N° 1262 - Proposition de loi de M. Marc Bernier tendant à favoriser l'installation et le maintien des médecins dans les zones déficitaires en offre de soins




 

N° 1262

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 novembre 2003.

PROPOSITION DE LOI

tendant à favoriser l'installation et le maintien des médecins
dans les zones déficitaires en offre de soins.

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Marc BERNIER, Jean-Pierre ABELIN, Jean-Paul ANCIAUX, Jean AUCLAIR, Jean BARDET, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Xavier BERTRAND, Gabriel BIANCHERI, Jérôme BIGNON, Claude BIRRAUX, Marcel BONNOT, Bruno BOURG-BROC, Mme Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Michel BOUVARD, Ghislain BRAY, Mme Maryvonne BRIOT, MM. Yves BUR, Dominique CAILLAUD, François CALVET, Bernard CARAYON, Antoine CARRÉ, Hervé DE CHARETTE, Jean CHARROPPIN, Roland CHASSAIN, Jean-François CHOSSY, Dino CINIERI, Philippe COCHET, Georges COLOMBIER, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Alain COUSIN, Jean-Yves COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Paul-Henri CUGNENC, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Francis DELATTRE, Patrick DELNATTE, Stéphane DEMILLY, Bernard DEPIERRE, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Jean DIONIS DU SÉJOUR, Jacques DOMERGUE, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Philippe DUBOURG, Jean-Pierre DUPONT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Pierre-Louis FAGNIEZ, Yannick FAVENNEC, Alain FERRY, Daniel FIDELIN, Jean-Michel FOURGOUS, Mmes Arlette FRANCO, Cécile GALLEZ, MM. Daniel GARD, Alain GEST, Franck GILARD, Bruno GILLES, Maurice GIRO, Jean-Pierre GORGES, Mme Claude GREFF, MM. François GROSDIDIER, Louis GUÉDON, Emmanuel HAMELIN, Pierre HELLIER, Pierre HÉRIAUD, Jean-Yves HUGON, Michel HUNAULT, Edouard JACQUE, Eric JALTON, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Marc LAFFINEUR, Edouard LANDRAIN, Pierre LASBORDES, Marc LE FUR, Michel LEJEUNE, Jean-Claude LEMOINE, Jean-Pierre LE RIDANT, Maurice LEROY, Claude LETEURTRE, Céleste LETT, Mme Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Daniel MACH, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Jean MARSAUDON, Philippe Armand MARTIN, Alain MARTY, Pierre MÉHAIGNERIE, Christian MÉNARD, Denis MERVILLE, Damien MESLOT, Pierre MICAUX , Pierre MORANGE, Mme Nadine MORANO, MM. Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Dominique PAILLÉ, Mme Valérie PECRESSE, MM. Jacques PÉLISSARD, Pierre-André PÉRISSOL, Nicolas PERRUCHOT, Bernard PERRUT, Michel PIRON, Mme Bérengère POLETTI, MM. Jean-Luc PRÉEL, Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Jean-François RÉGÈRE, Frédéric REISS, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Dominique RICHARD, Mme Juliana RIMANE, MM. Jérôme RIVIÈRE, Jean ROATTA, Camille DE ROCCA SERRA, Jean-Marie ROLLAND, Jean-Marc ROUBAUD, Max ROUSTAN, André SAMITIER, François SCELLIER, Bernard SCHREINER, Jean-Marie SERMIER, Georges SIFFREDI, Frédéric SOULIER, Daniel SPAGNOU, Alain SUGUENOT, Guy TEISSIER, Mme Irène THARIN, MM. André THIEN AH KOON, Léon VACHET, Christian VANNESTE, Mme Catherine VAUTRIN, M. Alain VENOT, Mme Béatrice VERNAUDON, MM. Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Michel ZUMKELLER

Additions de signatures :
MM. Arnaud Lepercq et Rodolphe Thomas
M. Christian Estrosi
 

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, le Conseil National de l'Ordre des Médecins a attiré l'attention des pouvoirs publics sur la crise de la démographie médicale, dont un certain nombre de signes avant coureurs pouvaient aisément laisser présager l'ampleur du phénomène. Aujourd'hui, cette crise est manifeste, étant donné que dans les campagnes la diminution du nombre de praticiens se révèle de façon insidieuse, tandis que dans certaines zones périurbaines la situation n'est guère plus favorable. D'ailleurs, il est sans conteste que cette problématique est au cœur du principe fondamental de l'égalité d'accès aux prestations sanitaires et de l'organisation équitable de l'offre de soins sur un territoire donné, notamment dans les régions à population vieillissante ou peu attractives.

Or, la situation démographique du corps médical présente des caractéristiques paradoxales, puisque nous avons une densité globale de professionnels jamais atteinte alors qu'il existe de forts contrastes dans leur répartition géographique. Qui plus est, cette réduction du nombre de médecins dans certaines régions est d'autant plus troublante qu'elle intervient après des années de croissance importante (les effectifs ayant triplé en 40 ans), de sorte que nous n'avons jamais eu en France autant de médecins, tant en nombre (196 000) qu'en densité (332 pour 100 000 habitants). Ainsi, la répartition des médecins entre régions révèle de fortes disparités entre - d'une part - l'Ile-de-France et la région PACA, et - d'autre part - le reste du territoire métropolitain, allant parfois jusqu'à un rapport de un à quatre. Mais c'est surtout au niveau départemental que les inégalités dans l'offre de soins sont plus significatives, que ce soit pour les généralistes ou, dans une toute autre mesure, pour les spécialistes.

L'inquiétude des professionnels, confrontés à des conditions d'exercice difficiles dans certaines zones, se trouve amplifiée par des projections statistiques qui annoncent inéluctablement une diminution considérable du nombre de praticiens au cours des dix prochaines années, traduisant ainsi le départ en retraite de près de 100 000 médecins, soit approximativement la moitié de ceux actuellement en exercice.

Afin de faire face aux difficultés liées à l'évolution démographique, le Gouvernement a pris, le 23 octobre dernier, la décision d'augmenter de 500 places le numerus clausus pour l'année 2004. Mais s'il est vrai que cela peut paraître la solution la plus évidente, il n'en demeure pas moins qu'elle ne portera ses fruits que dans une dizaine d'années, c'est-à-dire à la fin de la formation des étudiants qui seront reçus au concours l'année prochaine.

Ainsi donc, nous ne pouvons pas nous limiter à une analyse purement quantitative de la densité des praticiens médicaux - quoique nécessaire - et devons tenir compte d'un certain nombre d'évolutions socio-économiques dans le corps médical, pour mesurer et prévoir l'offre de soins de demain. Partant de cette approche nous constatons que les réticences à l'installation dans les zones défavorisées, rurales ou périurbaines, sont consécutives à l'évolution des conditions d'exercice des professions de santé. Les raisons sont multiples : le rejet de l'isolement, la crainte pour le conjoint de ne pas trouver un emploi, la nécessité contraignante de devoir assurer une permanence et une continuité des soins, le souhait de préserver une qualité de vie personnelle et familiale que les gardes ou les récupérations rendent difficile. En définitive, les professionnels sont désormais peu enclins à exercer de manière isolée, du fait de l'éloignement par rapport aux grosses structures de soins, de la peur de l'urgence ou de l'insécurité.

Pour remédier à ce phénomène qui a pour effet pervers de contribuer à la désertification de nos campagnes ou à la marginalisation de nos banlieues, des solutions législatives doivent être prises de façon immédiate, afin de favoriser l'installation ou le maintien des médecins dans les zones déficitaires en offre de soins.

Il s'agit, d'une part, d'assurer l'octroi de bourses d'études à tout étudiant en médecine qui s'engagerait à exercer dans ces zones rurales ou périurbaines pour une période minimum de cinq ans, grâce à la création d'un fonds de régulation médicale créé à l'initiative des collectivités locales (art. 1er).

D'autre part, pour mieux faire connaître aux futurs médecins l'exercice de la médecine en milieu déficitaire, il faut pouvoir encourager et rendre attractifs les stages ambulatoires, dès le 2e cycle des études de médecine, afin d'inverser la tendance actuelle qui consiste à vouloir effectuer ce stage dans la ville universitaire où ils effectuent leurs études, pour les raisons de commodité et de mode de vie que nous avons évoquées ut supra. Ainsi, la découverte d'une pratique éloignée de leur centre hospitalier universitaire pourrait leur permettre de devenir, dans un premier temps, des remplaçants occasionnels voire même, dans un second temps, des successeurs potentiels (art. 2, al. 1er).

Par ailleurs, pour donner un caractère incitatif à ce stage en zone déficitaire, une prime indemnisant notamment la charge financière que cet éloignement engendre pourrait être créée, comprenant l'allocation de logement et la prise en charge des frais de déplacement (art. 2, al. 2).

Enfin, pour rendre efficace l'application de ces nouvelles dispositions, il importe de définir, par voie décrétale, les zones rurales ou urbaines dans lesquelles est constaté un déficit en offre de soins, après un diagnostic élaboré avec les acteurs locaux (préfets et conseils régionaux de santé), pour garantir une pertinence certaine aux mesures qui vous sont exposées au travers de la présente proposition de loi (art. 3).

Somme toute, ces dispositions ne peuvent se suffire à elles-mêmes puisque le Gouvernement devra les compléter par d'autres mesures incitatives, destinées à motiver les praticiens par des possibilités d'attractivité au sein des zones déficitaires, notamment en favorisant le regroupement des médecins au sein de maisons médicales dans ces zones, sans exclure bien entendu des innovations en matière fiscale et de charges sociales. Quoiqu'il en soit, ces mesures apparaissent plus efficaces et plus consensuelles que des procédés coercitifs qui, si ces premières s'avèrent être insuffisantes, risquent probablement de devoir être pris par nécessité. Pour autant, la situation actuelle n'est pas irréversible, si l'on se donne la peine de s'attaquer à l'ensemble des causes de ces inégalités géographiques, en améliorant notamment la qualité de vie et les modalités d'exercice de la médecine pour les professionnels qui sont installés dans des zones déficitaires ou qui envisagent de le faire.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l'article L. 1511-7 du code des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1511-8 ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales et leurs regroupements peuvent créer un fonds de régulation de la démographie médicale. Ce fonds finance un système d'octroi de bourse aux étudiants en médecine à partir de leur 2e année pour financer leurs études. En contrepartie, les étudiants qui en sont bénéficiaires doivent effectuer, en début de carrière, une période minimum de 5 ans d'activité professionnelle dans les zones définies à l'article 25 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans lesquelles est constaté un déficit en matière d'offre de soins.

« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent également accorder des primes constituées d'une allocation logement et d'une prise en charge des frais de déplacement en faveur des étudiants médecins lorsqu'ils effectuent leurs stages dans les zones déficitaires précédemment définies.

« Les modalités d'attribution de ces aides, qui peut être subordonnée à des modes d'exercice de groupe ou d'exercice pluriprofessionnel visant à améliorer la continuité et la qualité des soins, sont fixés par décret en Conseil d'Etat ».

Article 2

Le troisième alinéa de l'article L. 623-5 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« Les internes en médecine générale exercent leurs fonctions durant un semestre dans un centre hospitalier universitaire et pendant un autre semestre soit auprès de praticiens généralistes agréés, soit auprès d'un groupe de médecins généralistes agréés situé dans des zones démographiques déficitaires. Dans ce dernier cas, les internes peuvent effectuer des gardes et des remplacements. Des aides telles que l'allocation logement ou la prise en charge des frais de déplacement peuvent être accordées aux internes en médecine générale lorsqu'ils effectuent leurs activités en zone déficitaire. Les internes autres que ceux de médecine générale exercent leurs fonctions durant au moins deux semestres dans les hôpitaux autres qu'un centre hospitalier universitaire, sauf si le nombre de services dûment accrédités comme services formateurs ne le permet pas. Les modalités d'application des dispositions du présent article sont fixées par un décret tenant notamment compte des exigences de formation de chaque spécialité ».

Article 3

Le 3° du II de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 est ainsi rédigé :

« 3° A financer des aides en vue de faciliter l'installation ou le maintien en place des médecins libéraux dans les zones rurales ou urbaines où est constaté un déficit en matière d'offre de soins. Un décret détermine les conditions dans lesquelles ces zones sont définies par le représentant de l'Etat après l'avis du conseil régional de la santé ».

Article 4

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les collectivités locales de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118136-6
ISSN : 1240 - 8468
En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

N° 1362 - Propostion de loi tendant à favoriser l'installation et le maintien des médecins dans les zones déficitaires en offre de soins.( M. Marc Bernier)


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