N° 2828 _____ ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 janvier 2006 PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement) PRÉSENTÉE, en application de l'article 151-1 du Règlement, par M. Christian PHILIP Rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne, Député. ________________________________________________________________ Voir le numéro : 2829. EXPOSE DES MOTIFS La Cour de justice a rendu, le 13 septembre 2005, un arrêt important sur la répartition des compétences entre la Communauté européenne et les Etats membres en matière de droit pénal. Elle a jugé que la Communauté européenne est compétente pour obliger les Etats membres à prévoir des sanctions pénales afin de protéger l'environnement. Cette décision bouleverse la répartition des compétences entre les premier et troisième piliers de l'Union européenne, c'est-à-dire entre ce qui relève de l'action de la Communauté ou de la coopération intergouvernementale entre les Etats membres. Sa portée exacte est cependant incertaine : s'applique-t-elle à d'autres matières que la protection de l'environnement, telles que la politique des transports ? Le législateur communautaire peut-il harmoniser les seuils de sanctions, d'emprisonnement par exemple ? La Commission a adopté, dans une communication du 23 novembre 2005 au Conseil et au Parlement européen, une interprétation excessive de cette jurisprudence. Elle considère notamment que celle-ci s'applique à toutes les politiques communes et que le législateur communautaire pourra définir le niveau des sanctions applicables. Le Conseil « Justice et affaires intérieures » qui s'est tenu à Vienne du 12 au 14 janvier 2006 a retenu une interprétation différente, beaucoup plus restrictive. Ces incertitudes risquent de conduire à une véritable paralysie de l'Union en matière pénale. Les Etats membres, d'une part, et la Commission et le Parlement européen, d'autre part, s'affrontent de plus en plus souvent sur la base juridique de chaque texte, au risque de bloquer son adoption pendant plusieurs années. Ces retards sont inacceptables dans des domaines tels que la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée. Pour éviter cette paralysie, la Délégation pour l'Union européenne propose de recourir à la « clause passerelle » figurant à l'article 42 du traité sur l'Union européenne. Cet article permet de transférer la coopération pénale vers le pilier communautaire. Les compétences du Parlement européen, de la Commission et de la Cour de justice seraient renforcées, et l'Union pourrait adopter des instruments plus contraignants car dotés d'effet direct. Un droit d'appel au Conseil européen sur demande d'un Etat membre pourrait être maintenu, comme le prévoit le traité établissant une Constitution pour l'Europe. PROPOSITION DE RESOLUTION Article unique L'Assemblée nationale, Vu l'article 88-4 de la Constitution, Vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 13.9.05 (C-176/03 Commission contre Conseil) (COM [2005] 583 final / n° E 3022), 1. Prend acte de l'arrêt de la Cour de justice du 13 septembre 2005, qui a reconnu au législateur communautaire le pouvoir de prévoir des mesures en relation avec le droit pénal, s'il les juge indispensables et nécessaires pour garantir la pleine effectivité des normes qu'il édicte en matière de protection de l'environnement ; 2. Déplore les incertitudes juridiques engendrées par cet arrêt, en ce qui concerne notamment son application éventuelle à d'autres matières que la protection de l'environnement et le libre choix des sanctions pénales applicables laissé aux Etats membres ; 3. Estime que l'interprétation extensive de cette jurisprudence retenue par la Commission dans sa communication du 23 novembre 2005 va au-delà de la lettre de l'arrêt, et que la liste des décisions-cadres adoptées, selon elle, sur une base juridique erronée est beaucoup trop large ; 4. Souhaite que la cohérence du droit pénal soit assurée, en préservant la compétence du Conseil « Justice et affaires intérieures » lorsqu'un texte communautaire comporte des mesures pénales ; 5. Suggère au Gouvernement français de proposer à ses partenaires de faire usage de la « clause passerelle » prévue à l'article 42 du traité sur l'Union européenne, afin de clarifier le cadre juridique actuel et de donner un nouvel élan à l'Europe de la justice. |