N° 2352 - Projet de loi relatif aux concessions d'aménagement




Document

mis en distribution

le 7 juin 2005

N° 2352

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 juin 2005.

PROJET DE LOI

relatif aux concessions d'aménagement,

(Renvoyé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus

par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

AU NOM DE M. DOMINIQUE DE VILLEPIN,

Premier ministre,

PAR M. DOMINIQUE PERBEN,

ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L'évolution du droit européen impose de reconsidérer les conditions dans lesquelles les conventions d'aménagement sont contractées par les collectivités publiques.

Le code de l'urbanisme n'organise aujourd'hui aucune procédure de publicité et de concurrence préalable à la passation de ces conventions. Or la Cour de justice des communautés européennes, par une décision en date du 7 décembre 2000 (Affaire C-324/98 Telaustria), a considéré que nonobstant le fait que certains contrats sont exclus du champ d'application des directives sur la passation des marchés, « les entités adjudicatrices les concluant sont, néanmoins, tenues de respecter les règles fondamentales du traité en général et le principe de non discrimination en raison de la nationalité en particulier, ce principe impliquant, notamment, une obligation de transparence qui permet aux pouvoirs adjudicateurs de s'assurer que ledit principe est respecté. Cette obligation de transparence qui incombe aux pouvoirs adjudicateurs consiste à garantir, en faveur de tout soumissionnaire potentiel, un degré de publicité adéquat permettant une ouverture du marché des services à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication ». La Cour administrative d'appel de Bordeaux a ainsi considéré que le droit interne était incompatible, sur la question de la dévolution des conventions publiques d'aménagement, avec le droit européen et a annulé une convention publique d'aménagement par un jugement du 9 novembre 2004 pour non respect des principes de publicité et de concurrence (Affaire SODEGIS).

La Commission européenne avait adressé à la France, le 5 février 2004, un avis motivé contestant la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions du code de l'urbanisme relatives aux conditions et aux modalités d'octroi régissant les conventions d'aménagement. Le Gouvernement a procédé, dans le cadre d'une large concertation avec les professionnels concernés, à une analyse détaillée des problèmes posés par les différentes conventions d'aménagement, leur mode d'attribution, ainsi que par la passation de contrats de travaux et d'études dans le cadre de ces conventions.

Il apparaît en premier lieu que la disposition du code de l'urbanisme qui réserve la signature des conventions publiques d'aménagement aux sociétés d'économie mixte locales et aux établissements publics d'aménagement, qui datent de la reconstruction et de la réalisation des grands aménagements publics dans les années 1960 et 1970, ne correspond plus aux impératifs du Traité, qui garantit la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et impose aux pouvoirs adjudicateurs de respecter des principes de non discrimination et d'égalité de traitement.

Il est donc proposé d'abroger cette disposition, de supprimer la distinction entre les conventions d'aménagement dites publiques et les conventions ordinaires, qui n'est pas conforme aux principes définis par les traités et de revenir à la dénomination de « concession d'aménagement », utilisée avant la réforme de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme opérée par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

L'article 1er du présent projet de loi modifie l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme pour préciser que la concession d'aménagement peut être conclue avec toute personne publique ou privée et que les concessions sont conclues en respectant des procédures de publicité et de concurrence qui seront définies par un décret en Conseil d'Etat.

L'article 2 modifie en conséquence l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme. Il définit le contenu minimal des concessions d'aménagement, prévoit que le concédant peut, quel que soit le statut juridique du concessionnaire, apporter une participation financière à l'opération, et précise les conditions dans lesquelles, lorsqu'une telle participation est prévue, le concédant exerce un contrôle particulier des comptes du concessionnaire.

L'article 3 insère deux articles nouveaux dans le code de l'urbanisme : un article L. 300-5-1 qui prévoit que les marchés conclus par le concessionnaire pour la réalisation de l'opération d'aménagement devront faire l'objet d'une procédure spécifique de transparence et de concurrence, lorsque le concessionnaire n'est soumis ni au code des marchés publics ni à la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures des marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence ; un article L. 300-5-2 qui précise que le concédant n'est pas tenu de procéder à une procédure de mise en concurrence lorsqu'il conclut une concession avec un aménageur sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu'il exerce sur ses propres services.

L'article 4 modifie en conséquence l'article L. 311-5 relatif à l'aménagement des zones d'aménagement concerté, pour tenir compte du nouveau régime de concession d'aménagement et pour préciser, afin d'éviter toute ambiguïté, les conditions dans lesquelles le concédant et le concessionnaire de l'aménagement d'une zone d'aménagement concerté peuvent conclure des conventions avec les propriétaires de terrains situés dans la zone.

L'article 5 modifie par coordination les articles L. 212-2 et L. 213-3 du code de l'urbanisme, relatifs aux zones d'aménagement différé et au droit de préemption urbain.

L'article 6 modifie les articles L. 1523-2, L. 1523-3 et L. 1523-4 du code général des collectivités territoriales, relatifs aux sociétés d'économie mixte, pour tenir compte des modifications apportées au code de l'urbanisme.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif aux concessions d'aménagement, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté à l'Assemblée nationale par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui est chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

L'article L. 300-4 du code de l'urbanisme est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 300-4.- L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne y ayant vocation.

« L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat.

« Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession ainsi que la réalisation des études nécessaires. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession. »

Article 2

L'article L. 300-5 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« I.- Le traité de concession d'aménagement précise les obligations de chacune des parties, notamment :

« 1º L'objet du contrat, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé, ou modifié ;

« 2º Les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par le concédant, ainsi que, éventuellement, les conditions et les modalités d'indemnisation du concessionnaire.

« II.- Lorsque le concédant décide de participer au financement de l'opération, le traité de concession précise en outre, à peine de nullité : » ;

2° Au 3° du nouveau II, les mots : « exercé par la collectivité ou le groupement contractant ; à cet effet, la société » sont remplacés par les mots : « exercé par le concédant ; à cet effet, le concessionnaire » ;

3° Au a du même 3°, les mots : « la convention » sont remplacés par les mots : « la concession » ;

4° Le huitième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« L'ensemble de ces documents est soumis à l'examen de l'organe délibérant du concédant ou à l'autorité administrative lorsque le concédant est l'Etat. Le concédant a le droit de contrôler les renseignements fournis, ses agents accrédités pouvant se faire représenter toutes pièces de comptabilité nécessaires à leur vérification. Si le concédant est une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dès la communication de ces documents et, le cas échéant, après les résultats du contrôle diligenté par le concédant, leur examen est mis à l'ordre du jour de la plus prochaine réunion de l'organe délibérant, qui se prononce par un vote. » ;

5° Le neuvième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« La participation mentionnée aux trois premiers alinéas du II du présent article est approuvée par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat. Toute révision de cette participation doit faire l'objet d'un avenant à la convention, approuvé par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat. » ;

6° Le dernier alinéa est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

«  III- L'opération d'aménagement peut bénéficier, avec l'accord préalable du concédant, de subventions versées par l'Etat, des collectivités territoriales et leurs groupements ou des établissements publics. Dans ce cas, le traité de concession est soumis aux dispositions du II de l'article L. 300-5, même si le concédant ne participe pas au financement de l'opération. Le concessionnaire devra également rendre compte de l'utilisation des subventions reçues aux personnes publiques qui les ont allouées. »

Article 3

Après l'article L. 300-5 du code de l'urbanisme, sont ajoutés deux articles ainsi rédigés :

« Art. L. 300-5-1.- Lorsque le concessionnaire n'est pas soumis au code des marchés publics ou aux dispositions de la loi n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence, les contrats d'études, de maîtrise d'œuvre et de travaux conclus par lui pour l'exécution de la concession sont soumis à une procédure de publicité et de mise en concurrence définie par décret en Conseil d'Etat.

« Art. L. 300-5-2.- Les dispositions de l'article L. 300-5 ne sont pas applicables aux concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent. »

Article 4

A l'article L. 311-5 du code de l'urbanisme, le mot : « confiés » est remplacé par le mot : « concédés » et les mots : «  à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte ou une personne publique ou privée » sont supprimés.

Cet article est complété par l'alinéa suivant :

« Lorsque le concédant ou le concessionnaire conclut avec des propriétaires de terrains situés à l'intérieur de la zone une convention définissant les conditions dans lesquelles ces propriétaires participent à l'aménagement, cette convention est distincte de la convention de participation financière prévue par le dernier alinéa de l'article L. 311-4. »

Article 5

1° Au premier alinéa de l'article L. 212-2 du code de l'urbanisme, les mots : « soit à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une convention publique d'aménagement » sont remplacés par les mots : « soit au concessionnaire d'une opération d'aménagement » ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 213-3 du code de l'urbanisme, les mots : « ou à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une concession d'aménagement » sont remplacés par les mots : « ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement ».

Article 6

I.- L'article L. 1523-2 du code général des collectivités territoriales est modifié comme suit :

1° Au premier alinéa, les mots : « convention publique d'aménagement » sont remplacés par les mots : « concession d'aménagement » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « la collectivité, le groupement ou la personne publique contractant » sont remplacés par les mots : « le concédant » et les mots : «  la société » par les mots : « le concessionnaire » ;

3° Au quatrième alinéa, les mots : « de la collectivité territoriale, du groupement ou de la personne publique » sont remplacés par les mots : « du concédant » et les mots : « la personne contractante » par les mots : « le concédant » ;

4° Au cinquième alinéa, les mots : « la personne publique contractante » sont remplacés par les mots : « le concédant » et les mots : « l'organe délibérant de la personne publique contractante » sont remplacés par les mots : « l'organe délibérant du concédant » ;

5° Au septième alinéa, les mots : « du contrat » sont remplacés par les mots : « du traité de concession » ;

6° Au huitième alinéa, les mots : « la convention » sont remplacés par les mots : « le traité de concession » et la dernière phrase est remplacée par la phrase suivante : « Un accord spécifique est conclu entre le concédant et la collectivité qui accorde la subvention ».

II.- A l'article L. 1523-3 du même code, les mots : « convention publique d'aménagement prévue au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme » sont remplacés par les mots : « concession d'aménagement prévue à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme » et les mots : « la convention est établie conformément aux dispositions de l'article L. 300-5 du même code » sont remplacés par les mots : « le traité de concession est établi conformément aux dispositions des articles L. 300-4 à L. 300-5-2 du même code ».

III.- L'article L. 1523-4 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « les conventions », sont remplacés par les mots : « les concessions » ;

2° Au second alinéa, les mots : « la convention », sont remplacés par les mots : « la concession ».

Fait à Paris, le 3 juin 2005.

Signé : DOMINIQUE DE VILLEPIN

Par le premier ministre :

Le ministre des transports, de l'équipement,

du tourisme et de la mer,

Signé : DOMINIQUE PERBEN

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N° 2352 - Projet de loi relatif aux concessions d'aménagement


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