N° 3052 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 avril 2006. PROPOSITION DE LOI
tendant à améliorer l'information du Parlement (Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration PRÉSENTÉE par Mmes Paulette GUINCHARD, Nathalie GAUTIER, Danielle BOUSQUET, Marie-Renée OGET, Martine LIGNIÈRES-CASSOU, Odile SAUGUES, Catherine GÉNISSON, Conchita LACUEY, M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Marie AUBRON, Jean-Paul BACQUET, Gérard BAPT, Christian BATAILLE, Jean-Claude BATEUX, Jean-Louis BIANCO, Jean-Pierre BLAZY, Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Jean-Claude BOIS, Daniel BOISSERIE, Augustin BONREPAUX, Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Pierre COHEN, Mmes Claude DARCIAUX, Martine DAVID, MM. Michel DELEBARRE, Jean DELOBEL, Bernard DEROSIER, François DOSÉ, René DOSIÈRE, Tony DREYFUS, Pierre DUCOUT, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Mme Odette DURIEZ, MM. Claude EVIN, Albert FACON, Jacques FLOCH, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Jean GAUBERT, Joël GIRAUD, Alain GOURIOU, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, M. Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2) Députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames, Messieurs, En France, en 2003, les femmes représentaient 51,1 % de la population et 45,6 % de la population active totale. Alors que la communication présidentielle et gouvernementale se fait chaque jour plus forte sur la volonté politique de traiter les femmes à l'égal des hommes tant dans la sphère économique que plus généralement dans la société, un récent rapport (août 2004) issu du projet européen NODISCRIM dans le cadre du programme Leonardo Da Vinci, montre à quel point le chemin est encore long pour parvenir à l'application concrète de l'exigence d'égalité hommes/femmes. En France, les inégalités entre hommes et femmes persistent. Les femmes se heurtent, encore aujourd'hui, à diverses formes de refus voire d'exclusion malgré l'existence d'un corpus juridique posant l'égalité des droits dans notre République. Certes, il faut remarquer une importante évolution de la situation des femmes en France depuis trente ans. En 1975, le taux d'activité des femmes était de 51,5 %. Il est monté à 63,4 % en 2003 (hommes : 74,6 %). Analysés en regard de la réalité européenne des quinze, où le taux d'emploi des hommes était de 72,5 %, contre 56 % pour celui des femmes, ces statistiques semblent montrer une France plutôt mieux placée que ses voisins dans le domaine de la reconnaissance du rôle des femmes dans la société. Pourtant, une analyse plus fine montre que les disparités restent énormes et que la législation qui n'a cessé de croître n'a pas d'effet sur la relégation des femmes comme quantité négligeable. Plusieurs faits expriment le déséquilibre des situations fondé sur le genre : - Un écart de salaires en moyenne de 19,8 % - mais allant de 9,9 % chez les employés à 23,9 % chez les cadres - se répercutant sur les retraites : en 2003, les retraites des femmes sont 34,6 % inférieures à celles des hommes (950 euros pour les femmes en 2001 contre 1 372 euros pour les hommes). - Le risque de la partiellisation et de la flexibilisation du temps de travail accru du fait de la surreprésentation des femmes dans les métiers de services, qui sont les métiers les plus sujets au temps partiel contraint (les femmes occupent 61,5 % des CDD, 56,2 % des stages). - L'existence d'une forme de « tolérance sociale au chômage des femmes », issue d'une conception selon laquelle le travail des femmes est considéré comme secondaire qui conduit à penser le chômage des femmes comme moins inquiétant que celui des hommes. - La persistance du phénomène dit du « mur de verre » : la sur représentation dans certains secteurs entraîne une sous représentation par ailleurs. Des métiers sont encore perçus comme d'abord féminins ou comme d'abord masculins et les orientations scolaires sont en partie responsables de ce phénomène. Par exemple, 31,5 % des femmes travaillent dans le secteur public contre 20 % des hommes. La réussite aux concours explique cela mais aussi le choix des femmes de s'orienter vers le secteur public qui offre de meilleures possibilités de conciliation temps de travail/temps de vie. Les études de genre peuvent constituer des éléments pour étayer les réponses aux discriminations à caractère à la fois sexuel et social dans les différents domaines qui composent les quotidiens des personnes. Elles mettent en avant les différences de traitement social entre les femmes et les hommes. La lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes ne peut se contenter de condamnations légales des pouvoirs publics. Elle doit aussi être constituée d'actions ciblées - résultant d'une évaluation - pour établir l'égalité réelle. Un tel engagement des pouvoirs publics passe préalablement et nécessairement par la connaissance et l'analyse des données, notamment sociologiques, objectives. Ainsi, avant toute mesure législative, il apparaît souhaitable de recourir systématiquement à des études de genres, pratique courante dans les pays nordiques. Ce type de démarche a prouvé toute son utilité en mettant à jour les différences de traitement dont font l'objet hommes et femmes et cela dans n'importe quel domaine (famille, école, travail, santé, protection sociale, tâches domestiques, loisirs, vie publique, etc.). Ces analyses - qui s'inscrivent dans une nouvelle génération de travaux - ne se réduisent pas à opposer hommes et femmes, mais plutôt à mettre en exergue la construction sociale des rapports de genre féminin/masculin. Dans cette perspective, il est important de ne pas substituer la notion de sexe à celle de genre. L'analyse des genres souligne la construction sociale de la différence des sexes alors que le sexe ne renvoie qu'à l'aspect anatomique et biologique de celle-ci. Au concept de genre, s'adjoignent les attributs psychologiques, les activités, les rôles et statuts sociaux culturellement assignés à chacune des catégories sexuelles et établissant de ce fait, un système de croyances reposant sur une détermination biologique. Nous pouvons ainsi prendre en compte les dimensions sociale et symbolique cachées, implicites voire invisibles. L'utilisation du genre se rapporte à l'exigence d'égalité des sexes dans toutes les politiques de développement et, a fortiori, dans tous les domaines qui composent les existences des personnes quel que soit leur sexe. Ainsi, on fait appel à une analyse comparative et sexuée des rôles, des situations et des besoins des individus afin de comprendre la construction et la reproduction des inégalités sexuelles qu'il faut combattre. Les études de genres ont donc le mérite de rompre avec l'idée qu'il convient d'appréhender les hommes et les femmes comme des sujets « neutres » d'un point de vue sexué. Les faits l'ont montré, notamment dans les pays du nord de l'Europe qui les pratiquent, les études de genre constituent un outil fiable de mise au jour des complexités et des subtilités parfois invisibles de la discrimination sous toutes ses formes. Les conclusions de ces études permettraient en particulier au législateur d'orienter son travail vers plus d'efficience en matière de discrimination. La prise en compte du genre dans la mise en œuvre des politiques économiques et sociales est l'une des multiples conditions d'efficacité. La présente proposition de loi engage le Parlement à adopter la démarche des études de genre en s'appuyant sur la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes pour améliorer l'information du Parlement lors de l'examen des projets et propositions de loi. D'une part, cette pratique, devenant obligatoire, permettrait de procéder à une campagne de sensibilisation envers un public - population et dirigeants - peu averti des causes et des conséquences des inégalités aussi bien sociales qu'entre les sexes. D'autre part, le Parlement pourrait ainsi rejoindre une pratique déjà habituelle dans les pays du nord de l'Europe, incitant à une harmonisation européenne des modalités de prise en compte de la question des inégalités hommes/femmes. PROPOSITION DE LOI Article unique Après le premier alinéa du III de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés : « Les délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes réalisent une étude de genre sur chaque projet ou proposition de loi dès son inscription à l'ordre du jour des travaux du Parlement. « Cette étude est présentée lors des débats en séance publique. « Elle porte sur les effets de la législation proposée sur chaque genre et présente les propositions en vue de lutter contre les discriminations relevées. » Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE Prix de vente : 0,75 € En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale ----------------------- N° 3052 Proposition de loi de Mme Paulette Guinchard tendant à améliorer l'information du Parlement par la promotion d'études de genre afin de lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes 1 () Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Éric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Mme Geneviève Gaillard, M. Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaëtan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Élisabeth Guigou, Paulette Guinchard, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Éric Jalton, Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (Gers), Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, 2 () MM. Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Joël Giraud, François Huwart, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Christiane Taubira. © Assemblée nationale |