N° 127 - Proposition de loi de M. Jean-Luc Préel visant à créer un Institut national de la Santé




N° 127
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 juillet 2002.
PROPOSITION DE LOI
visant à créer un Institut national de la santé.
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par M. Jean-Luc PRÉEL
et les membres du groupe UDF (1),

(1) Ce groupe est composé de : MM. Jean-Pierre Abelin, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Olivier Jarde, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, Jean-François Régère, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Gérard Vignoble.


Députés.


Santé.


EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Aujourd'hui, les dépenses d'assurance maladie dépassent les 100 milliards d'euros par an. L'évolution de cette masse financière donne lieu depuis vingt ans à des débats partisans sur son interprétation entre les différents acteurs du système (corps médical, assurance maladie, ministère des Affaires sociales).
L'opacité du système est telle que le Parlement, officiellement chargé de voter tous les ans le budget de l'assurance maladie pour l'année suivante, en est réduit à ne voter qu'un pourcentage d'augmentation global des dépenses (ONDAM) à partir des dépenses de l'année écoulée, réajustée par le ministère au gré de la conjoncture politique du moment.
Il va sans dire que face à ce système le Parlement ne peut jouer aucun rôle dans la définition d'une politique de la santé en France.
Les représentants du corps médical contestent par ailleurs les chiffres fournis par l'assurance maladie, une bataille de chiffres en découle sur l'origine et la responsabilité de la croissance des dépenses.
Autre constat accablant, les dérives sont constatées a posteriori et insuffisamment affinées pour mettre en _uvre un système de pilotage efficace comme devrait en disposer tout système économique de cette envergure au xxie siècle.
Afin de mieux gérer les dépenses, une première approche a été réalisée avec succès dans un passé récent :
- les RMO (références médicales opposables) avaient été initialisées il y a quelques années, afin de définir un code de bonnes conduites en pratique médicale;
- les conventions médicales avaient également pour objectifs d'adapter les besoins et les contraintes économiques; elles ont été de fait vidées de leur substance.
Une réactualisation de ces éléments appuyés sur un système de pilotage efficace est nécessaire.
L'absence de système d'informations partagé et reconnu est flagrante.
Comment mettre en place un système équivalent à celui qui existe dans le domaine économique et qui permettrait de rendre le système transparent, pilotable et surtout objectif pour tous les acteurs de notre système de santé?
L'absence d'un tel outil rend impossible actuellement la gestion efficace d'une politique de la santé qui mobilise plus de 100 milliards d'euros.
Nous proposons d'y remédier en créant un Institut national de la santé (INS) : tel est l'objet de cette proposition de loi.
Cette entité doit être :
- indépendante de tous les acteurs : ministère de la Santé, assurance maladie, représentants du corps médical, etc.;
- composée de techniciens experts en statistique, informatique et en médecine, chargés de définir puis de faire évoluer un système de références médicales objectives;
- chargée d'analyser toutes les données en provenance du terrain (codification des pathologies dans les cabinets médicaux, remboursement de l'assurance maladie, etc.);
- chargée de fournir à tous les partenaires les résultats et les méthodes de calcul ayant conduit aux résultats en temps réel. Le suivi du système devant être déclinable par région, par pathologie, par type de population, par praticien ou type de praticiens, etc.
Cette structure, composée d'experts indépendants, définirait en partenariat avec les acteurs du système la nomenclature des actes, les références médicales des pathologies et, surtout, serait responsable de la qualité de la collecte des informations en utilisant les nouvelles technologies en matière de réseaux de télécommunications afin de pouvoir fournir en permanence des chiffres actualisés.
En aucun cas, les experts chargés de gérer cette entité ne pourraient se prononcer sur la qualité des soins dont le rôle est dévolu à des organismes d'accréditations.
En aucun cas, cet organisme ne devra être partie prenante dans les décisions qui seront prises suite à l'analyse des chiffres produits par l'INS.
Enfin, pour se rapprocher du terrain, des antennes régionales chargées de l'analyse des informations de la région donneraient aux responsables locaux gestionnaires du système un outil de proximité permettant de suivre les politiques régionales.
En conclusion :
- il est nécessaire et urgent de sortir de l'opacité actuelle du suivi des dépenses de santé en France qui oblige les gouvernants à des mesures comptables et globales pour enrayer une croissance des dépenses non maîtrisée;
- le Parlement doit être en mesure de disposer de toutes les prérogatives que lui octroie la loi. Pour cela, il doit disposer d'un outil analytique objectif qui lui permette d'analyser la constitution des dépenses de santé et l'utilisation des ressources utilisées afin d'être en mesure de voter un budget conforme à des choix en matière de politique de la santé et non pas un budget global à partir de chiffres arbitraires (rebasage des dépenses);
- enfin, le Parlement doit pouvoir, comme tous les acteurs du système, suivre l'évolution en cours d'année des dépenses réalisées afin de participer à l'élaboration des mesures correctives qui, prises à temps, permettront de gérer efficacement un système cher au c_ur des Français;
- la résolution du conflit entre maîtrise médicale des dépenses de santé et maîtrise comptable des dépenses d'assurance maladie sera facilitée par les analyses objectives des chiffres fournis par cet institut :
· l'institut fournit un détail analytique des dépenses réalisées (qui dépense? pour quel usage?) sans aucun jugement de valeur sur le bien-fondé de la dépense,
· les acteurs du système déterminent les besoins prévisionnels de la population en matière de santé et proposent des solutions pour les années à venir,
· à partir du système mis en place par l'Institut national de la santé, le chiffrage des coûts par type de dépenses peut être réalisé pour les solutions envisagées;
- le Parlement, sur proposition du Gouvernement, peut alors exercer son rôle en faisant les choix concernant la politique de la santé souhaitée et le financement qui s'y rattache.
L'objet de cette proposition de loi est donc de créer cet Institut national de la santé.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er

Il est créé un Institut national de la santé.

Article 2

L'Institut est chargé de collecter toutes les informations utiles à la production d'indicateurs de pilotage tels qu'ils ont été arrêtés entre les acteurs du système de santé dans le cadre de la maîtrise médicalisée qui est mise en _uvre dans la politique de santé votée par le Parlement.

Article 3

Tous les acteurs impliqués du système de santé doivent fournir toutes les informations utiles et nécessaires.

Article 4

L'Institut national de la santé analyse les résultats et en diffuse les conclusions et résultats à tous les acteurs du système de santé habilités, définis par décret.

Article 5

L'Institut national de la santé est dirigé par un conseil d'administration dont la composition est définie par décret. Il comprend les représentants de tous les acteurs du système de santé.

Article 6

Dans chaque région, l'Institut national de la santé dispose d'une antenne régionale chargée de recueillir les données de la région, de les analyser et de les communiquer au conseil régional de santé.

Article 7

L'Institut peut dans le cadre d'accords contractualisés utiliser les moyens matériels et humains à disposition d'autres structures publiques telle que l'INSEE.

Article 8

L'Institut garantit la confidentialité des données transmises en concordance avec la législation relative à la loi informatique et libertés.

Article 9

L'aggravation des charges subie par l'Etat est compensée, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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N° 0127 - Proposition de loi visant à créer un Institut national de la santé (M. Jean-Luc Préel)


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