relative à l'égalité des sexes
dans les responsabilités professionnelles et sociales,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration
générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par Mme Marie-Jo ZIMMERMANN
Députée.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi constitutionnelle répond à la situation issue de la décision du Conseil constitutionnel en date du 16 mars 2006 censurant les dispositions du titre III de la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Votée le 23 février dernier, cette loi avait été enrichie de plusieurs dispositions présentées par la présidente de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale concernant l'accès des femmes aux conseils d'administration des sociétés anonymes et des entreprises publiques ainsi qu'aux élections des comités d'entreprise, des délégués du personnel et des commissions administratives paritaires de la fonction publique. Il s'agissait pour les conseils d'administration d'en nommer les membres en recherchant une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et, dans un délai de cinq ans, de parvenir à une composition comportant un minimum de 20 % de femmes. Pour les différentes élections syndicales, il s'agissait, dans le même délai de cinq ans, d'obliger les syndicats à présenter des candidates en proportion égale à celle des femmes de la catégorie professionnelle concernée.
Le Conseil constitutionnel, qui n'avait pas été saisi de ces dispositions, a soulevé d'office la question de leur conformité à la Constitution.
Deux arguments ont fondé la censure :
- l'égalité de tous devant la loi, qui implique que la considération du sexe ne doit pas l'emporter sur celle des capacités d'une personne ;
- la portée de l'article 3 de la Constitution qui, favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, est limité à ces mandats et fonctions.
Cette argumentation appelle deux séries d'observations :
1) Sur le premier point, il apparaît que, pour faire barrage à toutes mesures de discrimination positive (quotas, seuils minima, ... ), le Conseil constitutionnel est, pour la première fois, remonté aux sources même du principe d'égalité devant la loi.
Jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel fondait ses décisions sur le seul article 6 de la Déclaration de 1789, selon lequel : « ...Tous les citoyens... sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Ce fut le cas notamment des décisions du 18 novembre 1982 sur la loi relative à l'élection des conseillers municipaux et du 19 juin 2001 sur la loi relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.
Aujourd'hui, le Conseil constitutionnel a appuyé sa démonstration sur trois références supplémentaires :
- l'article 1er de la Déclaration de 1789, qui proclame : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune. » ;
- l'alinéa 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui précise : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme » ;
- l'article 1er de la Constitution, selon lequel « La France... assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion... ».
Le Conseil constitutionnel en conclut que « la Constitution ne permet pas que la composition des organes dirigeants ou consultatifs des personnes morales de droit public ou privé soit régie par des règles contraignantes fondées sur le sexe des personnes ».
Pour répondre à cette argumentation juridique, on peut rappeler qu'il n'était évidemment pas dans l'intention du législateur de faire prévaloir la considération du sexe sur celle des capacités d'une personne. C'est bien à capacités égales que doivent être choisis les membres des conseils d'administration. La réalité montre cependant que dans ces lieux de pouvoir presque exclusivement masculins, les nominations, effectuées pour l'essentiel par des personnes de sexe masculin, ont tendance à privilégier des personnes de ce même sexe.
La même tendance peut être constatée dans les partis politiques. Si la loi du 6 juin 2000 a permis de favoriser la parité pour les élections au scrutin de liste, des blocages demeurent pour les élections au scrutin uninominal, le choix des candidats dépendant de la seule bonne volonté des partis politiques, dont les organes dirigeants sont encore largement dominés par les hommes.
Des mesures contraignantes se révèlent donc nécessaires pour accompagner des évolutions qui, à défaut, seraient extrêmement longues à se dessiner.
Tel était l'objet de la disposition tendant à assurer, dans un délai de cinq ans, un seuil minimum de 20 % de femmes dans les conseils d'administration.
2) Sur le deuxième point, l'argumentation du Conseil constitutionnel doit être replacée dans le contexte historique de la révision constitutionnelle adoptée le 28 juin 1999.
Car, si l'article 3 de la Constitution a été révisé pour permettre à la loi de favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'accès aux seuls mandats électoraux et fonctions électives, c'est que les obstacles étaient d'ores et déjà considérés comme étant levés pour l'accès aux autres responsabilités.
En effet, s'agissant des responsabilités professionnelles et sociales, le gouvernement de l'époque, dans l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, considérait qu'il n'y avait « pas d'obstacle de principe à l'adoption de mesures permettant d'assurer une répartition plus équilibrée des responsabilités entre les hommes et les femmes ». Le Conseil d'État avait fait la même analyse dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle. Mme Catherine Tasca, dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle (n° 985) du 2 décembre 1998, au nom de la commission des lois, expliquait que le législateur pouvait, à l'exception des seules élections politiques, adopter des dispositions tendant à assurer la parité entre les femmes et les hommes et justifiait par ce fait même la limitation de la révision constitutionnelle à ces seules élections.
Tous ces commentateurs appuyaient leur analyse sur le fait que le Conseil constitutionnel n'avait pas considéré, dans sa décision du 31 décembre 1997, qu'il fallait préalablement réviser la Constitution avant que ne puisse être ratifié l'article 141 du Traité instituant la Communauté européenne. Celui-ci habilite en effet les États membres « à maintenir ou adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle ».
Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs réitéré cette jurisprudence en matière de calcul des pensions de retraites. Par décision du 14 août 2003, il a admis qu'« il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu'à présent été l'objet ».
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Suite à plusieurs censures du Conseil constitutionnel, la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 a modifié l'article 3 de la Constitution pour permettre à la loi de favoriser la parité en politique.
Aujourd'hui, compte tenu de la situation créée par la décision du Conseil constitutionnel en date du 16 mars 2006, il convient de prévoir expressément dans la Constitution la possibilité d'assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, dans le secteur public et dans le secteur privé.
Cela permettra au législateur de prendre, comme l'ont fait nombre de nos voisins européens, des dispositions visant à favoriser une représentation équilibrée des femmes et des hommes. Relèvent de cette catégorie des mesures qui invitent à respecter un seuil minimum de femmes dans toutes les instances décisionnelles de quelque secteur que ce soit.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'adopter la proposition de loi constitutionnelle dont le texte figure ci-après.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique