N° 150 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris




Document
mis en distribution
le 1er août 2002
No  150
ASSEMBLÉE  NATIONALE
CONSTITUTION  DU  4  OCTOBRE  1958
DOUZIÈME  LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002.
P R O J E T   D E   L O I

autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris,

présenté
au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,
Premier ministre,
par M. Dominique de VILLEPIN,
ministre des affaires étrangères.

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
            Traités et conventions.

EXPOSÉ  DES  MOTIFS

        Mesdames, Messieurs,
        La France et la Lettonie ont signé le 13 décembre 2001 un accord relatif au statut de l'immeuble de l'ancienne légation à Paris de ce pays, disparu en tant qu'Etat indépendant entre 1940 et 1991.
        Ce n'était pas la première fois que cet Etat disparaissait de la carte de l'Europe : dès le xiiie siècle, l'ancienne Livonie, qui couvrait au Moyen Age les territoires actuels de l'Estonie et de la Lettonie, a été annexée par l'ordre des chevaliers Teutoniques, puis par la Suède. Par le traité de Nystad de 1721, Pierre le Grand prit le contrôle de cette région stratégiquement essentielle pour son Empire qui souhaitait disposer d'une « fenêtre sur l'Europe » ainsi que d'un accès libre de glace pour sa marine naissante.
        A la suite du traité de Brest-Litovsk de mars 1918, la Lettonie n'était plus sous souveraineté russe, mais était toujours occupée par des troupes allemandes. Le 18 novembre 1918, un « Conseil letton » proclama l'indépendance du pays. L'année 1919 fut très troublée par une tentative de reconquête par l'Armée rouge qui échoua. Les alliés occidentaux, donc la France, reconnurent le 20 août 1919 la Lettonie indépendante, sous réserve d'une décision définitive de la Société des Nations, qui n'était pas encore entrée en fonctions, mais qui devait confirmer cette décision. Le 11 août 1920, Moscou, par un traité signé à Riga, reconnut l'indépendance de la Lettonie.
        Le 5 août 1940, la Lettonie devint une République soviétique intégrée à l'URSS. Cette annexion était la conséquence directe du pacte Molotov-Ribbentrop et de son protocole secret concernant la Lettonie, signés le 23 août 1939, afin de partager les sphères d'influence en Europe orientale.
        A la suite de l'annexion des Etats baltes par l'Union soviétique en août 1940, et bien que la France n'ait pas reconnu cette annexion, la remise aux Soviétiques des clés des immeubles baltes, dont celui de la légation lettone, puis de nouveau en septembre 1944 (les immeubles furent réquisitionnés par l'occupant allemand entre les deux dates) s'est faite par l'intermédiaire des autorités françaises.
        Après la Seconde Guerre mondiale, l'URSS réintégra de force la Lettonie et, en outre, modifia le tracé des frontières intérieures à son avantage. Cette situation, ainsi que la présence d'une importante minorité russophone, expliquent en grande partie que la Lettonie ait été le dernier des Etats baltes à recouvrer son indépendance le 21 août 1991.

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        Le nouvel Etat chercha alors à récupérer l'immeuble acheté en 1927 au 8, rue de Prony (17e arrondissement) pour installer sa légation mais les diverses démarches entreprises auprès de la Russie s'avérèrent vaines.
        D'un point de vue juridique, la situation est simple. La Lettonie n'a jamais cessé d'être en droit propriétaire de son immeuble. Les mentions figurant au registre des hypothèques ne laissent aucun doute sur ce point. Après la Seconde Guerre mondiale, la France a toujours affirmé que l'Union soviétique n'était pas propriétaire des légations baltes. Cette position a été constamment reprise par les gouvernements successifs dans les réponses aux questions parlementaires.
        La France a cherché à régler le dossier dès le retour des Etats baltes à l'indépendance. Elle a décidé d'assumer, à partir de 1991, la charge de l'installation provisoire des nouvelles ambassades baltes à Paris, dans des locaux loués à leur profit au 14, boulevard Montmartre, dans le 9e arrondissement, en réglant les loyers, les charges locatives, les contrats de télésurveillance et la location d'une partie du matériel de bureautique. Néanmoins, la Lettonie décida de ne pas demeurer dans ces locaux et installa, en 1997, son ambassade dans un immeuble acquis au 6, villa Saïd, dans le 16e arrondissement. Depuis lors, la Lettonie assume la prise en charge de son implantation immobilière à Paris. Cependant, le déménagement de l'ambassade provisoire lettone ne signifie nullement que cet Etat a renoncé à récupérer son bien.

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        Bien qu'elle n'ait pas été directement partie à ce différend, la France a souhaité apporter sa contribution dans la recherche d'une solution pour résoudre cette question concernant trois futurs membres de l'Union européenne. En effet, depuis le retour des trois Etats baltes à l'indépendance en 1990 et 1991, le dossier des légations baltes à Paris a constitué un problème lancinant dans les relations entre la France et ces trois Etats.
            Le secrétaire général du Quai d'Orsay a proposé, lors d'un entretien le 11 avril 2001 avec l'ambassadeur de Russie et ses trois collègues baltes, un schéma permettant la résolution définitive de ce dossier. Il a été convenu que chacune des Parties consentirait à des efforts substantiels dans les domaines juridique, financier et budgétaire, pour aider à la solution de ce dossier.
        La proposition française « d'opération triangulaire » a été inspirée du précédent suisse (achat par Berne à la Lettonie en 1994 du titre de propriété de son ancienne légation auprès de la SDN à Genève, occupée par la Russie, puis échange de ce titre de propriété avec la Russie contre celui de la résidence helvétique à Moscou).
        Sur ce modèle, la France s'est engagée à acquérir la propriété de l'immeuble de la légation lettone en échange d'une contrepartie financière, pour solde de tout compte.
        A l'occasion de la visite d'Etat du Président de la République le 27 juillet 2001 en Lettonie, les autorités françaises et lettones sont parvenues à un accord sur le montant de la contrepartie qui sera versée par la France à cet Etat en échange des droits de propriété du bâtiment de sa légation.
        Le deuxième volet de cette « opération triangulaire » consisterait pour la France, comme la proposition en a été faite, à négocier avec la Russie afin de procéder à un échange de baux emphytéotiques à coût nul ou symbolique entre ces trois immeubles parisiens et celui de la résidence de France à Moscou (Maison Igoumnov).
        La ratification des accords conclus le 13 décembre 2001 avec les Etats baltes par les Parlements concernés, puis l'échange des instruments de ratification, rendront la France propriétaire des trois bâtiments des anciennes légations baltes à Paris, que la Russie occupe sans titre.

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        Après avoir reconnu dans le préambule le droit de propriété de l'Etat letton sur l'immeuble de la rue de Prony, l'occupation sans titre de celui-ci par la représentation diplomatique d'un Etat tiers et la privation de jouissance du légitime propriétaire, les dispositions de l'accord, en son article 1er, établissent l'engagement de l'Etat français à racheter l'immeuble de la légation de la République de Lettonie dans un délai de six mois après la date de son entrée en vigueur.
        L'article 2 précise les modalités financières du versement par le Gouvernement français de la somme de 3 963 674 Euro pour le rachat de l'immeuble de l'ancienne légation.
        Les négociations entre la France et la Lettonie ont porté essentiellement sur les modalités de remise du droit de propriété et sur l'échéancier du versement des indemnités. Ainsi, l'article 3 indique que le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie formalisent, dans le délai de six mois précité, leurs engagements par la conclusion d'un contrat de vente. En effet, cet accord s'apparente à une promesse de vente, devant être formalisée dans un délai de six mois par un acte authentique établi par la France.
    Concernant l'échéancier du versement des indemnités, il est prévu qu'un premier versement d'un montant de 1 524 490 Euro est effectué dès la conclusion du contrat de vente. La Lettonie ayant exprimé le souhait d'une rédaction précise de l'échéancier du versement du solde de 2 439 184 Euro, il est indiqué que cette somme est acquittée dans un délai d'un an à compter du premier jour de l'année civile suivant le jour d'entrée en vigueur de l'accord.
        Enfin, l'article 4 concerne les dispositions finales de l'accord et prévoit qu'il entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification.
        Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris qui, engageant les finances de l'Etat, est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET  DE  LOI

        Le Premier ministre,
        Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
        Vu l'article 39 de la Constitution,
                    Décrète :
        Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article  unique

        Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris, signé à Paris le 13 décembre 2001, et dont le texte est annexé à la présente loi.
        Fait à Paris, le 24 juillet 2002.

Signé :  Jean-Pierre  Raffarin        

            Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,
Signé :
  Dominique de  Villepin

    

A C C O R D
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République de Lettonie
relatif au statut de l'immeuble de la légation
de la République de Lettonie à Paris

    Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie,
    Reconnaissant à la République de Lettonie la propriété de l'immeuble, sis 8, rue de Prony (17e), ancien siège de la légation lettone à Paris ;
    Constatant l'occupation sans titre de cet immeuble par le représentant diplomatique d'un Etat tiers ;
    Désirant apporter une solution à la privation de jouissance de cet immeuble par son légitime propriétaire,
    Sont convenus des dispositions suivantes :

Article 1er

    Le Gouvernement de la République française s'engage à acquérir, dans les conditions financières énoncées à l'article 2, la propriété de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie, sis 8, rue de Prony, à Paris (17e), dans un délai de six mois à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord.

Article 2

    Le Gouvernement de la République de Lettonie s'engage à céder au Gouvernement de la République française, dans un délai de six mois à compter de la date d'entrée en vigueur du présent accord, la propriété de l'immeuble visé à l'article 1er, moyennant une contrepartie financière d'un montant de 26 millions de francs français, soit 3 963 674 euros.

Article 3

    Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie formalisent, dans le délai de six mois précité, leurs engagements par la conclusion d'un contrat de vente.
    Un premier versement d'un montant de 10 millions de francs français, soit 1 524 490 euros, est effectué dès la conclusion du contrat de vente. Le solde de 16 millions de francs français, soit 2 439 184 euros, est acquitté dans un délai d'un an à compter du premier jour de l'année civile suivant le jour d'entrée en vigueur du présent accord.

Article 4

    Chacun des gouvernements notifie à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises en ce qui le concerne pour l'entrée en vigueur du présent accord, qui prend effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la seconde notification.
    En foi de quoi, les représentants des deux gouvernements, dûment autorisés à cet effet, ont signé le présent accord et y ont apposé leur sceau.
    Fait à Paris, le 13 décembre 2001, en deux exemplaires en langues française et lettone, les deux textes faisant également foi.

Pour le Gouvernement
de la République française :
Hubert  Védrine,
Ministre
des affaires étrangères

Pour le Gouvernement
de la République de Lettonie :
Indulis  Berzins,
Ministre
des affaires étrangères

N° 150 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lettonie relatif au statut de l'immeuble de la légation de la République de Lettonie à Paris


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