N° 316 - Proposition de loi de M. Pierre Albertini tendant à la suppression du régime d'exception applicable à Paris en matière de pouvoirs de police




N° 316
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 octobre 2002.

PROPOSITION DE LOI
tendant à la suppression du régime d'exception applicable
à
Paris en matière de pouvoirs de police.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Pierre ALBERTINI, Jean-Louis BERNARD, Jean DIONIS du SÉJOUR, Daniel FIDELIN, Mme Cécile GALLEZ, MM. Olivier JARDÉ, Christian KERT, Jean-Christophe LAGARDE, Daniel MACH, Pierre MICAUX, Jean PRORIOL et Jacques REMILLER,

Députés.

Police.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 75-1331 du 31 décembre 1975 qui a modifié l'organisation de Paris en instituant un conseil et un maire élus visait à aligner le statut de la capitale sur le droit commun de l'administration communale. Mais cette évolution fut partielle : le maintien d'un régime dérogatoire concernant les pouvoirs de police dans la capitale fut à l'occasion réaffirmé. Chacun sait les arguments développés à l'appui de cette singularité. Le passé révolutionnaire de Paris, sa démographie exceptionnelle, sa situation particulière de siège des pouvoirs publics ou des représentations diplomatiques expliquent - à défaut de la justifier - le maintien d'un texte vieux de quelque deux cents ans : l'arrêté de messidor an VIII qui a fixé l'exception parisienne. Cet arrêté avait vocation à préciser les attributions du préfet de police institué par la loi administrative du 28 pluviôse an VIII. Certes, nul ne contestera le principe que l'Etat assure par ses propres agents la sécurité des institutions de la République et celle des membres des représentations. En revanche, cette spécificité parisienne ne saurait légitimer que, deux siècles plus tard et quand bien même quelques attributions marginales ont été reconnues au maire de Paris, le champ des pouvoirs de police communale dévolus au préfet de police reste quasiment entier.
Ainsi, le mouvement communal dont l'amorce est bien antérieure aux lois sur la décentralisation ne bénéficie pas - au moins dans ce domaine - à Paris. Au moment où la gestion de proximité est tant vantée, ce n'est pas là l'un des moindres paradoxes que de priver le maire de Paris de moyens réglementaires tendant à en assurer l'exercice et à prémunir les Parisiens contre les risques, d'origine humaine ou naturelle, qui les menacent.
L'ordre public communal ne cesse d'évoluer pour mieux s'adapter aux évolutions de la société elle-même. Le maire, autorité de police communale partout ailleurs qu'à Paris, dispose ainsi d'une gamme de prérogatives faisant de lui un véritable protagoniste dans des domaines aussi variés que l'organisation de la circulation et du stationnement, la protection de l'environnement, de la tranquillité et de la sécurité publiques, pour ne citer que ceux-là.
Mais qu'en est-il d'une gestion de proximité au plus près des attentes des administrés si l'exercice des attributions reste confié à une administration d'Etat, assujettie hiérarchiquement à une autorité autre que celle du maire ? Si certains voient dans le préfet de police un exécutif spécialisé de la collectivité locale, c'est au regard de la responsabilité contentieuse de la ville de Paris qui se trouve engagée pour des actes qu'elle n'a pas décidés.
L'arrêté consulaire ne pouvait, à l'évidence, anticiper ce mouvement, ni vouloir en figer définitivement les acteurs. La lisibilité accrue émanant de la nouvelle organisation de la préfecture de police, distinguant plus nettement les services de police urbaine de proximité de ceux en charge de l'ordre public, constitue un argument en faveur d'une adaptation de Paris sur le cadre juridique des communes où la police est étatisée. L'abrogation d'une législation archaïque fournit non seulement au maire de Paris les moyens réglementaires pour définir et faire respecter les choix des Parisiens mais doit lui ouvrir également la faculté de se doter d'un corps d'agents de police municipale.
Il ne s'agit pas d'un « embryon de police locale », mais d'assurer, dans l'esprit et sous le contrôle de la loi n° 99-291 du 15 avril 1999, une complémentarité entre les missions des agents de police municipale et celles relevant de l'Etat. Le corps municipal constituera pour les Parisiens un véritable service chargé de l'application des arrêtés municipaux qui, par sa présence effective sur la voie publique, les rassurera et préviendra bien des atteintes à leur sûreté. Les obligations issues de la loi du 15 avril 1999 sont autant de garanties sur la coordination des interventions, sur le recrutement et la formation continue des agents territoriaux, assurément plus contraignantes que le recours aux adjoints de sécurité, censé compenser, mais bien insuffisamment, la diminution du nombre des fonctionnaires de police affectés dans la capitale.
A l'heure où le sentiment d'insécurité n'a jamais été aussi manifeste, nonobstant la réforme structurelle de la préfecture de police, conforté par une augmentation depuis ces dernières années des faits de délinquance, la réintégration de Paris dans le droit commun et l'opportunité de créer un corps de police municipale permettront une meilleure répartition des rôles : la police d'Etat se concentrera ainsi sur ses missions essentielles de maintien de l'ordre et de la sécurité publics. Il faut en effet noter que malgré certaines améliorations, les lois n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 et n° 2002-276 du 27 février 2002 n'ont pas sensiblement élargi le champ des compétences du maire de Paris dans le domaine de la sécurité.
Faut-il préciser qu'un autre argument plaide en faveur du retour de Paris dans le droit commun : la loi de programmation sur la sécurité intérieure qui prévoit la création de conseils locaux de sécurité et de prévention intérieure associe désormais les maires à la lutte contre l'insécurité. Dans ce cadre, les maires pourront, après appréciation du contexte local, mieux articuler les missions de leur police municipale avec celles effectuées par la police nationale et la gendarmerie. Quel sera le rôle dévolu au maire de Paris dans ce nouveau cadre législatif, lui qui ne dispose pas des moyens dont dispose l'ensemble des maires de France ?
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Les articles 2 à 40 de l'arrêté du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris sont abrogés.
Article 2
Le premier alinéa de l'article L. 2512-13 et le premier alinéa de l'article L. 2512-14 du code général des collectivités territoriales sont abrogés.
Article 3
Les articles L. 2214-3 et L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales sont applicables à Paris.
Article 4
Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités locales, de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

N° 0316 - Proposition de loi  sur la suppression du régime d'exception des pouvoirs de police à Paris -  (M. Pierre Albertini)


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