N° 3136 - Proposition de résolution de M. Jean-Pierre Brard tendant à la création d'une commission d'enquête sur les défaillances des méthodes de gestion et les entorses aux règles prudentielles de la présidence et des organes dirigeants de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, ainsi que sur les risques encourus de ce fait par les épargnants, les sociétaires et les fonds collectés au titre du livret A




 

N° 3136

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 juin 2006.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les
défaillances des méthodes de gestion
et les
entorses aux règles prudentielles de la présidence
et des
organes dirigeants de la Caisse nationale
des
Caisses d'épargne, ainsi que sur les risques encourus
de ce fait par les
épargnants, les sociétaires
et les
fonds collectés au titre du livret A,

(Renvoyée à la commission des finances, de l'économie générale et du plan,
à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par MM. Jean-Pierre BRARD, Alain BOCQUET, François ASENSI, Gilbert BIESSY, Patrick BRAOUEZEC, Jacques BRUNHES, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Frédéric DUTOIT, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GERIN, Pierre GOLDBERG, Maxime GREMETZ, Georges HAGE,
Mmes Muguette JACQUAINT, Janine JAMBU, MM. Jean-Claude LEFORT, François LIBERTI, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS (1)

Députés.

(1) constitutant le groupe des député-e-s communistes et républicains.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Caisse d'épargne est, depuis près de deux siècles, un des piliers du secteur financier public et semi-public ainsi qu'un refuge pour l'épargne populaire dont une partie importante, drainée par le livret A, bénéficie au logement social. La loi de 1999 a confirmé les missions d'intérêt général de la Caisse d'épargne en particulier le financement des projets d'économie sociale et locale. Les liens étroits de la Caisse d'épargne avec la Caisse des dépôts, depuis plus d'un siècle, garantissaient l'existence d'un pôle financier ayant vocation à agir dans le sens de l'intérêt général.

Mais durant ces dernières années, on a constaté une série de faits très préoccupants qui sont de nature à remettre profondément en cause les valeurs et les choix stratégiques de la Caisse d'épargne.

La nouvelle stratégie du président du directoire est de rivaliser avec les grands groupes de la haute finance. Mais les opérations menées à cet effet suscitent de nombreuses observations et critiques notamment dans la presse spécialisée, de la part d'organes de contrôle ou d'inspection publics et de nombreuses organisations syndicales. Des manquements répétés aux règles de bonne gouvernance et une gestion inconsidérée des risques ont été constatés.

Ces anomalies ressortissent du domaine des acquisitions immobilières, au-delà du prix du marché, en particulier des immeubles qui abritent désormais le siège du groupe, à Paris, du rachat de diverses petites banques privées mal en point, voire en déconfiture, ou encore de locations avantageuses consenties à des dirigeants y compris au président de la Caisse.

S'y ajoutent une politique de recrutement du haut encadrement ouvertement ciblée sur des membres de cabinets politiques du pouvoir en place, en particulier ministériels, et l'actuelle opération de fusion avec les Banques populaires qui s'est accompagnée d'une rupture irrégulière, spectaculaire et coûteuse avec la Caisse des dépôts, après une violation caractérisée du pacte d'actionnaire qui liait les deux structures. Ces agissements ont suscité des commentaires critiques de la presse, des prises de position des organisations syndicales.

M. Barbier de la Serre, ancien président du Conseil des marchés financiers a notamment déclaré à ce propos, dans un entretien publié par le Monde du 28 avril 2006 :

« Je suis profondément étonné par la désinvolture avec laquelle la Caisse nationale des Caisses d'épargne traite sa propre signature. [...] C'est l'éthique collective et individuelle, notamment le respect de la parole donnée, la transparence et l'équité, qui fondent la réputation d'une place. Sinon, c'est la loi de la jungle, c'est-à-dire le contraire du marché. L'éthique est au monde économique ce qu'est la démocratie au monde politique. [...] L'issue de cette affaire aura incontestablement un impact sur la réputation de la place de Paris. [...] En outre, la CDC a su faire preuve d'élégance et d'esprit de responsabilité, lorsqu'elle a cédé le contrôle de ses activités de banque d'investissement aux Caisses d'épargne, en 2004. Il serait bon que celles-ci s'en souviennent aujourd'hui. Les activités que les Caisses d'épargne veulent marier à celles des Banques populaires sont en fait un héritage récent de la CDC et sont encore largement gérées par des cadres de la CDC ».

De plus, d'après de nombreuses informations précises et concordantes, la Commission bancaire aurait lourdement sanctionné la Caisse d'épargne et sa présidence, par un blâme et une amende d'un montant d'un million d'euros (indirectement financés par les épargnants qui sont sanctionnés pour les opérations douteuses du président de la Caisse alors qu'ils en ignorent tout), en particulier pour le contrôle insuffisant de certains états prudentiels, une surveillance défaillante des risques sur base consolidée, ainsi que des inexactitudes et des retards dans les informations qui lui ont été transmises. Elle a émis une série de recommandations à la CNCE visant à mettre en place une consolidation du risque en temps réel, objectif à réaliser avant de multiplier les initiatives de croissance externe.

Enfin, l'opération en cours avec les Banques populaires donne un argument de poids aux partisans d'une banalisation du livret A, qui serait diffusé par toutes les banques, avec le risque qu'il devienne un simple produit d'appel, ce qui provoquerait un phénomène de décollecte et, par ailleurs, avec la fin de la centralisation des fonds par la Caisse des dépôts et donc la disparition de la maîtrise publique en la matière.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il paraît indispensable que la représentation nationale évalue précisément la situation créée par les errements de la gestion de la Caisse nationale des Caisses d'épargne et leurs conséquences pour les sociétaires, les épargnants et la collecte sur le livret A.

Sous le bénéfice de ces remarques, nous vous proposons d'adopter la résolution suivante :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du règlement, est créée une commission d'enquête de 30 membres sur les défaillances des méthodes de gestion et les entorses aux règles prudentielles de la présidence et des organes dirigeants de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, ainsi que sur les risques encourus de ce fait par les épargnants, les sociétaires et les fonds collectés au titre du livret A.

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 2-11-121286-5
ISSN : 1240 - 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
4, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 61 21

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N° 3136 - Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête
sur les défaillances des méthodes de gestion et les entorses aux règles prudentielles de la présidence et des organes dirigeants de la Caisse nationale des Caisses d'épargne, ainsi que sur les risques encourus de ce fait par les épargnants, les sociétaires et les fonds collectés au titre du livret A (M. Jean-Pierre Brard)


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