relative à la prévention des violences
lors des manifestations sportives,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par MM. Claude GOASGUEN, Dominique TIAN,
Jean-Marie GEVEAUX, Jean-Jacques GAULTIER,
Dominique JUILLOT et Bernard DEPIERRE
Addition de
signature :
M. Hugues Martin
Députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Apparu en Grande-Bretagne puis en Allemagne, aux Pays-Bas, en Belgique et en Italie dans les années 1970, le hooliganisme s'est véritablement manifesté en France voici une vingtaine d'années.
L'importance des troubles, agressions et dégradations constatés de manière répétée à l'occasion de rencontres de football et l'ampleur des dispositifs de sécurité publique qu'il convient de déployer fréquemment montrent l'acuité des risques.
Certes, le législateur a déjà eu l'occasion de se pencher sur cette question et a inséré dans la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives un ensemble de dispositions visant à prévenir et réprimer les violences commises à l'occasion des manifestations sportives. Codifiées dans le titre X de cette loi, elles visent à renforcer la sécurité des équipements et des manifestations sportives.
Les dispositions préventives sont relatives à l'organisation d'une culture de la prévention et de la sécurité dont le respect est vérifié dans l'arrêté préfectoral d'homologation de toute enceinte sportive.
Le dispositif législatif prévoit aussi, sans préjudice des infractions de droit commun prévues par le code pénal, la répression de comportements violents ou inadmissibles à travers les articles 42-4 à 42-12. Il s'agit par exemple des violences commises sous l'emprise de l'alcool (articles 42-4 et 42-5), des appels à la haine, au racisme ou à l'antisémitisme, directement ou à travers le port d'insignes ou de symboles (articles 42-7-1), de l'usage d'objet dangereux ou le jet de projectiles (articles 42-8 et 42-9).
Si ces dispositions sont utiles et sont régulièrement appliquées, il convient aujourd'hui, face à la persistance du phénomène, de se donner de nouveaux moyens d'action et de passer à la vitesse supérieure. Nos voisins ont mieux réussi que la France à maîtriser et endiguer le phénomène. Il convient d'en tirer les leçons.
Il est insupportable de constater chaque week-end ou presque que des spectateurs ou des riverains des stades ont été victimes de violences et que des dégradations supportées par la collectivité ont été commises.
Il est également inadmissible de devoir détourner pour la sécurisation des rencontres sportives des effectifs disproportionnés des forces de sécurité intérieure. Ils seraient plus utilement employés à patrouiller sur la voie publique, à mettre en œuvre des actions de prévention, de la délinquance, à appliquer les règles du plan vigipirate ou à rechercher les auteurs des crimes et délits constatés. Certains matchs nécessitent jusqu'à l'engagement de 1 500 policiers et gendarmes.
Il convenait d'être plus réactif face à la répétition de ces violences.
C'est pourquoi la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a instauré une procédure d'interdiction administrative de stade doublée, le cas échéant, d'une obligation de pointage. Son caractère préventif et sa mise en œuvre diligente complètent utilement l'arsenal judiciaire.
En revanche, notre droit ignore encore à ce jour la dimension collective et organisée des violences constatées. Car au-delà des dérives individuelles, la violence et la haine s'inscrivent dans des dynamiques de groupe. Certaines empruntent des motivations idéologiques détestables, parmi lesquelles le racisme et l'antisémitisme.
Ce sont ces noyaux collectifs, relativement restreints, qui expliquent l'enracinement de la violence des hooligans et le maintien d'un nombre élevé d'agression, de dégradations et d'incidents. 342 faits de violence ont ainsi été dénombrés au cours de la saison 2004-2005 de football. Ces groupes sont plus ou moins organisés, certains en associations de supporters, d'autres constituant des mouvances ou groupements de faits.
L'objet de la présente proposition de loi est de prendre en compte, en complément du dispositif législatif existant, la dynamique collective des violences dans et autour des stades, et de renforcer les mesures préventives de sécurité.
À cette fin, l'article 1er instaure une procédure de dissolution des associations et groupements de faits de supporters ou prétendus tels commettant des violences, avec des sanctions renforcées pour les meneurs et les instigateurs.
La création de cette nouvelle procédure est rendue nécessaire par l'inadaptation du dispositif de dissolution administrative des associations et groupements de fait prévu par la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, pour répondre aux phénomènes de violence observés à l'occasion des manifestations sportives. Aucun motif de cette loi ne peut, en effet, être invoqué avec pertinence pour mettre fin à une situation d'affrontements entre deux groupes de supporters due au soutien apporté par chacun d'entre eux à une équipe rivale.
Le nouveau régime de dissolution administrative proposé prévoit de prendre en compte deux types d'actes - et c'est le premier critère - correspondant aux débordements fréquemment constatés lors des rencontres sportives :
- d'une part, les actes de violence contre des personnes ou des biens ;
- d'autre part, des actes d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Trois autres critères devront être réunis pour que la dissolution d'une association ou d'un groupement dé supporters puisse être décidée.
Celui, d'abord, d'agissements collectifs : un organisation ne peut être tenue pour responsable des agissements purement individuels de ses membres. Les actes reprochés devront être accomplis par plusieurs membres, non séparément mais collectivement dans le cadre des activités de l'association ou du groupement de fait (animations dans les tribunes, déplacements en car ou en train, rassemblements avant ou après les matches).
Celui, ensuite, d'agissements répétés : les actes de violence ou d'incitation à la haine impliquant des membres de la même association ou du même groupement de fait ne devront pas être isolés mais constatés à plusieurs reprises.
Celui, enfin, d'agissements en relation avec une manifestation sportive. Ne seront pris en compte que les actes accomplis à l'occasion d'une telle manifestation. Ces actes ne se limiteront pas au déroulement même de l'événement sportif, mais également à la période qui le précède et à celle qui lui fait suite.
Ce dispositif de dissolution administrative contribuera à responsabiliser davantage les dirigeants des associations ou groupements de supporters en les incitant à pacifier leurs relations mutuelles et à faire adopter à leurs membres un comportement conforme à l'esprit festif qui doit caractériser le déroulement des rencontres sportives.
En cas de persistance des agissements troublant l'ordre public, il est proposé que la dissolution soit prononcée par le ministre de l'intérieur après avis d'une commission ad hoc intitulée « commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ». Cette commission, dont il appartiendra au pouvoir réglementaire de déterminer la composition, devra présenter des garanties d'indépendance et avoir une composition pluraliste. Elle pourra entendre, à leur demande, les responsables de l'association ou du groupement de fait concerné par la mesure de dissolution.
L'ensemble de la procédure s'exercera naturellement sous le contrôle du juge administratif, en référé comme au fond.
Les articles 2 à 5 mettent en place un dispositif de sanctions à l'encontre des responsables et des participants au maintien ou à la reconstitution d'une association ou d'un groupement de fait dissous.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er