Document
mis en distribution
le 26 février 2007
N° 3719
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2007.
PROPOSITION DE LOI
visant à assouplir les règles de délégation de l’exercice des actes de la vie courante relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant, en faveur d’un beau-parent,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR M. Jean-Luc WARSMANN,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Actuellement, les données statistiques révèlent que trois millions d’enfants mineurs, en France, ne vivent pas avec leurs père et mère. Plus encore, selon les derniers chiffres INSEE de 1999, 1,6 million d’enfants vivraient dans une famille recomposée, c'est-à-dire au sein d’un foyer comprenant un de leur parent et un beau-parent.
Dans ces situations, il est fréquent que le parent assurant la garde de l’enfant, soit aidé dans l’accomplissement des actes de la vie courante relatifs à la surveillance et à l’éducation de ce dernier, par son conjoint, son concubin, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité.
Cependant, en l’état du droit positif, aucun dispositif juridique ne permet de concilier la reconnaissance d’un statut juridique particulier du beau-parent à l’égard de l’enfant, avec le respect de l’autorité parentale des père et mère.
En effet, la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a prévu des mesures visant à faire bénéficier un tiers, parent ou personne digne de confiance, de certains droits à l’égard de l’enfant. Ainsi, l’article 377 du code civil autorise les père et mère à saisir le juge aux affaires familiales afin de déléguer tout ou partie de l’autorité parentale à un tiers. De même, l’exercice de l’autorité parentale peut être partagé pour les besoins d’éducation de l’enfant, sous réserve de l’accord des parents (art. 377-1 du code civil). Le juge aux affaires familiales peut également, de sa propre initiative et dans l’intérêt de l’enfant, confier l’enfant à un tiers qui pourra exercer les actes usuels de l’autorité parentale (art. 373-3 du code civil). En outre, en vertu de l’article 371-4 du même code, l’enfant se voit reconnaître le droit d’entretenir des relations personnelles avec une personne avec laquelle il n’a pas de liens de parenté. En conséquence, cette tierce personne peut se voir accorder un droit de visite ou d’hébergement vis-à-vis de celui-ci. Enfin, le dernier parent survivant peut désigner de son vivant son partenaire pour exercer la tutelle sur son enfant mineur, en cas de décès (art. 397 du code civil).
Cependant, le bénéfice de ces mesures est fortement conditionné. Ainsi, la délégation et le partage de l’autorité parentale, ainsi que la procédure visant à confier l’enfant à un tiers, sont soumis à un jugement préalable du juge aux affaires familiales. De même, en l’absence de désignation du beau-parent comme tuteur, avant le décès du père ou de la mère, le juge des tutelles donne la priorité aux ascendants. Au-delà, la délégation et le partage de l’autorité parentale restreignent sensiblement l’autorité des parents à l’égard de leur enfant, et font peser sur le tiers une responsabilité équivalente à celle des premiers, freinant ainsi leur mise en œuvre.
Dans ce contexte, les parents souhaitant confier leur enfant à un tiers, sans être soumis à un formalisme important ni voir leur autorité parentale diminuée, doivent présenter ou remettre à ce dernier, une autorisation personnelle pour chacun des actes de la vie courante de l’enfant.
Aussi, ces mesures peuvent-elles apparaître insuffisantes et inadaptées pour le bon fonctionnement des foyers recomposés. Dans son rapport thématique annuel pour 2006, intitulé : « L’enfant au cœur des nouvelles parentalités », la défenseure des enfants s’est ainsi prononcée en faveur de la mise en place d’un véritable statut en faveur : « des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui », au premier rang desquels les beaux-parents.
Dans ce cadre, il pourrait être opportun de mettre en place un dispositif intermédiaire en faveur des beaux-parents, à l’égard des enfants de leur partenaire. D’une part, les père et mère pourraient être autorisés à déléguer à un beau-parent l’accomplissement des actes de la vie courante relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant, au moyen d’une convention simplement enregistrée au greffe du tribunal d’instance du lieu de résidence de l’un d’eux. De même, il serait judicieux de prévoir une possibilité de maintien de cette délégation en cas de décès d’un ou des deux parents. En cas de décès d’un des père et mère, la délégation pourrait être maintenue sous réserve de sa dénonciation par le parent survivant ou le beau-parent. En cas de décès des deux parents, cette même délégation serait maintenue sous réserve de sa dénonciation par le conseil de famille ou le beau-parent.
Toutefois, afin d’assurer la sécurité de l’enfant, deux mesures supposent d’être proposées. D’une part, des paramètres de stabilité et de proximité vis-à-vis de l’enfant, devraient être pris en compte. Ainsi, la notion de « beau-parent » pourrait être définie comme le « conjoint, le concubin, ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’un des père et mère de l’enfant ». En outre, le beau-parent susceptible de bénéficier de cette délégation, serait le « partenaire de celui des père et mère assurant la garde de l’enfant ». D’autre part, l’absence de contrôle a priori du juge au moyen de l’homologation, n’impliquerait pas l’absence de tout contrôle juridictionnel. Le juge aux affaires familiales se verrait reconnaître la possibilité de mettre fin à la convention de délégation, dans l’intérêt de l’enfant.
Ainsi l’autorité parentale des parents se trouverait préservée, tout en permettant à ceux-ci d’accorder un véritable statut juridique au beau-parent délégataire, en matière de surveillance et d’éducation de l’enfant.
C’est pourquoi, la présente proposition de loi a pour objet d’assouplir les règles de délégation de l’exercice des actes de la vie courante relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant, en faveur d’un beau-parent.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Après la section 3 du chapitre Ier du titre IX du livre Ier du code civil, il est inséré une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis
« De la délégation de l’exercice des actes de la vie courante relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant
« Art. 377-4. – Les pères et mères séparés peuvent par décision conjointe déléguer, avec son consentement, au conjoint, concubin, ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité du parent ayant la garde de l’enfant, tous les actes de la vie courante relatifs à la surveillance et à l’éducation de l’enfant.
« La délégation prévue à l’alinéa précédent est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale du présent chapitre. La nature des actes dont l’exercice est délégué, est définie par décret en Conseil d’État.
« La délégation résulte de l’enregistrement de la convention par laquelle les parents et le tiers organisent les modalités d’exercice des actes visés au premier alinéa et fixent la contribution afférente, au greffe du tribunal d’instance dans le ressort duquel l’un des deux parents au moins a sa résidence.
« La délégation prend fin à tout moment, à la demande d’un des deux parents, après notification de sa décision à l’autre parent et au tiers et transmission d’une copie au greffe du tribunal d’instance visé à l’alinéa précédent.
« Si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge aux affaires familiales peut mettre fin à la délégation.
« Art. 377-5. – En cas de décès d’un des père et mère, la délégation est maintenue sauf décision contraire du parent survivant.
« En cas de décès des père et mère, et lorsqu’il n’a pas été choisi de tuteur par le dernier des deux mourants, la délégation est maintenue sauf décision contraire du conseil de famille.
« La décision de retrait de la délégation est notifiée dans les conditions prévues à l’article 377-4. Si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge aux affaires familiales peut mettre fin à la délégation susvisée. »
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