N° 907 - Proposition de résolution de M. Michel Herbillon sur la diversité linguistique dans l'Union européenne (documents E-2275-1, E-2024 et E-2182)


Document

mis en distribution

le 16 juin 2003

   

N° 907

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 juin 2003

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la diversité linguistique dans l'Union européenne
(documents E 2275-1, E 2024 et E 2182)

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Michel HERBILLON

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

________________________________________________________________

Voir le numéro : 902.

Culture.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le régime linguistique de l'Union européenne est unique au monde. En posant le principe d'égalité des langues officielles et de travail, le règlement n°1 du 15 avril 1958 constitue le socle juridique d'un multilinguisme protecteur qui permet à chaque citoyen d'écrire à une institution ou à un organe de l'Union dans l'une des langues officielles et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue.

Avec l'élargissement à dix nouveaux pays, le nombre de langues officielles va passer de onze à vingt et plus, posant ainsi l'urgence d'une adaptation du régime linguistique des institutions. Or, au fil du temps, les pratiques qui se sont développées ont rendu certaines langues plus égales que d'autres. Parce que la Convention européenne s'apprête à consacrer la diversité linguistique au rang des principes constitutionnels, l'établissement d'un régime linguistique stable, juste et pérenne est plus que jamais nécessaire.

Les négociations actuellement en cours, tant sur la révision du régime linguistique du Conseil que sur la modification du statut des fonctionnaires européens devront permettre d'aboutir à la définition de critères objectifs et transparents.

Alors que l'avenir du français dans le monde se joue désormais en Europe, la démonstration politique doit être apportée que le pluralisme linguistique n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé. C'est pourquoi il est urgent d'engager les réformes appropriées afin d'assurer le bon fonctionnement des institutions tout en garantissant le respect d'une tradition plurilingue qui peut aussi permettre à l'Union de s'exprimer d'une autre voix dans le monde.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'avant-projet de budget (APB) général des Communautés européennes pour l'exercice 2004 (E 2275 Annexe 1),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (COM [2002] 213 final / E 2024],

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe (Programme eLearning) (COM [2002] 751 final / E 2182),

1. Affirme son attachement à la diversité linguistique et culturelle, que consacre l'élargissement à dix nouveaux pays :

I. En ce qui concerne la réforme du régime linguistique des institutions de l'Union européenne :

2. Considère que le régime d'interprétation intégrale doit être maintenu au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du Conseil de l'Union, tout représentant du peuple ayant le droit de s'exprimer, en toutes circonstances, dans sa langue maternelle ;

3. Estime qu'il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes linguistiques PESC (anglais/français) et COREPER (anglais/français/
allemand) sur lesquels il existe un consensus fondé sur une pratique ancienne qui n'est pas contestée ;

4. S'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait contraire au principe du plurilinguisme européen ;

5. Recommande que la recherche d'un compromis sur le régime linguistique des réunions des groupes de travail du Conseil, autres que COREPER et PESC, se fonde sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et de répartition équitable de la charge financière et estime que l'instauration d'un régime de marché ne pourrait être soutenue qu'à ces conditions ;

6. Estime que le régime asymétrique, qui permet à chacun de s'exprimer dans sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation des débats que dans un nombre limité de langues de travail, devrait faire l'objet d'une expérimentation puis d'une évaluation qui permettrait d'envisager, sous réserve d'un consensus, la généralisation de ce régime ;

7. Suggère une harmonisation des régimes linguistiques des agences de l'Union européenne et des organismes communautaires, fondée sur un nombre limité de langues de travail.

II. En ce qui concerne les atteintes au principe de plurilinguisme au sein de l'Union européenne :

8. Rappelle que la publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement en seule langue anglaise devrait être proscrite car contraire au principe de non-discrimination linguistique et considère qu'au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre restreint de langues officielles ;

9. Appelle à un signalement systématique des infractions linguistiques commises par les institutions et organismes communautaires, en violation de leurs obligations ;

10. Propose que les sites internet des institutions et organismes communautaires soient soumis au respect d'une « charte linguistique » prohibant notamment la mise en ligne d'informations dans une seule langue, comme c'est actuellement le cas sur le site de la Banque centrale européenne.

III. En ce qui concerne la politique engagée en faveur du français dans les institutions européennes :

11. Considère que la promotion de la langue française suppose en premier lieu que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent exclusivement leur propre langue, comme l'exige la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française ;

12. Estime que la promotion du français dans les institutions européennes nécessiterait une meilleure coordination entre les services administratifs concernés, dans une perspective interministérielle, et souhaite qu'une réforme du ministère des affaires étrangères favorise les synergies possibles ;

13. Se félicite des actions de formation en français des fonctionnaires des pays membres et des pays candidats, qu'il faut encourager et soutenir financièrement. A cet effet, la création, à Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions de l'Union européenne, élargie à la formation continue des fonctionnaires européens, devrait être expertisée par le Comité de pilotage chargé de définir une stratégie de long terme pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne ;

14. Suggère que la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne s'engage à suivre l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes en publiant un rapport d'information annuel qui dresse notamment un bilan des pratiques constatées et des actions engagées.

IV. En ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères :

15. Recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères devienne la norme dans l'Union européenne élargie, tandis que l'apprentissage des nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes éducatifs européens.

V. En ce qui concerne la réforme du statut des fonctionnaires européens (E 2024) et l'organisation des concours de recrutement :

16. Se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003 qui prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour être promus au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur maîtrise d'une seconde langue étrangère autre que leur langue maternelle ;

17. Veillera à ce que la Commission inscrive cette disposition dans la proposition modifiée de réforme du statut qu'elle présentera à l'automne, et prévoie une procédure d'évaluation des compétences linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence ;

18. Réserve son examen sur les autres dispositions de la réforme du statut des fonctionnaires européens, dans l'attente d'informations complémentaires ;

19. Propose que l'organisation en trois langues de tests de présélection pour le recrutement d'auxiliaires issus des futurs Etats membres soit étendue, à titre expérimental, à l'ensemble des concours organisés par l'Union européenne.