Document
mis en distribution
le 22 février 2007
N° 3629
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2007.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la protection des mineurs
face à la propagation de la pornographie sur Internet,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR Mme Marcelle RAMONET, MM. Jean-Claude ABRIOUX, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Claude BIRRAUX, Loïc BOUVARD, Mme Françoise BRANGET, MM. Bernard BROCHAND, François CALVET, Roland CHASSAIN, Dino CINIERI, Mme Geneviève COLOT, MM. Lucien DEGAUCHY, Dominique DORD, Philippe DUBOURG, Daniel FIDELIN, Jean-Claude FLORY, Marc FRANCINA, Mme Arlette FRANCO, MM. Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, Emmanuel HAMELIN, Joël HART, Pierre HELLIER, Pierre LASBORDES, Mme Geneviève LEVY, MM. Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Thierry MARIANI, Philippe-Armand MARTIN, Christian MÉNARD, Denis MERVILLE, Pierre MICAUX, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Jean-Marc NESME, Pierre-André PÉRISSOL, Bernard PERRUT, Christain PHILIP, Étienne PINTE, Mme Bérangère POLETTI, MM. Daniel PRÉVOST, Éric RAOULT, Jacques REMILLER, Mme Juliana RIMANE, MM. Serge ROQUES, Michel SORDI, Mmes Michèle TABAROT, Hélène TANGUY, MM. Léon VACHET, Mme Béatrice VERNAUDON et M. Gérard VOISIN,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les agressions à caractère sexuel, en augmentation depuis plusieurs décennies, illustrent un grave problème de société qu’il devient urgent de combattre avec détermination. À une époque où les droits des femmes sont légitimement revendiqués, beaucoup d’entre elles ne semblent pas protégées par le premier des droits humains : la sécurité et l’intégrité physique de leur propre personne.
D’un autre côté, la proportion de plus en plus importante de jeunes adultes et de mineurs impliqués dans des agressions sexuelles démontre la dégradation générale de l’image de la femme auprès d’une partie de la population.
Un exemple nous est donné par le phénomène des « tournantes » – ou viols collectifs – dans lesquelles les agresseurs sont parfois très jeunes. Ces agressions sont même parfois filmées par le biais des téléphones portables pour diffusion ou visionnage.
Dans ces affaires sordides, l’absence de remords chez ces agresseurs, voire l’inconscience totale de la gravité de leurs actes criminels, est révélatrice de l’inquiétante altération de leurs références morales.
Le phénomène des violences sexuelles contre les femmes est un sujet trop vaste pour n’en retenir qu’une seule explication. Cette réserve établie, il n’en reste pas moins que la majorité des psychologues et assistants socio-éducatifs s’accordent pour dénoncer l’influence de la pornographie chez les mineurs, l’absence de dialogue, de vigilance familiale parfois des préjugés machistes préétablis, les rendent d’autant plus perméables à une dévalorisation de la femme réduite à un simple objet sexuel. Par l’image véhiculée par la pornographie, la femme devient aux yeux des plus fragiles comme nécessaire consentante à toute pratique sexuelle.
L’intrusion de la pornographie dans l’univers mental des mineurs est d’autant plus inquiétante qu’elle constitue une tendance lourde. Selon une enquête de l’ESPAD (European school survey project on alcohol and other drugs), menée en France par l’INSERM (Mme Marie Choquet), un tiers des garçons de 14 à 18 ans regarderaient régulièrement des films à caractère pornographique.
De même, selon le pédopsychiatre Allard (Le Point, 17 mars 2005), « la pornographie, en filmant des corps morcelés, fait l’impasse sur le lien entre les personnes. Ce qui est générateur d’anxiété chez les 13-14 ans. Ces derniers risquent aussi d’avoir une vision machiste des rapports sexuels, en pensant que la pornographie filme la norme ». Comment dans ces conditions ne pas établir une relation, même indirecte, entre l’inondation de pornographie chez les mineurs et l’augmentation des comportements violents à caractère sexuel chez les moins de 18 ans ?
La détestable influence de la pornographie chez les mineurs est connue. Nous pourrions nous abriter derrière la réglementation existante qui interdit par exemple la vente de films pornographiques à des mineurs. Mais que signifie cette réglementation à l’heure d’Internet ? Les sites pornographiques ne sont-ils pas librement consultables par tous ?
Dans ces conditions, nous estimons qu’il est indispensable d’étendre à Internet la stricte limitation des contenus pornographiques aux seuls majeurs.
Les moyens techniques existent : un site pornographique peut très bien vérifier la majorité de l’internaute grâce à la carte de paiement, comme pour les sites d’achats en ligne. Si la majorité de l’internaute n’est pas établie, les sites pornographiques doivent obligatoirement refuser l’accès à leur contenu. Si un tel dispositif fait défaut sur un site à caractère pornographique, son propriétaire doit engager sa responsabilité pénale.
Par ailleurs, les hébergeurs et les fournisseurs d’accès doivent se sentir concernés par ce grave problème. Dans la logique d’une extension de la loi sur l’économie numérique aux contenus pornographiques, les hébergeurs et fournisseurs d’accès internet doivent s’assurer qu’ils n’hébergent pas de sites pornographiques dépourvus d’un moyen fiable pour en refuser l’accès aux mineurs. Dans le cas contraire, l’hébergeur et le fournisseur d’accès concernés doivent engager leur responsabilité pénale.
Cette proposition de loi vise, en restaurant l’image de la femme chez des mineurs en perte de repères moraux, à apporter sa contribution à la lutte déterminée que nous menons contre les violences sexuelles dirigées contre les femmes, sujet trop grave pour nourrir le doute ou la fébrilité.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Les sites à caractère pornographique doivent être pourvus d’un dispositif fiable permettant de refuser aux mineurs l’accès à leur contenu pornographique. En cas de manquement à cette règle, les propriétaires de ces sites s’exposent à deux années de prison et 300 000 € d’amende.
Article 2
Les hébergeurs internet doivent s’assurer qu’ils n’hébergent pas de site à caractère pornographique violant l’article 1er.
Pour cela, les hébergeurs doit mettre en place un dispositif facilement accessible et visible, permettant à tout utilisateur de porter à leur connaissance un site à caractère pornographique hébergé chez eux qui violerait l’article 1er.
Après avoir été alerté par ce biais, l’hébergeur doit informer promptement les autorités publiques de l’existence de ce site et de l’identité de son propriétaire, sous peine de sanctions fixées à un an de prison et 75 000 € d’amende.
Article 3
Les fournisseurs d’accès internet doivent s’assurer qu’ils n’offrent pas accès à un site à caractère pornographique violant l’article 1er.
Pour cela, le fournisseur d’accès doit mettre en place un dispositif facilement accessible et visible, permettant à tout utilisateur de porter à leur connaissance un site à caractère pornographique qui violerait l’article 1er.
Après avoir été alerté par ce biais, le fournisseur d’accès doit informer promptement les autorités publiques de l’existence de ce site, sous peine de sanctions fixées à un an de prison et 75 000 € d’amende.
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