No 120 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002. PROPOSITION DE LOI visant à limiter les charges énergétiques
dans les immeubles collectifs à usage d'habitation. (Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par M. Yves COCHET, Mme Martine BILLARD
et M. NoËl MAMÈRE, Députés. Logement. EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, Les conséquences pour les particuliers des choix faits en matière énergétique lors de la construction de logements, notamment sociaux, sont de plus en plus préoccupantes. La montée de l'exclusion dans de nombreuses communes, l'augmentation du nombre de chômeurs et des bénéficiaires du RMI mettent en évidence la précarité économique croissante de trop nombreuses familles. Dès lors, le poids de la facture énergétique dans le budget des ménages ne peut être négligé. En effet, malgré l'effondrement du prix du pétrole et du gaz ces dernières années et la relative maîtrise du prix de l'électricité, les dépenses énergétiques peuvent représenter annuellement jusqu'à deux mois de ressources des familles les plus défavorisées. Des millions de lettres de relance pour retard de paiement sont ainsi envoyés chaque année par les grands distributeurs d'énergie. Dans un quart des cas, des préavis de coupure sont émis. Des considérations économiques de court terme ont jusqu'à présent conduit les maîtres d'ouvrage à privilégier le «tout électrique», solution la moins chère en investissement, mais indéniablement la plus coûteuse à l'usage, même si le logement est bien isolé. Le rapport SYROTA de la DGEMP (Direction générale de l'énergie et des matières premières) confirme dès 1988 la particularité française de développement du chauffage électrique. Même si aujourd'hui la primauté du chauffage électrique est un peu moins nette, sa proportion dans les logements reste importante, alors qu'il est très peu répandu dans la plupart des pays comparables à la France. Le chauffage central à eau chaude, quel que soit son mode de fourniture d'énergie, est plus coûteux à l'investissement mais beaucoup moins cher à l'exploitation. La solution de «tout électrique» pénalise alors doublement le locataire car, d'une part, le couple «loyer + charges» se retrouve plus élevé, et, d'autre part, les APL (Aides personnalisées au logement) consécutives à la répercussion de la hausse des investissements dans le cas du choix du chauffage central à eau chaude sur les loyers ne sont pas obtenues. Si les distributeurs d'énergie ont malgré tout la possibilité d'être payés, il n'en est pas de même pour les offices HLM qui sont victimes de la non-solvabilité des occupants de leurs logements. En effet, devant les menaces de coupure de l'électricité, les factures énergétiques sont en partie prises en charge sur des fonds de précarité-pauvreté, l'autre partie étant payée par les habitants au détriment des loyers. Les solutions pour réduire fortement les dépenses énergétiques existent et, si elles sont étudiées rigoureusement, elles ne génèrent pas de surcoûts significatifs qui empêcheraient le financement des bâtiments, secteur du logement social compris. En effet, les expériences d'optimisation énergétique pour des logements HLM ont déjà été menées en France dans le Nord - Pas-de-Calais, en Côte-d'Or, dans les Hauts-de-Seine, dans la Drôme et l'Aude. D'une façon générale, on constate que pour les logements ainsi étudiés bénéficiant du label HPE (Haute performance énergétique), le loyer d'équilibre auquel les offices d'HLM doivent louer le logement pour couvrir l'ensemble des dépenses engagées (remboursement des emprunts, frais de gestion, provisions pour grosses réparations...) reste en dessous des valeurs plafonds. Les conséquences de l'opération sur le poids du logement dans le budget des ménages, en prenant en compte à la fois l'augmentation du loyer et l'économie induite de la facture énergétique, sont positives quelle que soit la situation du locataire. Ces solutions s'inscrivent dans une démarche globale, qui prend en compte le parti architectural des projets (orientation sud, aménagement de serres...), le choix d'une isolation renforcée, le choix d'un système de génération de chaleur performant (type d'énergie et choix thermique associé) et la recherche de toutes les dispositions qui permettront de faciliter les économies d'énergie par les usagers, notamment celles des usages spécifiques. Rappelons en effet que le coût des consommations d'électricité spécifique (services généraux compris) peut être supérieur à celui du chauffage dans le cas de logements neufs construits en France. Une optimisation de la facture énergétique peut ainsi être obtenue si l'on considère l'ensemble des usages sources de dépenses. L'optimisation engloberait les dépenses pour le chauffage, l'eau chaude, la cuisson, l'électroménager, les services généraux, les abonnements, la maintenance, les locations, etc. La détermination de ces valeurs se ferait selon une méthode qui sera publiée dans les décrets d'application et les arrêtés. Outre ces considérations d'ordre social, il n'est pas inutile de rappeler que ces baisses de charges sont le résultat d'une réduction des consommations énergétiques, donc des nuisances environnementales. Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante. PROPOSITION DE LOI Article 1er La part de l'énergie électrique fournie par le réseau de distribution publique dans la production de chaleur et d'eau chaude sanitaire destinées aux immeubles neufs collectifs à usage d'habitation ne peut excéder 40 %. Article 2 Après le troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l'urbanisme, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés : «I. - Pour les immeubles collectifs à usage d'habitation, le permis de construire ne peut être délivré que si la demande contient une étude comparative énergétique qui comportera obligatoirement une analyse technique et économique comparant au minimum trois scénarios énergétiques. «La proposition de différents scénarios pour la fourniture d'énergie à un bâtiment aura pour objectif de déterminer la capacité d'un logement à rendre possibles les économies d'énergie et donc les économies sur les factures des consommateurs. «Les maîtres d'ouvrage devront exiger de leurs prescripteurs notamment la prise en compte des solutions basées sur le raccordement sur des réseaux de chaleurs, de cogénération et le recours à une énergie renouvelable (bois, biogaz, solaire...), en privilégiant les solutions techniques qui permettront à tout moment de la phase de vie du bâtiment un changement de type d'énergie (conformément à la loi n°96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie). Le recours à une énergie locale (ordures ménagères, biogaz, géothermie, chaleur perdue, bois...) pourra alors être opéré en fonction des opportunités et du contexte local, et du prix des énergies. «II. - a) Pour établir les scénarios énergétiques, le maître d'ouvrage évaluera : «- l'amortissement des investissements; «- les dépenses d'énergie pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire; «- le coût des usages spécifiques de l'électricité (électroménager, éclairage...); «- le coût de l'énergie affecté aux services généraux et imputé aux locataires (ascenseurs...); «- les frais d'entretien, maintenance, location... «b) Il présentera une analyse en termes d'avantages et inconvénients en intégrant les aspects techniques, économiques, sociaux et environnementaux des solutions proposées.» Article 3 Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application de la présente loi, à savoir : - le cahier des charges type pour les études comparatives; - une procédure de formation des maîtres d'_uvre et prescripteurs; - une procédure d'audit et de contrôle par un organisme indépendant des études fournies au maître d'ouvrage.
N° 0120 - Proposition de loi sur la limitation des charges énergétiques dans
les immeubles collectifs (M. Yves Cochet)
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