N° 3322
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 septembre 2006.
PROPOSITION DE LOI
visant à assurer la couverture du territoire
par les services de radiocommunications mobiles,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques de l’environnement et du territoire,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
par M. Patrice MARTIN-LALANDE
Député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Avec ses 49,8 millions d’abonnements en service fin septembre 2006, soit un taux de pénétration de 82,6 %, et 23,5 milliards de minutes de communications passées depuis un récepteur mobile sur le seul deuxième trimestre 2006, la téléphonie mobile est le premier outil de communication électronique des Français, loin devant la téléphonie fixe (37,4 millions d’abonnements) et l’internet (14,2 millions d’abonnements). Sans atteindre les taux d’écoute et la quantité de terminaux de réception des services audiovisuels, le service rendu au public par la téléphonie mobile peut être comparé à la télévision qui est vue chaque jour par en moyenne environ 46 millions de téléspectateurs et à la radio qui est écoutée chaque jour par en moyenne environ 42 millions d’auditeurs.
Il est donc légitime que le législateur veille à ce que les obligations assignées aux opérateurs autorisés à fournir des prestations de service de radiocommunications mobiles répondent aux besoins prioritaires de la population.
Parmi les principales obligations figure la couverture du territoire. Depuis dix ans, les trois opérateurs de réseau français – Orange, SFR et Bouygues Telecom – ont réalisé des investissements considérables, qui peuvent être estimés à 15 milliards d’euros, pour construire leur réseau national. L’objectif de couvrir 85, puis 90 %, de la population métropolitaine, que l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) puis l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) avaient assigné antérieurement à 2006 aux opérateurs de radiocommunications, est respecté. Les deux nouvelles licences GSM d’Orange et SFR les autorisant pour quinze ans à compter du 25 mars 2006 ont porté ce taux de couverture à 98 %, taux qui devra être atteint au 25 mars 2007, et à 99 % en incluant les zones blanches dont la couverture est mutualisée entre les trois opérateurs. L’autorisation délivrée à Bouygues Telecom arrivera à échéance le 8 décembre 2009 ; il apparaît néanmoins fondé que les mêmes types d’obligation de service public s’appliquent à ce troisième opérateur en matière de couverture territoriale, au besoin en aménageant le calendrier de contrôle du respect de l’obligation de couverture.
Très tôt, l’ART et le gouvernement se sont attachés à assurer la couverture des zones qui ne sont desservies par aucun des trois opérateurs. Le 15 juillet 2003, un plan de résorption en deux phases de ces « zones blanches » a été conclu par l’Etat, l’ART, l’Association des maires de France, l’Association des départements de France et les trois opérateurs. Ce plan doit permettre de couvrir d’ici à la fin 2007 les axes de transport prioritaires, les centres-bourgs et les zones touristiques à forte affluence de 3 073 communes métropolitaines n’ayant pas accès à un service de téléphonie mobile. L’ARCEP a repris, dans les nouvelles autorisations de 2006 des opérateurs mobiles, les éléments de ce plan tendant à fournir un service de radiocommunications mobiles dans ces zones blanches. Ce plan nécessite d’ouvrir 2 186 sites d’émission supplémentaires. Le rythme de construction laisse penser que l’échéance du plan sera respectée (554 sites couvrant près de 800 communes ont été mis en service au 30 juin 2006).
La couverture des centres-bourgs s’est nettement améliorée mais elle reste imparfaite. Les problèmes de couverture subsistant devraient être résorbés progressivement grâce à la prolongation du plan de résorption des « zones blanches » décidée par M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Une circulaire a été adressée aux préfets afin de recenser les zones blanches subsistant à l’issue des deux phases du plan de 2003. Environ 10 % des 2 186 sites initialement recensés ne seront sans doute pas utilisés pour la réalisation de ces deux premières phases ; ils pourront faire l’objet du plan de couverture complémentaire des zones blanches subsistant. Par ailleurs, la publication en 2007, par les trois opérateurs de réseau de radiocommunications mobiles, des cartes de couverture territoriale précises et contrôlées par l’ARCEP devrait générer une compétition vertueuse entre les opérateurs permettant d’améliorer la couverture des centres-bourgs là où la lecture comparative de ces cartes ferait apparaître une zone déficiente. En effet, suivant les nouvelles licences délivrées en 2006, au plus tard au 31 décembre de chaque année, chaque opérateur devra, en outre, publier des informations d’un « niveau suffisamment fin » sur la couverture territoriale de leur service mobile.
Cependant, les obligations légales et réglementaires des opérateurs de radiocommunications mobiles sont essentiellement définies en fonction des besoins de communication depuis les habitations et les lieux de travail. Or, le service rendu par la téléphonie mobile doit également être apprécié par rapport à la spécificité de cet outil de communication qui est la communication en mobilité. Les informations remontées du terrain montrent que le service rendu en situation de mobilité par les trois réseaux français reste insatisfaisant : les communications sont fréquemment coupées lorsque l’usager circule sur des axes de transport importants.
Cette préoccupation a néanmoins été prise en compte par l’ARCEP dans les nouvelles licences délivrées début 2006 à Orange et SFR. Celles-ci contiennent une obligation générale de couverture imposant qu’à compter du 25 mars 2007 « l’opérateur est tenu de couvrir les axes de transport prioritaires, en particulier les axes routiers principaux de chaque département métropolitain. »
Cependant, il n’existe aucune définition des axes de transport prioritaires. La loi devrait veiller à ce que tous les usagers soient placés sur un pied d’égalité. En outre, des interprétations audacieuses de l’obligation de couverture pourraient conduire à considérer soit que la qualité de service serait satisfaisante alors même qu’il subsisterait des zones d’ombre entraînant la coupure des communications à cause d’accidents du terrain ou de facteurs biologiques (présence de forêts, types de culture), soit que la continuité du service pourrait être assurée en tout état de cause grâce à un équipement de réception 8 watts installé sur le toit des véhicules. Par ailleurs, les élus, qui sont au plus près du terrain et qui reçoivent les plaintes des concitoyens, ne sont pas partie prenante de l’évaluation du respect de cette obligation alors même que les conditions de couverture territoriale par les services de radiocommunications mobiles participent à l’aménagement du territoire au même titre que la fourniture des services haut débit.
La proposition de loi vise donc à préciser la portée de l’obligation de couverture territoriale des axes de transport prioritaires et les conditions d’évaluation de son respect. Son article 1er précise que la couverture doit garantir la continuité du service sur tout le long des axes de transport prioritaires, y compris dans les agglomérations urbaines pour les transports ferroviaires et les autoroutes et hors des agglomérations pour les autres axes routiers. Cette couverture doit bénéficier à tous les usagers en situation de passager ou de réception dite piétonne, c’est-à-dire être appréciée avec un équipement de réception standard fourni par les opérateurs avec le terminal (la mesure de la réception ne doit pas être appréciée en ajoutant, par exemple, une antenne de toit). Les axes de transport prioritaires doivent être les liaisons ferroviaires nationales et internationales du territoire métropolitain, les transports urbains de personnes en site propre (métro, RER, tramways,...), les autoroutes, les routes nationales, les routes départementales sur lesquelles circulent en moyenne annuelle au moins deux mille cinq cents véhicules par jour. La détermination des routes concernées est rendue aisée par les statistiques de circulation établies par la direction des routes sur tous les axes routiers français.
Compte tenu des contrôles importants et des investissements nombreux incombant aux opérateurs pour assurer le respect de cette obligation lorsqu’elle s’applique aux routes départementales, la proposition de loi fixe au 30 juin 2008 la date d’échéance du respect de l’obligation pour la couverture des routes départementales sur lesquelles circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour et renvoie à un décret le soin de fixer un calendrier pour atteindre la couverture complète des routes départementales sur lesquelles circulent en moyenne annuelle au moins deux mille cinq cents véhicules par jour.
De même, les difficultés techniques liées à la grande vitesse des TGV et à la coordination des investissements réalisés par Réseau ferré de France, la SNCF et les opérateurs de téléphonie mobile nécessitent d’aménager le calendrier d’entrée en vigueur de l’obligation pour les liaisons ferroviaires. La couverture des liaisons ferroviaires ayant le caractère d’axe prioritaire pourrait aussi être réalisée par un aménagement spécial des rames de train ; c’est pourquoi la proposition de loi permet de mettre à la charge des opérateurs de transport, conjointement aux opérateurs de réseaux ou de services de communications électroniques, la réalisation de l’obligation de couverture des réseaux ferroviaires nationaux et internationaux du territoire métropolitain.
En dernier lieu, la proposition de loi tient compte du décalage dans le temps de l’autorisation dont bénéficie Bouygues Telecom.
Ces dispositions législatives imposeront à l’ARCEP d’adapter les licences des trois opérateurs de réseaux de radiocommunications mobiles.
La définition de sanctions spécifiques pour non-respect de l’obligation de couverture n’est pas nécessaire dans la mesure où l’ARCEP peut mettre en œuvre l’arsenal dont elle dispose pour faire respecter les obligations figurant dans la loi, les décrets et les licences. Ces sanctions sont adaptées ; elles peuvent être financières ou administratives (réduction de durée de licence, par exemple).
Le respect de l’obligation de couverture des axes de transport prioritaires impose aux opérateurs d’installer en plusieurs endroits du territoire des émetteurs supplémentaires. L’article 2 de la proposition de loi propose de lever des obstacles non fondés empêchant les opérateurs d’installer leurs antennes. Il s’agit de rendre illégaux les refus d’installation pour des motifs de sécurité sanitaire invoqués en raison de la supposée nocivité du champ électromagnétique généré par l’équipement radioélectrique alors même que l’antenne et son site d’installation respectent l’ensemble des prescriptions figurant dans les traités internationaux et les règlements européens et nationaux, en particulier les normes d’émission radioélectrique et les valeurs de champ électromagnétique.
Les études internationales montrent aujourd’hui de manière concordante que le champ électromagnétique qui requiert une attention particulière pour l’être humain est celui du terminal de réception qui est proche du cerveau. Les pressions actuellement subies par les opérateurs pour réduire la puissance des émetteurs ou les éloigner des lieux de vie conduisent à augmenter la puissance des terminaux de réception, et donc leur nocivité, ou à dégrader la qualité de service des radiocommunications mobiles, ce qui amène en ce cas les usagers à demander l’installation d’émetteurs supplémentaires. Cette situation n’est plus acceptable compte tenu des résultats concordants des dernières études scientifiques.
C’est ainsi, par exemple, que le Conseil scientifique de la ville de Paris a remis, le 16 juin 2006, au maire de la capitale une étude sur les antennes relais pour la téléphonie mobile concluant en ces termes :
« Notre conclusion est, qu’à ce jour, aucun effet sanitaire imputable au rayonnement émis par les antennes n’a été démontré (...)
« Ces données n’apportent pas, non plus, d’éléments justifiant de diminuer la valeur d’exposition moyenne au rayonnement électromagnétique émis par les antennes relais (...)
« Pas de risque sanitaire, ni d’effets biologiques démontrés à ce jour, aux niveaux actuellement utilisés.
« Les effets ressentis par les riverains peuvent-ils justifier une application du principe de précaution, conduisant à une diminution drastique des normes d’exposition ? La réponse paraît négative au groupe pour deux raisons :
« – Il n’y a pas de justification scientifique ;
« – Paradoxalement, ce serait laisser entendre qu’il pourrait exister un risque et ceci, à coup sûr, accroîtrait les effets ressentis et l’inquiétude ainsi générée. »
Tel est l’objet Mesdames, Messieurs, de la présente proposition de loi que je vous prie de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
I. – Il est inséré après l’article L. 35-8 du code des postes et communications électroniques l’article suivant :
« L. 35-9. – Un opérateur autorisé à utiliser des fréquences hertziennes pour établir et exploiter un réseau radioélectrique ouvert au public de radiocommunications mobiles de deuxième génération en France métropolitaine doit assurer la couverture des axes de transport prioritaires de la France métropolitaine.
« Cette couverture doit garantir la continuité du service de radiocommunications mobiles le long des axes de transport prioritaires, y compris dans les agglomérations urbaines pour les transports ferroviaires et les autoroutes et hors des agglomérations pour les autres axes routiers. La couverture doit être assurée pour tous les usagers en situation piétonne ou de passager avec un équipement de réception standard.
« Les axes de transport prioritaires sont les liaisons ferroviaires nationales et internationales du territoire métropolitain, les voies de transport ferroviaires urbaines, les autoroutes, les routes nationales, les routes départementales sur lesquelles circulent en moyenne annuelle au moins deux mille cinq cents véhicules par jour.
« L’obligation de couverture doit être respectée au plus tard le 30 juin 2008 pour les voies urbaines de transport guidé de personnes en site propre, les autoroutes, les routes nationales, les routes départementales sur lesquelles circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour. Un décret détermine le calendrier de couverture des routes départementales sur lesquelles circulent en moyenne annuelle au moins deux mille cinq cents véhicules par jour et les conditions dans lesquelles sera assurée la couverture des liaisons ferroviaires nationales et internationales du territoire métropolitain. Ce même décret peut accorder un délai supplémentaire n’excédant pas deux ans pour les titulaires d’une autorisation d’utilisation de fréquences radioélectriques pour établir et exploiter un réseau de radiocommunications mobiles ouvert au public n’ayant pas été renouvelée en application de l’article L. 33-1 avant le 31 décembre 2007.
« La réalisation de l’obligation de couverture des liaisons ferroviaires visées ci-dessus peut être portée à la charge conjointe des opérateurs de transport ou de réseau ferroviaire et des opérateurs de réseaux ou de services de communications électroniques.
« L’évaluation du respect de cette obligation de couverture territoriale est réalisée par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de manière périodique, conformément aux dispositions figurant dans les autorisations visées au premier alinéa. Toute collectivité territoriale peut faire réaliser une évaluation basée sur la méthodologie d’évaluation de la couverture établie par l’ARCEP et saisir cette dernière en cas de non-respect par un opérateur de téléphonie mobile de ses obligations. »
Ѐ II. – Les autorisations d’utiliser des fréquences hertziennes pour établir et exploiter un réseau de radiocommunications mobiles de deuxième génération délivrées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont adaptées aux dispositions du présent article au plus tard dans les deux mois suivant la publication de la présente loi.
Article 2
Il est inséré après l’article L. 34-9-1 du code des postes et communications électroniques l’article suivant :
« L. 34-9-2. – L’installation d’un équipement de réseau de radiocommunications mobiles sur une propriété publique ou privée ne peut être refusée pour un motif de sécurité sanitaire lié à la nocivité du champ électromagnétique généré par cet équipement dès lors que celui-ci respecte l’ensemble des prescriptions radioélectriques et électromagnétiques imposées par les traités internationaux, la réglementation de la Communauté européenne et les règlements nationaux. »
Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS
Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 978-2-11-121459-0
ISSN : 1240 – 8468
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