N° 2317 - Proposition de loi de M. Roger-Gérard Schwartzenberg supprimant la journée de solidarité instituée par la loi du 30 juin 2004 et la remplaçant par un autre dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées




 

N° 2317

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 mai 2005.

PROPOSITION DE LOI

supprimant la journée de solidarité
instituée
par la loi du 30 juin 2004
et
la remplaçant par un autre dispositif de solidarité
pour l'
autonomie des personnes âgées
et des personnes handicapées,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Roger-Gérard SCHWARTZENBERG

Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

A la suite de la canicule de l'été 2003, qui a provoqué le décès de 15 000 personnes âgées, le gouvernement a fait adopter la loi du 30 juin 2004, « relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées », en vue de financer des actions en faveur de leur autonomie.

La solidarité envers nos concitoyens âgés et handicapés, confrontés à des problèmes de dépendance, est évidemment un impératif fondamental, mais cet effort de solidarité doit être équitablement réparti entre tous les Français. Or, tel n'est pas le cas.

Certes, le dispositif retenu par la loi du 30 juin 2004 comporte une certaine contribution des revenus financiers (dividendes et plus-values), l'affectation d'une fraction de 0,1 point du produit de la CSG et des autres contributions sociales, ainsi qu'une participation des régimes obligatoires de base de l'assurance maladie. Mais il repose surtout sur la création d'une « journée de solidarité », qui prend la forme d'une journée supplémentaire de travail non rémunéré pour les salariés et les fonctionnaires.

En l'absence de convention, d'accord de branche ou d'accord d'entreprise déterminant une autre date, cette journée de solidarité est le lundi de Pentecôte, qui cesse donc d'être un jour chômé.

Ces dispositions de la loi du 30 juin 2004 relatives à la journée de solidarité ne sont conformes ni à l'égalité des citoyens devant les charges publiques, ni à l'impératif de réduction de la durée du temps de travail, ni aux principes fondamentaux du droit du travail.

D'abord, la mesure retenue est contraire à l'égalité des citoyens devant les charges publiques, qui constitue un principe constitutionnel fondamental. En effet, au lieu de répartir avec justice les sacrifices nécessaires à la solidarité nationale, elle fait porter l'essentiel de cet effort de solidarité sur les salariés et les fonctionnaires par la création d'une contribution de 0,3 % de la masse salariale due par les employeurs privés et publics.

En revanche, au sein des professions indépendantes, nombreux sont ceux qui n'emploient pas de personnel salarié (professions libérales, commerçants ou artisans sans salarié) et ne sont donc pas assujettis à cette contribution, à ce dispositif de solidarité qui concerne les salariés, les fonctionnaires et leurs employeurs privés ou publics. Un tel dispositif, reposant sur un traitement différencié des actifs, apparaît donc discriminatoire et méconnaît la nécessaire équité devant la solidarité.

Ensuite, en allongeant la durée annuelle du travail de sept heures, cette loi du 30 juin 2004 - comme, par ailleurs, celle du 31 mars 2005 relative à l'aménagement du temps de travail, qui assouplit les 35 heures - remet en cause la réduction du temps de travail, intervenue depuis 1998. Or, les salariés et fonctionnaires doivent pouvoir continuer à disposer de davantage de temps libre pour leur vie personnelle et familiale, comme le prévoyaient les lois de 1998 et 2000 portant réduction du temps de travail.

De plus, la suppression du lundi de Pentecôte est particulièrement inopportune en 2005, les 1er janvier, 1er et 8 mai, 11 novembre, 25 et 31 décembre tombant cette année un samedi ou un dimanche.

Il importe, bien sûr, de financer le nécessaire effort de solidarité en faveur des personnes âgées et handicapées. Mais, il importe aussi d'assurer l'égalité des citoyens devant les charges publiques et le maintien de la réduction du temps de travail : il convient donc d'abroger certaines dispositions de la loi du 30 juin 2004 et de les remplacer par de nouvelles dispositions conformes à ce double objectif.

Enfin, l'institution d'une journée de travail non rémunérée pour les salariés n'est pas conforme aux principes fondamentaux du droit du travail - qui font du salaire la contrepartie du travail. Selon l'adage « Toute peine mérite salaire. » On peut même s'interroger sur la compatibilité de cette disposition avec l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui dispose : « Nul ne peut être astreint à accomplir un travail obligatoire. »

En tous cas, cette institution d'une journée de travail imposée et non rémunérée apparaît comme la forme nouvelle d'une pratique ancienne, antérieure à 1789 : la corvée, c'est-à-dire le travail gratuit que les serfs devaient au seigneur. Cette obligation féodale de la corvée a été abolie par la Constituante dès la Nuit du 4 août.

En réalité, rétablir - deux siècles plus tard, 216 ans après 1789 - une journée de travail imposée et non rémunérée revient, implicitement, à considérer les salariés - qui semblent constituer la cible privilégiée du gouvernement actuel - comme « taillables et corvéables à merci ».

Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer et donc d'abroger le titre II de la loi du 30 juin 2004, « Dispositions relatives à la journée de solidarité ».

Le produit qui était attendu de cette journée de solidarité (2 milliards d'euros) sera procuré par la modification de l'article 11 de cette loi.

Parmi les produits affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, cet article 11, 3° prévoit actuellement « une fraction de 0,1 point du produit des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-1, L. 136-6, L. 136-7 et L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale ». Parmi ces contributions sociales figure essentiellement la contribution sociale généralisée (CSG), qui est conforme à l'équité, car elle concerne tous les revenus. Le produit attendu de cette disposition est d'environ 1 milliard d'euros.

La présente proposition de loi vise à porter de 0,1 point à 0,3 point la fraction du produit de ces contributions sociales affectée aux actions de solidarité en faveur des personnes âgées et handicapées, afin d'obtenir les 2 milliards d'euros supplémentaires attendus actuellement de la journée de la solidarité.

Cette proposition de loi ne consiste donc pas à augmenter la CSG, mais à affecter une part un peu plus importante de son produit à l'effort de solidarité en faveur des personnes âgées et handicapées.

Pour compenser cette affectation d'une part, plus importante de la CSG et des autres contributions sociales à ces actions de solidarité, il convient de prévoir pour le même montant (2 milliards d'euros) des économies dans l'exécution des dépenses de l'Etat.

Il paraît difficile, en droit et en pratique, de proposer, dans un texte de loi comme celui-ci, émanant d'un parlementaire, des réductions de dépenses, le budget 2005 étant en cours d'exécution.

En revanche, il paraît préférable de demander au premier ministre de déposer avant la fin de la présente session parlementaire, c'est-à-dire avant le 30 juin 2005, un projet de loi de finances rectificative comportant des mesures de régulation budgétaire aboutissant à des économies de l'ordre de 2 milliards d'euros dans l'exécution des dépenses inscrites à la loi de finances initiale. En laissant au chef du gouvernement l'initiative du choix de ces économies, en fonction de la connaissance qu'il aura alors de 1'état d'exécution de la loi de finances initiale.

Ces économies pourraient porter, par exemple, sur le train de vie de l'Etat : crédits de communication et de relations publiques des ministères, traitements des ministres - qui ont été fortement augmentés de 70 % en juillet 2002 -, appartements loués pour ceux-ci, chauffeurs et voitures mis à la disposition des membres des cabinets ministériels, etc.

Les deux milliards d'euros qui doivent être générés par la journée de solidarité représentent 0,69 % du budget de l'Etat (288,5 milliards d'euros). Il paraît donc possible de dégager cette somme sur les ressources générales de ce budget. Comme cela a été fait pour l'aide apportée aux restaurateurs.

Le 10 février 2004, le premier ministre avait déclaré à l'Assemblée nationale : « Je débloque, dès aujourd'hui, 1,5 milliard d'euros pour les 18 mois qui viennent, afin de mettre en place un plan national d'allégement massif des charges des restaurateurs, dans l'attente d'obtenir la baisse de la TVA. »

En conséquence, l'article 10 de la loi de soutien à la consommation à l'investissement du 9 août 2004 - promulguée quarante jours seulement après la loi du 30 juin 2004 - a créé un dispositif d'aide aux restaurateurs et hôteliers, auquel elle a affecté des crédits pouvant aller jusqu'à 1,2 milliard d'euros.

Si le gouvernement a pu ainsi débloquer 1,2 milliard d'euros sur les recettes générales du budget de l'Etat pour les restaurateurs - qui sont quelques milliers -, il est probable qu'il puisse, de la même manière, dégager 2 milliards d'euros pour les personnes âgées et handicapées - qui sont quelques millions.

A défaut pour le gouvernement de déposer un projet de loi de finances rectificative, les pertes de recettes qui résulteraient pour les régimes sociaux de la présente proposition de loi seront compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Par ailleurs, pour éviter l'application de la règle, traditionnelle en finances publiques, de la non-affectation des recettes aux dépenses et donc pour garantir l'affectation effective aux actions en faveur de l'autonomie des personnes âgées et handicapées des recettes prévues par la loi du 30 juin 2004 ainsi modifiée - et en particulier de la fraction de 0,3 point du produit de la CSG et des autres contributions sociales -, la présente proposition de loi maintient les dispositions du titre III de la loi du 30 juin 2004, relatives à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre II de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est abrogé.

Article 2

Les 2°, 3° et 4° de l'article 11 de la même loi deviennent respectivement les 1°, 2° et 3°.

Article 3

Au 1° du même article tel qu'il résulte de l'article 2, le taux : « 0,1 point » est remplacé par le taux : « 0,3 point ».

Article 4

L'article 19 de la même loi est ainsi modifié :

1° Le I est abrogé ;

2° Les 2° et 3° du II deviennent respectivement les 1° et 2°.

Article 5

Les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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N° 2317 - proposition de loi supprimant la journée de solidarité instituée par la loi du 30 juin 2004 et la remplaçant par un autre dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119176-0
ISSN : 1240 - 8468

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4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21


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