N° 485 - Proposition de loi de M. Georges Hage tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques, des retraits aux guichets et dans les distributeurs automatiques de billets




N° 485
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.

PROPOSITION DE LOI

tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques, des retraits aux guichets et dans les distributeurs automatiques de billets.

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE

par MM. Georges HAGE, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

Députés.

(1) Constituant le groupe des député-e-s communistes et républicains.
Banques et établissements financiers.

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 1996, la BNP a décidé de facturer à ses clients les retraits d'argent effectués dans les distributeurs automatiques de billets de la concurrence.
A présent, ce sont les opérations aux guichets qu'elle fait payer (5 € pour une somme retirée de 150 €).
La Société générale lui emboîte le pas, ayant même envisagé de taxer les opérations dans ses propres distributeurs.
Le risque d'une généralisation de ces pratiques se profile.
Il en est de même de la tentative de faire payer les chèques en contrepartie d'une éventuelle rémunération des comptes courants, un moyen de reprendre d'une main ce que l'on aura donné de l'autre.
Les banques profitent ainsi de l'obligation française faite aux salariés de déposer leurs revenus sur un compte bancaire.
Ce système leur permet, en premier lieu, de faire fructifier, à leur avantage, l'argent de leurs clients. Ainsi, lorsque ces derniers versent une somme d'argent sur leur compte, il leur faut attendre plusieurs jours pour que le montant soit effectivement crédité. Dans l'intervalle, les fonds sont placés par la banque, qui conserve les intérêts.
La taxation des retraits d'argent ou des chèques permettrait donc aux établissements de se rémunérer deux fois sur le bien de leurs clients.
Cette domiciliation imposée et devenue incontournable les met, par ailleurs, en situation d'imposer leurs volontés.
Ils déploient beaucoup d'ingéniosité pour multiplier les offres de services et de produits, qui sont autant d'occasions de taxer leurs clients, le tout dans la plus grande opacité.
Il est à noter que la moitié des contentieux entre les banques et leurs clients portent sur la facturation des services.
Entre 1986 et 2001, le coût des services bancaires aux particuliers a progressé de 114 % pour une hausse des prix de 32 %.
Aujourd'hui, 43,3 millions de personnes possèdent une carte bancaire. Elles effectuent en moyenne deux retraits par mois dans les distributeurs.
4.518 millions de chèques ont été émis en 2001, soit une moyenne de 84 par français et par an.
La taxation des chèques et des retraits pénaliseraient, en premier lieu, ceux qui ont les plus faibles revenus puisqu'elle concernerait, tout particulièrement, ceux qui effectuent de petites opérations. Ainsi, le retrait moyen s'élève à 60 €.
Il n'est pas acceptable que les citoyens ne puissent pas disposer, librement et gratuitement, de l'argent qu'ils ont gagné et qui leur appartient.
Actuellement, l'évolution de la législation et de la réglementation, pour mieux protéger les usagers de l'agressivité de leur banquier, réside dans l'obligation de signer une convention entre la banque et son client.
Ce document impose de porter à la connaissance du public les conditions générales de banque pratiquées pour les opérations effectuées. A l'ouverture d'un compte, les établissements doivent informer leurs clients sur les conditions d'utilisation du compte, les prix des différents services auxquels ils donnent accès et les engagements réciproques de l'établissement et du client.
La loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 introduit dans le code monétaire et financier, à l'article L 312-1-1, une précision au terme de laquelle tout projet de modification du tarif des produits et services faisant l'objet d'une convention doit être communiqué, par écrit, au client trois mois avant la date d'application envisagée. L'absence de contestation par le client, dans un délai de deux mois, vaut acceptation d'un nouveau tarif. Cette mesure devait entrer en vigueur le 12 décembre 2002.
Si cette disposition permet une meilleure information du public, elle ouvre la possibilité de facturer des prestations de services, et notamment les retraits effectués aux distributeurs automatiques de billets, et renforce la volonté des banques d'imposer à terme la taxation des chèques.
Sur ce point, ces dernières lient cet objectif à la rémunération des comptes courants. Le Conseil d'Etat vient d'examiner ce dossier, puis l'a renvoyé vers la Cour de justice des Communautés européennes. En réalité, les deux points sont distincts. La Cour de justice aura à se prononcer sur la rémunération, non autorisée en France et pouvant être considérée comme une éventuelle « entrave à la liberté d'établissement » (art. 43 du traité de Rome), mais pouvant être pondérée de la mise en avant de raisons d'intérêt général. Le paiement des chèques est une autre question, qui n'entre pas dans ce champ du droit européen.
Il convient donc de renforcer la législation afin de permettre à la population d'accéder à l'argent qui leur appartient.
C'est pourquoi je propose d'inscrire dans la loi le principe de la gratuité des retraits dans les distributeurs automatiques de billets, ainsi qu'aux guichets, et des chèques pour les titulaires de comptes courants bancaires.
A cette fin, je vous invite à adopter la proposition de loi dont les termes suivent.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Les deux premiers alinéas de l'article L. 131-71 du code monétaire et financier sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le banquier met gratuitement, et sans limitation de nombre, des formules de chèques à la disposition de tout titulaire d'un compte, sauf si celui-ci n'a pas recouvré, après injonction, la faculté d'émettre des chèques en application des dispositions de l'article L. 131-78. Les formules de chèques non utilisées sont restituées lors de la fermeture du compte.
« L'émission de chèques et leur traitement par le banquier sont également gratuits pour le titulaire du compte.
« Les retraits d'argent aux guichets et dans les distributeurs automatiques de billets sont gratuits. »

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N° 0485 - Proposition de loi d tendant à inscrire dans la loi le principe de la gratuité des formules de chèques, des retraits aux guichets et dans les distributeurs automatiques de billets (M. Georges Hage)


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