N° 219 - Proposition de loi de M. Philippe Douste-Blazy tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle




N° 219
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 septembre 2002.
PROPOSITION DE LOI

tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle.

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par MM. Philippe DOUSTE-BLAZY et Jean DIEBOLD,
Députés.

Sécurité publique.
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il y a un an, le 21 septembre 2001, notre pays était subitement confronté à l'une des plus graves catastrophes industrielles de son histoire : l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, qui laissait une ville entière dévastée et l'ensemble des ses habitants profondément choqués.
Outre le drame humain et son terrible bilan, cette explosion a mis en évidence les difficultés soulevées par le système actuel d'indemnisation lorsqu!il est confronté à un grand nombre de dommages qui appellent un traitement d'urgence.
En effet, en raison de mécanismes d'indemnisation trop longs et inadaptés à un sinistre d'une telle ampleur, des milliers de toulousains ont passé l'hiver dans des logements qui n'étaient pas remis en état. Cette situation n'est pas acceptable. Elle ne doit, en tout état de cause, jamais se reproduire, ici comme ailleurs.
C'est l'objectif poursuivi par la présente proposition de loi qui, à travers ses trois articles, vise à accélérer les procédures d'indemnisation et garantir une indemnisation rapide et complète des sinistrés (art. 1er), à permettre au préfet de prendre toute mesure d'urgence pour venir en aide aux victimes (art. 2) et, enfin, à remettre rapidement en état les bâtiments publics (art. 3).
L'article 1er vient donc insérer, dans le code des assurances, un nouveau chapitre relatif à l'assurance des risques de catastrophes industrielles.
Il s'agit d'abord d'assurer, en cas de sinistre industriel de grande ampleur, une indemnisation rapide et complète des dommages subis par les particuliers. L'état de catastrophe industrielle sera constaté par arrêté (art. L. 128-1).
Les biens dont la remise en état est la plus urgente étant, dans la très grande majorité des cas, couverts par une assurance dommage pour risques ordinaires, il est naturel de charger l'assureur dommage de l'indemnisation des particuliers en cas de catastrophe industrielle. L'assureur dommage indemnisera intégralement les victimes, c'est-à-dire qu'il assurera la remise en état des biens garantis sans application des éventuelles franchises et plafonds contractuels pour les risques ordinaires. Les particuliers victimes se trouveront ainsi complètement indemnisés, et déchargés du poids des recours contre le responsable pour la part des dommages qui ne serait pas couverte par les garanties ordinaires (art. L. 128-2).
En outre, pour permettre une indemnisation rapide du plus grand nombre de dommages, l'assureur dommage pourra intervenir dans des conditions d'expertise simplifiées, qui limiteront au maximum les démarches nécessaires auprès du responsable pour que les montants des indemnités versées lui soient opposables (art. L. 128-3).
Afin d'accélérer la remise en état des parties communes des copropriétés, une assemblée générale se réunira dans les deux semaines suivant l'accident et disposera de pouvoirs élargis pour décider de travaux de réparation (art. L. 128-4).
Les dommages aux habitations principales des particuliers non assurés pourront être indemnisés par l'assureur de leur choix, qui sera défrayé par un fonds de garantie des assureurs dans des conditions préalablement fixées (art. L. 128-5). Dans les deux cas, les assureurs dommages, comme le dispositif d'indemnisation, se retourneront contre le responsable, à qui incombe in fine la charge de la réparation du sinistre qu'il a provoqué.
Les articles L. 128-6 et L. 128-7 visent par ailleurs à inciter à la responsabilisation des chefs d'entreprise exploitant des installations à risque. Ces derniers devront procéder à une évaluation indépendante des risques qu'encourent leurs exploitations, et en publier les résultats ainsi que les dispositions qu'ils ont prises pour en assurer la prévention et organiser, le cas échéant, l'indemnisation des victimes.
L'article 2 prévoit, en cas de catastrophe industrielle, d'accorder au représentant de l'Etat dans le département tout pouvoir pour prendre les mesures nécessaires à la protection des personnes et des biens, au relogement des sinistrés, à la mise en place de l'aide d'urgence et à l'organisation des secours.
Enfin, l'article 3 vise, en cas de sinistre d'une gravité exceptionnelle relevant de l'état de catastrophe industrielle, à accélérer le déblaiement et la réparation des bâtiments publics, en mettant en place des procédures dérogatoires aux règles des marchés publics.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le titre II du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« L'assurance des risques de catastrophes industrielles
« Art. L. 128-1. - En cas de survenance d'un accident industriel endommageant un grand nombre d'habitations, l'état de catastrophe industrielle est constaté par arrêté interministériel.
« Cet arrêté précise les zones et la période des dommages auxquels sont applicables les dispositions du présent chapitre.
« Un décret en conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
« Art. L. 128-2. - Les contrats d'assurance souscrits par toute personne physique en dehors de son activité professionnelle et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré pour les dommages résultant des catastrophes industrielles affectant les biens faisant l'objet de ces contrats.
« Cette garantie s'applique également aux contrats souscrits par ou pour le compte des syndicats de copropriété, et garantissant les dommages aux parties communes des immeubles d'habitation possédés en copropriété.
« Cette garantie couvre la réparation intégrale des biens endommagés.
« Art. L. 128-3. - L'entreprise d'assurance intervenant au titre de l'article L. 128-2 est subrogée dans les droits des assurés indemnisés.
« L'arrêté visé à l'article L. 128-1 peut fixer des conditions dans lesquelles les montants des indemnités versées par les entreprises d'assurance en application de l'article L. 128-2 sont réputés opposables aux responsables de la catastrophe.
« Art. L. 128-4. - En cas de catastrophe industrielle, le syndic d'un immeuble géré en copropriété dont les parties communes sont endommagées convoque sans délai l'assemblée générale des copropriétaires.
« Cette réunion se tient dans les deux semaines suivant la catastrophe ; les décisions visant à autoriser le syndic à engager des travaux de remise en état sont prises à la majorité des copropriétaires présents ou représentés.
« Art. L. 128-5. - Toute personne physique dont l'habitation principale est endommagée par une catastrophe industrielle sans être couverte par un contrat visé à l'article L. 128-2 peut, pour être indemnisée par un fonds de garantie auquel adhère toute entreprise d'assurance visée à l'article L. 310-2 et couvrant les risques visés au 8° de l'article R 321-1, s'adresser à l'une de ces entreprises.
« Cette entreprise indemnise les dommages immobiliers causés par la catastrophe industrielle et rendant la résidence principale impropre à l'habitation, dans les conditions indiquées par l'article L. 128-2, pour le compte du fonds et dans la limite de ses disponibilités.
« Le fonds est subrogé dans les droits de la victime.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.
« Art. L. 128-6. - Toute entreprise est tenue de faire procéder à une évaluation des dommages potentiels aux tiers en cas d'accident survenant dans les sites visés par la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses qu'elle exploite.
« Cette étude est conduite chaque année par un expert agréé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 128-7. - Pour les entreprises concernées par l'article L. 128-6, le rapport visé à l'article L. 225-102 du code du commerce comporte des informations relatives à :
« - l'évaluation visée à l'article L. 128-6 ;
« - la politique de prévention du risque d'accident industriel menée par l'entreprise ;
« - la capacité de l'entreprise à couvrir sa responsabilité civile vis-à-vis des biens et des personnes du fait de l'exploitation de sites visés par la directive 96/82/CE du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses ;
« - les moyens prévus par l'entreprise pour assurer l'indemnisation des victimes en cas d'accident industriel engageant sa responsabilité. »
Article 2
L'état de catastrophe industrielle permet au représentant de l'Etat dans le département de prendre toute mesure nécessaire à la protection des personnes et des biens, au relogement des sinistrés, à la mise en place d'aides d'urgence, à l'organisation des secours. Il peut, dans ce cadre, procéder à toute réquisition utile.
Les modalités d'application de cet article sont fixées par décret.
Article 3
L'article 3 du nouveau code des marchés publics est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 12° Aux contrats relatifs à des fournitures, des travaux ou des services conclus sous l'autorité du représentant de l'Etat pour faire face à des situations d'urgence relevant de l'état de catastrophe industrielle. »
Article 4
Les charges résultant éventuellement pour l'Etat de l'application de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
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219 - Proposition de loi de M. Philippe Douste-Blazy tendant à garantir l'indemnisation des victimes et accélérer les procédures relatives aux marchés publics en cas de catastrophe industrielle.


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