N° 2822 - Proposition de loi de Mme Marie-Jo Zimmermann tendant à élargir à la Lorraine l'expérimentation du péage pour les poids lourds et à en améliorer les modalités




 

N° 2822

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 janvier 2006.

PROPOSITION DE LOI

tendant à élargir à la Lorraine
l'expérimentation du
péage pour les poids lourds
et à en améliorer les modalités,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La croissance exponentielle du transport routier génère des nuisances considérables partout en Europe. Certains pays tels que la Suisse et l'Autriche ont d'ores et déjà pris des mesures volontaristes afin notamment, de promouvoir le transport combiné rail-route et plus généralement, de contingenter les flux de poids lourds. Cette prise de conscience gagne progressivement d'autres pays européens, mais la France reste à la traîne. C'est d'autant plus regrettable que sa position géographique en fait une plaque tournante du transit routier au sein de l'Union européenne.

Certains axes routiers sont plus particulièrement concernés, notamment ceux qui correspondent à la liaison européenne Nord-Sud. C'est le cas de l'autoroute A31 en Lorraine, où la situation est encore aggravée par le fait que sa gratuité la rend très attractive. Ainsi, de l'avis général, le trafic des poids lourds est la principale cause de la saturation de l'A31 dans sa portion gratuite entre Nancy, Metz et Thionville. On en a eu la preuve pendant les travaux de réfection du pont de Richemont en 2005 car pour que la circulation puisse continuer à s'écouler de manière presque satisfaisante, il avait suffit de dévier les poids lourds vers d'autres axes.

En mars 2005, l'auteur de la présente proposition avait corédigé une étude détaillée suggérant l'instauration d'un péage pour les poids lourds sur l'A31 dans la traversée du sillon lorrain. En effet, eu égard à ce qu'au Nord-Est, les autoroutes allemandes sont devenues payantes pour les poids lourds et à ce qu'à l'Ouest, l'autoroute A26 passant par Reims est également à péage, le trafic européen Nord-Sud se reporte massivement sur l'A31. C'est d'autant plus vrai que les transporteurs internationaux en profitent pour faire le plein de gazole au Luxembourg. Pour un trajet Anvers-Dijon, l'avantage financier total pour un poids lourd est ainsi de 95 € s'il passe par l'A31 plutôt que par l'A26.

Une question au Gouvernement (Sénat, 10 février 2005) et plusieurs questions écrites (QE n° 67611, JO Assemblée nationale du 21 juin 2005 ; QE n° 18170, JO Sénat du 16 juin 2005) ont été posées sur le sujet. A chaque fois, la réponse ministérielle a été dilatoire. Heureusement, un amendement voté à l'Assemblée nationale a fait évoluer le dossier. Modifié en commission mixte paritaire puis adopté définitivement le 22 décembre 2005, il est devenu l'article 27 de la loi 2006-10 du 5 janvier 2006. Cet article prévoit l'instauration à titre expérimental d'un péage sur les poids lourds circulant sur certains axes dans la région Alsace.

Sur le principe, l'article 27 susvisé est incontestablement pertinent. Par contre, son champ géographique d'application est excessivement restrictif. Par ailleurs, il a manifestement été rédigé un peu hâtivement et les modalités pratiques prévues pour le péage ont besoin d'être améliorées.

La présente proposition de loi introduirait donc les dispositions suivantes :

· Une rationalisation géographique en étendant le principe du péage à la région Lorraine : l'autoroute A31 en Lorraine sert déjà d'exutoire aux poids lourds qui évitent les péages de l'A26 en Champagne-Ardenne et ceux de l'Allemagne. L'amendement tel qu'il a été présenté gonflerait encore ces flux par ceux qui se reporteraient de l'Alsace. Une disposition législative quelle qu'elle soit, doit prendre en compte une logique globale et non satisfaire des intérêts étroitement locaux au détriment d'une cohérence générale.

· La suppression du seuil maximum de cinq ans pour l'application de la mesure : l'organisation d'un péage pour les poids lourds entraînera des investissements publics et éventuellement des investissements techniques sur les poids lourds. Il ne serait pas raisonnable de vouloir les amortir sur une période inférieure ou égale à cinq ans. En outre, eu égard aux problèmes de mise en route, il sera probablement nécessaire de disposer d'une période expérimentale plus longue.

· Le taux et les modalités de prélèvement du péage : l'amendement donne l'impression de transposer purement et simplement à l'Alsace, le système allemand de péage. C'est notamment le cas du principe du relevé kilométrique et du calcul de la taxe au prorata du trajet réel exprimé en tonne et par kilomètre. Au contraire, le système français ne nécessite aucun investissement technique sur les poids lourds et repose sur un péage forfaitaire prélevé ou imputé lors du passage aux barrières de péage. Il n'est pas opportun de sélectionner sans réflexion préalable le système qui serait le plus approprié.

· La limitation du péage aux autoroutes et aux voies rapides : l'amendement prévoit que le péage peut même être instauré sur des routes ordinaires ou des sections de routes appartenant aux communes. Une modalité aussi provocatrice à l'égard des transporteurs routiers générerait une certaine anarchie locale. Elle est en outre contraire au principe historique selon lequel la circulation sur les routes ordinaires est libre ; poussée à l'extrême, ce serait un retour au système des péages du Moyen Âge.

· L'affectation du produit des péages : l'amendement ne prévoit rien pour l'affectation du produit du péage. Or, il est difficile d'imposer un péage aux poids lourds si les sommes correspondantes ne sont pas affectées soit à l'amélioration des voiries concernées, soit à la création d'axes de délestage, soit au moins à la promotion de solutions alternatives (transport combiné rail-route...) contribuant indirectement à fluidiser la circulation.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article 285 septies du code des douanes est ainsi rédigé :

« Art. 285 septies. - À titre expérimental dans les régions Alsace et Lorraine, les véhicules utilitaires dont le poids total en charge est supérieur ou égal à 12 tonnes peuvent être soumis, lorsqu'ils empruntent des autoroutes ou des voies rapides à usage gratuit et appartenant au réseau national ou départemental, à une taxe non déductible dont le montant pour chaque catégorie de poids lourds est établi en référence au tarif kilométrique moyen pratiqué sur les autoroutes françaises à péage.

« Cette taxe est décidée par décret en Conseil d'État lorsque la voie appartient au domaine public de l'État et par le conseil général du département lorsqu'il s'agit d'une voirie départementale. Perçue au profit de la collectivité propriétaire de la section concernée, elle doit être affectée prioritairement au financement des travaux d'amélioration ou de délestage de celle-ci ainsi qu'à la promotion de solutions alternatives de transport.

« La taxe est recouvrée selon des modalités pratiques définies par décret et selon les mêmes règles, garanties, sanctions et privilèges qu'en matière de droits de douane. Les infractions sont constatées et réprimées et les instances instruites et jugées conformément aux dispositions du présent code.

« Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et détermine les conditions dans lesquelles il sera procédé à une évaluation au terme de la période d'expérimentation. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-119910-9
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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