N° 1021 - Rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances (M. Michel Bouvard)




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N° 1021

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2003.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Michel Bouvard, Didier Migaud,
Charles de Courson et Jean-Pierre Brard

Députés.

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Lois de finances.

INTRODUCTION 5

I.- LA CONSTRUCTION DU NOUVEAU CADRE BUDGÉTAIRE 7

A.- QUELLE PORTÉE DONNER À L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE ? 7

1.- L'identification des politiques de l'État 9

a) La lisibilité des lois de finances dépendra de la définition des missions 9

b) La cohérence de l'autorisation parlementaire dépendra de la précision des programmes 11

2.- La prise en compte de l'interministérialité 12

3.- Le traitement des moyens communs 14

a) Les fonctions de pilotage 15

b) Les services polyvalents 16

B.- COMMENT ASSURER LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PERSONNEL ? 21

1.- L'encadrement des crédits de rémunération 21

2.- Le plafonnement des emplois 24

a) La définition du périmètre des plafonds d'emplois 25

b) Les modalités de dénombrement, de gestion et de présentation des emplois 27

3.- L'évolution de la gestion des ressources humaines 28

a) L'émergence de la notion de métier 28

b) L'évolution des modalités de rémunération 29

c) La déconcentration des actes de gestion 30

C.- COMMENT ASSURER LA MISE EN œUVRE DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE ? 30

1.- La déclinaison opérationnelle des programmes 31

2.- La responsabilisation des opérateurs 33

3.- La coordination territoriale des politiques nationales 34

II.- LA MODERNISATION DE LA GESTION 37

A.- COMMENT CONSTRUIRE UN SYSTÈME DE GESTION PAR LA PERFORMANCE ? 37

1.- L'ébauche d'une culture de résultats 37

a) Le dispositif d'évaluation associé aux agrégats 37

b) Le suivi des expériences de globalisation de crédits 40

2.- La définition des objectifs et le choix des indicateurs 42

B.- COMMENT RENDRE LA CHAÎNE DE LA DÉPENSE PLUS EFFICACE ? 46

1.- L'évolution du rôle du comptable public 47

2.- L'évolution du rôle du contrôle financier 50

a) Les orientations proposées 51

b) Un débat encore très ouvert 53

3.- Le renforcement du contrôle interne 60

C.- COMMENT FAIRE DE LA COMPTABILITÉ UN OUTIL DE MODERNISATION ? 61

1.- La refonte de la comptabilité générale 62

2.- L'enrichissement de la comptabilité budgétaire 69

3.- La création de comptabilités analytiques 71

4.- La construction de la « qualité comptable » 73

a) Le comptable public, garant de la qualité comptable 73

b) La certification des comptes de l'État 75

EXAMEN EN COMMISSION 73

INTRODUCTION

Devant l'ampleur du chantier ouvert par l'abrogation de l'ordonnance du 2 janvier 1959, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances a donné quatre ans à l'État pour réformer son budget. Deux ans après l'adoption du texte, et alors que le terme de la période transitoire approche, où en est la réforme du budget de l'État ?

Afin de suivre la mise en œuvre de la loi organique, votre Commission des finances a créé, le 15 janvier dernier, une mission d'information, constituée d'un représentant de chaque groupe politique. Celle-ci a entendu, souvent à plusieurs reprises, les instances interministérielles instaurées pour piloter la réforme, les directeurs des affaires financières des principaux ministères (1) et les magistrats de la Cour des comptes chargés de suivre l'entrée en vigueur du texte. Elle s'est par ailleurs rendue dans la région Centre pour examiner les conditions dans lesquelles le nouveau cadre budgétaire pourrait être décliné au niveau déconcentré. Elle a enfin rencontré les responsables du volet comptable de la réforme.

Aujourd'hui, si la réforme est bien engagée grâce à la mobilisation de l'administration, la mise en œuvre de la loi organique soulève toujours davantage d'interrogations qu'elle n'apporte de solutions.

Les travaux réalisés au cours des neuf derniers mois ont permis de franchir des étapes importantes. La réorganisation des instances de pilotage autour de la Direction de la réforme budgétaire a favorisé la définition des règles d'application de la loi organique. Réunis dans un Comité de pilotage interministériel, les directeurs des affaires financières des ministères ont validé, sous la forme de notes d'orientation, les conditions de mise en œuvre des principaux volets de la réforme (mise en place des nouveaux budgets, nouvelle gestion des emplois, évolution du contrôle de la chaîne de la dépense). Chargé de vérifier la fiabilité des systèmes de mesure des résultats, le Comité interministériel d'audit des programmes a réalisé un guide qui précise la méthode de construction du nouveau cadre budgétaire. Les équipes de projet formées dans les ministères se sont progressivement approprié les nouveaux concepts, et ont réfléchi sur les pistes de réforme. Par ailleurs, le Comité des normes de comptabilité publique a engagé les travaux nécessaires à la définition et à la validation des normes comptables. Pour sa part, la Mission de modernisation comptable, constituée au sein de la Direction de la réforme budgétaire, a initié la rénovation de la chaîne de la dépense et la modernisation de la comptabilité de l'État.

Si les services ont pris conscience de l'importance des changements induits par la réforme, ils ne sont pas toujours en mesure d'apporter des solutions précises aux difficultés qu'ils rencontrent. Les réponses aux questions posées par la mise en œuvre du texte dépendent en effet souvent d'arbitrages qui ne sont pas encore rendus. Il appartient aujourd'hui aux ministres de faire les choix indispensables à la modernisation de leur administration. Pour sa part, le Parlement doit s'investir davantage dans la mise en œuvre d'une loi dont il a eu l'initiative et qui engage sa capacité à orienter et à contrôler le budget de l'État.

La réforme est actuellement à un tournant décisif. Le Gouvernement s'est en effet engagé à arrêter l'architecture du nouveau cadre budgétaire à la fin du premier trimestre 2004. Plutôt que de passer en revue les différents scénarios qui sont en cours de définition, la Mission a choisi d'organiser son rapport d'étape autour de trois enjeux fondamentaux : la portée de l'autorisation parlementaire, la capacité du nouveau dispositif à maîtriser les dépenses de l'État et la modernisation de la gestion publique.

Le calendrier : neuf mois pour décider du nouveau cadre budgétaire et comptable

L'ensemble des dispositions organiques sera, pour la première fois, applicable à la loi de finances pour 2006. En octobre 2005, le Parlement examinera et votera un projet de loi de finances conçu selon les nouvelles règles. Le ministre du budget et de la réforme budgétaire a fixé, en mars 2003, le calendrier de préparation de ce projet :

- en juin 2003, chaque ministère devait proposer au moins une expérimentation qui sera intégrée dans le projet de loi de finances pour 2004 ;

- à l'automne 2003, les missions, programmes et actions seront finalisés ;

- au 31 décembre 2003, les nouvelles normes comptables seront adoptées ;

- au premier trimestre 2004, les objectifs et les indicateurs seront arrêtés.

I.- LA CONSTRUCTION DU NOUVEAU CADRE BUDGÉTAIRE

La loi organique modifie les dispositions qui régissent le contenu, la procédure d'adoption et les conditions d'exécution du budget. Elle a été votée pour rétablir le sens et la portée de l'autorisation parlementaire et donner au Parlement des nouvelles prérogatives dans la définition et le contrôle des dépenses de l'État.

La portée de l'autorisation parlementaire dépendra de la capacité de l'administration à regrouper ses dépenses de manière à identifier les politiques de l'État. La présentation des lois de finances déterminera également les conditions dans lesquelles les crédits seront, sur le terrain, déclinés et pilotés. La construction du nouveau budget ne se limite pas une simple question de nomenclature : elle met en cause la capacité de l'État à maîtriser ses dépenses, en particulier de personnel.

A.- QUELLE PORTÉE DONNER À L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE ?

Tout le monde s'accorde à reconnaître que la mise en œuvre de la loi organique est un moyen de « mettre à plat » le budget de l'État : « la réforme budgétaire est une occasion unique de revisiter l'ensemble des politiques publiques tant dans l'identification de leur coût que dans la formulation de leurs objectifs et la mesure de leur performance » (2). Or, en cherchant à préserver leur organisation administrative, certains ministères risquent de ne pas saisir cette occasion.

La Mission reste convaincue de la nécessité de privilégier une démarche volontariste qui donne la priorité à la clarification de l'autorisation parlementaire sur la préservation des structures administratives actuelles. S'il convient de veiller à ce que les responsables des unités budgétaires soient clairement désignés, les difficultés à réformer l'organisation des services ne doivent pas prendre le pas sur la nécessité d'identifier les politiques de l'État. La loi organique n'a, en effet, pas été votée pour garantir l'autonomie budgétaire des structures en place : en structurant les crédits en missions, programmes et actions (cf. encadré ci-dessous), elle a clairement opté pour une budgétisation par finalité qui, dans certaines situations, suppose des réorganisations administratives.

La budgétisation par finalité de dépense : les missions, programmes et actions

a) Le rôle des missions

La mission relève « d'un ou de plusieurs services d'un ou de plusieurs ministères », et forme « un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ».

Premier niveau de la future architecture, la mission a été conçue pour identifier les politiques de l'État et pour permettre une gestion interministérielle de certaines d'entre elles. Sur ce point, la mise en œuvre de la loi organique pourrait faire apparaître l'inadaptation des structures ministérielles, et se heurter à l'organisation gouvernementale actuelle. La définition des missions doit être l'occasion de « mettre à plat » le budget, pour vérifier la cohérence des dépenses visant des finalités identiques et identifier les structures administratives redondantes.

Si, du point de vue du Gouvernement, les missions, parce qu'elles ne constitueront pas l'unité d'exécution des crédits, peuvent paraître moins importantes que les programmes, elles sont essentielles du point de vue du Parlement :

- elles serviront en effet d'unités de vote. De la définition des missions découleront le sens et la portée de la seconde partie des lois de finances. En votant les crédits d'une mission, il s'agira d'autoriser la mise en œuvre d'une politique publique ;

- elles constitueront également les unités au sein desquelles s'exercera le droit d'amendement que la loi organique ouvre à l'initiative parlementaire. Elles formeront en effet des enveloppes à l'intérieur desquelles, en déposant des amendements redéployant les crédits entre programmes, les parlementaires pourront proposer de modifier l'allocation des moyens.

b) La structuration en programmes et actions

Unités de spécialité des crédits, les programmes constitueront le cadre d'exécution du budget. Ils ont été créés de manière à substituer à la spécialisation par nature de dépense actuellement en vigueur une spécialisation par destination de dépense. Obligatoirement ministériels, ils seront, à titre indicatif, déclinés en actions qui formeront le troisième niveau de la nomenclature. Ils seront, également à titre indicatif, ventilés par nature de dépense.

Le calibrage des programmes déterminera l'importance de la souplesse de gestion offerte aux ministres pour remplir les objectifs qui leur ont été fixés. Les programmes formeront en effet des enveloppes totalement fongibles (le ministre sera libre de changer la ventilation prévisionnelle du programme entre les actions qui le composent et de modifier sa répartition par nature de dépense), sous réserve de ne pas dépasser les crédits de personnel qui constitueront un plafond (mécanisme de la fongibilité dite « asymétrique »).

La loi organique a conçu le programme en privilégiant une structuration autour d'actions aux finalités homogènes et clairement définies. Le programme est en effet défini comme le regroupement de « crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation ». La définition des programmes induit donc un découpage des crédits en fonction des finalités poursuivies.

1.- L'IDENTIFICATION DES POLITIQUES DE L'ÉTAT

La clarification du budget dépend des conditions dans lesquelles la loi de finances identifiera les politiques de l'État. L'attention portée aux missions et la précision du découpage entre les programmes seront de ce point de vue déterminantes.

a) La lisibilité des lois de finances dépendra de la définition des missions

La définition des missions joue un rôle central dans l'identification des politiques. C'est la raison pour laquelle elle doit intervenir en amont de la construction de la nouvelle architecture : bâtir le budget en partant des unités de base sans réflexion stratégique sur les missions de l'État risquerait d'avoir pour conséquence, d'une part, de calquer la structuration des programmes sur l'organisation existante et, d'autre part, de maintenir l'éparpillement de l'action de l'État et la sédimentation de ses interventions.

Lors du débat sur la maîtrise des dépenses publiques qui a eu lieu à l'Assemblée nationale le 8 avril 2003, votre Commission des finances avait émis le souhait que les missions ne soient pas ramenées à un simple habillage des programmes. Les premières réflexions menées par les ministères mettaient en effet la définition des missions au second plan, ce qui n'aurait pas manqué d'avoir des conséquences sur la cohérence et la précision de l'autorisation parlementaire. Le risque de création de missions composées d'un seul programme aurait pu, en outre, faire obstacle à l'exercice du droit d'amendement reconnu au Parlement par l'article 47 de la loi organique.

Ce souhait a été entendu par les instances interministérielles de pilotage : les missions sont désormais prises en compte par les notes d'orientation et elles figurent dans le calendrier de mise en œuvre de la réforme. Il importe aujourd'hui que ce recadrage soit mis à profit pour mener à bien la réflexion sur les politiques de l'État. Or, les ministères rencontrent encore d'importantes difficultés à s'interroger sur les finalités et la justification de leurs actions, et proposent trop souvent une architecture qui reproduit leur organisation administrative plus que les politiques qu'ils sont chargés de mettre en oeuvre.

En particulier, l'éducation nationale (premier budget et premier « employeur » de l'État) pourrait faire l'objet d'une seule mission. Le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a, en effet, arrêté un projet qui maintient les grandes lignes de la structure des agrégats actuels, tout en regroupant les enseignements scolaire et supérieur dans une même mission. Destinée à affirmer l'unité du ministère et à régler le problème de certains crédits de fonctionnement et d'équipement des rectorats, communs aux deux niveaux d'enseignement, cette option soulève une question de fond qui mériterait un examen plus approfondi : l'éducation constitue-t-elle une même politique publique, depuis le pré-élémentaire jusqu'au doctorat ?

De même, le ministère de la défense a du mal à s'extraire de la séparation entre ses trois armées. Pourtant, les missions de la défense nationale sont mises en œuvre par les états-majors, sans qu'il soit possible de distinguer des politiques spécifiques à chacun d'entre eux. L'administration privilégie la préservation des prérogatives de chacun des responsables du ministère, fixées par le décret n° 82-138 du 8 février 1982 organisant la répartition des compétences entre les états-majors. L'évolution vers une « interarmisation » accrue, déjà pratiquée à l'étranger et notamment au Royaume-Uni, est considérée comme une révolution culturelle à laquelle le ministère ne semble pas prêt, voire comme une source de désorganisation des circuits de commandement. Pourtant, comme le montre le rapport de M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis des crédits d'équipement du budget de la défense, « le renforcement de l'autorité du chef d'état-major des armées sur les chefs d'état-major de chaque armée est nécessaire. En effet, le chef d'état-major des armées, dont les responsabilités de planification sont essentielles pour l'élaboration des projets de loi de programmation militaire, ne dispose pas du même poids dans la préparation des budgets annuels, et encore moins dans leur exécution. Par voie de conséquence, la cohérence du modèle d'armée et de la chaîne de décision est parfois mise à mal » (3). On peut ajouter que l' « interarmisation », en mutualisant les moyens des armées, permettrait de réaliser des économies d'échelle.

Certaines administrations ont centré leurs premières réflexions sur une simple adaptation de la nomenclature des actuels agrégats, sans toujours s'interroger sur leur adéquation aux principes de la budgétisation par objectif. Rappelons que, introduits en 1996 dans certains budgets, les agrégats ont été généralisés afin de « rapprocher, dans un cadre commun, la présentation des actions et la mesure des coûts, la description des objectifs et la mesure des résultats » (4). On retrouve ainsi dans la conception des agrégats les principes qui ont présidé à l'introduction des programmes. Néanmoins, comme le montre la Cour des comptes, la qualité des agrégats est très inégale : «  dans environ la moitié des ministères [que la Cour a étudiés], les périmètres budgétaires des agrégats ne retracent pas fidèlement les moyens financiers et en personnel correspondant à leurs missions, et les administrations en charge de la gestion des agrégats ne sont pas identifiées ou ne disposent pas de l'ensemble des moyens retracés par les agrégats » (5). Dans les autres cas, la présentation des crédits en agrégats se limite à reproduire les structures existantes (6), alors que la mise en oeuvre de la loi organique devrait conduire à restructurer les masses budgétaires en faisant abstraction des frontières entre services, voire en repensant l'organisation administrative.

La réflexion sur la définition des missions doit initier une réorganisation de l'État dont la réforme du budget ne peut pas faire l'économie. Plaquer un système de gestion par la performance sur des structures inefficientes signerait l'échec de la réforme. Si, comme le note la Cour des comptes en rappelant l'échec de l'expérience de rationalisation des choix budgétaires (7), il n'est pas concevable de faire abstraction des organisations administratives, il convient de ne pas inverser les priorités : c'est aux structures de s'adapter à l'identification des politiques et non le contraire. Au demeurant, la nécessité d'adosser l'autorisation de dépense sur des services n'impose pas de présenter le budget en fonction des organigrammes ministériels. Chaque ministre aura la possibilité de désigner un « pilote » chargé d'un des volets du budget (par exemple, un chef de file par mission) qui peut être distinct des responsables opérationnels (8). Dès à présent, la réflexion sur l'évolution de l'organisation gouvernementale doit être engagée.

b) La cohérence de l'autorisation parlementaire dépendra de la précision des programmes

Le Gouvernement travaille actuellement sur des hypothèses limitant autant que possible le nombre de programmes. Plusieurs regroupements d'agrégats sont envisagés. Le nombre de programmes devrait donc être sensiblement inférieur à celui des actuels agrégats (118 en 2001), et l'équilibre prévu par les travaux préparatoires de la loi organique (60 missions et 150 programmes) pourrait ne pas être respecté.

Il a notamment été envisagé - cette option est, semble-t-il, aujourd'hui abandonnée - de présenter les crédits du ministère de l'industrie dans un seul programme, mélangeant la politique énergétique, la régulation et l'innovation technologique. De même, la direction générale de l'aviation civile a, jusqu'à présent, privilégié un programme unique correspondant à l'actuel budget annexe (9). Autre exemple frappant : selon les conclusions d'un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'environnement, le ministère de l'écologie et du développement durable mène deux politiques distinctes (protection des milieux et prévention des risques), mais, pour des raisons tenant à l'imbrication de ses structures, devrait faire l'objet d'un programme unique (10).

Ces regroupements sont souvent justifiés par la nécessité de respecter, dans le découpage des programmes, une taille critique : pour pouvoir fonctionner, un programme devrait représenter une masse budgétaire suffisante, quitte à mélanger des crédits hétérogènes. En définissant le programme comme un ensemble cohérent d'actions, la loi organique privilégie la lisibilité de l'unité de spécialité sur son niveau en masse budgétaire. Il semblerait plus conforme d'écarter toute idée de taille critique, pour favoriser l'identification des politiques. En conséquence, chaque politique devrait faire l'objet d'un programme, même si elle représente un niveau de crédits plus faible que celui réservé aux autres finalités du budget considéré.

Destiné à maximiser les effets de la fongibilité, un surdimensionnement des programmes nuirait à l'homogénéité de l'autorisation parlementaire. Quel sens y aurait-il, par exemple, à mélanger dans une même autorisation des activités aussi éloignées les unes des autres que le fonctionnement des préfectures, le budget des cultes et l'organisation des élections ? S'il est légitime d'assurer la fongibilité des crédits alloués à une finalité bien identifiée, autoriser des redéploiements entre des politiques différentes remettrait en cause la portée de l'autorisation de dépense.

Le centre de gravité du nouveau cadre budgétaire a été déplacé vers le bas. En faisant l'économie du premier niveau de la nomenclature (les missions), les ministères ont fondé leurs premières réflexions sur une structure à deux échelons qui fait des actions le véritable niveau d'identification des politiques. Les actions constituent pourtant, parmi les trois strates de la future nomenclature, celle que la loi organique définit le moins précisément (11), et, surtout, elles ont été conçues comme des unités budgétaires sans valeur normative - il ne s'agit ni de l'unité de vote du budget, ni de l'unité de spécialité des crédits -, destinées à préciser, à titre purement indicatif, le contenu des programmes. Centrer la budgétisation par objectif sur des unités « infra-législatives » modifierait la portée de l'autorisation parlementaire et aurait des conséquences sur le pilotage et le contrôle du budget (cf. infra les développements relatifs à la responsabilisation des opérateurs).

Au total, un découpage en 150 programmes, soit un nombre sensiblement supérieur à celui des actuels agrégats, semble constituer un bon équilibre. Cet ordre de grandeur permettrait de donner aux services un niveau de fongibilité suffisant, sans nuire à la précision de l'autorisation parlementaire.

2.- LA PRISE EN COMPTE DE L'INTERMINISTÉRIALITÉ

La gestion interministérielle est un des enjeux de la réforme : l'État doit être capable de mieux coordonner les politiques relevant de ministères différents, aussi bien dans leur conception au niveau central que dans leur mise en œuvre au niveau déconcentré. En donnant au Gouvernement la faculté de créer des missions regroupant des programmes relevant de ministères différents, la loi organique a prévu la possibilité de gérer l'interministérialité dès le stade de l'autorisation parlementaire. Ce nouvel outil participe du souci d'améliorer la lisibilité des lois de finances : c'est un moyen de s'affranchir des découpages administratifs en mettant dans une même unité de vote des programmes qui concourent à une même politique, et de présenter non seulement le coût complet d'un volet de l'action de l'État, mais les crédits des ministères concernés selon une nomenclature, des objectifs et des indicateurs harmonisés.

Les missions interministérielles sont un outil d'identification, et non de gestion, de l'interministérialité : dotées d'unités d'exécution des crédits (les programmes) nécessairement ministérielles, elles ne permettent pas de faire l'économie de dispositifs qui, sur le terrain, permettront d'assurer la coordination entre ministères. Néanmoins, parce qu'elles améliorent la lisibilité de l'autorisation parlementaire, il serait dommage qu'elles restent lettre morte. Elles doivent donc faire l'objet d'un arbitrage en amont, afin que la contribution de chaque ministère corresponde à un programme spécifique.

Comme le montre le nombre de « jaunes » budgétaires annexés au projet de loi de finances pour récapituler l'effort de l'État dans un secteur donné (12), les politiques interministérielles couvrent un champ de dépenses très vaste. Il serait difficile de transformer chacun des fascicules jaunes en missions interministérielles. Ceux-ci sont en effet construits à partir d'une simple estimation de dépenses, davantage que sur une véritable prévision de crédits. Surtout, l'intérêt de créer une mission interministérielle doit être comparé à l'inconvénient de soustraire les crédits en cause de leurs budgets d'origine. Même si elles concourent à une politique interministérielle, certaines dotations, parce qu'elles font partie d'un ensemble de crédits cohérent, doivent être maintenues dans des unités de vote ministérielles. Une multiplication des missions interministérielles aboutirait à un émiettement des crédits, préjudiciable à la lisibilité des lois de finances. En tout état de cause, l'imbrication de certaines interventions de l'État rend l'exercice difficile. Par exemple, au sein des dépenses d'équipement et d'exploitation des routes, la participation à la lutte contre l'insécurité routière est fortement imbriquée avec les autres missions du ministère de l'équipement. De même, la contribution des effectifs de police ou de gendarmerie n'est pas directement identifiable.

Le comité de pilotage interministériel a fixé quatre conditions pour créer une mission interministérielle : celle-ci doit couvrir des programmes de taille suffisante, porter sur une politique sectorielle lisible, faire l'objet d'une gestion spécifique et ne pas se limiter à la déclinaison territoriale d'une politique sectorielle (13). Ces critères devraient déboucher sur la création de deux missions interministérielles : le première, consacrée à la lutte contre l'insécurité, regrouperait les moyens de la police et de la gendarmerie nationales, voire de la sécurité civile (14) ; la seconde, dédiée à la recherche, pourrait rassembler les principaux postes de l'actuel budget civil de recherche et développement technologique.

Par ailleurs, de nouveaux outils de pilotage des politiques interministérielles sont prévus. Un ministre « chef de file », responsable ou non d'un programme propre, serait désigné afin de présider une commission interministérielle et de rendre compte devant le Parlement. En outre, il est envisagé de consolider dans un projet coordonné de politique interministérielle (PCPI) les données associées aux programmes ministériels. À la différence des « jaunes » budgétaires, ce projet constituerait un véritable outil de pilotage, définissant des objectifs dont la mise en œuvre relève de plusieurs ministères, et décrivant des résultats et des indicateurs communs. Les PCPI feraient l'objet de comptes-rendus retraçant les résultats de l'exécution des crédits. L'ensemble de ces informations serait décliné dans les projets et rapports annuels de performances figurant dans les programmes partenaires.

Le statut des PCPI demandera à être précisé. S'agit-il d'un document interne destiné au pilotage ou ont-ils vocation à être transmis au Parlement ? Le comité de pilotage interministériel a prévu que ces projets ne seraient pas soumis aux obligations de calendrier de dépôt des documents budgétaires. On voit donc mal en quoi ils permettront d'éclairer le Parlement sur les politiques interministérielles, ni comment ils s'articuleront avec les actuels « jaunes » qui sont soumis à des délais de dépôt.

3.- LE TRAITEMENT DES MOYENS COMMUNS

L'organisation de services de l'État n'est pas toujours adaptée aux principes de la budgétisation par objectif prévus par la loi organique. Si certains ministères sont organisés en fonction des finalités qu'ils poursuivent (15), d'autres ont choisi de mettre en place des services polyvalents. Face à cette polyvalence, les instances de pilotage de la réforme ont adopté une position protectrice des responsabilités administratives existantes : elles ont prévu de substituer, pour les dépenses concernées, à la logique par finalité prévue par la loi organique une approche par structure, consistant à bâtir l'architecture en fonction des entités administratives qui seront chargées de l'exécution de la dépense. La conception du programme s'en trouve modifiée : il revient au cadre budgétaire de s'adapter aux structures administratives et non l'inverse. Au total, le programme ne permet plus d'appréhender le coût complet d'une politique.

La Mission reste attachée à une construction de programmes « à coût complet », même si celle-ci passe par une réorganisation des responsabilités administratives, voire des modifications de structures. La loi organique privilégie en effet une logique de responsabilisation qui suppose que chaque gestionnaire, pour pouvoir atteindre ses résultats, maîtrise l'ensemble des moyens prévus pour mener la politique dont il a la charge. La Cour des comptes fait, sur ce point, la même interprétation : « la constitution de vastes programmes ministériels transversaux, qui priverait les autres programmes de certains de leurs moyens, doit (...) être proscrite » (16).

La ventilation des moyens communs se pose de manière différente selon qu'il s'agit d'assurer des fonctions transversales de pilotage ou de financer des services mettant en œuvre plusieurs politiques.

a) Les fonctions de pilotage

Certains crédits ne peuvent pas être affectés à la réalisation d'une politique particulière, car ils participent d'une mission transversale de pilotage, destinée à assurer des fonctions d'état-major ou de gestion commune (notamment gestion du personnel, financière, immobilière ou informatique). Le comité de pilotage interministériel a prévu de regrouper ces crédits dans des programmes particuliers, intitulés « fonctions support », qui, à la différence des programmes de droit commun (les programmes opérationnels, dits « de politique »), n'identifieraient pas une des finalités de l'action de l'État.

La ventilation des crédits « support » entre les programmes opérationnels n'aurait guère de sens. Par exemple, à quelle finalité (sécurité, action territoriale, aide aux collectivités locales) rattacher les moyens de la direction de la programmation, des affaires financières et immobilières du ministère de l'intérieur ? Le recours à des programmes « fonctions support » peut donc se justifier. Ceux-ci pourraient être présentés en recourant à une typologie commune d'actions, d'objectifs et d'indicateurs, afin de comparer, d'un ministère à l'autre, le coût des états-majors et l'efficacité du pilotage de l'État.

Néanmoins, il ne faudrait pas que les programmes « fonction support » deviennent les réceptacles d'actions hétérogènes. Plusieurs ministères envisagent de faire figurer dans les moyens « support » des crédits qui financent une politique clairement identifiée, au motif qu'ils représentent un volume budgétaire peu important. D'autres prévoient d'y mettre l'ensemble des moyens de personnel et de fonctionnement courant de leur administration centrale, y compris ceux des directions opérationnelles qui sont pourtant facilement rattachables à un programme « de politique ». Ainsi, le programme « support » du budget de l'éducation nationale pourrait agréger, sans grande cohérence, les moyens de l'administration - y compris ceux des services opérationnels de l'administration centrale (notamment, directions de l'enseignement scolaire, de l'enseignement supérieur, de la recherche ) -, les subventions aux établissements publics nationaux (Centre national de documentation pédagogique, Centre national d'enseignement à distance ...) et l'action internationale du ministère.

Il ne faudrait pas davantage que certains crédits soient soustraits des programmes opérationnels, au motif que leur gestion peut concerner un service relevant d'un programme « support ». Notamment, les crédits immobiliers, informatiques ou de personnel doivent être rattachés aux politiques auxquelles ils participent, même si des services transversaux interviennent dans leur gestion. Sur ce point, il conviendrait d'harmoniser les contours des fonctions « support » : les solutions actuellement envisagées pour l'imputation de certaines dépenses varient d'un ministère à l'autre. 

Au total, les programmes « fonction support » doivent se limiter aux seules dépenses transversales qu'il est impossible de ventiler par finalité. Le Comité interministériel d'audit des programmes estime que celles-ci peuvent représenter jusqu'à 15 % des crédits d'une activité, et qu'au-delà elles seraient contraires à l'esprit de loi organique (17). L'introduction d'un tel seuil risque d'inciter certains ministères à gonfler leurs programmes « support », en leur adjoignant des crédits qui leur sont étrangers. Plutôt que de retenir un pourcentage d'application générale - dont, au demeurant, le niveau n'est pas justifié -, il semble préférable de vérifier au cas par cas la justification des fonctions « support ».

La budgétisation à coût complet n'interdit pas de procéder à des délégations de gestion : les responsables de programme pourraient confier l'exécution d'une partie de leurs crédits à des services transversaux spécialisés dans la gestion de certaines dépenses (gestion des ressources humaines, gestion immobilière ou informatique, études ...). À cette fin, un décret est en cours de rédaction pour créer une procédure de mandat de gestion. Celle-ci permettra à un service de l'État, pour un objet et une enveloppe de crédits déterminés par convention, de recevoir mandat d'un autre service, afin d'effectuer à sa place et pour son compte un ensemble de tâches. Par exemple, pour une opération de construction d'un commissariat de police, les crédits seraient inscrits au sein d'un des programmes dédiés à la sécurité, et la direction générale de la police nationale donnerait mandat à la direction de la programmation, des affaires financières et immobilières pour réaliser l'investissement. Cette procédure n'équivaut pas à un mouvement de crédits : ceux-ci restent budgétairement inscrits dans leur programme d'origine dont le responsable est seul comptable de leur utilisation. La procédure de mandat de gestion ne peut donc pas être utilisée comme un moyen de contourner les règles organiques encadrant les mouvements de crédits entre programmes.

La procédure du mandat de gestion a l'avantage de concilier une budgétisation à coût complet et une souplesse dans l'exécution opérationnelle du budget (18). Mal connue des services, elle n'est pas encore suffisamment prise en compte dans les réflexions des ministères sur la structuration des programmes.

b) Les services polyvalents

Certains services, pour la plupart déconcentrés, font apparaître des acteurs polyvalents, chargés de mettre œuvre plusieurs politiques. À la différence des services « support » cantonnés dans des fonctions transversales de pilotage, les services polyvalents sont chargés de la mise en œuvre opérationnelle des politiques publiques, et la ventilation de leurs moyens par objectif de dépense est connue.

Ainsi, les directions régionales et départementales de l'équipement sont chargées des interventions de l'État en matière de transport, d'habitat ou d'urbanisme, sans que leur organisation administrative soit spécialisée en conséquence. Le mode de fonctionnement du réseau du Trésor public et des douanes, des préfectures, ainsi que des services extérieurs des ministères des affaires sociales, de l'emploi, de l'équipement, de l'agriculture et de la culture, se caractérise également par la polyvalence. Estimés sur la base des actuels agrégats (cf. tableau ci-dessous) et sans préjuger des transferts qui seront décidés pour accompagner le prochain mouvement de décentralisation, les emplois et les crédits en cause représentent une masse non négligeable.

ÉVALUATION DU COUT ET DES EFFECTIFS DES PRINCIPAUX SERVICES POLYVALENTS
EN 2003

Budget

Crédits ouverts en 2003

Effectifs budgétaires

- Équipement, transports, logement, tourisme et mer :

- Section « services communs » -  services opérationnels et administration générale

3.960,2 M€

98.352

- Section « mer » - services opérationnels communs et administration générale

104,1 M€

2.547

- Travail, santé et solidarité :

- Gestion de la politique de l'emploi

2.645,5 M€

10.534

- Gestion des politiques de santé et de solidarité

1.009   M€

15.045

- Économie, finances et industrie :

- Administration générale et dotations communes

2.923   M€

9.362

- Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales :

- Administration territoriale

1.121,6 M€

30.409

- Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales :

- Mise en œuvre des politiques nationales et communautaires de développement agricole et rural

448   M€

9.474

- Culture et communication

- Moyens budgétairement non ventilés par action

708,8 M€

14.010

Source : Projet de loi de finances pour 2003

- Des programmes analytiques soulèveraient des difficultés théoriques 

Le comité de pilotage interministériel a prévu de ne pas ventiler les moyens des services polyvalents en fonction des politiques qu'ils mettent en oeuvre, mais de les rattacher à des programmes globaux. À cette fin, il a créé (19) une catégorie de programmes spécifiques, intitulés « services polyvalents », dérogatoires aux règles de présentation des crédits par objectif de dépense. Ces programmes sont destinés à regrouper l'ensemble des crédits de fonctionnement et d'équipement des services concernés.

La Direction de la réforme budgétaire (DRB) justifie la création de programmes polyvalents par son opposition à la ventilation par finalité des moyens des services chargés de mettre en œuvre plusieurs politiques. À ses yeux, une telle ventilation suppose une structuration de l'autorisation de dépense selon une logique analytique (les crédits seraient ventilés en fonction de clés), incompatible avec un système de gestion par la performance : pour gérer par la performance, un agent, un achat ou une subvention ne doivent pas être sécables, et on doit avoir une séparation entre, d'un côté, les budgets analytiques et, de l'autre, les budgets d'autorisation.

La DRB fonde sa position sur deux arguments :

· construire l'autorisation de dépense en fonction des clés analytiques serait contraire au principe de sincérité budgétaire. Par exemple, une répartition des postes de travail des directions départementales de l'équipement entre la fonction « logement et urbanisme » et celle « transports » serait, par nature, insincère ;

· en outre, une structuration des autorisations de dépense dans une logique analytique mettrait en cause la fiabilité de la comptabilité. Ce serait en effet créer un risque de manipulation : les gestionnaires seraient incités à imputer leurs dépenses sur l'enveloppe au sein de laquelle ils disposent de crédits, et non pas sur celle qui correspond à la finalité poursuivie. Ainsi, pour fonctionner, une gestion par la performance devrait reposer sur une logique de pilotage et non pas sur une logique limitative. Des programmes trop précis constitueraient des « nasses » hors desquelles les gestionnaires chercheront à sortir, quitte à s'écarter des règles d'imputation.

Plusieurs objections peuvent être opposées aux arguments avancés par la DRB :

· la sincérité d'une structuration de l'autorisation de dépense selon une logique analytique doit être appréciée en tenant compte du niveau d'agrégation en cause. Il faut en effet garder à l'esprit qu'il s'agirait d'une ventilation au niveau national et fixée pour une année entière. Si des programmes analytiques peuvent ne pas correspondre à la réalité de chaque situation locale, ils peuvent donner, au niveau national, une image fidèle de l'action de l'État. En tout état de cause, le budget sera-t-il plus sincère s'il est construit sur des programmes polyvalents sans véritable lisibilité ? La ventilation des moyens polyvalents, parce qu'elle s'effectuerait au niveau national, n'interdirait pas toute souplesse de gestion, et notamment les réaffectations de personnels. Chaque ministère aura en effet la possibilité de moduler, en fonction des priorités locales, la déclinaison territoriale de ses programmes (cf. infra les développements consacrés aux budgets opérationnels de programme). En outre, s'agissant de la gestion du personnel, une répartition en loi de finances des crédits de rémunération n'interdit pas, en exécution, de confier la gestion statutaire à un service commun à plusieurs programmes ;

· s'agissant des risques de manipulation, pourquoi une comptabilité au niveau des actions serait-elle nécessairement plus fiable qu'une comptabilité au niveau des programmes ? Si on n'a pas la certitude que les gestionnaires imputeront leurs dépenses au programme adéquat, on ne l'a pas davantage pour l'imputation au niveau des actions. En outre, peut-on refuser un dispositif d'autorisation de dépense au motif qu'il est susceptible d'être contourné ? On pourrait en effet étendre le raisonnement de la DRB à d'autres mécanismes d'autorisation prévus par la loi organique, et refuser par exemple de mettre en place le caractère asymétrique de la fongibilité sous prétexte que les gestionnaires peuvent ne pas le respecter.

- Des programmes polyvalents modifieraient la portée de la fongibilité 

La notion même de polyvalence semble difficilement compatible avec le principe de budgétisation par objectif posé par la loi organique (20). La solution préconisée par le Gouvernement conduit à globaliser les moyens des services dans une autorisation parlementaire unique qui n'a pas vocation à identifier les moyens affectés à un objectif de dépense, mais à assurer à une entité administrative polyvalente le maximum de souplesse de gestion. Ainsi, la ventilation par finalité est renvoyée au niveau des actions qui devient le niveau de gestion du budget. En outre, ce schéma revient à faire une séparation entre, d'un côté, les crédits d'intervention (les « crédits d'action » ventilés entre les programmes opérationnels), et, de l'autre, les crédits de personnel, de fonctionnement et d'équipement de l'administration (les « crédits de moyen » rattachés à des programmes polyvalents). C'est précisément le mécanisme de spécialisation par nature de dépense que la loi organique a supprimé.

Les programmes de « services polyvalents » poursuivent la démarche de globalisation qui a présidé, dans une logique différente de celle prévue par la loi organique, aux expérimentations lancées depuis quelques années au sein de l'État (cf. tableau ci-dessous). Celles-ci concernent en effet, dans la plupart des cas, des administrations polyvalentes (préfectures, Trésor public, douanes, équipement, travail et emploi, affaires sanitaires et sociales), et consistent à ouvrir, au bénéfice de directions déconcentrées, une enveloppe globale pour la rémunération des agents et le fonctionnement courant du service. Elles ne constituent pas des préfigurations de programmes définis en fonction de la finalité de la dépense, et leur maintien supposerait donc qu'au niveau national l'ensemble des moyens des services déconcentrés concernés figure dans un programme national. Il serait plus instructif - et plus conforme aux principes organiques - de développer des expérimentations au sein de filières verticales dont les acteurs sont bien identifiés. La préfiguration des programmes serait mieux assurée par l'ouverture, au profit de certains établissements publics (universités, établissements culturels ou de recherche), de budgets globaux comprenant un plafond de masse salariale et assortis d'objectifs et d'indicateurs. Les expérimentations prévues pour 2004 devraient aller dans ce sens.

EXPÉRIMENTATIONS DE GLOBALISATION DES CRÉDITS EN COURS EN 2003

Services concernés

Volumes budgétaires

Chapitres

Intérieur : 29 préfectures globalisées

333 M€

37-30

Travail : 7 services (région Centre)

16 M€

37-63

Affaires étrangères : 24 postes diplomatiques

9 M€

37-90

Travail : Programme d'accès à l'emploi (région Centre)

11 M€

44-80

Finances : 4 trésoreries générales

79 M€

37-30

Finances : 4 services régionaux DGCCRF

13 M€

37-30

Finances : 1 direction régionale et 1 direction inter-régionale DGDDI

30 M€

37-30

Finances : 5 DSF

119 M€

37-30

Équipement : 5 services (région Nord-Pas-de-Calais)

107 M€

37-30

Équipement : crédits du logement locatif social dans 3 régions

-

65-48

Source : Projet de loi de finances pour 2003

Le recours aux programmes polyvalents modifie sensiblement la portée de la fongibilité et soulève la question de la maîtrise des dépenses des services concernés. La loi organique conçoit la fongibilité dans une logique verticale : à l'intérieur des crédits alloués à une finalité donnée et afin de remplir les objectifs qui lui ont été fixés, le responsable du programme peut modifier la nature de ses dépenses (recruter moins pour investir plus, par exemple). L'introduction des programmes polyvalents ajouterait la possibilité de bénéficier d'une fongibilité horizontale : au sein d'une entité administrative (une direction départementale de l'équipement, par exemple), le responsable pourrait modifier la ventilation de ses moyens par finalité (faire, par exemple, glisser des emplois prévus pour la délivrance des titres d'urbanisme vers la sécurité routière). Un programme polyvalent dédié aux services extérieurs de l'équipement reviendrait à regrouper l'ensemble des moyens des services (soit 4 milliards d'euros et 100.000 emplois budgétaires) dans une seule autorisation de dépense et à soumettre ainsi les dépenses de personnel du ministère à un seul plafond. Une telle globalisation permettra-t-elle de maîtriser l'évolution des dépenses ?

B.- COMMENT ASSURER LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PERSONNEL ?

Les dépenses de personnel représentent plus de 40 % du budget de l'État. Elles se caractérisent par une dynamique qui leur est propre : l'ouverture des crédits de personnel, destinée au recrutement et à la rémunération d'agents en grande majorité statutaires, même si elle est donnée annuellement, a des incidences sur les exercices ultérieurs. Cette particularité justifie le plafonnement en crédits et en nombre d'emplois que la loi organique a prévu pour cette catégorie de dépenses. Il importe que l'efficacité de ce dispositif soit assurée. Il en va de la maîtrise des dépenses de personnel.

1.- L'ENCADREMENT DES CRÉDITS DE RÉMUNÉRATION

En donnant à la fongibilité un caractère asymétrique, la loi organique limite l'utilisation des crédits de personnel dans un plafond de dépense.

Le mécanisme de la fongibilité asymétrique

Par exception au caractère indicatif de la présentation par titre, c'est-à-dire par nature de dépense, « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de chaque programme constituent le plafond des dépenses de cette nature » (article 7 de la loi organique). Cette disposition introduit une limite à la fongibilité : les gestionnaires sont libres de modifier la répartition des crédits d'un même programme à condition de ne pas dépasser le montant de ceux inscrits au titre des dépenses de personnel. Les crédits de personnel peuvent donc être utilisés pour abonder les autres titres, mais ne peuvent, en aucun cas, être majorés. Le montant des crédits de personnel prévu par chaque programme a donc la force normative d'un plafond, contrairement aux crédits des autres titres. Ce caractère asymétrique de la fongibilité vise à empêcher que la liberté de gestion offerte aux gestionnaires des programmes se traduise par une multiplication des recrutements, qui engagerait l'avenir des finances publiques sur plusieurs dizaines d'années.

Le caractère asymétrique de la fongibilité dépendra du degré de précision de l'autorisation parlementaire. Il y aura en effet autant de plafonds de dépenses de personnel que de programmes contenant des crédits de cette nature. La maîtrise de la masse salariale de l'État sera donc liée, à la fois, à la précision des programmes et à la capacité des ministères à ventiler leurs effectifs entre leurs différents programmes.

Ainsi, des programmes surdimensionnés ou polyvalents auraient pour effet de contourner le caractère asymétrique de la fongibilité :

- un maillage très lâche des programmes aboutirait à une globalisation des plafonds de rémunération. Le recours à un programme unique, envisagé par plusieurs ministères, serait difficilement compatible avec la nécessité d'assurer la maîtrise des masses salariales ;

- les programmes polyvalents consistent, on vient de le voir, à structurer l'autorisation de dépense de manière à regrouper les crédits de personnel dans un même programme. Une absence de ventilation des moyens polyvalents par finalité se traduirait donc par une concentration des crédits de rémunération dans un programme unique. Cette concentration ferait disparaître les verrous prévus par la loi organique : au lieu d'être soumis à un plafond de dépenses de personnel pour chacune des politiques poursuivies, les services polyvalents bénéficieraient d'un seul plafond global. Comment, dans un tel schéma, assurer la maîtrise des dépenses de personnel si, par exemple, la rémunération des 100.000 emplois des services extérieurs de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer est autorisée en bloc dans un programme « services polyvalents » ?

L'expérience de globalisation des crédits des préfectures, dont les principes sont rappelés ci-dessous, constitue en quelque sorte la préfiguration d'un programme polyvalent. Il s'agit en effet d'autoriser la rémunération du personnel et le fonctionnement d'une entité administrative, indépendamment des politiques qu'elle poursuit.

Les principes de la globalisation des crédits des préfectures

La globalisation se présente sous la forme d'un contrat : les préfectures bénéficient d'un assouplissement des règles de gestion des crédits et des emplois, et, en contrepartie, s'engagent à développer un système de contrôle de gestion.

a) Une dotation globalisée, fongible et garantie

Le préfet reçoit en début d'exercice une seule dotation qui englobe le budget de fonctionnement, les crédits de rémunération et les crédits de grosse maintenance immobilière. Échappent à la globalisation les dépenses relevant d'une logique d'investissement national (travaux immobiliers lourds, matériels structurant en matière d'informatique et télécommunications), ainsi que les dépenses d'action sociale communes à la police et aux préfectures.

Cette enveloppe globalisée comprend deux catégories de dépenses : celle relevant des rémunérations et celle relevant du fonctionnement. Au sein de chacune des deux masses, la fongibilité est totale, et, entre elles, les mouvements de crédits sont soumis au visa du contrôleur financier, sans intervention de l'administration centrale.

Chaque enveloppe globale bénéficie d'une garantie de progression de 0,3 % par an. Elle est en outre à l'abri des mesures de régulation budgétaire (gels ou annulations de crédits). Enfin, les reports des crédits non consommés sont automatiques et intégraux.

b) Un plafond d'emplois

Les préfectures globalisées échappent aux contraintes liées à la gestion des emplois budgétaires. Elles peuvent gérer librement leurs emplois en modifiant leur répartition par catégorie ou par grade, à condition de respecter :

- le statut de la fonction publique qui reste intégralement applicable aux préfectures globalisées ;

- un plafond d'emplois, calculé en temps rémunéré, qui ne peut pas être dépassé pendant la durée de l'expérimentation ;

- un plafond de masse indiciaire budgétaire qui ne peut pas être dépassé, et qui limite donc les possibilités de transformation d'emplois.

c) Le développement du contrôle de gestion

Les préfectures globalisées se sont engagées à mettre place un dispositif de comptabilité analytique et un outil de mesure de la performance globale de la préfecture sur ses champs d'activité.

Les bilans tirés de cette expérimentation incitent à envisager avec prudence son extension à des administrations disposant d'effectifs et de moyens plus importants. Si la globalisation ne s'est, pour le moment, traduite ni par un dérapage budgétaire significatif, ni par une meilleure maîtrise de la dépense (21), les différents rapports de l'inspection générale de l'administration montrent en effet que l'essentiel des marges de manœuvre dégagées par les préfectures globalisées s'explique par des vacances de postes, résultant soit d'une gestion prudente des remplacements décidée localement, soit surtout des délais d'affectation inhérents à la gestion centralisée des personnels. Il ne s'agit donc pas de boni de gestion résultant d'une stratégie délibérée des préfectures. En outre, la plupart des préfectures s'orientent vers une saturation de leurs emplois en atteignant leur plafond. Ce choix répond aux demandes des organisations syndicales qui militent en faveur d'une politique de recrutements soutenus. Ainsi, entre le 1er janvier 1998 et le 1er janvier 2002, les effectifs des 14 préfectures globalisées ont augmenté de 2,05 %, alors que, dans le même temps, ceux des autres préfectures diminuaient de 2,31 % (22). La globalisation a fait du budget des préfectures un instrument de négociation sociale davantage qu'un outil de pilotage.

2.- LE PLAFONNEMENT DES EMPLOIS

En créant la notion de plafond d'autorisation d'emplois (PAE), la loi organique limite les dépenses de personnel de chaque ministère par la fixation d'un nombre d'emplois maximal.

Les plafonds d'autorisation d'emplois

La loi organique remplace le dispositif de 1959, fondé sur une autorisation précise des flux d'emplois, par un plafond global exprimé en stock d'emplois.

L'article 1er de l'ordonnance de 1959 donne compétence aux lois de finances pour fixer le nombre des créations et des transformations d'emplois, et prévoit que « les transformations d'emplois [opérées par décret], ainsi que les recrutements, les avancements et les modifications de rémunération ne peuvent être décidés s'ils sont de nature à provoquer un dépassement des crédits annuels préalablement ouverts ». L'article 43 du même texte dispose que « les créations, suppressions et transformations d'emplois résultent des modifications de crédits dûment explicitées par les annexes ». Les fascicules budgétaires associent donc aux crédits de chaque chapitre de dépenses de personnel le détail, par catégorie, corps et grade, des suppressions et des créations d'emplois prévues. Ainsi, en votant les crédits, le Parlement autorise très précisément ces mouvements que le Gouvernement ne pourra, en cours de gestion, modifier par décret que par des transformations d'emplois et dans la limite des crédits ouverts.

Ce dispositif a été sévèrement critiqué. Le pouvoir d'autorisation des emplois conféré au Parlement s'est révélé très théorique et source de rigidité dans la gestion des effectifs. De fait, l'augmentation du nombre d'agents contractuels « sur crédits » et le développement de la pratique des surnombres, « gagés » ou non par des vacances, ont introduit un décalage entre les emplois réels et les emplois budgétaires, ôtant au Parlement toute maîtrise, voire toute connaissance précise, des effectifs de l'État.

L'article 7 de la loi organique prévoit d'assortir les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel de plafonds d'autorisation des emplois (PAE) rémunérés par l'État, spécialisés par ministère. Ces plafonds décompteront chaque emploi, calculé en équivalent temps plein, indépendamment de la catégorie à laquelle il se rattache (un emploi de directeur d'administration centrale ne compte pas plus qu'un emploi de catégorie C). Ainsi, l'ouverture des crédits de personnel sera complétée par une limitation du nombre d'emplois que ces crédits sont autorisés à financer. Cependant, à la différence des crédits spécialisés par programme, cette limitation jouera au niveau du ministère, la ventilation des emplois entre les programmes d'un même ministère et, a fortiori, le détail des emplois de chaque programme n'ayant qu'une valeur indicative.

L'objectif des plafonds d'autorisation d'emplois est double :

- rétablir le sens de l'autorisation parlementaire en passant d'un vote sur des flux d'emplois théoriques à un vote sur un stock global d'effectifs réels : il s'agit de permettre au Parlement de se prononcer sur le nombre réel des emplois rémunérés par chaque ministère. En visant les « emplois rémunérés par l'État », la loi organique a opté pour une définition large, fondée sur le critère de la rémunération. D'après les travaux préparatoires, « les plafonds dénombrent l'ensemble des personnels titulaires et contractuels employés par l'État ou rémunérés à partir de son budget ». Tous les emplois financés par les crédits du budget de l'État devraient donc être recensés dans la loi de finances.

- assouplir la gestion des effectifs en laissant chaque ministre libre de redéployer des emplois au sein du plafond qui lui est attribué : la loi organique a en effet choisi un plafond ministériel unique, indépendant du service d'affectation et exprimé en un nombre d'emplois global, toutes catégories, corps et grades confondus. Le ministre est donc libre de modifier en cours d'exercice ses prévisions d'emplois, en en changeant l'affectation (il peut par exemple recruter davantage dans les services extérieurs et moins en administration centrale), et surtout la répartition statutaire (il peut par exemple recruter plus d'agents de catégorie A en renonçant à des créations au sein des autres catégories), à condition de ne pas dépasser le plafond du nombre d'emplois autorisés, et de rester dans l'enveloppe des crédits de personnel de chaque programme.

Il s'agit donc d'une diminution importante de la précision de l'autorisation donnée à l'exécutif par le lois de finances : le Parlement donne désormais à chaque ministre une autorisation d'emploi très globalisée, et dispose, en annexe au projet de loi de finances initiale, d'une simple information sur la gestion prévisionnelle de cette autorisation.

La construction des PAE soulève des difficultés techniques tenant aux modalités de dénombrement et de gestion des emplois. Elle fait surtout l'objet d'une divergence d'interprétation sur le périmètre des futurs plafonds.

a) La définition du périmètre des plafonds d'emplois

Le budget de l'État rémunère des emplois de statuts différents : titulaires, ouvriers de l'État, contractuels sur emplois et contractuels sur crédits. Actuellement, les trois premières catégories font l'objet d'emplois budgétaires prévus par la loi de finances, alors que la quatrième n'est pas limitée en nombre. En outre, au-delà des agents employés directement par l'État, de nombreux organismes sous tutelle (établissements publics) ou subventionnés (associations, fondations, mutuelles, groupements d'intérêt public) ou sous contrat (établissements d'enseignement privé) emploient des personnels payés, en totalité ou en partie, par l'État au travers de la contribution financière que celui-ci leur consent.

Quelles seront, parmi ces différentes catégories, celles qui figureront dans les futurs PAE ? La réponse dépend de l'interprétation que l'on donne à la notion d'emplois rémunérés par l'État.

En se fondant sur les travaux préparatoires qui montrent clairement la volonté du législateur de couvrir les emplois rémunérés à partir du budget de l'État, quel que soit l'employeur, on peut avoir une interprétation extensive de la notion de PAE qui dépasserait ainsi les seuls emplois financés par les dépenses de personnel de l'État.

Le souci de faire correspondre le périmètre des dépenses de personnel (titre 2 prévu par l'article 5 de la loi organique) et celui des emplois peut cependant conduire à définir de manière restrictive le champ des PAE. L'article 7 prévoit en effet que seuls les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de PAE. Sur le fondement de cette disposition, le comité de pilotage interministériel a prévu de faire coïncider les deux notions : seules les dépenses rattachées au titre des dépenses de personnel pourront correspondre à des emplois pris en compte pour l'appréciation du plafond. Ainsi, le titre des dépenses de personnel ayant vocation à retracer les rémunérations des personnels employés par l'État, les PAE se limiteront aux personnels dont l'État est l'employeur direct. Au total, la définition du périmètre des PAE reposerait sur le critère du lien juridique (l'État est-il l'employeur ?) et non pas sur le critère du lien financier (l'État assure-t-il le financement de la rémunération ?).

Si la solution préconisée par le Comité de pilotage interministériel est maintenue, les PAE incluront l'ensemble des agents employés directement par l'État, quel que soit leur statut (titulaire, contractuel, vacataire, intérimaire) - ce qui représente, par rapport au dispositif actuel, une avancée très significative -, mais excluront les agents employés par d'autres personnes, même s'ils sont rémunérés à partir d'une subvention de l'État. Selon l'estimation de la Cour des comptes dans son rapport de décembre 1999 sur la fonction publique de l'État, 340.000 emplois financés indirectement par le budget ne seraient ainsi pas autorisés par la loi de finances. Il s'agirait notamment de :

- personnels contractuellement liés aux établissements publics administratifs (par exemple : emplois des établissements du ministère de la culture ou emplois de l'Agence nationale pour l'emploi) et aux établissements publics à caractère scientifique et technologique (par exemple : emplois de chercheurs), même s'ils relèvent du statut général de la fonction publique et si leur rémunération est intégralement financée à partir du budget de l'État ;

- personnels d'organismes privés chargés d'un service public : enseignants établissements d'enseignement privé sous contrat - dont les rémunérations (environ 6 milliards d'euros) sont pourtant indexées sur la valeur du point fonction publique -, personnels des établissements médico-sociaux financés par l'État, de l'Agence pour la formation professionnelle des adultes ...

Cette interprétation restrictive des emplois rémunérés par l'État présente l'inconvénient majeur de soumettre les PAE aux débudgétisations. Pour les politiques qui ne sont pas mises en œuvre directement par les services de l'État mais par l'intermédiaire d'opérateurs extérieurs, l'emploi public continuera à échapper à l'autorisation parlementaire. Cette perspective risque, pour certains ministères, de priver les PAE de leur portée. Pourquoi autoriser un plafond d'emplois pour la politique culturelle si ce plafond n'inclut pas les personnels des établissements chargés de mettre en œuvre cette politique ? De même, quel sens y aurait-il à ouvrir un plafond pour la politique de recherche si ce plafond ne comprend pas les chercheurs ?

Au-delà des divergences d'interprétation de l'article 7 de la loi organique, la définition du périmètre des PAE met en cause le dispositif de maîtrise de l'emploi. L'exclusion des emplois des établissements publics risque de priver les gestionnaires de l'outil de maîtrise des dépenses de personnel que constitue un plafond fixé par la loi de finances. Pour les politiques de l'État menées par des opérateurs, la maîtrise de l'emploi public suppose l'instauration d'un dispositif de suivi, extérieur à la loi de finances, qui reste à déterminer.

b) Les modalités de dénombrement, de gestion et de présentation des emplois

Les plafonds d'autorisation d'emplois seront exprimés en équivalent temps plein. Il conviendra donc de passer du décompte des unités physiques aujourd'hui en vigueur (les actuels tableaux d'emplois dénombrent des effectifs physiques sans tenir compte de la durée de travail) à un dispositif basé sur la durée effective d'emploi. Ce dispositif suppose de définir, notamment pour les temps partiels, les temps incomplets et les vacations, des règles de conversion des régimes de travail en équivalent temps plein, soit à hauteur de la quotité de temps de travail, soit à hauteur de la quotité de rémunération. Or, ces deux critères ne coïncident pas forcément : par exemple, un enseignant qui travaille à 80 % de son temps libère une quotité d'emploi de 20 %, alors qu'il est rémunéré à hauteur de 90 % de son traitement, libérant ainsi une quotité financière limitée à 10 %.

Se pose également la question de l'imputation des mises à disposition et des détachements. La Cour des comptes a montré comment ces mesures individuelles peuvent fausser la sincérité des tableaux d'emploi (23). Elles permettent en effet d'ouvrir des emplois sur des budgets autres que celui des ministères où ils ont vocation à être affectés du fait de leur statut.

Le dénombrement des emplois posera des difficultés spécifiques dans les ministères qui gèrent des volumes importants. S'agissant en particulier des emplois de l'éducation nationale, les académies ne sont pas en mesure de fournir, à une date donnée, le nombre exact des enseignants qu'elles sont chargées de gérer. Dans l'ensemble des ministères, la mise en place des PAE nécessitera un travail d'inventaire, indispensable à la réforme de l'État employeur.

S'agissant de la gestion des emplois, il conviendra d'articuler la spécialisation des crédits de personnel par programme (fongibilité asymétrique) et la spécialisation des PAE par ministère. Sur ce point, il n'est pas décidé si la spécialisation ministérielle des plafonds d'emplois doit reproduire strictement l'organisation du Gouvernement ou s'effectuer à partir d'unités spécifiques comparables aux sections actuellement utilisées pour le vote des crédits.

Les modalités de présentation des emplois dans les documents budgétaires devront également être précisées. Les emplois seront en effet autorisés par le vote d'un plafond total au moment de l'examen de l'article d'équilibre, puis par l'adoption, en seconde partie, d'un tableau répartissant ce plafond par ministère (24). Le détail de chaque plafond ministériel figurera dans les fascicules budgétaires. Il sera donné à titre purement informatif, contrairement aux tableaux d'emplois annexés actuellement aux bleus qui ont valeur législative. À cette fin, l'article 51 de la loi organique énumère les informations qui figureront, en prévision, dans les projets annuels de performances, et, en exécution, dans les rapports annuels de performances. Il ne serait pas inutile que, en annexe du projet de loi de finances pour 2005 qui servira de « numéro zéro », le Parlement dispose de maquettes de cette nouvelle présentation des emplois.

3.- L'ÉVOLUTION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

La loi organique implique une modification de la gestion des ressources humaines. En introduisant la notion de métier, elle devrait permettre de sortir d'une gestion exclusivement centrée sur le statut. La responsabilisation des acteurs devrait s'accompagner d'un assouplissement des règles de gestion du personnel et faire évoluer les modalités de rémunération. Les services n'ont pas toujours mesuré l'importance de ces modifications, et le volet statutaire de la réforme de la gestion des ressources humaines est, pour le moment, moins avancé que le volet strictement budgétaire.

a) L'émergence de la notion de métier

Le dispositif issu de l'ordonnance du 2 janvier 1959 organise la gestion des dépenses de personnel autour de la notion de statut. Les fascicules budgétaires annexés au projet de loi de finances assortissent chaque article de personnel d'une répartition des crédits, fixée en fonction des positions statutaires des agents. Cette répartition encadre l'exécution des dépenses, et se révèle particulièrement rigide. L'État gère en effet actuellement pas moins de 1.200 corps au sein desquels, de surcroît, les effectifs se répartissent de manière déséquilibrée : si une trentaine de corps regroupent 70 % du nombre total des agents, plusieurs d'entre eux sont composés de moins de dix personnes.

La loi organique ouvre la perspective d'une gestion des emplois qui, dans le respect des règles du statut général de la fonction publique, suivrait une logique fonctionnelle (gestion par activité), et non plus seulement statutaire (gestion par corps). L'article 51 modifie en effet la présentation des emplois en loi de finances : les projets annuels de performances devront indiquer le nombre d'emplois prévus pour la réalisation de chaque programme ministériel, ventilé par type de contrat s'agissant des agents contractuels et par catégorie s'agissant des agents titulaires, chaque catégorie étant à son tour détaillée en fonction soit des corps prévus par le statut de la fonction publique, soit des « métiers ». Une présentation des emplois par métier serait cohérente avec la structuration des dépenses par finalité. En outre, elle répondrait à la nécessité de simplifier l'emploi public par une réduction du nombre des unités de gestion.

L'émergence des métiers fait donc partie des enjeux de la réforme de l'État. Ce chantier figure d'ores et déjà dans les commandes de plans triennaux de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, adressées aux ministères. Bien qu'il ait indéniablement des implications budgétaires, il n'a pas encore trouvé sa place dans la préparation de l'entrée en vigueur de la loi organique. La Direction de la réforme budgétaire considère qu'une nomenclature des emplois fondée sur les métiers est prématurée : « l'approche métier suppose (...) de mettre en place, par ministère et au niveau de l'ensemble de l'État, une démarche de connaissance, de définition et de classification des métiers reposant sur des outils de type observatoire et/ou répertoire des métiers comme cela a été mis en place dans certaines branches et entreprises ainsi que dans la fonction publique hospitalière. Une telle démarche, qui s'inscrit pleinement dans les démarches de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, nécessite cependant des délais qui dépassent l'horizon du 1er janvier 2006 » (25).

b) L'évolution des modalités de rémunération

Le principe de gestion par la performance implique une évolution vers une politique de rémunération plus incitative, reposant davantage sur le mérite. Pour réussir, la réforme organique suppose de sortir de la forfaitisation des primes, et de mettre en place un système de modulation, selon des règles qui restent à définir.

Conformément au statut général de la fonction publique, la rémunération de base doit continuer à dépendre du statut et correspondre au corps dans lequel l'agent est recruté. Le statut général n'interdit cependant pas de compléter cette rémunération de base par des primes modulables. On pourrait mettre en place un dispositif de modulation à deux étages :

- un premier étage correspondrait à l'emploi, et non pas au grade, afin de reconnaître les particularités des fonctions occupées et de moduler la rémunération en fonction, par exemple, de la responsabilité ou de la pénibilité. Cette partie de la rémunération reconnaîtrait ainsi les qualifications et les compétences ;

- le deuxième étage correspondrait à la performance, mesurée, conformément à la logique instaurée pour les programmes par la loi organique, par les résultats obtenus. Cette partie de rémunération pourrait, dans un premier temps, être attribuée de manière collective, en fonction de la performance d'un service donné, pour évoluer vers une individualisation et dépendre de la performance de chaque agent.

c) La déconcentration des actes de gestion

La fongibilité des crédits et le principe de responsabilisation qui lui est lié impliquent de donner aux opérateurs la maîtrise des actes de gestion des ressources humaines : pour pouvoir atteindre les objectifs qui lui ont été fixés, un responsable de programme doit pouvoir disposer d'une marge de manœuvre dans les promotions et les recrutements.

La spécialisation en programmes modifiera les relations entre les directions des ressources humaines et les services opérationnels. Ceux-ci seront en effet jugés sur leurs résultats, et seront ainsi en situation d'exiger les moyens humains dont ils ont besoin, et de revendiquer la maîtrise de la gestion de ces moyens. Dans un dispositif d'autorisation de dépenses globalisée, les opérateurs doivent pouvoir choisir l'utilisation de leurs personnels, en l'adaptant aux priorités locales. Cette adaptation suppose en effet une capacité d'arbitrage entre, par exemple, confier telle tâche à des agents publics ou l'externaliser, recruter davantage d'agents ou mieux payer les agents en place.

Pour fonctionner, une gestion de l'État par la performance suppose un changement des règles de recrutement, de promotion et de mutation des personnels, dans le sens d'une plus grande déconcentration. Or, si la déconcentration des actes de gestion relatifs au temps partiel ou aux congés est en cours, les actes examinés en commission administrative paritaire restent encore trop centralisés.

C.- COMMENT ASSURER LA MISE EN œUVRE DE L'AUTORISATION PARLEMENTAIRE  ?

Définies au niveau national, les politiques de l'État sont mises en œuvre par des services centraux, des administrations déconcentrées ou des opérateurs extérieurs (établissements publics, groupement d'intérêt économique, associations ...). La réussite de la réforme repose sur les modalités de déclinaison des autorisations de dépense données par la loi de finances. Il ne servirait à rien de définir des programmes si la souplesse de gestion créée au niveau national ne devait pas se répercuter au niveau des gestionnaires locaux. Il est donc essentiel de garantir la fongibilité des enveloppes qui seront déléguées aux acteurs chargés de mettre en œuvre les programmes.

1.- LA DÉCLINAISON OPÉRATIONNELLE DES PROGRAMMES

Le comité de pilotage interministériel a prévu de décliner les programmes, au niveau des services ou des opérateurs chargés de les mettre en œuvre, en « budgets opérationnels de programme » (BOP). Ces budgets constitueront le cadre dans lequel s'exercera, sur le terrain, la fongibilité des crédits. Ils ont vocation à décliner les enveloppes définies au niveau national, en tenant compte des spécificités et des priorités locales.

Les budgets opérationnels de programme

Rattaché à un seul programme, un budget opérationnel de programme (BOP) est structuré autour de deux volets indissociables : d'une part les actions composant le programme considéré et les crédits qui les financent, d'autre part les objectifs et les indicateurs qui en mesurent les résultats.

Chaque BOP présentera une programmation des actions et des moyens par type de dépenses (plan annuel de gestion des effectifs, répartition des dispositifs d'intervention, programmation des équipements).

Après son approbation par le « pilote » central, le BOP serait soumis au visa du contrôleur financier qui vérifiera notamment l'inscription des dépenses inéluctables. Afin d'alléger les mises à disposition des crédits, l'approbation du BOP pourrait valoir notification.

La confection des budgets opérationnels suppose de choisir le niveau d'exécution des programmes le plus adéquat : gestion de la dépense à l'échelon central, délégation à l'échelon déconcentré ou transfert de la mise en œuvre de la politique considérée à un démembrement de l'État (établissement public ou organisme assimilé). S'agissant des crédits déconcentrés, le choix de l'échelon (régional ou départemental) dépendra de la réforme des services territoriaux actuellement en cours. Le Gouvernement a en effet annoncé son intention de réorganiser l'échelon régional autour de cinq à six pôles correspondant aux grandes politiques de l'État, et de réviser le lien entre les niveaux départemental et régional.

La mise en place des BOP suppose également de choisir leur niveau de spécialisation. Conformément au principe de spécialisation par programme posé par l'article 7 de la loi organique, chaque BOP devrait former une enveloppe limitative au sein de laquelle les moyens sont fongibles, et dont la répartition en actions devrait rester indicative. Certains ministères craignent néanmoins que la fongibilité offerte par l'ouverture des programmes en loi de finances soit, sur le terrain, reprise en mains par une spécialisation des BOP au niveau des actions qui les composent. Sur ce point, les instructions données par les instances de pilotage de la réforme maintiennent une certaine ambiguïté. Notamment, la note d'orientation sur le traitement des opérateurs de l'État prévoit que « en cas de modification substantielle dans les orientations de l'opérateur (...), les administrations de tutelle seront naturellement fondées à exercer leur rôle lors de l'examen d'une délibération du conseil d'administration (...), les travaux complémentaires devront déterminer les modalités précises qui encadreront ces modifications de la budgétisation initiale » (26). Cette formulation a été interprétée par plusieurs ministères comme ouvrant la possibilité, pour un gouverneur de programme, de spécialiser les BOP par action.

Ce débat rejoint la question, plus générale, du choix du niveau de pilotage du budget. L'oubli des missions, le surdimensionnement de certains programmes et le recours à des programmes polyvalents participent, on l'a vu, d'un mouvement de déplacement vers le bas de la structure budgétaire qui implique de faire de l'action, et non plus du programme, le niveau d'identification des politiques et de pilotage du budget. Le Gouvernement travaille actuellement sur un schéma dans lequel l'autorisation parlementaire ne doit pas constituer le moyen de suivre les dépenses. Cette approche a conduit à distinguer deux niveaux : un niveau global (le programme) correspondant à l'autorisation parlementaire, et un niveau plus fin (les actions) destiné au pilotage.

Pour l'exécutif, le pilotage des politiques de l'État à partir d'unités infra-législatives (les actions) et non plus à partir des autorisations de dépense fixées par la loi de finances (les programmes) n'a que des avantages : il permet de modifier l'affectation des moyens entre les politiques sans passer par le Parlement. Du point de vue du Parlement, un budget centré sur les actions risque de se traduire par une « désincarnation » de l'autorisation de dépense et par une moindre capacité de contrôle. Un budget piloté à partir des actions posera au Parlement des problèmes de lisibilité et des difficultés de suivi. Comment, par exemple, suivre l'impact des mesures de régulation budgétaire si le niveau signifiant se situe en dessous de l'unité de spécialité ? En outre, dans un dispositif centré sur les actions, le contrôle des coûts est assuré par un suivi entre des enveloppes non fixées par la loi de finances qui, en droit, ne sont pas limitatives. Ce schéma permettra-t-il de maîtriser la dépense ?

En tout état de cause, la logique de responsabilisation prévue par la loi organique (globalisation de crédits en contrepartie d'un engagement devant le Parlement sur des objectifs et des indicateurs) milite en faveur d'un pilotage à partir des programmes, déclinés, sur le terrain, en budgets opérationnels dont la fongibilité doit être garantie. Plutôt que de compenser une globalisation excessive de l'autorisation parlementaire par une spécialisation au sein des programmes, il semble plus conforme à la loi organique de prévoir des programmes moins gros dont la ventilation par action reste purement indicative.

2.- LA RESPONSABILISATION DES OPÉRATEURS

La déclinaison opérationnelle des programmes passe par une modification des relations entre les donneurs d'ordre et les exécutants.

Les instructions adressées aux ministères parlent d'un nouveau « dialogue de gestion » qui doit permettre aux « gouverneurs de crédits » d'expliciter leur politique et de fixer les priorités, et aux « utilisateurs des crédits » de présenter la déclinaison locale du programme et de justifier les actions proposées. Les modalités de ce dialogue restent cependant encore assez imprécises : s'agit-il simplement de généraliser les outils de suivi mis en place, avec un succès inégal, par certaines administrations (contrats de gestion, contrats d'objectifs ...) ou est-il prévu d'instaurer un dispositif nouveau ? Une clarification des méthodes de contractualisation serait d'autant plus utile que celle-ci est encore peu pratiquée : en juin 2002, la Délégation interministérielle à la réforme de l'État constatait que, fin 2001, moins de 40 % des établissements publics avaient négocié un contrat d'objectifs avec leurs ministères de tutelle, et seuls cinq ministères avaient engagé des contrats formalisés avec leurs services déconcentrés (27).

Le bilan tiré des globalisations de crédits menées dans les préfectures montre que, bien que l'expérience ait eu le temps de se roder - elle a été lancée en 2000 -, le dialogue de gestion entre l'administration centrale et ses services extérieurs peine à s'instaurer.

Dans un rapport destiné à déterminer les conditions dans lesquelles la globalisation pourrait, dès 2004, être généralisée à l'ensemble des préfectures, l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration constatent que la globalisation n'a pas sensiblement modifié les conditions de pilotage des préfectures :

« L'administration centrale ne se sert pas véritablement des systèmes d'information mis en place avec la globalisation, pour s'interroger sur les performances des préfectures globalisées et leur assigner des objectifs, qui constitueraient la déclinaison au niveau local d'objectifs nationaux, encore limités aujourd'hui. L'exploitation des informations qui remontent des préfectures globalisées reste donc limitée (...). De même, l'activité « contrôle de gestion des préfectures » n'est pas pilotée au niveau central (...). La responsabilisation, qui se traduit par des marges de manoeuvre supplémentaires accordées aux gestionnaires locaux, liée au principe même de la globalisation, ne peut se passer d'une véritable démarche de compte-rendu, destinée à montrer si l'activité de l'échelon local a permis d'atteindre des objectifs fixés ex ante, le tout étant mesuré par des indicateurs. » (28)

3.- LA COORDINATION TERRITORIALE DES POLITIQUES NATIONALES

L'articulation entre, d'une part, la logique verticale et ministérielle qui préside à la structuration des programmes et, d'autre part, la logique horizontale et interministérielle qui anime la gestion déconcentrée de l'État a suscité des inquiétudes, notamment au sein du corps préfectoral. Certains préfets ont craint que la loi organique débouche sur une organisation « en tuyaux d'orgue », incompatible avec leur mission de coordination. Il a même été envisagé de modifier la loi organique afin de substituer au regroupement des crédits par politique une présentation géographique.

Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour reconnaître que la loi organique permet de mieux prendre en compte la dimension territoriale. La globalisation de l'autorisation parlementaire et la fongibilité qui lui est liée renforceront l'autonomie des gestionnaires locaux. On voit en effet difficilement comment 150 programmes nationaux aboutiraient à un cloisonnement plus serré que le découpage actuel en 850 chapitres et 3.200 articles. Le Comité de pilotage interministériel estime que « la restructuration de l'autorisation budgétaire (...) débouchera pour les gestionnaires sur une capacité élargie de choix des actions au niveau local au sein d'ensembles de crédits dont la taille sera multipliée par dix » (29). En augmentant la déconcentration des crédits et en déclinant de manière différenciée les programmes ministériels, les BOP permettront d'adapter la mise en oeuvre des politiques nationales aux priorités locales.

Ainsi, le rôle des préfets sera renforcé. Ceux-ci disposeront, à travers les projets de BOP, des programmes d'actions des services territoriaux et du choix de leurs objectifs dont il leur appartiendra d'assurer la cohérence. La préparation des BOP pourra déboucher sur une véritable procédure d'élaboration des budgets territoriaux.

La mise en cohérence des BOP implique néanmoins de renforcer l'efficacité des outils de coordination actuellement offerts aux préfets. Le décret du 10 mai 1982 relatif aux pouvoirs des préfets a été modifié en 1999 afin de mutualiser la gestion de certains crédits. Les procédures introduites (cf. encadré ci-dessous) sont encore jugées trop complexes, et ont rencontré, au sein des services territoriaux, un succès inégal. Il semble aujourd'hui nécessaire d'assouplir le dispositif de 1999, notamment en simplifiant les délégations interservices. En l'état actuel des textes, même s'il a été désigné ordonnateur secondaire unique, le délégué interservices doit encore solliciter auprès de l'administration centrale des délégations de crédits spécifiques. Il conviendrait d'évoluer vers un dispositif réellement déconcentré, passant par l'attribution d'un « code ordonnateur » propre au délégué interservices.

Les outils de mutualisation interservices

Les préfets disposent actuellement de quatre outils de coopération interservices prévus par le décret du 20 octobre 1999 :

- ils peuvent désigner un chef de projet chargé d'animer et de coordonner l'action de plusieurs services déconcentrés, dans un domaine déterminé et pour une durée limitée ;

- ils peuvent constituer un pôle de compétence pour la conduite d'actions communes à plusieurs services déconcentrés ;

- ils peuvent créer une délégation interservices dont le responsable reçoit délégation de signature et autorité fonctionnelle sur les chefs de services déconcentrés, un délégué interservices pouvant être ordonnateur secondaire délégué ;

- ils peuvent enfin fusionner plusieurs services concourant à la mise en oeuvre d'une même politique de l'État.

La coordination territoriale de la mise en œuvre des programmes dépendra également des nouvelles procédures de mutualisation actuellement à l'étude. Les services territoriaux devraient, on l'a vu, être réorganisés, autour du préfet de région, selon cinq à six pôles de compétence régionaux, soutenus par des « plates-formes techniques régionales » regroupant les moyens de fonctionnement de l'État (achats, immobilier courant, gestion des ressources humaines, communication). En outre, la procédure de mandat de gestion décrite plus haut pourrait être transposée au niveau déconcentré et jouer entre ministères.

Il est enfin envisagé de créer un programme d'intervention territoriale (PITE), composé d'actions régionales de portée interministérielle. Ce programme spécifique n'est, pour le moment, décrit dans aucun document validé par le comité de pilotage interministériel. Le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 apporte quelques précisions, en décrivant l'objet d'une action territoriale dédiée à la préservation et la restauration de la qualité de l'eau en Bretagne. Cette action constituerait une des composantes du PITE. Son contenu et ses objectifs seraient la traduction budgétaire du projet territorial de l'État. Elle serait mise en œuvre par le préfet de région, « gouverneur de crédits interministériels et territoriaux ».

Le PITE va manifestement au-delà d'une coordination de programmes nationaux. Il s'agit bien de créer un programme qui, de manière dérogatoire, est dédié, pour un ensemble d'actions données, à une entité géographique particulière. Ce serait en quelque sorte un BOP interministériel érigé en programme national. Si les conditions de mise en œuvre du PITE au niveau opérationnel sont assez claires, ses modalités d'ouverture par la loi de finances ne sont pas précisées. Combien d'actions territoriales concernera-t-il ? À quel ministère (intérieur, environnement, agriculture) sera-t-il rattaché ? Sera-t-il intégré dans une mission plus vaste ou fera-t-il l'objet d'une mission mono-programme ? Faute d'indication précise, il est, pour le moment, difficile d'apprécier la conformité du PITE à la loi organique et d'évaluer sa capacité à répondre à la particularité de certaines situations locales.

II.- LA MODERNISATION DE LA GESTION

Dans le cadre de la réforme de l'État, la modernisation de la gestion publique apparaît comme le complément indispensable de la clarification de l'autorisation parlementaire. La loi organique a prévu de poursuivre ces deux objectifs de manière simultanée, ce qui fait de la réforme française une expérience inédite, puisque, jusqu'à présent, aucun pays n'a mené de front les deux chantiers. La modernisation de la gestion publique voulue par la loi organique suppose la construction d'un système de gestion par la performance, le renforcement de l'efficacité de la chaîne de la dépense et la rénovation de la comptabilité de l'État.

A.- COMMENT CONSTRUIRE UN SYSTÈME DE GESTION PAR LA PERFORMANCE ?

La mise en place d'un dispositif d'évaluation de la performance constitue la contrepartie indispensable de la liberté de gestion offerte par la loi organique. L'insuffisante diffusion d'une culture de résultats au sein de l'État et le caractère embryonnaire de l'évaluation des actuels agrégats en font un chantier particulièrement ambitieux.

Force est de constater que les difficultés rencontrées pour construire le nouveau cadre budgétaire ont retardé, jusqu'à présent, la réflexion sur les informations relatives à la performance associées aux programmes. Même s'il existe des précédents, comme l'évaluation associée aux agrégats et celle qui accompagne certaines expériences de globalisation des crédits, la mise en place de ce volet de la réforme nécessite des adaptations lourdes des modes et des outils de gestion. Celles-ci ne pourront être réalisées en temps utile si elles ne sont pas engagées très rapidement.

1.- L'ÉBAUCHE D'UNE CULTURE DE RÉSULTATS

La culture de résultats au sein de l'État, qui est encore à un stade embryonnaire, s'est traduite jusqu'à présent par la mise en place d'un dispositif d'évaluation associé aux agrégats budgétaires et l'expérience de la globalisation des crédits au sein de certaines préfectures.

a) Le dispositif d'évaluation associé aux agrégats

Depuis 1997, les agrégats opèrent des regroupements de chapitres et d'articles budgétaires, de façon à donner une vision des fonctions et des actions des ministères par finalité. Les agrégats permettent d'ébaucher un rapprochement entre les grandes lignes d'action ou les fonctions de l'État et les moyens qui leur sont consacrés, afin de faciliter la compréhension des informations contenues dans les fascicules budgétaires. L'amélioration de la présentation de ces agrégats a été engagée avec la circulaire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie du 22 avril 1999 qui a été mise en application pour la première fois dans le projet de loi de finances pour 2000. Ainsi, des objectifs ont été associés aux composantes figurant dans les agrégats dans le but de construire une « plate-forme de compte-rendu de la performance » de l'État. Toutefois, cette logique a été suivie de manière plus ou moins rigoureuse par les ministères, comme en témoigne l'analyse des bleus budgétaires du projet de loi de finances pour 2003. La qualité des informations présentées au Parlement est en effet très variable.

Ainsi, si la plupart des ministères s'efforcent d'associer des objectifs et des indicateurs aux agrégats, et si certains services, comme la Direction générale des impôts, mènent une réflexion poussée en matière d'évaluation, d'autres n'accompagnent pas encore systématiquement la présentation de leurs agrégats d'objectifs et d'indicateurs, ce qui limite singulièrement la portée de l'information fournie. La part des agrégats ne disposant d'aucun élément d'évaluation atteint ainsi 10 % environ. Certains fascicules budgétaires sont plus particulièrement touchés. C'est le cas notamment de ceux des services du Premier ministre (services généraux, plan, aménagement du territoire, Secrétariat général de la défense nationale) ou encore de celui qui présente le budget « santé, famille, personnes handicapées et solidarité » où, sur six agrégats recensés, quatre sont totalement dépourvus d'objectifs et d'indicateurs !

D'une manière générale, la réflexion sur les objectifs qui doivent orienter l'action des ministères semble encore insuffisante.

Les objectifs devraient d'abord être davantage structurés et hiérarchisés. Ainsi, sont parfois mis sur le même plan des objectifs stratégiques de moyen terme, des objectifs opérationnels et des cibles de résultats, voire des indicateurs, ce qui témoigne d'une certaine confusion. Il serait souhaitable que les objectifs stratégiques des ministères apparaissent clairement. En outre, si la présentation des objectifs opérationnels est plus claire, ces derniers présentent souvent l'inconvénient d'être trop peu sélectifs et mal hiérarchisés. Même si un effort a été fait par certains ministères, comme le ministère de la culture et de la communication et celui des affaires étrangères, il est regrettable que les objectifs ne soient pas davantage accompagnés de commentaires permettant de mieux comprendre la démarche poursuivie par les administrations et d'éviter certaines confusions.

Par ailleurs, la pertinence de certains objectifs est sujette à caution. Trop souvent, les objectifs ne sont pas adaptés aux services chargés de les atteindre : ils n'ont pas de lien direct avec l'activité de l'administration ou leur réussite ne dépend que très partiellement d'elle. Ainsi, le ministère de l'intérieur a assigné à la mission de développement économique, de coordination interministérielle et de gestion des crédits, exercée par les préfectures, l'objectif de respecter les délais de traitement des autorisations administratives relatives à l'environnement et à l'urbanisme. En quoi le respect d'un délai administratif est-il un gage de l'amélioration du développement économique et de la coordination interministérielle au sein d'un département ? De même, le ministère de l'équipement se fixe comme objectif le développement des transports ferroviaires régionaux, qui relèvent essentiellement de la responsabilité des régions. Le même reproche de manque de pertinence peut être adressé aux indicateurs.

En outre, le travail sur la démarche de performance, qui consiste notamment à comparer les résultats obtenus aux résultats cibles, n'en est qu'à ses prémices. Dans la quasi-totalité des fascicules budgétaires, aucune information sur les « résultats cibles » à atteindre pour les années à venir n'est fournie, de même qu'il n'est pas établi de comparaison entre la référence de départ, sa date et son niveau, et le résultat attendu.

Enfin, les objectifs se caractérisent souvent par une formulation par trop vague ou laconique. Ainsi, dans le fascicule budgétaire du ministère de la recherche sont inscrits les objectifs suivants : « mobiliser les moyens », « soutenir la recherche », « améliorer la progression de la médiation scientifique ». Souffrent également d'un manque de précision certains objectifs comme « réaliser les normes quantitatives d'activité », « réaliser les normes qualitatives d'activité » et « réaliser les programmes » qui sont inscrits dans le « bleu » du ministère de la défense.

Les indicateurs associés aux objectifs présentent aussi un certain nombre de défauts.

En premier lieu, la nature des informations transmises par les indicateurs est très variable d'un ministère à l'autre, voire d'un service à l'autre. Certaines administrations n'apportent des éléments d'information qu'en matière d'efficacité socio-économique ou, plus rarement, de qualité du service rendu. De manière plus étonnante dans un document budgétaire, il est très rare de pouvoir disposer de données relatives à l'efficience.

Si certains ministères, comme celui de l'éducation nationale, se focalisent sur des indicateurs reflétant l'efficacité socio-économique de leur action au risque de ne pas rendre compte directement de l'activité des services, d'autres ne fournissent des informations que sur l'activité de leur administration sans rendre compte des résultats de la politique menée. En effet, la plupart des indicateurs utilisés se contentent de mesurer l'activité des services, sans en évaluer l'efficacité. Deux exemples, tirés des fascicules budgétaires des ministères de l'intérieur et de la ville, sont révélateurs, mais le reproche peut être adressé à la quasi-totalité des ministères. Ainsi, la prévention des comportements à risque des automobilistes, qui constitue un des objectifs de la mission de sécurité des préfectures, est évaluée à travers l'évolution du nombre de contrôles routiers, comme si l'augmentation de ces contrôles était en soi une mesure de l'efficacité de la sécurité routière. De même, le nombre de postes d'adultes-relais créés est le seul indicateur associé à l'objectif de prévention de la délinquance.

En deuxième lieu, il apparaît que les indicateurs associés à certains agrégats ne permettent pas une information éclairée du lecteur car ils sont trop nombreux et incompréhensibles pour un non-initié. C'est le cas notamment de l'agrégat « sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » au sein du « bleu » du ministère de l'agriculture auquel sont associés près de 70 indicateurs, dont la plupart ne sont pas directement interprétables. Ainsi, à propos du suivi de la qualité sanitaire des coquillages, comment comprendre l'évolution de l'indicateur qui rapporte, pour l'Escherichia coli, le nombre de résultats défavorables sur le nombre d'échantillons analysés, sans qu'aucune autre précision ne soit fournie ?

En troisième lieu, les indicateurs sont souvent mal renseignés. Les derniers chiffres fournis dans certains fascicules budgétaires du projet de loi de finances pour 2003, notamment celui du ministère de la ville, datent de 2000 voire, pour certains indicateurs, de 1999 ! Ce constat conduit à s'interroger d'une part sur la pertinence de la définition de ces indicateurs, d'autre part sur la capacité des ministères à établir des systèmes d'information performants. De même, le suivi de certains indicateurs semble soulever des difficultés. On relève en effet des incohérences entre le bleu 2003 et le bleu 2002 de plusieurs ministères, en particulier ceux des affaires étrangères et de l'intérieur, les résultats obtenus pour un même exercice d'exécution étant modifiés d'un projet de loi de finances à l'autre.

En dernier lieu, il est regrettable que les ministères ne mènent pas une démarche globale en matière d'évaluation, en particulier en assurant la coordination entre les objectifs et indicateurs inscrits dans les annexes des lois de programmation et ceux figurant dans les fascicules budgétaires. À cet égard, il est étonnant que des ministères comme celui de l'intérieur ou celui de la justice n'aient pas intégré, dans leurs agrégats, les objectifs et indicateurs définis dans les lois du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Il serait donc souhaitable et logique qu'à l'avenir les ministères remédient à cette incohérence. Ainsi, il serait opportun que le ministère chargé de la ville, qui présente une démarche ambitieuse en matière d'évaluation dans son projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, intègre dans son fascicule budgétaire les objectifs et indicateurs qu'il a définis.

b) Le suivi des expériences de globalisation de crédits

L'expérience de globalisation lancée en 2000 par le ministère de l'intérieur consiste à attribuer à des préfectures pilotes une enveloppe unique rassemblant les crédits de personnel, de fonctionnement et de petit équipement. Cette expérience, actuellement en vigueur dans 29 départements (30), devrait être généralisée à l'ensemble des préfectures en 2004. Elle s'est accompagnée de la mise en place d'un dispositif de suivi qui, par ses objectifs, préfigure la gestion par la performance prévue par la loi organique.

Le contrôle de gestion des préfectures globalisées

Les préfectures globalisées bénéficient d'un assouplissement des règles de gestion des crédits et des emplois et, en contrepartie, s'engagent à développer un système de contrôle de gestion fondé sur deux dispositifs complémentaires :

- un système de comptabilité analytique destiné à piloter la politique d'allocation des moyens et d'arbitrage entre les priorités (par exemple, examen des avantages et inconvénients d'une éventuelle externalisation de certaines prestations), et à comparer la structure des coûts d'une préfecture donnée avec ceux des préfectures de taille équivalente ;

- un outil de mesure de la performance globale des préfectures de taille équivalente.

Afin de pouvoir assurer le pilotage du contrôle de gestion, le ministère de l'Intérieur a développé une batterie d'indicateurs. Le dispositif INDIGO réunit 100 indicateurs de résultats relatifs aux services des préfectures et des sous-préfectures et offre des possibilités de comparaison avec les autres départements. Les indicateurs de CONCORDE complètent les indicateurs d'efficacité se trouvant dans INDIGO en permettant aux préfectures de vérifier la qualité de l'allocation de leurs moyens budgétaires. ARCADE est un outil susceptible d'adapter la répartition du personnel des préfectures à leurs différentes fonctions, afin de déterminer l'effectif théorique nécessaire pour remplir chaque mission d'une préfecture et de le comparer avec l'effectif réel. Enfin, les indicateurs de BALISE permettent de suivre l'évolution du contexte socio-économique dans lequel interviennent les préfectures et les sous-préfectures.

La globalisation a permis une responsabilisation des équipes de gestion en les rendant attentives à l'évolution de leurs moyens et de leurs résultats. Toutefois, la Cour des comptes (31) et l'enquête conjointe de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration (32) ont mis en évidence les difficultés rencontrées dans la mise en place de l'outil de mesure de la performance. De ces expérimentations peuvent être tirés des enseignements pour la définition des objectifs et des indicateurs dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances.

Le premier écueil consiste dans la multiplicité des dispositifs introduits. Ainsi, les préfectures globalisées doivent renseigner 100 indicateurs tandis que les préfectures non globalisées, auxquelles le contrôle de gestion a été étendu en 2002, ne sont concernées que par 46 des 100 indicateurs. La coexistence de ces deux dispositifs ne permet pas une véritable démarche de benchmarking entre les préfectures et empêche toute vision globale au niveau de l'administration centrale. Toutefois, l'extension de la globalisation à toutes les préfectures devrait permettre de remédier à cet inconvénient. Le manque de cohérence de la démarche s'est également manifesté par l'absence, d'une part, de coordination entre les demandes d'informations formulées par les services de l'administration centrale et, d'autre part, d'interface entre les systèmes d'information. La globalisation a en effet complété la liste des systèmes d'information utilisés dans les préfectures sans qu'il soit procédé à une harmonisation, ce qui entraîne la collecte d'informations redondantes au profit des différents services de l'administration centrale et le calcul d'indicateurs censés refléter la même activité mais selon des modalités différentes. Cependant, la Direction générale de l'administration a engagé, avec les autres directions, un travail systématique visant à supprimer tous les doublons. Enfin, il convient de souligner que les remontées d'information sont incomplètes : seule la moitié des 14 préfectures globalisées est en mesure de répondre à l'exercice en 2002.

La pertinence de certains indicateurs est également contestée. En effet, le dispositif ne retrace pas l'activité de certains services, comme par exemple celui des étrangers, pourtant fortement sollicité. Un problème particulier se pose d'ailleurs pour les sous-préfectures dans la mesure où les indicateurs ne semblent pas adaptés à la spécificité de leur action. En outre, la réalité de la situation mesurée par les indicateurs n'est pas toujours démontrée. Enfin, il conviendrait de supprimer les indicateurs dont l'utilité n'est pas avérée et d'éviter les indicateurs redondants.

De surcroît, la fiabilité d'un certain nombre d'indicateurs est sujette à caution, en raison notamment de leurs méthodes de collecte et de calcul. Ainsi, les modes de calcul des indicateurs ne sont pas complètement harmonisés entre préfectures ; ce qui conduit parfois à des taux supérieurs à 100 % (comme le taux d'équipement en postes informatiques). En outre, certains indicateurs ne sont pas renseignés sans qu'une explication soit fournie.

Par ailleurs, les données collectées sont insuffisamment exploitées par l'administration centrale. En effet, cette dernière n'a pas été en mesure jusqu'à présent d'analyser les données recueillies en vue d'assurer un véritable pilotage et se contente de restituer aux préfectures globalisées les données agrégées qu'elle a reçues.

Enfin, la présentation des résultats de la globalisation au Parlement n'est pas satisfaisante. Pour rendre compte de l'activité des préfectures, le fascicule budgétaire pour 2003 contient des informations issues, d'une part, du contrôle de gestion de l'activité des préfectures globalisées et, d'autre part, des indicateurs partiels d'activité communiqués par les autres préfectures. Mais, le Parlement n'est, pour le moment, pas véritablement associé à l'examen des performances des préfectures. En effet, la globalisation des crédits ne s'est pas accompagnée d'un compte rendu de la gestion des préfectures concernées, susceptible d'éclairer le Parlement sur l'utilisation qui a été faite des enveloppes globales ouvertes en loi de finances.

2.- LA DÉFINITION DES OBJECTIFS ET LE CHOIX DES INDICATEURS

En prévoyant de manière explicite, dans ses articles 7 et 51, la définition d'objectifs et d'indicateurs, la loi organique rend nécessaire la mise en place d'un véritable système de gestion par la performance. Celui-ci se matérialisera par les projets et rapports annuels de performances qui comprendront, en prévision pour les premiers et en exécution pour les seconds, les objectifs, les résultats et les indicateurs associés aux programmes. L'élaboration de ces documents incombera au Gouvernement, le Parlement ayant, dans les conditions de l'article 47 de la loi organique, la possibilité de proposer des réaffectations de crédits entre des programmes, voire la création d'un programme nouveau.

Les projets et rapports annuels de performances

La loi organique oblige les gestionnaires à s'engager sur des objectifs et à rendre compte de leurs résultats. Cette obligation se concrétisera, tous les ans et pour chaque programme, par la production de deux documents :

- en annexe au projet de loi de finances, un projet annuel de performances comprendra une description des engagements du ministre concerné, orientée vers une évaluation pluriannuelle et réalisée à partir des éléments constitutifs du programme (présentation des actions du programme, de leurs coûts, de leurs objectifs et de leurs résultats) ;

- en annexe au projet de loi de règlement, un rapport annuel de performances donnera un compte rendu de la performance du programme (rappel des objectifs, des résultats attendus, des indicateurs choisis et des coûts prévus et présentation des résultats obtenus et des coûts effectifs).

Dans cette perspective, un cahier des charges a été adressé, le 18 février 2002, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à l'ensemble des ministères. Prônant une démarche en trois temps (explication des objectifs, recherche des indicateurs et définition des cibles de résultats à atteindre), il s'inspire de l'expérience britannique où les objectifs des programmes de politique publique (« public service agreements ») sont hiérarchisés selon trois concepts : « aim », « objective » et « target ».

Les critères de performance

- l'efficacité socio-économique : ce critère appréhende l'impact final des actions sur l'environnement économique ou social. Il permet d'évaluer la pertinence de la politique, et non la performance de sa mise en œuvre. Il devra être mesuré à partir de données statistiques relatives à la gestion administrative (par exemple, le taux de déclarations fiscales et de paiements spontanés reçus à l'échéance pourrait être un indicateur de l'efficacité de l'action de la direction générale des impôts), complétées par des enquêtes spécifiques (par exemple, les acquis des élèves à différents stades du cursus scolaire).

- la qualité du service rendu à l'usager : ce critère suppose le suivi de paramètres internes (continuité du service ou taux de dysfonctionnement constaté), mais également la réalisation d'enquêtes externes.

- l'efficacité de la gestion des ressources : ce critère rapporte les produits des activités de l'État aux moyens consommés, en recourant par exemple au coût unitaire par usager ou à une analyse des écarts entre bénéficiaires.

Différents écueils doivent toutefois être évités dans le maniement de ces critères.

Tout d'abord, chacun de ces critères présente des difficultés intrinsèques. Le critère de l'efficacité socio-économique ne doit pas se limiter à une simple mesure des produits de l'activité administrative (par exemple, le nombre de bénéficiaires d'un dispositif d'intervention), ni à une mesure d'impact trop générale qui dépend plus de l'évolution du contexte général que de l'action de l'État (par exemple, le taux de chômage). De même, la pertinence du critère de la qualité du service rendu réside dans la certification des éléments de performance retenus par une source indépendante de l'administration.

L'exemple de la certification de la Direction des relations

économiques extérieures (DREE)

La démarche qualité de la DREE, engagée en 1999, a abouti, en juillet 2002, à l'attribution par l'Association française de l'assurance qualité (AFAQ), organisme certificateur international, du certificat ISO 9001 pour l'ensemble du réseau des missions économiques et des directions régionales du commerce extérieur, ainsi que plusieurs services de l'administration centrale de la DREE. Pour la première fois, ce label de qualité a été attribué à une administration française.

La norme ISO 9001 est un référentiel international garantissant la qualité des processus mis en œuvre pour obtenir la satisfaction des clients quant aux produits ou services qui leur sont fournis. Outil basé sur le volontariat, il organise la mise en place d'un système de management de la qualité dans le but de déterminer et satisfaire les exigences des clients, d'identifier et d'éliminer les dysfonctionnements et, enfin, de mettre en œuvre un système d'amélioration continue. Une fois attribuée, la norme ISO 9001 fait l'objet d'un suivi régulier par l'AFAQ. Ainsi, l'AFAQ conduira en 2003 et 2004 des audits de suivi auprès de la DREE.

Le système qualité mis en place par la DREE repose sur un ensemble documentaire de référence, le manuel de qualité. Dans une logique d'amélioration continue du service rendu, un plan annuel d'amélioration de la qualité est mis en œuvre et, au quotidien, des fiches de progrès circulent, permettant de repérer et de traiter les dysfonctionnements et de mutualiser les bonnes pratiques.

Ensuite, les trois axes de la performance définis dans le cahier des charges ne convergent pas toujours spontanément. Ils peuvent même entrer en contradiction : ainsi, la gestion d'une administration peut être très efficace, par exemple si elle délivre des prestations en nombre croissant à un coût abaissé, sans que la société en tire de réels bénéfices. De même, l'efficacité apparente de la gestion des moyens peut progresser alors que la qualité des prestations se dégrade. Il importe donc que le compte rendu de performance fasse une place suffisante et équilibrée à chacun de ces critères.

À cet égard, les possibilités de pondération entre les trois critères dépendent de la nature des dépenses en cause. Les dépenses d'intervention pourront assez facilement être mesurées par leur efficacité socio-économique. De même, les critères de qualité et d'efficience devraient être utilisés pour les prestations de services. En revanche, pour les crédits de moyens (rémunération des agents et fonctionnement courant du service), il sera difficile de recourir à d'autres analyses que celle de l'efficacité de la gestion des ressources.

Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes (33), le cahier des charges n'incite pas les ministères à hiérarchiser les objectifs, alors qu'il conviendrait de distinguer les objectifs stratégiques, de moyen terme, qui sont susceptibles de faire l'objet d'un engagement politique, des objectifs opérationnels, de plus court terme, et des cibles de résultats, qui concernent davantage les services.

A chaque objectif doit être associé un nombre raisonnable d'indicateurs de résultats, pertinents, clairs et fiables. Plusieurs exigences s'imposent à leur élaboration :

· ils doivent d'abord être disponibles à un coût qui ne soit pas hors de proportion avec les bénéfices que l'on attend de leur usage ;

· il convient en outre de concilier la possibilité offerte au Gouvernement de modifier la formulation des objectifs en fonction des évolutions de l'environnement de l'action administrative avec la nécessité d'une lecture éclairée des résultats, qui suppose au contraire une certaine stabilité des indicateurs ;

· les indicateurs de résultats doivent également être variés, ne pas être seulement statiques mais également dynamiques ;

· il est aussi souhaitable de faire apparaître des indicateurs de contexte qui permettent de différencier ce qui est imputable à l'action de l'État des éléments exogènes ;

· les indicateurs doivent enfin comporter des éléments de benchmarking à partir d'un référentiel de résultats fondé sur l'analyse des évolutions passées et les comparaisons entre services.

Compte tenu de l'ampleur de la tâche, un retard certain a été pris dans le travail de conception et de mise en œuvre des indicateurs relatifs à l'activité de l'administration.

Les ministères n'ont, pour le moment, pas encore déterminé leurs critères et référentiels d'évaluation, ni a fortiori défini leurs objectifs, choisi leurs indicateurs et arrêté leurs cibles. Le caractère embryonnaire du dispositif d'évaluation associé à l'actuelle présentation des agrégats, ainsi que la diffusion très limitée de la culture de résultats au sein de l'État, rendent l'exercice difficile. Ainsi, le ministère de la culture et de la communication, qui conduit actuellement un travail important en matière d'évaluation à partir des outils méthodologiques issus du contrôle de gestion développé dans le cadre d'un plan triennal, indique que les difficultés rencontrées portent moins sur la détermination d'objectifs que sur le changement de culture conduisant à passer d'indicateurs d'activité (par exemple, fréquentation de tel équipement culturel) à des indicateurs de performance. De même, le ministère de l'éducation nationale, qui s'est pourtant doté de nombreux instruments d'évaluation, éprouve de grandes difficultés à établir des rapprochements entre les objectifs, les résultats et les moyens mobilisés dans le système scolaire. La Cour des comptes (34) considère ainsi que la multiplicité des indicateurs d'activité et de résultat « masque des lacunes qui limitent encore l'intégration de l'évaluation dans le pilotage et la gestion du système scolaire ».

Alors que choix des programmes et définition du système d'évaluation devraient aller de pair, les difficultés rencontrées dans la structuration des programmes ont pour conséquence de mettre au second plan la construction du dispositif de mesure de performance. Or, la mise en place de ce volet de la réforme requiert des modifications importantes des modes de gestion et des outils, en particulier des systèmes d'information, qui ne pourront être réalisées dans les délais fixés par la loi organique si elles ne sont pas engagées rapidement. Ainsi, le ministère en charge de la santé et de la solidarité a indiqué que sur les 50 indicateurs qu'il est prévu de définir pour évaluer la gestion des ressources humaines, seuls trois sont actuellement disponibles.

Le Gouvernement a annoncé que les objectifs et les indicateurs devront être arrêtés au premier trimestre 2004. Dans cette perspective, les agrégats faisant l'objet d'expérimentations - celles actuellement en cours comme celles qui démarreront en 2004 - pourraient être présentés, dès le projet de loi de finances pour 2004, selon les éléments de justification requis par la loi organique pour les projets annuels de performances. Cette démarche permettrait de tester un dispositif de mesure de la performance dans chaque ministère.

B.- COMMENT RENDRE LA CHAÎNE DE LA DÉPENSE PLUS EFFICACE ?

Au-delà du renforcement du rôle du Parlement, la loi organique vise avant tout à donner à l'État les outils budgétaires et comptables de la modernisation, en vue d'améliorer ses performances. La rénovation de la « chaîne de la dépense » participe de cet objectif, en cherchant à définir une nouvelle architecture des contrôles qui donne corps à la responsabilité des gestionnaires tout en rendant plus fluide l'exécution de la dépense.

Les réflexions conduites jusqu'ici s'inscrivent dans la ligne des orientations définies par plusieurs comités interministériels pour la réforme de l'État, notamment celui qui a été réuni le 15 novembre 2001. S'agissant de la chaîne de la dépense, ce comité interministériel prévoyait la « reconfiguration de la chaîne des contrôles internes et externes du processus de dépense », en précisant que « le développement du contrôle interne des ordonnateurs, impliqué par la constitution de larges enveloppes fongibles d'emplois et de crédits, doit accompagner un repositionnement des contrôles externes du contrôleur financier et du comptable. La simplification du contrôle des crédits sera recherchée dans le sens d'un allégement des étapes successives, que favorisera la création de procédures budgétaires internes et le déploiement d'un système d'information financière intégré. Au regard des progrès des systèmes de gestion de l'ordonnateur, une forte décroissance du contrôle externe a priori sur les actes individuels sera organisée au profit du développement de l'examen global, dans une optique de prévention et de conseil ».

1.- L'ÉVOLUTION DU RÔLE DU COMPTABLE PUBLIC

Le rôle du comptable public en matière de comptabilité sera examiné ci-après. Seul est considéré ici le rôle du comptable en tant que payeur et en tant que caissier. Ces deux missions lui imposent d'effectuer diverses diligences, définies par les articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique :

- comme payeur, le comptable est tenu de faire porter son contrôle sur la qualité de l'ordonnateur ou de son délégué, la disponibilité des crédits, l'exacte imputation de la dépense sur les chapitres qu'elle concerne et la validité de la créance qu'il lui est demandé de payer. La validité de la créance s'apprécie au vu de la justification du service fait, de l'exactitude des calculs de liquidation, de l'intervention préalable des contrôles réglementaires, de l'existence du visa du contrôle financier lorsque celui-ci est requis ;

- comme caissier, le comptable doit s'assurer du caractère libératoire du règlement et de l'application des règles de prescription et de déchéance.

La Note d'orientation sur l'évolution de la fonction comptable de l'État et du rôle du comptable public, finalisée en novembre 2002, prépare une remise en cause de ce modèle quadragénaire, en indiquant que « la volonté exprimée dans la LOLF de responsabiliser les gestionnaires conduit à redéfinir les modalités de certains contrôles ». Elle remarque, en premier lieu, que l'extension des fonctionnalités des outils informatiques, dont Accord, conduit à s'interroger sur la pertinence de certains contrôles. En effet, certains d'entre eux sont ou seront réalisés automatiquement par les applications informatiques : délégations de signature, accréditations, disponibilité des crédits, etc. L'intervention spécifique du comptable n'apporte donc, sur ces points, aucune valeur ajoutée. Elle estime, par ailleurs, qu'il convient de s'interroger sur la finalité et l'utilité de certaines réglementations, susceptibles de générer des contrôles « inutiles, désuets ou déresponsabilisants », par exemple en matière de frais de déplacement ou de frais de réception. Elle indique enfin qu'il conviendra d'alléger de manière significative la nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l'État.

Sur ces deux derniers points, la Mission n'a recueilli aucun élément significatif. Sur l'allégement de l'intervention du comptable, la note d'orientation présente deux pistes, visant à substituer à l'organisation actuelle, qui repose sur des contrôles identiques, exercés a priori et de manière exhaustive, un dispositif de contrôle modulé et proportionné aux risques et aux enjeux financiers.

Dans le contrôle hiérarchisé, le comptable public exerce toujours les vérifications sur pièces auxquelles il est tenu par la réglementation. Cependant, il peut moduler le champ (exhaustif ou par échantillon), le moment (contemporain ou a posteriori) et l'intensité (tout ou partie des vérifications) de son intervention. Le contrôle devient donc une action ciblée, accomplie par sondage contemporain ou a posteriori.

Le contrôle hiérarchisé se traduit par une réduction des délais de paiement et autorise, au cas par cas, une simplification des procédures. Il est responsabilisant pour les gestionnaires puisqu'il intervient après que le comptable a reconnu les « bonnes pratiques » mises en œuvre par ces services. Il simplifie et rend plus fluide le circuit de la dépense, tout en permettant une amélioration de l'efficacité des vérifications, puisque celles-ci sont recentrées sur les principaux risques et enjeux.

Dans le contrôle partenarial, une nouvelle étape est franchie. Le comptable apprécie les risques non plus sur pièces mais sur place, après avoir évalué, au travers d'une démarche d'audit, la fiabilité de l'ensemble des procédures mises en œuvre dans la chaîne de la dépense. Cette démarche est décidée et réalisée en commun par l'ordonnateur, le gestionnaire et le comptable. Dès lors que l'audit conclut à la qualité des procédures, le comptable en tire la conclusion en abandonnant les contrôles contemporains, en allégeant les contrôles a posteriori et en se concentrant sur le respect de la qualité des procédures observées lors de l'audit. Selon la note d'orientation, « cette modulation [du contrôle] peut aller jusqu'à la suppression des vérifications en fonction de la qualité des contrôles internes mis en place par l'ordonnateur ».

Le déploiement du contrôle hiérarchisé doit précéder celui du contrôle partenarial, afin de préserver l'existence d'un cadre « sécurisé » pour l'intervention du comptable. En effet, le contrôle partenarial ne doit plus concerner que les procédures et non les actes.

Le dispositif de contrôle hiérarchisé est expérimenté depuis le mois de septembre 2002 par huit trésoreries générales, pour l'ensemble des ordonnateurs dont elles sont le comptable. Une première expérience de contrôle partenarial, portant sur les frais de déplacement et les baux, a été engagée au cours du deuxième trimestre 2002, entre la trésorerie générale et la préfecture du Rhône. Par ailleurs, en juin 2002, un protocole d'accord entre le ministère de l'intérieur, le contrôle financier de ce ministère et la Paierie générale du Trésor (PGT), comptable assignataire au niveau central, a prévu la suppression des visas sur certaines ordonnances de paiement. La PGT met en œuvre un contrôle hiérarchisé depuis le 1er janvier 2003.

La réussite de la transition vers un contrôle hiérarchisé puis, le cas échéant, partenarial, devrait être facilitée par une meilleure proximité entre le gestionnaire et le comptable, y compris géographique. D'ailleurs, la dématérialisation des échanges liée au déploiement du système Accord reste imparfaite : par nature, les pièces justificatives de la dépense restent souvent sous forme papier et nécessitent de transiter par des circuits classiques... et lents. Un « pré-positionnement » du comptable auprès du gestionnaire permet donc d'augmenter la rapidité des diligences qu'il effectue et d'améliorer le traitement des rejets.

L'implantation d'un département comptable ministériel au ministère de l'Intérieur

Le ministère de l'intérieur expérimente, depuis le mois de juin 2003, la mise en œuvre d'un département comptable ministériel (DCM), en vue de poursuivre la rationalisation de ses pratiques en matière financière, budgétaire et comptable. Une mission d'audit et de conseil, menée de façon conjointe par l'inspection générale de l'administration et par l'inspection générale des finances, a montré qu'il existait des opportunités d'amélioration de la chaîne de la dépense.

Par sa proximité avec les services gestionnaires des crédits et les services ordonnateurs, le DCM devrait faciliter l'implantation du dispositif comptable prévu par la loi organique, accélérer le traitement des paiements et autoriser la suppression de certains contrôles jugés redondants.

Une convention de partenariat viendra, d'ici à la fin de l'année, préciser les apports du DCM en termes de prestations de services, de restitutions et d'amélioration des processus.

Pour l'heure, seules la direction de la programmation, des affaires financières et immobilières (DPAFI) et la direction des systèmes d'information et de communication (DSIC) participent à l'expérimentation. Si l'expérience est jugée concluante, les compétences du DCM pourraient être étendues à l'ensemble des directions d'administration centrale dès le 1er janvier 2004.

Un « protocole tripartite » entre l'ordonnateur, le comptable et le contrôleur financier vise à définir l'articulation des rôles de ces acteurs et devrait permettre d'éviter la redondance des contrôles effectués par le comptable et le contrôleur financier. Il devait être conclu vers la fin du mois de juin 2003.

L'expérience lancée au ministère de l'intérieur semble devoir démontrer les vertus du nouveau rôle confié au comptable. Les deux directions choisies pour l'expérimentation ont été retenues parce qu'elles traitent un volume de dépenses important, qu'elles utilisent Accord depuis le 1er janvier 2002 et parce que l'une d'entre elles (la DSIC) passe de nombreux marchés. Sur la base des résultats observés au niveau de la Pairie générale du Trésor, une réduction sensible des délais a été engendrée par la mise en place du contrôle hiérarchisé : on est passé d'un délai situé, en moyenne, entre sept et huit jours à un délai d'environ trois jours. Dans le cas du contrôle partenarial, le délai est réduit à zéro par définition, puisque le contrôle ne porte plus sur les actes eux-mêmes. Enfin, le projet de protocole tripartite devrait contribuer à intensifier le dialogue entre le contrôleur financier et le comptable, conduisant de ce fait à optimiser l'étendue et la portée de leurs contrôles respectifs.

Les six points clefs du projet de protocole tripartite

- engagements : meilleure articulation entre engagement comptable, engagement juridique et ordonnancement ; évaluation correcte des reports de charges (opération qui repose sur un travail conjoint de l'ordonnateur et des services gestionnaires) ; traitement efficace des difficultés causées par les engagements par anticipation ;

- marchés publics formalisés : développement et utilisation effective d'une capacité d'expertise et de conseil par l'ordonnateur ; plus d'examen préalable par le comptable pour les marchés soumis au visa du contrôle financier ; transmission possible des dossiers au contrôle financier, a posteriori, pour les marchés non soumis à son visa ;

- imputations budgétaires particulières ou dérogatoires : concertation préalable entre contrôle financier et comptable (compétence partagée) afin d'éviter des suspensions de paiement ;

- dépenses de personnel : communication systématique au contrôle financier (pour visa) et au comptable (pour information) des circulaires et instructions relatives aux dépenses de personnel, actuellement transmises aux seuls services gestionnaires ; examen a posteriori de 10% des dossiers de reconstitution de carrière par le contrôle financier ;

- échanges d'informations : suivi renforcé des intérêts moratoires ; articulation des contrôles du comptable et du contrôle financier dans le cadre du contrôle hiérarchisé ;

- suivi et évolutions : suivi semestriel des conditions d'application du protocole et possibilités d'évolution par avenant.

Les orientations ainsi définies correspondent bien à l'esprit de la loi organique et ne semblent pas poser de difficultés particulières. Les différents interlocuteurs auditionnés par la Mission n'ont fait état d'aucune réticence vis-à-vis du redéploiement envisagé pour le contrôle exercé par le comptable. Il n'en est pas de même pour l'évolution du contrôle financier.

2.- L'ÉVOLUTION DU RÔLE DU CONTRÔLE FINANCIER

Créé par la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées (texte issu d'une initiative parlementaire), le contrôle financier dispose de compétences étendues, dont il importe d'analyser la nécessaire évolution au regard des principes posés par la loi organique :

- le contrôle financier doit donner un avis sur les projets de textes (loi, décret, arrêté) ou de décisions (contrats, mesures diverses), soumis au contreseing ou à l'avis du ministre des finances. Il doit également donner son avis sur les mouvements de crédits ;

- le contrôle financier doit viser au préalable tous les actes (décrets, arrêtés, contrats, mesures diverses) ayant pour effet d'engager une dépense. Il examine ces actes au point de vue de l'imputation de la dépense, de la disponibilité des crédits, de l'exactitude de l'évaluation, de la « bonne application des lois et règlements », de l'« exécution du budget en conformité avec le vote des chambres » et des « conséquences que les mesures proposées peuvent entraîner pour les finances publiques » ;

- le contrôle doit également viser toutes les ordonnances de paiement ou de délégation, afin de s'assurer que ces ordonnances se rapportent à des engagements déjà visés par lui et qu'elles se maintiennent dans la limite de ces engagements et dans la limite des crédits.

a) Les orientations proposées

Les premiers éléments de réflexion sur la refonte du contrôle financier sont réunis dans la Note d'orientation sur l'évolution du contrôle financier et l'articulation des contrôles, finalisée en septembre 2002. Pour le contrôle financier comme pour le comptable, la généralisation des nouvelles applications informatiques rend inutile le maintien de certains contrôles, notamment pour la disponibilité des crédits. De même, la logique de responsabilisation qui sous-tend la loi organique implique de redéfinir la place respective des contrôles interne et externe. Partant de ce cadre général de réflexion, les orientations proposées s'ordonnent autour de quatre axes : le recentrage du contrôle financier sur le contrôle budgétaire ; l'adaptation de son exercice aux enjeux financiers et aux compétences du gestionnaire ; l'articulation avec les contrôles exercés par le comptable ; l'acquisition de connaissances par l'intermédiaire d'expérimentations.

Premier axe : le recentrage sur le contrôle budgétaire

Selon la note d'orientation, la fonction essentielle du contrôle financier consiste à contrôler les crédits. Ceci ne se résume pas au seul contrôle de leur disponibilité, mais consiste à veiller à la couverture des dépenses dites « inéluctables », à « informer sur les risques financiers » et à « éclairer la prise de décision sur les conditions de maîtrise de l'exécution des lois de finances ».

Dans cette perspective, la portée du contrôle exercé sur les actes des gestionnaires doit être diminuée. La démarche a d'ailleurs été engagée dès 1997, au niveau central, avec la pratique des engagements provisionnels et diverses mesures de « recentrage » du visa. Elle touche également le niveau déconcentré, avec le principe des engagements globaux retenu pour l'exercice du contrôle financier local et les adaptations suscitées par l'expérimentation des budgets globaux des préfectures.

De même, le contrôle financier devrait abandonner, ou tout au moins réduire, la portée du contrôle juridique qu'il exerce sur les actes des gestionnaires. La note d'orientation estime que « le contrôle de la régularité des actes est une activité qui relève par nature du gestionnaire » et que l'intervention du contrôle financier « sur une multitude d'actes d'une importance inégale est [...] lourde et quelque peu déresponsabilisante ».

Enfin, contrairement à une piste avancée au mois de juin 2001 par le groupe de travail interministériel sur les contrôles a priori et a posteriori, le contrôle financier devrait s'abstenir d'intervenir en matière d'audit ou de contrôle de gestion, fonctions qui relèvent par nature de la responsabilité propre du gestionnaire.

Il est donc envisagé que le « contrôle budgétaire » se développe dans deux dimensions principales de l'exécution des lois de finances :

· la mise en place des crédits : le schéma proposé consiste à prévoir que les services gestionnaires présentent, avant le début de la gestion, un « projet d'emploi des crédits » (ou budget annuel) au contrôle financier, la prévision d'engagement étant complétée par un calendrier estimatif des paiements. Le visa du contrôle porterait sur ce projet d'emploi des crédits, et emporterait leur disponibilité entière et effective. Après sa validation, le budget serait exécuté sous la seule responsabilité des gestionnaires ;

· le suivi de l'exécution budgétaire : il s'agit, au-delà de la vérification de la disponibilité immédiate des crédits qui est, pour l'essentiel, assurée par le système d'information, d'effectuer le suivi des dépenses dites « inéluctables », d'analyser et de prévenir les risques financiers associés aux actes de gestion, notamment l'évolution des effectifs et des crédits de rémunération. Cette fonction, « qui n'emporte pas l'exercice d'un visa », ferait du contrôle financier « une instance contribuant à éclairer les gestionnaires et la direction du Budget » grâce à un « dialogue étroit avec les services ».

Deuxième axe : l'adaptation du contrôle aux enjeux financiers et aux caractéristiques des gestionnaires

L'examen exhaustif des actes des gestionnaires étant désormais jugé caduc, il convient de préciser les méthodes permettant une différenciation des contrôles. Le principe général avancé par la note d'orientation consiste à mettre en place un traitement « sur mesure », en s'inspirant des méthodes applicables aux crédits déconcentrés et aux établissements publics : « chaque fois que le contrôle interne est d'efficacité équivalente à celle du contrôle financier, l'intervention de ce dernier n'est pas utile ». Ceci repose sur l'établissement d'un schéma de contrôle concerté entre le gestionnaire et le contrôleur financier.

Compte tenu de l'approbation préalable du projet d'emploi des crédits, le visa porterait désormais sur les projets d'engagement juridique - l'engagement comptable résultant automatiquement de l'engagement juridique, dans la configuration retenue pour la construction du système d'information. Par ailleurs, « le visa doit être réservé aux actes qui présentent, par leur nature ou par leur montant, un réel enjeu financier ».

La note d'orientation indique que la nature des contrôles réalisés lors du visa ne serait pas modifiée et resterait celle prévue par l'article 5 de la loi du 10 août 1922. En revanche, de larges modifications sont envisagées en ce qui concerne le champ des actes soumis au visa et les modalités d'exercice de celui-ci. La démarche ne consiste pas à déterminer, par avance, de façon générale, uniforme et intangible, une liste d'actes soumis au visa, mais à établir, au cas par cas et conjointement entre le contrôle financier et les services gestionnaires, un plan de contrôle. Ce schéma précise également les modalités de visa (contrôle par sondage ou échantillonnage, a priori ou a posteriori, validation de procédures ou de documents-types, intervention en amont de l'engagement juridique, etc.), et fixe les conditions de gestion à satisfaire en contrepartie des levées de visa.

- Troisième axe : mieux articuler les contrôles

Il s'agit, pour l'essentiel, d'améliorer l'articulation des contrôles exercés par le comptable et par le contrôleur financier dans trois domaines :

· le suivi des engagements, même si la notion d'engagement budgétaire n'a pas la même signification que celle d'un engagement en droits constatés ;

· la distribution des compétences en matière de contrôle de la régularité de la dépense. L'objectif est de faire en sorte qu'il n'existe pas de contrôle redondant et que toutes les dépenses soient effectivement couvertes par un contrôle ;

· la coordination des démarches du contrôleur financier et du comptable, en tant que chacun sera amené à préciser et à moduler les conditions d'exercice de son contrôle en fonction de la qualité des procédures du gestionnaire.

La note d'orientation indique que, sur ces trois points, la réflexion n'est pas encore suffisamment aboutie pour formuler un schéma plus précis. Elle estime cependant souhaitable de poser d'emblée le principe que le contrôle de régularité devra s'exercer de manière privilégiée en amont du processus de la dépense. En définitive, il semble que l'objectif ultime soit de rechercher les conditions d'une « optimisation » de l'intervention des instances de contrôle relevant du ministère des finances.

- Quatrième axe : l'engagement d'expérimentations

Deux expériences ont été engagées en 2002 au ministère de l'intérieur et au Secrétariat général de la défense nationale. Elles incluent :

· la suppression du visa sur des actes considérés comme sans enjeu (avancements d'échelon, positions statutaires hors détachement, toutes les décisions sans effet sur les emplois) ou pour lesquelles le dispositif de contrôle du gestionnaire, validé par le contrôle financier, apparaît comme suffisant (par exemple visa sur les ordres de mission à l'étranger au ministère de l'intérieur) ;

· la suppression du visa sur les ordonnances de paiement, les ordonnances de délégation et les marchés non formalisés.

En 2003, la généralisation des expérimentations s'est poursuivie, conditionnée par le raccordement des ministères au système Accord. Le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ainsi que celui de la culture et de la communication ont bénéficié de ce mouvement en janvier 2003.

b) Un débat encore largement ouvert

Intervenant en amont du processus de dépense et ayant la capacité de bloquer les actes des gestionnaires, acteur opérationnel de la régulation budgétaire, le contrôle financier cristallise naturellement certaines frustrations, qui n'ont pas manqué de colorer le débat sur l'évolution de son rôle, engagé par l'adoption de la loi organique. D'ailleurs, la note d'orientation a été sensiblement retouchée entre la première version élaborée par la Direction de la réforme budgétaire et la version soumise au Comité de pilotage interministériel en septembre 2002. De plus, auditionné par la Mission, le ministère de l'intérieur a fait savoir qu'à son sens, la note d'orientation ne pouvait être considérée comme validée par ce Comité : il s'agit d'une note « contestée, toujours discutée et qui mériterait d'être précisée ».

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, la note d'orientation est pourtant très « prudente ». Le rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre de la loi organique déposé en mai 2003 suggère que, si les principes généraux semblent bien définis, les modalités opératoires ne sont dessinées qu'en filigrane :

- le recentrage des acteurs paraît acquis : au gestionnaire le contrôle de régularité de la dépense, au contrôleur financier un contrôle dit « budgétaire », qui vise à « sécuriser les prévisions fondant les budgets globalisés des programmes », à travers la vérification de « la disponibilité des crédits, la couverture des dépenses inéluctables et l'échéancier des paiements » ;

- concrètement, la redéfinition du périmètre des visas et le développement du rôle de conseil par le contrôleur financier ne sont présentés que comme des évolutions possibles.

La note d'orientation se fixe elle-même des objectifs fort modestes : « l'approche présentée ici permettra de lancer les expérimentations nécessaires à la poursuite de la réflexion. L'évaluation qui sera faite des expérimentations permettra de valider les présentes orientations sur l'exercice du contrôle financier ou de faire émerger les modifications qui devraient leur être apportées sur l'exercice de ce contrôle ». Au contraire, la note d'orientation relative à l'évolution du rôle du comptable n'envisage pas que les expérimentations puissent remettre en cause les principes qu'elle définit : elles doivent essentiellement servir à acquérir des connaissances (sur l'écart qui subsistera vis-à-vis des exigences de la loi organique, sur les adaptations à apporter au système d'information comptable de l'État, sur les éventuelles modifications de la réglementation, sur les « besoins d'accompagnement du changement » pour les acteurs de la fonction comptable).

La prudence relevée par la Cour des comptes est certainement nécessaire à l'heure actuelle. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que de donner corps à une disposition de nature organique, présente à la fois dans l'ordonnance du 2 janvier 1959 et dans la loi du 1er août 2001, selon laquelle « les crédits ouverts [...] sont mis à la disposition des ministres » : jusqu'ici, la notion de « mise à disposition » a dû très largement composer avec les exigences du contrôle financier posées par la loi du 10 août 1922.

Pour se placer dans la perspective de 2006, il conviendra de préciser et de clarifier un certain nombre d'orientations, en tenant pour acquis que le contrôle financier tel qu'il a été défini et pratiqué jusqu'ici a vécu, et qu'une profonde rénovation s'impose désormais. L'esprit de la loi organique est incompatible avec le maintien d'un système aussi déresponsabilisant, où une seule personne peut bloquer l'activité d'un ministère, dans des conditions très discrétionnaires ou sur ordre de la Direction du budget, en usant sans limites d'un visa préalable sur l'ensemble des actes de gestion. Entre les deux solutions « polaires » et tout aussi illusoires que sont le statu quo et la disparition du contrôle financier (réclamée en octobre 2002 par le ministère de la défense), il y a place pour un schéma équilibré.

- Les modalités d'exercice du contrôle financier pourraient entrer en conflit avec la logique de responsabilité voulue par la loi organique

On doit noter, tout d'abord, que la souplesse de la note d'orientation peut aboutir à une extension non souhaitée du contrôle budgétaire exercé sur les activités des gestionnaires.

Certaines notions utilisées pour définir le champ d'intervention du contrôle sont insuffisamment caractérisées. Par exemple, il est fait référence aux « dépenses inéluctables », qui semble excéder la notion courante de « dépenses obligatoires ». Cette dernière peut être assez facilement cernée, du fait qu'on peut la rattacher à une obligation juridique découlant de l'application directe de dispositions légales ou réglementaires. Les autres dépenses « inéluctables » recouvriraient des dépenses « juridiquement obligatoires par l'effet [...] de décisions antérieures à la gestion en cours et qui sont reconduites tant qu'une nouvelle décision ne vient pas les modifier ». En l'absence d'illustration précise associée à la note d'orientation, il faut convenir que cette définition n'est pas véritablement éclairante. La note prévoit d'ailleurs qu'un « document de référence » sera établi au vu des résultats des expérimentations afin d'« harmoniser les interprétations et les pratiques en ce domaine ». Cela paraît très souhaitable...

Même si la Direction de la réforme budgétaire a clairement écarté l'idée d'un contrôle d'opportunité sur la gestion des ministères, il ne faudrait pas que des considérations d'opportunité soient réintroduites au niveau de l'approbation du « projet d'emploi des crédits » par l'intermédiaire d'une conception extensive des dépenses « inéluctables ». De même, faire du « risque financier » associé aux actes de gestion un critère d'intervention du contrôle peut ouvrir la porte à des appréciations plus ou moins rigoureuses, donc à une présence plus ou moins envahissante auprès du gestionnaire.

De ce fait, les conditions du dialogue entre le gestionnaire et le contrôle financier doivent être formalisées : au moment de l'approbation du projet d'emploi des crédits et pendant la construction concertée du schéma de contrôle (périmètre et modalités d'exercice du visa), le contrôle doit intervenir sur un fondement objectif et partagé entre les acteurs concernés.

Ceci n'empêche pas que le principe du projet d'emploi des crédits bute sur une difficulté sérieuse. Pour être validé par le contrôle financier, il doit tenir compte des dépenses inéluctables, en particulier de celles qui résultent des reports de charge en provenance de l'exercice précédent - qui n'est pas encore achevé, puisque, selon les termes de la note d'orientation, l'approbation du projet d'emploi des crédits doit être effectuée avant le début de la gestion. Il faut donc que les services gestionnaires connaissent, à la fin de l'année n - 1 et de façon précise, la nature et le montant prévisionnel des dépenses non ordonnancées ayant fait ou non l'objet d'un engagement préalable. Un projet de protocole tripartite négocié entre la Direction de la programmation des affaires financières et immobilières du ministère de l'intérieur, le contrôle financier de ce ministère et la paierie générale du Trésor prévoit que l'ordonnateur devra étudier, en liaison avec les gestionnaires concernés, dans le cadre du volet comptable de la mise en œuvre de la loi organique, les moyens nécessaires pour fournir la liste des reports de charge, en distinguant :

· les dépenses engagées comptablement et juridiquement mais non encore ordonnancées, y compris les intérêts moratoires rattachés à l'exercice ;

· les engagements juridiques non couverts par un engagement comptable pour lesquels le service fait n'interviendra qu'en n + 1 ;

· les engagements non couverts par un engagement comptable et pour lesquels le service fait est intervenu avant le 31 décembre.

Cette opération est qualifiée de « particulièrement complexe » et, de ce fait, doit être limitée dans un premier temps à deux directions du ministère dont les reports de charges sont fiables. Une extension à des services qui n'auraient pas la même fiabilité pourrait inciter le contrôle financier à exiger la prise en compte, dans le projet d'emploi des crédits, d'une « réserve » spécifiquement destinée à couvrir, de façon prévisionnelle et approximative, le montant des reports de charge susceptibles d'apparaître en début de gestion. Au nom de la couverture de ces dépenses inéluctables, une telle réserve, trop largement calculée, nuirait à l'efficacité de la gestion et perturberait la visibilité de l'exécution budgétaire.

C'est encore l'objectif affiché d'une couverture nécessaire des « dépenses inéluctables » qui justifie, pour la note d'orientation, le maintien d'un visa pour les actes de répartition des crédits au sein d'un programme. En effet, les programmes regrouperont des crédits couvrant, selon le cas, des dépense discrétionnaires ou des dépenses inéluctables. L'exercice d'un visa sur les « abondements de crédits discrétionnaires » permettrait, selon la note d'orientation, « d'apprécier par un examen conjoint les disponibilités réelles sur les crédits de dépenses inéluctables ».

Certes, la situation ainsi décrite s'apparente à la situation actuelle, dans laquelle les répartitions de crédits entre articles, à l'intérieur d'un chapitre, sont soumises à un visa du contrôle financier, malgré le fait que l'unité de spécialité n'est pas l'article mais le chapitre et que les crédits sont, par nature, « fongibles » à l'intérieur de l'unité de spécialité. Le risque est donc qu'en maintenant un visa pour les répartitions internes aux programmes, la fongibilité des crédits, telle qu'elle a été conçue par le législateur organique - c'est-à-dire la possibilité pour un gestionnaire de réaffecter librement les crédits en fonction de ses priorités et de ses marges de manœuvre - perde sa portée. On rejoint ici la question, évoquée plus haut, du choix du niveau de pilotage de l'autorisation parlementaire.

- En sens inverse, la nouvelle perspective dans laquelle s'inscrira, à terme, le contrôle financier pourrait aboutir à priver le Gouvernement de tout moyen de contrôle et d'action sur l'exécution du budget

Une telle capacité d'intervention reste légitime et l'article 14 de la loi organique en prévoit d'ailleurs les modalités d'application, en donnant au Gouvernement la capacité de prévenir une détérioration de l'équilibre budgétaire grâce à l'annulation de crédits. Avant de recourir à cette extrémité, le Gouvernement se voit reconnaître le droit de pratiquer officiellement la « régulation budgétaire », puisque le III de l'article 14 oblige à communiquer aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances « tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour objet ou pour effet de rendre des crédits indisponibles ».

La Cour des comptes confirme cette légitimité, et estime qu'il est « indispensable que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et tout particulièrement la direction du budget, dispose de moyens efficaces de suivi et, le cas échéant, de mise en réserve des crédits » (35).

De plus, la loi organique prévoit que le budget doit s'insérer dans une perspective pluriannuelle : le rapport déposé par le Gouvernement en vue du débat d'orientation budgétaire, le rapport économique, social et financier et le rapport sur les prélèvements obligatoires doivent être assortis de projections sur les années futures. Elle fait également référence aux « engagements européens de la France ». Le principe de responsabilité des gestionnaires doit donc composer avec le principe de soutenabilité des finances publiques et du budget de l'État.

En conséquence, le Gouvernement doit disposer des moyens lui permettant de s'assurer qu'en tout état de cause, l'État a les moyens de couvrir ses engagements courants, ne s'engage pas, en sus, au-delà de l'autorisation parlementaire et maîtrise les conditions dans lesquelles il s'engage au-delà de l'horizon annuel pour lequel est, classiquement, donnée l'autorisation parlementaire.

Or, il existe un certain nombre d'actes « lourds » en termes d'engagement : les recrutements de fonctionnaires, les marchés publics, les conventions avec des tiers, les subventions, etc. Pour tous ces actes, on ne peut pas nier l'intérêt de contrôler les conditions de l'engagement juridique et financier de l'État. Par ailleurs, les ministres sont souvent plus sensibles à la réalisation de dépenses discrétionnaires qu'à la couverture des dépenses inéluctables. D'où deux conséquences - d'ailleurs énoncées dans la note d'orientation - :

· le dispositif de suivi et de contrôle doit rester « contradictoire » ;

· le cœur du contrôle financier reste l'exercice d'un visa préalable : celui-ci « donne corps » au contrôle sur les crédits et évite que le dialogue entre le contrôleur et le gestionnaire ne soit « désincarné et détaché de la réalité de la dépense ministérielle ».

- Deux questions essentielles ne doivent pas être éludées

· En premier lieu, peut-on se passer d'un périmètre minimal pour les actes soumis à visa ?

La note d'orientation est quelque peu ambiguë sur ce point. Elle affirme qu'une « doctrine commune peut se dégager pour délimiter un périmètre minimum d'actes essentiels par leur portée financière relevant par nature d'un visa (recrutements, marchés, subventions supérieures à un montant) ». Elle précise aussi que « cependant, le sens général de la démarche consiste à ne pas déterminer par avance, de manière générale, uniforme et intangible, une liste d'actes soumis à visa », mais qu'il s'agit de définir, « au cas par cas », le « champ des actes à présenter au visa », et les modalités du visa. Il n'est pas aisé de savoir à partir de ces éléments si le champ des actes soumis à visa doit nécessairement inclure le « périmètre minimum » évoqué quelques lignes auparavant.

Si l'on s'en tient, cependant, au principe selon lequel « chaque fois que le contrôle interne est d'efficacité équivalente à celle du contrôle financier, l'intervention de ce dernier n'est pas utile », il semble que le domaine d'intervention promis au contrôle financier doive devenir résiduel par nature.

· En second lieu, l'approbation du « projet d'emploi des crédits » emporte-t-elle l'impossibilité d'ajuster l'intensité de la régulation en cours d'année, à la hausse comme à la baisse ?

La note d'orientation indique que le projet d'emploi des crédits est construit « en intégrant les impératifs de maîtrise et de régulation budgétaire », afin de garantir que les crédits soient intégralement disponibles dès qu'ils auront été approuvés.

Cette démarche conduit donc à ce que, avant même le début de la gestion, les services « calent » leur programme annuel de dépense sur une norme inférieure à la dotation ouverte par la loi de finances, dans le cadre d'un dispositif de régulation défini a priori. Il est vrai que la régulation budgétaire est d'autant moins perturbatrice et préserve d'autant mieux la visibilité d'exécution du gestionnaire qu'elle est pratiquée plus tôt dans l'année. En ce sens, le dispositif envisagé répond bien à l'un des objectifs de la loi organique.

En revanche, il laisse entière la difficulté que pourrait rencontrer le gestionnaire (au plan micro-budgétaire) ou le ministère des finances (au plan macro-budgétaire) pour faire face à des aléas de gestion supérieurs à ceux qui auront été intégrés dans la confection des projets d'emploi des crédits. Or, la note d'orientation peut être interprétée comme privant le contrôle financier de tout moyen d'intervenir sur l'enveloppe des crédits rendus disponibles au début de l'année. On conçoit mal que le ministère des finances puisse donner son aval à la mise en œuvre d'un système qui pourrait ne plus être « sous contrôle » dès lors que serait commencée l'exécution budgétaire.

Par ailleurs, la construction des projets d'emploi des crédits devra s'articuler avec l'obligation d'information du Parlement sur tous les actes de régulation - obligation qui est de nature organique. S'agissant d'un visa qui doit être donné avant le début de la gestion, l'ensemble du dispositif de régulation devra avoir été défini avant la fin de la session budgétaire, pendant que le Parlement débat du collectif d'automne, voire achève la discussion du projet de loi de finances de l'année. La mise en œuvre d'une régulation dès les premières semaines de l'année a souvent été critiquée, assimilée à une remise en cause déguisée du vote du Parlement, alors même que celui-ci a pu peiner à arracher aux ministres quelques économies sur les crédits demandés... Qu'en serait-il, alors, d'un dispositif de régulation dont le détail serait communiqué au Parlement alors même que celui-ci pourrait n'avoir pas achevé l'examen des crédits de chaque ministère ? Indépendamment des questions de « susceptibilité institutionnelle », l'opportunité d'amendements visant à ajuster les crédits ne manquerait pas d'être soulevée.

3.- LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE INTERNE

La viabilité des dispositions envisagées pour rénover les contrôles externes exercés sur le processus de la dépense ne sera garantie que pour autant que le contrôle interne gagnera en efficacité et en pertinence. En miroir, il apparaît clairement que l'allégement du contrôle externe est conditionné à l'amélioration de la capacité propre de pilotage budgétaire des administrations. En particulier, la fonction de contrôle budgétaire doit être fortement intégrée par l'ordonnateur, qui exerce un premier niveau de contrôle sur les services gestionnaires.

Les contours du contrôle interne demandent à être précisés. Celui-ci ne se confond pas avec les missions assignés aux différentes inspections et inspections générales, qui ont plutôt pour rôle d'auditer le fonctionnement des services, d'alerter le ministre et de lui suggérer des réformes. Il s'agit au contraire d'un contrôle exercé en temps réel, a priori, dans une optique budgétaire, sur les actes effectués ou envisagés par les services gestionnaires. Le Comité de pilotage interministériel n'a, pour l'heure, examiné aucune note d'orientation relative au contrôle interne. De même, les deux phrases qui, dans le rapport du Gouvernement sur la mise en œuvre de la loi organique déposé en mai 2003, sont consacrées au contrôle interne suggèrent, par leur laconisme, que beaucoup reste à faire : « le contrôle interne relève de l'autorité ministérielle. Chaque ministère devra adapter les modalités de son contrôle interne, afin d'intégrer le fait que les responsables disposent d'une autonomie de gestion accrue ». On peut même se demander si les instances chargées de l'animation et du pilotage de la réforme n'ont pas abandonné délibérément toute ambition dans ce domaine. Ce serait une erreur.

Au demeurant, l'absence visible de réflexion sur le renforcement du contrôle interne a peut-être conduit à biaiser le débat sur l'évolution du contrôle financier. Pourquoi ne pas s'interroger, par exemple, sur un schéma nouveau où la fonction de contrôle financier serait exercée par un département spécifique dépendant, non pas du ministère des finances, mais du ministère gestionnaire ? Ce département pourrait être placé à un niveau administratif garantissant que l'arbitrage, en cas de conflit d'appréciation, serait rendu par le ministre, et donc susceptible d'être apprécié in fine par le Parlement. Ainsi, seraient préservés certains éléments importants de la fonction de contrôle (le caractère contradictoire du suivi et du contrôle, le caractère opérationnel du contrôle par l'intermédiaire d'un visa) et le principe de responsabilité (le ministre assumant sciemment les termes de son arbitrage). En considérant d'emblée que le contrôle financier doit rester rattaché au ministère des finances, on risque de restreindre le panel des options disponibles et, peut-être, de favoriser une crispation des échanges sur des questions « statutaires ».

Il n'est peut-être pas trop tard pour replacer le processus de la dépense au cœur des préoccupations et pour en faire l'objet principal des réflexions. Le lancement du projet de deuxième version d'Accord fournit, à cet égard, une opportunité évidente. Encore faut-il que les contingences informatiques ne prennent pas le pas sur les exigences budgétaires, qui doivent seules guider la construction d'une « chaîne de la dépense » plus efficace et tout aussi sûre.

C.- COMMENT FAIRE DE LA COMPTABILITÉ UN OUTIL DE MODERNISATION ?

Alors que la conception traditionnelle des finances publiques fait de la comptabilité une matière quasi réservée au domaine réglementaire, la loi organique l'intègre pleinement dans le champ organique, les articles 27 à 31 constituant son chapitre V, intitulé « Des comptes de l'État ».

Les comptabilités de l'État selon la loi organique
(article 27 de la loi organique)

L'État tient une comptabilité des recettes et des dépenses budgétaires et une comptabilité générale de l'ensemble de ses opérations.

En outre, il met en œuvre une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes.

Les comptes de l'État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situation financière.

La comptabilité de l'État a été construite principalement pour sécuriser l'exécution des opérations autorisées par le Parlement et exprimées dans le cadre du budget. Elle a développé des qualités particulières qui, sur certains points, en font un instrument bien supérieur à la comptabilité mise en œuvre dans les entreprises : extrême finesse des deux comptabilités auxiliaires (en recettes et en dépenses) renseignées sur plusieurs milliers de lignes, suivi des engagements, facilité des contrôles, importance des justifications.

Cependant, la comptabilité de l'État a été exposée à des critiques croissantes, depuis une dizaine d'années, parce qu'elle était incapable de décrire précisément l'état de son patrimoine, de ses créances et dettes, et de sa situation financière et, partant, de la soutenabilité de la politique budgétaire, et parce qu'elle ne pouvait fournir que des renseignements très lacunaires sur les coûts des politiques publiques.

Or, ces deux dernières préoccupations ont pris progressivement de l'importance, sous la contrainte des engagements européens de la France et la montée des interrogations sur le niveau de la dépense publique et des prélèvements obligatoires. Il est donc apparu nécessaire de rénover la comptabilité de l'État pour en faire un vecteur de la transparence, un instrument de la modernisation et un outil de la performance.

Le choix a été fait de conserver la description des opérations budgétaires selon une comptabilité « de caisse », qui repose sur la comptabilisation des recettes et des dépenses au moment de leur encaissement ou de leur décaissement. Ce système paraît le mieux à même de retracer fidèlement l'exécution des lois de finances. Par ailleurs, la connaissance de la situation financière de l'État et des coûts des politiques publiques supposait que fût profondément rénovée la comptabilité générale qui, construite en droits constatés, est seule à même de décrire précisément l'état des créances et des dettes ainsi que les flux de produits et de charges. Pour leur part, les comptabilités analytiques prévues par l'article 132 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique se sont développées, dans quelques services directement intéressés, de façon hétérogène et sans connexion avec la comptabilité générale.

La loi organique impose donc une remise à plat du système comptable de l'État et fixe un principe de « qualité comptable », qui se traduit par diverses obligations : régularité et sincérité des comptes ; capacité à donner une image fidèle et sincère de la situation financière ; certification des comptes (mission dévolue à la Cour des comptes) ; rôle spécifique des comptables publics en matière de qualité.

1.- LA REFONTE DE LA COMPTABILITÉ GÉNÉRALE

Les règles essentielles applicables à la comptabilité générale de l'État sont définies par l'article 30 de la loi organique. Celui-ci précise le contenu de la distinction entre comptabilité budgétaire et comptabilité générale qui, outre le fait que la première concerne les recettes et les dépenses et la seconde l'ensemble des opérations de l'État, diffèrent par la méthode selon laquelle sont comptabilisées les opérations.

Les opérations retracées en comptabilité générale doivent naturellement être comptabilisées en « droits constatés » : l'incidence financière d'une opération est prise en compte dès que cette opération donne naissance à une créance ou une dette, certaine dans son principe et déterminée dans son montant, quelle que soit la date de l'encaissement ou du décaissement correspondant. C'est à cette condition que peut être connue la situation financière de l'État puisque ce système se fonde sur la comptabilisation des flux de créances et de dettes et qu'il a vocation à intégrer, parallèlement, les phénomènes économiques qui affectent directement la valeur des stocks de créances et de dettes.

La comptabilité générale selon l'article 30 de la loi organique

La comptabilité générale de l'État est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations. Les opérations sont prises en compte au titre de l'exercice auquel elles se rattachent, indépendamment de leur date de paiement ou d'encaissement.

Les règles applicables à la comptabilité générale de l'État ne se distinguent de celles applicables aux entreprises qu'en raison des spécificités de son action.

Elles sont arrêtées après avis d'un comité de personnalités qualifiées publiques et privées dans les conditions prévues par la loi de finances. Cet avis est communiqué aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et publié.

La loi organique consacre ainsi un mouvement engagé à la fin des années 1990, tendant à rénover la comptabilité de l'État pour y incorporer un plus grand nombre d'éléments relevant de la comptabilité d'exercice, notamment une description plus exacte des actifs et des passifs en termes de droits et obligations, ainsi que le rattachement de ces derniers à l'exercice au cours duquel ils sont nés. Ainsi, depuis 1999, la dette de l'État est inscrite dans sa comptabilité générale selon la méthode des droits constatés, qui inclut dans le montant de la dette celui des intérêts nés entre le 1er janvier et le 31 décembre, quelle que soit la date de leur paiement (« intérêts courus non échus ») et qui, au contraire, en défalque le montant des « intérêts payés d'avance ». Les primes et décotes à l'émission d'un emprunt sont désormais étalées sur sa durée de vie au lieu d'être comptabilisées en totalité sur l'année d'émission. Des provisions sont inscrites pour prendre en compte le risque de non recouvrement des recettes fiscales. La TVA est rattachée à l'exercice (par exemple, en rattachant à l'année n les encaissements comptabilisés en janvier n+1). Certains engagements de l'État qui ne sont pas portés au bilan (engagements liés à l'épargne-logement, garanties octroyées aux entreprises dans la cadre de l'assurance commerce extérieur, etc.) sont décrits et évalués en annexe au compte général de l'administration des finances. Cependant, ces progrès résultent surtout des ajustements apportés aux traitements de fin d'année pour y intégrer une dimension « droits constatés », le mode de comptabilisation des opérations en cours d'année restant, pour sa part, inchangé (36).

L'article 30 de la loi organique va cependant plus loin : il impose d'aligner les règles applicables à la comptabilité générale de l'État sur celles applicables aux entreprises, les seules exceptions ne devant résulter que des « spécificités » de l'action de l'État.

De ce fait, le travail de rénovation de la comptabilité générale est vaste et complexe. Il doit, de plus, s'inspirer de l'impératif de transparence qui doit se retrouver dans son produit (le nouveau référentiel comptable de l'État) et faire place aux « bonnes pratiques nationales et internationales » recensées en la matière. C'est pourquoi la loi organique a prévu que les règles applicables à la comptabilité générale de l'État seraient arrêtées après avis d'un comité de personnalités qualifiées publiques et privées, et qu'elles seraient assorties d'une publicité encadrée, notamment en direction du Parlement.

Afin de préparer dans les meilleures conditions l'échéance de l'année 2006, l'article 136 de la loi de finances pour 2002 a créé un Comité des normes de comptabilité publique, organe consultatif placé auprès du ministre chargé du budget et composé de représentants de l'administration, de professionnels comptables et de personnalités qualifiées. Le Comité traite de toute question d'ordre comptable relevant de l'État, de ses établissements publics administratifs ou d'organismes assimilés. Il est chargé :

- d'émettre un avis préalable sur les projets de normes de comptabilité publique qui lui sont présentés par les services du ministère des finances ;

- de proposer toutes mesures relatives à la présentation et à l'exploitation des comptes publics visant à donner une image sincère et fidèle de la situation patrimoniale et financière des organismes publics, à faciliter l'analyse des coûts des politiques publiques, et à assurer la cohérence avec les règles de la comptabilité nationale concernant les administrations publiques.

Le Comité peut être consulté sur toute autre question intéressant la comptabilité publique, en particulier sur les projets de normes élaborés par des organismes internationaux. Il élabore un rapport d'activité annuel qui est déposé sur le bureau des assemblées parlementaires. Il est assisté de deux autres structures, placées directement sous l'autorité de la Direction de la réforme budgétaire :

- la mission « Normes comptables », chargée d'élaborer le référentiel comptable de l'État (plan des comptes, définition des faits générateurs et des modalités d'enregistrement des événements comptables, constitution des états financiers, procédures comptables, etc.) ;

- la mission « Modernisation comptable », qui participe à l'élaboration des normes mais, surtout, à la détermination de leurs modalités d'application. Elle doit également définir et mettre en œuvre le nouveau système d'information financier et comptable.

Au seuil de l'été 2003, le processus de rénovation de la comptabilité générale apparaît bien engagé. Il est vrai qu'il s'appuie sur les travaux réalisés, depuis 1998, à partir du rapport de la mission « comptabilité patrimoniale » animée par M. Jean-Jacques François, Agent comptable central du Trésor, et auxquels la loi organique a donné une légitimité incontestable et une nouvelle impulsion. Ces dernières années, un certain nombre de concepts ont été étudiés, principalement par la Direction générale de la comptabilité publique, qui s'insèrent aujourd'hui dans les réflexions des différentes instances concernées.

Le Comité des normes de comptabilité publique s'est, dans un premier temps, consacré à la définition d'un cadre conceptuel d'ensemble. Celui-ci s'articule autour de deux systèmes de référence :

- conformément au deuxième alinéa de l'article 30 de la loi organique, les règles comptables applicables aux entreprises et leur manifestation dans le plan comptable général (exercice est rendu délicat par le fait que les normes françaises doivent s'intégrer dans un cadre comptable européen en pleine mutation) ;

- les normes comptables internationales IAS et les normes publiées par le comité du secteur public de l'IFAC, dont les concepts s'écartent, parfois de manière importante, de la culture comptable européenne et nationale.

L'IFAC (International Federation of Accountants)

L'IFAC est une instance internationale représentative de la profession comptable : elle rassemble 155 organisations issues de 113 pays. L'IFAC se donne pour objectif de contribuer à la transparence et la convergence des normes et des pratiques comptables et publie à cet effet des « normes » et des guides techniques. Pour la France, sont membres de l'IFAC la Compagnie nationale des commissaires aux comptes et l'Ordre des experts comptables.

Si les membres de l'IFAC sont les organisations professionnelles nationales, ses travaux sont assurés par des personnes issues du monde de la comptabilité : universités, organisations internationales, cabinets comptables, administrations, etc.

Les travaux de l'IFAC sont organisés autour de 7 comités, dont l'un traite spécifiquement des questions comptables relatives au secteur public : le Public Sector Committee (PSC). Des personnes provenant de 13 pays sont membres du PSC, dont un Français, conseiller-maître à la Cour des comptes.

Le Comité des normes de comptabilité publique a commencé ses travaux au printemps 2002 et a prévu d'achever son « plan de charge » (approbation d'une douzaine de normes détaillées couvrant l'ensemble du champ de la comptabilité générale de l'État) d'ici à la fin de l'année 2003, au rythme d'une réunion par mois environ.

La brièveté du délai imparti à l'intervention du Comité peut paraître excessive. Les questions à traiter sont souvent complexes : leur traitement engage la définition des modalités d'application qui devront être déclinées dans les services, auprès de l'ensemble des personnels investis d'une fonction comptable ; il conditionne aussi, pour partie, la configuration des systèmes d'information dont la disponibilité effective sous-tend la bonne mise en œuvre de la loi organique. La Cour des comptes se fait l'écho d'une certaine inquiétude, puisque après avoir souligné qu'aucune norme n'a encore été formellement adoptée (37), elle estime probable que le calendrier initialement prévu se révèlera « très tendu » (38).

Il est vrai que le processus adopté privilégie la densité du dialogue : pour chaque projet de norme, un premier document est soumis à l'analyse du Comité, afin de préciser les principes généraux de traitement comptable qui devront être appliqués aux opérations concernées. Une fois finalisés, ces principes généraux sont déclinés sous la forme d'un projet de norme plus consistant, qui peut faire l'objet d'un ou plusieurs examens devant le Comité (39).

Les projets de normes devront, en outre, être présentés au Conseil national de comptabilité. Enfin, il faudra que l'autorité investie du pouvoir réglementaire prenne le ou les actes nécessaires à l'entrée en application des nouvelles normes comptables. Il ne restera plus alors qu'à décliner les normes en consignes opérationnelles et à former les personnels appelés à les mettre en application, afin d'adapter les concepts aux réalités administratives.

La Mission se doit donc d'insister pour que soient préservées à la fois la qualité du processus d'élaboration des normes comptables et la faisabilité d'un calendrier qui ne laisse pas de place à un quelconque relâchement des efforts.

Sur le fond, les questions soulevées sont difficiles. Certains concepts de la comptabilité d'entreprise sont directement liés à la nature de leur activité, fondamentalement différente de celle de l'État :

- l'activité des sociétés commerciales consiste à produire des biens et services marchands à partir de l'utilisation de ressources déterminées. L'État opère principalement dans le domaine non marchand et son principal « actif » est la capacité à lever l'impôt ;

- pour les sociétés commerciales, le prix de vente doit permettre de récupérer le prix de revient. Pour l'État, il n'existe pas de prix de vente et le prix de revient est une notion le plus souvent inopérante ;

- les impôts sont essentiellement une charge pour les sociétés commerciales et une ressource pour l'État (transfert sans contrepartie) ;

- une partie importante du rôle de l'État consiste à redistribuer, par l'intermédiaire de subventions. Ce n'est pas le cas des sociétés commerciales.

La problématique principale de la construction du référentiel comptable est donc la détection, puis le traitement, des spécificités de l'État. Ces spécificités concernent essentiellement le périmètre comptable de l'État, la notion d'actif et l'évaluation de certains actifs, le traitement des transferts sans contrepartie.

S'agissant du périmètre comptable de l'État, il a paru raisonnable de limiter celui-ci à l'ensemble des services qui n'ont pas de personnalité morale distincte. Les autres entités ont normalement leurs propres comptes et leur éventuelle intégration dans la comptabilité de l'État relève de la logique de consolidation. Au demeurant, ce choix laisse entière la question des budgets annexes, qui, aujourd'hui, ne sont inclus ni dans le bilan, ni dans le compte de résultat de l'État, bien qu'ils n'aient pas tous la personnalité morale.

La Mission s'est préoccupée de savoir si la consolidation d'un certain nombre d'établissements et d'organismes qui sont des opérateurs directs de l'État pouvait être envisagée. Naturellement, il convient de traiter d'abord la question des comptes de l'entité consolidante avant d'envisager le processus même de consolidation. Pour autant, l'article 5 de la loi organique définit comme catégorie de charges les « subventions pour charges de service public » qui peuvent être assimilées à une consolidation élémentaire en termes de charges (budgétaires et comptables). Par ailleurs, le bilan de l'État contient d'ores et déjà un poste « dotations et participations », celles-ci étant évaluées, depuis 2000, sur la base de comptes consolidés et non plus de seuls comptes sociaux. Il semble que certaines modalités d'évaluation des participations de l'État soient susceptibles de différer de la solution retenue dans les dernières éditions du compte général de l'administration des finances (40).

S'agissant de la comptabilisation des immobilisations corporelles, la Cour des comptes indique que seuls seront immobilisés au bilan de l'État les biens dont celui-ci a le contrôle (41). On doit voir là une application des principes comptables des normes IAS, qui privilégient la substance (l'effectivité du contrôle) sur le droit (la notion de propriété). Le débat reste ouvert sur le mode d'évaluation de ces biens :

- le Comité des normes de comptabilité publique penche pour retenir une évaluation en valeur actuelle de marché, plutôt qu'en coût historique assorti d'un amortissement. Il met en avant le fait que les amortissements comptables n'ont pas d'impact budgétaire, ont une signification économique peu pertinente pour l'État et ne pourraient pas servir de base à une dynamisation de la gestion de ces immobilisations. Enfin, selon le président du Comité, la Direction générale des impôts se dirait capable de gérer le domaine de l'État en valeur actuelle de marché, et les principaux gestionnaires d'actifs immobiliers (les ministères de la défense, de l'éducation nationale et des finances) seraient preneurs d'une telle règle ;

- au contraire, la Cour des comptes estime que la valorisation des immobilisations corporelles doit se faire au coût historique avec amortissement, ce qui constitue la norme pour les entreprises. Aucune spécificité de l'État ne justifie, aux yeux de la juridiction, une dérogation aux règles applicables aux entreprises.

En tout état de cause, la méthode de l'accumulation des flux historiques d'investissement semble devoir être rejetée, dès lors qu'elle est imparfaite (les flux les plus anciens n'ayant pas été pris en compte) et qu'elle ne peut être appliquée que globalement et non à chaque bien pris en particulier.

S'agissant des charges et produits, les principaux points à régler concernent la définition du « fait générateur » qui conditionne la constatation effective de la créance ou de la dette, et donc l'entrée d'une écriture dans la comptabilité générale. Un débat est également ouvert sur le mode de constitution des provisions pour risques, opération de fin d'exercice classique en comptabilité des entreprises. Depuis 1999, un provisionnement des créances fiscales est effectué en fin d'année pour présenter une image fidèle du bilan de l'État. Antérieurement, le bilan faisait apparaître des créances fiscales dont une partie ne serait probablement pas recouvrée. Le provisionnement permet de retracer au bilan les créances fiscales pour leur valeur probable. Cette dotation est évaluée statistiquement et ne dispense pas les comptables d'effectuer toutes diligences pour procéder au recouvrement des créances.

La Mission s'est également intéressée à la constitution du hors-bilan, notamment à l'évaluation et au traitement des engagements de retraite des fonctionnaires. Il convient tout d'abord de noter que les engagements de retraite sont, pour la première fois, chiffrés en annexe au compte général de l'administration des finances, selon la méthode dite « des unités projetées » (42). Il s'agit d'un progrès notable par rapport à la situation antérieure.

Pour autant, il semble qu'il soit actuellement projeté de laisser les engagements de retraite dans le hors-bilan, alors que les entreprises sont obligées de les intégrer au bilan. L'enjeu financier n'est certes pas négligeable puisque la situation nette de l'État, déjà négative de près de 500 milliards d'euros au 31 décembre 2002, serait dégradée à hauteur de 700 milliards d'euros (point milieu d'une fourchette allant de 600 milliards d'euros environ à 800 milliards d'euros environ, selon le taux d'actualisation retenu pour l'évaluation des engagements).

Enfin, les états financiers de synthèse pourraient être articulés autour des éléments suivants :

- en guise de bilan, un tableau de la situation nette ;

- en guise de compte de résultat, un tableau des charges nettes (les charges d'exploitation, d'intervention et financières étant chacune assorties de divers produits affectés), complété d'un tableau de couverture des charges nettes faisant intervenir les recettes régaliennes, qui ne relèvent ni de l'exploitation, ni des interventions, ni des opérations financières ;

- un tableau des flux de trésorerie, qui distinguerait les flux provenant des activités courantes, ceux provenant des activités d'investissement et ceux provenant des activités de financement.

2.- L'ENRICHISSEMENT DE LA COMPTABILITÉ BUDGÉTAIRE

La loi organique ne prévoit pas de bouleversement majeur de la comptabilité budgétaire. Au regard de la comptabilisation des opérations, c'est-à-dire des principes de computation des dépenses et des recettes en cours d'exécution, elle a fait le choix de conserver le système de caisse en vigueur sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959, l'année budgétaire civile étant assortie d'une période complémentaire plus soigneusement encadrée (43). Innovation de la loi organique, un principe d'apurement des comptes d'imputation provisoire au plus tard à la date d'expiration de la période complémentaire (44) fera obstacle à ce que le solde budgétaire soit influencé par une variation du solde de ces comptes.

La transformation la plus importante concerne la nomenclature budgétaire : le caractère matriciel de cette nomenclature, déjà présent sous le régime posé par l'ordonnance du 2 janvier 1959, sera clarifié :

- l'ordonnance du 2 janvier 1959 organise la nomenclature budgétaire selon deux axes. Le premier (ministère, chapitre, article et paragraphe) constitue l'axe d'analyse principal du budget de l'État ; le second (dépenses ordinaires ou en capital, titre, partie) classe les unités de spécialité en grandes catégories et emporte certaines conséquences juridiques (45) ;

- la loi organique retient une architecture distinguant les finalités de l'action publique (ministère, mission, programme, action) de la nature de la dépense (titres et catégories, énumérés respectivement aux I et II de l'article 5).

L'axe de la nomenclature par nature a vocation à être décliné de façon plus fine, en vue de tendre vers des unités d'imputation élémentaires aussi proches que possible du plan comptable de l'État. L'idée sous-jacente est de mêler intimement les visions budgétaire et comptable, afin d'améliorer et de faciliter les traitements accomplis pour passer de la comptabilité budgétaire à la comptabilité nationale. La démarche vise aussi à augmenter la qualité des restitutions fondées sur la nature des dépenses (notamment la construction des restitutions effectuées au profit des autorités communautaires). Enfin, la construction d'une nomenclature séparant de façon « pure » la nature de la dépense de sa destination offrira la possibilité de développer plus aisément des axes d'analyse pour la comptabilité générale.

Un autre objectif consiste à simplifier les activités des gestionnaires et des comptables : en harmonisant la nomenclature budgétaire selon un axe commun à toutes les unités de spécialité, on facilite la mise en place d'un système d'information plus clair, et on diminue ainsi les risques d'imputation erronée. Le principe d'une clarification de la structure matricielle du budget et, surtout, de l'incrustation d'une structure matricielle au sein même de l'unité de spécialité (46) paraît donc aller dans le bon sens.

Une expérimentation est en cours auprès de cinq ministères (emploi, équipement, éducation nationale, justice, défense), dans le cadre juridique de l'ordonnance de 1959. Cette expérimentation vise à détecter les éventuelles difficultés qui pourraient survenir, dans l'imputation d'une dépense, de la précision insuffisante du plan de comptes de l'État. L'été 2003 devrait être mis à profit pour construire, sur la base des résultats provisoires de cette expérimentation, une version préliminaire du plan de comptes de l'État - pour ceux d'entre eux qui recoupent les charges de nature budgétaire. Ce plan de comptes provisoire serait alors testé sur cinq ministères supplémentaires, encore indéterminés à ce jour. Une première version « opérationnelle » pourrait voir le jour vers la fin de l'année 2003.

Une fois encore, le respect du calendrier est une exigence essentielle : pour être finalisés, les systèmes d'information devront intégrer la structure du plan de comptes.

Dans ce tableau somme toute encourageant, une question mérite d'être soulevée. La Direction de la réforme budgétaire envisage de réserver un traitement spécifique à certaines dépenses, notamment les dépenses de contrats de plan, de fonds structurels et de fonds de concours. Alors qu'actuellement les dépenses de contrat de plan et de fonds structurels sont, en général, isolées sur un article spécifique, au sein du chapitre auquel elles se rapportent, la nouvelle nomenclature de la dépense éviterait tout dédoublement et les dépenses concernées seraient fondues avec les dépenses de l'État.

Cette démarche est la conséquence logique de la configuration matricielle retenue pour la description des dépenses à l'intérieur d'un programme : une dépense financée par fonds structurel ou contrat de plan et une dépense financée par les crédits ouverts en loi de finances doivent s'imputer dans les mêmes cases puisque, par définition, elles ont la même nature et la même destination. Il n'est pourtant pas indifférent au gestionnaire et au Parlement de connaître les parts respectives de l'État et des tiers dans le montant d'une dépense exécutée sur le budget. De ce fait, il conviendra de mettre en œuvre un processus de restitution d'information « extra-budgétaire », ce qui compliquera peut-être la lecture des résultats d'exécution. Le contenu des restitutions périodiques portées à la connaissance du Parlement devra également individualiser ces différents types de dépenses.

3.- LA CRÉATION DE COMPTABILITÉS ANALYTIQUES

En matière d'analyse des coûts, le processus de rénovation comptable engagé par les ministères est quasiment muet sur les comptabilités analytiques, pourtant essentielles pour la mesure des résultats exigée par la loi organique.

Or, l'analyse des coûts est l'un des éléments sur lesquels le Parlement fera porter son appréciation lorsqu'il s'agira d'autoriser, par son vote, l'ouverture des crédits demandés dans le projet de loi de finances. Le projet annuel de performances qui accompagnera le « bleu » de chaque ministère, à compter de la loi de finances pour 2006, devra comporter « la présentation des actions, des coûts associés, [...] ». La mesure du coût a vocation à devenir l'un des critères -  mais pas le seul, naturellement - de la performance des administrations.

Les gestionnaires doivent donc prendre le virage de la comptabilité analytique et l'on peut craindre, s'ils ne sont pas encadrés et incités à le faire, qu'une priorité suffisante ne soit pas donnée à ces développements. Lors de son audition par la Mission, M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, remarquait que la comptabilité analytique existe dès lors que l'entité administrative a une personnalité morale distincte de l'État. La question de la comptabilité analytique a en effet été réglée depuis longtemps dans les pays dont l'administration est calquée sur le modèle d'agence, mais reste toujours aussi prégnante dans les pays à structure ministérielle. Les ministères n'ont jamais intérêt à savoir ce que coûte leur action.

Il faudra bien, pourtant, qu'une impulsion soit donnée. On peut comprendre que le développement des comptabilités analytiques soit conditionné par la refonte de la comptabilité générale et que l'appétence des ministères soit plus ou moins forte. Mais les exigences de la loi organique s'imposent à tous et la recherche d'une meilleure efficacité de la dépense publique, principe fondateur de la loi organique, suppose une mesure fiable des coûts des politiques publiques.

La Mission s'est interrogée sur la distinction établie par la Direction de la réforme budgétaire entre, d'une part, la « comptabilité d'analyse du coût des actions » et, d'autre part, la comptabilité analytique :

- la première, qui reflète très directement le deuxième alinéa de l'article 27 de la loi organique, est caractérisée comme suit (47) : « Dans le cadre du système d'information budgétaire et comptable, elle est plus spécialement destinée à compléter l'information du Parlement sur les moyens budgétaires affectés à la réalisation des actions prévues au sein des programmes. Elle contribue également à la mesure de la performance des administrations. Cette comptabilité ne doit pas être confondue avec une comptabilité analytique » ;

- la seconde est définie comme un « mode de traitement des données dont les objectifs essentiels sont : connaître les coûts des différentes fonctions assumées par l'entreprise ; déterminer les bases d'évaluation de certains éléments du bilan ; expliquer les résultats en calculant les coûts des produits pour les comparer aux prix de vente correspondants ; établir des prévisions de charges et de produits ; en constater la réalisation et expliquer les écarts qui en résultent. D'une manière générale, elle doit fournir tous les éléments de nature à éclairer les prises de décision ».

Une telle distinction ne favorise guère une bonne compréhension des enjeux de l'analyse des coûts et introduit une dualité de concept là où les travaux du législateur organique suggèrent que seule était visée la comptabilité analytique.

4.- LA CONSTRUCTION DE LA « QUALITÉ COMPTABLE »

Le contenu de la notion de qualité comptable a déjà été défini ci-avant. Deux points paraissent devoir être étudiés plus précisément.

a) Le comptable public, garant de la qualité comptable

Le rôle des comptables publics selon l'article 31 de la loi organique

Les comptables publics chargés de la tenue et de l'établissement des comptes de l'État veillent au respect des principes et règles mentionnés aux articles 27 à 30. Ils s'assurent notamment de la sincérité des enregistrements comptables et du respect des procédures.

Les attributions des comptables sont de deux ordres. En premier lieu, ils ont un rôle matériel et opérationnel : ils sont chargés de la tenue et de l'établissement des comptes de l'État. En second lieu, ils doivent être les « gardiens » de l'ordre comptable qui sera mis en place progressivement en fonction des principes définis par la loi organique.

La Note d'orientation sur l'évolution de la fonction comptable de l'État et du rôle du comptable public rappelle ces principes directeurs, qui aboutissent à un élargissement de la fonction comptable de l'État.

L'organisation financière de l'État vit sur un certain nombre de principes, au sein desquels on trouve la séparation des ordonnateurs et des comptables. La mise en œuvre du volet comptable de la loi organique devrait brouiller un peu ce principe fondamental :

- les gestionnaires effectuent, par nature, des actes de portée comptable (émission d'un bon de commande, réception de factures, constatation d'un service fait, etc.) qui, dans une comptabilité en droits constatés, constituent le « fait générateur » de la recette ou de la dépense, et donc donnent lieu à la passation d'une écriture comptable. Par conséquent, il apparaît rationnel de confier aux mêmes services gestionnaires le renseignement direct du système d'information comptable : le gestionnaire devient ainsi producteur d'information comptable ;

- par leur connaissance des opérations effectuées au cours de l'exercice et grâce à la mise en œuvre des outils de gestion adéquats, les services pourraient être associés aux opérations dites « d'inventaire », conduites en fin d'exercice pour refléter fidèlement la réalité de la situation financière et de la gestion : valorisation des stocks, dettes et créances ; dépréciation des immobilisations ; provisions pour risques ; provisions pour charges, etc.

Le comptable resterait directement responsable de la tenue des écritures comptables fondamentales (journaux, balances, etc.), interviendrait dans la comptabilisation des opérations complexes (investissements, inventaire, régularisations, etc.) et établirait les comptes annuels. Il aurait un « rôle à jouer » en matière de comptabilité budgétaire, notamment pour le suivi des engagements, sans préjudice de ses compétences classiques pour la comptabilisation des dépenses et recettes (le comptable reste le caissier de l'État). Enfin, le comptable devrait « garantir la fiabilité et l'exhaustivité des informations budgétaires et comptables utilisées par l'ordonnateur et le gestionnaire » pour analyser les coûts des actions engagées dans les programmes.

En définitive, la loi organique conduit à diffuser vers le gestionnaire, donc vers les phases amont de l'exécution de la dépense, la compétence comptable actuellement dévolue au seul comptable public. Dans cette perspective, le comptable public devient la deuxième « ligne de défense » de la qualité comptable. Garant de cette qualité, il ne devra pas seulement assurer la tenue des comptes et veiller à leur production. Il lui appartiendra aussi de mettre en œuvre de nouveaux processus de contrôle dans un cadre clarifié et simplifié. En effet, les services gestionnaires seront désormais producteurs de l'information comptable élémentaire tout au long de la gestion.

Les « futures modalités d'intervention des différents partenaires » (gestionnaires et comptables) en matière de contrôle comptable doivent donc être définies. Ceux-ci devront établir ensemble le référentiel comptable interne et un guide des procédures comptables, adaptés chacun aux spécificités de chaque ministère (ou de toute entité jugée significative), s'assurer de la cohérence des outils de gestion et de comptabilité, s'accorder sur un dispositif d'audit qui « couvrirait tout le champ d'action de nature comptable confié à l'ordonnateur et aux gestionnaires », et enfin préciser les compétences et obligations de chacun pour les opérations d'inventaire et de fin d'exercice.

L'évolution de la fonction comptable suppose l'apprentissage de nouveaux métiers, tant chez les gestionnaires (mise en œuvre et maîtrise de la comptabilité générale, analyse des risques) que chez les comptables (contrôle rénové, analyse des risques, audit, etc.). De plus, le schéma proposé conduit à passer d'une comptabilité générale frustre, mise en œuvre par un réseau unique, à une comptabilité générale riche et complexe, mise en œuvre de façon décentralisée dans chaque unité opérationnelle. Il en résulte de nouvelles exigences en termes de qualification et de formation (initiale et continue) des personnels. La Mission considère que l'effort consenti sur ce point doit être à la hauteur des enjeux.

Par ailleurs, il conviendra de réfléchir aux éventuelles évolutions du régime de responsabilité des comptables que le nouveau dispositif pourrait amener.

Enfin, la redéfinition du rôle du comptable devrait se traduire par une nouvelle organisation du dispositif comptable de l'État.

Nonobstant la diffusion de la fonction comptable chez les ordonnateurs et les gestionnaires, la note d'orientation refuse d'envisager un éclatement du réseau comptable, et réaffirme la compétence première du ministre des finances dans la tenue des comptes. A cet effet, le ministre doit être assisté d'un réseau de comptables publics, seul à même de reconstituer l'unité financière de l'État (48). Pour autant, la note préconise un « rapprochement physique » des services du comptable public vers les gestionnaires, qui conduit à recommander, au niveau central, la création de comptables spécialisés par ministère. Un comptable « tête de réseau » complèterait le dispositif des comptables ministériels. Dans les services déconcentrés, il conviendrait plutôt de ne pas émietter les responsabilités comptables entre les ministères, pour des raisons d'efficience et pour maintenir la cohérence avec « la responsabilité et le positionnement propres du préfet au plan territorial ». Le trésorier payeur général resterait donc le seul comptable principal des services déconcentrés.

L'expérience de constitution d'un département comptable auprès de deux directions du ministère de l'intérieur semble bien vécue par les acteurs concernés et préfigure une généralisation qui ne semble pas devoir poser de problèmes particuliers, sous réserve que les responsabilités respectives de l'ordonnateur, du comptable et du contrôleur financier soient clarifiées dans le cadre d'une démarche partagée.

b) La certification des comptes de l'État

Le 5 de l'article 58 de la loi organique prévoit qu'est jointe au projet de loi de règlement « la certification de la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État. Cette certification est [...] accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ». La Cour des comptes considère que le premier exercice soumis à certification sera l'exercice 2006.

La certification consiste à formuler, chaque année, une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État. Elle doit porter sur un panel déterminé d'états financiers (bilan, compte de résultat, annexe, « éventuellement, état d'exécution des opérations budgétaires », tableau des flux de trésorerie), qui doivent être analysés à la lumière d'un référentiel comptable (principes généraux, normes comptables, textes d'application), en appliquant un processus d'audit défini.

La formulation d'une opinion sur les comptes suppose d'obtenir une « assurance raisonnable » que les états financiers ne présentent pas d'anomalies significatives au regard du référentiel comptable. De ce fait, les audits effectués par l'organisme certificateur reposent sur des sondages et non sur une analyse exhaustive des écritures comptables.

Selon les principes de l'IFAC, l'opinion formulée par l'organisme certificateur peut prendre quatre formes :

- une certification sans réserve qui peut, le cas échéant, être accompagnée d'« observations » sur un élément affectant les états financiers ;

- une certification assortie d'une ou plusieurs réserves, notamment lorsque des erreurs, des anomalies ou des irrégularités sont susceptibles d'avoir une influence significative ;

- une opinion défavorable si ces erreurs, anomalies ou irrégularités sont susceptibles d'affecter la validité d'ensemble des comptes ;

- l'impossibilité de formuler une opinion, notamment en raison de restrictions apportées à l'étendue des travaux d'audit.

La Cour des comptes a commencé à préparer l'exercice de certification, en associant les représentants de plusieurs de ses chambres. Des contacts réguliers ont lieu avec la Direction générale de la comptabilité publique, car la Cour a jugé plus productive une démarche qui consiste à étudier, très en amont de la première certification, les problèmes posés par cet exercice, de façon à y apporter progressivement les réponses nécessaires et à éviter la publication de réserves, voire d'un avis défavorable.

Un programme de travail ciblé a été établi, et la Cour a entrepris les premiers audits comptables pour lesquels, compte tenu des principes généraux posés par la loi organique, il est possible d'anticiper que les évolutions résultant des nouvelles normes comptables seront relativement limitées. Ces domaines sont : la dette et les opérations de gestion active de la dette et de la trésorerie, les relations avec les correspondants du Trésor, la trésorerie et les comptes financiers, les écritures de correction en fin d'exercice, les opérations d'inventaire et la construction des états financiers de l'État.

L'objectif de la Cour consiste aussi, au-delà d'une première approche des domaines concernés, à tester sa propre méthodologie.

La Mission s'attachera particulièrement à suivre les travaux de la Cour des comptes en matière de certification. Ils constituent en effet un aiguillon puissant au service de la réforme de la comptabilité.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 10 juillet 2003, votre Commission a examiné, en application de l'article 145 du Règlement de l'Assemblée nationale, le présent rapport d'étape.

Le Président Pierre Méhaignerie a salué le travail remarquable accompli par la mission d'information. L'importance des difficultés soulevées par la mission implique que les ministres s'investissent personnellement dans la réforme, et prennent rapidement les arbitrages qui s'imposent.

M. Michel Bouvard a indiqué que la mission d'information a procédé, au cours des six derniers mois, à un premier examen de la mise en œuvre des grands volets de la loi organique, en auditionnant les principaux protagonistes de la réforme du budget et de la comptabilité de l'Etat. Elle est aujourd'hui en mesure de réaliser un bilan d'étape. Le constat est clair : la réforme est bien engagée et la mobilisation de l'administration a permis de franchir des pas importants. Sur plusieurs points, elle soulève cependant davantage d'interrogations qu'elle n'apporte de solutions.

L'administration s'est incontestablement mise en ordre de marche pour relever le défi de la réforme. La réorganisation des instances de pilotage autour de la direction de la réforme budgétaire a donné l'impulsion nécessaire. Les ministères se sont appropriés les nouveaux concepts, ont pris conscience des changements induits pour la réforme et ont travaillé sur les moyens d'y répondre. Plusieurs notes d'orientation ont précisé les règles et les méthodes d'application des dispositions organiques. Sur plusieurs points, elles ont permis d'accélérer la mise en œuvre de la réforme. En particulier, le Gouvernement a bien avancé sur le traitement de la question de l'interministérialité : le nouveau cadre budgétaire devrait permettre de mieux prendre en compte la dimension interministérielle de certaines politiques, et plusieurs missions interministérielles sont actuellement à l'étude, notamment pour la politique de lutte contre l'insécurité ou l'effort de l'État en matière de recherche. En outre, au-delà de la présentation, en lois de finances, des politiques interministérielles, le Gouvernement prévoit de mettre en place de nouveaux outils susceptibles d'en améliorer la gestion.

La gestion budgétaire des emplois a également franchi de grands pas. Sur ce dossier, la loi organique est particulièrement novatrice. Elle remplace en effet la notion d'emplois budgétaires sévèrement critiquée, notamment par la Cour des comptes, par celle de plafond d'autorisation d'emplois. Pour donner corps à ce concept totalement nouveau, plusieurs notes d'orientation ont défini le périmètre des plafonds, ainsi que les modalités de dénombrement, de gestion et de présentation des emplois.

M.  Didier Migaud s'est félicité de ce que, sur la question de la déclinaison des futurs programmes au niveau déconcentré, le Gouvernement a mis au point, à travers les budgets opérationnels de programme, un concept novateur qui permet de répercuter sur le terrain, non seulement l'esprit, mais aussi les règles concrètes de la loi organique. En outre, le débat ouvert en 2002 sur le rôle des préfets dans la mise en œuvre des programmes s'est conclu sans remettre en cause la logique et les principes de la loi organique. Il est clair aujourd'hui que la réforme devrait permettre de mieux prendre en compte la dimension territoriale, et que le rôle des préfets pourra en sortir renforcé. De même, la réforme comptable est aujourd'hui bien avancée. La révision de ce qu'il est convenu d'appeler « la chaîne de la dépense » est engagée dans le sens d'une meilleure efficacité de la gestion publique. D'ores et déjà, certains comptables publics centrent leur contrôle sur la qualité des procédures, et moins sur une vérification systématique des actes de gestion. Les notions de contrôle hiérarchisé et de contrôle partenarial ont été introduites, afin d'améliorer la fluidité du circuit et de responsabiliser les gestionnaires. Les délais seront ainsi sensiblement raccourcis. En outre, l'élaboration des normes comptables est bien engagée : elle permet d'initier le processus de rénovation de la comptabilité générale, qui est un des piliers de la modernisation de la gestion publique. C'est la connaissance de la situation patrimoniale et financière de l'État qui est en jeu. L'objectif est d'appliquer à l'État les règles en vigueur dans les entreprises, tout en prenant en compte la spécificité de la sphère publique.

Sans adhérer complètement à l'appréciation sévère portée par le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, M.  Michel Bouvard s'est interrogé sur les conséquences de certaines des orientations prises par le Gouvernement. La réussite de la réforme dépend des réponses qui seront apportées à ces interrogations. Il existe une divergence entre la mission d'information et les instances chargées de piloter la réforme sur la portée qu'il convient de donner à l'autorisation parlementaire. C'est la principale difficulté de mise en œuvre de la réforme, et le Parlement doit y être très attentif. Il en va en effet de sa capacité à orienter et à contrôler le budget.

Les services ont beaucoup de mal à s'extraire de leurs organisations administratives, et rencontrent d'importantes difficultés à appréhender les finalités de leurs actions. Or, la loi organique a été votée, non pas pour garantir l'autonomie budgétaire des structures en place, mais pour identifier et contrôler les politiques de l'État. Sur plusieurs points, comme la définition des missions ou le traitement des moyens polyvalents, les orientations prises ne vont pas dans le sens d'une clarification du budget. Afin de respecter l'organisation actuelle des responsabilités administratives, le Gouvernement privilégie la recherche d'une globalisation maximale par rapport à l'identification des politiques. Il faut, certes, globaliser l'autorisation de dépense - c'est la condition de la logique de responsabilisation qui fonde la loi organique -, mais pas n'importe comment, ni à n'importe quel niveau.

Par rapport au schéma prévu par la loi organique, on assiste à un mouvement de « déplacement vers le bas » de la structure budgétaire. Certes, ce déplacement facilitera la gestion, mais il ne manquera pas de poser au Parlement des problèmes de détail de l'information et des difficultés de suivi. Les services oublient encore de prendre en compte le premier niveau de la nomenclature, c'est-à-dire les missions, et surdimensionnent leurs programmes afin de faire de l'action le véritable cadre d'identification des politiques et de pilotage du budget. Or, la loi organique est très claire sur ce point, la répartition des crédits entre les actions ne fait pas partie de l'autorisation parlementaire : elle est laissée à la discrétion de l'exécutif. Peut-on accepter un schéma dans lequel le pilotage des politiques se fait à un niveau infra-législatif ? Comment, dans de telles conditions, le Parlement pourra-t-il suivre, même a minima, l'exécution du budget, et notamment l'impact des mesures de régulation budgétaire ? La mission d'information reste convaincue de la nécessité de privilégier la clarification de l'autorisation parlementaire sur la préservation des structures administratives. Cette démarche suppose de définir préalablement les missions et de prévoir des programmes suffisamment précis pour pouvoir identifier et piloter les politiques de l'État. La lisibilité des lois de finances et la cohérence de l'autorisation parlementaire en dépendent. Il est clair que, pour arriver à un bon équilibre, le nombre des programmes ne saurait être inférieur à 150. Or, on oscille actuellement entre 90 et 120.

Le débat sur l'organisation de la nomenclature soulève la question, plus générale, de la capacité du futur système budgétaire à assurer la maîtrise des dépenses de l'État. En prévoyant un dispositif centré sur les actions et non plus sur les programmes, le Gouvernement renvoie le contrôle des coûts à un suivi entre des enveloppes qui ne sont pas fixées par la loi de finances, et qui, en droit, ne sont pas limitatives. Il n'est sûr que ce schéma permettra d'assurer la maîtrise de la dépense. Cette question se pose avec une acuité particulière pour les dépenses de personnel qui représentent plus de 40 % des dépenses de l'État. La loi organique fait reposer la maîtrise des dépenses de personnel sur ce qu'il est convenu d'appeler la « fongibilité asymétrique » : pour ses coûts de personnel, chaque programme sera soumis à un plafond qui limitera les marges de manœuvre du gestionnaire. L'efficacité du dispositif dépend du degré de précision des programmes, puisqu'il y aura autant de plafonds que de programmes. Or, plusieurs ministères envisagent de recourir à un programme unique, ou de regrouper l'essentiel de leurs crédits de personnel en un seul programme. On a là un risque de contournement du caractère asymétrique de la fongibilité, contraire à l'indispensable encadrement de la masse salariale. La définition du périmètre des futurs plafonds d'emplois soulève une difficulté du même ordre. Le Gouvernement a prévu de ne pas plafonner les emplois des opérateurs extérieurs à l'État, et notamment les agents des établissements publics, alors qu'ils sont souvent rémunérés à partir de subventions de l'État et régis par le statut général de la fonction publique. Ce sont ainsi, pour reprendre les évaluations de la Cour des comptes, 340.000 emplois qui continueront à échapper à l'autorisation parlementaire et au cadre défini par les lois de finances.

La loi organique implique une modification de la gestion des ressources humaines qui n'est pas suffisamment engagée. Il faudra en effet tirer les conséquences de la logique de responsabilisation des gestionnaires, en leur conférant la maîtrise des actes de recrutement et de promotion de leurs agents. Le système de gestion par la performance ne fonctionnera pas sans une modulation des primes. En introduisant la notion de métier, la loi organique a créé un outil qui doit permettre, sans remettre en cause le statut général de la fonction publique, de passer d'une gestion exclusivement statutaire à une gestion fonctionnelle. Pour le moment, cet outil n'est pas véritablement utilisé.

M.  Didier Migaud a indiqué que, si la réforme est bien engagée, une inconnue de taille demeure : il n'est, pour le moment, pas assuré que le dispositif de gestion par la performance répondra, dans les délais, aux exigences de la loi organique. Le Gouvernement devra, dans les mois à venir, définir les objectifs et choisir les indicateurs qui seront associés aux programmes. C'est en quelque sorte la « clé de voûte » du nouveau système budgétaire. L'évaluation par la performance est en effet la contrepartie indispensable de la liberté de gestion offerte par la globalisation des crédits. C'est indéniablement le chantier le plus ambitieux et celui auquel les services sont le moins bien préparés. Certains parlent même d'une révolution culturelle, destinée à faire passer l'administration d'une logique de moyens à une logique de résultats. Certes, les services ne partent pas de rien, puisque les agrégats actuels contiennent d'ores et déjà des objectifs et des indicateurs. Il est néanmoins clair, les ministères eux-mêmes le reconnaissent, que la qualité de l'information actuellement transmise au Parlement est très inégale, et qu'on est encore loin des éléments de suivi requis par la loi organique. De même, les expériences de globalisation de crédits n'ont pas encore débouché sur un véritable contrôle de gestion. Notamment, le ministère de l'intérieur, qui a été précurseur sur ce dossier, n'est pas actuellement en mesure de répercuter dans les documents budgétaires les résultats du suivi des préfectures dont les crédits sont globalisés. Les difficultés rencontrées par les ministères dans la structuration de leurs programmes ont indéniablement retardé la définition des objectifs et le choix des indicateurs. Pourtant, les deux démarches doivent aller de pair. La plupart des ministères ont du mal à passer d'une simple mesure des produits de l'activité administrative à une véritable évaluation de la performance. Pour les administrations disposant déjà d'indicateurs, toute la difficulté consiste à établir des rapprochements entre les objectifs, les résultats et les moyens. Il n'est pas non plus facile de hiérarchiser l'information disponible, de manière à distinguer des objectifs stratégiques susceptibles de faire l'objet d'un engagement politique devant le Parlement, et des objectifs opérationnels qui relèvent davantage de la gestion interne aux ministères.

M. Didier Migaud a abordé la question délicate de l'évolution du contrôle financier. Il est aujourd'hui évident que le contrôle financier, tel qu'il est actuellement pratiqué, ne peut pas être maintenu. Aujourd'hui, un contrôleur financier peut bloquer l'activité d'un ministère, dans des conditions très discrétionnaires ou sur ordre de la direction du Budget, en usant sans limites d'un visa préalable sur l'ensemble des actes de gestion. La logique de la loi organique est incompatible avec le maintien d'un système aussi déresponsabilisant. Il importe de trouver un dispositif qui respecte le principe de responsabilisation, sans priver le Gouvernement de tout moyen de contrôle et d'action sur l'exécution du budget. Sur ce dossier, les orientations proposées par les instances de pilotage de la réforme maintiennent plusieurs ambiguïtés. Certains les interprètent comme une volonté de ne consentir qu'une réforme de façade. D'autres, au contraire, craignent l'abandon de tout dispositif de sauvegarde. Une clarification s'impose, et le Parlement doit y être associé.

L'importance des questions soulevées par la mise en œuvre de la loi organique montre que la réforme est actuellement dans une période décisive. Le terme de la phase transitoire approche à grands pas, et il faut que les ministres fassent rapidement les choix indispensables à la modernisation de leur administration. Il faut également que le Parlement s'investisse davantage dans la mise en œuvre d'une loi dont il a eu l'initiative et qui engage sa capacité à orienter et à contrôler le budget de l'État. Le rôle des rapporteurs spéciaux sera donc fondamental. Le Gouvernement a choisi de rendre les principaux arbitrages à l'automne 2003, c'est-à-dire pendant la session budgétaire. L'examen du prochain projet de loi de finances doit donc être l'occasion de mettre à plat l'ensemble des difficultés d'application du texte.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé sur quels éléments porterait l'arbitrage attendu à l'automne prochain. Il a également souhaité savoir quels étaient les ministères de référence particulièrement actifs pour la mise en œuvre de la loi organique, qui pourraient susciter une « contagion vertueuse » des autres ministères. Enfin, il a souhaité que la mission se rende pendant une journée au rectorat de Rennes, afin de mieux apprécier la mise en œuvre de la réforme sur le terrain et en tirer quelques enseignements.

Après avoir rappelé que peu de ministères sont en avance sur le calendrier de la réforme, M. Michel Bouvard a indiqué que les ministères des affaires étrangères et de l'agriculture ont bien avancé dans la définition de leurs programmes. Le ministère des sports fait preuve de beaucoup de volontarisme, mais la solution consistant à le doter d'une mission constituée d'un seul programme n'est, à l'évidence, pas satisfaisante. De même, le ministère des finances a une avance certaine. Il est particulièrement crucial que les ministres s'approprient personnellement la réforme. Dans beaucoup de ministères, l'autorité politique n'a pas rendu les arbitrages attendus par les responsables administratifs, dont l'action se retrouve ainsi bloquée. Le Comité interministériel d'audit des programmes a même envisagé un temps le « chômage technique ». Il faut aussi que chacun des rapporteurs spéciaux insiste auprès des ministres pour qu'ils s'impliquent personnellement dans le processus.

Après avoir indiqué qu'il convenait de soutenir le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire dans sa volonté de mettre pleinement en œuvre la loi organique, M. Didier Migaud a souligné que, quel que soit le Gouvernement, d'importantes marges de progression existent. À l'automne 2003, la liste des missions, des programmes et des actions devrait être arrêtée. En outre, chaque ministre doit proposer une expérimentation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. La détermination des indicateurs et des objectifs, particulièrement délicate, aura lieu au premier trimestre 2004.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il revenait aux parlementaires de rappeler aux ministres leur responsabilité dans la réforme, souhait d'ailleurs exprimé par le Premier ministre lui-même.

M. Michel Bouvard a souligné qu'au delà des réponses attendues aux questionnaires budgétaires, il est important que chaque rapporteur spécial rencontre sur ce thème le ministre gestionnaire des crédits sur lesquels il rapporte.

Après s'être associé aux observations de MM. Didier Migaud et Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard s'est félicité de la façon dont la mission d'information, composée d'un représentant de chaque groupe politique, a travaillé. Ce fonctionnement exemplaire devrait inspirer l'ensemble des travaux de la Commission, notamment ceux de la MEC.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité savoir si le ministère de l'agriculture désirait toujours n'être doté que d'une mission, alors qu'il exerce des compétences très variées, notamment en matière d'aménagement du territoire, de marchés, d'enseignement ou encore d'affaires européennes.

M. Michel Bouvard a indiqué que le ministère n'avait pas encore changé d'avis.

M. Didier Migaud a ajouté que les difficultés actuelles sur la conception des missions étaient liées au fait que la première réflexion des ministères n'a porté que sur les programmes et les actions, la définition des missions étant mises, dans les faits, comme dans les esprits, au second plan.

M. Michel Bouvard a souligné que la position initiale du ministère des finances, ambiguë sur cette question, avait conduit à un décalage vers le bas de la nomenclature budgétaire. C'est ainsi que sont envisagés des « méga-programmes » au ministère de l'éducation nationale. Par ailleurs, il importe aujourd'hui que les expérimentations soient étendues à des politiques mises en œuvre par des établissements publics, afin de permettre une véritable préfiguration des programmes. En particulier, une expérimentation au sein des universités permettrait de tester la mise en place des programmes.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que les questionnaires budgétaires avaient été orientés sur l'application de la loi organique. En outre, il a indiqué qu'il allait écrire aux rapporteurs spéciaux pour qu'ils accordent une attention particulière à la mise en œuvre de la loi organique.

Votre Commission a autorisé, conformément à l'article 145 du Règlement et à l'unanimité, la publication du présent rapport d'étape.

N° 1021 - Rapport d'information sur la mise en oeuvre de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances (M. Michel Bouvard)

1 () Jeunesse, éducation nationale et recherche ; défense ; économie, finances et industrie ; équipement, transports, logement, tourisme et mer ; intérieur, sécurité intérieure et libertés locales.

2 () Rapport du Gouvernement au Parlement sur la préparation de la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, mai 2003, page 2.

3 () Rapport d'information de M. François Cornut-Gentille sur la mise en œuvre, dans le secteur de la défense, de la loi organique relative aux lois de finances, Doc. A.N. n° 957, 18 juin 2003.

4 () Préparation du projet de loi de finances pour 2001, Circulaire du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 6 janvier 2000.

5 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, page 125.

6 () L'exemple le plus représentatif de cette tendance est donné par le budget de l'économie, des finances et de l'industrie qui comprend un agrégat par grande direction (trésor, impôts, douanes et des droits indirects, concurrence, consommation et répression des fraudes, relations économiques extérieures, INSEE), alors que certains missions du ministère (le recouvrement de l'impôt par exemple) sont menées par plusieurs directions.

7 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, page 126.

8 () Sur ce point, l'idée avancée par certains de créer, sur le modèle anglo-saxon, des sous-secrétaires d'État irait dans le sens d'une meilleure identification des politiques de l'État.

9 () Le cas de l'aviation civile est révélateur : bien que l'article 18 de la loi organique fasse explicitement des budgets annexes des missions, ce premier niveau de nomenclature a été mis de côté pour privilégier un programme unique, et la réflexion des services s'est focalisée sur les actions. Cet exemple illustre bien la tentation, observée pour d'autres budgets, de réduire la nomenclature à deux niveaux, alors que la loi organique en prévoit trois.

10 () Contribution de la mission d'audit à la réflexion des services sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances au ministère de l'écologie et du développement durable, Inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'environnement, février 2003, page 6.

11 () Inspirées des actuelles « composantes » utilisées pour décrire le contenu des agrégats, les actions ont été introduites par amendement, au cours de l'examen de la proposition de loi organique. La loi organique n'en donne cependant pas une définition précise.

12 () Font actuellement l'objet d'un « jaune » budgétaire les politiques interministérielles suivantes : ville et rénovation urbaine, environnement, aménagement du territoire, droits des femmes, recherche et développement économique, outre-mer, culture, coopération, action extérieure et sécurité routière.

13 () « La loi organique relative aux lois de finances et l'interministérialité », note d'orientation du comité de pilotage interministériel, page 4.

14 () La faisabilité de cette mission interministérielle fait actuellement l'objet d'une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration, de l'inspection générale des finances et du contrôle général des armées.

15 () C'est, par exemple, le cas du ministère de la justice dont l'organisation respecte une séparation entre trois principaux blocs de compétence : services judiciaires, administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse.

16 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, page 128.

17 () Comité d'audit des programmes, Document d'analyse des programmes, 16 décembre 2002.

18 () En jouant entre ministères différents, le mandat de gestion pourrait également être utilisé pour la gestion de certaines politiques interministérielles.

19 () Par la note d'orientation sur le traitement des services polyvalents et des fonctions support du 23 décembre 2002

20 () Au demeurant, la mise en œuvre de la loi organique pourrait s'accompagner d'une spécialisation de certains services actuellement polyvalents : par exemple, afin de se conformer aux principes organiques, les directions des affaires culturelles pourraient être réorganisées en fonction de la structuration des programmes nationaux, et leurs crédits seraient répartis en loi de finances selon une répartition analytique. Une telle ventilation pourrait être étendue aux autres ministères.

21 () C'est le constat général fait, en mai 2003, par le rapport d'enquête sur l'expérimentation de globalisation des crédits des préfectures, de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration.

22 () Rapport de l'inspection générale de l'administration sur l'expérimentation de globalisation des crédits des préfectures, mai 2002.

23 () Cour des comptes, La fonction publique de l'État, décembre 1999.

24 () L'article 43 de la loi organique prévoit que ce tableau fera l'objet d'un vote unique.

25 t() Direction de la réforme budgétaire, « Nomenclatures d'emplois et description des emplois par catégories en loi de finances », 27 mai 2003.

26 () Comité de pilotage interministériel, Note d'orientation sur le traitement des opérateurs de l'État, 26 février 2003.

27 () La contractualisation dans les administrations de l'État, Délégation interministérielle à la réforme de l'État, juin 2002.

28 () Rapport d'enquête sur l'expérimentation de globalisation des crédits des préfectures, Inspection générale des finances et inspection générale de l'administration, mai 2003, page 24.

29 () Comité de pilotage interministériel, Note d'orientation « La loi organique relative aux lois de finances et l'interministérialité », page 9.

30 () Depuis 2000 : Doubs, Finistère, Isère et Seine-Maritime ; depuis 2001 : Charente-Maritime, Eure, Eure-et-Loir, Maine-et-Loire, Haut-Rhin, Somme, Var, Vosges, Territoire-de-Belfort et Seine-St-Denis ; depuis 2002 : Calvados, Oise, Haute-Vienne et Yonne ; depuis 2003 : Seine-et-Marne, Alpes-Maritimes, Indre, Aisne, Cher, Rhône, Indre-et-Loire, Saône-et-Loire, Loiret, Loir-et-Cher et Martinique.

31 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2002, juin 2003.

32 () Inspection générale des finances et Inspection générale de l'administration, Rapport d'enquête sur l'expérimentation de globalisation des crédits des préfectures, mai 2003.

33 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2002, juin 2003.

34 () Cour des comptes, Rapport public sur la gestion du système éducatif, avril 2003 .

35 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002, page 143.

36 () À l'exception de l'imputation des primes et décotes, qui se fait au jour le jour.

37 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 (p. 275).

38 () Ibid. (p. 276).

39 () Selon les informations données par le président du Comité, le 10 juin dernier, la phase de « pré-analyse » des principes généraux était terminée, et deux projets avaient été soumis à l'examen du Comité, un troisième devant l'être dans les jours suivants.

40 () Pour les organismes non marchands, la valorisation était effectuée sur la base de la quote-part de la situation nette détenue par l'État, jusqu'en 1999. A partir de 1999, c`est la notion de capitaux propres qui est privilégiée pour ce secteur. Ainsi, les subventions d'investissement et les provisions réglementées sont prises en compte pour la valorisation de ces entités. Cependant, le Rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 indique que les participations seront normalement évaluées sur la base de la quote-part de situation nette de l'entité, ce qui signifierait un retour à la situation prévalant avant 1999.

41 () Cour des comptes, Rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2002 (p. 276).

42 () Pour plus de détails sur cette notion et sur le chiffrage des engagements de retraite, voir le Rapport de présentation du Compte général de l'administration des finances en 2002, juin 2003 (p. 119 et suivantes).

43 () La loi organique restreint très sensiblement la portée de la période complémentaire, tout en renvoyant à un décret en Conseil d'État le soin de préciser les règles - strictes - qu'elle détermine. En premier lieu, la durée de cette période ne peut excéder 20 jours, le législateur organique ayant clairement manifesté, dans les travaux préparatoires, que l'objectif consistait à aller en deçà de ce maximum. En second lieu, la période complémentaire n'est ouverte aux ordonnateurs que pour exécuter les opérations de recettes et de dépenses prévues par une loi de finances rectificative, si celle-ci est promulguée au cours du dernier mois de l'année civile. En revanche, elle est ouverte de plein droit aux comptables.

44 () Une « soupape de sûreté » est quand même prévue pour les recettes, dont l'imputation définitive peut être empêchée par des facteurs techniques difficilement surmontables pendant la durée de la période complémentaire, qui a d'ailleurs vocation à diminuer.

45 () Par exemple, pour les catégories de dépenses, le fait que les crédits non consommés de dépenses en capital sont reportés de plein droit et, pour les titres, le fait que les virements de crédits ne peuvent avoir lieu qu'entre deux chapitres d'un même titre d'un même ministère.

46 () Les subdivisions actuelles du chapitre sont purement linéaires (articles, puis paragraphes), même si pour certains chapitres, la structure des paragraphes est identique pour tous les articles, équivalant de ce fait à une structure matricielle (c'est le cas de certains chapitres de rémunération, de cotisations ou de prestations sociales : l'article désigne le service et le paragraphe désigne la cotisation ou la prestation).

47 () D'après les éléments figurant sur le site « Internet » de la Moderfie.

48 () Ce réseau doit en effet pouvoir permettre l'élaboration de situations synthétiques, quasiment en temps réel, sur la situation budgétaire et comptable ; préserver le positionnement du comptable public ; faciliter le dialogue avec la Cour des comptes ; enfin, garantir un niveau élevé de compétences, nécessaire dans cette matière complexe et ardue qu'est la comptabilité.