N° 318 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 octobre 2002. PROPOSITION DE LOI tendant à rendre conforme au droit international la législation relative aux courts séjours de caractère privé effectués par des étrangers en France. (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.) PRÉSENTÉE par MM. Jean ROATTA, Manuel AESCHLIMANN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean BESSON, Étienne BLANC, Roland BLUM, Victor BRIAL, Bernard BROCHAND, François CALVET, Antoine CARRÉ, Gérard CHERPION, Lucien DEGAUCHY, Olivier DASSAULT, Bernard DEFLESSELLES, Jean-Jacques DESCAMPS, Éric DIARD, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Jean-Michel FERRAND, Mme Arlette FRANCO, MM. Daniel GARD, Claude GATIGNOL, Franck GILARD, Bruno GILLES, Jean-Pierre GIRAN, Maurice GIRO, Jean-Pierre GRAND, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Claude GOASGUEN, François GROSDIDIER, Michel HEINRICH, Édouard JACQUE, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, MM. Aimé KERGUERIS, Christian KERT, Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Édouard LANDRAIN, Michel LEJEUNE, Pierre LELLOUCHE, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Alain MARTY, Jacques MASDEU-ARUS, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Jean MARSAUDON, Pierre MICAUX, Christian MÉNARD, Denis MERVILLE, Georges MOTHRON, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Pierre NICOLAS, Yves NICOLIN, Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Daniel PREVOST, Mme Josette PONS, MM. Didier QUENTIN, Éric RAOULT, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Frédéric de SAINT-SERNIN, Bernard SCHREINER, Guy TEISSIER, Michel TERROT, Dominique TIAN, Léon VACHET, Alain VENOT, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Gérard VOISIN et Michel ZUMKELLER, Députés. Etrangers.EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, L'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France définit la législation applicable pour tout type de séjour, sur le territoire de la République, effectué par une personne étrangère, c'est-à-dire, aux termes de l'article 1er de ladite ordonnance, d'une personne non titulaire de la nationalité française. Ainsi, en premier lieu, pour pouvoir pénétrer sur le territoire de la République, quelle que soit la durée de séjour envisagée, une personne d'origine étrangère doit impérativement être munie de certains documents accompagnés d'une autorisation d'accès. La liste des documents à soumettre aux autorités dépendant de l'objet de l'entrée sur le territoire. En effet, l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, dans sa rédaction tirée de la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981, dispose que : «Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : «1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur... «2° (Loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986) Sous réserve des conventions internationales, des documents prévus par décret en Conseil d'Etat et relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence et aux garanties de son rapatriement... «3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une». En second lieu, pour les séjours de personnes étrangères en France, l'article 9, alinéa 1er, de l'ordonnance, dans sa rédaction tirée de la loi n° 89-548 du 2 août 1989, précise que : «Les étrangers en séjour en France, âgés de plus de dix-huit ans, doivent être titulaires d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident...»; la carte de séjour se révélant être indispensable pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois aux termes de l'article 6 de l'ordonnance de 1945. L'étranger mineur pouvant bénéficier, en dispense de visa d'un document de circulation, au titre de l'article 1er du décret n° 99-179 du 10 mars 1999. En ce qui concerne la carte de séjour temporaire, l'article 11 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, dans sa rédaction tirée de la loi n° 84-622 du 17 juillet 1984, dispose, au sein de son premier alinéa, que : «La durée de validité de la carte de séjour temporaire ne peut être supérieure à un an et ne peut dépasser la durée de validité des documents et visas mentionnés à l'article 5 de la présente ordonnance.» et au sein de son second alinéa, que : «L'étranger doit quitter la France à l'expiration de la durée de sa carte à moins qu'il n'en obtienne le renouvellement ou qu'il ne lui soit délivré une carte de résident.» En ce qui concerne la carte de résident, l'article 14 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, dans sa rédaction tirée de la loi n° 84-622 du 17 juillet 1984, dispose, au sein de son premier alinéa, que : «Peuvent obtenir une carte dite "carte de résident" les étrangers qui justifient d'une résidence non interrompue, conforme aux lois et aux règlements en vigueur, d'au moins trois années en France.», au sein de son second alinéa, que : «La décision d'accorder ou de refuser la carte de résident est prise en tenant compte des moyens d'existence dont l'étranger peut faire état, parmi lesquels les conditions de son activité professionnelle et, le cas échéant, des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France.» et enfin, au sein de son troisième alinéa, que : «La carte de résident peut être refusée à tout étranger dont la présence constitue une menace pour l'ordre public.» Mais, en troisième lieu, pour réaliser l'encadrement juridique des séjours d'une durée inférieure à trois mois, le décret n° 82-442 du 27 mai 1982 a été pris pour l'application des articles 5 et 5-1 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en ce qui concerne l'admission sur le territoire français. Aux termes de l'article 1er du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, dans sa rédaction tirée du décret n° 87-645 du 30 juillet 1987, il est précisé que : «Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois est tenu de présenter, pour être admis sur le territoire français, outre les documents et visas mentionnés au 1° du premier alinéa de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, les documents mentionnés au 2° du même alinéa et définis aux articles 2 et 6 du présent décret». C'est-à-dire, en vertu des dispositions de l'article 2 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, dans sa rédaction tirée du décret n° 94-770 du 2 septembre 1994, que : «En fonction de ses déclarations sur les motifs de son voyage, l'étranger doit présenter selon les cas : «1. Pour un séjour touristique, tout document de nature à établir l'objet et les conditions de ce séjour, et notamment sa durée. «2.Pour un voyage professionnel, tout document apportant des précisions sur la profession ou sur la qualité du voyageur ainsi que sur les établissements ou organismes situés sur le territoire français par lesquels il est attendu. «3.(Décret n° 98-502 du 23 juin 1998) Pour une visite privée, une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par les accords internationaux auxquels la France est partie pour justifier des conditions de séjour dans le cadre d'une visite familiale ou privée. «4. Pour un séjour motivé par une hospitalisation, tout document justifiant qu'il satisfait aux conditions requises par l'article R. 716-9-1 du code de la santé publique pour l'admission dans les établissements publics d'hospitalisation, sauf dans le cas de malades ou blessés graves venant recevoir des soins en urgence dans un établissement sanitaire français». Ainsi, pour une visite privée d'une durée inférieure à trois mois en vertu des dispositions de l'article 2-1 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, dans sa rédaction tirée du décret n° 98-502 du 23 juin 1998, il est énoncé que : «L'attestation d'accueil demandée pour les séjours à caractère privé est conforme à un modèle défini par arrêté du ministre de l'Intérieur. Elle indique : « - L'identité du signataire et, s'il agit comme représentant d'une personne morale, sa qualité; « - L'adresse personnelle du signataire et le lieu d'accueil de l'étranger; « - L'identité et la nationalité de la personne accueillie; « - Les dates d'arrivée et de départ prévues. « L'identité et l'adresse personnelle du signataire ainsi que le lieu d'accueil prévu pour l'étranger, tels que figurant dans l'attestation d'accueil, sont certifiés par l'autorité publique compétente du lieu de résidence du signataire, soit le maire de la commune, soit à Paris Lyon et Marseille, le maire d'arrondissement, soit le commissaire de police, soit le commandant de brigade de gendarmerie départementale territorialement compétent. « Si l'attestation est souscrite par un ressortissant étranger, elle comporte l'indication du lieu, de la date de délivrance et de la durée de validité du titre de séjour du signataire. Celui-ci doit être obligatoirement titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de résident, d'un certificat de résidence, d'une carte de séjour de ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen ou d'un récépissé de demande de renouvellement d'un des titres de séjour précités, ou d'une carte diplomatique ou d'une carte spéciale délivrées par le ministre des affaires étrangères. « Si elle est souscrite par un Français, l'attestation d'accueil comporte l'indication du lieu et de la date de délivrance d'un document établissant l'identité et la nationalité de celui-ci. « Le signataire de l'attestation d'accueil doit se présenter personnellement devant les autorités précisées ci-dessus, muni d'un document d'identité ou de l'un des documents précités ainsi que d'un justificatif du lieu d'accueil et, le cas échéant, de la justification de sa qualité de représentant d'une personne morale. « La certification de l'attestation d'accueil ne peut être refusée qu'en l'absence de présentation par le signataire des pièces ci-dessus mentionnées. « Si l'autorité publique ayant certifié l'attestation d'accueil n'est pas le maire de la commune, elle adresse un copie de ce document à celui-ci pour information. « Les autorités visées au deuxième alinéa adressent au préfet un compte rendu trimestriel non nominatif indiquant, par nationalité des étrangers accueillis, le nombre d'attestations d'accueil certifiées.» Mais, il faut noter que, dans la circulaire n° INTD98001400, le ministère de l'Intérieur ajoute trois précisions à ce décret. Il admet, d'abord, que l'attestation comporte le numéro de titre de séjour si elle est souscrite par un étranger et celui de la CNI ou du passeport si elle est souscrite par un français, et que deux justificatifs du lieu d'accueil sont indispensables. En quatrième lieu, un étranger peut ne simplement pénétrer sur le territoire national que pour effectuer un transit en direction d'une autre destination; dans ce cas, selon l'article 3 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982 : «Lorsque l'entrée en France est motivée par un transit, l'étranger doit justifier qu'il satisfait aux conditions d'entrée dans le pays de destination». Mais dans tous les cas, en vertu des dispositions de l'article 3-1 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, dans sa rédaction tirée du décret n° 87-645 du 30 juillet 1987, «L'étranger sollicitant son admission en France peut justifier qu'il possède les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour, notamment par la présentation d'espèces, de chèques de voyage, de chèques certifiés, de cartes de paiement à usage international, de lettres de crédit.» Les justifications énumérées au premier alinéa du présent article sont appréciées compte tenu des déclarations de l'intéressé relatives à la durée et à l'objet de son séjour ainsi que des pièces produites à l'appui de ces déclarations et, le cas échéant, de la durée de validité du visa. De plus, les articles 4 à 6 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982 envisagent la question des documents relatifs aux garanties de rapatriement des étrangers qui entrent en France Toutefois, l'ensemble de ces dispositions se révèle être neutralisé si une convention internationale se trouve définir des normes dérogatoires à son application, puisqu'en vertu des dispositions de l'article 2 de l'Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 : «Les étrangers sont, en ce qui concerne leur entrée et leur séjour en France, soumis aux dispositions de la présente ordonnance, sous réserve des conventions internationales ou des lois et règlements spéciaux y apportant dérogation. Dès lors, tout étranger, dont le pays n'a pas conclu d'accord bilatéral ou multilatéral, avec la France, doit se voir appliquer les dispositions de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Par conséquent, également, en présence d'un traité international, bilatéral ou multilatéral, conclu entre deux ou plusieurs nations et traitant particulièrement des conditions d'accès et de séjour de leurs ressortissants sur le territoire du ou des cosignataires, en l'occurrence, en ce qui nous concerne pour l'accès et le séjour des ressortissants étrangers sur le territoire de la République, en application du principe constitutionnel de supériorité du droit international sur le droit interne défini par les dispositions de l'article 55 de la Constitution qui énoncent que : «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.», les stipulations de la Convention internationale s'appliquent et non les dispositions de l'ordonnance de 1945. Plus spécifiquement dans le domaine qui nous intéresse, en matière d'accueil et de séjour des étrangers en France, en application de ce principe, le Conseil d'Etat décide que l'ordonnance de 1945 ne s'applique que dans l'hypothèse où une convention spéciale ne régit pas le statut d'une catégorie donnée d'étranger, (CE déc. du 8 juillet 1998 ministre du travail c/Abatchou, req. n° 177487). Aussi, si l'on considère cette décision au moyen d'un raisonnement a contrario, il apparaît qu'en présence d'une convention internationale spéciale, régissant la question de l'accès et du séjour des étrangers en France, seules les stipulations de cette convention sont applicables et non pas les dispositions de l'Ordonnance de 1945. Dès lors, lorsqu'une personne d'origine étrangère souhaite effectuer un séjour de caractère privé de courte durée, pour un laps de temps inférieur à trois mois, sur le territoire français, deux hypothèses sont envisageables : - soit elle est ressortissante d'un pays n'ayant pas conclu un accord international envisageant la question de l'accès et du séjour sur le territoire, auquel cas la demande présentée par cette personne se voit soumise à l'application des dispositions de l'Ordonnance de 1945 et de ses décrets d'application; elle pourra bénéficier de la procédure des attestations d'accueil. - soit elle est ressortissante d'un pays ayant conclu un accord international, multilatéral ou bilatéral, régulièrement ratifié et réciproquement mis en application, auquel la France est partie, portant spécialement sur la question de l'accès et du séjour sur le territoire, auquel cas la demande présentée par cette personne se voit être uniquement soumise à l'application des stipulations du Traité et non pas aux dispositions de l'Ordonnance de 1945 et de ses décrets d'application. Or, il s'avère que, durant nombre d'années, suite à l'instauration du procédé des attestations d'accueil par les dispositions de l'article 2-1 du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, dans leur rédaction tirée du décret n° 98-502 du 23 juin 1998, cette formule de traitement des courts séjours de caractère privé sur le territoire de la République s'est entièrement substituée à l'ancienne formule plus restrictive du Certificat d'hébergement. Ceci en parfaite contradiction avec le contenu de certains accords bilatéraux conclus entre certains partenaires étrangers et la France. Par exemple, il en va ainsi des accords bilatéraux conclus entre, d'une part, la France, et d'autre part, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie, les ressortissants de ces pays restant soumis à l'obligation d'établissement d'un certificat d'hébergement, les dispositions de l'Ordonnance de 1945 n'étant pas applicables à leur situation. C'est le cas notamment de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié en 1986, (et dont certains avenants sont en phase de procédure préalable à la ratification), qui régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent être délivrés et leur durée de validité, et les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'établir en France; les ressortissants algériens ne peuvent ainsi se fonder sur les dispositions de l'ordonnance, (CE déc. du 19 mars 1997, ministre de l'intérieur c/Mme Khadra Mimi, req. n° 150059). En effet, l'Accord, sous forme d'échange de lettres entre le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement de la République Algérienne démocratique et populaire portant modification de l'accord du 31 août 1983 relatif à la circulation des personnes, modifié par l'échange de lettres des 10 et 11 octobre 1986, précise que : «Les ressortissants algériens venant en France pour une visite familiale ou privée devront présenter un certificat d'hébergement émanant de la personne au domicile de laquelle ils se proposent de résider pendant leur séjour en France». Des accords similaires existent avec le Maroc, en date du 25 février 1993, et avec la Tunisie, en date du 19 décembre 1991. L'instauration d'une règle nouvelle plus favorable semblerait louable, si d'une part, elle n'engendrait pas la méconnaissance de normes de droit international ayant valeur supérieure à la loi ou au règlement, et d'autre part, ne facilitait pas l'aggravation singulière de l'immigration clandestine. En effet, libérées d'un nombre majeur de contraintes, les personnes immigrantes ont bien souvent vu leur entrée clandestine facilitée par une complaisance familiale voire même, trop souvent, grâce à l'appui de structures criminelles liées à l'émergence de véritables nouveaux réseaux mafieux de passage des frontières s'appuyant sur les procédures simplifiées des attestations d'accueil. Ainsi, il s'est révélé navrant de voir fleurir maintes demandes multiples d'attestations d'accueil et, malheureusement, aucune réponse préfectorale tangible n'était apportée en réponse aux interpellations renouvelées des élus de proximité portant au jour ces anomalies. Ainsi, dans le processus sournois s'insinuant dans la faille béante du procédé des attestations d'accueil et s'inscrivant en violation de la légalité, trois types essentiels de cas de figures se sont révélés être sujets à suspicion et susceptibles d'impliquer la saisine des services du Préfet, du procureur de la République, ainsi que l'information de la Direction des renseignements généraux : - En premier lieu, la demande effectuée par un hébergeant de délivrance d'attestations successives au bénéfice d'un seul et même hébergé entraînant une présence continue du bénéficiaire pour une durée supérieure à trois mois et méconnaissant de la sorte la législation relative aux séjours sur le territoire. - En deuxième lieu, la demande effectuée par un hébergeant de délivrance d'attestations successives au bénéfice d'un seul et même hébergé entraînant une présence intermittente du bénéficiaire pour une durée annuelle supérieure à trois mois, ce dernier profitant de l'opportunité de rentrer à de multiples reprises sur le territoire avec un visa court séjour au lieu de respecter les obligations indispensables pour l'obtention d'un visa long séjour, et méconnaissant de la sorte la législation relative aux séjours sur le territoire. - En troisième lieu, la demande effectuée par un hébergeant de délivrance d'attestations multiples pour un grand nombre d'étrangers. Pourtant, comme en atteste nombre d'échanges entre parlementaires et membres du Gouvernement, ce malencontreux détournement d'une généreuse procédure n'a pas tardé à être clairement identifié et réprouvé. En effet, pour faire face à cette curieuse évolution plusieurs réponses gouvernementales à des questions écrites sont venues indiquer que l'assouplissement apporté par la formule de l'attestation d'accueil «ne prive cependant pas l'autorité chargée de viser ces documents de tout droit de regard. Ainsi, si elle entrevoit une aide à l'immigration irrégulière par le biais de demandes d'attestations d'accueil répétées ou multiples présentées par le même hébergeant, elle doit prendre la décision primo de surseoir à la certification de ces attestations, secundo, d'informer sans délai le préfet, afin que celui-ci saisisse immédiatement le service de police compétent pour déterminer s'il s'agit effectivement d'une fraude à la loi, voire d'une filière d'immigration clandestine, tertio, en fonction des résultats de l'enquête de police, de ne certifier les attestations d'accueil ou de les refuser et quarto de saisir le procureur de la République, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, en lui transmettant tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. En vertu d'une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d'Etat, lorsqu'un administré se place dans une situation prévue par un texte à des fins étrangères à celles que le législateur ou le pouvoir réglementaire avaient en vue, l'administration dispose de la faculté de faire échec aux agissements de cet administré (CE, Sect., avis, 9 octobre 1992, M. Abihilali). Dans cette situation, l'autorité chargée de certifier les attestations d'accueil, agissant en qualité d'agent de l'Etat, n'a pas besoin d'une habilitation expresse résultant du texte dont l'application est revendiquée (article 2-1 du décret du 27 mai 1982) pour prendre une décision de refus de certification au motif que la demande de certification constitue une fraude à la loi» (réponse à la question écrite n° 50503 de M. Léon Vachet, député, publiée au JO AN du 6 novembre 2000). Toutefois, la pensée étant rapidement effacée par l'inaction quotidienne sur le terrain, malgré la clarté des orientations prônées par le ministère de l'Intérieur, les autorités de proximité s'inspirant des formules prodiguées par le Gouvernement socialiste se trouvèrent confrontées à un véritable mur d'indifférence, leur respect des consignes définies ne percevant, en aucun moment, en écho la moindre réaction des services de l'Etat investis de la mission de préserver notre territoire d'entrées clandestines de personnes étrangères. Aussi, face à l'absence de considération de leurs interpellations, constatant de flagrantes fraudes à la loi non sanctionnées, nombre de maires, autorités agissant en qualité d'officiers de police judiciaire en ce domaine, à contre-coeur, se décidèrent à engager une action exemplaire pour interpeller le Gouvernement Jospin en convenant de surseoir temporairement à la certification des attestations d'accueil. Evidemment, il n'est aucunement concevable que la France, grand pays de tradition migratoire depuis la nuit des temps, pays d'accueil et refuge pour les opprimés, entende voir s'évanouir l'un des fondements essentiels de notre civilisation, mais, tout en considérant avec respect l'aspect humain de la question, il convient de définir une législation rationnelle d'accès et d'accueil du territoire, notamment, en matière de court séjour de caractère privé. Toutefois, pour pouvoir développer une argumentation pertinente, il est indispensable d'envisager deux orientations fondamentales pour renforcer la procédure relative à l'admission des personnes étrangères désireuses d'effectuer un court séjour de caractère privé en France. En premier lieu, il est indispensable d'engager une harmonisation de notre règle de droit avec les exigences des conventions internationales auxquelles notre pays est partie. En second lieu, il apparaît absolument nécessaire d'opérer une consolidation des procédures relatives à la délivrance d'attestations d'accueil, notamment en accroissant les moyens de contrôle des autorités de police et, d'autre part, en favorisant une responsabilisation de l'hébergeant. Par conséquent, pour faire face à l'inflation galopante du nombre des attestations d'accueil et à l'absence pratique de contrôle, faute de moyens de police suffisants, tant en personnels humains qu'en moyens techniques, il est indispensable d'envisager des rectifications à la législation actuelle susceptibles de permettre de corriger certaines incohérences. Aussi, en un premier temps, pour mettre fin au développement de cette insupportable évolution et pour que soit de nouveau respecté le principe de la hiérarchie des normes, il est impératif de prendre les mesures qui s'imposent. D'une part, il faut concevoir une approche plus adaptée aux réalités du terrain en matière de législation des séjours de courte durée sur notre territoire et de donner un caractère plus solennel, législatif, à la réglementation relative aux attestations d'accueil, dont seront bénéficiaires les personnes ressortissantes d'un pays n'ayant pas conclu un accord international envisageant la question de l'accès et du séjour sur le territoire. D'autre part, pour que soit effectuée une harmonisation de notre législation avec le droit constitutionnel français et le droit international, il convient de réinsérer au sein de l'Ordonnance de 1945, certains éléments de procédure des certificats d'hébergement pour les personnes ressortissantes d'un pays ayant conclu un accord international, multilatéral ou bilatéral, régulièrement ratifié et réciproquement mis en application, auquel la France est partie, portant spécialement sur la question de l'accès et du séjour sur le territoire. Mais, en un second temps, pour rendre effective cette législation, il convient de mieux définir les sanctions encourues par les éventuels contrevenants. PROPOSITION DE LOI Article 1er Il est inséré, après l'article 5-2 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, trois articles ainsi rédigés : «Art. 5-3. - Toute personne ressortissante d'un pays n'ayant pas conclu avec la France un accord international spécial, multilatéral ou bilatéral, envisageant la question de l'accès et du séjour sur le territoire, voit sa demande de visa court séjour à caractère privé soumise à l'application des dispositions de l'ordonnance de 1945 et de ses décrets d'application; elle pourra bénéficier de la procédure des attestations d'accueil. «Il en est de même pour toute personne ressortissante d'un pays ayant conclu, avec la France, un accord international spécial, multilatéral ou bilatéral, envisageant la question de l'accès et du séjour sur le territoire, stipulant expressément pour les demandes de visa court séjour à caractère privé le bénéfice de la procédure des attestations d'accueil ou des modalités d'accès et de séjour les plus simplifiées pour ses ressortissants. «L'attestation d'accueil demandée pour les séjours à caractère privé est conforme à un modèle défini par arrêté du ministre de l'Intérieur. Elle indique : «- L'identité du signataire et, s'il agit comme représentant d'une personne morale, sa qualité; «- L'adresse personnelle du signataire et le lieu d'accueil de l'étranger; «- L'identité et la nationalité de la personne accueillie; «- Les dates d'arrivée et de départ prévues. «L'identité et l'adresse personnelle du signataire ainsi que le lieu d'accueil prévu pour l'étranger, tels que figurant dans l'attestation d'accueil, sont certifiés par l'autorité publique compétente du lieu de résidence du signataire, soit le maire de la commune, soit à Paris Lyon et Marseille, le maire d'arrondissement, soit le commissaire de police, soit le commandant de brigade de gendarmerie départementale territorialement compétent. «Si l'attestation est souscrite par un ressortissant étranger, elle comporte l'indication du numéro, du lieu, de la date de délivrance et de la durée de validité du titre de séjour du signataire. Celui-ci doit être obligatoirement titulaire d'une carte de séjour temporaire, d'une carte de résident, d'un certificat de résidence, d'une carte de séjour de ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen ou d'un récépissé de demande de renouvellement d'un des titres de séjour précités, ou d'une carte diplomatique ou d'une carte spéciale délivrées par le ministre des Affaires étrangères. «Si elle est souscrite par un Français, l'attestation d'accueil comporte l'indication du numéro, du lieu et de la date de délivrance d'un document établissant l'identité et la nationalité de celui-ci. «Le signataire de l'attestation d'accueil doit se présenter personnellement devant les autorités précisées ci-dessus, muni d'un document d'identité ou de l'un des documents précités ainsi que de deux justificatifs du lieu d'accueil et, le cas échéant, de la justification de sa qualité de représentant d'une personne morale. «La certification de l'attestation d'accueil ne peut être refusée qu'en l'absence de présentation par le signataire des pièces ci-dessus mentionnées. «Si l'autorité publique ayant certifié l'attestation d'accueil n'est pas le maire de la commune, elle adresse un copie de ce document à celui-ci pour information. «Les autorités visées au quatrième alinéa adressent au représentant de l'Etat dans le département où le signataire réside un compte rendu trimestriel non nominatif indiquant, par nationalité des étrangers accueillis, le nombre d'attestations d'accueil certifiées. «Dans le cas d'un refus prononcé par le représentant de l'Etat, dans le département où le signataire réside, de viser une attestation d'accueil, l'autorité publique compétente, titulaire du pouvoir de certifier ladite attestation, peut sur simple demande obtenir une décision motivée. «Art. 5-4. - Toute personne ressortissante d'un pays ayant conclu avec la France un accord international spécial, multilatéral ou bilatéral, régulièrement ratifié et réciproquement mis en application, envisageant la question de l'accès et du séjour sur le territoire, voit sa demande de visa court séjour à caractère privé soumise aux stipulations de cette convention et non à l'application des dispositions de l'Ordonnance de 1945 et de ses décrets d'application. «Dans le cadre d'une convention internationale spéciale, multilatérale ou bilatérale, au sein de laquelle, en accord avec la France, un Etat prévoit expressément que toute demande, émanant de ses ressortissants, de visa court séjour à caractère privé en direction de la France, soit soumise à la procédure du certificat d'hébergement, les dispositions des alinéas 3 et suivants du présent article sont applicables. «Le certificat d'hébergement demandé pour les courts séjours à caractère privé est conforme à un modèle défini par arrêté du ministre de l'Intérieur. Il indique : «- L'identité du signataire et, s'il agit comme représentant d'une personne morale, sa qualité; «- L'adresse personnelle du signataire et le lieu d'accueil de l'étranger; «- L'identité et la nationalité de la personne accueillie; «- Les dates d'arrivée et de départ prévues. «L'identité et l'adresse personnelle du signataire ainsi que le lieu d'accueil prévu pour l'étranger, tels que figurant dans le certificat d'hébergement, sont visés par le représentant de l'Etat dans le département où le signataire réside. «Le représentant de l'Etat compétent, du lieu de résidence du signataire, est titulaire de la compétence d'opposer, par décision motivée, un refus de viser le certificat d'hébergement dans les hypothèses suivantes : «- S'il ressort manifestement, soit de la teneur du certificat et des justificatifs présentés, soit de la vérification effectuée au domicile de son signataire, que l'étranger ne peut être hébergé dans des conditions normales; «- Si les mentions portées sur le certificat sont inexactes; «- Si les demandes antérieures de l'hébergeant font apparaître un détournement de la procédure au vu d'une enquête demandée par le représentant de l'Etat soit aux services de police soit aux unités de gendarmerie. «Les services de police sous la direction du ministère de l'Intérieur sont habilités à procéder aux vérifications sur place demandées par le représentant de l'Etat préalablement à la validation du certificat d'hébergement d'une personne étrangère. Les agents habilités à procéder à ces vérifications ne peuvent pénétrer chez l'hébergeant qu'après s'être assurés du consentement, donné par écrit, de celui-ci. En cas de refus de l'hébergeant, les conditions d'un hébergement dans les conditions normales sont réputées non remplies. «La personne étrangère hébergée remet le certificat d'hébergement dont elle s'est trouvée être la bénéficiaire aux services de police ou de gendarmerie lors de sa sortie du territoire. «Art. 5-5. - Les personnes en infraction avec les dispositions des articles 5-3 et 5-4 sont passibles des sanctions prévues aux articles 19 et 21 de l'ordonnance, voire en cas d'infraction pour faux et usage de faux documents administratifs à celles prévues aux articles 441-5 et 441-6 du code pénal.» Article 2 Toute demande de titre de séjour ne pourra être établie au bénéfice d'une personne, ressortissante étrangère, entrée sur le territoire de la République, au moyen d'une attestation d'accueil ou d'un certificat d'hébergement; ces autorisations de court séjour à caractère privé ne pouvant en aucun cas être considérées comme constituant des actes préalables à l'établissement d'un titre de séjour. ---------------------------------
N° 0318 - Proposition de loi sur la conformité au droit international de la
législation relative aux séjours privés effectués par des étrangers en
France, (M. Jean Roatta)
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