N° 1805 - Proposition de loi de M. Thierry Mariani modifiant le code de procédure pénale en vue de développer le placement sous surveillance électronique des personnes condamnées, âgées de plus de 70 ans




 

N° 1805

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 22 septembre 2004.

PROPOSITION DE LOI

modifiant le code de procédure pénale en vue de développer
le placement sous surveillance électronique
des personnes condamnées, âgées de plus de 70 ans,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Thierry MARIANI, Jean-Pierre ABELIN, Manuel AESCHLIMANN, Alfred ALMONT, René ANDRÉ, Patrick BALKANY, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques-Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Jean-Michel BERTRAND, Jérôme BIGNON, Jacques BOBE, Bruno BOURG-BROC, Mme Josiane BOYCE, MM. Roland CHASSAIN, Philippe COCHET, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Paul-Henri CUGNENC, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Léonce DEPREZ, Jean-Jacques DESCAMPS, Eric DIARD, Jacques DOMERGUE, Dominique DORD, Jean-Michel DUBERNARD, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Philippe FENEUIL, Jean-Michel FERRAND, André FLAJOLET, Jean-Michel FOURGOUS, Claude GATIGNOL, Alain GEST, Georges GINESTA, Jean-Pierre GORGES, François GROSDIDIER, Mme Arlette GROSSKOST, MM. Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Jacques GUILLET, Henri HOUDOUIN, Jean-Yves HUGON, Olivier JARDÉ, Aimé KERGUERIS, Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, MM. Patrick LABAUNE, Edouard LANDRAIN, Jean-Marc LEFRANC, Jean-Louis LÉONARD, Jean-Pierre LE RIDANT, Mme Geneviève LEVY, MM. Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Daniel MACH, Hervé MARITON, Alain MARSAUD, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jacques MASDEU-ARUS, Christian MÉNARD, Pierre MICAUX, Mme Nadine MORANO, MM. Etienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Jean-Marc NESME, Mmes Bernadette PAÏX, Valérie PECRESSE, M. Jacques PÉLISSARD, Mmes Bérengère POLETTI, Josette PONS, MM. Daniel PRÉVOST, Jean-François RÉGÈRE, Jean-Luc REITZER, Jacques REMILLER, Marc REYMANN, Dominique RICHARD, Mme Juliana RIMANE,
MM. Jean ROATTA, François ROCHEBLOINE, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Jean-Marie SERMIER, Michel SORDI, Frédéric SOULIER, Jean TIBERI, Guy TEISSIER, Léon VACHET, Christian VANNESTE, Francis VERCAMER, Jean-Sébastien VIALATTE, Philippe VITEL, Michel VOISIN et Gérard WEBER

Additions de signatures :
MM. Bernard Brochand, Christian Kert et François Scellier

Députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

A l'heure actuelle, nos prisons sont pleines.

Il y avait au 1er septembre 2002 dans les prisons françaises 1 683 détenus âgés de plus de 60 ans, dont 411 avaient plus de 70 ans, le doyen étant âgé de 92 ans (Réponse à la question écrite n° 2491 parue au Journal officiel du 4 novembre 2002).

La construction de nouveaux centres de détention et de maisons d'arrêt décidée par le Gouvernement permettra de pallier ces carences mais seulement d'ici plusieurs années. Or, en la matière, il est urgent d'agir. C'est pourquoi, cette proposition de loi vous propose, de libérer des places de prison en rendant systématique le placement sous surveillance électronique des personnes âgées de plus de 70 ans et de faire aussi et par la même occasion un acte humanitaire.

Il ne s'agit pas ici de libérer des détenus dangereux ou des personnes reconnues coupables de complicité de crimes contre l'humanité. Il s'agit de ne plus envoyer en détention les personnes âgées de plus de 70 ans au jour de leur condamnation ayant commis des délits mais n'ayant pas provoqué de graves atteintes à l'ordre public, et de plus n'étant pas en état de récidive.

Les personnes de plus de 70 ans dont il est question ici ne représentent pas un danger pour la société. En effet, les conditions de cette proposition de loi sont strictes et je tiens à attirer votre attention sur trois points :

1° Cette modification législative est applicable à la seule matière correctionnelle. Les personnes âgées reconnues coupables de crime ne pourront pas en bénéficier. Ainsi, les personnes reconnues coupables de crimes contre l'humanité, pédophilie, etc., crimes pour lesquels la condamnation intervient trop souvent, plusieurs années après les faits, ne bénéficieront pas de notre clémence.

2° Les délits qui ont entraîné ou entraînent de graves atteintes à l'ordre public sont exclus du champ d'application de cette proposition de loi. En effet, ne pourront pas bénéficier de cette dispense légale de peine d'emprisonnement, les personnes reconnues coupables de violences, d'agressions ou d'atteintes sexuelles, trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée.

3° Enfin, les personnes en état de récidive ne pourront pas bénéficier de cette mesure. L'ajout de cette condition permet d'éviter que les délinquants récidivistes profitent d'une disposition qui ne leur est pas destinée. En effet, il s'agit ici de libérer des places de prison en évitant la détention aux personnes condamnées à 70 ans pour la première fois ou à tout le moins jamais condamnées pour des faits graves, puisqu'ils ne sont pas en état de récidive.

De plus, si cette proposition de loi vise à dispenser les personnes âgées d'exécuter une peine de prison, elle n'est pas une nouvelle cause d'irresponsabilité pénale. En effet, on ne parle ici que de modalité d'exécution de la peine. Les personnes âgées sont des citoyens à part entière et doivent répondre à leurs actes. Les coupables exécuteront leur peine privative de liberté sous le régime de placement sous surveillance électronique et devront en tous les cas s'acquitter des amendes et subir les autres peines complémentaires prononcées par la juridiction de jugement. De plus, les parties civiles devront être valablement indemnisées.

Enfin, en plus du nombre insuffisant de places dans nos prisons, il convient de rappeler que l'emprisonnement est, dans le cas des personnes âgées, une sanction particulièrement inadaptée tant au niveau de la vie quotidienne qu'au niveau des rôles que l'on attribue à la prison. L'administration pénitentiaire elle-même a rappelé ces deux points dans le numéro 10 daté de novembre 2001 des « Cahiers de la démographie pénitentiaire ».

Quant à la capacité de l'administration pénitentiaire d'accueillir des personnes âgées, nos prisons ne sont pas, à l'heure actuelle, capables de les accueillir dans la dignité. S'il nous faut punir les coupables, nous ne devront pas franchir la limite de l'intolérable. Il ne s'agit pas de revenir sur la situation des personnes déclarées en fin de vie par deux expertises médicales distinctes qui doivent toutes, à l'instar d'un complice de crimes contre l'humanité, bénéficier d'une suspension de peine. Ce dont il s'agit ici, ce sont les pathologies qui n'engagent pas le pronostic vital ou des personnes âgées dont l'état de santé n'est pas durablement incompatible avec le maintien en détention.

L'âge n'est pas une maladie mais l'âge de 70 ans entraîne des conséquences sur la vie quotidienne. Or, le processus de vieillissement étant lié au mode de vie, force est de constater que le système pénitentiaire se préoccupe peut des questions de régime alimentaire et d'hygiène de vie en détention. En l'absence de prévention médicale suffisante, les personnes âgées détenues sont alors susceptibles de développer des pathologies lourdes risquant de mettre en jeu leur pronostic vital à court ou moyen terme. Pour être clair, l'emprisonnement des personnes âgées ne consiste pas seulement à les priver de liberté pendant un certain laps de temps mais entraîne aussi une réduction de leur espérance de vie, ce qui n'est pas acceptable.

Enfin, la plupart des établissements pénitentiaires sont conçus pour accueillir des détenus jeunes et actifs. Les actifs âgés peuvent être dans l'incapacité de monter des escaliers, de marcher, de parcourir des longues distances. Tout cela contribue au fait qu'un détenu âgé se renferme sur lui-même et se retrouve isolé, isolation qui nuit à sa réinsertion.

Et à propos de réinsertion, qui est -  rappelons-le - un des objectifs de la prison, force est de constater que l'administration pénitentiaire n'est pas prévue pour les personnes âgées. Les détenus âgés ne peuvent pas trouver leur place parmi une population pénitentiaire majoritairement jeune et dans un environnement général axé sur le sport, l'action éducative et la formation professionnelle. En effet, les personnes de plus de 70 ans n'ont pas vocation à travailler à leur sortie de prison : elles ont largement dépassé l'âge de la retraite ! La formation professionnelle, l'action éducative ne peuvent pas leur être destinées. Quant aux sports, ceux en général pratiqués dans les prisons (football ou sports de combat) ne leur sont pas forcément conseillés, vu leurs âges.

Enfin, comment reconstruire une vie familiale à plus de 70 ans lorsque la prison l'a détruite et que la vie n'aura pas le temps d'effacer cette marque infamante dans l'entourage.

Cette proposition de loi constitue donc une mesure humanitaire que chacun comprendra.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

« Après l'article 723-7-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-7-2 ainsi rédigé :

« Article 723-7-2 « En matière correctionnelle, le juge de l'application des peines prévoit que la peine s'exécutera sous le régime du placement sous surveillance électronique défini par l'article 132-26-1 du code pénal pour toute personne condamnée à une peine privative de liberté, âgée de 70 ans révolus au moment du jugement, à condition de ne pas se trouver en état de récidive légale ou d'avoir été reconnue coupable de violences, agressions ou atteintes sexuelles, trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée.

Les mesures prévues aux articles 464-1 et 465 ne pourront s'appliquer à la personne concernée par l'alinéa précédent ».

Article 2

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l'Etat de l'application de la présente loi sont compensées par l'augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118506-X
ISSN : 1240 - 8468

En vente au Kiosque de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 1805 - Proposition de loi modifiant le code de procédure pénale en vue de développer le placement sous surveillance électronique des personnes condamnées, âgées de plus de 70 ans (M. Thierry Mariani)


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