Document
mis en distribution
le 6 mars 2007
N° 3757
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2007.
PROPOSITION DE LOI
portant obligation de poursuites judiciaires par
le ministère public en cas d’infraction constituée
et abrogeant le droit de classement sans suite pour opportunité,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
PRÉSENTÉE
PAR M. Jacques BRIAT,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France, est consacré le principe d’opportunité pour la mise en mouvement de la répression.
Le code de procédure pénale dispose que « le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner » (article 40, alinéa 1er).
L’article 40-1 du même code précise que si le procureur « estime » que les faits constituent « une infraction commise par une personne dont l’identité et le domicile sont connus », il décide s’il est opportun d’engager des poursuites, de mettre en place une procédure alternative ou « de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient » (article 40-1, 3°).
Son pouvoir, d’ailleurs, n’est pas limité aux plaintes et dénonciations, mais s’étend à tout acte qui l’avertit de la commission d’une infraction comme par exemple les procès-verbaux.
Le droit français positif a tempéré ce principe par la réserve de la subordination hiérarchique et le droit conféré à la victime de l’infraction d’intenter elle-même des poursuites concurremment avec le ministère public. En réalité cela n’altère en rien l’opportunité, en tant que telle, de la mise en mouvement de la répression et de la possibilité d’un classement sans suite alors même que le ministère public estime l’infraction constituée.
L’opportunité dans l’exercice des poursuites peut conduire à de graves dysfonctionnements. En effet, dans un monde judiciaire de plus en plus ouvert aux interprétations médiatiques, l’opportunité judiciaire de poursuivre, subjective par nature, peut mettre à néant la constatation juridique objective de la réunion des éléments constitutifs d’une infraction. La perception du système judiciaire par les citoyens et en particulier par les victimes d’infractions peut s’en trouver profondément affectée par l’arbitraire que sous tend l’opportunité critiquée.
Il convient dès lors d’appliquer le principe dit de légalité des poursuites et d’imposer au ministère public de poursuivre toute infraction parvenue à sa connaissance quelles qu’en soient la gravité ou les circonstances. Il convient de retirer à la libre appréciation des magistrats du parquet la mise en mouvement et l’exercice de l’action publique. L’abrogation du 3° de l’article L. 40-1 du code de procédure pénale répond à cette exigence en ne permettant plus l’opportunité de classer sans suite alors même que l’infraction est constituée au sens de l’article 40-1, alinéa 1er.
Le principe de la légalité dans la mise en mouvement des poursuites est d’ailleurs admis en Allemagne, en Espagne, en Grèce, dans un grand nombre de cantons suisses. Statistiquement dans les divers pays du monde, l’opportunité dans l’exercice de l’action publique est beaucoup moins fréquemment retenue que son contraire.
Il convient par contre de rappeler expressément à tout plaignant qui saisirait le ministère public tenu dès lors de poursuivre, outre les droits de la défense, les garanties judiciaires de toute personne injustement mise en cause, notamment l’article 226-10 du code pénal réprimant la dénonciation calomnieuse et ce par un nouvel alinéa à l’article 40 précité.
Il convient pour tous ces motifs de modifier le code de procédure pénale en ce sens pour affirmer le principe de légalité des poursuites et d’obliger ainsi le ministère public à poursuivre en cas d’infraction constituée quelle qu’en soient les circonstances tout en rappelant les garanties judiciaires de toute personne mise en cause.
C’est la raison pour laquelle il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Le 3° de l’article 40-1 du code de procédure pénale est abrogé.
Article 2
L’article 40 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il convient de rappeler expressément à tout plaignant qui saisirait le ministère public par plainte, dénonciation ou tout autre moyen, outre les droits de la défense, les garanties judiciaires de toute personne injustement mise en cause, notamment les dispositions de l’article 26-10 du code pénal réprimant la dénonciation calomnieuse de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. »
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