Députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En 2005, les récepteurs de télévision étaient allumés en moyenne 5 h 39 par jour dans chaque foyer français équipé. Début 2006, moins d'un an après le lancement de la télévision numérique terrestre (TNT), les personnes recevant les signaux de la TNT et disposant d'un adaptateur regardent, chaque jour, 4 heures et 4 minutes leur écran contre 3 h 44 pour celles qui ne reçoivent pas la TNT. Nos enfants passent désormais plus de temps sur une année devant un écran de télévision et/ou d'ordinateur que sur les bancs de l'école.
La question de la télévision fait donc partie intégrante de la vie quotidienne de nos concitoyens et joue un rôle majeur en terme de vision de la société, de structuration des jeunes, de transmission des connaissances, d'ouverture sur le monde, de culture, de divertissement, d'information.
Elle constitue assurément un élément central de la vie des Français.
Or, les grands principes législatifs qui encadrent la diffusion télévisuelle en France, et particulièrement le service public, remontent à une époque encore récente (loi du 30 septembre 1986, dite « loi Léotard ») où nos concitoyens n'avaient qu'une offre réduite à cinq chaînes hertziennes gratuites. Jusqu'à l'arrivée de la TNT le 31 mars 2005, un quart des Français seulement bénéficiaient d'une offre élargie de 15 chaînes de télévision ou plus...
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Aujourd'hui, le paysage audiovisuel français évolue dans une ampleur et à une vitesse inconnues : l'outil télévisuel tel que nous le connaissons depuis bientôt 50 ans change radicalement avec son entrée dans l'ère numérique. Les enjeux sont bien plus considérables qu'il n'y paraît à première vue :
- l'offre de programmes se décline à travers de nouveaux modes de transmission (la TNT, l'ADSL, les téléphones mobiles...) qui, peu à peu, démocratisent l'accès à des bouquets multiples ;
- la consommation des contenus se modifie : multiplication, ces dernières années, des chaînes thématiques visant une population précise, essor rapide des services dits non linéaires (vidéo à la demande ou VOD, téléchargement par Internet), mobilité, vulgarisation imminente de la Haute-Définition. Ce bond qualitatif aura un impact inéluctable sur la durée d'écoute et le type de programmes recherchés ;
- l'émergence de nouveaux entrants dans le secteur audiovisuel, notamment les opérateurs de télécommunications, dont la puissance financière dépasse les ordres de grandeur jusque-là établis pour tout ce qui concerne les achats de programmes et de droits de diffusion, qu'il s'agisse de films, de documentaires, de concepts d'émissions ou de droits sportifs.
Dans ce contexte, le service public audiovisuel a une mission particulière qu'il ne pourra honorer si le contexte législatif n'est pas modifié pour lui donner les moyens de faire face à une concurrence de plus en plus vive.
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Notre système national, s'il est parfois envié pour la qualité de ses programmes, n'est pas parfaitement adapté aux années qui viennent. Il souffre, en effet, de plusieurs maux :
- ses objectifs sont négociés et décidés sans que les Français puissent y participer, ni se l'approprier soit directement, soit par leurs représentants élus,
- instabilité et faiblesse de ses ressources,
- manque de temps pour développer une véritable stratégie, lourdeurs administratives,
- successions multiples des dirigeants,
- marché national trop concentré...
De nombreux rapports consacrés à l'avenir du service public audiovisuel ont été rendus par :
- la Cour des Comptes en 1997, 1998, 2004, le Commissariat général du Plan (2005) et, récemment, l'Inspection générale des finances (2006), d'une part ;
- le Parlement d'autre part, notamment en juillet 2003 et dernièrement, celui remis au nom de la mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur les « missions du service public de l'audiovisuel et l'offre de programmes ».
De très nombreux ouvrages de librairie complètent cette panoplie.
Ce foisonnement est la preuve, s'il en était besoin, de la nécessité de se pencher sur le rôle que la représentation nationale entend donner au média qui occupe tant de temps de la vie de nos concitoyens.
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Aujourd'hui, il apparaît clairement que France Télévisions, dont les missions sont évidemment distinctes des services commerciaux, ne possède pas tous les atouts juridiques, financiers, managériaux et techniques nécessaires pour se battre « à armes égales » avec les concurrents du marché.
La présente proposition de loi, complétée par une proposition de loi organique, se veut être une première étape dans la consolidation du service public audiovisuel français. Sa philosophie profonde est que le service public est indispensable au paysage audiovisuel pour peu qu'il ait les moyens de proposer une offre de programmes qui réponde à l'attente de la société française dans sa diversité.
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C'est pour mettre fin à ces différents archaïsmes et relever les défis imminents, qu'il vous est proposé de moderniser le service public audiovisuel français, et ce, autour de quatre piliers :
1. Permettre aux Français de s'emparer du débat de l'audiovisuel public afin qu'ils expriment leurs attentes, comme le font, par exemple, nos voisins britanniques ; seul le sentiment de pouvoir exprimer leur souhait d'évolution de France Télévisions permettra aux Français d'accepter de payer une redevance alors que l'offre gratuite est et sera de plus en plus abondante. C'est pourquoi, cette proposition de loi envisage que les grandes orientations données au service public soient ainsi discutées publiquement :
- ouverture d'un forum multimédia pendant l'année qui précède la signature du contrat d'objectifs et de moyens (COM),
- organisation d'une consultation nationale des institutions représentatives dans les domaines d'accomplissement des missions de service public,
- et enfin présentation devant le Parlement d'une déclaration d'intention en fonction des contributions apportées précédemment donnant lieu à un avis des deux chambres.
2. Revoir la durée du Contrat d'Objectifs et de Moyens (COM), en la portant de 5 à 10 ans, tout en prévoyant une obligation d'évaluation par étape à l'issue des 4e et 7e années. Ce COM signé entre l'État et l'entreprise publique permettrait ainsi à ses dirigeants d'envisager et financer les lourds chantiers qui l'attendent (achats de programmes, investissements technologiques...) et d'avoir une véritable stratégie de développement.
À titre d'exemple, en Grande-Bretagne, la « Charte royale », renouvelable en 2007, fixera pour dix ans les missions et les objectifs de la BBC.
3. Confier la présidence de France Télévisions pour 5 ans, tacitement reconductibles une fois. En effet, dans les vingt dernières années, France Télévisions a connu 7 vagues de renouvellement de ses dirigeants, quand les autres groupes n'en ont connu qu'une ou éventuellement deux. S'il est vrai que le secteur audiovisuel est en perpétuelle évolution, la stabilité de sa direction est un facteur de parachèvement des objectifs à long terme fixés d'un commun accord avec l'État, via l'autorité de régulation qu'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel.
4. Enfin, asseoir le principe de neutralité technologique, selon lequel il ne saurait y avoir, pour un même service, un régime différent selon qu'il est rendu par une technologie ou par une autre.
En effet, actuellement, l'État n'applique pas la loi qui veut que « la détention d'un appareil récepteur de télévision ou d'un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision » entraîne le paiement de la redevance. Or, une instruction fiscale de la Direction générale de la comptabilité publique (juillet 2005) estime que « les ordinateurs équipés pour la réception des chaînes de télévision ne sont pas taxés ». Ce double traitement, au moment où l'on parle de convergence numérique et de nouveaux modes de consommation, semble pour le moins dangereux financièrement et tout à fait imprécis juridiquement.
C'est pour ces raisons qu'il vous est proposé d'adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er