N° 501 - Proposition de loi de M. Jean-Pierre Abelin tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections




N° 501
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 2002.
PROPOSITION DE LOI
tendant à la reconnaissance du vote blanc aux élections.

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE
par MM. Jean-Pierre ABELIN, Pierre ALBERTINI,
Hervé MORIN
et les membres du groupe UDF (1) et apparentés (2),

(1) Ce groupe est composé de : MM. Jean-Pierre Abelin, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Yvon Lachaud, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas, Francis Vercamer, Gérard Vignoble.
(2) MM. Pierre Albertini, Christian Blanc, Philippe Folliot.


Députés.

 

Elections et référendums.

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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans une démocratie, l'exercice du droit de vote est un acte civique de la plus haute importance. Il traduit en effet l'engagement de chaque électeur et témoigne aussi de l'assise populaire des institutions. Cette affirmation est d'autant plus cruciale qu'en France, l'exercice du droit de vote est intimement lié à la citoyenneté. Comme le soulignait Ernest Renan, «la nation est un plébiscite de tous les jours», ce qui signifie que notre volonté de vivre ensemble doit être sans cesse renouvelée et que le processus de légitimation des pouvoirs se doit d'être régulièrement réaffirmé.

Au moment où, dans notre société, les menaces sur la cohésion sociale sont multiples, le droit de vote doit être encouragé et valorisé.
Or, l'article L. 66 du code électoral assimile fâcheusement les bulletins blancs aux bulletins nuls. Cette confusion, née de la volonté du législateur, ne recouvre plus, ou très partiellement, la réalité électorale présente. Il est d'ailleurs intéressant de souligner que les dispositions de la loi du 30 décembre 1988 relatives aux machines à voter prévoient l'enregistrement et la totalisation du vote blanc! Comme si la législateur avait, une fois n'est pas coutume, anticipé sur les évolutions de l'opinion publique et de ses demandes.

Un sondage réalisé en avril 1999 permet de mesurer les attentes de nos concitoyens sur cette question : 7 % des Français (soit 3 millions de personnes) déclarent avoir souvent voté blanc ou nul, 13 % quelquefois, et 16 % très rarement. Les motivations de vote de l'électeur «blanc» ne sont ni le désintérêt ni le manque d'information mais avant tout le refus des candidats en présence et l'hostilité à la politique proposée.

Reconnaître le vote blanc rencontre la faveur d'environ 60 % des personnes consultées par l'IFOP contre 40 % d'avis contraire. Ce sont surtout les jeunes électeurs qui se prononcent en ce sens (à 75 % chez les moins de 35 ans). 86 % des cadres supérieurs et professions libérales s'y déclarent favorables. Enfin, quelle que soit l'orientation politique des personnes interrogées, une majorité se prononce en ce sens, à gauche, à droite ou à l'extrême droite.

Ce sondage permet de mesurer l'ampleur du malaise politique. La progression des suffrages blancs et nuls, la demande de reconnaissance du vote blanc traduisent en effet la montée inexorable des attitudes contestataires. La question posée est donc claire : vaut-il mieux reconnaître le vote blanc comme exutoire civique et élargir ainsi l'offre politique, ou encourager une expression protestataire nettement plus périlleuse pour la démocratie?

Sans évoquer les taux d'abstention qui traduisent eux aussi l'état de doute et de résignation de l'opinion.

Faut-il rappeler ici le résultat du premier tour de l'élection présidentielle de 2002? Sur 41 millions d'inscrits, on comptabilise 1 million de votes blancs et nuls, et près de 12 millions d'abstentions. Aux élections législatives, l'abstention bat un nouveau record puisqu'elle atteint 35,5 %. La comparaison avec les scrutins précédents est éloquente : 32 % (1997); 31 % (1993); 34 % (1988); 21,5 % (1986); 29 % (1981).
Certes, l'abstention touche globalement tous les pays de vieille démocratie (40 % lors des dernières législatives de juin 2001 au Royaume-Uni). Mais le croisement : forte abstention hausse sensible des votes protestataires est l'expression d'une crise manifeste.
L'abstention de nos concitoyens, les votes de rejet, l'appel aux extrêmes sont désormais des données dont on ne peut faire l'économie pour interpréter les résultats d'une élection. L'expression des suffrages s'est désormais diversifiée : l'affrontement bipolaire tend à s'atténuer au profit de choix plus relatifs qu'il serait dérisoire, voire dangereux, d'ignorer.

Les arguments ne manquent pas pour justifier la comptabilisation du vote blanc au nombre des suffrages exprimés. D'abord, et cette raison n'est pas négligeable, il s'agit d'une demande formulée par nos concitoyens. Sept propositions de loi déposées lors de la Xe législature, cinq sous la XIe et déjà cinq sous la XIIe, preuve supplémentaire de son caractère récurrent et de l'intérêt suscité par cette question chez des parlementaires appartenant aux courants politiques les plus divers! Ensuite, et il s'agit là d'une question essentielle sur le plan politique, il serait dangereux de contraindre des électeurs désireux d'exprimer une insatisfaction de se réfugier, faute de mieux, dans le vote extrémiste.

Il n'y a pas de démocratie vivante sans pluralisme mais aussi sans citoyenneté. Le Parlement s'honorerait donc à reconnaître que celle-ci peut épouser plusieurs formes. Le vote blanc n'est ni une abstention ni un vote nul. Sa reconnaissance ne saurait susciter de craintes excessives ou déplacées.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après le premier alinéa de l'article L. 58 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
«Le maire doit déposer sur cette même table des bulletins blancs dont le nombre doit correspondre à celui des électeurs inscrits.»
Article 2
Le troisième alinéa de l'article L. 65 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
«Les bulletins blancs sont décomptés séparément et entrent en compte pour la détermination des suffrages exprimés.»
Article 3
Dans le premier alinéa de l'article L. 66 du code électoral, les mots : «blancs, ceux» sont supprimés.

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N° 0501 - Proposition de loi de sur la reconnaissance du vote blanc aux élections (M Jean-Pierre Abelin)


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