N° 1645 - Proposition de loi de Mme Chantal Brunel relative à la lutte contre la polygamie




 

N° 1645

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 juin 2004.

PROPOSITION DE LOI

relative à la lutte contre la polygamie,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Chantal BRUNEL, MM. Jean-Claude ABRIOUX, Pierre AMOUROUX, René ANDRÉ, Jean AUCLAIR, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Jean-Louis BERNARD, Marc BERNIER, Jean-Michel BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Gabriel BIANCHERI, Jérôme BIGNON, Claude BIRRAUX, Etienne BLANC, Roland BLUM, Jacques BOBE, Yves BOISSEAU, Bruno BOURG-BROC, Mme Chantal BOURRAGUÉ, M. Loïc BOUVARD, Mme Françoise BRANGET, MM. Ghislain BRAY, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Yves BUR, Dominique CAILLAUD, Bernard CARAYON, Pierre CARDO, Gilles CARREZ, Richard CAZENAVE, Hervé DE CHARETTE, Roland CHASSAIN, Luc-Marie CHATEL, Jean-Louis CHRIST, Philippe COCHET,
Mme Geneviève COLOT, MM. Alain CORTADE, Louis COSYNS, Edouard COURTIAL, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Olivier DASSAULT, Jean-Claude DECAGNY, Christian DECOCQ, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Richard DELL'AGNOLA, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Yves DENIAUD, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Michel DIEFENBACHER, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Olivier DOSNE, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Christian ESTROSI, Pierre-Louis FAGNIEZ, Philippe FENEUIL, Jean-Michel FERRAND, Daniel FIDELIN, André FLAJOLET, Jean-Claude FLORY, Philippe FOLLIOT, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, MM. Daniel GARD, Jean-Paul GARRAUD, Claude GATIGNOL, Jean-Jacques GAULTIER, Guy GEOFFROY, Alain GEST, Franck GILARD, Bruno GILLES, Georges GINESTA, Maurice GIRO, Claude GOASGUEN, François-Michel GONNOT, Jean-Pierre GORGES, Jean-Pierre GRAND, Mme Claude GREFF, M. François GROSDIDIER,
Mmes Arlette GROSSKOST, Pascale GRUNY, MM. Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, François GUILLAUME, Jean-Jacques GUILLET, Gérard HAMEL, Emmanuel HAMELIN, Joël HART, Michel HERBILLON, Pierre HÉRIAUD, Philippe HOUILLON, Sébastien HUYGHE, Christian JEANJEAN, Mme Maryse JOISSAINS-MASINI, M. Mansour KAMARDINE, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Jacques KOSSOWSKI, Patrick LABAUNE, Yvan LACHAUD, Robert LAMY, Edouard LANDRAIN, Pierre LANG, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, Jacques LE NAY, Gérard LÉONARD, Gérard LORGEOUX, Mme Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Daniel MACH, Mme Corinne MARCHAL-TARNUS, MM. Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Mme Muriel MARLAND-MILITELLO, MM. Alain MARLEIX, Franck MARLIN, Alain MARSAUD, Jean MARSAUDON, Philippe-Armand MARTIN, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Alain MARTY, Bernard MAZOUAUD, Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Pierre MICAUX, Jean-Claude MIGNON, Pierre MORANGE, Georges MOTHRON, Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre NICOLAS, Mme Valérie PECRESSE, MM. Philippe PEMEZEC, Bernard PERRUT, Christian PHILIP, Michel PIRON, Mme Bérengère POLETTI, M. Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Christophe PRIOU, Jean PRORIOL, Didier QUENTIN, Mme Marcelle RAMONET, MM. Eric RAOULT, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Dominique RICHARD, Mme Juliana RIMANE, MM. Jérôme RIVIÈRE, Jean ROATTA, Vincent ROLLAND, Serge ROQUES, Philippe ROUAULT, Michel ROUMEGOUX, Francis SAINT-LÉGER, Rudy SALLES, André SANTINI, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Jean-Marie SERMIER, Michel SORDI, Daniel SPAGNOU, Mme Hélène TANGUY, MM. Guy TEISSIER, Michel TERROT, Jean TIBERI, Léon VACHET, Christian VANNESTE, Alain VENOT, Mme Béatrice VERNAUDON, MM. Philippe VITEL, Michel VOISIN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN et M. Michel ZUMKELLER

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, beaucoup d'étrangers vivent en état de polygamie, situation incompatible avec les lois de la République qui n'admettent que la monogamie. De plus, cette pratique de la polygamie a pour effet de grever fortement le budget social du pays.

Certes, des dispositions législatives ont déjà été prises, à partir de 1993, pour tenter de lutter contre l'entrée et le séjour en France de familles polygames. Ont été ainsi prévues des restrictions de délivrance des titres de séjour, des possibilités de non-renouvellement ou de retrait de ces titres susceptibles de déboucher sur des reconduites à la frontière. De même, en application de l'article 30 de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, il est en principe interdit de faire venir en France plus d'une femme au titre du regroupement familial.

Ces dispositions très utiles ne produisant pas tous leurs effets, puisqu'en pratique de nombreuses situations de polygamie perdurent, il convient d'envisager des mesures dissuasives complémentaires.

Il existe un délit d'aide à l'entrée ou au séjour irrégulier, sanctionné par l'article 21 de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France. Cet article 21 dispose, en son premier alinéa, que « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France sera punie d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 200 000 F » (30 000 euros). Des peines complémentaires, prévues au paragraphe II, peuvent également être prononcées.

Le paragraphe III de l'article 21, dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 2003 prévoit néanmoins que cette aide au séjour irrégulier ne peut donner lieu aux poursuites pénales sus-mentionnées lorsqu'elle est le fait :

1o Des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et sœurs de l'étranger ou de leur conjoint, sauf si les époux sont séparés de corps, ont un domicile distinct ou ont été autorisés à résider séparément ;

2o Du conjoint de l'étranger, sauf s'ils sont séparés de corps, ont été autorisés à résider séparément ou si la communauté de vie a cessé, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.

Ces deux exceptions ont pour but d'éviter, pour des raisons humanitaires, la sanction pénale de l'aide au séjour irrégulier lorsque cette aide est apportée par un membre proche de l'entourage familial.

Un 3o prévoit en outre une exception lorsque l'aide au séjour irrégulier était nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger.

Pour ce qui concerne les exceptions prévues aux 1o et 2o, si l'on peut comprendre qu'elles concernent les proches de l'étranger en séjour irrégulier, notamment son conjoint - de droit ou de fait -, rien n'oblige a priori à considérer que cette tolérance doit nécessairement s'étendre au cas d'un étranger polygame qui souhaiterait faire séjourner irrégulièrement plus d'une épouse. Or, la rédaction actuelle des 1o et 2o est suffisamment imprécise pour mettre à l'abri de la sanction pénale d'aide au séjour irrégulier l'étranger polygame déjà nanti d'une épouse, se faisant néanmoins rejoindre irrégulièrement par une ou plusieurs autres accompagnées le cas échéant d'enfants. C'est pourquoi il peut être envisagé de clarifier la rédaction actuelle du III de l'article 21, afin que le délit d'aide au séjour irrégulier puisse être caractérisé et sanctionné pénalement lorsqu'il est le fait d'un étranger faisant venir plus d'une épouse, voire d'un autre membre de la famille facilitant par son aide cette situation de polygamie.

Par ailleurs, il est proposé d'empêcher la capitalisation et le détournement de prestations familiales des allocataires polygames au détriment des enfants des familles concernées, de manière à les protéger, sans mettre pour autant les parents hors d'état d'assumer leurs devoirs financiers et éducatifs.

En effet, la solution consistant en la mise sous tutelle des prestations familiales a l'avantage de préserver les intérêts des enfants tout en incitant fortement les intéressés et notamment les épouses concernées à sortir de la structure polygamique. Elle devrait permettre d'éviter que le chef de famille ne recoure à la solution de facilité consistant à se séparer de l'épouse désignée comme surnuméraire, au mépris de ses droits et de ceux de ses enfants, sans remettre en cause durablement sa manière de vivre. La mesure de tutelle pourra, en effet, être maintenue jusqu'au rétablissement d'une structure familiale normale sous le contrôle du juge compétent.

Par ailleurs, le dispositif retenu permet d'éviter la mise en place d'autres types de sanctions susceptibles d'entraîner une précarisation supplémentaire des coépouses, alors que la politique adoptée par les pouvoirs publics depuis la loi du 24 août 1993 a été de chercher à les accompagner dans leurs démarches vers l'autonomie en favorisant en priorité l'accès au logement, à l'emploi et à la formation.

Le texte proposé se réfère à la notion « d'état de polygamie » telle qu'elle est mentionnée dans l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945, pour éviter de faire surgir des difficultés d'interprétation.

Telles sont les dispositions de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le 2o du III de l'article 21 de l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les exceptions prévues aux 1o et 2o ci-dessus ne peuvent bénéficier à la personne qui, par son aide au séjour irrégulier d'un étranger, permet ou facilite l'existence d'un état de polygamie. »

Article 2

I. - Dans l'article L. 512-1 du code de la Sécurité sociale, après les mots : « française ou étrangère résidant en France, » sont insérés les mots : « ne vivant pas en état de polygamie ».

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 512-2 du même code, après les mots : « les étrangers » sont insérés les mots : « ne vivant pas en état de polygamie ».

Article 3

L'article L. 552-6 du code de la Sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne ayant la charge d'un enfant, et que son conjoint ou son concubin vit en état de polygamie, le droit éventuel aux prestations familiales ne peut être exercé que par un tuteur aux prestations familiales, extérieur à la famille, désigné par le juge des enfants. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118384-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

----------------

N° 1645 - Proposition de loi relative à la lutte contre la polygamie (Mme Chantal Brunel)


© Assemblée nationale