(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR M. Jean-Louis DEBRÉ,
Président de l'Assemblée nationale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Chers Collègues,
L'objet de la présente proposition de résolution est de modifier le délai de dépôt des amendements afin de donner toute sa portée au principe constitutionnel de clarté et de sincérité du débat parlementaire dégagé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Dans sa décision n° 2005-DC du 13 octobre 2005, rendue sur la résolution modifiant le Règlement de l'Assemblée pour tirer les conséquences de la loi organique relative aux lois de finances, le Conseil a décidé que les nouvelles règles de recevabilité des amendements sur la seconde partie du projet de loi de finances, qui fixent le délai de dépôt à l'avant-veille du débat à 17 heures pour les amendements sur les crédits et à la veille à 17 heures pour les amendements sur les articles non rattachés, sous réserve d'une décision contraire de la Conférence des Présidents, n'étaient pas contraires à la Constitution. Constatant que ces règles ne s'appliquent qu'aux amendements parlementaires, à l'exclusion des sous-amendements, le Conseil a considéré que ces règles peuvent « permettre d'assurer la clarté et la sincérité du débat parlementaire, sans lesquelles ne seraient garanties ni la règle énoncée par l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes desquelles « La loi est l'expression de la volonté générale... », ni celle résultant de l'article 3 de la Constitution, en vertu duquel : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants... »
Cette décision et ses considérants conduisent à s'interroger sur les règles de droit commun relatives à la recevabilité des amendements, interrogation d'autant plus nécessaire que le nombre d'amendements ne cesse d'augmenter. Depuis le début de la présente législature, 93908 amendements ont, en effet, été enregistrés, alors que, sous la première législature (1958-1962) 4 564 amendements seulement avaient été déposés. Le cap des 10 000 amendements n'a été dépassé qu'au cours de la 4ème législature (1968-1972) et c'est sous la 11ème législature (1997-2002) que celui des 50 000 a été atteint. Face à cette inflation du nombre d'amendements, il devient au moins indispensable de disposer de conditions d'examen convenables.
Or, l'article 99 du Règlement prévoit deux délais de dépôt alternatifs pour les amendements des parlementaires, à l'exclusion donc des amendements du Gouvernement mais également des amendements de la commission, des amendements dont le Gouvernement ou la commission accepte la discussion et, bien sûr, des sous-amendements :
- les amendements sont recevables dans les quatre jours ouvrables suivant la distribution du rapport de la commission, un nouveau délai de deux jours étant ouvert lorsque le texte vient en discussion au cours d'une autre session ;
- en tout état de cause, les amendements cessent d'être recevables au début de la discussion générale du texte.
Il est très rare qu'un rapport soit déposé plus de quatre jours avant le début de la discussion d'un texte en séance, de sorte que, dans la plupart des cas, c'est le deuxième délai qui s'applique. En pratique, la majeure partie des amendements sont déposés tardivement, le jour même où la discussion s'engage en séance.
Cette situation présente d'abord un grave inconvénient au regard du travail des commissions. Celles-ci ne sont saisies, lors de leur réunion initiale, que de très peu d'amendements autres que ceux du rapporteur. Les amendements des autres députés ne sont donc pas analysés dans le rapport et ne sont examinés qu'au cours de la réunion que la commission tient, le jour même de la séance, en application de l'article 88 du Règlement. Or, cet examen présente souvent un caractère purement formel.
Le travail préalable de la commission n'ayant pas été réellement effectué, c'est donc sur la séance qu'est reporté l'essentiel de la discussion, ce qui contribue évidemment à allonger les débats. On ajoutera que ceux-ci peuvent parfois être d'autant plus difficiles à suivre que, à part les auteurs, quand ils défendent eux-mêmes leurs amendements, les protagonistes du débat - Gouvernement, commission et autres députés - découvrent les amendements au moment même où ils sont appelés. On comprend que la « clarté et la sincérité des débats », dont le Conseil constitutionnel fait un principe de valeur constitutionnelle, ne soient pas toujours garanties.
C'est pourquoi, il est proposé d'étendre à l'ensemble des textes les règles prévues pour la discussion des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances et de prévoir que les amendements doivent être, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents, déposés au plus tard la veille du débat à 17 heures. Parallèlement, le délai de quatre jours ouvrables suivant la distribution du rapport, d'application exceptionnelle mais qui peut être plus restrictif, serait supprimé.
Cette disposition ne s'appliquerait évidemment ni aux amendements du Gouvernement ou de la commission, ni aux sous-amendements.
En revanche, il est proposé de supprimer également les règles dérogatoires pour les amendements dont le Gouvernement ou la commission accepte la discussion. La logique d'une réforme de la recevabilité des amendements destinée à clarifier les débats doit, en effet, conduire à limiter, autant que possible, le dépôt d'amendements hors délai.
Article unique
L'article 99 est ainsi modifié :
1° L'alinéa 1 est ainsi rédigé :
« Les amendements des députés aux textes servant de base à la discussion peuvent, sauf décision contraire de la Conférence des Présidents, être présentés au plus tard la veille de la discussion de ces textes à 17 heures ».
2° Les alinéas 2 et 3 sont supprimés.
3° À la fin de l'alinéa 5, les mots « ou ceux dont l'un ou l'autre accepte la discussion » sont supprimés.
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