N° 2048 - Proposition de résolution de M. Jean-Marc Ayrault sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM [2004] 2 final, E2520)




 

N° 2048

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er février 2005.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Parlement européen
et du Conseil relative aux
services dans le marché intérieur
(Com[2004]2 final E 2520).

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Marc AYRAULT, François HOLLANDE, Jean-Louis BIANCO, Jacques FLOCH, François BROTTES, Jérôme LAMBERT, Dominique STRAUSS-KAHN, Pierre COHEN

et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2)

Députés.

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de directive sur les services dans le marché intérieur, adoptée par la Commission européenne le 13 janvier 2004, a soulevé un très grand nombre d'oppositions et de critiques.

C'est un texte extrêmement mal préparé et mal rédigé qui sera source de conflits juridiques avec :

- les normes de droit international définies par la Convention Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles et en contradiction avec le projet de règlement Rome II sur l'harmonisation des règles de conflit de lois applicables aux obligations contractuelles,

- des normes de droit communautaire comme la Directive sur le Détachement des travailleurs,

- des normes nationales. Pour la France, il ne s'agirait rien de moins que des principes fondamentaux de valeur constitutionnelle qui ont été soulignés par le Conseil d'Etat dans son avis du 18 novembre 2004. Le Conseil d'Etat a ainsi constaté que cette proposition de directive remettait en cause les principes de souveraineté nationale, d'égalité devant la loi et de légalité des délits et des peines.

L'atteinte au principe de subsidiarité est manifeste. Ce texte ne garantit pas le respect de l'applicabilité territoriale de la loi pénale, ni les responsabilités des Etats en matière d'organisation ou de financement des systèmes de santé nationaux.

L'insécurité juridique que ce texte entraînera, va donc à l'encontre de l'objectif recherché qui est d'établir un climat de confiance favorable à un développement des échanges de services intracommunautaires.

Cette proposition constitue une rupture injustifiée avec la méthode communautaire d'harmonisation des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.

Cette proposition pose la règle du pays d'origine comme un principe communautaire qui n'a pourtant reçu jusqu'alors que de rares applications dans des secteurs particuliers.

La généralisation de cette règle du pays d'origine aurait pour conséquences de mettre en concurrence sur le territoire d'un seul Etat membre, vingt-cinq législations différentes : comment croire que dans ces conditions les consommateurs auront réellement les moyens de comparer correctement les différentes propositions. Une telle mise en concurrence aurait certainement pour conséquence de créer une pression majeure sur les législations nationales en matière de conditions de travail et de droit du travail. Ce texte constitue une incitation de fait aux pratiques de dumping social, fiscal et environnemental. C'est une menace contre le modèle social européen qui ne peut être tolérée.

Le champ d'application de ce texte pose de considérables problèmes.

Le choix par la Commission européenne de proposer une directive-cadre avec un champ d'application horizontal recouvrant des activités d'une très grande diversité qui vont des métiers du bâtiment, du conseil en entreprise, aux agences immobilières, en passant par les soins de santé, le soutien aux personnes âgées, les services audiovisuels et les professions réglementées comme les huissiers ou les notaires pourtant porteurs de mission de service public.

Cette règle rend irréalisable toute mesure de contrôle portant sur la qualité du service rendu ainsi que sur les conditions de travail des travailleurs détachés.

En effet, la proposition de directive prévoit que se sont les autorités du pays d'origine qui devront effectuer le contrôle sur les activités de leurs entreprises nationales même lorsque le service est réalisé sur le territoire d'un autre Etat membre.

De plus, la suppression d'exigences portant sur la déclaration préalable de salariés détachés, l'obligation pour le salarié détaché d'avoir des documents sociaux en sa possession ou l'obligation d'avoir un représentant rendent quasiment impossible pour les autorités d'origine et en particulier des inspections du travail d'effectuer des vérifications et contrôles dans des conditions et délais pertinents.

Cette proposition a soulevé les plus grandes critiques de la part des partenaires sociaux en France comme en Europe avec la Confédération européenne des syndicats qui s'y sont vivement opposés.

A l'évidence, cette proposition de directive ne répond pas à l'ensemble des objectifs assignés par la Stratégie de Lisbonne et notamment celui de permettre une « croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ».

Il faut également souligner que cette proposition de directive se trouve en contradiction avec le traité instituant une Constitution pour l'Europe adopté par les chefs d'état et de gouvernement des pays membres de l'Union européenne le 18 juin 2004 et en particulier avec ses articles I-3, III-119, III-120, III-122, III-172, III-209.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM[2004] 2 final, document E 2520) :

1) Sur la directive sur les services dans le marché intérieur

Demande que la Commission retire la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur.

Demande que la France s'oppose fermement à cette proposition et en demande le rejet.

2) Sur les services publics

Demande en préalable à toute nouvelle directive sur les services, l'adoption d'une loi-cadre sur les services publics ou les services d'intérêt économique général.

3) Sur toute autre proposition de directive sur les services

Rejette le principe de pays d'origine et sa généralisation à des secteurs très divers.

Demande que la Commission respecte la démarche communautaire d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-118954-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 2048 - Proposition de résolution sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (M. Jean-Marc Ayrault)

1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit,
MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM.  Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira.


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