N° 2937 - Proposition de résolution de M. Christian Philip sur la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (E2970)


Document

mis en distribution

le 15 mars 2006

   

N° 2937

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 mars 2006

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Christian Philip

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

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Voir le numéro : 2936.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Commission européenne a présenté le 20 juillet 2005 une proposition révisée de règlement relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemins de fer et par route, encore communément appelée proposition de règlement OSP(obligations de service public).

Ce texte est une version profondément remaniée de la proposition initiale, qui avait été présentée en juillet 2000.

Le dispositif de la proposition initiale reposait sur trois principes majeurs :

- la contractualisation des rapports entre l'autorité compétente et le ou les prestataires de services, dès lors que les compensations financières ou des droits exclusifs sont attribués ;

- la nécessité d'un réexamen périodique des clauses du contrat, ce qui impose une limitation de sa durée ;

- le recours à la procédure d'appels d'offres, sauf dans certains cas où l'attribution directe des contrats de service public est possible, par exemple, sous certaines conditions pour les chemins de fer ou le métro ou en dessous d'un certain seuil financier.

Ces principes visaient à instaurer le système dit de concurrence régulée, déjà en vigueur dans plusieurs Etats membres et en vertu duquel une autorité compétente attribue un droit exclusif pour une période déterminée sur la base d'un appel d'offres ouvert et transparent.

La discussion de la proposition initiale était bloquée au Conseil. Un compromis en vue d'une position commune n'avait pu être trouvé, du fait des divergences entre les Etats membres sur l'étendue même de l'ouverture à la concurrence et sur les règles propres nécessaires aux services publics de transports de voyageurs.

Les travaux du Conseil sont restés longtemps suspendus, dans l'attente de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Altmark. Rendu en juillet 2003, cet arrêt a défini les conditions qui permettent à une compensation relative à une obligation de service public de ne pas être qualifiée d'aide d'Etat.

Quant au Parlement européen, il s'était opposé à la disposition qui imposait le recours à la procédure d'appel d'offres.

Estimant, comme la résolution adoptée par l'Assemblée nationale le 27 juin 2001, qu'un tel régime contrevenait au principe de subsidiarité et à la libre administration des collectivités territoriales, le Parlement européen avait alors adopté un amendement, dont l'effet était d'exempter de la concurrence les service de transports publics de proximité, si l'autorité compétente décide de les fournir elle-même. Il était prévu, dans ce cas, d'insérer une clause de réciprocité, ayant pour objet d'interdire à ces entreprises de participer à des appels d'offres en dehors de leur territoire.

La proposition révisée souhaite tenir compte des positions exprimées par le Parlement européen, de la jurisprudence Altmark et du Livre blanc de la Commission sur les services d'intérêt général.

C'est pourquoi, réaffirmant son attachement à l'objectif de concurrence régulée, que poursuivait la proposition initiale, la Commission a décidé de proposer un dispositif simplifié, plus souple, qui prend mieux en compte le principe de subsidiarité.

Cette nouvelle approche est accueillie favorablement par le Parlement européen, qui a décidé d'examiner la proposition révisée en deuxième lecture, après que le Conseil aura fixé une position commune.

Les positions des Etats membres sont plutôt contrastées. L'Allemagne, sans être, par principe, opposée à l'ouverture à la concurrence, n'y voit qu'un mode parmi d'autres de fonctionnement des services publics. Elle semble accorder beaucoup d'importance aux règles posées par l'arrêt Altmark, qui permettraient selon elle d'optimiser la gestion des transports publics de voyageurs.

La Grande-Bretagne déplore les régimes d'exception à la mise en concurrence, même si, par ailleurs, on peut estimer que ses groupes de transporteurs - les plus puissants en Europe - ont un intérêt évident à l'application du règlement..

En ce qui concerne les autorités françaises, elles considèrent que conviennent à leurs attentes des dispositions importantes comme l'autoproduction - c'est-à-dire la faculté reconnue aux autorités compétentes de gérer elles-mêmes un service public - ou encore la possibilité de déroger, dans le domaine du transport ferroviaire régional à l'obligation de mise en concurrence, grâce à l'attribution directe des contrats de service.

Quant aux professionnels, certains d'entre eux estiment même que le dispositif proposé se rapproche de celui de la loi Sapin du 29 janvier 1993, qui a institué une mise en concurrence des entreprises en matière de délégation de service public.

Précisément, cette dernière référence fournit un motif supplémentaire de se réjouir de l'initiative de la Commission et de la soutenir. La proposition révisée confirme que l'idée de service public fait toujours partie intégrante du modèle social et économique de l'Union, à l'heure où certains expriment des doutes à ce sujet.

Si, incontestablement, la proposition révisée peut contribuer à débloquer le processus de la codécision, elle soulève toutefois encore de nombreuses questions touchant aux modalités d'encadrement des obligations de service public ou à l'insuffisance des garanties contre l'insécurité juridique.

Dans ce contexte, l'objet de la présente proposition de résolution est de tenter d'apporter des améliorations, afin de permettre l'instauration d'un système équilibré de concurrence régulée. Car, si l'achèvement du marché intérieur est un impératif catégorique qui s'impose à l'Union, cet objectif ne peut être atteint que dans le respect du principe de subsidiarité et sous réserve de prendre pleinement en compte les exigences sociales.

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition révisée de règlement du Conseil et du Parlement européen relatif aux services publics de transports de voyageurs par chemin de fer et par route (COM [2005] 319 final/n° E 2970),

1. Se félicite que la Commission ait présenté un dispositif rénové, qui, en étant plus respectueux que la proposition de règlement initiale, du principe de subsidiarité et de la libre administration des collectivités territoriales, est de nature à faciliter le processus de codécision ;

2. Constate toutefois que le dispositif de la proposition révisée de règlement soulève encore de nombreuses questions touchant aux modalités d'encadrement des obligations de service public ou à l'insuffisance des garanties contre l'insécurité juridique ;

3. Juge indispensable que des améliorations soient introduites, afin que puisse être instauré un système réellement équilibré de concurrence régulée ;

4. Demande, dans cette perspective, que puissent être adoptées les modifications suivantes :

a) à l'article premier, paragraphe 2, relatif au champ d'application du règlement, rétablir la référence au transport fluvial inclus dans un périmètre de transport urbain ;

b) à l'article 2-m, relatif à la définition du transport régional et de longue distance, remplacer les dispositions de cet alinéa par une disposition laissant aux Etats membres, conformément au principe de subsidiarité, le soin de délimiter le transport ferroviaire régional et de longue distance ;

c) à l'article 4, relatif au contenu obligatoire des contrats de service public et des règles générales :

- introduire au paragraphe 6 de cet article, relatif à la durée maximale des contrats, une disposition allongeant celle-ci à 30 ans ;

- remplacer les dispositions du paragraphe 7, relatif à la clause sociale, par des dispositions impartissant à l'autorité compétente d'obliger l'opérateur à maintenir en faveur du personnel au moins les mêmes droits que ceux dont il pouvait se prévaloir avant la reprise des activités par l'opérateur sélectionné ;

d) à l'article 5, relatif à l'attribution des contrats de service public :

- reformuler la rédaction du paragraphe premier, prévoyant une application prioritaire des directives relatives aux marchés publics, afin de mieux tenir compte du cas spécifique des concessions de travaux et de services ;

- au paragraphe 2, relatif à l'autoproduction :

. imposer la conclusion d'un contrat dans le cas où le service chargé de l'exploitation serait une régie constituée sous forme d'établissement public industriel et commercial ;

. poser le principe de son évaluation au plus tard tous les six ans ainsi que celui d'un examen de cette dernière devant l'assemblée délibérante, laquelle devra alors confirmer le choix de l'autoproduction ou retenir un autre mode de gestion ;

. assouplir le statut de l'opérateur interne : en retenant une formulation moins stricte que celle du contrôle complet et analogue à celui que l'autorité compétente exerce sur ses propres services ; en autorisant l'opérateur interne à dépasser les limites géographiques du territoire de l'autorité compétente, dès lors que la (ou les) collectivité(s) desservie(s) se situe(nt) sur ce même territoire ; en prévoyant que l'opérateur exerce l'essentiel - et non plus l'intégralité - de ses activités de transport public de voyageurs à l'intérieur du territoire de l'autorité compétente ;

e) à l'article 8, relatif à la période transitoire :

- aux paragraphes 2 et 3, relatifs aux modalités de l'allotissement, remplacer ces dispositions par l'obligation de mettre la totalité des contrats en conformité avec le règlement au terme d'un délai de quatre ou cinq ans suivant son entrée en vigueur ;

- au paragraphe 5, relatif au régime des contrats existants, prévoir que ces derniers sont valides, y compris lorsque leur durée excède celles fixées par le règlement ;

- supprimer le paragraphe 6, relatif à la clause de réciprocité.