N° 124 - Proposition de loi de M. Yves Cochet relative à l'implantation des antennes relais et à l'utilisation des appareils de téléphonie mobile




No 124
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002.
PROPOSITION DE LOI
relative à l'implantation des antennes relais
et à l'
utilisation des appareils de téléphonie mobile.
(Renvoyée à la commission de la production et des échanges, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par M. Yves COCHET,
Mme Martine BILLARD et M. NoËl MAMÈRE,
Députés.

Télécommunications.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Au cours des dernières années, la téléphonie mobile cellulaire a connu un développement considérable dans la quasi-totalité des pays industrialisés. Il y a peu de temps, objet coûteux et réservé à des activités professionnelles, le «portable» est aujourd'hui très largement répandu, y compris auprès des jeunes.
Avec cette utilisation par le grand public, sont apparus des éléments d'ordre médical, mais aussi des rumeurs sur des risques spécifiques qui seraient liés à un usage intensif de cet instrument de communication. Des articles de presse et des articles scientifiques font régulièrement état de données contradictoires, en soulignant cependant que des conséquences auraient été observées sur le système nerveux, voire sur une augmentation de la fréquence de certaines formes de cancer.
Sans chercher à donner foi aux positions les plus alarmistes, le groupe d'études Santé-environnement de l'Assemblée nationale a néanmoins estimé indispensable de réunir une conférence internationale le 19 juin 2000, afin de faire le point sur ces questions.
La question de la téléphonie mobile est une question complexe puisqu'elle lie à la fois les interrogations posées par l'implantation et la mise en service des antennes relais et l'utilisation des appareils de réception. L'explosion de l'utilisation des téléphones mobiles cellulaires induit pour les opérateurs de répondre à la demande de la couverture de l'ensemble du territoire français, de la continuité des appels et de l'accès rapide aux réseaux.
Aujourd'hui, la France compte quelque 35 millions d'utilisateurs et des dizaines de milliers d'antennes relais.
Conscient de ce double enjeu, les auteurs de la proposition de loi ont tenu à considérer dans sa globalité le problème de la téléphonie en France et des risques engendrés par son développement et son utilisation.
La loi du 2 février 1995 relative à la protection de l'environnement a inscrit pour la première fois en France le principe de précaution en rappelant qu'« en l'absence de certitude, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques du moment, la menace d'atteintes graves et irréversibles doit conduire à l'adoption de mesures proportionnées à un coût économiquement supportable».
Les diverses études scientifiques disponibles sur les effets des rayonnements émis par les antennes relais ne permettent pas d'apporter une réponse susceptible d'apaiser définitivement toutes les inquiétudes.
Au nom du principe de précaution, un certain consensus s'est établi pour que des dispositions législatives viennent préciser, dès à présent, des principes essentiels quant à l'information du public, les conditions d'implantation des antennes relais de téléphonie mobile.
Les études relatives aux conséquences biologiques des rayonnements électromagnétiques demeurent imprécises. Il est donc légitime de prendre certaines mesures préventives lorsque l'innocuité d'une technologie accessible au plus grand nombre n'est pas certaine.
Cette proposition de loi préconise des réformes dans des domaines aussi vastes que ceux de l'urbanisme ou de la santé.
En effet, l'absence d'encadrement des implantations des antennes relais de téléphonie mobile laisse dans l'incertitude juridique les responsables de collectivités locales et dans une certaine mesure les associations et les particuliers qui s'opposent à leur installation, les obligeant à utiliser des moyens juridiques divers. La multiplication des recours et sursis à exécution à l'égard des autorisations de travaux données par certaines communes tend à prouver la nécessité de créer un encadrement clair pour les opérateurs de téléphonie mobile.
Aujourd'hui, l'implantation des antennes n'est soumise qu'à l'appréciation esthétique de la Direction des Bâtiments de France.
La proposition de loi propose d'étendre les motifs d'appréciation et de donner aux collectivités locales, par une modification du code de l'urbanisme, la possibilité de refuser pour des motifs esthétiques, sanitaires et environnementaux ces installations. La conception de l'environnement qu'ont aujourd'hui les citoyens est large. Elle ne saurait s'arrêter à une simple nuisance «forte», mais elle inclut les notions de qualité de vie. Aussi, les opérateurs de téléphonie mobile doivent tenir compte de ces préoccupations, notamment en ce qui concerne la fréquence des ondes électromagnétiques, leur orientation (directe ou par réverbération), leur puissance ainsi que l'aspect esthétique général.
Compte tenu de l'évolution des technologies, le groupe d'études propose que les valeurs limites soient fixées par décret.
Enfin, cette proposition de loi doit permettre de protéger les particuliers, qu'ils soient locataires, propriétaires ou riverains, de l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile.
Ainsi, de nombreuses copropriétés sont sollicitées par des sociétés de téléphonie mobile pour concéder une partie de leur toit ou terrasses, voire de leur façade, afin d'installer des équipements de relais téléphoniques. Ces propositions sont l'occasion pour la copropriété de trouver une source de revenus qui baissera d'autant les charges des copropriétaires. Or, les contrats leur sont pour la plupart défavorables. Aussi, la présente proposition de loi vise à encadrer les baux afin de garantir aux propriétaires et aux locataires la prise en compte des risques auxquels ils sont soumis.
Il s'agit notamment de limiter les clauses exorbitantes telles que la durée des baux à trente ans, l'absence de signalisation précise des équipements.
D'autre part, la présente proposition de loi vise à encadrer les risques liés à l'utilisation des téléphones portables cellulaires.
Différentes enquêtes ont mis en évidence des troubles rapportés par les utilisateurs de téléphonie mobile. Ainsi, les conclusions du rapport du National Institute for Working Life suédois déterminent des symptômes généraux (maux de tête, difficultés de concentration, perte de mémoire, fatigue, troubles du sommeil).
Il ne s'agit pas d'interdire l'utilisation des appareils mais de faire figurer les mises en garde à l'image de la législation sur le tabac et sur l'alcool. Contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons où des précautions sont prises vis-à-vis de ces appareils, en France, le public et les médias s'en tiennent généralement à ce que disent les opérateurs qui assurent l'innocuité la plus totale de ce mode de communication.
C'est pourquoi il apparaît essentiel de protéger les consommateurs d'une utilisation massive et de les prévenir de l'absence de certitude scientifique sur le sujet par la publication d'un message obligatoire sur les notices d'utilisation et les emballages.
L'OMS s'est d'ailleurs saisie de ce dossier. Elle a chargé, en 1998, le Centre international de recherche contre le cancer de coordonner une vaste étude épidémiologique dans treize pays, dont la France. Les conclusions de ce travail scientifique ne pourront être connues qu'en 2003. Pour sa part, la France a lancé le programme de recherches COMOBIO, dont la durée est de deux ans.
Enfin, il convient de souligner qu'un groupe de travail interministériel sur les radiofréquences a été mis en place à la demande du Premier ministre. Afin de lever des interrogations essentielles, le recours à des experts indépendants des industries de la téléphonie mobile constitue la seule voie d'investigation crédible. Pour ce faire, les grandes institutions publiques de recherche doivent être mobilisées.
Telles sont les raisons pour lesquelles, Mesdames, Messieurs, nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
TITRE I
DISPOSITIONS VISANT A ENCADRER L'IMPLANTATION ET LES RISQUES
DES ANTENNES RELAIS

Article 1er

Le début du douzième alinéa (7°) de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
«fixer les emplacements réservés aux voies et aux ouvrages publics, aux implantations d'antennes relais de téléphonie mobile,»

Article 2

Des zones de protection excluant toute implantation d'antennes relais de téléphonie mobile à proximité des établissements scolaires, des crèches et des établissements hospitaliers et de retraite sont définis par décret. La notion de zones de protection pour les habitations sera également définie par décret.

Article 3

Les structures d'installation des antennes relais de téléphonie mobile doivent être constituées par des matériaux spécialement agréés par arrêté du secrétariat d'Etat à l'industrie afin d'éviter les phénomènes de résonances.

Article 4

La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 42 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est complété par les mots :
«l'implantation d'antennes relais de téléphonie mobile sur l'immeuble.»

Article 5

Les opérateurs, lors de la conclusion d'un bail, doivent fournir une expertise comportant une évaluation des risques, agréée par la direction générale de la santé. Ils doivent, sur la demande de leurs partenaires, organiser un débat d'experts contradictoire. La liste de ces experts est agréée par le ministère de la santé.
Le bail doit mentionner l'emplacement exact des équipements, leur description en annexe et doit être renouvelée lors de chaque modification.
La durée d'un bail est limitée à trois ans.
L'ensemble des propriétaires et des locataires doivent être informés au moins un mois à l'avance de la mise en fonctionnement des antennes relais de téléphonie mobile par courrier et par lettre.

Article 6

L'article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis est complété par l'alinéa suivant :
«Compte tenu des risques sanitaires, les locataires sont convoqués à l'assemblée générale des copropriétaires examinant l'installation d'antennes relais de téléphonie mobile. Leur voix est consultative.»

Article 7

Une expertise indépendante évaluant les dommages sanitaires et la dépréciation patrimoniale éventuelle doit être envoyée aux copropriétaires un an après la mise en service des antennes relais de téléphonie mobile.
Les opérateurs remettent, dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi dans les mêmes conditions, une expertise aux copropriétaires concernés par l'installation antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.

TITRE II
DISPOSITIONS VISANT A CONTRÔLER ET
A PRÉVENIR LES RISQUES DES TÉLÉPHONES PORTABLES

Article 8

Les publicités, notices d'utilisation et emballages relatifs à chaque modèle d'appareil de téléphonie mobile cellulaire doivent mentionner, selon des modalités précisées par des arrêtés ministériels, un message de caractère médical.

Article 9

Toute vente d'appareils de téléphonie mobile cellulaire neuf ou d'occasion doit donner lieu à la fourniture de dispositifs techniques permettant son utilisation sans contact direct de l'appareil avec la boîte crânienne et la face.

Article 10

Un décret fixe les modalités d'application de la présente loi. Il détermine notamment les distances d'éloignement prévues à l'article 1er ci-dessus.

Article 11

L'aggravation des charges de l'Etat et des collectivités locales qui pourrait résulter de la mise en _uvre des dispositions prévues ci-dessus est compensée par une augmentation, à due concurrence, des dotations globales de fonctionnement et générale de décentralisation, d'une part, et, d'autre part, des droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
 
N° 0124 - Proposition sur l'implantation des antennes relais et utilisation des appareils de téléphonie mobile (M. Yves Cochet)


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