N° 28
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juillet 2002. PROPOSITION DE RÉSOLUTION
sur les propositions de règlements du Conseil n° E-2039 relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources
halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (COM [2002] 185 final); n° E-2040 modifiant le règlement (CE) n° 2792/1999 définissant les
modalités et conditions des actions structurelles de la Communauté dans le secteur de la pêche (COM [2002] 187 final); n° E-2041 relatif à
l'établissement d'une mesure d'urgence communautaire pour la démolition des navires de pêche (COM [2002] 190 final).
(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les
articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par MM. François LIBERTI, Daniel PAUL, Michel VAXÈS, Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George
BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE, Mmes Muguette
JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, Jean-Claude SANDRIER (1).
Députés.
(1) Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.
Aquaculture et pêche professionnelle.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Commission européenne vient de faire connaître un nouveau projet de réforme de la politique commune de la pêche. C'est le cinquième en une quinzaine d'années.
Le c_ur du dispositif reste le même : réduire la flottille au motif que les ressources seraient en danger. Pourtant, l'expérience prouve que cette orientation s'est, à
ce jour, révélée inopérante. Au lieu de persévérer dans cette voie, on aurait pu attendre de la Commission qu'elle procède à une évaluation critique de sa politique et
qu'elle propose des solutions innovantes. C'est au contraire une fuite en avant, allant jusqu'à envisager pour l'avenir que le processus échappe aux décisions politiques
du conseil des ministres de la pêche.
Cette fois la réduction préconisée est brutale et drastique. C'est la casse de la flottille à hauteur de 40 % de sa capacité de pêche, entraînant la suppression de
28000 emplois directs. C'est l'interdiction de vente des navires en vue de leur réemploi, même hors du champ d'intervention de l'Union européenne. C'est aussi la
suppression des aides à la construction de nouvelles unités. Avec ces propositions on assisterait au vieillissement de la flotte et au renchérissement du marché des
bateaux d'occasion subsistants. Ce serait l'impossibilité d'améliorer la sécurité pour un métier particulièrement dangereux car, dans ce domaine, la modernisation de
l'existant ne peut être comparée aux garanties apportées par des bâtiments de construction récente.
Si de telles propositions devaient être retenues ce serait la mise en péril d'une culture ancestrale.
Le montant des mesures compensatoires et d'accompagnement peut paraître important. Il est en réalité marginal quand on le rapporte au nombre d'emplois supprimés. En
toute état de cause, il n'y a pas là de projet d'avenir pour les populations victimes de cette politique.
Bien qu'il se prévale d'une approche scientifique le projet de la Commission se dérobe devant les ravages causés par la pêche minotière qui prélève sur la ressource des
quantités énormes pour d'autres besoins que la consommation humaine. Il ne traite pas non plus des atteintes portées au milieu marin par d'autres activités, notamment de
caractère industriel. Il n'aborde pas la mainmise des grands groupes de la distribution qui, par l'aval, tiennent les clefs du marché. Sous leur pression tend à se
constituer une filière intégrée dictant le niveau des prix à la consommation, tirant vers le bas les prix au débarquement notamment sur les apports de la petite côtière
dont il faut rappeler qu'elle emploie 50 % des effectifs embarqués.
Pour toutes ces raisons, la France doit rejeter le projet de réforme de la politique commune de la pêche et s'appuyer sur les principes suivants afin de définir de
nouvelles règles, dans la mesure où celles-ci se révéleraient indispensables.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu les propositions de règlements du Conseil n° E-2039 relatif à la conservation et à l'exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique
commune de la pêche (COM [2002] 185 final); n° E-2040 modifiant le règlement (CE) n° 2792/1999 définissant les modalités et conditions des actions structurelles de la
Communauté dans le secteur de la pêche (COM [2002] 187 final); n° E-2041 relatif à l'établissement d'une mesure d'urgence communautaire pour la démolition des navires de
pêche (COM [2002] 190 final)
a adopté la résolution suivante :
Il faut cesser de présenter les marins-pêcheurs comme des prédateurs qui épuiseraient par leurs activités incontrôlées des ressources indispensables à l'alimentation
humaine. Comme le déclare le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins : «Acteurs, les professionnels font leur la notion de pêche responsable et
entendent bien participer à la gestion de leur activité. Ils sont, par ailleurs, favorables à un bon encadrement efficace et équitable de leur activité. Bénéficiaires,
les professionnels veulent une pêche durable et sont conscients que celle-ci ne peut l'être que si leurs pratiques sont, d'une part, respectueuses de l'environnement
dans lequel ils exercent leur activité et, d'autre part, compatibles avec leur environnement socio-économique.» C'est en nous inspirant de cet état d'esprit que nous
faisons les propositions suivantes.
La pratique des taux admissibles de captures (TAC) et des quotas doit rester le c_ur de la politique commune de la pêche. Ces règles doivent être observées par tous. Les
autorités publiques, tant au plan national que communautaire, doivent veiller à leur respect. La gestion de la politique commune de la pêche doit faire la plus large
place à l'exercice du principe de subsidiarité. Elle doit se faire dans la transparence et maintenir un contrôle démocratique sur les décisions essentielles pour
l'avenir de ce secteur.
Le régime des aides à la pêche doit être maintenu afin d'assurer le renouvellement de la flotte. Quand des reconversions sont nécessaires, les solutions proposées
doivent prendre en compte toutes les dimensions du problème, notamment celle de la formation. La pêche côtière artisanale doit bénéficier d'une protection particulière.
Les mesures prises par les instances professionnelles, spécifiques à chaque façade maritime, favorables à la gestion de la ressource, doivent être reconnues.
La pêche minotière doit être interdite et faire l'objet d'un plan pluriannuel d'extinction aboutissant à sa disparition sous un délai de cinq années.
L'approche scientifique de l'évolution des stocks doit intégrer l'appréciation des dommages causés par les autres activités humaines, notamment celles de caractère
industriel. Les rejets et les prélèvements néfastes au milieu naturel feront l'objet de plans en vue de leur diminution progressive et de leur disparition complète avant
dix ans.
Il est indispensable d'accorder à la recherche scientifique davantage de moyens et d'y faire coopérer les représentants des marins-pêcheurs en les associant de bout en
bout à leur travail. Cette démarche devra intégrer pleinement les sciences humaines et les dimensions territoriales des activités liées à la pêche. Des bilans
périodiques seront faits avec l'ensemble des professionnels sur l'état des stocks, l'évolution des espèces et sur les avancées scientifiques.
Enfin des moyens supplémentaires devront être accordés pour améliorer l'outil de travail, notamment pour le rendre plus sûr, et pour réduire le temps de travail à la
pêche.
N° 0028 - Proposition de résolution sur la conservation et
l'exploitation des fonds marins (M. François Liberti)
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