Document
mis en distribution
le 10 mai 2007
N° 3599
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2007.
PROPOSITION DE LOI
visant à créer un Office d’évaluation et de contrôle,
(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du Plan,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR M. Jean-Michel FOURGOUS,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi vise à créer un outil indispensable pour que le Parlement puisse mieux contrôler nos finances publiques.
Pour exercer convenablement ses missions d’évaluation et de contrôle, le Parlement ne doit pas se laisser alimenter passivement par les informations que les administrations veulent bien lui fournir. Il doit disposer de moyens d’enquête indépendants. Certes, pour cela, il peut demander le concours de la Cour des comptes. Mais ce concours est et demeurera insuffisant car la Cour, maîtresse de son programme, n’est tenue de répondre aux demandes parlementaires que dans la mesure où cela reste compatible avec ses autres missions. Or, elle a bien d’autres tâches à remplir et ses moyens sont limités.
Il est donc nécessaire que le Parlement se dote de moyens nouveaux lui permettant, de façon autonome, de suivre, contrôler et évaluer les finances de l’État et les politiques publiques. Cette nécessité devient d’autant plus urgente que la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances conduit les députés et les sénateurs à être beaucoup plus exigeants sur la justification des dépenses et des actions de l’État : renforcer les moyens d’audit du Parlement est l’une des conditions du succès de cette réforme.
Au cours des dix dernières années, plusieurs initiatives ont cherché à combler ce manque, sans toutefois donner des résultats à la hauteur des enjeux et des besoins. L’une d’entre elles fut la création d’un Office d’évaluation des politiques publiques par la loi du 14 juin 1996. L’échec de cet organisme a conduit à sa suppression en 2001. Cet échec n’est pas lié à la nature même du projet, mais aux conditions de sa mise en œuvre : la lourdeur et l’instabilité du fonctionnement de l’Office ; son positionnement ambigu et son absence d’autonomie par rapport aux assemblées ; l’absence de définition légale de sa mission ; la limitation de son objet à l’évaluation des politiques publiques, alors que l’évaluation, pour être pertinente, doit s’appuyer sur l’audit des dépenses et de la gestion.
La présente proposition tient compte des enseignements tirés de ces expériences. Elle crée un organe d’audit et d’évaluation des finances publiques, rattaché au Parlement, mais doté d’une certaine indépendance. Un tel organisme existe dans plusieurs pays membres de l’Union européenne, et aussi aux États-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande : en mettant en place cet Office d’audit, le Parlement français ne ferait que transposer un dispositif maintes fois expérimenté ailleurs.
Le schéma ici proposé concilie le principe du rattachement de l’office d’audit au Parlement avec sa nécessaire indépendance. Le rattachement de l’Office se concrétise par la procédure de nomination de son directeur, par l’inscription de son budget dans les budgets de l’Assemblée nationale et du Sénat, par les procédures d’approbation du règlement intérieur et du programme annuel. L’autonomie de l’Office résulte du statut de son directeur : celui-ci est nommé pour un mandat de cinq ans renouvelable ; l’exigence d’une majorité qualifiée signifie que sa désignation doit normalement résulter d’un accord entre la majorité et l’opposition ; il ne peut être mis fin à ses fonctions qu’à une majorité qualifiée plus importante que celle requise pour sa nomination ; pleine autorité lui est donnée sur l’organisation et sur le personnel de l’Office ; enfin, il jouit d’une grande liberté de proposition en ce qui concerne le budget et le programme annuels.
Pour les collaborateurs, le texte proposé évite que l’office soit composé uniquement de fonctionnaires ; sur le modèle des offices étrangers, les embauches doivent être faites sur contrats de droit privé, avec l’idée que la plupart des collaborateurs retourneront dans le secteur privé après un passage de quelques années dans l’Office. Une exception est toutefois faite pour des administrateurs de l’Assemblée et du Sénat dont les compétences peuvent être extrêmement utiles au bon fonctionnement de l’Office. Il est également prévu que l’Office puisse faire appel à des organismes extérieurs mais cet apport doit être limité si l’on veut que la doctrine de contrôle de l’Office ne soit pas la juxtaposition de multiples doctrines de contrôle externes,
La proposition prévoit enfin que l’Office puisse intervenir de trois façons :
– En premier lieu, il fournit au Parlement une assistance au cours de la procédure législative, en évaluant les effets, sur les dépenses et les recettes publiques, des projets ou propositions de lois ainsi que des modifications proposées à ces textes. Cette assistance prend la forme d’avis qui ne sont pas automatiquement donnés sur tout ou partie de ces textes, mais seulement lorsqu’ils sont demandés. Elle sera limitée aux aspects techniques de l’évaluation des charges et des ressources, à l’exclusion de toute prise de position sur l’opportunité des mesures proposées, sur leur régularité juridique ou sur tout autre aspect n’ayant pas d’incidence sur ces charges et ressources. À cette fin, l’Office devra mettre en œuvre des méthodes de prévision et d’évaluation fiables et rigoureuses garantissant la haute qualité de ses travaux. Il pourra ne pas émettre d’avis lorsque ces conditions ne seront pas réunies, compte tenu des délais fixés pour répondre.
Sans préjuger des éventuelles décisions du Conseil constitutionnel, les avis de l’Office d’audit devraient notamment permettre de fournir une expertise indépendante, en cas de doute sur le caractère recevable d’une proposition ou d’un amendement au regard de l’article 40 de la Constitution.
– En deuxième lieu, il aide les présidents, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des commissions des finances à remplir leurs missions de contrôle, de suivi et d’évaluation définies par la loi (articles 57 de la loi organique du 1er août 2001 et 164.IV de l’ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959). Dans ce cadre, l’Office met à leur disposition des moyens d’audit pour les assister dans leurs contrôles. Les personnes chargées de cette assistance pourront notamment effectuer des contrôles sur place sous l’autorité des parlementaires, sans que ces derniers doivent nécessairement être présents.
– En troisième lieu, l’Office effectue lui-même les travaux d’audit et d’évaluation inscrits à son programme. Ces travaux donnent lieu à des rapports transmis simultanément aux deux assemblées. Il conviendra, en complément des présentes propositions, d’adapter les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat à cette nouvelle procédure pour organiser l’examen des rapports de l’Office d’audit et prévoir les suites pouvant leur être données.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Après l’article 6 quater de l’ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est rétabli un article 6 quinquies ainsi rédigé :
« Art. 6 quinquies. – I. – Il est institué un Office d’audit sous le nom d’Office Français d’Évaluation et de Contrôle (OFEC) chargé d’assister l’Assemblée nationale et le Sénat dans leur mission d’information et de contrôle et, notamment, dans l’exécution des missions de suivi, de contrôle et d’évaluation définies à l’article 57 de la loi organique no 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et au IV de l’article 164 de l’ordonnance no 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959.
« II. – 1. Le directeur de l’Office est sélectionné par une commission mixte paritaire constituée de six membres des commissions des finances des deux chambres. Il est nommé pour une durée de cinq ans renouvelable, par décision conjointe des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette nomination ne prend effet qu’après avoir été approuvée par chacune des assemblées à la majorité des trois cinquièmes des votants. Le directeur ne peut être choisi parmi les membres d’une fonction publique nationale ou locale.
« 2. Il ne peut être mis fin aux fonctions du directeur de l’Office que par décision conjointe des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, approuvée par chacune des assemblées à la majorité des deux tiers des votants.
« 3. Le directeur gère l’Office d’audit. Il dispose à cette fin des pouvoirs les plus étendus. Il prépare et exécute le budget de l’Office, recrute et dirige son personnel. Il établit le règlement intérieur de l’Office, qui est soumis à l’approbation du bureau des assemblées. Il rend compte chaque année de l’exécution des missions de l’Office par un rapport déposé au bureau de chaque assemblée.
« III. – 1. Le budget de l’Office d’audit est doté, à part égale, par les deux assemblées.
« 2. La proposition de budget est établie par le directeur de l’Office. Elle est transmise à la commission commune visée à l’article 7 de la présente ordonnance. La proposition est arrêtée et inscrite au projet de loi budgétaire selon la procédure définie à ce même article.
« IV. – 1. Les emplois de l’Office d’audit sont pourvus par des personnes recrutées par contrats de droit privé à l’exclusion de tout détachement, mise à disposition ou mise en disponibilité de la fonction publique.
« 2. Par dérogation au 1 du présent IV, des administrateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent être détachés sur un emploi de l’Office d’audit dans la limite de 10 % des effectifs de l’Office.
« 3. Pour l’exécution de ses missions, l’Office d’audit peut passer contrat avec tout organisme de droit privé, dans la limite globale de 30 % du budget de l’office.
« V. – Le programme de travail de l’Office d’audit est préparé chaque année par le directeur. Il est approuvé par décision conjointe des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, prise après avis conforme du bureau de chaque assemblée.
« VI. – L’Office d’audit répond aux demandes d’avis qui lui sont présentées, selon le cas, par le président de chaque assemblée, par le président ou le bureau de chacune de leurs commissions, par le rapporteur général ou les rapporteurs spéciaux de leurs commissions chargées des finances ou par cinquante parlementaires. Ces demandes peuvent porter sur l’évaluation des charges et des ressources publiques, ou des diminutions de charges et de ressources publiques, directes et indirectes, entraînées par une ou des dispositions d’un projet ou d’une proposition de loi, par une modification proposée par l’une des commissions de chaque assem-blée ou par un amendement. Lorsqu’elle concerne une proposition de loi ou un amendement, la demande doit être formulée dans le délai de deux jours suivant le dépôt du texte concerné.
« Les avis sont exprimés :
« – s’ils portent sur un projet de loi de finances, sur une modification proposée par une commission ou sur un amendement, dans le délai de huit jours ouvrés à compter de la demande ;
« – s’ils portent sur un autre projet ou sur une proposition de loi, dans le délai d’un mois à compter de la demande.
« Les avis sont transmis aux auteurs des demandes et publiés par les soins de l’assemblée dont elles émanent.
« VII. – Pour l’exécution des missions de suivi, de contrôle et d’évaluation visées au I du présent article, et en particulier pour la réalisation du programme de l’Office d’audit visé au V du présent article, les présidents, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des commissions chargées des finances peuvent se faire assister, sous leur autorité et sous leur contrôle, par des personnes mises à leur disposition par l’Office ou par des organismes ayant passé contrat avec lui. Les personnes habilitées à participer à ces missions sont astreintes au secret. Elles ont accès, sur pièces et sur place, aux mêmes documents et informations que les membres du Parlement sous l’autorité desquels elles effectuent leurs missions. Les personnes mentionnées au septième alinéa du IV de l’article 164 de l’ordonnance no 58-1100 du 30 décembre 1958 précitée sont déliées à leur égard du secret professionnel, dans les mêmes conditions qu’à l’égard des membres du Parlement.
« VIII. – Les travaux confiés à l’Office d’audit dans le cadre de son programme font l’objet de rapports transmis, dans chaque assemblée, à la commission chargée des finances, qui statue sur leur publication.
« IX. – L’Office d’audit reçoit communication de tous renseignements d’ordre administratif et financier de nature à faciliter sa mission. Il est habilité à se faire communiquer tous documents de service, réserve faite, d’une part, des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, d’autre part, du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs. »
Article 2
Les dotations de l’Assemblée nationale et du Sénat sont majorées à due concurrence.
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