N° 1118 - Rapport d'activité de la délégation aux droits des femmes : juillet 2002 - juillet 2003 (Mme Marie-Jo Zimmermann)




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N° 1118

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2003.

RAPPORT D'ACTIVITÉ

DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET A L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1)

Juillet 2002 - Juillet 2003

FAIT

en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958

relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Marie-Jo Zimmermann,

Députée.

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(1re partie)

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Application des lois - Evaluation.

La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente ; Mme Anne-Marie Comparini, M. Edouard Courtial, Mmes Geneviève Levy, Hélène Mignon, vice-présidents ; Mmes Brigitte Bareges, Muguette Jacquaint, secrétaires ; Mme Patricia Adam, M. Pierre-Christophe Baguet, Mmes Chantal Bourragué, Danielle Bousquet, Chantal Brunel, Martine Carrillon-Couvreur, M. Richard Cazenave, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Patrick Delnatte, Mmes Catherine Génisson, Claude Greff, Arlette Grosskost, MM. Laurent Hénart, Mansour Kamardine, Mmes Conchita Lacuey, Marguerite Lamour, Martine Lignières-Cassou, Françoise de Panafieu, Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, Bérengère Poletti, Josette Pons, Marcelle Ramonet, MM. Jacques Remiller, Bernard Roman, Jean-Marc Roubaud, Martial Saddier, Mmes Michèle Tabarot, Béatrice Vernaudon.

1ère partie

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : L'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION ENTRE JUILLET 2002 ET JUILLET 2003 9

I - LES TEXTES EXAMINÉS PAR LA DÉLÉGATION 11

A. LE MODE DE SCRUTIN DES ÉLECTIONS RÉGIONALES, EUROPÉENNES ET SÉNATORIALES 11

_ ÉLECTIONS RÉGIONALES ET EUROPÉENNES 11

1. Un aménagement du mode de scrutin 11

2. Les recommandations de la Délégation 12

3. La préservation des acquis de la parité 13

_ ELECTIONS SÉNATORIALES 15

1. Le rétablissement du scrutin majoritaire pour les départements élisant trois sénateurs 15

2. Les recommandations de la Délégation 15

3. Un recul de la parité 16

B. LES DISPOSITIONS SUR LA PROSTITUTION DU PROJET DE LOI POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE 17

1. Une volonté de faire cesser l'exploitation de la prostitution 17

2. Les recommandations de la Délégation 17

3. Une meilleure prise en compte de la dimension sociale de la prostitution 20

C. RETRAITES 22

1. Un réaménagement de la place des femmes dans les régimes de retraite 22

2. Les recommandations de la Délégation 23

3. Les améliorations obtenues pour les femmes 26

II - L'ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION 27

DEUXIÈME PARTIE : LE SUIVI DE LA LOI DU 9 MAI 2001 SUR L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE DANS LES ENTREPRISES 61

INTRODUCTION 63

I - LA LOI DU 9 MAI 2001 APPORTE DES INSTRUMENTS NOVATEURS POUR CONSTRUIRE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE DANS LES ENTREPRISES. 65

A. UNE LOI NÉCESSAIRE 65

1. Une application modeste de la loi du 13 juillet 1983 dans l'entreprise 65

2. Peu d'accords conclus au niveau des branches, mais des avancées qualitatives 66

B. DES INSTRUMENTS NOVATEURS DANS LA LOI DU 9 MAI 2001 67

1. Une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle 67

2. Une grande innovation : les indicateurs pertinents 68

3. Une aide de l'Etat 71

4. Une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les élections professionnelles 72

C. UN CONTEXTE RÉCENT PLUS FAVORABLE 73

1. Un engagement actif de la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle 73

2. Le contexte juridique européen 73

II - LA LOI DU 9 MAI 2001 DOIT CONDUIRE À LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UNE DYNAMIQUE DE LA NÉGOCIATION ET À L'APPROPRIATION DU THÈME DE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE DANS LES ENTREPRISES 75

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UNE DYNAMIQUE 75

1. Un lent démarrage 75

2. Une mobilisation des organisations syndicales 76

B. L'APPROPRIATION DU THÈME DE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE PAR LES ENTREPRISES 81

1. Une appréciation d'ensemble positive de la part des syndicats, malgré les difficultés soulignées 81

a) Une appréciation positive 81

b) Des difficultés 83

2. Les réserves des organisations patronales 83

III - LA LOI DU 9 MAI 2001 DOIT INCITER À DE NOUVELLES RÉFLEXIONS SUR L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE 86

A. EN AMONT, AGIR SUR L'ORIENTATION DES FILLES, ÉLARGIR LE CHOIX DES FILIÈRES, ÊTRE ATTENTIF À L'EMBAUCHE 87

1. Agir sur l'orientation des filles 87

2. Elargir le choix des métiers 88

3. Etre attentif à l'embauche 89

B. DANS LE DÉROULEMENT DES CARRIÈRES, VEILLER À LA FORMATION ET À LA PROMOTION, INTÉGRER LES CONTRAINTES FAMILIALES 90

1. L'accès à la formation 90

2. L'accès des femmes aux postes de responsabilité 91

3. Les contraintes familiales 93

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 95

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES 103

2ème partie

ANNEXES

MESDAMES, MESSIEURS,

Renouvelée à la suite des élections législatives de juin 2002, la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale entend poursuivre, au cours des cinq années de l'actuelle législature, son travail au service des femmes, dans la continuité de l'esprit qui a prévalu depuis sa création, en 1999, jusqu'à la fin de la législature précédente.

Les trois axes assignés par votre rapporteure aux travaux de la Délégation, dès sa première réunion, le 24 juillet 2002, - la parité en politique, l'égalité professionnelle et les droits des femmes - ont constitué des thèmes largement débattus dès la première année de cette législature.

Conformément aux missions qui sont les siennes en application de la loi du 12 juillet 1999, la Délégation présente aujourd'hui le bilan annuel de son activité, depuis son renouvellement (juillet 2002) jusqu'à la fin de la session (juillet 2003).

Le présent rapport s'attache en premier lieu à montrer l'impact des recommandations de la Délégation en matière législative, dans les quatre domaines où la Délégation, saisie par les commissions permanentes, a élaboré des rapports d'information  :

- prostitution, (rapport n° 459 de Mme Marie-Jo Zimmermann),

- élections des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, (rapport n° 604 de Mme Marie-Jo Zimmermann),

- retraites, ( rapport n° 892 de Mme Claude Greff),

- élection des sénateurs, (rapport n° 996 de Mme Marie-Jo Zimmermann).

Il évoque également l'activité internationale de la Délégation et notamment la participation de ses membres à plusieurs conférences parlementaires internationales importantes (Ottawa - Copenhague - Athènes).

Enfin, la deuxième partie du rapport est centrée sur le thème d'étude annuel choisi par la Délégation : celui de l'égalité professionnelle. Il s'agit d'un rapport d'étape sur le suivi de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle.

Ayant mené entre février et avril 2003 de nombreuses auditions sur les débuts de l'application de cette loi, la Délégation est persuadée de son importance pour une meilleure prise en compte de l'égalité professionnelle par les entreprises. En effet, celles-ci ont désormais l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle en s'appuyant sur des indicateurs pertinents qui doivent les aider à rendre plus lisible la situation professionnelle des femmes et des hommes en matière d'embauche, de formation, de promotion, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération.

Cette aide à la négociation dans l'entreprise semble à la Délégation la clé d'une évolution positive de la situation des femmes dans le domaine professionnel, secteur où elles se sont massivement investies, qu'elles soient ou non chargées d'enfants, et où elles seront encore plus recherchées à partir de 2005, si l'on en croit les perspectives démographiques et économiques prévisibles.

Notre société se doit d'offrir aux femmes une place équitable, aussi bien dans le domaine professionnel que dans le domaine politique. La Délégation maintiendra une grande vigilance sur ces sujets.

PREMIÈRE PARTIE :


L'ACTIVITÉ DE LA DÉLÉGATION ENTRE JUILLET 2002 ET
JUILLET 2003

______________

I - LES TEXTES EXAMINÉS PAR LA DÉLÉGATION

A. LE MODE DE SCRUTIN DES ÉLECTIONS RÉGIONALES, EUROPÉENNES ET SÉNATORIALES

Au cours de la session, deux projets successifs de réforme des modes de scrutin ont été soumis au Parlement, l'un émanant du Gouvernement pour les élections régionales et européennes, l'autre de la majorité sénatoriale pour les élections au Sénat.

_ ÉLECTIONS RÉGIONALES ET EUROPÉENNES

1. Un aménagement du mode de scrutin

Soucieux "de renforcer la responsabilité de l'élu devant l'électeur et de redonner, autant que faire se peut, de la clarté à l'expression du suffrage en améliorant les conditions dans lesquelles celui-ci permet la représentation équitable des sensibilités politiques et des territoires, mais aussi la constitution sans ambiguïté de majorités capables d'assurer la responsabilité des décisions publiques", le Gouvernement a déposé le 29 janvier 2003 sur le Bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques.

En ce qui concerne ses dispositions ayant des effets sur la parité, ce projet de loi prévoyait un certain nombre de nouveautés.

Si le texte prévoyait que les élections régionales se dérouleraient dans le cadre de la circonscription régionale, il instituait, au sein de chaque liste, des sections départementales, de manière à préserver une bonne représentation de tous les départements au sein d'une même région. Au sein de chacune de ces sections départementales, le texte imposait que les listes soient composées alternativement d'un candidat de chaque sexe.

Pour les élections européennes, le projet de loi prévoyait l'élection des parlementaires européens dans le cadre de huit "grandes régions" formant une nouvelle circonscription électorale et instituait des sections régionales au sein de chacune de ces huit "grandes régions". L'alternance entre les femmes et les hommes sur les listes, prévue par la loi du 6 juin 2000, était maintenue. Mais l'observation de cette règle ne semblant pas suffisante pour atteindre l'objectif de parité, le projet de loi introduisait également le principe de parité des candidats figurant en tête des sections régionales.

2. Les recommandations de la Délégation

La Délégation, saisie, sur sa demande, de ce projet de loi par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a adopté, le 4 février 2003, le rapport d'information (n° 604) de Mme Marie-Jo Zimmermann.

Dans ce rapport, la Délégation a souhaité rappeler les avancées significatives de la parité pour les élections au scrutin de liste obtenues depuis l'adoption de la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999, qui a donné un fondement constitutionnel à l'objectif de parité politique, et de la loi du 6 juin 2000 :

- une juste reconnaissance de la place des femmes dans les conseils municipaux des communes de 3 500 habitants et plus (47,5 % d'élues en mars 2001 contre 25,7 % en 1995) ;

- un effet d'entraînement pour les conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants (30,1 % d'élues en mars 2001 contre 21 % en 1995) ;

- un effet positif pour les élections sénatoriales au scrutin proportionnel (27,3 % d'élues parmi les 74 sénateurs élus à la représentation proportionnelle avec obligation de parité en septembre 2001).

Estimant qu'un succès de la représentation des femmes aux élections régionales et européennes de 2004 était prévisible si elles s'étaient déroulées dans le cadre de la loi du 6 juin 2000, la Délégation a analysé la réforme proposée des modes de scrutin régional et européen sous l'angle de la parité.

Les dispositifs contraignants mis en place pour assurer la parité devraient permettre d'en préserver les acquis, même s'il convient de rester extrêmement vigilant sur cet objectif de parité.

La Délégation a adopté les recommandations suivantes :

Le principe d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, reconnu par la loi constitutionnelle du 8 juillet 1999 et mis en œuvre par la loi du 6 juin 2000, a permis des avancées significatives de la parité aux élections municipales et sénatoriales au scrutin de liste de 2001.

1) Dans le cadre de toute réforme des modes de scrutin, la Délégation estime qu'il convient, d'une part, de se montrer particulièrement vigilant sur le respect des acquis de la parité pour les élections au scrutin de liste et, d'autre part, de chercher à améliorer la représentation des femmes pour les élections au scrutin uninominal.

2) S'agissant de la réforme des modes de scrutin des élections régionales et européennes, la Délégation approuve l'adoption du principe d'alternance entre les femmes et les hommes sur les listes électorales pour ces deux élections.

3) Elle se félicite de la disposition imposant en outre la parité des candidats figurant en tête des sections régionales pour les élections européennes, rendue nécessaire par la faiblesse du nombre de sièges affectés à chacune de ces sections.

4) Elle souhaite que, conformément à l'article 4 de la Constitution, les partis contribuent à une mise en œuvre de l'objectif de parité à l'occasion de l'investiture des candidats figurant en tête des sections régionales pour les élections européennes.

5) Elle estime que des dispositions contraignantes doivent être adoptées pour améliorer la représentation des femmes au sein des exécutifs locaux, de manière à leur permettre d'accéder aux postes de responsabilité.

3. La préservation des acquis de la parité

La disposition la plus controversée du projet de loi - sur laquelle la Délégation n'avait pas à se prononcer - portait sur le seuil de suffrages requis pour se maintenir au second tour : 10 % des inscrits.

Face au risque de blocage du débat parlementaire résultant du dépôt par l'opposition de près de 12 000 amendements, le Premier ministre a engagé la responsabilité du Gouvernement sur un projet de loi légèrement amendé.

Le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution maintient le seuil de 10 % des inscrits mais modifie sur un point important le mode de scrutin des élections européennes : il supprime en effet les sections régionales prévues dans le texte initial.

En conséquence, le texte prévoit que les députés européens seront élus à la proportionnelle à un tour dans le cadre des huit "grandes régions".

La Délégation, qui s'était ralliée au texte initial du projet de loi
- sections régionales avec parité des candidats figurant en tête de ces sections - avait néanmoins souligné dans son rapport que le scrutin le plus favorable à la parité lui semblait être un scrutin dans le cadre d'une circonscription formée des huit "grandes régions". En conséquence, la Délégation ne pouvait qu'approuver la modification en ce sens proposée par le Gouvernement, qui paraît plus favorable à la parité et plus lisible pour l'électeur.

Adopté par l'Assemblée nationale sans vote, le 15 février 2003, suite au rejet de la motion de censure déposée par l'opposition, puis par le Sénat, le 7 mars 2003, le texte a été soumis au Conseil constitutionnel. La disposition de la loi relative au seuil de 10% des inscrits ayant été censurée, le 3 avril 2003, par le Conseil Constitutionnel, le Président de la République, M. Jacques Chirac, a demandé au Parlement une nouvelle délibération de l'article 4 de la loi. Sur cet article, un amendement gouvernemental a été déposé, revenant au seuil de 10 % des suffrages exprimés.

La loi ainsi amendée a été définitivement adoptée par le Parlement le 9 avril 2003.

Par ailleurs, dans cette même décision du 3 avril 2003, le Conseil constitutionnel a soulevé de sa propre initiative le problème de la parité à l'Assemblée de Corse. La loi ayant omis d'étendre à l'Assemblée de Corse le principe d'alternance homme/femme, le Conseil constitutionnel a invité le législateur à mettre fin à cette inégalité dans la prochaine loi relative à la Corse. Pour se conformer à cette invitation du Conseil Constitutionnel, le Gouvernement vient de présenter en Conseil des ministres, le 17 septembre 2003, un projet de loi instaurant cette alternance entre hommes et femmes sur les listes de candidats à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Cette réforme devrait être adoptée rapidement et être applicable aux prochaines élections de cette Assemblée.

_ ELECTIONS SÉNATORIALES

1. Le rétablissement du scrutin majoritaire pour les départements élisant trois sénateurs

La réforme envisagée par deux propositions sénatoriales, l'une organique, l'autre ordinaire, déposées par MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Henri de Raincourt, Xavier de Villepin, Daniel Hoeffel et plusieurs de leurs collègues, le 22 mai 2003, avait notamment pour objet de réduire de neuf à six ans la durée du mandat des sénateurs, d'abaisser l'âge d'éligibilité au Sénat de trente-cinq ans à trente ans, d'augmenter le nombre de sénateurs de vingt-cinq (321 à 346) et de modifier le mode de scrutin des départements élisant trois sénateurs.

Alors qu'en l'absence de toute révision électorale, le mode de scrutin applicable à ces départements pour les renouvellements de 2004 et 2007 aurait été un scrutin proportionnel avec alternance homme/femme en application des lois de juin et juillet 2000, la réforme proposée visait à rétablir le scrutin majoritaire, qui était le scrutin précédemment applicable à ces départements.

2. Les recommandations de la Délégation

Saisie de ces deux propositions de loi, sur sa demande, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, la Délégation a adopté, le 1er juillet 2003, le rapport d'information (n° 996) de Mme Marie-Jo Zimmermann.

Se prononçant sur les seules dispositions du texte ayant des effets sur la parité, c'est-à-dire la modification du mode de scrutin, le rapport développait le souci constant de parité manifesté par le législateur depuis la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 (lois du 6 juin 2000, du 11 avril et du 27 mai 2003), rappelait les effets positifs sur la parité du mode de scrutin actuel des élections sénatoriales et considérait que la réforme envisagée ne pouvait qu'entraîner un recul de la parité lors des prochaines élections sénatoriales.

La Délégation a adopté les recommandations suivantes :

1) La Délégation réaffirme la portée de la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui a reconnu l'objectif constitutionnel de parité en permettant à la loi de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

2) Elle rappelle que la réforme constitutionnelle a permis l'adoption de plusieurs lois favorables à la parité, concernant les élections au scrutin de liste - municipales, régionales, sénatoriales et européennes - et les élections législatives.

3) Tout en regrettant les résultats insuffisants de la loi du 6 juin 2000 pour les élections législatives, elle se félicite des avancées significatives obtenues grâce à l'application de cette loi aux élections municipales de mars 2001 et aux élections sénatoriales de septembre 2001.

4) Elle considère que le rétablissement du scrutin majoritaire à la place du scrutin proportionnel avec alternance homme/femme dans les départements élisant trois sénateurs aurait des effets nettement défavorables sur la parité lors des prochaines élections sénatoriales.

5) A l'instar de l'analyse développée devant le Sénat par le ministre délégué aux libertés locales, M. Patrick Devedjian, elle s'interroge sur la compatibilité de la proposition de loi avec l'article 3 de la Constitution.

6) Elle souhaite que, conformément à l'article 4 de la Constitution, les partis politiques veillent activement à la mise en œuvre de l'objectif de parité.

3. Un recul de la parité

Le projet de loi a été adopté par le Parlement le 7 juillet 2003. Déclarée conforme à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel du 24 juillet 2003, la loi sera donc applicable au prochain renouvellement sénatorial de 2004, notamment ses dispositions concernant le mode de scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs.

B. LES DISPOSITIONS SUR LA PROSTITUTION DU PROJET DE LOI POUR LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE

1. Une volonté de faire cesser l'exploitation de la prostitution

Selon M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, le projet de loi pour la sécurité intérieure constituait l'étape juridique indispensable pour parvenir à l'objectif de faire reculer l'insécurité. Ses dispositions relatives à la prostitution avaient notamment pour objet de lutter contre le proxénétisme et contre les manifestations de la prostitution dans les rues et les quartiers des villes.

Le texte faisait de la lutte contre le proxénétisme une priorité absolue par la création d'une nouvelle incrimination de traite des êtres humains et par l'institution de mesures d'éloignement de l'étranger coupable de faits de proxénétisme.

Il aggravait la répression du racolage qui devenait un délit et permettait la délivrance d'une carte de résident à l'étranger dénonçant des faits de proxénétisme commis à son encontre.

Il proposait enfin de nouveaux moyens d'incriminer le client, en cas de recours à la prostitution de personnes particulièrement vulnérables.

2. Les recommandations de la Délégation

Saisie, sur sa demande, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, la Délégation a adopté, le 3 décembre 2002, le rapport d'information (n° 459) de Mme Marie-Jo-Zimmermann.

Dans ce rapport, la Délégation, rappelant la dimension internationale du proxénétisme, s'est félicitée des dispositions du texte visant à mieux lutter contre les réseaux internationaux. Tout en approuvant les objectifs du Gouvernement en matière d'ordre public, et notamment les mesures dissuasives vis-à-vis du racolage, elle a regretté que le seul moyen de protéger les prostituées contre les réseaux mafieux soit de permettre des peines d'emprisonnement. Elle a donc souhaité une stricte observation par les fonctionnaires de police du code de déontologie. Elle s'est particulièrement souciée de la protection à accorder aux victimes de la prostitution lorsqu'elles veulent échapper aux réseaux et a souligné le rôle capital des associations pour l'accompagnement sanitaire et social et la réinsertion des personnes prostituées. Elle a donc souhaité des mesures d'accompagnement social visant les personnes prostituées et un réengagement de l'Etat dans la politique de prévention, d'accueil et de réinsertion des personnes prostituées.

La Délégation a adopté les recommandations suivantes :

1) La Délégation, consciente de l'arrivée massive ces dernières années de personnes prostituées venues notamment de l'Est de l'Europe dans le cadre de réseaux mafieux internationaux de plus en plus organisés et violents, considère que la lutte contre le proxénétisme et les réseaux mafieux doit être la priorité absolue d'une politique globale de lutte contre la prostitution.

2) La Délégation se félicite à cet égard de l'introduction par le Sénat dans notre code pénal des dispositions du protocole additionnel à la convention de Palerme, créant une nouvelle incrimination de traite des êtres humains permettant de pénaliser lourdement les activités de ces réseaux. Elle estime que les pays candidats à l'élargissement de l'Europe devraient s'engager à ratifier le protocole additionnel et la convention.

3) Etant donné la rotation rapide des personnes prostituées à l'intérieur de l'espace européen et la mobilité des réseaux, le démantèlement de ces derniers requiert une coopération renforcée avec les pays européens et la négociation d'accords bilatéraux avec les pays concernés par ce trafic, dans le domaine de la police et de la justice.

4) Ne mésestimant pas les nuisances engendrées par la prostitution dans certains quartiers des grandes villes et l'urgence d'un signal à donner aux acteurs de la prostitution, la Délégation approuve les objectifs du Gouvernement visant l'ordre public, qui l'ont conduit à proposer des mesures dissuasives vis-à-vis du racolage sur la voie publique.

Elle regrette toutefois que le seul moyen de protéger les prostituées des violences des réseaux mafieux soit de prévoir des peines d'emprisonnement. Il est paradoxal que la protection des victimes de ces réseaux passe par la garde à vue qui, seule, permettrait à la prostituée de dénoncer les violences dont elle est victime sans craindre des représailles de son proxénète.

5) La Délégation recommande, dans l'application des mesures incriminant le racolage, la stricte observation par les fonctionnaires de police du code de déontologie qui impose "le respect absolu des personnes, quelle que soit leur nationalité ou leur origine", afin d'éviter l'arbitraire dans l'appréciation des faits de racolage passif, dont la définition imprécise leur laisse une large marge d'action.

6) Vis-à-vis du client, la Délégation recommande l'application des dispositions déjà existantes, en particulier sa pénalisation en cas de recours à la prostitution de mineurs, introduite par la loi du 4 mars 2002, ou pour exhibition sexuelle et se félicite des mesures renforçant les sanctions en cas de recours à la prostitution des handicapés et des femmes enceintes.

7) La Délégation recommande des mesures d'accompagnement social visant l'ensemble des personnes prostituées et un réengagement de l'Etat dans la politique de prévention, d'accueil et de réinsertion de ces personnes, par des mesures apportant plus de facilités dans l'accès aux soins, au logement, à une formation professionnelle.

8) La Délégation insiste sur la nécessité d'assurer l'anonymat et la sécurité des personnes prostituées, lorsqu'elles acceptent de porter plainte ou de témoigner contre leurs proxénètes. Cela implique que des dispositions soient prises par l'Etat pour assurer leur protection en France par un hébergement adapté et celle de leurs proches dans le pays d'origine.

9) En cas de retour dans le pays d'origine, ces personnes doivent être assurées d'une sécurité maximale, préparée avec les autorités de leur pays et les associations, afin d'éviter une reprise en mains par les réseaux et de favoriser leur insertion.

10) S'agissant des personnes prostituées étrangères, la Délégation se félicite de la disposition adoptée par le Sénat permettant de leur délivrer une carte de résident, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause. Elle souhaite voir élargir cette possibilité à d'autres cas.

11) En vue de favoriser la réinsertion des personnes qui abandonnent la prostitution, la Délégation recommande qu'elles fassent l'objet d'un traitement fiscal approprié et, notamment, d'un abandon des poursuites.

12) Des actions d'information devront être menées sur la réalité de la prostitution, l'atteinte qu'elle porte aux droits des femmes et à leur dignité, à l'égalité entre hommes et femmes, au respect de l'autre, par des campagnes de sensibilisation grand public, complétées notamment :

- par une information pédagogique dans les établissements scolaires, dans le cadre des horaires consacrés à l'éducation sexuelle ;

- par une approche des questions de la prostitution dans le cadre de la formation des personnels sociaux et de police en contact avec les personnes prostituées.

13) Un financement des mesures de prévention, d'accueil et de réinsertion des personnes prostituées devra être inscrit dans le cadre du budget, ainsi qu'un accroissement du soutien financier des associations qui assurent aujourd'hui l'essentiel de l'accompagnement sanitaire, social et juridique de ces personnes.

14) La Délégation préconise la création d'une structure nationale spécifique qui pourrait être une mission interministérielle, ayant compétence pour l'ensemble des problèmes de prostitution et de traite des êtres humains.

15) La Délégation assurera un suivi de l'application des mesures du projet de loi, relatives à la prostitution, notamment des pratiques administratives, policières et judiciaires concernant la prostitution et la lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains. Elle suivra avec une particulière attention, la mise en œuvre de mesures assurant la prévention, l'accueil et la réinsertion.

3. Une meilleure prise en compte de la dimension sociale de la prostitution

Le projet de loi pour la sécurité intérieure a été adopté par le Parlement, le 12 février 2003.

Désormais, la traite des êtres humains est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende.

La peine pour délit de racolage, qui avait été fixée dans le projet de loi initial à six mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende, a été réduite dans le texte définitif à deux mois d'emprisonnement et 3 750 € d'amende. Il a été bien précisé au cours du débat parlementaire que cet article vise plus à protéger les victimes de la prostitution qu'à les emprisonner. L'essentiel n'est pas de prononcer une peine d'emprisonnement, mais de constituer le délit, de manière à permettre une garde à vue de la personne prostituée, au cours de laquelle celle-ci pourra choisir de coopérer au démantèlement du réseau qui l'exploite.

Conformément aux souhaits de la Délégation, des amendements ont été introduits au texte initial visant à mieux protéger et réinsérer les victimes de la prostitution.

L'article 42 de la loi précise ainsi que "toute personne victime de l'exploitation de la prostitution doit bénéficier d'un système de protection et d'assistance, assuré et coordonné par l'administration en collaboration active avec les divers services d'interventions sociales".

Selon l'article 43, "des places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont ouvertes à l'accueil des victimes de la traite des êtres humains dans des conditions sécurisantes."

Enfin, le Gouvernement s'est engagé (article 52 de la loi) à déposer chaque année, à compter de 2004, sur le Bureau de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport faisant état de l'évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des personnes prostituées ainsi que des moyens dont disposent les associations et les organismes qui leur viennent en aide.

Le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la loi pour la sécurité intérieure par décision du 13 mars 2003 assortie de réserves d'interprétation, dont l'une a visé le racolage public. Le Conseil constitutionnel a précisé que "le juge pénal, lors du prononcé de la peine en matière de racolage public, devra tenir compte du principe selon lequel nul n'est pénalement responsable s'il a agi par contrainte".

C. RETRAITES

1. Un réaménagement de la place des femmes dans les régimes de retraite

Les femmes étaient particulièrement concernées par la réforme du régime de retraite par répartition adoptée par le Conseil des ministres du 28 mai 2003.

Alors que de fortes inégalités demeurent globalement entre hommes et femmes dans le niveau moyen des pensions, les compensations familiales et conjugales mises en place au fil du temps ont représenté des compensations justifiées aux charges de famille pesant essentiellement sur les femmes et à leur conséquence, des carrières professionnelles souvent incomplètes.

La remise en cause par le droit communautaire de certains de ces avantages a cependant conduit le Gouvernement à leur réaménagement dans le projet de loi sur les retraites.

S'agissant de la situation du conjoint survivant, de nombreuses améliorations étaient prévues par le projet de loi, grâce à un assouplissement et une simplification des procédures :

- suppression de la condition d'âge minimum de cinquante-cinq ans pour l'obtention de la pension de réversion ;

- suppression de la condition de durée de mariage de deux années et celle d'absence de remariage ;

- modification du plafond des conditions de ressources personnelles.

De même, pour la réversion dans les régimes de la fonction publique, la prise en compte de l'égalité homme/femme par le projet de loi devait faire bénéficier les hommes des mêmes conditions favorables d'attribution de la pension que les veuves. Etaient donc supprimées la condition d'âge de 60 ans et le plafonnement de la pension à 37,5 % de la retraite de l'épouse décédée.

La meilleure prise en compte du temps partiel pour le calcul de la retraite prévue par le projet de loi, si elle ne visait pas les femmes en particulier, les concernait majoritairement. La possibilité pour un salarié à temps partiel de cotiser sur une assiette correspondant à un temps plein devrait contribuer à l'amélioration financière de sa pension.

S'agissant de la bonification d'un an par enfant accordée aux femmes dans la fonction publique, cette disposition devait être modifiée en raison de la mise en œuvre du droit communautaire relatif à l'égalité de traitement.

Devant l'impossibilité d'étendre cette bonification aux hommes, le projet de loi distinguait deux périodes :

- pour le passé, c'est-à-dire pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004, la bonification d'un an était maintenue et étendue aux hommes, sous la condition d'une interruption effective de l'activité professionnelle ;

- pour l'avenir, c'est-à-dire pour les enfants nés après le 1er janvier 2004, la bonification était remplacée par une validation des périodes d'interruption ou de réduction d'activité effectivement consacrée à l'enfant, pour une durée maximale de trois ans par enfant (temps partiel pour élever un enfant, congé parental, congé de présence parentale, disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans).

2. Les recommandations de la Délégation

Saisie, sur sa demande, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, la Délégation a adopté, le 3 juin 2003, le rapport (n° 892) de Mme Claude Greff.

Dans ce rapport, la Délégation a analysé en détail les mesures spécifiques du projet de loi concernant les femmes, notamment les dispositions concernant les conjoints survivants et les avantages familiaux.

Elle s'est particulièrement souciée de la suppression de la bonification d'assurance pour les enfants nés après 2004, et a souhaité son maintien, estimant cette suppression très pénalisante pour les femmes qui assurent à la fois les charges des enfants et celles de la vie professionnelle.

La Délégation s'est également préoccupée du sort des conjointes d'agriculteurs et d'artisans, auquel les auditions qu'elle a menées l'ont particulièrement sensibilisée.

Elle a adopté les recommandations suivantes :

Pensions de réversion

1) Dans le régime général, pour l'attribution de la pension de réversion, le nouveau plafond des ressources personnelles du conjoint sera fixé

- dans le souci de ne pas léser les veufs(ves) ayant encore une activité professionnelle ou bénéficiant d'un avantage personnel vieillesse ;

- dans le souci d'un rapprochement avec le régime de la pension de réversion dans la fonction publique, même si la comparaison est difficile à faire, compte tenu des régimes complémentaires.

Ce plafond devra être modulé pour tenir compte du nombre des enfants encore à la charge du conjoint survivant.

2) Le Gouvernement et les partenaires sociaux devront étudier, à l'occasion des rendez-vous prévus par le projet de loi, les conditions dans lesquelles le taux de la pension de réversion du conjoint survivant, fixé aujourd'hui à 54 %, pourrait être augmenté.

3) La suppression de la condition d'âge par le projet de loi pour accéder à la pension de réversion dans le régime général, devrait être adoptée par les régimes complémentaires (ARRCO et AGIRC), de façon à donner à cette mesure toute sa portée.

4) Dans le régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles, la pension de réversion n'est accessible au conjoint survivant que si le conjoint décédé a déjà liquidé sa retraite. Cette condition très restrictive devrait être supprimée, la pension de réversion, dans les autres régimes, étant fixée par rapport à la retraite dont bénéficiait ou eût bénéficié l'assuré.

Compensations familiales

5) Dans le régime de la fonction publique, la bonification d'une année d'assurance attribuée aux femmes et aux hommes pour les enfants nés avant 2004, sous réserve d'une interruption d'activité, devrait être maintenue pour les enfants nés après 2004, afin que continuent à en bénéficier toutes les femmes fonctionnaires, en particulier celles qui assument à la fois les charges des enfants et celles de la vie professionnelle.

6) Aux périodes de congés liées à l'éducation des enfants, ouvrant droit à validation pour la bonification de durée d'assurance dans le régime de la fonction publique, devraient être également prises en compte des périodes liées à des obligations conjugales ou familiales : congé pour suivre un conjoint, ou congé d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

7) Il conviendrait de reporter du 1er janvier 2004 au 1er juillet 2004 la date prise en compte pour la mise en application du nouveau système de validation des périodes d'interruption de carrière, afin que les mères aient eu connaissance, au préalable, des conditions de leur retraite et en particulier de l'accès à la majoration d'assurance.

8) Dans le régime général, les conditions d'attribution de la majoration d'assurance de deux années par enfant élevé pendant neuf ans avant son seizième anniversaire devraient être assouplies. La majoration devrait être calculée en fonction de la durée effective de prise en charge de l'enfant, à raison d'un trimestre par année de prise en charge jusqu'à un maximum de huit trimestres.

Des améliorations spécifiques

9) Pour améliorer la situation des femmes d'artisans à la retraite et leur permettre d'acquérir des droits propres, devrait être instituée l'obligation d'adhérer à l'un des trois statuts proposés par la loi du 10 juillet 1982.

10) Pour les agricultrices qui optent pour le statut de conjoint-collaborateur, la possibilité de souscrire à la retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles instituée par la loi du 4 mars 2002 devrait leur être ouverte.

11) Lors des négociations entre les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel et au niveau des branches sur les critères de pénibilité permettant un départ anticipé à la retraite, la pénibilité spécifique de certains emplois féminins devra être prise en compte.

12) Dans la fonction publique, en ce qui concerne les emplois classés dans la catégorie active, présentant des risques particuliers ou des fatigues exceptionnelles, une attention particulière devra être portée à ceux des emplois occupés majoritairement par les femmes, en particulier dans le secteur hospitalier ou l'Education nationale.

13) En cas de divorce, le conjoint qui a interrompu son activité professionnelle pour élever ses enfants se trouve pénalisé dans sa carrière et vis-à-vis de sa retraite. Une compensation financière de ses désavantages, au nom de la solidarité au sein du couple, devrait lui être attribuée lors du jugement du divorce.

14) Les inégalités entre hommes et femmes dans les retraites étant le reflet des inégalités dans le déroulement des carrières, tout doit être mis en œuvre pour une application effective des dispositions législatives relatives à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en particulier de la loi du 9 mai 2001, de manière à assurer une meilleure prise en compte par les partenaires sociaux de tous les aspects de la vie professionnelle des femmes.

3. Les améliorations obtenues pour les femmes

La situation des femmes dans la réforme des retraites a été l'un des sujets majeurs du débat sur le projet de loi à l'Assemblée nationale.

L'amélioration de la situation des conjoints survivants dans le régime général a été adoptée sans changement majeur.

S'agissant des femmes fonctionnaires, la bonification de durée d'assurance d'un an que le projet de loi supprimait pour les enfants nés après 2004 au bénéfice d'une validation des périodes d'interruption d'activité a été rétablie avec une durée de six mois. Désormais, les femmes continuant à exercer une activité professionnelle pourront donc bénéficier de cette bonification de six mois. Par ailleurs, pour les femmes fonctionnaires ayant eu des enfants avant 2004 - et qui donc bénéficient toujours d'une bonification d'un an - il a été prévu de leur accorder également cette bonification si elles ont accouché au cours de leurs années d'études, antérieurement à leur recrutement dans la fonction publique, dès lors que ce recrutement est intervenu dans un délai de deux ans après l'obtention du diplôme nécessaire pour se présenter au concours.

Enfin, conformément au souhait de la Délégation, une modification du régime de retraite complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles a été introduite, qui permettra au conjoint survivant d'obtenir une pension de réversion, même si le conjoint décédé n'a pas déjà liquidé sa retraite.

II - L'ACTIVITÉ INTERNATIONALE DE LA DÉLÉGATION

Plusieurs membres de la Délégation ont participé à des réunions internationales ou européennes concernant les femmes :

- la conférence internationale parlementaire d'Ottawa (21 et 22 novembre 2002) sur la mise en œuvre du programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire (CIPD) ;

- la conférence annuelle du réseau des commissions parlementaires à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des pays de l'Union européenne et du Parlement européen, qui s'est tenue, à Copenhague, les 22 et 23 novembre 2002 ;

- la réunion extraordinaire de ce même réseau de commissions parlementaires, qui s'est tenue, à Athènes, le 31 mars 2003.

Les deux premières réunions ont fait l'objet d'un compte rendu devant la Délégation, le 17 décembre 2002. En annexe de ce compte rendu figurent les textes de l'"Engagement d'Ottawa" et de la "Déclaration de Copenhague" adoptés à l'issue de ces réunions.

La réunion d'Athènes était une réunion extraordinaire du réseau des commissions parlementaires des pays de l'Union Européenne et du Parlement européen destinée à sensibiliser la Convention sur l'avenir de l'Europe aux besoins et aux demandes des femmes dans une Europe élargie. Une Déclaration sur les femmes et la Convention européenne a été adoptée à cette occasion.

La Délégation a également auditionné MM. Hedi Jemiai, représentant du Fonds des Nations-Unies pour le développement (FNUAP) à Bruxelles et Neil Datta, secrétaire de la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF).

Compte rendu de la conférence parlementaire internationale sur le suivi de la conférence du Caire qui s'est tenue, à Ottawa, les 21 et 22 novembre 2002, et de la conférence du réseau des commissions parlementaires des droits des femmes des pays de l'Union européenne et du Parlement européen, qui s'est tenue, à Copenhague,
les 22 et 23 novembre 2002

Réunion du mardi 17 décembre 2002

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La Délégation aux droits des femmes s'attache à suivre désormais les conférences internationales concernant les femmes. Plusieurs de nos collègues ont participé récemment à d'importantes réunions : Mmes Claude Greff et Danielle Bousquet se sont rendues à Ottawa, Mmes Béatrice Pavy et Muguette Jacquaint à Copenhague.

Mme Claude Greff : Nous faisions partie, Mmes Danielle Bousquet, Marie-Claude Beaudeau, sénatrice, et moi-même, des 130 parlementaires présents à Ottawa, venus identifier les actions qu'il semble nécessaire de conduire pour promouvoir les services de santé de la procréation et pour poursuivre le travail accompli depuis la conférence du Caire de 1994 sur la population et le développement.

Le programme d'actions du Caire, approuvé en 1994 par 179 pays, demande aux Etats de rendre la santé de la procréation accessible à tous d'ici 2015. Il est important de réduire la mortalité maternelle et le sida, d'étendre l'accès à l'éducation primaire, pour les filles comme pour les garçons.

Ce programme a fait l'objet d'un consensus, mais aujourd'hui la situation a changé : les Etats-Unis ont menacé, lors de la dernière réunion préparatoire à la conférence régionale de l'ONU relative à la population de l'Asie et du Pacifique - je vous parle de la réunion qui s'est tenue avant celle de Bankgok - de retirer leur soutien au texte du Caire, au motif que des termes tels que "droits à la procréation" et "services de santé de la procréation" encourageaient l'avortement. En résumé, les Etats-Unis préconisent davantage l'abstinence comme méthode contraceptive.

Si le gouvernement Bush maintient cette position et parvient à l'imposer au reste du monde, cela risque d'entraîner la mort de milliers de femmes, en les privant de l'accès à la santé et à la procréation. 80 000 femmes décèdent déjà chaque année d'avortements pratiqués de façon clandestine ; or, les services de santé de la procréation sont la meilleure prévention à l'avortement.

Cette attitude entraînerait un retour en arrière, un retour sur les progrès réalisés depuis 1994 sur les droits et le statut des femmes des pays en voie de développement. Il est important de rappeler qu'en mai 2002, lors de la session spéciale de l'ONU relative aux droits des enfants, et en septembre dernier, lors du sommet de Johannesburg relatif au développement durable, l'administration Bush avait déjà tenté de revenir sur certains acquis établis en 1990 et que le président avait annulés au mois de juillet.

Les 34 millions de dollars de contribution versés par les Etats-Unis au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) risquent d'être supprimés, ce qui aurait une incidence importante sur le développement de la santé.

La conférence d'Ottawa a réuni environ 130 parlementaires de 68 pays. La discussion a été de grande importance. Elle a porté sur la précarité, la violence, la santé, le développement, le sida, l'éducation à la santé des jeunes, la contraception, etc. Des engagements ont été pris : les engagements d'Ottawa. Les parlementaires présents se sont notamment engagés à réaffirmer trois grands piliers dans le cadre du développement durable : la croissance économique, le progrès social et la protection de l'environnement.

Les parlementaires ont défini le problème de la population comme un problème transversal qui a un impact fort sur tous les autres problèmes du développement, et qui occupe une place centrale dans la réalisation des objectifs du développement pour le millénaire à venir. Les deux points essentiels sont les suivants : l'élimination de la pauvreté et de la faim et l'amélioration de la santé maternelle. Sans oublier les efforts menés pour lutter contre l'avortement pratiqué dans des conditions dangereuses et pour promouvoir la santé et les droits en matière de reproduction et de sexualité. Autres thèmes importants : combattre le sida, assurer l'enseignement primaire universel, promouvoir l'égalité entre les sexes et affranchir les femmes.

La situation est dramatique : la moitié de la population mondiale, aujourd'hui, vit avec moins de 2 dollars par jour et 1,2 milliard de personnes avec moins d'1 dollar par jour - et plus de la moitié sont des femmes.

L'instabilité politique fait obstacle à l'élimination de la pauvreté et au développement durable. Quelque 840 millions de personnes souffrent de malnutrition, des millions d'entre elles, dont 6 millions d'enfants de moins de 5 ans, meurent chaque année des effets de la faim et de la malnutrition chronique. Environ 40 millions de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays n'ont pas accès aux services de santé en matière de reproduction. En 2000, 508 millions de personnes vivaient dans des pays en situation de stress hydrique - tout ce qui contribue à un stress supplémentaire : faim, soif... -, et, en 2025, elles seront 3 milliards.

On compte 1 milliard d'adolescents qui ont atteint ou sont sur le point d'atteindre la période procréatrice de leur vie ; or, beaucoup d'entre eux n'ont pas accès à l'éducation et aux services de santé en matière de reproduction.

Chaque année, plus de 500 000 femmes meurent durant leur grossesse ou pendant l'accouchement et 7 millions souffrent d'infections et de lésions dues à l'accouchement. 350 millions de femmes n'ont pas encore obtenu accès à un moyen de contraception non dangereux et efficace ; près de 175 millions de grossesses, chaque année, ne sont pas désirées ou arrivent à un moment inopportun.

Dans le monde entier, les besoins de millions de femmes sur le plan de la planification familiale et de la santé en matière de reproduction ont été ignorés, notamment dans des pays tels que l'Afghanistan. Une femme médecin nous a présenté un exposé sur l'Afghanistan : si les choses s'améliorent, la situation est loin d'être satisfaisante.

Près de 40 millions d'avortements sont pratiqués chaque année. Environ 78 000 femmes par an, soit 227 par jour, meurent à la suite d'une interruption de grossesse pratiquée dans des conditions dangereuses.

En 2001, 5 millions de personnes sont devenues séropositives, dont 800 000 enfants, et 3 millions de personnes sont mortes du sida. On compte 13,4 millions d'orphelins du sida, et beaucoup d'entre eux ont la charge d'un foyer. Près de la moitié de tous les nouveaux cas d'affection frappe des jeunes âgés de 15 à 24 ans, et bien entendu les jeunes filles sont les plus exposées. On compte aujourd'hui 40 millions de personnes atteintes du sida et 28 millions d'entre elles vivent en Afrique. Le nombre de préservatifs nécessaires pour éviter la transmission du virus n'est évidemment pas suffisant : il en manquerait 8 milliards.

En 2050, le nombre de personnes de plus de 60 ans va augmenter, passant de 600 millions à près de 2 milliards, soit 21 % de la population contre 10 % actuellement. Beaucoup d'entre elles vivront dans la pauvreté et auront besoin de l'aide des pouvoirs publics pour obtenir des services sociaux et des services de santé.

Il a été demandé à tous les parlementaires présents d'agir au niveau de leur Gouvernement, pour faire en sorte que 5 à 10 % des budgets nationaux soient attribués au développement et au programme de santé en matière de reproduction. De faire leur possible pour atteindre l'objectif convenu d'affecter à l'aide publique au développement 0,7 % du PNB, et de n'épargner aucun effort pour mobiliser le montant estimatif convenu aux ressources financières indispensables à la mise en œuvre du programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement.

Il est souhaitable que les parlementaires agissent pour promouvoir la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles, pour que le nombre d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses diminue et que cela devienne une priorité de santé publique.

Il nous a également été demandé de nous engager à susciter la volonté politique pour élaborer des politiques de prévention du sida et pour les intégrer dans les politiques nationales de santé ; pour élaborer les politiques de respect des droits fondamentaux et de dignité pour les personnes séropositives, ainsi que pour les orphelins et les femmes qui sont souvent confrontés à la maladie.

Les pays d'Afrique ont expliqué que la plus grande difficulté qu'ils rencontraient était le fait que les jeunes n'avaient plus de parents et qu'ils devaient assumer les charges de famille.

Il nous appartient aussi de veiller à ce que les adolescents, scolarisés ou non, reçoivent l'information nécessaire, dans des langues appropriées, pour avoir un suivi d'éducation à la santé, à la planification et à la prévention. Tous ces programmes doivent être préparés et bien appliqués afin que les Etats puissent prendre des décisions responsables et informer tous les jeunes en ce qui concerne leurs besoins sur le plan de la santé, en matière de reproduction et de sexualité.

Il convient de n'épargner aucun de nos efforts pour assurer d'ici à 2015 l'accès universel aux services et aux produits de santé en matière de reproduction à tous les jeunes, les femmes et l'ensemble de nos concitoyens qui en ont besoin. Il est indispensable que tous les Gouvernements atteignent cet objectif.

L'essentiel est d'assurer, à toute la population, notamment aux personnes âgées, la pleine jouissance de tous leurs droits - sociaux, économiques, culturels, civils et politiques -, et il convient également de faire en sorte que toutes les formes de violence et de discrimination à leur encontre soient punies. Il faut donner aux personnes âgées les moyens de participer à la vie de la société afin qu'elles aient une part active dans le domaine économique, politique et social.

Telles sont les promesses que les 130 parlementaires ont faites.

Malgré tout, des inquiétudes ont été soulevées par rapport à la position des Etats-Unis concernant les fonds alloués au FNUAP pour aider au développement de la population. C'est le mot avortement qui leur font peur : ils craignent que l'on parle de l'avortement de façon négative - et non pas dans une optique de prévention.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Cette communication doit non seulement être publiée, mais remise au Gouvernement. Nous devons intervenir officiellement auprès du Gouvernement.

Mme Martine Lignières-Cassou : Oui, auprès du ministre des affaires étrangères. Mais nous devons également nous demander où nous en sommes, en France, sur toutes ces questions. Avons-nous avancé au cours des dernières années ? Où en sommes-nous quant à l'éducation sexuelle au sein de l'Education nationale ?

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Lorsque vous étiez présidente de cette Délégation, Madame Lignières-Cassou, vous aviez demandé que des bilans soient établis régulièrement. Nous devons absolument, en 2003, établir ces bilans, en auditionnant les personnes concernées.

Mme Claude Greff : En 1994, la France n'était pas représentée par des parlementaires à la conférence internationale sur la population et le développement du Caire. J'ai donc proposé à la présidente de la conférence d'Ottawa de faire partie du comité directeur, afin que la France prenne part activement à ces problèmes.

Mme Muguette Jacquaint : Je suis tout à fait d'accord avec vous, madame la présidente. Les déclarations adoptées à l'issue de ces conférences doivent être publiées et transmises au Gouvernement. Par ailleurs, si nous devons effectivement faire un bilan de la situation actuelle en France, nous devrons également déterminer les actions à mener.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Le Président George W. Bush impose sa politique dans tous les domaines. Nous devons en avertir le Gouvernement.

Mme Danielle Bousquet : J'approuve le compte rendu de Mme Claude Greff et je voudrais insister sur l'importance de la conférence d'Ottawa.

La conférence du Caire de 1994 a, pour la première fois, posé la question de la surpopulation autrement qu'en termes de surpopulation et de maîtrise de la fécondité imposée par les pays développés aux pays en voie de développement ; elle a été posée en termes de population et de droits des femmes : c'est lorsqu'on éduquera les petites filles, lorsqu'on aidera les femmes à trouver une indépendance dans le travail et dans leur fécondité, qu'un développement pourra être envisagé dans les pays pauvres.

Cette approche - le respect des droits de femmes, le fait de ne pas les inféoder aux coutumes et aux pratiques religieuses est une condition sine qua non pour pouvoir assurer le développement d'un pays -, qui a fait l'objet d'un consensus de l'ensemble de la communauté internationale, a été une avancée spectaculaire. Penser aujourd'hui que l'idéologie et le point de vue de George W. Bush conduisent à remettre en cause tous ces programmes est inacceptable. En agissant de la sorte, il met en péril la vie de dizaines de millions de femmes dans les pays pauvres.

355 millions de femmes se voient à l'heure actuelle refuser l'accès à toute méthode de planification familiale. On compte un milliard de jeunes, dont 85 % dans les pays en voie de développement : si on ne les aide pas à prendre leur vie en main, l'évolution démographique risque de devenir inquiétante. Ces mesures ont donc été adoptées dans l'intérêt général du développement de notre planète. L'attitude de George W. Bush, qui remet en cause des équilibres déjà extrêmement fragiles, est criminelle. Les Etats-Unis sont les plus gros contributeurs de fonds pour le développement. En ne versant plus leur contribution aux Nations-Unies, ils remettent en cause de nombreux programmes.

Mme Claude Greff : La politique actuellement menée par le Gouvernement américain, qui a pour but de réduire les financements, est, me semble-t-il, influencée par certains intégristes. Elle a pour conséquence d'entraîner un fléchissement de la part d'autres pays donateurs, tels que la Suède, les Pays-Bas, la Belgique.

Mme Danielle Bousquet : Tout à fait, des informations parallèles sont délivrées aux pays donateurs. J'ai reçu, il y a trois jours, une documentation de "Laissez-les vivre", dans laquelle ils réclament des droits pour le fœtus !

Mme Claude Greff : Nous devons être très vigilants, car ces informations sont délivrées de façon sournoise. Et si l'abstinence peut-être un moyen de contraception, ce n'est pas le seul.

Mme Danielle Bousquet : Il convient de protéger les populations qui ont besoin de l'être - les filles sont mariées très jeunes. 40 millions de personnes sont aujourd'hui porteuses du sida, dont un quart de jeunes entre 15 et 24 ans. Parler d'abstinence pour ces populations est un non-sens ! S'ils ne sont pas éduqués, ces jeunes transmettront à leur tour le virus : une personne sur deux nouvellement atteinte est un jeune.

J'en viens maintenant à la conférence de Bangkok, la conférence Asie-Pacifique sur la population, qui avait pour objectif de faire le point sur l'action menée depuis la conférence du Caire. Elle est la première d'une longue série de conférences sur ce thème.

Elle avait pour objectif de refonder les politiques et les programmes en fonction de la mise en œuvre des programmes d'action depuis la Déclaration du Caire. Toutes les réunions préparatoires avaient révélé la volonté des Américains de revenir sur les avancées concernant les droits des femmes dans le monde - la maîtrise par les femmes de leur vie et de leur avenir. Cette volonté s'est donc concrétisée à Bangkok.

Des parlementaires de la région Asie-Pacifique, plus quelques parlementaires des pays d'Europe ayant des territoires dans cette région du monde, se sont donc réunis à Bangkok. Au même moment, se tenait le comité de rédaction des engagements, dans lequel siégeaient les Américains, bien qu'ils ne soient pas partie prenante de la région Asie-Pacifique.

Pendant trois jours, sur un texte de base qui avait été élaboré et qui ne nous donnait déjà pas satisfaction parce qu'il n'était pas clair sur un certain nombre de points, les Américains ont bataillé pour faire supprimer le mot "avortement", trouvant que ce texte allait trop loin.

Alors que dans le texte de base, il était inscrit "le droit aux femmes d'avoir recours à des avortements sécurisés", les Etats-Unis tenaient à faire supprimer les mots "droit à l'avortement". Ils ont également bataillé pour supprimer "le droit à l'éducation pour les jeunes" et pour laisser "l'abstinence est le meilleur moyen pour les jeunes...". Il ne faut pas être dupe. Il y a, derrière tout cela, la mainmise idéologique des Etats-Unis sur le monde.

Je suis partie samedi à midi, alors que le comité de rédaction était toujours dans l'impasse. Les Américains n'étaient plus seuls à émettre ces réserves, car ils avaient réussi à rallier quelques pays à leur cause en les menaçant de supprimer les fonds qu'ils leur versent sur tel ou tel programme ! Ils ont même menacé physiquement le président pakistanais de la conférence !

Mme Claude Greff : L'évolution entre la conférence d'Ottawa et celle de Bangkok est incroyable ! A Ottawa, les Etats-Unis souhaitaient seulement modifier l'expression "services de soins à la procréation" et la transformer en "soins à la procréation", parce qu'ils assimilaient le mot "services" à "une aide à l'avortement".

Mme Danielle Bousquet : L'ambassadeur français en Thaïlande a reçu de la part du ministère des Affaires étrangères des directives précises, selon lesquelles il était hors de question de revenir sur les acquis internationaux. La conférence est terminée, les ministres ont tranché sur un texte dont je n'ai pas encore le contenu. Mais, au-delà de tous ces problèmes, je voudrais dénoncer le fait qu'aucune action de sensibilisation n'est menée en France sur ces questions. Le monde entier en parle, sauf la France ! Nous devons absolument faire une déclaration publique sur ce thème.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Et faire remonter ces informations au ministère des Affaires étrangères et à celui des droits des femmes.

Mme Danielle Bousquet : Il serait intéressant de réunir dans un premier temps les représentants du FNUAP, pour qu'ils nous expliquent bien leurs missions, puis dans un second temps d'organiser une réunion avec l'ensemble de nos collègues qui souhaitent avancer, en toute connaissance de cause, sur ces thèmes.

Mme Martine Lignières-Cassou : Il se trouve que je préside la section française de la commission coopération et développement de l'Assemblée parlementaire de la francophonie ; j'ai été nommée la semaine dernière, je ne sais donc pas encore comment je vais la faire vivre, mais peut-être que certains thèmes, certaines problématiques pourront servir de passerelles avec notre Délégation. Car nous devons faire sortir cette information.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Tout à fait ! Cette réunion doit aboutir à une communication officielle au ministère des Affaires étrangères et à une sensibilisation de l'ensemble des parlementaires.

Mme Danielle Bousquet : Je voudrais ajouter que s'agissant de la contribution à l'aide internationale, la France est loin de contribuer à hauteur de 0,7 % du PNB. Par ailleurs, les ONG estiment que pour que les programmes d'aide au développement soient efficaces, il faudrait que 9 % des 0,7 % y soient affectés. Or nous en sommes très loin !

Mme Martine Lignières-Cassou : Etant donné qu'une bonne partie de l'aide française passe par l'Europe, il conviendrait de contacter la ministre des affaires européennes ou des parlementaires européens. Nous devons compter sur le poids de l'Europe pour ce type de questions.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous sommes dans le domaine de la politique étrangère. Nous devons donc alerter Dominique de Villepin sur la réalité de la position des Etats-Unis, car il s'agit d'ingérence par le biais humanitaire. Je suis vraiment inquiète.

Mme Danielle Bousquet : Le Parlement européen a compensé les 34 millions de dollars que renoncent à verser les Etats-Unis. L'Europe est donc très sensibilisée à ces problèmes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Mme Béatrice Pavy, je vous donne maintenant la parole pour que vous nous présentiez le compte rendu de la conférence de Copenhague.

Mme Béatrice Pavy : Mme Muguette Jacquaint, trois sénatrices françaises - dont la présidente de la Délégation aux droits des femmes - et moi-même avons assisté à la conférence annuelle du réseau des commissions parlementaires à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des pays de l'Union européenne et du Parlement européen. Cette conférence, qui se réunit depuis 1997, offre la possibilité de construire une véritable coopération européenne pour des politiques d'égalité entre les hommes et les femmes et de créer des réseaux qui permettent le renforcement de la démocratie tant au niveau national qu'européen.

Il s'agit d'une conférence où chaque pays fait part de ses expériences et des leçons qu'il en a tiré ; ces expériences permettent ensuite d'élaborer un plan d'actions européen efficace.

Trois thèmes ont été abordés : la marginalisation des femmes des minorités ethniques, la violence envers les femmes et la traite des êtres humains. Nous avons conclu cette conférence par l'adoption d'une déclaration sur la construction d'une Europe démocratique pour les femmes et les hommes, qui sera transmise à chaque pays membre de la conférence et aux membres de la Convention pour l'avenir de l'Europe.

Tout d'abord, je vous ferai part de l'expérience danoise, fort intéressante, relatée par la ministre danoise aux droits des femmes, relative aux femmes issues de minorités ethniques. Si ces femmes ne parviennent pas à s'intégrer au monde du travail et à la vie sociale, elles auront des modes de vie particulièrement différents du fait de leur culture d'origine. Elles sont peu représentées au Parlement et dans les associations, elles sont même exclues des réunions de parents d'élèves au motif de leur mauvaise maîtrise de la langue. Même les femmes qui parlent le danois sont exclues si elles ont un accent ! Ces femmes sont les plus exposées au chômage du fait de l'hostilité à la fois des entreprises et de leur milieu culturel d'origine. Elles risquent donc, plus que toutes autres, une exclusion totale.

Selon les observations d'un professeur d'université danois, le taux d'activité des femmes immigrées est sensiblement équivalent à celui des hommes et à celui de leur pays d'origine - bien qu'il varie d'un groupe d'immigrés à l'autre. Les variations de taux d'emploi s'expliquent moins en fonction du rapport homme-femme que de la population d'immigrés.

Un syndicat danois composé uniquement de femmes a mené un projet intéressant, entre 1996 et 2000. Intitulé "projet ETNIK", il est né de deux constatations : d'une part, les difficultés des Danois à accepter les femmes immigrées dans les entreprises, et, d'autre part, le refus des chefs d'entreprise de les embaucher.

Cinquante femmes et cinq entreprises ont participé à ce projet visant à développer de nouvelles méthodes pour améliorer l'intégration des femmes faisant partie d'une minorité ethnique. Les candidates motivées ont été obligées d'acquérir une bonne maîtrise de la langue et de subir un concours final. Sur ces cinquante femmes, seules neuf sont restées au chômage. Ces femmes ont appris le danois utilisé sur le lieu de travail, certains éléments de culture danoise et elles ont effectué des stages techniques pour apprendre le fonctionnement des machines.

Il en découle que, pour une bonne intégration, la femme doit être encouragée dans l'apprentissage de la langue et aidée dans son accès à la vie professionnelle.

Un projet de loi est actuellement très contesté au Danemark - et va à l'encontre de la Convention européenne des droits de l'homme -, car il vise à ne consentir la nationalité danoise au conjoint immigré qu'après 7 ans de mariage et s'il justifie d'un revenu relativement élevé.

Le deuxième thème à l'ordre du jour était celui de la violence. Les deux plans d'action élaboré par le Gouvernement espagnol ont été exposés ainsi qu'une étude sur la violence domestique menée dans les 15 Etats membres de l'Union européenne. La clé de la lutte contre la violence repose sur l'information et l'éducation, ce qui permet d'y associer toute la société. Trois types de violence ont été relevés : la violence à domicile, la violence sexuelle et le harcèlement sur le lieu de travail - qui a fait l'objet d'une large campagne d'information.

Afin de déterminer les causes de la violence, des enquêtes ont été menées à la fois sur les auteurs et les victimes. On s'est alors aperçu que l'on savait très peu de choses de ces dernières. Il faudrait parvenir à une typologie de la victime féminine et de l'agresseur masculin, afin de cibler les informations en direction des victimes potentielles - de toutes les formes de violence, y compris les violences psychologiques et psychiques - et d'adapter la législation. Il conviendrait de protéger les victimes et de sanctionner les agresseurs, notamment par une sanction plus lourde - c'est ce que propose le Gouvernement espagnol - dans le cas de violence conjugale.

Il nous a été rappelé qu'il était également nécessaire de séparer les agresseurs des victimes. Lorsque les femmes maltraitées veulent échapper à la violence conjugale, elles trouvent généralement refuge dans des centres d'accueil, tandis que l'agresseur reste au foyer. Il serait donc important de leur offrir des structures d'accueil efficaces, à la fois aptes à prendre en charge les enfants et à leur apporter un soutien moral.

Malheureusement, il est noté qu'après un séjour moyen de trente jours, ces femmes retournent systématiquement au foyer, leur agresseur étant leur mari et le père de leurs enfants. Il faudrait se renseigner sur les attentes de ces femmes et leur attribuer un logement plutôt que de les inciter à rester au domicile conjugal, généralement pour le bien des enfants. Ces femmes doivent prendre conscience qu'elles ont des droits et en Catalogne les forces de police sont là pour les faire respecter : en cas d'incarcération du mari, elles ont pour mission d'expliquer à la femme qu'elle n'est pas responsable de cette incarcération, mais qu'il s'agit d'une mesure de sécurité publique car la société ne veut pas de mari violent. C'est la raison pour laquelle, en Catalogne, lorsque le mari quitte le foyer, il porte un bracelet électronique qui permet de s'assurer qu'il ne s'approche pas de sa femme.

L'accent a également été mis sur la volonté de favoriser le dialogue familial, dans la mesure où les femmes retournent toujours au domicile conjugal pour des raisons affectives, familiales ou financières, puisque c'est le mari qui généralement assume le revenu du foyer. Il a été par ailleurs constaté que ces femmes, lorsqu'elles quittent leur mari, se remettent en ménage avec un homme également violent. Il semble donc urgent de traiter les hommes violents et de favoriser des modes de résolution des conflits internes à la cellule familiale. Cela devrait permettre de prévenir la reproduction, par les enfants, de comportements conjugaux violents observés chez les parents.

Enfin, le troisième thème à l'ordre du jour a porté sur la traite des êtres humains et la prostitution. Le constat, au niveau des pays européens a été le suivant : il n'existe aucune volonté de lutter contre ce fléau et ce n'est pas une priorité politique. La France étant même montrée du doigt, car elle a la plus mauvaise législation en ce domaine.

Les Pays-Bas distinguent la prostitution volontaire et la prostitution organisée - la traite des êtres humains - qui concerne aussi bien les femmes que les hommes ; c'est cette prostitution qu'ils entendent combattre. La victime de la traite a des droits spéciaux, notamment un permis de séjour pour la durée du procès, ainsi qu'une assistance médicale, juridique et psychologique. Le principal problème est financier, puisque la victime, qui ne peut pas travailler, est dans l'incapacité de rembourser ses dettes, de préparer son rapatriement et d'aider sa famille. Le risque est donc grand de la voir retomber dans la prostitution, à moins de mener une coopération étroite avec les responsables du pays d'origine pour assurer sa réinsertion. Mais les victimes ont tendance à se méfier des autorités à qui il revient de gagner leur confiance et leur coopération. La question des visas est particulièrement délicate et demande une adaptation de la législation en accord avec les pays d'origine.

Mme Muguette Jacquaint : Je m'associe au compte rendu de Mme Béatrice Pavy, qui a fort bien présenté les trois thèmes qui ont été développés au cours de cette conférence.

En ce qui concerne la question des minorités ethniques, j'ai trouvé le Danemark très protectionniste...

Mme Béatrice Pavy : N'ayons pas peur des mots, le Danemark a une politique extrémiste !

Mme Muguette Jacquaint : Tout à fait. Les chiffres ont été donnés : 7 ans de mariage avant d'accorder la nationalité danoise à un conjoint non danois, etc. J'avais une autre idée du Danemark !

En ce qui concerne les violences domestiques et le trafic des êtres humains, il me semble que nous ne sommes qu'au début de la prise en compte de ces fléaux. Les pays cherchent une législation efficace pour lutter contre ces situations. Nous avons assisté à des interventions très fortes, condamnant sans s'en étonner, notamment les sociétés patriarcales.

Un film sur la prostitution, réalisé par l'association polonaise la Strada, nous a été projeté. Diffusé sur internet, il cherchait à mettre en garde les jeunes filles et il rejoignait les propos des personnes que nous avons déjà auditionnées sur ce sujet. Quelques propositions ont été présentées après ce film, concernant notamment la prévention à l'égard des jeunes filles en difficulté - économiquement, culturellement, socialement - provenant notamment des pays de l'Est.

Nous avons également eu un débat sur la légalisation de la prostitution, et nous avons entendu des choses assez étonnantes, notamment sur la politique réglementariste menée aux Pays-Bas et en Allemagne. D'autres pays, en revanche, prônent l'abolition pure et simple de la prostitution.

Enfin, je souhaiterais que ces conférences soient mieux préparées, de manière à ce que les représentantes de la Délégation qui partent y assister puissent se positionner en fonction des souhaits de l'ensemble des membres de la Délégation.

Mme Béatrice Pavy : Quand nous avons, par exemple, parlé de la prostitution, il aurait été intéressant que les trois sénatrices présentes exposent le rapport du Sénat. Mais comme elles étaient de deux sensibilités différentes, elles ne l'ont pas fait.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il est vrai que nous n'avions donné aucune consigne, ni fait aucune recommandation. Vous avez tout à fait raison et, l'année prochaine, nous prendrons le temps de mieux préparer cette conférence.

Les thèmes abordés par cette conférence sont les mêmes que ceux qui ont été traités la semaine dernière dans l'hebdomadaire Marianne.

Mme Béatrice Pavy : Il s'agit de thèmes préoccupants ! L'Europe a beaucoup à faire, notamment sur la question de la traite des êtres humains. Les clubs de football, par exemple, font venir en Europe des jeunes espoirs - africains le plus souvent -, et quand ils ne rendent pas le service attendu, ils sont livrés à eux-mêmes et nous les retrouvons sur le trottoir.

Le souhait de l'Espagne de procéder à une analyse fine du portrait des hommes violents et des femmes qui risquent de subir ces violences est intéressant.

En ce qui concerne la traite des jeunes filles, le film polonais - ou plutôt le CDRom diffusé dans les écoles - propose trois parcours possibles pour le personnage, Monica. Cette expérience marche bien.

Tous les pays membres doivent pouvoir profiter des expériences menées chez les uns et les autres. Nous devons installer une certaine cohérence au sein de l'Europe.

Mme Muguette Jacquaint : S'agissant de la violence domestique, c'est le plus souvent la femme et les enfants qui sont obligés de quitter le domicile. Certaines propositions d'associations françaises visent à faire en sorte que ce soit le mari qui parte.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous allons joindre la déclaration de Copenhague au dossier que nous allons envoyer à tous nos collègues députés.

Engagement d'Ottawa de la Conférence internationale parlementaire
sur la mise en œuvre du programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD)
Ottawa, 22 novembre 2002

Nous, Parlementaires du monde entier, venons à Ottawa pour réaffirmer notre engagement envers le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement et pour nous engager à agir afin de faire progresser la mise en œuvre du Programme d'action et des principales mesures identifiées dans l'examen mené cinq ans après.

Nous réaffirmons en outre notre engagement envers le développement durable et ses trois piliers : croissance économique, progrès social et protection de l'environnement.

Nous reconnaissons et acceptons notre rôle crucial, sur les plans tant individuel que collectif, en tant que pont entre le peuple et le Gouvernement - comme avocats pour les droits et les besoins du peuple, comme législateurs chargés de faire des lois pour protéger ces droits, et comme responsables chargés de mobiliser les ressources et de créer l'environnement propice nécessaire pour répondre à ces besoins.

Nous reconnaissons et acceptons en outre le fait que la population est un problème transversal qui a un impact sur tous les autres problèmes de développement et qui occupe donc une place centrale dans la réalisation des objectifs de développement pour le Millénaire, en particulier ceux qui visent à éliminer la pauvreté et la faim ; à améliorer la santé maternelle, y compris les efforts menés pour lutter contre l'avortement pratiqué dans des conditions dangereuses et pour promouvoir la santé et les droits en matière de reproduction et de sexualité ; combattre le VIH/sida ; assurer l'enseignement primaire universel ; et promouvoir l'égalité entre les sexes et l'affranchissement des femmes.

Nous reconnaissons en outre les faits suivants :

Il manque 34 % des fonds nécessaires pour atteindre le chiffre mondial convenu de ressources pour 2000, qui est de 17 milliards de dollars pour les programmes de population et de santé en matière de reproduction - 24 % sur le plan des ressources intérieures et environ 55 % sur celui des ressources extérieures.

La moitié de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour ; 1,2 milliard de personnes vivent avec moins d'un dollar par jour. Plus de la moitié sont des femmes.

L'instabilité politique fait obstacle à l'élimination de la pauvreté et au développement durable.

Dans le monde entier, quelque 840 millions de personnes souffrent de malnutrition ; des millions d'entre elles, dont 6 millions d'enfants âgés de moins de 5 ans, meurent chaque année des effets de la faim et de la malnutrition chroniques.

On compte actuellement environ 40 millions de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays, dont beaucoup n'ont pas accès aux services de santé en matière de reproduction.

En 2000, 508 millions de personnes vivaient dans des pays en situation de stress hydrique ; en 2025, ce sera le cas de 3 milliards.

On compte un milliard d'adolescents qui ont atteint ou sont sur le point d'atteindre la période procréatrice de leur vie et dont beaucoup n'ont pas accès à l'éducation et aux services de santé en matière de reproduction.

Chaque année, plus de 500 000 femmes meurent durant la grossesse et l'accouchement ; 7 millions de plus souffrent d'infections ou de lésions.

Dans le monde entier, 350 millions de femmes n'ont pas encore obtenu accès à un éventail de moyens de contraception sans danger et efficaces ; chaque année, près de 175 millions de grossesses ne sont pas désirées ou se placent à un moment inopportun.

Dans le monde entier, les besoins de millions de femmes sur le plan de la planification familiale et de la santé en matière de reproduction ont été ignorés, notamment dans des pays comme l'Afghanistan, où les femmes ont été contraintes durant des décennies de pâtir de la non-satisfaction de ces besoins.

Près de 40 millions d'avortements sont pratiqués chaque année, souvent dans des conditions dangereuses. Environ 78 000 femmes, soit 227 par jour, meurent chaque année à la suite d'interruptions de grossesse pratiquées dans des conditions dangereuses.

En 2001, 5 millions de personnes sont devenues séropositives, dont 800 000 étaient des enfants ; 3 millions de personnes sont mortes du sida la même année.

On compte 13,4 millions d'orphelins du sida, dont beaucoup ont la charge d'un foyer.

Près de la moitié de tous les nouveaux cas d'infection frappent des jeunes âgés de 15 à 24 ans et les jeunes filles sont particulièrement exposées.

On compte 40 millions de personnes atteintes du VIH/sida ; 28,5 millions d'entre elles vivent en Afrique.

Le nombre des préservatifs nécessaires pour offrir une protection contre le VIH/sida est inférieur chaque année de 8 milliards aux besoins.

En 2050, le nombre de personnes âgées de 60 ans au moins passera de 600 millions à près de 2 milliards et leur proportion dans la population doublera, passant de 10 % à 21 % ; beaucoup d'entre elles vivront dans la pauvreté et auront besoin de l'aide des pouvoirs publics pour obtenir des services sociaux et de santé.

Appel à l'action

Nous, Parlementaires réunis à Ottawa, nous engageons à prendre les mesures suivantes et lançons un appel aux Parlementaires, partout dans le monde, pour qu'ils s'y engagent aussi :

_ Faire tout le possible pour affecter jusqu'à 5 à 10 % des budgets nationaux de développement aux programmes de population et de santé en matière de reproduction.

_ Faire tout le possible pour atteindre l'objectif convenu d'affecter à l'aide publique au développement (APD) 0,7 % du PNB et n'épargner aucun effort pour mobiliser le montant estimatif convenu de ressources financières indispensables à la mise en œuvre du Programme d'action de la CIPD.

_ Donner un rang élevé de priorité à l'accès universel aux services et produits de santé en matière de reproduction dans le cadre des politiques nationales de santé et de réduction de la pauvreté, sur le plan tant des allocations budgétaires que des activités de programme.

_ Formuler et mettre en œuvre les politiques et fournir les moyens de financement nécessaires pour offrir aux réfugiés et aux personnes déplacées les soins voulus sur le plan de la santé en matière de reproduction et de sexualité.

_ Promulguer, faire connaître et imposer des lois et politiques de nature à promouvoir et protéger les droits fondamentaux des fillettes et des jeunes femmes, à assurer l'accès égal et la pleine participation des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux, et à éliminer toutes les formes de violence, de coercition et de discrimination contre les femmes, y compris diverses formes de pratiques traditionnelles, culturelles et religieuses qui leur sont nuisibles.

_ Faire disparaître tous les écarts et inégalités entre les sexes dans l'éducation, l'emploi et les moyens d'existence, adopter et imposer des mesures propres à assurer l'éducation des filles, développer leurs compétences techniques et professionnelles et leur enseigner à lire et à écrire.

_ Promouvoir la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles ainsi que du nombre d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, à la fois en tant que priorité de la santé publique et que préoccupation relative aux droits en matière de reproduction.

_ Soutenir l'éducation sanitaire afin de faire prendre conscience des risques liés à la grossesse, au travail et à l'accouchement, et d'approfondir la compréhension des rôles et responsabilités respectifs des membres de la famille, notamment des hommes, s'agissant de promouvoir et de protéger la santé maternelle.

_ Donner une priorité élevée à l'approvisionnement en eau, surtout dans les zones rurales, et à l'assainissement dans les stratégies nationales de développement et de réduction de la pauvreté, et en particulier à un meilleur rendement des ressources hydriques, à la stabilisation de la population et à la stabilisation du climat.

_ Améliorer l'accès de tous ceux qui vivent dans la pauvreté, en particulier des femmes, aux ressources agricoles, y compris la terre, et promouvoir des systèmes de distribution équitables et efficaces, ainsi que le développement durable.

_ Susciter la volonté politique nécessaire pour élaborer des politiques du VIH/sida et les intégrer aux politiques nationales de santé en matière de reproduction, et mettre en œuvre les plans d'action nationaux ; promulguer une législation propre à garantir le respect des droits fondamentaux et la dignité des personnes atteintes du VIH/sida et des orphelins du sida ; et dispenser l'éducation et les services nécessaires pour prévenir la transmission de toutes les formes d'infections sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida, et pour offrir le traitement de ces infections.

_ Veiller à ce que les adolescents, tant scolarisés que non scolarisés, reçoivent l'information nécessaire dans les langues appropriées, aussi bien que des services et des occasions de participer à la planification des politiques et programmes qui leur sont destinés et de faire des choix et prendre des décisions responsables et informées concernant leurs besoins sur le plan de la santé en matière de reproduction et de sexualité.

_ N'épargner aucun effort pour assurer d'ici l'an 2015 l'accès universel aux services et produits de santé en matière de reproduction, en encourageant les Gouvernements, les donateurs, la société civile et le secteur privé à travailler ensemble, avec l'appui des Gouvernements, à atteindre cet objectif.

_ Créer et/ou renforcer une capacité nationale de collecter, analyser et diffuser des données statistiques, ventilées par sexe, au service de la planification nationale du développement, et dégager les ressources nécessaires à cette fin.

_ Promouvoir et protéger la pleine jouissance par les personnes âgées de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination contre elles ; et donner aux personnes âgées les moyens de participer pleinement et efficacement à la vie de leurs sociétés respectives dans les domaines économique, politique et social.

Promesse

Nous, Parlementaires, promettons, en tant qu'avocats de la collectivité publique, législateurs et responsables, de mettre en œuvre ces mesures et de suivre de manière active et systématique les progrès que nous faisons à cet égard. Nous promettons en outre de faire régulièrement rapport sur ces progrès par l'intermédiaire des groupes parlementaires et de nous rencontrer de nouveau dans deux ans pour évaluer les résultats obtenus, sur le plan tant individuel que collectif.

Déclaration de la conférence annuelle du réseau des commissions des Parlements nationaux de l'Union européenne et du Parlement européen chargées de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes (CCEC) Copenhague, 23 novembre 2002

Construire une Europe démocratique pour les femmes et les hommes

Nous, délégués du réseau des CCEC des Parlements nationaux des États membres de l'Union européenne et du Parlement européen, et délégués des pays candidats à l'adhésion, et de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe

accueillant avec satisfaction le travail effectué par la Convention en vue de définir le profil d'une future Europe démocratique, objectif de la plus grande importance pour les citoyennes et les citoyens de l'Europe ;

prenant acte de l'avant-projet de traité constitutionnel publié le 28 octobre ;

accueillant avec satisfaction la proposition visant à intégrer la Charte européenne des Droits fondamentaux dans le projet de traité constitutionnel, entre autres parce que l'égalité des sexes est une question qui concerne au plus haut point les droits fondamentaux ;

observant toutefois avec une profonde inquiétude le manque d'intérêt que suscitent jusqu'à présent les questions ayant trait à l'égalité des sexes dans l'avant-projet de traité constitutionnel qui :

- N'inclut pas l'égalité des sexes dans les valeurs de l'Union européenne,

- N'inclut pas dans ses objectifs l'élimination des inégalités et la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes ;

demandons que l'"acquis communautaire" de l'Union européenne en matière d'égalité des sexes soit maintenu et renforcé ;

présentons les exigences minimales suivantes en ce qui concerne un futur traité constitutionnel européen :

Première partie : Structure constitutionnelle

- La Charte des Droits fondamentaux doit être incorporée au traité constitutionnel ;

- L'égalité des sexes doit être mise au rang des valeurs fondamentales de l'Union ;

- L'élimination des inégalités et la promotion de l'égalité des femmes et des hommes devront figurer parmi les objectifs et les tâches de l'Union ;

Deuxième partie : Les politiques de l'Union et leur application

- L'égalité des sexes et la situation particulière de chaque sexe devront être intégrées dans tous les domaines de politique, à tous les niveaux, à tous les stades et par tous les participants à l'activité politique (en d'autres termes l'"intégration des considérations liées aux sexospécificités") ;

- La compétence de l'Union et des États membres en matière pénale devra s'étendre à toutes les formes de violence envers les femmes, y compris la traite des femmes ;

- Conformément au principe de la démocratie, l'équilibre de la représentation des femmes et des hommes dans les organismes décideurs devra faire partie des principes fondamentaux de l'Union européenne et être soutenu par des actions positives visant à l'amélioration de la situation de la femme, qui est le sexe sous-représenté ;

- Un titre spécifique "Egalité des sexes" sera inséré dans le traité et constituera une base claire pour toutes les questions relatives à l'égalité des femmes et des hommes ;

- Les questions se rapportant à l'égalité des sexes relèvent du mandat donné au groupe de travail chargé par la Convention d'examiner les politiques sociales ;

- Le traité sera rédigé dans une langue dénuée de tout présupposé sexiste ;

Demandons au président de la conférence de transmettre la présente déclaration à tous les membres de la Convention.

Déclaration de la réunion extraordinaire du réseau des commissions des Parlements nationaux de l'Union européenne et du Parlement européen chargées de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes

Athènes, 1er avril 2003

Les femmes et la Convention européenne

Nous, représentant(e)s élu(e)s des Parlements nationaux des Etats membres de l'Union européenne, des Etats candidats et du Parlement européen, délégué(e)s à la 7è conférence du réseau des commissions parlementaires pour l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, à Athènes,

déclarons que :

- l'égalité des femmes et des hommes est un droit fondamental ;

- l'égalité est la pierre angulaire de toute société démocratique qui aspire à la paix, à la justice sociale et au respect des droits humains ;

- les discriminations dans les faits contre les femmes sont encore courantes malgré les engagements nationaux, européens et internationaux au respect de l'égalité des femmes et des hommes ;

- la démocratie nécessite une participation équilibrée des femmes et des hommes dans la représentation et l'administration de la "res publica" ;

- la sous-représentation des femmes dans la prise de décisions empêche qu'il soit pleinement tenu compte des intérêts et des besoins de la population dans son ensemble ;

rappelons notre déclaration de Copenhague, intitulée "Construire une Europe démocratique pour les femmes et les hommes", adoptée lors de la conférence de notre réseau, le 23 novembre 2002 ;

réaffirmons l'importance de faire de l'égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines une composante visible d'une Constitution européenne ;

tenant compte des propositions faites par le Praesidium ;

demandons à la Convention en complément à nos requêtes précédentes, de pleinement intégrer les exigences énoncées ci-après dans la première partie de la future Constitution européenne :

- l'égalité, qui doit comprendre l'égalité des femmes et des hommes, doit figurer dans la Constitution comme valeur de l'Union européenne ;

- l'élimination des inégalités et la promotion de l'égalité des femmes et des hommes doivent être un objectif transversal de toutes les politiques et actions de l'Union européenne ;

- la protection contre la violence doit être également l'un des objectifs de l'Union européenne ;

- la Charte des Droits fondamentaux, telle que proclamée à Nice, doit être incorporée dans la future Constitution ;

- un article d'effet direct interdisant la discrimination sur base du genre et garantissant l'égalité des droits des femmes et des hommes et prévoyant des actions positives pour éliminer les inégalités entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, y compris pour assurer leur participation équilibrée à la prise de décision doit figurer dans la future Constitution ;

- un article de la future Constitution doit prévoir la protection de la grossesse, de la maternité et de la paternité ainsi que l'articulation de la vie familiale, professionnelle, politique et sociale pour les femmes et les hommes dans tous les domaines. Tout traitement défavorable, directement ou indirectement lié à ces situations, doit être prohibé ;

- l'égalité des femmes et des hommes et le combat contre toutes formes de discrimination sur la base du genre doit être une compétence partagée de l'Union européenne et des Etats membres ;

- la représentation équilibrée des femmes et des hommes fait partie du principe de démocratie participative et des mesures positives conduisant à une véritable égalité de représentation dans les institutions politiques doivent être établies ;

- l'intégration de la dimension de genre ("gender mainstreaming") dans toutes les politiques et actions de l'Union européenne doit être réaffirmée comme mécanisme transversal pour atteindre l'égalité dans les faits ;

- dans son espace de liberté, sécurité et justice, l'Union doit pouvoir adopter des mesures pour prévenir et combattre toutes formes de violence, y compris la traite des êtres humains.

Nous réitérons notre demande de prévoir dans la future Constitution le maintien et le renforcement de l'acquis communautaire en matière d'égalité des femmes et des hommes.

Nous renouvelons notre demande concernant l'utilisation dans la future Constitution d'un langage sexuellement neutre.

Audition de M. Hedi Jemai, représentant du Fonds des Nations-Unies pour le développement (FNUAP) à Bruxelles et de M. Neil Datta, secrétaire de la Fédération nationale pour la planification familiale (IPPF)

Réunion du mardi 8 avril 2003

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui MM. Hedi Jemiai, représentant du Fonds des Nations-Unies pour la Population auprès de la Commission européenne, et Neil Datta, secrétaire de l'IPPF. Vous êtes accompagnés de Mmes Françoise Laurant, présidente, Maïté Albagly, secrétaire générale, et Dominique Audouze, coordinatrice des actions internationales, de la confédération du Mouvement français pour le planning familial.

Vous avez sollicité cette audition et elle m'a semblé nécessaire, car nous avons été sensibilisés aux problèmes de démographie et de développement par Mmes Claude Greff et Danielle Bousquet, qui ont assisté à la conférence d'Ottawa, et par Mme Béatrice Vernaudon, qui a participé à la conférence de Bangkok.

La représentation nationale, par le biais de la Délégation aux droits des femmes, doit être informée de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde en ce qui concerne les problèmes de planning familial et de démographie. Nous vous écouterons donc avec intérêt, même s'il sera plus délicat d'aller plus loin aujourd'hui sur un plan financier.

M. Hedi Jemiai : Je m'appelle Hedi Jemiai et je suis le représentant du Fonds des Nations-Unies pour la Population, généralement connu sous le nom de FNUAP.

Quelques mots sur notre organisation : le Fonds des Nations-Unies pour la Population existe depuis plus de 35 ans. Nous travaillons dans tous les pays en voie de développement. Nous avons plus de 120 bureaux de représentations dans les pays en voie de développement et notre mission est essentiellement guidée par le programme d'action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) qui s'est tenue au Caire en septembre 1994, dont l'objectif ultime est la promotion de l'individu et de son bien-être dans un développement économique et social harmonieux et durable.

Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, le FNUAP concentre son action dans trois domaines :

Le premier est celui de la santé de la reproduction avec tous ses aspects aussi bien médicaux, tels que la grossesse, les soins pré-nataux et post-nataux, la planification familiale, les MST, la morbidité liée à la reproduction, la mortalité maternelle, etc. que les aspects sociaux et juridiques, tels que les droits de la femme en matière de reproduction ainsi que l'égalité des droits de la femme par rapport à l'homme dans les sociétés où nous sommes présents. Ce sont là des éléments fondamentaux de l'action que mène le FNUAP.

Le deuxième est celui de la population et du développement en général, tant au niveau macro-économique qu'au niveau micro-économique où nous nous intéressons aux relations qui existent entre les phénomènes démographiques d'une part, comme la natalité, la mortalité, l'accroissement démographique, les migrations, et ceux d'ordre économique et social d'autre part, comme l'emploi, l'urbanisation, l'éducation, la santé, etc.

Le troisième est celui du plaidoyer, qui est en général centré sur l'information, l'éducation et la communication, et vise à sensibiliser les décideurs dans les pays en voie de développement, afin de faire évoluer les législations dans le sens du respect des droits humains et du soutien aux politiques et aux programmes d'action en faveur des populations, du développement, de la santé en matière de reproduction et des droits de la femme.

Concernant la structure du FNUAP, notamment le financement de nos activités, nous dépendons de l'Assemblée générale et du Conseil économique et social des Nations-Unies. Notre conseil d'administration est composé de pays membres élus régulièrement. Il s'agit de pays "donateurs", mais également de pays "récepteurs".

Le financement se fait par contribution volontaire des pays donateurs (développés et en développement) et notre budget est scindé en deux parties : tout d'abord, un budget régulier, qui finance l'organisation ainsi que les programmes que nous soutenons dans les pays en voie de développement, et, ensuite, un budget non régulier, approvisionné notamment par des sources multilatérales et bilatérales, consacré à la mise en œuvre des projets spécifiques.

Notre objectif est surtout de travailler à l'augmentation du budget régulier, car il est accompagné d'une souplesse qui permet de financer les programmes nationaux sur la base des besoins et des priorités identifiés par les pays membres. A contrario, les financements multilatéraux ou bilatéraux sont souvent soumis à des conditions qui limitent leur utilisation à certains domaines et certains pays ce qui, par conséquent, limite l'approche programme et globale privilégiée par le FNUAP.

J'en arrive maintenant au message que je voudrais partager avec vous : depuis la Conférence du Caire, l'approche des questions de population a complètement changé. On est passé d'une vision purement démo-économique dominée par le quantitatif à une approche beaucoup plus qualitative au sein de laquelle les aspects économiques et démographiques sont intégrés à de nombreux autres éléments sociaux, éducationnels et sanitaires et où l'individu et son bien-être sont placés au centre de l'action. Cette nouvelle approche intègre tous les aspects de la santé de la reproduction comme les MST, le sida, la santé maternelle, la planification familiale, ainsi que d'autres aspects qui relèvent des droits humains, en particulier les droits des femmes et l'égalité entre l'homme et la femme.

Cette vision globale a complètement modifié notre dynamique et notre perspective de travail avec les pays dans lesquels nous intervenons.

Durant les cinq premières années qui ont suivi la Conférence du Caire, nous avons pu constater un dynamisme et une adhésion au programme d'action de la CIPD très forts par la majorité, sinon la totalité, des pays ayant adhéré au programme mis en place à cette occasion.

Les 179 pays qui ont ratifié le programme d'action du Caire se sont engagés par cette action à contribuer au financement de sa mise en œuvre. Ces contributions ont été assez substantielles au début. Mais depuis l'an 2000, nous observons une baisse importante des contributions, notamment celles des pays développés qui contribuent beaucoup moins au programme que ne le suggérait le plan élaboré lors de la Conférence du Caire. Cette situation financière a évidemment des implications sur les programmes que nous soutenons.

Nous avons toutefois actuellement une préoccupation plus importante que le financement, c'est la montée d'une "opposition" - ainsi que nous l'appelons dans le jargon du FNUAP - venant d'une minorité conservatrice et fondamentaliste des Etats-Unis.

Lorsque le Président Georges W. Bush a été élu, l'une de ses premières décisions a été de remettre en vigueur la politique de Mexico city. De ce fait, il a supprimé la contribution de 34 millions de dollars votée par le Congrès pour le programme du FNUAP au titre de l'année 2002.

Depuis cette décision, nous constatons une montée de l'opposition conservatrice extrémiste qui, par son action, menace les progrès réalisés et plus grave encore veut faire reculer de plusieurs décennies les acquis des femmes, notamment dans le domaine de la santé en matière de reproduction.

Ainsi, aux Etats-Unis, à l'heure actuelle, certains prônent la chasteté, l'abstinence, les relations sexuelles uniquement dans le cadre du mariage et s'opposent à l'éducation sexuelle pour les jeunes et les adolescents.

Tout ceci est très grave pour l'action que nous menons dans le domaine de la santé en matière de reproduction.

Ce qui nous préoccupe tout d'abord, c'est cette action menée par ces groupes extrémistes soutenus par l'administration du Président Bush, contre les problèmes des femmes en général et la santé en matière de reproduction. Car par leur action, ils affaiblissent les programmes qui contribuent à sauver la vie des femmes, à réduire la mortalité maternelle, à prévenir le sida et à diminuer la morbidité liée à la reproduction.

En outre, depuis un an, nous assistons à une infiltration au sein de l'Union européenne et notamment au Parlement européen de cette approche qui se nourrit des calomnies et des mensonges propagés par les groupes d'opposition extrémistes américains. Même si à l'heure actuelle elle est encore minime, elle doit être contenue, afin qu'elle ne devienne pas un mouvement aussi régressif qu'il l'est aux Etats-Unis.

Nous constatons une augmentation du nombre de parlementaires européens en accord avec cette approche et qui sont sous l'influence de ces groupes fanatiques américains, lesquels viennent en Europe et font des exposés au sein du Parlement européen. Ils travaillent maintenant en Irlande et dans d'autres pays pour mobiliser cette minorité.

Or, même si leur discours est basé sur des mensonges, le FNUAP et l'IPPF consacrent beaucoup d'énergie et de ressources pour démystifier leurs arguments. Ces problèmes se posent également à la Commission européenne, qui dépense autant d'énergie et de ressources pour répondre à toutes les fausses accusations et aux diverses questions de certains députés européens en accord avec ces groupes d'opposition américains.

Telle est la situation dans laquelle nous nous trouvons et, malheureusement, avec l'aide des Etats-Unis et du Gouvernement de Georges W. Bush, ces minorités, bien qu'elles soient vraiment dérisoires au sein de la société américaine, deviennent un problème important pour des organisations comme le FNUAP, car leur action a des conséquences sur notre travail auprès des pays en voie de développement, qui ont besoin de ces programmes et de cette aide.

Pour conclure, je voudrais vous dire que notre demande d'audition n'a pas été motivée par des problèmes de moyens financiers. Nous sommes davantage préoccupés par la voix et le rôle de la France, qui doivent être à la hauteur de la dimension du pays. En effet, vos voix, en tant que parlementaires et députés, nous seront d'un très grand appui politique en matière de santé, afin de faire face à cette opposition et pour faire avancer le programme et les principes du Caire concernant la santé en matière de reproduction dans les pays en voie de développement. En effet, il n'est pas possible de lutter contre la pauvreté si les besoins fondamentaux de la santé en matière de reproduction des femmes africaines, asiatiques, etc., ne sont pas respectés.

Votre soutien est donc très important pour notre action, notamment au sein de l'Union européenne. Toutefois, je pense que les Français pourraient avoir une voix beaucoup plus active et plus dynamique pour favoriser cette activité en général.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Quels sont les pays européens qui posent le plus de problèmes par rapport à vos programmes ?

M. Hedi Jemiai : C'est surtout au Portugal, en Espagne, en Italie et en Irlande que cette opposition se manifeste. Ce sont des minorités, mais elles agissent. Ainsi, par exemple, il y a quelques mois, une lettre -adressée au commissaire Poul Nielsen- a été signée par 47 députés européens. L'objectif des pétitionnaires était de contrecarrer le rapport d'une députée européenne, Mme Ulla Sandbæk, qui voulait renforcer les textes européens sur les droits en matière de reproduction et de sexualité, afin de les rendre plus clairs et plus cohérents avec le programme du Caire, puisque, cinq ans après, le programme d'action a été révisé et renforcé.

Heureusement, le Conseil a tout de même appuyé le rapport de Mme Ulla Sandbæk, mais ce type de harcèlement est quotidien. Ainsi, cette semaine, une députée irlandaise, Mme Dana Scallon, a envoyé des questions orales au Parlement de Strasbourg citant en exemple un projet ougandais, qui prônait les valeurs d'abstinence et de fidélité au sein du mariage, comme moyen de se préserver du virus du sida. Elle n'a repris que ce passage du projet en indiquant qu'il s'agissait d'un bon exemple de réussite et a demandé quelles étaient les actions de la Commission pour financer ce type d'activité en Afrique.

C'est cette manipulation de l'information qui est dangereuse, car le projet ougandais ne se limite pas à cela. Il y est également question d'éducation sexuelle, ainsi que des nombreux risques encourus par les hommes et les femmes, de prévention et de protection par l'utilisation des condoms. Or, Mme Dana Scallon n'a repris que la partie du projet "compatible" avec les valeurs traditionnelles et conservatrices pour étayer les questions auxquelles le Parlement européen aura à répondre.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce qui me paraît surprenant, c'est que depuis l'élection de Georges W. Bush, la composition du Parlement européen n'a pas changé. Est-ce parce que Georges W. Bush a été élu que certains députés se croient maintenant plus investis d'une mission ?

M. Hedi Jemiai : Ils se sont sentis encouragés, car, lors de l'élection de Georges W. Bush, ce mouvement s'est installé en Europe, alors que ces problèmes étaient quasiment inexistants et le resteront eu égard à la culture européenne. Les Américains ont commencé cette campagne, sont venus en Belgique, sont allés en Irlande, en Espagne, etc., pour chercher, dans les Parlements des différents pays, les députés conservateurs, et pour créer un mouvement.

Leurs arguments sont fondés sur des mensonges. L'argument le plus récurrent concerne l'avortement et le fait que nous tuons des vies humaines. Les débats à ce sujet n'ont pas de fin, car il est difficile de définir à quel moment commence la vie humaine. Or, ces personnes accusent à tort le FNUAP en particulier, ainsi que toutes les organisations travaillant dans le domaine de la santé en matière de reproduction, de pratiquer des avortements forcés.

Il faut savoir que le FNUAP ne pratique pas, n'a jamais pratiqué et ne pratiquera jamais l'avortement. Nous sommes liés par le programme d'action du Caire - ratifié par 180 pays - dont le paragraphe VIII-25 indique explicitement que l'avortement n'est pas une méthode de contraception. Le FNUAP n'intervient que lorsque l'avortement se fait dans des conditions sanitaires inacceptables -comme par exemple dans le cas des avortements illégaux qui entraînent des complications énormes- et que la santé de la mère peut être mise en péril.

En effet, des femmes meurent tous les jours à cause des complications provoquées par des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions sanitaires ou dans l'illégalité. C'est uniquement dans ces cas que le FNUAP intervient pour soigner ces complications et faire en sorte que la vie de ces femmes soit hors de danger.

Or, les accusations mensongères portées par ces groupes prétendent que nos organisations n'existent que pour pratiquer des avortements et tuer. Pour elles, nous sommes des assassins d'enfants, et, tous les jours, sur les sites web, dans certains journaux, ils inventent des histoires et des chiffres. Après, c'est à nous d'aller démontrer que ce n'est pas vrai et cela nous prend beaucoup de ressources, d'énergie et de temps qui seraient autrement consacrés à sauver la vie des femmes dans les pays en développement.

L'une des grandes batailles au centre de cette lutte concerne la Chine et sa "politique d'enfant unique". Cette politique a néanmoins évolué et s'est nuancée : dans certaines régions chinoises, on constate une politique de deux/trois enfants selon les conditions économiques.

Deux commissions indépendantes ont été envoyées sur le terrain : une désignée par le Congrès américain et une par le Gouvernement britannique pour aller enquêter et savoir si, oui ou non, le FNUAP finance la Chine pour pratiquer des avortements. Selon leurs conclusions, le FNUAP n'a jamais contribué, ni directement, ni indirectement, à de telles politiques. Malgré cela, l'administration Bush a décidé d'annuler la subvention de 34 Millions de dollars en 2002, dont je vous ai déjà parlé, et ces groupes minoritaires et fanatiques continuent à propager ces mensonges.

Il s'agit essentiellement de groupes fanatiques. Leur conviction profonde est que nous sommes effectivement en train de tuer des personnes. De ce fait, ils ne reculent devant rien pour propager ces idées.

Notre problème est que ce mouvement est exporté en Europe et que, depuis un an, ces groupes -qui ne font que cela et sont entièrement financés par des grandes sociétés- arrivent en Europe et mobilisent certaines personnes, notamment des députés ou des parlementaires qui partagent leurs idées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur : Combien avez-vous aujourd'hui de pays donateurs dans votre organisation ?

M. Hedi Jemiai : Nous avons environ 135 pays donateurs, dont au moins une quarantaine sont des donateurs "importants". Cependant, même les pays en voie de développement donnent selon leurs capacités, car l'important, c'est surtout l'appartenance au programme et au mouvement, quel que soit le montant de la contribution.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Les Etats-Unis ne faisant plus partie des pays donateurs, les principaux pays restant sont donc : les Pays Bas, le Japon, le Danemark, la Norvège, et l'Allemagne.

M. Hedi Jemiai : Egalement la Belgique.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : La France donne une subvention directe d'environ 1 million d'euros et une contribution indirecte par l'intermédiaire du Fonds européen de développement.

M. Hedi Jemiai : Ce que nous attendons de vous, et ce dont nous avons besoin, c'est un engagement politique et moral concernant le programme du Caire. L'argent passe après, car, aujourd'hui, ce sont les conférences du Caire et de Bangkok qui sont "attaquées". En effet, les Etats-Unis, qui étaient les premiers supporters du programme du Caire en 1994, en ont remis en question les concepts clés en décembre dernier, lors de la conférence de Bangkok. C'est très grave.

Mme Martine Lignières-Cassou : Concrètement, quelle forme notre soutien devra-t-il prendre ?

Mme Danielle Bousquet : Si nous pouvions faire le lien entre le FNUAP et l'IPPF, nous verrions mieux, en tant que parlementaires français, quel peut être notre rôle sur le plan européen.

M. Neil Datta : C'est la première fois qu'un représentant de notre organisation peut présenter l'IPPF à l'Assemblée Nationale française.

L'IPPF est une ONG présente dans 180 pays, et fait partie des plus grandes ONG mondiales. En effet, selon certaines estimations, nous sommes juste en dessous de la Croix rouge, donc au deuxième ou troisième rang mondial. Notre organisation a été créée en 1952 et son siège international est situé à Londres, et non aux Etats-Unis. Elle est actuellement divisée en six régions. Pour ma part, je travaille pour la région Europe, basée à Bruxelles, qui a en charge de la grande Europe -qui comprend l'Asie centrale et l'ancienne URSS-, et va de l'Islande jusqu'à Vladivostok.

Depuis près de six mois, nous avons un nouveau directeur général américain. En ce moment, il est intéressant de voir que le directeur actuel de l'une des plus grandes organisations concernant le planning familial est américain. Il a établi cinq grandes priorités :

La première est de combattre l'avortement à risque. En effet, on estime que, tous les ans, plus de 70 000 femmes meurent d'un avortement à risque et que 600 000 femmes décèdent des suites d'une maternité à risque ; c'est un peu comme si un Boeing s'écrasait toutes les six heures tous les jours de l'année. C'est un chiffre très important.

La deuxième est le sida. En ce moment, plus de 40 millions de personnes sont atteintes du sida dans le monde et il touche de plus en plus les femmes dans les pays en voie de développement. C'est une maladie de plus en plus féminine.

La troisième est l'adolescence. Nous vivons une époque historique avec le plus grand nombre d'adolescents dans le monde : plus d'un milliard. Or, dans les années à venir, ils vont entrer dans leur âge reproductif, ce qui signifie que les besoins en matière d'éducation sexuelle, de contraception, etc., vont devenir de plus en plus grands.

La quatrième est l'accès, c'est-à-dire le besoin de produits contraceptifs, comme des préservatifs, des stérilets, etc. Ainsi, par exemple, en Afrique sub-saharienne, dans certains pays, dont le Congo, le Kinshasa ou le Rwanda, il y a peut-être un préservatif par homme en âge reproductif par an. De ce fait, même si l'on donne des cours d'éducation sexuelle, si ces pays n'ont pas les moyens de financer l'achat des préservatifs, le sida se transmettra tout de même.

La cinquième, et peut-être la plus importante, est le plaidoyer, c'est-à-dire la préservation des droits acquis au niveau international dans le domaine des droits des femmes et de la santé en matière de reproduction, de la sexualité, etc.

Je suis tout à fait d'accord avec les propos de mon collègue du FNUAP. Au sein de l'IPPF, nous sommes en ce moment très inquiets en ce qui concerne ces droits acquis, au niveau international. Comme cela a déjà été évoqué, la première action du Président Georges W. Bush a concerné la suppression des subventions à certaines organisations et, de ce fait, l'IPPF a perdu en six mois 8 millions de dollars, soit 10 % de son financement. Cette règle s'applique également à toutes les associations nationales de planning familial mondiales comme le MFPF. Ainsi, dans les pays en voie de développement, nous avons perdu 20 millions de dollars en sus des 8 millions, suite à la politique de Georges W. Bush.

La droite religieuse américaine, qui pratique quasiment une politique d'extrême-droite comme on la connaît en Europe, est contre l'éducation à la sexualité, l'émancipation et les droits des femmes. Leur action s'effectue principalement en attaquant l'avortement, la contraception, etc.

Leur stratégie est assez simple : ils s'en sont pris aux deux organisations qui représentent le mieux ces idées, à savoir l'IPPF, puis le FNUAP, un an après. Comment s'attaquent-ils à ces deux organismes ? En nous privant de fonds et en s'en prenant à nos réputations, comme cela a déjà été évoqué.

Au plan financier, la France représente un peu un paradoxe : d'une part, il s'agit de l'un des plus grands "bailleurs de fonds" à l'échelle mondiale, puisque, durant la dernière décennie, selon l'année, la France est troisième, quatrième ou cinquième bailleur de fonds à l'échelle internationale, et, d'autre part, c'est un bailleur de fonds extrêmement spécialisé, puisque l'aide française concerne surtout les états francophones partout dans le monde.

Aussi, si la France ne finance pas un projet dans ces pays, existe-t-il de grandes chances qu'il ne soit pas financé du tout. Or, la France a été un peu absente des financements relatifs aux droits des femmes et des droits à la sexualité, etc., ces derniers temps. J'ai cru comprendre cependant qu'il existait des problèmes concernant le mode de calcul de ces contributions et que le ministère des Affaires étrangères était en train de les résoudre. De ce fait, les contributions de la France ne seraient pas aussi modestes qu'elles le paraissent.

En outre, comme M. Hedi Jemiai l'a indiqué -et des premiers pas ont d'ailleurs déjà été effectués dans ce domaine- un vrai leadership français serait nécessaire pour défendre les droits en matière de sexualité, de reproduction et les droits des femmes.

Nous avons été ravis de voir que Mmes Danielle Bousquet, Béatrice Vernaudon et des représentants du Mouvement français pour le planning familial aient pu être intégrés à la délégation officielle de la France à la conférence de Bangkok. Cette réunion très importante était la première réunion régionale des Nations-Unies pour la région Pacifique et allait faire le point de la mise en œuvre du programme d'action du Caire.

Les Etats-Unis sont membres de la commission Asie-Pacifique, comme la France et certains autres pays européens, et, dès le début, ils ont exprimé leur souhait de renégocier certains passages. Par exemple, ils ne souhaitaient pas "réaffirmer leur engagement envers le programme du Caire", mais le "noter" ; ils souhaitaient également que ne soit plus garantie la confidentialité pour les jeunes, introduire des clauses sur l'abstinence, etc.

Dans le langage de l'administration Bush, l'abstinence implique qu'il s'agit de l'unique moyen et qu'il n'y aurait plus d'autre type d'éducation à la sexualité. Or, s'il est effectivement toujours question de l'abstinence en matière d'éducation sexuelle, elle est considérée comme un moyen parmi d'autres et non comme le seul.

C'est la solidarité entre les pays européens et asiatiques qui a permis la mise en place d'un "front" commun contre les Etats-Unis et ceux-ci ont été entièrement isolés durant cette conférence de Bangkok. Ainsi, par exemple, afin que vous compreniez bien la surprise créée par les positions américaines, la Délégation iranienne a été choquée des "souhaits" américains concernant les droits des femmes !...

Un leadership français serait donc très utile et même nécessaire pour nous aider dans ce domaine.

Cette réunion de Bangkok n'était que la première. Il y aura d'autres réunions régionales dans l'année à venir, dont deux particulièrement intéressantes pour la France : celle de la région Amérique Latine-Caraïbes, dont la France est membre, et celle de la région Europe prévue en janvier 2004. Cette dernière sera extrêmement importante.

Si je puis me permettre de donner deux points concrets d'action à la Délégation, il serait utile qu'elle favorise la mise en place de ce leadership du point de vue des acquis en termes de droits des femmes, etc., et également qu'elle se préoccupe des problèmes budgétaires des questions de développement. Il serait en effet utile que vous vous interrogiez sur les politiques de développement : "Si nous n'agissons pas à ce niveau, comme les fonds américains sont absents, comment ces questions seront-elles abordées dans nos pays prioritaires ?"

En conclusion, je souhaiterais vous parler d'un sujet qui a déjà été évoqué : nous avons noté une forte croissance des groupes anti-planning familial à Bruxelles, notamment aidés par la nouvelle administration américaine au pouvoir qui renforce ces groupes aux Etats-Unis. Ils ont reçu plus de fonds et depuis moins d'un an, ont un bureau spécialisé qui s'est installé à Bruxelles.

Même si nous ne sommes pas d'accord avec les idées qu'ils véhiculent, il faut admettre que leur travail est très professionnel. En effet, ils ont la liste de tous les députés européens avec, indiquée en vis-à-vis, la manière dont ils ont voté sur telle ou telle législation, à savoir un point rouge s'ils ont voté contre leurs idées, un point vert s'ils ont voté pour et orange en cas de position "souple". Chaque député européen est classifié.

Mme Conchita Lacuey : Ils fonctionnent comme les sectes.

M. Neil Datta : Ils vont tenter d'élargir leurs actions, ce qu'ils ont d'ailleurs déjà essayé de faire à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe avec des députés des Parlements nationaux. Ils ne sont qu'au début de leur action et sont, en outre, très bien financés du côté américain.

Mme Martine Lignières-Cassou : C'est une situation très inquiétante.

Mme Patricia Adam : Les Américains sont-ils les seuls à financer ces groupes ?

M. Hedi Jemiai : La grande majorité des fonds vient des Américains.

Mme Françoise Laurant : Lorsque l'on essaie de savoir l'origine des fonds des associations qui effectuaient les commandos anti-IVG dans les années 1990 -et cela continue un peu-, on se rend compte qu'il s'agissait de fonds américains, puisque les premiers tracts avaient été imprimés à Cincinnati, aux Etats-Unis.

Je souhaiterais également attirer votre attention sur le fait qu'au Parlement européen deux commissions sont concernées par les droits des femmes : la commission des droits des femmes et de l'égalité des chances et la commission du développement et de la coopération.

Mes deux collègues vous ont parlé de la commission du développement et de la coopération, mais il ne faut pas oublier qu'en juillet dernier, une députée belge, Mme Anne Van Lancker, a fait adopter un rapport par la commission des droits des femmes, puis par le Parlement européen. Il portait sur la santé et les droits sexuels et génétiques et indiquait que le choix de l'avortement devait faire partie des droits fondamentaux.

Suite à la présentation de ce rapport, ces groupes, mais également des groupes français ont exercés de fortes pressions sur les parlementaires européens, notamment par l'envoi de mails et par des interventions auprès de leur permanence.

Les Américains ne sont donc pas les seuls à véhiculer ces idées. Ils sont en revanche les seuls à avoir une stratégie construite. En outre, si ces groupes américains existaient déjà, ils n'étaient pas aidés comme ils le sont maintenant par le Gouvernement américain.

M. Neil Datta : Par ailleurs, les groupes tels que ceux-ci n'ont pas seulement des positions anti-avortement. Ils paraissent donc être de vraies ONG et, depuis la mise en place du Gouvernement de Georges W. Bush, peuvent donc toucher des fonds fédéraux américains, ce qui les renforce.

En ce qui concerne le financement de ces "ONG" ou de ces groupes en Europe, nous avons découvert tout récemment qu'au Portugal, une place au Conseil national sur les droits des femmes avait été refusée à l'un de ces groupes, car il ne pouvait pas expliciter les origines de son financement. La même situation s'est produite en Australie à la fin de l'année 2002. Ce phénomène est donc en train de se répandre petit à petit dans plusieurs pays.

Mme Patricia Adam : Qu'en est-il de Angleterre ?

M. Neil Datta : Ces groupes y apparaissent également.

Mme Françoise Laurant : Le Planning familial français a un énorme contentieux avec l'association "Droit de naître" qui, chaque fois qu'une élection législative a lieu, inonde les parlementaires de courrier. L'une de leurs déclarations nous diffamait tellement que nous avons porté plainte et demandé une enquête. Comme cette plainte a été "balayée" par l'amnistie après l'élection présidentielle, nous avons demandé à voir le dossier. Or, il n'y avait rien ; la police n'avait pas enquêté. Cela signifie donc que, dans le système français, des personnes doivent être liées à ces groupes ; il n'existe pas d'autres raisons pour que l'enquête n'ait pas été effectuée.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Il n'y a pas que sur ce sujet que des enquêtes ne sont pas réalisées. Vous ne devez pas vous sentir persécutés.

Mme Françoise Laurant : Suite à notre plainte, la même association a envoyé un nouveau courrier, dans lequel elle expliquait que le MFPF était contre la liberté de penser et le droit d'expression, puisque nous avions demandé leur dissolution. Or, nous ne l'avons jamais demandée. Nous avons seulement porté plainte pour diffamation. Ces personnes ont une stratégie électorale -elles agissent ainsi lors de chaque élection- et je tenais à signaler que cette association était l'un des supports de la pression exercée sur les députés à Bruxelles en juillet dernier. Je ne dis pas qu'il existe une Internationale de ces réseaux, mais cela en prend presque l'allure.

Je n'étais pas présente aujourd'hui pour parler de ce réseau, mais j'en ai saisi l'occasion. Je voudrais vous dire notre satisfaction de l'adhésion de la Délégation au Forum parlementaire intereuropéen sur la population et le développement. En effet, nous jugeons intéressant que des parlementaires se réunissent aux niveaux européen et international sur différents thèmes et nous estimons très important que la France prenne sa place.

Mme Danielle Bousquet : J'estime très important que la France ne soit pas absente de ces débats.

Dans les années précédentes, la présence de la France n'a peut-être pas été suffisamment régulière. En effet, quels que soient les pays et les régimes politiques, nous nous rendons compte que nos collègues parlementaires des autres pays prennent véritablement position sur les droits des femmes dans les pays sous-développés, qui sont un réel levier de développement.

Il est certain que, si nous n'avons pas de vision plus internationale et que nous ne nous occupons de la situation des femmes que dans nos pays "développés", nous passerons à côté de notre objectif. En effet, on ne peut pas imaginer que des droits se développent dans un endroit de la planète au détriment des droits dans les autres pays sans risquer des explosions que l'on ne souhaite pas.

Il est donc de notre responsabilité, en temps qu'élus, d'exprimer la position française sur ces questions. Ainsi, lorsque Mme Claude Greff et moi-même sommes allées à la conférence d'Ottawa, même si nous ne partageons pas la même analyse sur tous les sujets, nous avons exprimé une position identique sur toutes les questions, à savoir qu'il s'agit de droits fondamentaux, sur lesquels il était très important que l'avis soit consensuel.

L'adhésion de la Délégation aux droits des femmes, au Forum parlementaire intereuropéen était donc très importante et nous nous retrouvons totalement sur ces questions.

M. Hedi Jemiai : Je soutiens tout à fait les propos de Mme Danielle Bousquet. Je crois que les droits des femmes dans les pays européens ne doivent pas empêcher d'agir dans le reste du monde, car les deux vont de concert.

Nous avons parlé tout à l'heure de la conférence sur la population et le développement qui sera organisée par la Commission économique pour l'Europe (CEE) à Genève en janvier 2004. A ce sujet, je répète qu'il est très important que la France joue un rôle en accord avec ce que préconise le programme d'action du Caire.

Vous nous avez demandé quelle forme concrète votre action pourrait prendre et je suggère que, pour préparer cette réunion européenne de janvier 2004, une réunion intermédiaire ait lieu, peut-être en lien avec la journée mondiale de la population le 11 juillet, où l'on discutera de manière plus détaillée des problèmes que nous avons seulement commencé à évoquer ici.

Il serait admirable que la France ait une stratégie générale vis-à-vis des problèmes de population, de développement, de droits humains, de droits des femmes et de santé en matière de reproduction, élaborée en étroite coopération avec des organisations comme le FNUAP et l'IPPF et qui servirait de guide au niveau des programmes de coopération.

Encore une fois, les moyens financiers -bien qu'importants- ne sont pas tout ; le soutien et le leadership politique dans ce domaine comptent bien davantage.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je vous propose de faire part de cette audition au ministre des affaires sociales, M. François Fillon, au ministre de la santé, M. Jean-François Mattei, au ministre délégué à la famille, M. Christian Jacob, à la ministre déléguée la parité et à l'égalité professionnelle, Mme Nicole Ameline, et, puisqu'il s'agit d'un problème international, au ministre des affaires étrangères, M. Dominique de Villepin.

Il appartiendra ensuite aux ministres respectifs de prendre des décisions.

A mon avis, votre demande concernant la tenue d'une réunion préparatoire à la conférence de Genève le 11 juillet ne devrait pas poser de problème, car nous serons encore tous présents à Paris à cette date.

En outre, je tiens à vous signaler que, lors de chaque conférence internationale, un ou plusieurs représentants de la Délégation sont présents et qu'un compte rendu est systématiquement envoyé aux différents ministères concernés.

Mme Marie-Françoise Clergeau : La Délégation a un travail de sensibilisation à effectuer, mais il serait également bien, en plus des ministres concernés, de transmettre les propos et souhaits de MM. Hedi Jemiai et Neil Datta à la Délégation aux droits des femmes du Sénat.

Nous avons eu des informations très intéressantes et nous allons pouvoir en faire part aux différentes personnes concernées dans nos circonscriptions, car les problèmes des femmes intéressent tous les réseaux et les relais existant dans ce domaine.

Lorsqu'il est question de la défense des droits des femmes, nous nous rendons compte que c'est en sensibilisant le maximum de personnes, notamment de femmes, que nous pouvons faire prendre des décisions permettant d'avancer.

C'est un sujet très préoccupant et nous avons intérêt à agir avec les réseaux existants.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Tout à fait.

Mme Danielle Bousquet : Je souhaiterais apporter un complément d'information. Pour la conférence de Bangkok, le représentant français était dûment mandaté par le Gouvernement français pour tenir les propos qu'il a tenus, c'est-à-dire qu'il n'était pas question de revenir sur les droits acquis. On constate donc bien que le Gouvernement poursuit son action dans le sens de ce qui a été acté auparavant.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je n'ai aucun doute à ce sujet.

Mme Danielle Bousquet : Ce que nous pouvons dire n'est pas une hérésie par rapport à la position diplomatique française. En ce qui concerne les engagements financiers, c'est un autre sujet.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Vous avez souhaité être auditionnés et je vous ai reçus. Cependant, je ne peux pas prendre d'engagement financier et, c'est au Gouvernement qu'il appartient de le prendre. C'est pour cela que je transmettrai aux ministres concernés vos propos et souhaits, en espérant que les ministres cités précédemment vous répondront positivement et vous donneront leur engagement.

Mme Françoise Laurant : M. Neil Datta n'en a pas parlé, mais l'IPPF produit tous les mois un document avec une série de brèves informations sur la santé sexuelle et reproductive dans différents pays. Vous les recevez, mais je trouve dommage que cela ne soit pas plus largement distribué.

Ces documents mensuels ne sont pour l'instant édités qu'en anglais, M. Neil Datta n'ayant ni le temps, ni les moyens financiers de les traduire. Je souhaiterais donc que le MFPF obtienne une aide financière, afin que son bureau puisse distribuer une édition en français. Lorsque je ferai la demande de subvention, je m'adresserai donc à vous pour l'appuyer, car je pense intéressant d'avoir des textes traduits.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Je fais partie des parlementaires qui n'encouragent pas du tout les Etats-Unis et leur langue et préférerais que l'on utilise le français dans les conférences internationales.

M. Hedi Jemiai : Aux Nations-Unies, la langue française est une langue de travail officielle. Toutefois, les francophones sont un peu désavantagés, car ils doivent parfois écrire leurs rapports de missions dans les deux langues.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente : Ce n'est pas normal. Si nous étions un peu plus fermes, nous demanderions des traducteurs en toutes circonstances.

DEUXIÈME PARTIE :



LE SUIVI DE LA LOI DU 9 MAI 2001 SUR L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE
DANS LES ENTREPRISES

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La formidable féminisation de la population active (1) depuis les années soixante est un phénomène économique et social d'une ampleur sans précédent, doublant la présence des femmes sur le marché de l'emploi - elles représentent désormais près de la moitié du monde du travail - et modifiant profondément le statut de la femme dans la société avec la conquête de droits propres et une meilleure reconnaissance juridique.

Trente ans cependant après la première loi sur l'égalité salariale et vingt après la loi Roudy sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, cette irruption des femmes sur le marché du travail n'a pas débouché sur un recul véritable des disparités entre les femmes et les hommes.

Des inégalités flagrantes perdurent. Les statistiques de l'INSEE en livrent le constat détaillé et de nombreux rapports (2) ces dernières années les ont analysées avec pertinence pour en livrer tous les ressorts, le dernier en date étant le rapport de la Délégation aux droits des femmes du Sénat sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

Les chiffres qui mesurent ces inégalités sont désormais connus. Il n'est pas inutile d'en rappeler quelques-uns. L'écart moyen des rémunérations demeure de 25 %, et l'écart résiduel, de 11 %, traduit une réelle discrimination. Le taux d'emploi particulièrement élevé - 80 % des femmes âgées de 25 à 49 ans travaillent - masque l'importance du temps partiel, 30 % des femmes contre 5 % seulement des hommes ; 80 % des 3,4 millions de salariés travaillant au SMIC ou en dessous sont des femmes. Le chômage les touche davantage que les hommes : 10,8 % contre 7,1 %. Même actives professionnellement, les femmes continuent toujours d'assurer à 80 % les tâches domestiques.

La large prise de conscience, qui s'est faite ces dernières années au niveau politique, de la persistance d'une situation inégale et injuste des femmes dans le travail et l'inapplication patente de la législation, a conduit le Parlement à adopter une nouvelle loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la loi du 9 mai 2001, dite "loi Génisson" (3).

Deux ans après le vote de la loi, la Délégation aux droits des femmes de votre Assemblée, estimant cette loi nécessaire, a souhaité faire le point sur son application dans les entreprises, en recueillant les témoignages des principales organisations syndicales et patronales sur l'état des négociations relatives à l'égalité professionnelle, désormais obligatoires dans les entreprises et dans les branches.

La Délégation, qui a procédé à de nombreuses auditions au cours du printemps 2003, livre ici un rapport d'étape sur le suivi de la loi du 9 mai 2001.

Une dynamique se met peu à peu en place, qui doit conduire à une appropriation du thème de l'égalité professionnelle dans les entreprises. De nouvelles réflexions se font jour sur l'égalité professionnelle. Au-delà du thème des rémunérations apparaissent avec force d'autres urgences : agir en amont sur l'orientation des filles et le choix des métiers, briser la discrimination à l'embauche et dans le cours des carrières, veiller à l'accès à la formation et aux postes de responsabilités, aux conditions de retour à l'emploi, à une meilleure organisation du temps de travail prenant en compte la vie familiale.

Un climat se dégage aujourd'hui plus ouvert à l'égalité professionnelle, avec l'intervention récente des lois sur la parité en politique, l'engagement de la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, l'ouverture récente de la négociation collective sur l'égalité professionnelle et la signature, le 20 septembre dernier, par tous les partenaires sociaux, de "l'accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle", qui comporte des dispositions spécifiques en faveur des femmes et fait explicitement référence à la mise en oeuvre de l'égalité professionnelle dans les entreprises.

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I - LA LOI DU 9 MAI 2001 APPORTE DES INSTRUMENTS NOVATEURS POUR CONSTRUIRE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE DANS LES ENTREPRISES.

A. UNE LOI NÉCESSAIRE

1. Une application modeste de la loi du 13 juillet 1983 dans l'entreprise

La loi du 13 juillet 1983, dite "loi Roudy" a inscrit le principe de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans le code du travail. Vingt ans après, le bilan de son application demeure modeste et ne correspond pas aux espoirs qu'elle avait soulevés.

Plusieurs raisons ont pu être avancées qui tiennent d'une part à la loi elle-même, d'autre part au contexte économique et social. La loi de 1983 n'avait pas prévu de système contraignant. Incitative, elle n'avait pas envisagé de mécanismes coercitifs en cas de non-application. La seule obligation faite aux entreprises était d'élaborer un rapport annuel sur la situation comparée des hommes et des femmes.

Les résultats ont été décevants puisque, en 1999, à peine une entreprise sur deux avait établi ce rapport. Les éléments fournis au moyen d'indicateurs sexués, souvent insuffisants, n'ont pas toujours permis d'identifier réellement les disparités entre hommes et femmes en matière d'emploi. Certains employeurs ont estimé que le bilan social, lourd à établir, contenait déjà des éléments de comparaison sur la situation des hommes et des femmes dans l'entreprise.

Les mesures d'action positives instituées par la loi et prévoyant une aide financière, n'ont guère été suivies d'effet. Depuis 1983, 34 plans d'égalité professionnelle ont été négociés, dont 22 ont bénéficié de financements publics et 1 500 contrats pour la mixité des emplois ont été conclus.

Les partenaires sociaux, par méconnaissance du texte, n'ont pas toujours marqué d'empressement pour faire valoir dans leurs entreprises une véritable politique d'égalité professionnelle. La faible mixité dans les instances de décision - organisations syndicales et patronales, directions des entreprises - n'a pas non plus facilité la prise de conscience des enjeux de l'égalité professionnelle.

D'autres raisons, tenant à la situation économique et aux problèmes de l'emploi durant cette période, ont joué également. L'égalité professionnelle dans les négociations est apparue comme un thème de second plan aux yeux des partenaires sociaux.

2. Peu d'accords conclus au niveau des branches, mais des avancées qualitatives

Malgré le niveau relativement faible du volume des accords conclus au niveau des branches depuis une dizaine d'années, l'égalité professionnelle est néanmoins devenue un thème traditionnel de la négociation collective, d'après le dossier "Une décennie de négociation collective sur l'égalité professionnelle dans les branches" établi par le ministère des affaires sociales du travail et de la solidarité (4).

Le bilan de 13 ans de négociation collective sur l'égalité professionnelle, depuis l'accord national interprofessionnel de 1989 ne fait apparaître que 155 accords signés dans 125 branches, sur un total de plus de 12 000 accords.

Un des premiers effets des accords conclu a été la suppression progressive des clauses discriminatoires portant principalement sur des congés spécifiques ou des conditions particulières de travail en faveur des femmes, en particulier des interdictions du travail de nuit dans certaines branches.

Les dimensions de l'égalité professionnelle ont été traitées de façon globale, ou par thèmes, les congés constituant un thème de négociation privilégié (congé de garde d'enfant malade, de rentrée scolaire, pour élever un enfant ; congé maternité et congé d'adoption), de même que les dispositions relatives aux conditions de travail des femmes enceintes.

En revanche, certains thèmes se sont révélés d'application plus difficile. S'agissant des rémunérations, le principe "à travail égal, salaire égal", est demeuré complexe à mettre en oeuvre - a noté le rapport sur la négociation collective - en raison d'un certain flou dans cette notion, dont les contours n'ont pas encore été totalement délimités, ni par la loi, ni par le juge.

Quant aux accords de classification, ils ont peu intégré la notion d'égalité professionnelle, les lois du 9 mai 2001 et du 16 novembre 2001 étant encore trop récentes pour avoir été prises en compte.

_ Cependant, le rythme des accords de branches ou d'entreprise incluant des clauses d'égalité professionnelle a été en augmentant ces dernières années.

Les négociations relatives à la réduction du temps de travail ont fait émerger, a souligné Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, des questions qui auparavant n'apparaissaient pas ou peu, en particulier les questions liées à l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, à la précarité et au temps partiel. Ainsi des accords exemplaires ont été passés avec le groupe Carrefour limitant de façon drastique le temps partiel dans l'entreprise, et avec le groupe Penauille, qui a sensiblement augmenté le nombre d'heures hebdomadaire dans les contrats de travail à temps partiel.

Des branches professionnelles, soucieuses du développement et des performances des entreprises ont su intégrer l'égalité professionnelle dans les accords. Ainsi, la Fédération de la plasturgie dès 1995 a signé une convention avec le ministère du travail et le ministère chargé du droit des femmes pour promouvoir, dans ce secteur, le travail des femmes, en majorité non qualifiées, par des actions d'embauche, d'information et de formation.

B. DES INSTRUMENTS NOVATEURS DANS LA LOI DU 9 MAI 2001

1. Une obligation de négocier sur l'égalité professionnelle

_ Au sein de l'entreprise, l'égalité professionnelle est intégrée dans la négociation annuelle obligatoire.

La négociation, qui s'engage soit à l'initiative de l'employeur, soit à la demande d'un syndicat représentatif à défaut d'initiative de l'employeur, peut porter sur l'embauche, la formation, la promotion, l'organisation et les conditions de travail.

La négociation s'appuie sur un préalable : le rapport de situation comparée sur les conditions générales d'emploi et de formation des femmes et des hommes. Ce dernier est élaboré à partir d'indicateurs pertinents, définis par le décret du 12 septembre 2001.

Le rapport de situation comparée, soumis pour avis au comité d'entreprise, permet aux négociateurs d'apprécier les situations respectives des femmes et des hommes et de prendre les mesures d'égalité les plus appropriées.

Tous les ans, l'employeur doit engager la négociation. Si celle-ci aboutit, la périodicité de la négociation est portée à trois ans.

La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle est obligatoire au même titre que l'obligation annuelle de négocier sur les salaires, le non-respect de cette obligation par l'employeur faisant l'objet de sanctions. Toutefois il n'y a pas obligation de conclure la négociation.

_ Au niveau de la branche, l'égalité professionnelle est également un thème obligatoire de la négociation, au moins une fois tous les trois ans.

L'objectif d'égalité doit être pris en compte dans la négociation annuelle portant sur les salaires, ainsi que dans les négociations quinquennales sur les classifications ou la formation professionnelle.

La négociation de branche apporte ainsi aux salariés des garanties collectives sur l'égalité, adaptée aux réalités économiques et sociales du secteur professionnel.

2. Une grande innovation : les indicateurs pertinents

- Les indicateurs pertinents sont des données chiffrées qui permettent de rendre plus lisible la situation professionnelle des femmes et des hommes en matière d'embauche, de formation, de promotion, de qualification, de classification, de conditions de travail et de rémunération au cours de l'année écoulée.

Ils constituent une grille de lecture commune à toutes les entreprises, à partir de statistiques sexuées exprimées en pourcentage et sont regroupés autour de quatre grands thèmes (voir tableau p. 69 et 70) :

- Conditions générales d'emploi

- Rémunérations

- Formation

- Conditions de travail.

TABLEAU DES INDICATEURS

(Décret n° 2001-832 du 12 septembre 2001 portant application de l'article 1er de la loi n° 2001-397 du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes
et les hommes et modifiant le code du travail)

1. CONDITIONS GÉNÉRALES D'EMPLOI

Effectifs :

Données chiffrées par sexe

· Répartition par catégorie professionnelle selon les différents contrats de travail

· Pyramide des âges par catégorie professionnelle

Durée et organisation du travail :

Données chiffrées par sexe

· Répartition des effectifs selon la durée du travail : temps complet, temps partiel > à 50 % ou < ou égal à 50 %

· Répartition des effectifs selon l'organisation du travail : travail posté, travail de nuit, horaires variables, travail atypique dont travail durant le week-end__

Données sur les congés :

Données chiffrées par sexe

· Répartition par catégorie professionnelle selon : le nombre et le type de congés dont la durée est supérieure à six mois : compte épargne temps, congé parental, congé sabbatique

Données sur les embauches et les départs :

Données chiffrées par sexe

· Répartition des embauches par catégorie professionnelle et type de contrat de travail

· Répartition des départs par catégorie professionnelle et motifs : retraite, démission, fin de CDD, licenciement

Positionnement dans l'entreprise :

Données chiffrées par sexe

· Répartition des effectifs selon les niveaux d'emplois définis par les grilles de classification au sens des conventions collectives

Promotions :

Données chiffrées par sexe

· Répartition des promotions au regard des effectifs de la catégorie professionnelle

· Nombre de promotions suite à une formation

2. RÉMUNÉRATIONS

Données chiffrées par sexe, et selon les catégories d'emplois occupés au sens des grilles de classification ou des filières/métiers

· Eventail des rémunérations

· Rémunération moyenne mensuelle

· Nombre de femmes dans les dix plus hautes rémunérations

3. FORMATION

Données chiffrées par sexe

Répartition par catégorie professionnelle selon :

· la participation aux actions de formation

· la répartition par type d'action : formation d'adaptation, formation qualifiante, congé individuel de formation, formation en alternance

· le nombre moyen d'heures d'actions de formation

4. CONDITIONS DE TRAVAIL

Données générales par sexe

Répartition par poste de travail selon :

· l'exposition à des risques professionnels

· la pénibilité dont tâches répétitives

Ces indicateurs, accompagnés le cas échéant de données explicatives, permettent de faire des propositions mieux étayées en vue de réduire les écarts constatés et peuvent être complétés par des indicateurs spécifiques à chaque entreprise et à la branche d'activité considérée.

- Ces informations sont largement diffusées. Communiquées au comité d'entreprise qui rend un avis motivé, elles sont également transmises aux délégués syndicaux, à l'inspection du travail et aux salariés par voie d'affichage sur les lieux du travail.

- Un guide d'appui à la négociation au sein des entreprises et des branches "Agir pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes", très complet, mis au point, à l'initiative du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, par le ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle, apporte aux responsables de la négociation des outils précieux de sensibilisation et de soutien méthodologique. "Le guide d'appui, a souligné Mme Marie-France Boutroue, conseillère à la CGT, constitue ce qui peut se faire de mieux en termes d'examen pratique des situations."

3. Une aide de l'Etat

_ Une aide financière de l'Etat (décret du 8 novembre 2001) soutient des actions à caractère exemplaire apportant une amélioration significative de la place des femmes dans la branche professionnelle ou l'entreprise, en matière d'embauche, de formation, de promotion, d'organisation du travail.

Un contrat, souscrit entre l'Etat, représenté par le Préfet de région ou le ministre chargé des droits des femmes, et l'employeur ou une organisation professionnelle, précise les engagements de l'employeur, le montant de l'aide de l'Etat, les modalités de contrôle de la réalisation des engagements, l'évaluation et l'information sur les actions réalisées.

L'Etat prend en charge une partie du coût de la mise en œuvre de ces actions. Les bénéficiaires en sont les PME de moins de 250 salariés.

_ Une aide au conseil complète le contrat d'égalité professionnelle par la prise en charge partielle du coût de l'intervention d'un conseil extérieur à l'entreprise, qui, par exemple, effectuera un diagnostic sur l'état de l'égalité professionnelle dans l'entreprise, ou une étude sur tel projet ou opération.

_ Le contrat pour la mixité des emplois apporte une aide financière de l'Etat à l'employeur qui favorisera la diversification des emplois occupés par les femmes, au niveau de l'embauche, de la mutation ou de la promotion des femmes dans l'entreprise.

_ Le Fond social européen peut également apporter des financements complémentaires.

4. Une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les élections professionnelles

_ Aux élections prud'homales

La composition de conseils de prud'hommes issus des élections de 1997 pour le collège des salariés révèle un écart important entre le pourcentage des électrices et celui des élues : 44 % contre 22 %, soit deux fois moins d'élues que d'électrices.

Afin de pallier cette sous représentation des femmes, la loi prévoit  que "les organisations syndicales présentant des listes de candidats devront faire en sorte de présenter une proportion de femmes et d'hommes réduisant d'un tiers, par rapport au précédent scrutin, l'écart entre la représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral selon des modalités propres à favoriser la progression du pourcentage de femmes élues."

_ Dans les entreprises

Pour les élections des délégués du personnel et des représentants au comité d'entreprise, les organisations syndicales devront rechercher, lors de la négociation des protocoles d'accord préélectoraux, une représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidatures.

A la différence de la loi sur la parité en politique, la loi du 9 mai 2001 n'est qu'incitative. Elle n'impose ni obligation, ni sanction.

Le législateur, comme l'a rappelé Mme Catherine Génisson lors de l'audition par la Délégation de Mme Simone Vaidy , déléguée nationale de la CEE-GCC, n'a pas souhaité aller plus loin et a laissé aux partenaires sociaux le soin d'assurer progressivement une meilleure représentation des femmes au sein de l'entreprise dans les instances de négociation.

C. UN CONTEXTE RÉCENT PLUS FAVORABLE

1. Un engagement actif de la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle

Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, s'est fortement engagée pour la promotion de l'égalité professionnelle.

Après la présentation en Conseil des ministres des vingt-cinq propositions pour l'égalité professionnelle en juillet 2002, Mme Nicole Ameline a organisé sur ce thème une réunion de concertation avec les partenaires sociaux en décembre 2002, puis une Conférence de l'égalité en mars 2003, à l'occasion de la journée de la femme, qui lui a permis de préciser de nouveaux champs d'action.

En matière d'égalité des chances et en amont du marché du travail, un partenariat avec le ministère de l'éducation nationale devrait permettre d'élargir les choix professionnels des jeunes filles vers des filières traditionnellement masculines et porteuses de débouchés sur le marché du travail. Une vaste campagne nationale de sensibilisation de l'opinion, en particulier des élus et des acteurs économiques, devrait être lancée en 2004 sur ce thème, relayée par des actions locales de terrain.

Un label "égalité" pour les entreprises qui prennent le mieux en compte l'égalité professionnelle dans leurs activités, devrait être mis au point, ainsi qu'un concept de "parentalité" dans l'entreprise, et la diffusion de bonnes pratiques pour promouvoir l'égalité professionnelle.

Une Charte nationale de l'égalité devrait enfin permettre de recenser les engagements des différents acteurs concernés et la mise en commun de leurs évaluations.

2. Le contexte juridique européen

Le droit et la jurisprudence communautaires ont créé progressivement des conditions favorables à une prise en compte de l'égalité professionnelle dans les Etats-membres et contribué ces dernières années en France à l'intégration dans la législation des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement entre hommes et femmes.

L'égalité salariale reconnue depuis longtemps par les traités européens est devenue progressivement une égalité de traitement, intégrée dans les objectifs du traité d'Amsterdam et traduite par plusieurs directives. La dernière en date, la directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002, actualise une directive de 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles et les conditions du travail. Elle élargit la notion de discrimination et rappelle que l'égalité de traitement "implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe soit directement, soit indirectement par référence, notamment à l'état matrimonial ou familial" et, à ce titre, interdit le harcèlement sexuel.

Le plus large champ d'application est reconnu au principe de l'égalité de traitement, en matière d'accès à l'emploi, de formation professionnelle, de conditions de travail, avec des dérogations précises en vue de protéger les femmes, notamment en cas de grossesse et de maternité. En cas de discriminations, la directive précise les sanctions et les conditions d'indemnisation, et prévoit pour les associations la possibilité d'une action judiciaire.

L'une des dispositions de la directive recommande, dans chaque Etat-membre, la désignation d'organismes spécialisés en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe. Pour la France, la transposition dans les délais prévus, soit avant le 5 octobre 2005, de ces dispositions, devrait impliquer la création d'une autorité indépendante chargée de la surveillance des discriminations.

La loi du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations, constitue une avancée importante. Elle complète la loi du 9 mai 2001 et vise à mieux protéger les salariés tout au long de leur vie professionnelle. Elle apporte notamment une protection dans la procédure au demandeur qui s'estime victime de discrimination liée au sexe. Cette disposition trouve son origine dans la directive 97/80/CE du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe. Désormais, en cas de présomption d'une discrimination directe ou indirecte, c'est à l'employeur qu'il incombe de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement. Par ailleurs, les organisations syndicales représentatives pourront ester en justice en cas de mesure discriminatoire directe ou indirecte en milieu professionnel.

II - LA LOI DU 9 MAI 2001 DOIT CONDUIRE À LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UNE DYNAMIQUE DE LA NÉGOCIATION ET À L'APPROPRIATION DU THÈME DE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE DANS LES ENTREPRISES

A. LA MISE EN PLACE PROGRESSIVE D'UNE DYNAMIQUE

1. Un lent démarrage

_ Le mouvement vers l'égalité professionnelle engagé par la loi du 9 mai 2001 se met lentement en marche, depuis la parution des deux décrets d'application du 12 septembre et du 8 novembre 2001.

Etant donné le rythme annuel des négociations dans les entreprises et dans les branches, la dynamique de la négociation sur l'égalité professionnelle n'a pu réellement être lancée que fin 2002 et une première évaluation d'ensemble ne pourra être réalisée qu'en 2004. Certaines organisations syndicales estiment même qu'il faudra bien deux ou trois ans avant de pouvoir la mener à bien.

"Nous ne sommes certainement qu'au début du mouvement" ..."le dossier n'avance pas vite" a reconnu la CFDT, tandis que la CFE-CGC a considéré que la loi sur l'égalité professionnelle "est une bonne loi", mais qu'il faudra un certain temps avant que les comités et les responsables syndicaux puissent l'analyser et se l'approprier.

Pour sa part, Mme Françoise Andrieu, membre de la commission sociale de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), interrogée par la Délégation sur l'application de la loi a souligné le manque de statistiques fiables sur ce point.

Pour la CFTC, ..."le rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes de 2002 n'est pas bouclé dans les entreprises. Il ne nous a pas encore été présenté, alors qu'on est fin mars 2003".

_ Des organisations syndicales cependant font état de "remontées" positives et de l'ouverture de négociations en entreprises. Les informations sont toutefois encore fragmentaires et ne rendent pas possible la mise au point d'un tableau d'ensemble de ces initiatives.

Après avoir relevé, en 2001, seulement dix avenants et deux accords professionnels de branche sur l'égalité professionnelle, la CGT-FO a eu néanmoins des contacts sur le sujet avec des grandes entreprises, notamment la RATP, la SNCF, la Société générale, Air France, le Groupe PSA, Sanofi, Transports publics de Lyon, Eurocopter ... La SNECMA, pour sa part, met en place un plan de rattrapage salarial entre femmes et hommes et le Groupe PSA en Lorraine accomplit un sérieux effort dans ce domaine.

La CFDT a signalé des négociations intéressantes au Crédit mutuel de la Loire-Atlantique, à la GMF, chez Nestlé et mentionné un travail entrepris dans des filières administratives très féminisées, les difficultés pour parvenir à l'égalité professionnelle étant souvent plus grandes dans des branches entièrement féminisées, car la situation des femmes y est la moins bonne.

De grandes entreprises, cependant, ont déjà engagé ces dernières années des négociations en faveur de l'égalité professionnelle. La loi de 2001 leur donne une impulsion supplémentaire.

Ainsi la CFDT, dans son guide de la négociation, a cité l'accord GMF Assurances de 2002 et, dans son guide à l'intention des cadres, a présenté des fiches critiques sur les accords d'égalité professionnelle passés avec quelques grandes entreprises, comme Nestlé-France, Schlumberger, Hewlet-Packard.

Pour sa part, Mme Christina Lunghi, présidente de l'association Arborus pour la promotion du droit des femmes, dans son livre "L'égalité professionnelle en pratique" (5), a donné en exemple les réflexions approfondies menées au sein d'EDF depuis plusieurs années sur l'égalité professionnelle, préalable favorable aux négociations prévues par la loi. De même, sont évoquées les politiques volontaristes menées à Air Liquide, à GEMS (General Electric Medical Systems) et à la CNCM (Confédération nationale du crédit mutuel).

2. Une mobilisation des organisations syndicales

Depuis quelques années, les organisations syndicales, ont progressivement engagé une réflexion sur l'égalité professionnelle, grâce aux efforts des femmes dans leurs instances. Avec la loi du 9 mai 2001, elles se sont véritablement "appropriées" le thème. Une vaste prise de conscience se développe depuis le sommet des confédérations jusqu'aux sections locales

_ Initiatives syndicales

- Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la CFDT, a reconnu que le dossier n'avançait pas vite : en 1998, seulement 1 % des accords signés par la CFDT concernait des questions d'égalité professionnelle. Aussi des actions volontaristes ont été engagées, notamment avec la création de "100 sections pour l'égalité professionnelle" et la mise au point d'un outil de formation.

Pour répondre aux demandes des équipes syndicales, la Confédération a mis en place en mars 2003 un lieu d'appui-conseil à la négociation, avec la commission confédérale femmes et le réseau égalité professionnelle-mixité, qui propose des aides à la formation et à la négociation, l'élaboration d'une stratégie syndicale, des contacts avec d'autres partenaires (en particulier le service des droits des femmes).

Au niveau régional, une expérience pilote a été conduite en Bretagne, avec la création d'une chargée de mission à l'égalité professionnelle, dont le poste est financé par une convention tripartite, CFDT, direction régionale du travail et de l'emploi, délégation régionale aux droits des femmes. L'objectif est de former sur le terrain des déléguées syndicales à l'analyse des situations comparées. Pour l'instant, 104 sections d'établissements ont été contactées, seize rencontres organisées avec un cycle de formation et neuf négociations ouvertes, en particulier dans l'agroalimentaire et les banques.

- A la CFTC, l'implication du syndicat sur le sujet est forte. Mme Pascale Coton, présidente, et Mme Dominique Bourgeais, membre de la commission Equité entre hommes et femmes, ont longuement exposé les réflexions du syndicat en la matière. De nouvelles orientations s'imposent aujourd'hui, notamment dans les choix professionnels des jeunes filles, la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, les inégalités en matière de retraite, le retour à l'emploi des femmes après un congé maternité ou parental...

- Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la CGT-FO, a exposé devant la Délégation le long combat mené pour faire admettre en interne le dossier de l'égalité professionnelle et organiser des formations sur le sujet (par exemple, des stages à l'Institut du travail de Strasbourg) principalement à l'intention des femmes, mais en respectant une certaine mixité. Dans toutes les unions départementales ont été créées des commissions "Egalité" à partir d'un réseau d'hommes et de femmes motivés. Au sein de la Confédération, existe maintenant une commission Egalité avec une commission spécifique sur l'égalité professionnelle. Un guide de la négociation sur l'égalité professionnelle a été élaboré et une cellule de veille chargée d'apporter aide et conseil aux fédérations ou unions départementales confrontées à la négociation a été mise en place.

- Pour Mme Marie-France Boutroue, conseillère à la CGT, la participation des femmes aux débats sur l'égalité professionnelle est un aiguillon indispensable et si, dans les années quatre-vingts, l'égalité professionnelle a peu progressé, c'est en partie parce qu'à cette époque les organisations syndicales étaient à dominante masculine. Aussi, depuis 1999, la CGT a-t-elle imposé la parité dans ses instances dirigeantes - Bureau confédéral et commission exécutive - et a cherché à coopérer avec les associations engagées dans les droits des femmes. Le collectif confédéral Femmes-mixité, relayé par de nombreux collectifs fédéraux ou locaux, a mené des campagnes d'information (en 2001, une campagne sur les inégalités de salaires appuyée sur l'ouvrage "Vous avez dit égalité"). Des stages de formation sont organisés, pour mieux appréhender les enjeux de la négociation et, face aux employeurs, veiller à ce que soient respectés les objectifs fixés par la loi.

_ Mise au point de guides pratiques de négociation

Des organisations syndicales, parallèlement au guide d'appui à la négociation au sein des entreprises et des branches élaboré par le ministère délégué à la parité et à l'égalité professionnelle, ont tenu à publier leurs propres guides pratiques.

- Le manuel de la CGT-FO : "Construire l'égalité professionnelle, guide de négociation" met à la disposition des syndicalistes des outils concrets et une méthode pour engager la nouvelle négociation obligatoire.

Afin de bien lire le rapport de situation comparée sont soulignés pour chaque indicateur les éléments d'analyse des données chiffrées, les bonnes questions à poser et les liens à établir avec d'autres indicateurs. A partir des discriminations ainsi dégagées sur les lieux de travail, sont recensés les principaux thèmes de revendication à faire valoir en matière d'égalité professionnelle (égalité salariale, mixité dans l'emploi, égalité et temps de travail...).

- La CFDT, en juin 2002, a d'abord mis au point un guide à l'intention des cadres : "Négocier l'égalité professionnelle des carrières chez les cadres", offrant aux équipes syndicales un appui concret à l'intervention en entreprise (recherche d'informations, mobilisation des salariés, groupe de travail et d'analyse avec les salariés, intervention auprès de la direction, programme d'actions, suivi et évaluation). Ce premier document a été suivi, début 2003, d'un guide "Négocier l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes", avec pour ambition, dans la ligne de la "loi Génisson", d'apporter aux équipes syndicales des outils pour connaître et comprendre la situation des hommes et des femmes, analyser les différences et agir par la négociation.

_ A côté des engagements syndicaux, des initiatives pour l'égalité professionnelle émanant de femmes en entreprises, en particulier de femmes cadres, doivent être soulignées.

Ainsi, l'ouvrage de Christiane Lunghi, présidente de l'association Arborus : "L'égalité professionnelle en pratique", offre un guide méthodologique d'application de la loi, permettant notamment d'élaborer le rapport de situation comparée de l'entreprise avec l'aide d'un logiciel "Pack égalité professionnelle", destiné principalement aux directions des entreprises qui doivent se mettre en conformité avec la loi et se préparer à la négociation.

- Des associations de femmes cadres dans de grandes entreprises, comme "Eberluette" à France Télécom, mettent en place des stratégies d'égalité professionnelles visant à promouvoir des femmes cadres de haut niveau aux postes de responsabilités. Des réseaux, des solidarités se constituent à partir d'associations de femmes juristes, de diplômées de grandes écoles ou de l'université.

_ Amélioration de la place des femmes dans les élections professionnelles

- S'agissant des élections prud'homales, les organisations syndicales ont attaché beaucoup d'importance aux objectifs fixés par la loi du 9 mai 2001 visant à réduire l'écart entre la représentation principalement des femmes sur les listes des candidats aux élections et leur part dans le corps électoral, et à favoriser le pourcentage de femmes élues.

Lors des élections du 11 décembre 2002, une nette progression des femmes a été enregistrée, au niveau des candidatures, comme au niveau des élues, selon les chiffres communiqués par les organisations syndicales.

CGT : 40 % de candidates (22 % en 1997) ; 31 % d'élues ;

CFDT : 37 % de candidates ; 30 % d'élues (21 % en 1997) ;

CFTC : 36 % de candidates ; 29 % d'élues (22 % en 1997) ;

FO : 32,79 % de candidates ; 26,31 % d'élues (22,83 % en 1997) ;

CGC : 34 % de candidates ; 16 % d'élues.

La CGT a souligné à cet égard : "Pour parvenir à ce résultat, il nous a fallu débattre dans les unions départementales et dans les syndicats pour que des militants laissent leur place et pour faire émerger des jeunes, ce qui a représenté un très gros travail".

- Pour les élections au sein de l'entreprise, la loi n'impose pas d'obligation de parité, mais incite à une représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes de candidatures au comité d'entreprise et aux délégués du personnel.

Il n'est pas normal, en effet, que dans les entreprises employant majoritairement des femmes, celles-ci soient représentées majoritairement par des hommes au comité d'entreprise. Mme Chantal Kreise-Coutaud, secrétaire générale et directrice associée du groupe AXCESS, a souhaité, à cet égard, une réelle parité dans les comités d'entreprise et chez les délégués du personnel. "Il m'est fréquemment arrivé, alors que je présidais des comités d'entreprise employant 80 % de femmes de me retrouver devant 80 % d'hommes. C'est un vrai problème" ... "Si l'on veut faire évoluer les mentalités des chefs d'entreprise, qui sont souvent des hommes, il faut qu'ils sachent quel regard les femmes portent sur leur entreprise ...".

Les employeurs seraient plus attentifs, en présence de femmes élues, au rapport de situation comparée, aux conditions de travail et de rémunération et à tout ce qui concerne l'égalité professionnelle.

Il serait hautement souhaitable qu'à l'occasion des élections au comité d'entreprise et aux délégués du personnel, les organisations syndicales s'efforcent de respecter la proportion d'hommes et de femmes salariées dans l'entreprise.

Il ne faut pas minimiser néanmoins les difficultés soulignées par certaines représentantes syndicales à obtenir des candidatures de femmes sur les listes : problèmes de disponibilité, appréhension devant l'adhésion syndicale, doute quant aux compétences, etc...

B. L'APPROPRIATION DU THÈME DE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE PAR LES ENTREPRISES

1. Une appréciation d'ensemble positive de la part des syndicats, malgré les difficultés soulignées

a) Une appréciation positive

_ Les organisations syndicales entendues par la Délégation ont toutes souligné que la loi du 9 mai 2001 était une loi répondant aux aspirations syndicales et en adéquation avec la situation de l'égalité professionnelle dans les entreprises.

_ L'obligation de négocier est perçue positivement : "La "loi Génisson" ouvre une nouvelle opportunité, car elle oblige les entreprises à inclure le thème de l'égalité professionnelle dans les négociations obligatoires" selon Mme Annie Thomas. Cependant, "il y a obligation d'ouvrir une négociation, mais pas de la conclure , même si, bien entendu ce serait contraire à l'esprit de la loi".

L'obligation doit donc être contrôlée et rappelée par les inspecteurs du travail.

_ Plus que de sanctions, c'est de soutiens dont ont besoin les négociations sur l'égalité professionnelle, car a souligné la CFDT, "ce sont des négociations sensibles et difficiles à mener, qui font référence à la situation des hommes et des femmes au travail et dans la société, à tous les stéréotypes". Un travail de sensibilisation et de contacts doit être mis en place à tous les niveaux : Parlement, ministère du Travail, service des droits des femmes et ses antennes décentralisées, régions.

Des initiatives sont prises en régions. En Lorraine, le programme "Défi - Des emplois industriels pour les femmes", a été mis en place dès 2001 par l'association régionale pour l'amélioration des conditions de travail (ARACT), dans le cadre d'un vaste partenariat regroupant acteurs institutionnels, principalement la région, et acteurs économiques. Il a pour but d'aider les entreprises industrielles à trouver des réponses nouvelles à leurs besoins en termes de recrutement et à donner aux femmes l'opportunité d'occuper des emplois industriels traditionnellement "masculins". Le programme destiné initialement aux entreprises de la filière automobile et aux entreprises de travail temporaire a permis l'entrée de femmes dans ces groupes à dominante masculine, entraînant notamment une réflexion sur l'ergonomie et une augmentation de la productivité dans les secteurs où les femmes ont été insérées.

Le conseil régional Midi-Pyrénées, pour sa part, a créé un "Prix égalité professionnelle 2003" dans le but de sensibiliser et de favoriser l'égalité hommes-femmes dans les entreprises et de mettre en valeur les expériences conduites dans la région.

A noter également la politique active de la région Rhône-Alpes, dont la présidente a fait du thème de l'égalité des chances une de ses priorités, en signant, le 8 novembre 2002, un plan régional de l'égalité des chances. La région s'est proposée de susciter et financer des actions dans tous ses domaines de compétences (formation tout au long de la vie, accès aux métiers scientifiques et techniques, culture, développement des entreprises, sans négliger l'agriculture, la politique de la ville et des transports).

_ Les indicateurs pertinents sont considérés comme des outils indispensables pour évaluer et promouvoir l'égalité professionnelle. Ils nécessitent cependant, pour être correctement analysés, une bonne formation des négociateurs syndicaux, intégrant les problèmes de l'égalité professionnelle, ce qui pose, a souligné la CGT, des problèmes de financement.

"Les négociateurs ont besoin de formation" a affirmé la CFDT. "Il est en effet très difficile de rassembler, à travers des documents divers - que l'on vous donne ou non d'ailleurs - les informations importantes, et d'être capable d'en déduire, par exemple, que le problème réside dans l'accès à la formation ou dans les primes. Il s'agit d'un véritable travail de détectives pour nos équipes, dans un environnement difficile".

Conscients des enjeux, les organisations syndicales se sont mobilisées et depuis quelques années ont mis en place - on l'a vu plus haut - des actions de formation et de sensibilisation de leurs responsables à tous les niveaux.

_ La mixité des équipes de négociation est également indispensable. Les syndicats insistent à cet égard sur la mixité nécessaire du comité d'entreprise et de la commission pour l'égalité professionnelle, instituée par le comité d'entreprise dans les entreprises de plus de deux cents salariés.

b) Des difficultés

Les difficultés de la négociation à partir de la présentation du rapport de situation comparée basé sur les indicateurs pertinents ne sont pas occultées. Elles sont de deux ordres : difficultés pour obtenir les informations et difficultés pour interpréter les données.

La CGT a évoqué la difficulté "à obtenir des documents des employeurs qui, le plus souvent, remettent des dossiers qui ne contiennent rien, ce qui impose de revenir à la charge et de redemander de travailler sur les indicateurs", et n'a pas hésité à parler de "rétention d'informations".

Une fois les documents obtenus, il faut pouvoir les analyser, vérifier les chiffres, faire des comparaisons, relever éventuellement les lacunes, demander des compléments d'informations.

La CFDT a souligné "la difficulté de construire un tableau de situation comparée". A son avis, "il serait utile d'intervenir afin de simplifier cela et de déterminer un fléchage cohérent". Des objectifs précis à quatre ou cinq ans devraient être fixés à partir de critères nationaux pertinents, par exemple, faire baisser l'inégalité salariale de 27 % à 18 %. Ils permettraient de mesurer l'efficacité de la loi.

La CFE-CGC, pour sa part, a constaté : "La première année, l'entreprise, plus ou moins consciencieusement, remplit tous les indicateurs. Mais une fois que vous avez ces indicateurs, qu'en faites-vous ? C'est là que les choses se corsent, parce que vous n'avez pas de références pour juger de l'évolution de la situation, ni de connaissances sur ce qu'il conviendrait d'exiger en plus".

"A nous donc de les examiner, de les décrypter, de dire ce qui est utile ou non et quel nouvel indicateur il convient de créer au niveau de chaque entreprise. Ce dernier point est absolument essentiel, parce que c'est à partir des indicateurs spécifiques à l'entreprise qu'il sera possible de juger si l'ensemble évolue ou pas et de mettre en exergue ce qui va bien ou ce qui ne va pas."

2. Les réserves des organisations patronales

Si les organisations patronales entendues par la Délégation adhèrent à l'objectif d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises, elles divergent, par rapport aux organisations syndicales, quant aux méthodes à mettre en œuvre pour y parvenir.

La loi du 9 mai 2001, qui leur impose des contraintes, perçues comme excessives, ne leur paraît pas le meilleur moyen d'accéder à cet objectif.

_ La CGPME a considéré que "les résultats les plus concrets en matière d'égalité professionnelle ne résulteront pas d'une accumulation de règles contraignantes, toujours plus complexes et assorties de sanctions".

Aujourd'hui, selon Mme Françoise Andrieu, membre de la commission sociale de la CGPME, "les chefs d'entreprise ont déjà beaucoup de mal à "digérer" les trente cinq heures. Si on leur ajoute encore des contraintes assorties de sanctions, le message ne passera pas, et il ira à l'inverse de ce que nous souhaitons tous. Il convient, au contraire, de procéder par des incitations en direction des PME et des très petites entreprises qui sont l'élément moteur de l'emploi".

A son avis, le cadre fixe est trop rigide par rapport à la diversité des entreprises. Il y a de grandes différences entre une très petite entreprise et une entreprise de 500 salariés. Les petites entreprises, ainsi que certaines branches, risquent d'avoir des difficultés. Il ne faut pas faire "du systématique" et laisser le temps aux entreprises.

Par ailleurs, si la démarche de concertation vers la conclusion d'accords de branche apparaît pertinente, a estimé la CGPME, en revanche, une négociation d'ensemble, intégrant l'égalité professionnelle, vers un accord national interprofessionnel risque d'aboutir à la création de strates de réglementation, certes de nature conventionnelle, mais dont on peut craindre les effets.

_ Le MEDEF, tout en approuvant sans réserve l'objectif de progression de l'égalité professionnelle, a regretté "la nouvelle immixtion du législateur dans le dialogue social que constitue la création par la loi du 9 mai 2001 d'une obligation légale de négocier sur ce thème dans les entreprises et les branches professionnelles". Il a estimé en outre "que cet enjeu réel méritait d'autres moyens que le recours à toujours plus de contraintes, de formalisme et de répression" (6).

Mme Martine Clément, membre du MEDEF, a estimé devant la Délégation que l'emploi des femmes est un enjeu stratégique, un sujet majeur pour l'avenir de la société et des entreprises, puisqu'à partir de 2006, pour des raisons démographiques, le taux d'emploi des femmes, déjà élevé, devra encore s'accroître. Mais, a-t-elle rappelé, dès les travaux préparatoires de la "loi Génisson", le MEDEF avait marqué son opposition à cette démarche législative, estimant que ce n'était pas en créant des normes nouvelles et des contraintes supplémentaires pour les entreprises que pourrait avancer l'égalité professionnelle.

Au demeurant, d'autres dossiers plus importants ont été ouverts, celui de l'assurance-chômage, de la formation professionnelle, de la santé au travail et des retraites et il y a eu peu de demandes des organisations syndicales sur le sujet de l'égalité professionnelle au niveau des négociations de branche.

Le bilan social, qui existe déjà, comporte de nombreux éléments de comparaison entre la situation des hommes et des femmes. Cependant, a souligné Mme Martine Clément, il suscite peu d'intérêt. "Ce n'est pas en faisant des tableaux que l'on pourra modifier [les importantes disparités qui existent,] mais en trouvant des formules pour qu'au moment de la promotion, les employeurs aient le désir de promouvoir des femmes ou pensent à le faire, ce qui - c'est notre conviction - n'est pas le cas actuellement. Ce n'est pas par décret que cela se réglera. C'est une culture qu'il faut faire venir".

Cependant, Mme Catherine Martin, directrice adjointe des relations sociales du MEDEF, a tenu à préciser : "Nous n'avons jamais dit que nous ne voulions pas appliquer [la loi]. Nous avons donné aux personnes chargées de communiquer auprès des entreprises les moyens juridiques d'appliquer la loi." En tout état de cause, le MEDEF estime qu'il est trop tôt pour avoir des remontées sur l'application de la loi, dans la mesure où les personnes concernées ne se la sont pas appropriée.

Le MEDEF privilégie néanmoins une autre méthode, celle de la négociation collective. Dans le cadre de la "Refondation sociale" qu'il a engagée, l'égalité professionnelle est un des cinq thèmes majeurs retenus en 2002. Les premières négociations, d'ordre général, entre les partenaires sociaux concernant l'égalité professionnelle se sont ouvertes en juin 2003 et doivent se poursuivre à l'automne avec la constitution de plusieurs groupes de travail sur les problèmes clefs de l'égalité professionnelle comme l'accès aux postes de responsabilité et le déroulement des carrières ou la conciliation vie professionnelle/vie familiale.

III - LA LOI DU 9 MAI 2001 DOIT INCITER À DE NOUVELLES RÉFLEXIONS SUR L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE

La loi du 9 mai 2001, même si son application concrète est lente à se mettre en place, a pour effet d'inciter à de nouvelles réflexions sur l'égalité professionnelle.

Au-delà de la revendication de l'égalité en matière de rémunération, ancienne et récurrente, analysée en profondeur par Mme Gisèle Gautier, sénateur, dans le rapport de la Délégation aux droits des femmes du Sénat, les auditions ont permis de dégager quelques grands thèmes prioritaires qui permettraient de faire avancer l'égalité professionnelle.

_ En matière de rémunération : débusquer les anomalies, obtenir un rattrapage salarial, réfléchir à la pénibilité

Les indicateurs pertinents mis en place par la loi du 9 mai 2001 devraient permettre de mieux débusquer les inégalités salariales dans l'entreprise, pour les corriger et fixer ensuite des objectifs de rattrapage.

Certaines branches attribuent au travail à temps partiel - principalement féminin - des taux horaires inférieurs à ceux du travail à temps plein. Ces anomalies doivent être corrigées.

Dans certains secteurs de la métallurgie, où d'importantes disparités de salaires pour un même travail et une même ancienneté, ont été constatées, un important effort de rattrapage salarial a été entrepris.

L'ensemble de la rémunération devra être pris en compte et non seulement le salaire. "L'attribution des primes, a remarqué la CFTC, répond parfois à des critères discriminants ; ainsi les manutentionnaires - souvent des hommes - bénéficient d'une prime de pénibilité que personne ne songera à leur contester. Mais la personne qui est aide-soignante, en gériatrie par exemple, n'en bénéficie pas, alors que son travail comporte à l'évidence le port de charges lourdes que sont les malades. Il n'est mentionné nulle part, dans son contrat ou sur sa fiche de paie, qu'elle effectue un travail pénible."

"Autant il existe des primes de pénibilité, autant il n'existe pas de prime de précision. Alors que l'on reconnaît que l'on embauche des femmes dans certains secteurs d'activités parce qu'elles sont plus précises, plus minutieuses, plus attentionnées, parce que ce sont des qualités "naturellement" attribuées aux femmes, les employeurs et les conventions estiment que ce n'est pas rémunéré, puisque c'est naturel."

Une réflexion doit s'engager sur la notion de pénibilité physique, jusqu'à présent attachée principalement au travail masculin, et qui
- compte-tenu de la mécanisation de nombreuses tâches - n'est plus un critère suffisant pour départager le travail entre les hommes et les femmes et justifier les différences de traitement dans les classifications professionnelles des conventions collectives (
7).

_ La recherche de l'égalité professionnelle doit faire intervenir des facteurs qui se situent en amont de l'entrée des femmes dans l'entreprise, comme l'orientation des filles, le choix des filières proposées, les conditions d'embauche.

Ensuite dans la carrière des femmes, d'autres éléments interviennent comme la question du retour à l'emploi, la formation professionnelle, l'accès aux responsabilités, l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

La Délégation a recueilli sur ces différents points des réflexions et a proposé les pistes d'action les plus urgentes.

A. EN AMONT, AGIR SUR L'ORIENTATION DES FILLES, ÉLARGIR LE CHOIX DES FILIÈRES, ÊTRE ATTENTIF À L'EMBAUCHE

1. Agir sur l'orientation des filles

Comme l'a souligné Mme Martine Clément, "En général, les jeunes filles ou les jeunes hommes sont au même niveau dans leurs études, notamment jusqu'à la 3e. Nous sommes tous d'accord pour dire que les filles sont au moins aussi capables que les garçons, sinon meilleures."

"Mais l'orientation des jeunes filles est très vite tournée vers des métiers plus fonctionnels que hiérarchiques et très peu vers des métiers scientifiques, notamment en France. C'est avéré : on décourage ou plutôt on n'encourage pas les jeunes filles à aller vers des métiers plus techniques ou plus scientifiques."

Dans des domaines au développement très rapide, comme l'informatique ou le conseil, les femmes sont absentes de ces métiers, alors qu'elles pourraient y développer d'excellentes qualités, notamment de négociatrices.

Sensible à ces préoccupations, Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, doit lancer prochainement une campagne de sensibilisation des élus et des acteurs économiques sur l'élargissement des choix de formation des jeunes filles et des femmes.

Lors de la réunion des réseaux déconcentrés des premiers ministères signataires de la convention du 25 février 2000 pour la promotion de l'égalité des chances entre les filles et les garçons dans le système éducatif, en mars dernier, la ministre déléguée a annoncé dans cette perspective, une démarche expérimentale en régions, sur trois ans. L'objectif, en collaboration avec le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, est d'améliorer l'orientation des filles, d'élargir le choix des filières proposées et d'encourager les femmes à s'engager dans les carrières scientifiques et techniques.

2. Elargir le choix des métiers

Comme l'a fait remarquer Mme Margaret Maruani, sociologue, directrice de recherche au CNRS, lors de son audition par la Délégation, la féminisation du monde du travail ne s'est pas traduite par une réelle mixité professionnelle et les emplois féminins restent concentrés sur un petit nombre de secteurs qui leur sont traditionnellement réservés.

Les six catégories professionnelles les plus féminisées (employés de la fonction publique, employés des entreprises, employés du commerce, personnels de service aux particuliers, instituteurs, professions intermédiaires de la santé), qui rassemblaient 52 % des femmes au milieu des années quatre-vingts, en rassemblent 60 % en 2002.

"Il faut élargir la palette des métiers proposés, a souligné Mme Marie-France Boutroue, conseillère à la CGT, "car les filles n'exercent que 40 métiers sur les 450 qui existent".

De nouvelles activités sont appelées à se développer, génératrices d'emplois, comme les auxiliaires de vie, l'assistance à la personne, tandis que des activités plus traditionnelles dans les PME et l'artisanat peuvent s'ouvrir aux femmes, sous réserve d'une formation nécessaire.

Les secteurs de la plasturgie, de la maintenance - notamment en électronique - des bâtiments et des travaux publics peuvent aussi être accessibles aux femmes.

Dans ce dernier secteur, des actions expérimentales ont été entreprises dans la région Midi-Pyrénées pour favoriser le recrutement de femmes maçonnes, carreleuses, peintres, électroniciennes et aussi conductrices d'engins, à la suite d'accords entre partenaires institutionnels et représentants de branches professionnelles.

3. Etre attentif à l'embauche

Dès l'embauche, les préjugés sont tenaces. A qualification égale, les jeunes filles ont plus de difficultés à trouver un premier emploi et le chômage des jeunes les touchent davantage que les garçons.

Si la loi du 16 novembre 2001 précise bien qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement en raison notamment de son sexe ou de sa situation de famille, certains chefs d'entreprise reconnaissent eux-mêmes qu'en face de deux candidats de niveau équivalent on aura tendance à choisir plutôt l'homme, qui n'aura pas de problème de maternité.

Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au CNRS, a expliqué ainsi le fait que les femmes ingénieurs soient plus touchées par le chômage que les hommes : "Les employeurs ont le sentiment que c'est plus risqué d'embaucher une femme, qu'elles risquent d'être indisponibles, de s'engager moins dans leur vie professionnelle, alors que les chiffres contredisent ces préjugés".

Les préjugés sont aussi le fait de la clientèle. Mme Françoise Andrieu, membre de la commission sociale de la CGPME, a fait remarquer que la clientèle n'apprécie pas toujours, dans certains secteurs, d'avoir affaire à des femmes, les supposant - à tort - moins compétentes. C'est à un changement de mentalité qu'il faut travailler.

La question de quotas ou de traitement préférentiel des femmes a été évoquée, mais pour être écartée. Pour Mme Geneviève Bel, présidente de la CGPME des Yvelines, face à deux candidats de même valeur professionnelle, il n'est pas question, au nom de la parité, de favoriser l'un ou l'autre, mais de choisir le meilleur.

B. DANS LE DÉROULEMENT DES CARRIÈRES, VEILLER À LA FORMATION ET À LA PROMOTION, INTÉGRER LES CONTRAINTES FAMILIALES

1. L'accès à la formation

_ Développer des formations sur le lieu de travail

Il faudrait développer des formations sur le lieu de travail. Les formations proposées ne correspondent pas toujours aux disponibilités des femmes. Une formation à l'extérieur de l'entreprise, si elle dépasse une journée, pose parfois problème aux femmes mères de familles qui ne peuvent pas s'absenter deux à trois jours en stage hors de la ville. La CFTC a insisté pour que les formations soient organisées le plus possible dans l'entreprise ou dans la ville, estimant que c'est aux formateurs de se déplacer.

_ Développer des formations qualifiantes

Il est important pour les femmes d'obtenir non pas des formations d'adaptation à un poste de travail, mais des formations qualifiantes, en termes d'évolution de carrière.

Dans la perspective, à partir de 2005, du départ à la retraite des générations du baby boom et de l'ouverture de nombreux postes qualifiés dans les entreprises (postes de direction, cadres supérieurs, coordonnateurs, agents techniques, experts, etc.), les femmes doivent se préparer dès à présent à repérer ces postes et, pour y accéder, à compléter leur formation et leurs compétences. Les entreprises, pour leur part, dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et de la négociation au sein des commissions d'égalité professionnelle, doivent dans leur intérêt les aider à s'y préparer.

_ Envisager une formation après un congé parental

Le problème du retour à l'emploi des femmes après un congé maternité ou un congé parental a été évoqué par tous les interlocuteurs de la Délégation.

Il se pose principalement pour les femmes bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation (APE) qui permet aux parents de suspendre leur activité professionnelle pour élever leurs enfants et de bénéficier d'une aide mensuelle.

L'association "Retravailler", qui accompagne les femmes au sortir de l'APE dans leur démarche de réinsertion professionnelle, a analysé, à la demande de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, la spécificité des femmes ayant interrompu leur activité professionnelle et les problématiques rencontrées.

Le retour à l'emploi est difficile : d'après une enquête du CREDOC, six mois à un an après avoir cessé de percevoir l'APE, seule la moitié des femmes a retrouvé une activité professionnelle. Celles-ci abordent la réintégration dans le travail avec de nombreux handicaps : situation professionnelle précaire avant l'APE, souvent choisie en raison de fortes contraintes extérieures et familiales au moins autant que par véritable choix ; dévalorisation personnelle face au monde du travail et repli sur la cellule familiale ; compétences dépréciées ; manque d'informations sur les métiers.

Une formation spécifique et intégrée dans le plan de formation de l'entreprise devrait être envisagée, a estimé la CFTC.

Lorsque la femme revient dans l'entreprise, il faudrait pouvoir lui "représenter" l'entreprise et ses transformations, notamment au point de vue technologique. Il conviendrait également que, durant le congé, la femme reste en liaison avec son entreprise, par exemple par l'intermédiaire d'un collègue référent chargé de garder le contact, et qu'au retour, une période d'adaptation de quelques jours soit prévue, afin qu'elle puisse réorganiser son emploi du temps (temps de trajet, temps familial, garde des enfants, etc.), reprendre confiance, sans être contrainte immédiatement à une efficacité maximale.

2. L'accès des femmes aux postes de responsabilité

Le slogan de la CFDT "Les femmes, c'est comme l'oxygène, plus on monte et moins il y en a", renvoie à l'invisible "plafond de verre "auquel se heurtent les femmes, lorsqu'elles tentent de se rapprocher des sphères du pouvoir et des lieux de décisions.

Mme Jacqueline Laufer, professeur du groupe HEC, a donné, dans le guide de l'appui à la négociation dans les entreprises et les branches, quelques chiffres significatifs : "Depuis 1982, la proportion de femmes parmi les cadres administratifs et commerciaux est passée de 19 à 33 % de la catégorie. Les fonctions de responsabilité technique quant à elles restent très masculines, puisque les femmes ne représentent que 13 % des ingénieurs ou cadres techniques".

Comme l'a souligné Mme Martine Clément, là où la question se pose le plus, c'est au sujet des promotions des femmes à un certain moment de leur carrière, celui où elles peuvent prendre des responsabilités plus importantes. Au fur et à mesure que les femmes progressent dans leur carrière pour accéder à des postes d'autorité (chef d'équipe, maîtrise intermédiaire, responsable de contrôle, cadre), elles viennent en concurrence avec les hommes pour les postes les plus intéressants dans l'entreprise.

Ce sont dans les états-majors des entreprises que les femmes sont les plus minoritaires : environ 7 %, et seulement 4,8 % dans les entreprises de plus de 500 salariés, selon Mme Jacqueline Laufer. Et elles ne sont, d'après le guide 2003 des états-majors des grandes entreprises que douze femmes, soit 3 % (8), à diriger l'un des 400 plus grands groupes français, bien qu'elles aient investi les grandes écoles depuis trente ans (9).

Des études récentes (10) ont analysé les raisons des divergences de carrière : gestion des ressources humaines qui assignent davantage les femmes cadres à des postes d'assistance et d'expertise qu'à des postes opérationnels ; poids des stéréotypes et des représentations culturelles qui associent de façon ambiguë femmes et pouvoirs ; organisation du travail qui exige des cadres une disponibilité totale et de lourds temps de présence dans l'entreprise, dissuasifs pour les femmes.

Si à un haut niveau, les femmes cadres trouvent des solutions aux problèmes de la garde d'enfants, la tension permanente qu'engendre le difficile équilibre entre vie familiale et vie professionnelle est un handicap par rapport aux hommes, dont l'investissement prioritaire dans le travail n'est pas remis en cause.

Le fonctionnement très actif des réseaux masculins à travers les associations d'anciens élèves des grandes écoles les exclut en outre souvent des méthodes informelles de promotion dans les entreprises.

Un autre facteur abordé par les interlocuteurs de la Délégation entre en jeu : les difficultés que rencontrent les femmes pour partir à l'étranger, s'expatrier, alors que dans les grandes entreprises une expérience internationale est indispensable pour accéder à des fonctions dirigeantes.

De grandes entreprises (Schlumberger, La Poste, France Telecom) ont cependant fait des efforts importants pour promouvoir des femmes à des niveaux de cadres ou de responsables. Schlumberger, implanté dans le monde entier, a conduit une expérience intéressante, consistant, lorsqu'un cadre est appelé à l'étranger, à rechercher avec l'aide d'autres entreprises, une possibilité de travail pour le conjoint.

3. Les contraintes familiales

Le taux de plus en plus élevé d'activité des femmes ayant des enfants pose avec acuité le problème des contraintes familiales, source de nombreuses discriminations.

Les employeurs mettent en avant une indisponibilité présupposée des femmes, liée à la maternité et au temps investi dans les responsabilités familiales, les femmes assurant encore 80 % des activités liées aux soins et à l'éducation des enfants.

Le thème d'une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale a été évoquée par les interlocuteurs de la Délégation sous l'angle d'une meilleure organisation du temps de travail et du soutien que peuvent apporter les entreprises aux modes de garde des enfants.

_ En effet, les inégalités professionnelles tiennent essentiellement à la profonde inégalité dans la répartition des charges familiales entre hommes et femmes, qui perdure largement aujourd'hui. Le modèle auquel elle correspond, intégré par la société, les acteurs économiques, le milieu de l'entreprise y compris syndical n'évolue que très lentement. Trois facteurs devraient permettre de l'influer : agir sur les conditions et l'organisation du travail, mieux aider les femmes dans la garde des enfants, faire évoluer le comportement des pères.

- La loi du 9 mai 1901 prévoit la possibilité d'agir sur la durée et l'organisation du travail (indicateur pertinent figurant dans les conditions générales d'emploi).

A ce titre, un certain nombre de revendications pourront être mises en avant, concernant le passage du temps partiel au temps plein ; la réduction de la flexibilité ; la fixation d'un calendrier prévisionnel annuel du temps de travail et des délais de prévenance suffisants ; la fixation des horaires de formation et de réunion sur le temps de travail habituel des salariés, etc...

- S'agissant des modes de garde des enfants, la création des crèches d'entreprises ou interentreprises a encore été évoquée. Ces crèches peuvent être envisagées au sein de très grandes entreprises ou dans des bassins d'emploi importants (comme à Roissy, par exemple...). Leur implantation devra tenir compte aussi de l'intérêt et de l'épanouissement de l'enfant (temps de trajet, moyens de transport, etc...).

Une autre possibilité intéressante pour l'entreprise, comme pour les salariées, serait de réserver des places dans des crèches, en s'associant, pour le financement, aux acteurs publics : départements, municipalités, caisses d'allocations familiales.

D'autres solutions sont également à envisager : aide au développement d'emplois de service (aide maternelle à domicile), système de garde d'enfants malades.

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* *

Le rapport de la Délégation aux droits des femmes ne se veut qu'un rapport d'étape. A terme, une évaluation d'ensemble des progrès de l'égalité professionnelle apparaît nécessaire. Il serait souhaitable, à cet égard, qu'une vaste enquête soit diligentée, dès l'année prochaine, par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle et le ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, afin de rassembler toutes les données obtenues auprès des branches, des entreprises, des organisations syndicales, en analyser les avancées et aussi les difficultés.

La Délégation aux droits des femmes estime qu'une nouvelle loi sur l'égalité professionnelle n'est pas nécessaire. Les outils juridiques sont en place pour lancer un vaste mouvement vers plus d'égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises. La marche est engagée, mais il faut la suivre sans faille, car l'égalité professionnelle renvoie à des problèmes de société, d'évolution des mentalités que l'entreprise ne peut résoudre seule, sans le soutien de tous les acteurs sociaux.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

_ La Délégation aux droits des femmes s'est réunie, le mardi 7 octobre 2003, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, pour procéder à un échange de vues sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a d'abord accueilli M. Mansour Kamardine, député de Mayotte, nouveau membre de la Délégation aux droits des femmes, désigné par le groupe UMP en remplacement de M. Philippe Briand, démissionnaire.

Elle a ensuite indiqué qu'elle présenterait la semaine prochaine le rapport annuel d'activité de la Délégation, qui comporte une étude d'ensemble de l'application de la loi du 9 mai 2001 relative à l'égalité professionnelle, ainsi que le compte rendu des auditions des partenaires sociaux menées par la Délégation au printemps 2003. Elle a souhaité recueillir l'opinion des membres de la Délégation sur ce thème de l'égalité professionnelle, à partir de l'expérience de chacun, avant l'adoption de recommandations de la Délégation sur ce sujet.

Elle a informé la Délégation qu'elle organiserait un colloque sur l'égalité professionnelle, le 27 novembre prochain, en collaboration avec les Délégations aux droits des femmes du Sénat et du Conseil économique et social. Essentiellement tournée vers le monde de l'entreprise, cette manifestation associera les organisations syndicales et patronales, des directeurs des relations humaines de grandes entreprises et des témoins privilégiés de l'égalité professionnelle, dans le but de délivrer un message à l'adresse du monde politique sur les difficultés que rencontre la mise en œuvre de la loi du 9 mai 2001 et sur les avancées nécessaires en ce domaine. Mme Marie-Jo Zimmermann a insisté en particulier sur les discriminations qui perdurent à l'encontre des femmes, tant à l'embauche que dans les promotions en cours de carrière.

Elle a également fait part de son projet de remettre les actes du colloque au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et à la ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle. Au-delà des évaluations et des chiffres, sur lesquels il y a accord, elle a estimé qu'il fallait maintenant que le Gouvernement manifeste une réelle volonté d'avancer sur un dossier qui constitue une revendication majeure des électrices.

Mme Catherine Génisson a apprécié la volonté de la Délégation aux droits des femmes de faire de l'égalité professionnelle le sujet central du rapport. La loi du 9 mai 2001, à laquelle elle a beaucoup travaillé, est une loi de la République, longuement négociée en amont avec les partenaires sociaux, même si les organisations patronales, en particulier le MEDEF, s'étaient montrées très réservées.

La loi repose sur un principe simple, l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle : elle est donc à la fois contraignante et souple dans son application. Le rapport de situation comparée devrait permettre de mettre en lumière, de façon dynamique, les disfonctionnements en matière d'égalité professionnelle, ce qui devrait conduire les entreprises à y remédier avec le soutien de l'Etat.

La loi ne traite pas du problème de la place des femmes dans les lieux de décision, et notamment dans les organisations syndicales, mais, sur ce sujet, il n'est pas possible d'appliquer les principes de la parité en politique, même si l'apport et la présence des femmes dans les lieux de négociation est essentielle.

On ne peut traiter de l'égalité professionnelle sans aborder les problèmes du temps de travail et de la vie familiale, et en amont de la vie en entreprise, les problèmes de l'orientation des filles, des différences dans la formation et les études et de la divergence des parcours professionnels qui conduit à des ségrégations.

M. Jacques Remiller s'est montré très attentif à la promotion des femmes dans l'entreprise. En tant que maire de Vienne et responsable d'une administration de 916 employés, il a précisé qu'elle était dirigée par 32 chefs de service, dont 12 femmes, certaines d'entre elles assurant de hautes responsabilités. Le directeur général adjoint de la ville, le DRH, le directeur financier sont des femmes, de même que le responsable du patrimoine, une jeune femme ingénieur du génie civil, retenue à l'embauche pour sa jeunesse - gage de dynamisme - et ses compétences. Il a observé que ce sont les services dirigés par des femmes qui fonctionnent souvent le mieux, mais que les problèmes, s'il y en a, viennent bien souvent des relations des femmes entre elles.

Mme Catherine Génisson a souligné que les femmes n'ont pas encore de relations claires avec l'exercice du pouvoir et des responsabilités. Elles n'ont pas, comme les hommes, la notion de rapports de force et la capacité d'agir en groupe. A cet égard, elle a souhaité que la Délégation entende sur ce point Mme Janine Mossuz-Lavau, sociologue.

En réponse à Mme Marie-Jo Zimmermann qui se demandait si l'attitude des femmes vis-à-vis du pouvoir était propre à la nature féminine ou dictée par un héritage culturel, Mme Catherine Génisson a estimé que cette relation au pouvoir des femmes était essentiellement culturelle.

M. Mansour Kamardine a souligné qu'à Mayotte, on ne pouvait réussir en politique sans le soutien des femmes, mais que ces dernières reculaient devant les responsabilités électorales et qu'il fallait les aider à évoluer. Il a rappelé la récente loi sur l'Outre-mer, révolutionnaire, introduite à Mayotte dont la culture est essentiellement musulmane, qui interdit désormais la polygamie, la répudiation et établit l'égalité des enfants devant la succession. Ceux qui s'y étaient opposés ont échoué, précisément parce qu'ils n'ont pas eu le soutien des femmes.

M. Mansour Kamardine s'est demandé si la loi du 9 mai 2001 était applicable à l'Outre-mer, soulignant que les lois sur la parité en politique n'ont pas soulevé de difficultés particulières. Il a estimé que, pour donner à la femme mahoraise toute sa place dans la société, il convenait de s'assurer que les textes législatifs s'appliquent à Mayotte.

En réponse à une observation de M. Jacques Remiller sur la féminisation des professions médicales, notamment des services d'urgence, où 70 % du personnel sont des femmes, Mme Catherine Génisson a précisé qu'il y aurait 45 % de femmes médecins en 2020, et que de grandes disparités subsistaient selon les spécialités, la chirurgie par exemple ne comportant que 10 % de femmes. Elle a souligné que la féminisation de la médecine libérale obligeait à changer la façon dont s'effectuent les gardes. Ainsi, dans le Pas-de-Calais a été mise en place une régulation médicale des appels, qui aide à résoudre les problèmes de garde, aussi bien pour les hommes que pour les femmes.

Mme Geneviève Levy a évoqué les difficultés rencontrées en tant que femme dans l'exercice de son métier d'expert auprès des tribunaux et la persistance dans le sud de la France de forts préjugés dans toutes les catégories sociales. Elle a indiqué qu'elle avait été conduite à organiser un cycle de rencontres sur le thème de l'égalité dans les établissements scolaires, y compris dans les écoles primaires, pour aider à dépasser ces schémas.

Mme Marie-Jo Zimmermann a souligné l'importance de la culture paritaire dès l'école. Elle a rappelé à cet égard l'intérêt de l'étude actuellement menée par la Délégation aux droits des femmes du Conseil économique et social sur la place des femmes dans l'histoire enseignée.

Mme Béatrice Pavy a observé qu'il fallait travailler sur l'égalité professionnelle dans les deux sens, et donc accepter que les garçons accèdent à certaines filières par trop féminisées.

M. Jacques Remiller a estimé qu'il serait intéressant d'entendre Mme Edith Cresson, ancien Premier ministre, évoquer les difficultés qui ont été les siennes en tant que femme à ce poste. Il a évoqué l'accession des femmes à certains métiers jusqu'alors réservés aux hommes, prenant en exemple le service des espaces verts de sa mairie, qui s'est récemment féminisé du fait de la mécanisation des tâches et de leur informatisation.

Mme Marie-Jo Zimmermann a fait observer qu'alors que les jeunes filles sont de plus en plus nombreuses dans les lycées agricoles, les femmes ingénieurs agronomes ont beaucoup plus de difficultés à être embauchées que les hommes. Elle a estimé que le monde agricole était encore très masculin.

Mme Catherine Génisson a cependant fait remarquer que le problème était complexe, puisque c'est dans les petites communes rurales qu'il y a le plus de femmes maires en France.

En conclusion, Mme Marie-Jo Zimmermann a estimé qu'il était nécessaire de mettre en œuvre la loi sur l'égalité professionnelle et que la Délégation aux droits des femmes souhaitait établir un suivi concret de son application en entreprise. Elle a indiqué vouloir également travailler sur le thème de la formation professionnelle, qui deviendra une compétence accrue des régions dans le cadre de la décentralisation.

_ La Délégation aux droits des femmes s'est ensuite réunie, le mardi 14 octobre 2003, sous la présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, pour examiner le présent rapport d'activité annuel.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, évoquant les travaux de la Délégation en matière législative (sécurité intérieure : volet prostitution ; parité aux élections régionales, européennes et sénatoriales ; place des femmes dans les régimes de retraites), a souligné que la Délégation avait montré sa capacité à défendre les droits des femmes, en particulier la parité aux élections régionales et européennes, même si pour les élections sénatoriales, elle n'avait pu obtenir gain de cause.

Elle a ensuite souligné l'importance qu'elle attachait au thème d'étude annuel retenu par la Délégation portant sur l'égalité professionnelle, car il concerne le quotidien de toutes les femmes au travail. Elle a rappelé que le législateur devait veiller à l'application correcte de la loi du 9 mai 2001 dans les entreprises et encourager la dynamique de la négociation qui se met en place. Elle a évoqué les auditions des partenaires sociaux par la Délégation au printemps 2003, notamment le souhait de toutes les organisations syndicales de faire appliquer la loi et l'accord du MEDEF sur l'objectif d'égalité professionnelle, même s'il estime trop contraignante la loi du 9 mai 2001. Elle a souhaité qu'un dialogue soit réengagé sur ce thème avec l'organisation patronale.

Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite indiqué les nouvelles pistes de réflexion sur l'égalité professionnelle, au-delà des revendications d'égalité salariale : l'orientation des filles et l'élargissement du choix des métiers, l'accès à la formation et à la promotion interne, le retour à l'emploi, le respect des contraintes familiales.

Mme Catherine Génisson a rappelé les avancées importantes de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre toutes les formes de discriminations, qui complète la loi sur l'égalité professionnelle et vise à mieux protéger les salariés tout en long de leur vie professionnelle. La loi institue notamment le renversement de la charge de la preuve qui incombe désormais à l'employeur en cas de discrimination fondée sur le sexe et ouvre la possibilité pour les organisations syndicales représentatives d'ester en justice en cas de mesures discriminatoires vis-à-vis d'un salarié. Selon elle, ce texte, mal connu, n'a pas encore fait l'objet d'une juste évaluation.

Mme Marie-Jo Zimmermann a ensuite présenté l'ensemble des recommandations.

Mme Catherine Génisson a souhaité que la recommandation n° 2 relative à la sensibilisation des acteurs économiques et des partenaires sociaux sur l'égalité professionnelle, soit complétée de manière à préciser que les directions régionales et départementales du travail et de l'emploi doivent fournir des statistiques détaillées et sexuées pour une analyse plus fine de la situation comparée des hommes et des femmes en entreprise.

Présentant la recommandation n° 3 visant les pratiques discriminatoires, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné qu'il importait de lutter aussi contre les discriminations dont les femmes sont l'objet, à tous les niveaux, dans leur promotion au sein de l'entreprise, à qualifications ou diplômes égaux à ceux des hommes.

A la recommandation n° 6, elle a tenu à rappeler que les dispositions du code du travail déjà existantes devaient s'appliquer en matière de formation permanente en cas de retour à l'emploi d'une femme après un congé parental ou un congé maternité.

Mme Catherine Génisson a suggéré de préciser que ces dispositions s'appliquent aussi bien aux femmes qu'aux hommes, afin de valoriser les congés pris par les hommes.

En réponse à Mme Bérangère Poletti sur la situation défavorable des femmes dans les professions libérales, qui n'ont souvent guère la possibilité de prendre leurs congés de maternité ou de bénéficier de formation professionnelle, et à Mme Catherine Génisson faisant remarquer qu'il faudrait les obliger à choisir un des statuts de conjoint collaborateur, qui pourrait leur apporter de nouveaux droits sociaux, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné les difficultés des femmes de certaines professions indépendantes à adhérer à ces statuts, en raison du coût des cotisations. La spécificité de ces professions impliquant un traitement à part, elle a pris l'engagement d'évoquer ces problèmes à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant les professions du commerce et de l'artisanat préparé par le ministre, M. Renaud Dutreil.

Sur la recommandation n° 7, Mme Claude Greff a souhaité ajouter aux diverses mesures nouvelles de soutien familial, celle des aides en cas d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

Prenant l'exemple des crèches d'hôpitaux qui, selon elle, ne fonctionnent pas, Mme Catherine Génisson a observé que l'organisation de crèches dans l'entreprise même n'était pas forcément la meilleure solution.

M. Patrick Delnatte a cependant rappelé que, dans la fonction publique, la crèche sur les lieux de travail était très appréciée. Il a souligné l'action positive de M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, visant à associer les partenaires sociaux à la politique familiale, notamment dans l'organisation et la création de crèches. Dans ce domaine, un large panel de possibilités est offert aux entreprises.

Mme Patricia Adam a estimé que l'aide maternelle au domicile des parents était une solution intéressante qui mériterait d'être développée. Cependant, à la différence des assistantes maternelles qui doivent obtenir un agrément des services départementaux, les personnels d'aide à domicile ne bénéficient d'aucun agrément, ni d'aucun statut.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a rappelé que lors du Forum sur la famille, le développement des aides à domicile avaient été préconisées. En ce qui concerne le libre choix de la garde des enfants, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a fait des propositions qui demandent réflexion. Il n'est pas exclu que les personnes qui viennent garder l'enfant à domicile puissent bénéficier d'un agrément.

M. Patrick Delnatte a fait remarquer que la PAJE vise à favoriser la garde à domicile et qu'il faudrait professionnaliser les métiers de la petite enfance.

M. Jean-Marc Roubaud s'est interrogé sur la priorité, qui est accordée ou non aux femmes qui travaillent pour bénéficier de places en crèches.

M. Laurent Hénart a fait observer que cette priorité était de fait accordée dans de nombreuses grandes villes.

A propos de la recommandation n° 9 qui invitait les organisations syndicales à respecter dans la composition des listes électorales la proportion des hommes et des femmes salariés dans l'entreprise, de façon que la composition du comité d'entreprise soit proportionnelle à leurs effectifs dans l'entreprise, Mme Catherine Génisson a fait remarquer qu'une telle représentation proportionnelle ne lui paraissait pas compatible avec l'égalité, ni avec la démocratie et qu'il serait préférable que les organisations syndicales, lors des élections au comité d'entreprise, respectent une proportion équilibrée d'hommes et de femmes dans l'entreprise, selon la formule de la loi du 9 mai 2001. Au terme d'une discussion entre les membres de la Délégation, la formulation retenue pour la recommandation a fait apparaître que les organisations syndicales doivent s'efforcer de respecter la proportion d'hommes et de femmes salariés dans l'entreprise.

Examinant la recommandation n° 10 sur l'évaluation en 2004 des résultats de l'application de la loi du 9 mai 2001 que devrait effectuer le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, Mme Marie-Jo Zimmermann, conformément à la demande des organisations syndicales, a souhaité que le CSEP où se retrouvent tous les partenaires sociaux et où remontent toutes les informations, se réunisse à nouveau pour remplir ses missions en matière d'égalité professionnelle.

La Délégation a ensuite adopté l'ensemble des recommandations, compte tenu des observations formulées et des modifications suggérées.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES

1. Trente ans après la première loi sur l'égalité salariale, vingt ans après la "loi Roudy" concernant l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le maintien d'inégalités flagrantes entre hommes et femmes dans l'entreprise a rendu nécessaire la loi du 9 mai 2001. L'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise en s'appuyant sur des indicateurs pertinents reflétant la situation professionnelle des femmes et des hommes dans l'entreprise doit permettre d'amorcer et de mieux conduire la négociation collective. La Délégation aux droits des femmes estime que l'arsenal législatif en faveur de l'égalité professionnelle est désormais suffisant et qu'il convient surtout de veiller à son application concrète et effective dans les entreprises et les branches.

2. Une sensibilisation des acteurs économiques et des partenaires sociaux au thème de l'égalité professionnelle est nécessaire. A cet effet, les directions départementales et régionales du travail et de l'emploi doivent s'efforcer de leur fournir des statistiques détaillées et sexuées sur l'égalité professionnelle.

Une large diffusion du guide d'appui à la négociation au sein des entreprises et des branches doit être faite auprès des employeurs et des négociateurs syndicaux par les services décentralisés du ministère du travail et de l'emploi, par les réseaux du service des droits des femmes, ainsi que par les régions dans le cadre de leurs compétences.

Les déléguées régionales et départementales aux droits des femmes doivent assurer une mission d'information sur l'égalité professionnelle auprès des entreprises et des partenaires sociaux et être vigilantes quant à l'application de la loi du 9 mai 2001. Elles doivent disposer des moyens nécessaires à leurs missions.

3. Il importe de lutter contre les pratiques discriminatoires à l'embauche liées aux mentalités et aux habitudes qui conduisent encore trop souvent les employeurs à privilégier un recrutement masculin. Il importe également de lutter contre les discriminations dont les femmes sont l'objet, à qualifications ou diplômes égaux à ceux des hommes, dans la promotion au sein de l'entreprise.

Les informations données par les indicateurs pertinents, relatives au respect de l'égalité hommes/femmes à l'embauche, comme lors des promotions internes, doivent permettre d'y remédier.

4. L'accès des femmes à de nouveaux métiers, est indispensable pour élargir leurs champs de compétences et d'activités Des actions concrètes et exemplaires doivent être encouragées à l'occasion des accords d'entreprises ou de branches, pour leur ouvrir des filières trop exclusivement réservées aux hommes, notamment par le recours aux contrats pour la mixité des emplois en faveur des PME.

5. Les critères de la pénibilité du travail, souvent basés sur les performances des hommes dans les classifications professionnelles, devront être mieux évalués, afin de tenir compte de l'évolution des conditions de travail et des aptitudes particulières des hommes comme des femmes. Les progrès technologiques, la recherche de solutions ergonomiques dans l'entreprise, avec l'appui de tous les intervenants (médecins et inspecteurs du travail, CHST) devraient permettre d'intégrer les femmes sur des postes jusqu'à présent principalement réservés aux hommes.

6. Le congé parental ou de maternité ne doit pas être considéré comme un handicap. Les dispositions du code du travail concernant les droits des salariés en matière de formation professionnelle permanente destinée aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s'y engagent, doivent être appliquées en cas de retour à l'emploi après un congé parental ou de maternité.

7. Pour une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie familiale, de nouvelles formules de soutien familial devraient être mises en place, en particulier dans les grandes entreprises ou les bassins d'emplois : crèches d'entreprises ou inter-entreprises, réservation de places en crèche, développement d'emplois de service (aide maternelle à domicile), aide en cas d'enfants malades et d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

8. En amont, l'élargissement des formations et des choix professionnels offerts aux jeunes filles dans le cadre de l'Education nationale vers les filières scientifiques et techniques doit être une priorité.

9. Une présence accrue des femmes est indispensable dans les instances représentatives au sein des entreprises et des branches, dans les comités d'entreprises et les commissions de l'égalité professionnelle, et parmi les délégués du personnel. A l'occasion des élections au comité d'entreprise, les organisations syndicales doivent s'efforcer de respecter la proportion d'hommes et de femmes salariés dans l'entreprise.

10. Une évaluation d'ensemble des résultats enregistrés en matière d'égalité professionnelle, dans le cadre de la loi du 9 mai 2001, devra être effectuée, dès 2004, par le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, pour en dégager les difficultés et les avancées.

Accès aux annexes

N° 1118 - Rapport d'activité de la délégation aux droits des femmes : juillet 2002 - juillet 2003 (Mme Marie-Jo Zimmermann)

1 () Audition de Mme Margaret Maruani, sociologue, directeur de recherche au CNRS, par la Délégation aux droits des femmes (voir en annexe).

2 () Voir liste en annexe.

3 () Mme Catherine Génisson a été l'auteure du rapport au Premier Ministre « Femmes-hommes : quelle égalité professionnelle ? » 1999, et de la proposition de loi n° 2132 relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes adoptée par le Parlement le 24 avril 2001.

4 () La négociation collective en 2002. Tome I : la tendance, les dossiers.

5 () Editions d'Organisation - 2003.

6 () Guide d'appui à la négociation au sein des entreprises et des branches. Position du MEDEF sur l'égalité professionnelle.

7 () Cf. "Guide d'appui à la négociation au sein des entreprises et des branches. La pénibilité physique n'est plus ce qu'elle était.".

8 () A titre de comparaison : 12,3 % de femmes à l'Assemblée nationale, 10,9 % au Sénat.

9 () Libération du 15 septembre 2003 - Pages Emploi.

10 () Jacqueline Laufer et Annie Fouquet : "A l'épreuve de la féminisation. Cadres : la grande rupture". La découverte, mai 2001.

Michèle Cotta : Rapport : "La place de la femme dans les lieux de décision". Décembre 2000. Conseil économique et social.