N° 3717 - Proposition de loi de M. Francis Hillmeyer visant à encourager les entreprises à embaucher des salariés victimes des mutations industrielles



Document

mis en distribution

le 15 mai 2007


N° 3717

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à encourager les entreprises à embaucher des
salariés
victimes des mutations industrielles,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Francis HILLMEYER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au cours des trois dernières années, de nombreuses mesures favorables à l’emploi, ont été prises et ce, dans ou en dehors des dispositifs spécifiques du « plan Borloo ».

Ces mesures se caractérisent d’une part, par le fait qu’elles s’adressent à certaines catégories ciblées de demandeurs d’emploi, – tels les jeunes, les RMIstes, etc. – d’autre part par le fait qu’elles agissent très largement par la création d’emplois publics ou parapublics aidés (contrat d’avenir, contrat d’accès à l’emploi, etc.).

Plus récemment, ce sont les emplois de services chez les particuliers qui ont été relancés par l’octroi aux employeurs de services à domicile, d’avantages fiscaux ou financiers conséquents.

Une autre catégorie de mesures a un caractère plus global et général : allègement gradué des charges sur les petits salaires, action sur le conseil, le suivi et/ou le contrôle des chômeurs.

Cependant, les efforts financiers de toute nature consentis pour associer et inciter les entreprises à l’embauche et à l’emploi, de catégories spécifiques de demandeurs d’emploi ou chômeurs, ont été très inférieurs aux moyens mobilisés pour développer l’emploi associatif ou public, très largement soutenu, encouragé et aidé.

Tout aussi paradoxalement, faut-il constater que peu de mesures fortes, en dehors du soutien au développement de l’apprentissage et des efforts faits sur la taxe professionnelle, (efforts à effet indirect), ont été prises en direction des entreprises pour les inciter à l’embauche, le CNE n’étant qu’une mesure d’assouplissement – bien venue – du droit applicable au contrat de travail pour les TPE.

Pourtant la destruction régulière, massive – et presque toujours douloureuse – d’emplois industriels, manufacturiers et peu qualifiés, sous le double effet de la mondialisation et de l’ouverture de nos marchés aux pays à très bas salaire, et de la robotisation, à l’œuvre dans la plupart des branches industrielles de notre économie, constitue le phénomène structurel majeur de la décade.

La perte annuelle de 70 000 à 100 000 emplois industriels en France ne peut pas être « rattrapée » ou compensée aisément par des mesures globales aussi directes et fortes puissent-elles être.

Si des emplois de remplacement sont créés dans le secteur des services et des activités innovantes, il y a en fait peu de chance que ces emplois s’adressent au grand nombre des salariés ouvriers, les plus concernés par les mutations, qui souvent ont derrière eux 20, 25 ou 30 ans d’activité. Ils ont très souvent un CAP de type industriel, sont âgés entre 45 et 55 ans et, pour eux les reclassements ou les reconversions s’avèrent particulièrement difficiles.

Ils sont menacés, au-delà de la perte d’emploi et au-delà de l’indemnisation nécessairement temporaire, d’appauvrissement mais aussi d’exclusion lente mais inexorable, de la société.

Le cas type auquel on peut faire référence est celui d’une usine textile, localisée dans une petite ville, qui occupait quelques 500 couturières industrielles et qui, suite au dépôt de bilan, a licencié l’ensemble de son personnel. 70 % de ces personnes avaient un niveau CAP, étaient majoritairement âgées de 40 à 55 ans, et en dépit des propositions de conversion vers des métiers de service, leur reclassement n’a pu être que très limité et le basculement vers la pauvreté, voire l’exclusion, après quelques années, se profile pour elles à l’horizon.

Globalement dans le pays, cette situation n’évolue pas de manière significative en dépit de la baisse globale du chômage constatée depuis un an et ce d’autant que le processus le plus souvent brutal de destruction et de réduction d’emplois industriels manufacturiers et peu qualifiés avec ses conséquences sociales connues, n’est pas près de s’arrêter 1. Il est au cœur même de la mutation économique et industrielle que connaît notre pays et l’économie tout entière. Chacun sait qu’on ne fait pas – sauf exception – d’un ouvrier soudeur de 48 ans avec 30 ans d’expérience industrielle, un informaticien, un infirmier, une aide soignante, et très difficilement un maître d’hôtel…

En face, simultanément, la hausse régulière du SMIC, pour compréhensible qu’elle soit à plusieurs égards, ne conduit pas – et c’est un euphémisme – à développer de manière massive des emplois alternatifs nouveaux à la portée de ces salariés frappés par les mutations car le dilemme est structurel et il est proposé par conséquent ici de sortir de cette contradiction par une proposition simple, opportune et juste.

En effet, les salariés d’âge élevé ou intermédiaire, trop peu âgés pour penser pré-retraite, pas préparés et peu aptes pour des emplois nouveaux fortement qualifiés, ne peuvent bénéficier d’emplois publics aidés ; on ne peut admettre que ces salariés là basculent vers l’assistanat ou vers l’exclusion.

C’est le sens de cette proposition qui vise à combattre cette tendance par la mise en place d’un crédit d’impôt, – de 4 000 € par an par salarié – au bénéfice des entreprises de toute taille qui embauchent cette catégorie de salarié et créer des emplois qui leur soient adaptés.

Les caractéristiques de cette proposition se situent au niveau des critères d’octroi :

Pour les entreprises :

– l’embauche doit correspondre à un accroissement net des effectifs de l’entreprise ;

– pour éviter les effets d’aubaine, les effectifs pris en compte ne doivent pas dépasser 50 % pour les entreprises de moins de 5 salariés, 33 % pour les entreprises de moins de 10 salariés, 25 % pour celles qui comptent jusqu’à 20 salariés, 15 % jusqu’à 100 salariés et 10 % au-delà.

Pour les salariés :

Le bénéfice du crédit d’impôt concernerait exclusivement les salariés de faible niveau de qualification (niveau maximum V ou assimilé) âgés de plus de 45 ans, ayant fait l’objet d’un plan de licenciement et demandeur d’emploi depuis plus de six mois ou un an.

Pour la collectivité :

– le coût fiscal de la disposition devrait être égal ou inférieur au coût annuel du RMI ou de l’ASS

– le contrat de travail devrait être d’au moins un an assorti des garanties habituelles et des droits sociaux courants

– les régions qui ont en charge la formation professionnelle des demandeurs d’emplois s’engageraient à leur assurer dans les mêmes conditions que les catégories comparables l’accès à la formation professionnelle.

Pour l’administration fiscale :

– ce crédit d’impôt ne serait pas une innovation fiscale totale puisqu’il a été instauré en 2004 à hauteur de 2 000 € par apprenti embauché dans le cadre des mesures dites « Borloo », bien que très peu de publicité ait été donnée à ce type de dispositif ;

– le coût fiscal de cette mesure serait faible et le bénéfice économique, social et même financier évident. En effet chacun sait le risque d’exclusion, de paupérisation et les coûts financiers des contrats aidés du Plan Borloo sans oublier les coûts du RMI et chacun sait les coûts directs et indirects d’une insuffisante action en matière d’exclusion et de cohésion sociale.

Une mesure de ce type est une mesure « d’efficacité » puisqu’elle suscite la création d’emplois de base au sein même d’entreprises pouvant être performantes ; elle organise aussi le retour au travail de personnes dont les chances sur le marché du travail sont faibles. Elle se veut simple d’application et non bureaucratique, plus simple en tous cas que les subventions habituelles administrativement lourdes. Ses effets pervers éventuels apparaissent très limités compte tenu des conditions d’âge et des conditions d’accès.

C’est aussi une mesure de justice, liée aux mutations engendrées par la mondialisation qui a ses perdants très inégalement et insuffisamment pris en charge.

Cette « discrimination positive » et cet encouragement spécifique à l’embauche ne sont ni « scandaleux » ni sans précédent : les « zones franches » qui exonèrent de charges sociales patronales et d’impôt les entreprises qui s’y installent répondent à une logique – cette fois-ci géographique – comparable. Et si l’on considère que les emplois de service et autres emplois à domicile sont subventionnés à 50 %, pourquoi les emplois spécifiques dans les entreprises ne seraient-ils pas, eux aussi, aidés, surtout s’ils contribuent à créer des emplois en faveur d’une catégorie spécifique de chômeurs ?

Son coût ne devrait pas poser de problème ; de deux choses l’une : ou bien la mesure est efficace et alors elle permet des économies substantielles sur le RMI et sur d’autres mesures similaires, ou bien elle ne l’est que faiblement et alors son coût est limité, voire négligeable.

Elle est aussi un moyen de faire moins appel à l’assistanat et aux dispositifs publics ou associatifs d’emplois aidés (chantiers d’insertion, RMA) compliqués et pas toujours productifs et efficaces. Elle rendrait plus efficace l’action bonne mais coûteuse des entreprises d’insertion…

Il est par conséquent hautement souhaitable, pour réussir dans cette démarche, d’associer toutes les entreprises dont les PME de petites tailles, au-delà du secteur des emplois de services à la personne.

Si l’on peut comprendre que les pouvoirs publics puissent hésiter devant un dispositif de plus en faveur de l’emploi et de la lutte contre l’exclusion, on pourrait imaginer sa mise en place expérimentale dans une région particulièrement touchée par ces problèmes et qui pourrait être l’Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté ou encore la Picardie, vieilles régions industrielles actuellement très touchées par les mutations de leur industrie manufacturière.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Un crédit d’impôt de 4 000 € est institué en faveur des entreprises embauchant des personnes de faible niveau de qualifications (inférieur ou égal au niveau V ou assimilés), âgées de plus de quarante-cinq ans, ayant fait l’objet d’un plan de licenciement et demandeur d’emploi depuis plus de six mois.

Article 2

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées par un relèvement à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 (1) Le rythme de perte d’emploi industriel n’a que très peu diminué depuis que l’économie française s’est remise à recréer des emplois.


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