxes de maintien en vigueur correspondantes pour un brevet européen moyen et son montant devra être progressif tout au long de la vie du brevet communautaire. Le niveau des frais de procédure pour le traitement d'une demande de brevet communautaire devra être le même quel que soit l'endroit où sera déposée la demande et où sera effectuée la recherche d'antériorité (OEB ou office national de brevets). Le niveau des taxes devra être lié aux coûts de traitement du brevet communautaire et ne devra pas aboutir à subventionner indirectement les offices nationaux de brevets ».

Pour des raisons de coût, il est donc probable que de nombreux déposants préféreront demander un brevet européen, plutôt qu'un brevet communautaire.

La nécessaire coexistence des deux dispositifs a bien été perçue par les autorités françaises qui, dans leur récente réponse au questionnaire de la Commission européenne sur le système des brevets en Europe ont déclaré partager « la volonté de la Commission de promouvoir une politique européenne globale et cohérente, [qui] doit être fondée sur la création du brevet communautaire et sur la volonté de progresser dans l'amélioration du système européen des brevets ».

De façon plus claire encore, la réponse de l'Allemagne
- exprimée dans une lettre de la ministre de la justice en date du 10 avril 2006 - se réjouit « de la disponibilité de la Commission européenne à ne pas se limiter au seul brevet communautaire » et ajoute que le gouvernement fédéral s'emploie à ce que les efforts se concentrent sur « l'amélioration des conditions cadre du faisceau des brevets délivrés en vertu de la Convention sur le brevet européen ».

2) Le brevet européen demeure la seule voie européenne pour plusieurs années au moins

Comme cela a déjà été souligné, les négociations sur le brevet communautaire peinent à progresser.

La volonté de l'Espagne de donner valeur juridique à l'ensemble des traductions des revendications et les réticences allemandes à l'encontre du système juridictionnel constituent d'importants points de blocage.

Lors du groupe « Brevets » du 28 avril 2006, il est apparu que ces deux pays maintenaient leur opposition au dispositif proposé.

Si un accord parvient finalement à être trouvé, il n'y a guère de doutes qu'il n'interviendra pas dans les prochains mois, voire les prochaines années : l'unanimité est exigée pour l'adoption du règlement et, de plus, une conférence diplomatique devra être réunie pour adapter la Convention sur le brevet européen.

La ratification du protocole de Londres apparaît dès lors doublement nécessaire :

- d'une part, pour conforter le système du brevet européen, le seul instrument actuel pour accompagner l'innovation sur notre continent ;

- d'autre part, les dispositions linguistiques du protocole de Londres renforceraient la position défendue par la France (et par l'Allemagne) dans le cadre des négociations du brevet communautaire, à savoir que la langue de procédure est la langue qui fait foi pour la validité du brevet communautaire.

La question juridictionnelle en matière de brevet est fondamentale, mais elle n'a aucun lien direct avec le protocole de Londres. Le présent rapport ne l'abordera donc que de manière succincte.

1) Un amalgame malvenu entre le protocole de Londres et l'accord EPLA

Lors de leur audition par les rapporteurs, les représentants du ministère de la justice ont fait part des critiques françaises à l'encontre de l'accord EPLA et ont systématiquement confondu les deux propositions de réforme de la convention européenne des brevets - l'accord EPLA et le protocole de Londres - pour les rejeter d'un seul bloc. Cette assimilation n'est pourtant pas fondée.

a) Les critiques des autorités françaises à l'encontre de l'accord EPLA

L'accord EPLA vise à créer une juridiction centralisée compétente pour traiter des actions relatives à la validité et à la contrefaçon du brevet européen.

Il s'agirait d'un système facultatif commun aux seuls Etats membres de l'OEB qui décideraient d'y adhérer.

Or, en l'état actuel, la France n'envisage pas de participer à ce mécanisme centralisé de règlement des litiges. Plusieurs raisons sont avancées :

- les exigences à remplir pour exercer les fonctions de juge ne fourniraient pas suffisamment de garanties, puisque la Cour européenne des brevets associerait des juges qualifiés sur le plan juridique et des juges qualifiés sur le plan technique ;

- les mesures d'instruction pouvant être prises dans les procédures devant la Cour européenne des brevets(30) seraient trop intrusives au regard de ce qui existe dans les systèmes juridiques continentaux ;

- le régime de la langue de procédure introduirait une insécurité juridique pour les détenteurs de brevets ;

- la procédure d'appel ne pourrait être fondée que sur des motifs trop limitatifs ;

- l'application de l'accord EPLA nécessiterait une révision de la Constitution, comme l'atteste un avis du Conseil d'Etat en date du 1er février 2001 ;

- l'accord EPLA empêcherait l'harmonisation du droit matériel des brevets.

b) L'absence de lien entre les deux réformes

Il n'appartient pas aux rapporteurs de se prononcer sur la pertinence des critiques précitées, puisque le protocole de Londres n'a trait qu'aux aspects linguistiques de la délivrance du brevet européen.

La ratification ou l'absence de ratification du protocole de Londres n'aura aucun impact sur la décision des Etats soutenant l'accord EPLA de convoquer une conférence diplomatique pour le mettre en vigueur.

Les Etats favorables à l'accord EPLA (Allemagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède et Danemark, notamment) représentent la majorité des brevets déposés par des Européens auprès de l'OEB et sont donc les plus concernés par les difficultés liées à l'absence d'unité de la jurisprudence. L'Allemagne affirme d'ailleurs de façon constante son intention de participer activement à ce projet.

Il faut ajouter que, contrairement au protocole de Londres, la France ne dispose d'aucun pouvoir direct de blocage pour l'entrée en vigueur de l'accord EPLA(31).

2) Une inévitable unification à terme des deux systèmes juridictionnels

La coexistence du brevet européen et du brevet communautaire sera indispensable pour répondre aux besoins différents des déposants de brevets.

En revanche, il semble difficile de maintenir durablement deux mécanismes centralisés de règlement des litiges concernant des brevets délivrés - dans tous les cas de figure - par l'OEB.

Un rapprochement devra inévitablement être effectué.

A cet égard, l'évolution de la position de la Commission européenne est intéressante. Très longtemps réservée vis-à-vis de l'accord EPLA, elle adopte dans son questionnaire de janvier 2006 sur le système des brevets en Europe une approche plus ouverte, souhaitant obtenir des éléments de réponse sur la façon de rendre conforme l'accord EPLA à la législation communautaire, sur la clarification des relations avec la Cour de justice des Communautés européennes et sur la question de l'octroi à la Commission d'un mandat de négociation pour participer aux discussions sur cet accord.

Il convient de préciser effectivement que la négociation de l'accord EPLA relève - à tout le moins - d'une compétence partagée entre le Communauté et ses Etats membres, ce qui n'est nullement le cas du protocole de Londres.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie, le mercredi 17 mai 2006, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé des rapporteurs a été suivi d'un débat.

M. André Schneider a félicité les deux rapporteurs pour la qualité du travail accompli sur un sujet éminemment complexe et important, qui ne peut laisser insensible l'élu d'une région transfrontalière pratiquant deux des trois langues officielles du système européen des brevets.

Les chiffres cités sur la part du français dans les brevets délivrés sont éloquents : si les élus peuvent souhaiter ou rêver que le français soit la langue universellement valable en matière de brevets, dans le monde réel ils ne peuvent qu'espérer que la langue française accroisse, modestement, la place qu'elle occupe.

Aux arguments économiques militant en faveur d'une ratification du protocole de Londres, il convient d'ajouter un argument supplémentaire, tout aussi décisif : cet accord intergouvernemental contribuera à une meilleure diffusion des technologies, lesquelles sont un vecteur de connaissance irremplaçable.

Cet argument plaide en faveur d'une démarche européenne forte et, à ce titre, le protocole de Londres doit être soutenu par la France. Les PME pourront ainsi participer au grand bal de la connaissance, dont elles se sentent, aujourd'hui, en partie exclues. Or celles-ci sont porteuses d'espoir et d'emplois, un constat qui peut d'ailleurs servir de dernier argument pour une ratification du protocole de Londres.

M. Jacques Myard s'est déclaré « effaré » par la faiblesse des arguments présentés par les rapporteurs. De toute évidence, ces derniers sont sous l'influence d'une campagne en faveur du protocole menée par les grandes multinationales.

Quelle est la situation aujourd'hui ?

D'une part, la mise en place du brevet communautaire se heurte à des obstacles d'ordre juridictionnel. A ce sujet, M. Jacques Myard a souhaité rappeler qu'il était l'un des « pères fondateurs » de la Cour d'appel commune (COPAC), ce qui l'a amené à s'opposer à la Commission européenne car la Cour de justice des Communautés européennes ne voulait pas se voir attribuer une compétence dans le domaine des brevets, pour la simple raison qu'elle ne le connaît pas. Enfin, beaucoup considèrent que le brevet communautaire, s'il devait voir le jour, serait, en réalité, très peu utile.

D'autre part, il existe un Office européen des brevets, qui s'appuie sur un instrument, la Convention de Munich, tout à fait suffisant, même si cette convention ne permet qu'une protection limitée, car elle ne joue que pour les Etats dans lesquels les titulaires de brevets souhaitent obtenir la protection de leurs titres de propriété industrielle.

Toutefois, même réduite, cette protection est de facto satisfaisante pour la plupart des entreprises. Ce sont en effet les seules multinationales qui sont intéressées par un système de protection uniforme dans la Communauté. M. Jacques Myard a prolongé cette analyse en considérant que le brevet communautaire constitue la « voie royale » de pénétration technologique de l'Europe par les grands groupes chinois et américains. A l'inverse, le brevet européen réparti en plusieurs brevets nationaux répond parfaitement aux intérêts des entreprises.

M. Jacques Myard a abordé plusieurs points de l'exposé de M. Daniel Garrigue, rapporteur, pour les réfuter.

Premièrement, l'argument consistant à affirmer que l'entrée en vigueur du protocole de Londres va augmenter le nombre de dépôts n'a aucun sens. En effet, il n'y a aucun lien direct entre la question des langues et celle du dépôt des brevets. M. Jacques Myard s'est élevé contre le discours rabattu du coût soi-disant excessivement élevé de la protection des brevets en Europe, en raison des exigences de traduction. D'après lui, en effet, le coût des traductions d'un brevet européen, lequel couvre un marché théorique de 280 millions d'habitants, s'élève, en moyenne, à 350 euros par an sur vingt ans.

Deuxièmement, l'argument sur la saturation des marchés n'est qu'un leurre. Le vrai problème est que l'Office européen des brevets ne fait pas son travail : toute sa politique consiste à se réjouir de l'augmentation des dépôts, tant il est vrai que cela lui permet d'engranger davantage de redevances. Or cette philosophie conforte l'attitude des Etats-Unis, qui ne visent qu'un seul but : la saturation des marchés. De plus, dès lors que les coûts de traduction diminueront en Europe, en raison de l'entrée en vigueur du régime linguistique du protocole de Londres, les Etats-Unis pourront saturer encore davantage le marché. La tactique retorse de ce pays est, d'ailleurs, bien connue des conseils en propriété industrielle. L'objectif qu'il poursuit est limpide : « déglinguer » la concurrence.

Troisièmement, l'argument de la conformité du protocole à la Constitution est bien faible : certains éléments juridiques, qui n'ont pas été évoqués par les rapporteurs, laissent à penser qu'au contraire, le risque d'inconstitutionnalité est sérieux.

Quatrièmement, l'argument concernant les revendications est irrecevable, puisque les traductions de ces parties du brevet sont, en vérité, incompréhensibles Pour un brevet, seule compte la description de l'invention, car c'est cet élément d'information capital qui permet d'attester de la réalité de l'innovation.

Cinquièmement, il y a lieu de noter qu'un nombre important de brevets traduits en français sont consultés. Certains affirment le contraire, en soulignant que les descriptions traduites en français ne représentent que 1,7 à 2 % des brevets consultés. Cependant, ce pourcentage n'est qu'en apparence peu élevé : en effet, il représente, tout de même, 2 100 consultations par an.

Enfin, M. Jacques Myard a dénoncé l'attitude du négociateur français du protocole de Londres, en affirmant que celui-ci avait signé cet instrument en outrepassant les instructions données par les autorités. Il a en outre indiqué que le ministère des affaires étrangères s'opposait au protocole, tandis que le Conseil supérieur de la propriété industrielle s'était prononcé contre la ratification.

Il a conclu en affirmant qu'il n'existe pas de lien entre ce texte et le nombre de brevets déposés, mais qu'à l'inverse, son entrée en vigueur ouvrirait une tête de pont aux multinationales américaines et à leur stratégie de pénétration du marché européen. Il s'agit donc d'un « marché de dupes »

M. Christian Philip a estimé que ce protocole n'était pas préjudiciable au français. Il a précisé que sa conviction était que les systèmes imposant l'utilisation de toutes les langues tendent à favoriser l'anglais, tandis que ceux qui ne reconnaissent que quelques langues sont favorables au plurilinguisme. Il a toutefois considéré que la ratification, par la France, du protocole doit s'accompagner d'une action résolue des pouvoirs publics, notamment en direction des PME, pour le développement d'une véritable culture du dépôt des brevets. Cette politique pourrait s'appuyer sur des mesures économiques, comme des incitations ou des aides, ainsi que sur l'appui apporté aux entreprises de nos partenaires par les missions économiques des ambassades. Si une telle politique d'accompagnement n'est pas mise en œuvre, il ne faut pas se faire d'illusion sur la place qu'occupera le français dans le système de brevet en Europe, quel qu'il soit.

M. René André a salué le brio de l'intervention de M. Jacques Myard, mais a estimé que les Etats-Unis pourront toujours, quel que soit le choix final de la France, saturer le marché de leurs brevets. Quant au contenu du protocole, il a jugé qu'il faut se réjouir qu'un instrument international consacre le français comme une langue officielle et qu'en conséquence, il serait malheureux que la France ne saisisse pas cette occasion pour marquer, par la ratification, son attachement à sa langue, et, par la même occasion, à l'Union. En conclusion, il s'est déclaré favorable à la ratification de ce traité.

En réponse aux intervenants, M. Daniel Garrigue, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- le chiffre de 350 euros en moyenne annuelle, avancé pour le coût des traductions, est valable dans l'hypothèse où le déposant souhaite une protection pour une durée maximale, soit 20 ans. Il est en revanche supérieur si le déposant abandonne plus vite la protection accordée. La durée moyenne de protection est d'ailleurs, dans les faits, de dix ans ;

- pour apprécier la qualité effective de la rédaction en français des revendications traduites d'une autre langue, il conviendrait d'examiner précisément l'ensemble de ces revendications, et non pas quelques cas particuliers ;

- la consultation, au titre de la veille technologique, de brevets rédigés dans une autre langue est souvent effectuée par l'intermédiaire d'un conseil en propriété industrielle ;

- les pays qui n'ont pas encore ratifié le protocole pourraient dans l'avenir modifier leur position, en fonction notamment de la ratification par la France ;

- contrairement à l'affirmation de M. Jacques Myard, le Conseil supérieur de la propriété industrielle a donné, le 9 mai dernier, un avis favorable à la ratification du protocole. Seules trois opinions dissidentes ont été exprimées : celles des représentants du ministère de la justice, des conseils en propriété industrielle et des avocats ;

- le ministère de l'industrie et celui de la recherche soutiennent clairement la ratification ;

- la crispation linguistique constatée chez certains Etats membres est inversement proportionnelle au nombre de brevets déposés par ces Etats ;

- l'utilisation du français dépend notamment de notre politique de recherche et en particulier du soutien apporté aux PME dans ce domaine.

M. Daniel Garrigue a enfin précisé qu'à l'issue des nombreuses auditions réalisées, une concertation a eu lieu avec le groupe de travail mis en place par la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, sous la présidence de M. Hubert Haenel.

Le Président Pierre Lequiller, rapporteur, a souligné le travail approfondi auquel le rapport avait donné lieu, notamment l'importance des contacts pris avec les PME et a remercié très vivement M. Daniel Garrigue.

Il a ajouté que l'Académie des sciences, le Conseil supérieur de la propriété industrielle, l'Académie des technologies et la CGPME s'étaient exprimées en faveur de la ratification. Il a également observé que M. Christian Pierret, ministre de l'industrie au moment de la signature du protocole, avait récemment manifesté très clairement son soutien à la ratification.

Il a rappelé que l'Office européen des brevets était l'organisation européenne dans laquelle le français était le plus pratiqué. Sur les 6 000 fonctionnaires qui travaillent à l'Office, 1 078 sont Français et 1 500 francophones.

Il a estimé que la question de la ratification du protocole de Londres avait des incidences sur l'image de la France auprès des autres Etats membres. Il a notamment souligné que l'Allemagne compte sur la ratification française.

Il a par ailleurs observé que la ratification du protocole de Londres était complémentaire du projet de brevet communautaire et qu'elle était demandée par les entreprises, et notamment les PME, compte tenu de la réduction des coûts des dépôts de brevets qu'elle entraînera.

Il a également noté que le protocole de Londres renforcerait la position de la France vis-à-vis des marchés allemands et britanniques.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions dont le texte figure ci-après, M. Jacques Myard votant contre :

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

La Délégation,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 2,

Vu la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973,

Vu le projet d'accord sur l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens,

Vu le projet d'accord instituant un système de règlement des litiges en matière de brevets européens,

Vu la proposition de règlement du Conseil sur le brevet communautaire (COM[2000] 412 final) du 1er août 2000, telle que modifiée dans le document 7119/04 du Conseil en date du 8 mars 2004,

Vu le code de la propriété intellectuelle,

Vu la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

Considérant que le projet d'accord sur l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens (dit « protocole de Londres ») n'a d'incidence qu'après la délivrance du brevet, c'est-à-dire en moyenne plusieurs années après son dépôt ;

Considérant que le protocole de Londres confirme la place du français comme langue officielle de l'Office européen des brevets à la fois au stade du dépôt et en ce qui concerne les revendications et qu'il préserve la faculté d'exiger une traduction complète du brevet en français en cas de litige relatif à un brevet européen ;

Considérant que le coût du brevet européen constitue un frein au dépôt des brevets par les PME et à la valorisation des travaux de recherche des grandes institutions, notamment le CNRS, et des universités et que le protocole de Londres permettrait de diminuer ce coût de façon sensible ;

Considérant que l'accroissement du nombre de brevets délivrés constituerait un atout économique pour la France et, au-delà, pour l'Europe ;

Considérant que le brevet européen, même après adoption du protocole de Londres, ne constituerait pas une alternative au brevet communautaire dont l'intérêt demeurerait entier pour un grand nombre de secteurs d'activités ;

Considérant que l'attrait renforcé du brevet européen représenterait un élément important de la veille technologique ;

Considérant que la question de l'organisation de la juridiction européenne en matière de brevet n'est aucunement liée à la modification du régime linguistique des brevets par le protocole de Londres mais dépend d'autres discussions tant dans le cadre intergouvernemental que dans le cadre communautaire ;

Considérant enfin que la place de la langue française dans le domaine de la recherche et de l'innovation dépend en fait de l'importance et de la qualité de notre effort de recherche, de la mise en place d'un réseau d'accompagnement efficace auprès de nos PME, de la meilleure valorisation de la recherche publique, et des accords conclus avec certains de nos partenaires pour les inciter à déposer en français.

1. Recommande la ratification par la France du protocole de Londres ;

2. Souhaite que, dans le prolongement de cette ratification, les discussions reprennent rapidement pour permettre la mise en place du brevet communautaire.

ANNEXES

Annexe 1 :
Lettre du Premier ministre du 3 avril 2006

Annexe 2 :
Protocole de Londres

Accord sur l'application de l'article 65 de la Convention sur la délivrance de brevets européens

Les Etats parties au présent accord,

EN LEUR QUALITE d'Etats parties à la Convention sur la délivrance de brevets européens (Convention sur le brevet européen) du 5 octobre 1973 ;

REAFFIRMANT leur désir de renforcer la coopération entre les Etats européens dans le domaine de la protection des inventions ;

VU l'article 65 de la Convention sur le brevet européen ;

RECONNAISSANT l'importance de l'objectif visant à réduire les coûts liés à la traduction des brevets européens ;

SOULIGNANT la nécessité d'une large adhésion à cet objectif ;

DETERMINES à contribuer efficacement à une telle réduction des coûts ;

SONT CONVENUS DES DISPOSITIONS SUIVANTES :

Article premier

Renonciation aux exigences en matière de traduction

(1) Tout Etat partie au présent accord ayant une langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'Office européen des brevets renonce aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen.

(2) Tout Etat partie au présent accord n'ayant aucune langue officielle en commun avec une des langues officielles de l'Office européen des brevets renonce aux exigences en matière de traduction prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen, si le brevet européen a été délivré dans la langue officielle de l'Office européen des brevets prescrite par cet Etat, ou traduit dans cette langue et fourni dans les conditions prévues à l'article 65, paragraphe 1 de la Convention sur le brevet européen.

(3) Les Etats visés au paragraphe 2 conservent le droit d'exiger qu'une traduction des revendications dans une de leurs langues officielles soit fournie dans les conditions prévues à l'article 65, paragraphe 1de la Convention sur le brevet européen.

(4) Le présent accord ne saurait être interprété en vue de restreindre le droit des Etats parties au présent accord de renoncer à toute exigence en matière de traduction ou d'appliquer en matière de traduction des règles moins contraignantes que celles visées aux paragraphes 2 et 3.

Article 2

Traductions en cas de litige

Le présent accord ne saurait être interprété en vue de restreindre le droit des Etats parties au présent accord de prescrire que, en cas de litige relatif à un brevet européen, le titulaire du brevet fournit, à ses frais,

a) à la demande du prétendu contrefacteur, une traduction complète du brevet dans une langue officielle de l'Etat où la contrefaçon alléguée du brevet a eu lieu,

b) à la demande de la juridiction compétente ou d'une autorité quasi-juridictionnelle dans le cadre d'une procédure, une traduction complète du brevet dans une langue officielle de l'Etat concerné.

Article 3

Signature - Ratification

(1) Le présent accord est ouvert jusqu'au 30 juin 2001 à la signature de tout Etat partie à la Convention sur le brevet européen.

(2) Le présent accord est soumis à ratification. Les instruments de ratification sont déposés auprès du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne.

Article 4

Adhésion

Après l'expiration du délai de signature mentionné à l'article 3, paragraphe 1, le présent accord est ouvert à l'adhésion de tout Etat partie à la Convention sur le brevet européen et de tout Etat habilité à adhérer à ladite Convention. Les instruments d'adhésion sont déposés auprès du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne.

Article 5

Interdiction des réserves

Aucun Etat partie au présent accord ne peut faire de réserves à son égard.

Article 6

Entrée en vigueur

(1) Le présent accord entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant le dépôt du dernier des instruments de ratification ou d'adhésion de huit Etats parties à la Convention sur le brevet européen, dont les trois Etats dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999.

(2) Toute ratification ou adhésion postérieure à l'entrée en vigueur du présent accord prend effet le premier jour du quatrième mois suivant le dépôt de l'instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 7

Durée de l'accord

Le présent accord est conclu sans limitation de durée.

Article 8

Dénonciation

Tout Etat partie au présent accord peut à tout moment le dénoncer, dès lors que ce dernier a été en vigueur pendant trois ans. La dénonciation est notifiée au gouvernement de la République fédérale d'Allemagne. Elle prend effet à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception de cette notification. En ce cas, il n'est pas porté atteinte aux droits acquis antérieurement à la prise d'effet de cette dénonciation.

Article 9

Champ d'application

Le présent accord s'applique aux brevets européens pour lesquels la mention de la délivrance a été publiée dans le Bulletin européen des brevets, après que l'accord est entré en vigueur pour l'Etat concerné.

Article 10

Langues de l'accord

Le présent accord est rédigé en un exemplaire en langues allemande, anglaise et française, qui est déposé auprès du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, les trois textes faisant également foi.

Article 11

Transmissions et notifications

(1) Le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne établit des copies certifiées conformes du présent accord et les transmet aux gouvernements des Etats signataires ou adhérents.

(2) Le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne notifie aux gouvernements des Etats visés au paragraphe 1 :

a) les signatures ;

b) le dépôt de tout instrument de ratification ou d'adhésion ;

c) la date d'entrée en vigueur du présent accord ;

d) toute dénonciation reçue en application de l'article 8 et la date à laquelle celle-ci prend effet.

(3) Le gouvernement de la République fédérale d'Allemagne fait enregistrer le présent accord auprès du Secrétariat de l'Organisation des Nations Unies.

EN FOI DE QUOI les plénipotentiaires désignés à cette fin, après avoir présenté leurs pleins pouvoirs, reconnus en bonne et due forme, ont signé le présent accord.

Fait à Londres le dix-sept octobre deux mille en un exemplaire original, en allemand, anglais et français, tous les textes faisant également foi.Annexe-1

Annexe 3 :
Liste des personnes auditionnées

· Ministère délégué à l'industrie

- M. François LOOS, ministre délégué ;

- M. Pierre VALLA, sous-directeur de la normalisation, de la qualité et de la propriété intellectuelle.

· Ministère délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche

- M. Alain GALLOCHAT, conseiller propriété intellectuelle.

· Ministère de la justice

- M. Marc GUILLAUME, directeur des affaires civiles et du Sceau ;

- M. Xavier HUBERT, chef du bureau du droit commercial ;

- Mme Liza BELLULO, administrateur civil.

· Ministère des affaires étrangères

- M. Pascal BRICE, sous-directeur des affaires communautaires ;

- Mme Marianne COWDY, rédactrice.

· Secrétariat général des affaires européennes

- M. Jean-Philippe MOCHON, conseiller juridique.

· Délégation générale à la langue française et aux langues de France

- M. Xavier NORTH, délégué général.

· Office européen des brevets

- M. Alain POMPIDOU, président ;

- M. Eskil WAAGE, juriste.

· Institut national de la propriété industrielle (INPI)

- M. Benoît BASTTISTELLI, directeur général ;

- M. Fabrice CLAIREAU, directeur des affaires juridiques et internationales.

· Association des professionnels de la traduction des brevets d'invention (APROBI)

- M. Alain PATRY, président ;

- M. Romain BERNARD, vice-président.

· Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI)

- M. Christian DERAMBURE, président ;

- M. Luc SANTARELLI, vice-président ;

- M. Claude JACOBSON, vice-président.

· Cabinet Beau de Loménie

- M. Gérard PORTAL, conseil en propriété industrielle, mandataire en brevets européens et conseil européen en marques.

· Avocats

- Me Jean-Marie BURGUBURU, avocat à la Cour de Paris ;

- Me Philippe TUFFREAU, vice-président du Conseil national du barreau ;

- Me Michel-Paul ESCANDE, avocat au barreau de Paris.

· Thomson Multimédia

- M. Didier HUCK, vice-président des relations institutionnelles et de la réglementation ;

- M. Alban de LOUVENCOURT.

· LEMM (Les entreprises du médicament)

- Mme Blandine FAURAN, directeur juridique et fiscal ;

- Melle Anne-Priscille VLASTO, chargée de mission juridique ;

- Mme Elisabeth THOURET-LEMAITRE, directeur brevets, laboratoires Sanofi-Aventis groupe ;

- Mme JAGUELIN-GUINAMANT, directeur brevets, laboratoires Servier ;

- Mme Aline BESSIS-MARAIS, directeur des affaires publiques.

· UIC (Union des industries chimiques) :

- M. Daniel DELOS, directeur de la propriété industrielle Rhodia ;

- Mme Gaëlle KERMORGANT, responsable des affaires juridiques.

· MEDEF

- M. Thierry SUEUR, vice-président Air Liquide ;

- M. Jacques COMBAULT, conseiller au département propriété intellectuelle d'Air Liquide ;

- M. Patrick SCHMITT, directeur adjoint de la recherche, de l'innovation et des nouvelles technologies ;

- M. Guillaume RESSOT, chargé de mission aux affaires sectorielles.

· Ambassade de la République fédérale d'Allemagne

- M. Stephan WALZ, sous-directeur service droit des brevets, ministère de la justice ;

- M. Horst HEITLAND, magistrat de liaison ;

- M. Gerhard ALMER, premier conseiller.

· Ministère des affaires économiques (Pays-Bas)

- Mme Karien Van GENNIP, secrétaire d'Etat au commerce extérieur.

1 () Didier Lombard : Le brevet pour l'innovation. Rapport sur la propriété industrielle, 1998.

2 () Georges Vianès, Brevet européen : les enjeux de l'Accord de Londres, 2001. La conclusion de ce rapport souligne que « l'intérêt économique de l'Accord de Londres est évident » et que « loin de représenter un abandon de la position de la France et de la langue française dans le système du brevet européen, [il] la renforce ».

3 () Il faut noter, néanmoins, qu'en juin 2001, le sénateur Francis Grignon avait présenté, au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, un rapport sur La stratégie du brevet d'invention (n° 377), prenant clairement position en faveur du protocole de Londres.

4 () Cet amendement a également été accepté à l'unanimité par la commission des affaires sociales, compétente au fond, pour l'examen du projet de loi de programme sur la recherche.

5 () Deuxième séance du 2 mars 2006.

6 () De son côté, le Sénat a constitué un groupe de travail composé du Président Hubert Haenel, de Mme Catherine Tasca et de MM. Denis Badré, Jean Bizet, Robert Bret, Louis de Broissia, Aymeri de Montesquiou et Roland Ries.

7 () Les règles linguistiques posées par le protocole de Londres sont détaillées dans la suite du rapport.

8 () Des procédures de ratification sont en cours aux Pays-Bas, en Suisse et en Suède. S'agissant de la Suisse, la ratification a déjà fait l'objet d'une décision du Conseil fédéral le 18 mai 2005 et le Département fédéral des Affaires étrangères vient de demander, le 1er mai 2006, à son ambassade à Berlin, de déposer les instruments de ratification. De même, le parlement néerlandais s'est déjà prononcé pour la ratification.

9 () COM (2000) 412 final.

10 () Document 7119/04.

11 () L'article 65 accorde, en fait, une double option facultative : la traduction du brevet délivré dans la langue nationale, d'une part, et l'absence d'effet du brevet sans cette traduction, d'autre part.

12 () Dans « Le droit français de la langue, entre les mythes d'une tradition interventionniste et la réalité de nouvelles angoisses » (article à paraître), Jacques Ziller note : « La dimension externe du statut juridique de la langue française révèle la spécificité de la problématique politique et affective du français, qui a perdu sa position de langue hégémonique, puis de langue internationale à parité avec l'anglais, ce qui alimente toute une série d'attitudes nostalgiques et d'angoisse dans les élites intellectuelles et politiques. Tout y passe, de la théorie du complot (anglo-saxon) au néo-colonialisme (américain), de la protection des faibles (les Etats francophones en développement), à la lutte contre les effets néfastes de la mondialisation (globalisation) ». Ce passage d'un article ne visant pas expressément le protocole de Londres montre bien que le débat sur l'opportunité de sa ratification ne constitue qu'une bataille d'un conflit plus global, ce qui explique sans doute certaines exagérations manifestes.

13 () Claude Hagège, « Pourquoi il faut défendre mordicus l'usage du français », Le Monde, 1er mars 2006.

14 () On peut d'ailleurs observer que cette situation a prévalu jusqu'en 1987 pour le Royaume-Uni et jusqu'en 1992 pour l'Allemagne, puisque, dans les premières années de mise en œuvre de la Convention sur le brevet européen, ces deux pays n'avaient pas utilisé la faculté offerte par l'article 65 de l'exigence d'une traduction intégrale des brevets. Ce n'est que pour riposter à l'imposition de cette exigence par les autres Etats parties à la convention que ces deux Etats ont finalement décidé de recourir à cette option.

15 () L'économie ainsi réalisée par le déposant auprès de l'INPI est définitivement acquise lorsqu'il demande un brevet européen, en application de l'article 10 du règlement sur les taxes perçues par l'OEB. Cette disposition prévoit que lorsque le rapport de recherche européen est basé sur un rapport de recherche antérieur établi par l'OEB, ce dernier rembourse intégralement la taxe de recherche si les revendications de la demande européenne sont identiques à celles de la demande nationale.

16 () Le seul cas - très rare - où la traduction prévaut sur le texte original en anglais ou en allemand est celui où la traduction confère une protection moins étendue que celle conférée par le texte original.

17 () 21 langues à ce jour.

18 () Régies par le décret n° 96-602 du 3 juillet 1996 relatif à l'enrichissement de la langue française, ces commissions ont pour mission de formuler, au sein de chaque ministère, des recommandations pour l'usage de termes relatifs à un secteur donné. Ces propositions sont publiées au Journal officiel sous forme d'arrêtés ministériels et leur usage est obligatoire pour les documents provenant d'une personne publique. Au sommet de cette organisation se situe la commission générale de terminologie et de néologie, rattachée au Premier ministre et dont le secrétariat est assuré par la délégation générale à la langue française et aux langues de France.

19 () Rappelons que cette voie est privilégiée par la plupart des déposants souhaitant étendre leur protection, par la suite, au niveau européen.

20 () Dans les estimations retenues dans le tableau ci-dessus, le coût des traductions est respectivement de 8 000, 11 700 et 24 300 euros.

21 () Les annuités commencent à être payées avant même la délivrance du brevet européen et sont alors versées directement à l'OEB.

22 () En revanche, les annuités versées postérieurement peuvent être mises en regard du chiffre d'affaires généré par le brevet. Elles sont d'ailleurs croissantes en fonction de la durée écoulée depuis la délivrance.

23 () Christian Pierret, « Alléger le coût du dépôt du brevet », Les Echos, 7 mars 2006.

24 () S'agissant de l'Espagne, par exemple, il faut noter que l'effort des entreprises de ce pays en recherche et développement est particulièrement faible : il représente 48 % du montant total de l'effort national en ce domaine, contre 58 % en moyenne dans l'Union à 15.

25 () Quelques progrès ont été enregistrés ces dernières années : 36 % des brevets européens étaient délivrés dans les 36 mois à la fin 2005, contre 20 % deux ans plus tôt.

26 () L'INPI est tenu de réaliser cette traduction de l'abrégé dans les trois mois suivant la publication de la demande, en application de l'article L.614-8 du code de la propriété industrielle. Fin 2006, ces abrégés seront consultables en ligne. La consultation sera gratuite pour les deux dernières années et payant pour la période antérieure (entre 2,3 et 2,7 euros par document visualisé).

27 () Un déposant en anglais ou en français aura moins tendance à désigner l'Autriche, dont le marché n'est pas l'un des plus significatifs en Europe, dès lors qu'une traduction spécifique sera à réaliser, alors qu'aujourd'hui, cette traduction doit impérativement être réalisée pour valider un brevet en Allemagne. Le coût élevé des annuités en Autriche devrait accroître les réticences des déposants.

28 () Si l'on ajoute 7,5 % de demandes de brevets d'origine extra-européenne provenant d'autres pays que les Etats-Unis et le Japon, on constate que ces dernières constituent plus de la moitié du total des demandes déposées auprès de l'OEB (50,5 %).

29 () A titre d'exemple, l'Institut Curie a mis en œuvre cette procédure d'opposition contre des brevets délivrés à la société de biotechnologie américaine Myriad Genetics, couvrant deux gènes (BRCA1 et BCRA2) impliqués dans les cancers du sein et des ovaires. Cette procédure a permis d'aboutir, en 2004 et 2005, à une version très réduite des brevets initialement délivrés.

30 () Audition des parties, demande de renseignements, production de documents, audition de témoins, expertise, descente sur les lieux, tests comparatifs ou expérimentations, déclarations écrites sous la foi du serment.

31 () Indirectement, elle pourrait exercer un tel pouvoir de blocage si la Commission européenne demandait un mandat de négociation pour participer aux négociations de l'accord EPLA. Ce mandat requiert l'unanimité au Conseil.