N° 3378 - Proposition de loi de Mme Christine Boutin visant à créer un Dividende universel



 

N° 3378

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2006.

PROPOSITION DE LOI

visant à créer un Dividende universel,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par Mme Christine BOUTIN

Députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les bouleversements économiques et sociologiques du XXIe siècle tels que la mondialisation et ses conséquences sur les destins individuels comme sur la cohésion sociale, posent à nouveau de façon aiguë la question de la répartition des richesses et de la sécurisation des personnes face au risque d’exclusion. Le principe du Dividende universel répond à cette demande, à la fois comme ultime filet de sécurité pour les plus démunis, mais aussi comme reconnaissance de la participation de chacun à la richesse nationale, quel que soit son statut.

Répondre à une crise profonde

Actuellement, une crise profonde ébranle les quatre piliers indispensables au renforcement du lien social : crise du sens de l’existence individuelle, crise de la reconnaissance des personnes et de leur rôle social, crise de la complexification des relations et des démarches institutionnelles, crise de l’appartenance à une communauté et un projet commun. La proposition du Dividende universel vise à répondre à cette crise générale en revalorisant symboliquement et matériellement l’ensemble des temps de la vie, des formes d’activité et des situations de vie.

Les Français attendent un projet de société qui permette de leur redonner une dignité en dehors de toute valeur marchande et de renforcer la cohésion sociale. C’est pour cette raison que le Dividende universel est versé de façon inconditionnelle à toute personne, quels que soient son sexe, son âge ou son origine sociale.

L’attention portée à autrui doit enfin être reconnue comme aussi indispensable à la vie en société que les valeurs marchandes. Car tout échange est par principe porteur de richesses. De ce fait, le Dividende universel n’est ni une allocation, ni un revenu minimum, mais la traduction dans la réalité économique de la part de l’héritage en partage pour tous les citoyens, produit par les savoir-faire des générations passées et à faire fructifier pour les générations à venir.

En ce sens, le Dividende universel remet à plat les systèmes d’allocations ou de rémunérations. Son introduction entraîne la suppression de certaines allocations, des simplifications administratives et des redistributions qui ont un impact positif sur la consommation, la confiance et la démographie. Aujourd’hui, la multiplication des seuils de perception des allocations (âge, ressources, situation...) contribuent à diminuer l’acceptation de la solidarité (impression de toujours payer pour les autres), à stigmatiser les bénéficiaires et à les enfermer dans des « trappes de pauvreté ».

Ainsi, le Dividende universel (« DU ») est certes un nouveau droit civique, signe de l’appartenance à une communauté, mais aussi le corollaire d’un devoir, celui de transmettre cet héritage aux générations futures.

Très concrètement, le Dividende universel donne la possibilité de libérer du temps pour des activités autres que 1’activité salariée.

Inscrire dans la réalité la contribution de chacun au bien commun

Selon l’orientation politique et le pays, des dispositifs similaires au Dividende universel sont déjà appliqués, comme en Alaska, mis progressivement en place, comme au Brésil, ou à l’étude au sein de partis et de gouvernements, comme en Afrique du Sud, en Irlande et en Belgique ; sous des appellations diverses : Revenu d’Existence, Revenu Citoyen, Basic Income, Allocation universelle, etc.

Le montant du Dividende universel est évalué, en France, à 330 euros mensuels, à plein régime la 5e année de sa mise en place progressive sur 5 ans : 60 euros mensuels la première année, 120 la deuxième, etc. Le DU est effectivement versé à ceux qui ne l’ont pas déjà ni dans leurs revenus, ni dans leurs allocations, (30 % des Français) ce qui en réduit d’autant le coût. Sa force symbolique en termes de cohésion sociale réside dans le fait qu’il est explicitement formalisé dans les revenus de chacun, même pour ceux qui le perçoivent déjà dans leurs revenus. Calculé à partir de la richesse nationale (PIB), il est financé pendant la période de mise en place par une rente perpétuelle accordée par les banques en contrepartie d’un intérêt modique d’environ 1 % garanti par l’État, couvrant leurs frais de gestion. Les banques misent sur les retombées commerciales tirées de l’ouverture par chaque citoyen d’un compte individuel spécifique DU dans la banque de son choix.

A partir de la 6e année de sa mise en œuvre, le coût annuel du DU, déjà réduit par la suppression des allocations inférieures à son montant (environ 60 milliards) est autofinancé par l’augmentation mécanique des rentrées fiscales (de l’ordre de 50 milliards) provenant de l’augmentation de la consommation et du produit national.

La mise en œuvre progressive du DU sur cinq ans, non seulement entraîne la suppression d’une partie des revenus de transferts, mais engendre une augmentation mécanique du PIB par la relance de la consommation. A partir de la 6e année, les ressources fiscales suffisent à le financer, à taux égal de prélèvement.

Une rémunération comme héritage du capital culturel, social et technologique de son pays

Chaque personne, du simple fait qu’elle existe, est source de richesses pour la communauté. Chacun est co-héritier du capital culturel, social et technologique produit par les générations précédentes et doit travailler à le faire fructifier pour les générations à venir.

Par le DU, la dignité d’une personne existe en soi et non pas du fait de son seul travail rémunéré. En effet, il existe d’autres activités que le seul salariat, tout aussi honorables et profitables à 1’ensemble de la société et pourtant en déficit de reconnaissance sociale, jusqu’à présent. D’autant que le travail salarié n’est plus aujourd’hui une garantie d’intégration sociale et économique, comme le montre le phénomène des « travailleurs pauvres », tandis que la reconnaissance de toutes les formes d’activité, même bénévole, par le versement du DU, en est une.

Le montant du DU reste modeste – évalué à 330 euros, en France – et tout juste suffisant pour survivre. De ce fait, les personnes qui le perçoivent en dehors de tout autre revenu sont naturellement incitées à travailler pour augmenter leurs revenus et obtenir davantage que le minimum vital. Bien plus, le Dividende universel renverse le système de l’assistanat en permettant une simplification générale et une grande transparence. Au lieu d’une juxtaposition d’aides catégorielles, il constitue une allocation pour tous. Ainsi, il remet chaque citoyen dans une situation de responsabilité : chacun dispose d’un même minimum vital inconditionnel et demeure responsable de percevoir des revenus supplémentaires tirés de son activité.

Quant au risque d’une immigration non maîtrisée, rappelons que tout citoyen n’a droit qu’à l’héritage de son pays d’origine. L’immigration n’est donc pas spécifiquement encouragée par cette mesure. Cependant, des aménagements peuvent être envisagés, au prorata du temps de séjour d’un étranger en France, par exemple. Par contre, le principe du DU est exportable dans tous les pays et son montant évalué en fonction de la richesse nationale du pays. Il peut donc devenir facteur de développement, comme c’est le déjà le cas au Brésil.

Ainsi, le Dividende universel concrétise la reconnaissance de la valeur de la personne pour elle-même et la revalorisation sociale de l’acte de gratuité, qui aujourd’hui n’est pas comptabilisé dans le PIB, alors qu’il enrichit pourtant de façon mesurable l’ensemble de la société. Souhaitons donc que le débat de société suscité par la mise en œuvre d’une telle mesure, permette d’agréger un mouvement d’unité nationale que les seules mesures réformatrices – pourtant nécessaires – mises en œuvre depuis 2002, ne peuvent suffire à initier.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Avant le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 130 ainsi rédigé :

« Art. L. 130. – Les mesures relatives à la création du Dividende universel sont mises en place. »

Article 2

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par le relèvement des droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Composé et imprimé pour l’Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS

Prix de vente : 0,75 €
ISBN : 978-2-11-121507-8
ISSN : 1240 – 8468

En vente à la Boutique de l'Assemblée nationale
7, rue Aristide Briand - 75007 Paris - Tél : 01 40 63 00 33


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