N° 294 - Proposition de loi de M. Michel Bouvard



Document

mis en distribution

le 10 mai 2007


N° 294

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2002.

PROPOSITION DE LOI

prescrivant la forme authentique des actes de cessions de droits sociaux de sociétés civiles à prépondérance immobilière,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Michel BOUVARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La France poursuit depuis plus de dix ans une lutte contre les mouvements de capitaux provenant du trafic de stupéfiants ou d’activités criminelles.

La loi du 2 juillet 1998 a imposé une obligation de déclaration à TRACFIN, fondée sur le soupçon, aux personnes qui réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations immobilières.

Les notaires y sont soumis, toute vente immobilière exigeant la forme authentique.

Lorsque l’immeuble est détenu par une société de personnes, et spécialement par une société civile, son transfert s’opère par le biais de la cession des droits sociaux, presque toujours par acte sous seing privé, sans intervention ni contrôle d’un officier public.

La forme sous seing privé permet ici diverses fraudes, souvent dénoncées, et qui facilitent le blanchiment : « délocalisation » de l’acte et de sa signature, signatures de cession en blanc, cessions à des sociétés fictives.

Les sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978, quoique soumises à la réglementation résultant de la loi du 4 janvier 1978, peuvent, tout en conservant leur personnalité morale, ne pas se faire immatriculer. Elles échappent ainsi à toute formalité de publicité, du moins aussi longtemps que le ministère public, ou tout intéressé, ne les met pas en demeure de le faire. On estime à plus de 300 000 le nombre de sociétés civiles dans ce cas.

La société civile est ainsi, selon l’expression de TRACFIN, « une machine à laver l’argent sale ».

La forme authentique, dans les pays voisins du nôtre, membres également de l’Union européenne, est généralement imposée pour le contrôle et la régularité des opérations en matière de sociétés.

La loi italienne de 1993, dont l’objectif est la recherche de la transparence en matière de transferts sociaux et de biens immobiliers pour lutter contre la criminalité organisée, exige l’acte notarié ou l’authentification notariale.

Ainsi, pour lutter efficacement en France contre le blanchiment en matière de sociétés immobilières de personnes, il convient que les opérations les concernant soient établies dans la plus grande transparence possible.

L’obligation de déclarations à TRACFIN et au procureur de la République consécutives à l’établissement d’un acte authentique répondrait à cette préoccupation. En outre, les actes concernés pourraient mentionner l’origine des fonds servant au financement de l’opération.

S’agissant de la cession des droits sociaux, le contrôle par la forme authentique ne saurait être limité aux sociétés dont l’actif est exclusivement composé de biens immobiliers. Il suffirait, en effet, d’introduire un élément mobilier dans le capital pour échapper aux exigences de la loi.

La notion de société à prépondérance immobilière doit être le critère de référence. On le rencontre en droit fiscal, notamment aux articles 150 A bis et 726 du code général des impôts.

Dans son introduction 7-A-1-99 du 1er juin 1999 (loi n° 107 du 9 juin 1999), la direction générale des impôts a précisé comme suit la notion :

« Sont à prépondérance immobilière les personnes morales, non cotées en bourse, françaises ou étrangères, dont l’actif brut total est constitué pour plus de la moitié d’immeubles ou de droits immobiliers sis en France, ou de participation dans des personnes morales non cotées en bourse, françaises ou étrangères, elles-mêmes à prépondérance immobilière. »

Un contrôle de cessions de droits sociaux doit être envisagé prioritairement pour les sociétés civiles, domaine où la publicité n’est pas complètement organisée et où les capitaux d’origine douteuse cherchent à se placer.

L’exigence de forme pourra s’appliquer sans difficulté aux cessions de droits sociaux de sociétés françaises et étrangères détentrices directement de biens immobiliers situés en France.

Pour les sociétés de « participation », dans les sociétés qui précèdent, l’efficacité commande de s’en tenir aux sociétés françaises.

L’enjeu est la protection de l’ordre public, économique et juridique, mais aussi social et politique, étant donné la dimension internationale de l’activité des organisations criminelles ou mafieuses. Les porteurs de parts de SCI doivent être aussi avertis et protégés contre les dangers d’offres d’achat trop alléchantes, masquant une opération de blanchiment.

L’authenticité répond à cet objectif d’intérêt général en introduisant le contrôle de l’État par l’intermédiaire d’un officier public sur ces opérations. La nullité doit en être le corollaire indispensable. L’inopposabilité aux tiers serait en effet inadaptée, car elle laisserait aux contrats leur efficacité entre les parties, alors qu’il s’agit précisément de lutter contre la clandestinité de tels contrats.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article 1861 du code civil, il est inséré un article 1861-1 ainsi rédigé :

« Art. 1861-1. – Doivent être établies par acte authentique les cessions de droits sociaux des sociétés françaises ou étrangères, de forme non commerciale, dont l’actif brut total est constitué, pour plus de la moitié, d’immeubles ou de droits immobiliers situés en France, et les cessions de droits sociaux de sociétés françaises de forme non commerciale dont l’actif brut total est constitué pour plus de la moitié de participations dans une ou plusieurs de ces sociétés.

« À défaut d’être passées par acte authentique, les cessions de droits sociaux visées au présent article sont frappées de nullité. »


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