N° 1721 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 juillet 2004. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN, en conclusion des travaux d'une Mission d'évaluation et de contrôle (1), ET PRÉSENTÉ PAR M. Jean-Louis DUMONT, Député. -- MM. YVES DENIAUD ET AUGUSTIN BONREPAUX, Présidents sur LA DIRECTION DU SERVICE NATIONAL (1) La mission d'évaluation et de contrôle est composée de : MM. Augustin Bonrepaux, Yves Deniaud, présidents ; M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan, M. Gilles Carrez, rapporteur général ; MM. Pierre Albertini, Pierre Bourguignon, Jean-Pierre Brard, Alain Claeys, Charles de Courson, Jean-Yves Cousin, Jean-Louis Dumont, Jean-Michel Fourgous, Paul Giacobbi, Louis Giscard d'Estaing, Marc Laffineur, Didier Migaud, Mme Béatrice Pavy, MM. Nicolas Perruchot, Jean-Claude Sandrier. _______________________ INTRODUCTION 5 I.- UNE JOURNÉE D'APPEL ET DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE AMBITIEUSE 7 A.- LES OBJECTIFS DE LA JAPD 7 1.- Le lien armée-Nation au cur de la JAPD 7 2.- La JAPD doit-elle promouvoir le recrutement ? 8 3.- La détection de l'illettrisme 9 a) L'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française 9 b) L'action de la DSN en faveur des jeunes en difficulté 9 c) Le traitement statistique 10 4.- La nouvelle JAPD 10 a) Des modules plus interactifs 10 b) Le module secourisme 11 B.- DES TÂCHES ADMINISTRATIVES LOURDES POUR LA DIRECTION DU SERVICE NATIONAL 12 1.- Le recensement 12 2.- La convocation 13 3.- L'organisation de la journée 14 4.- La transmission des informations recueillies 15 5.- La gestion des dossiers 15 II.- UNE JOURNÉE UTILE DONT L'ATTRAIT DOIT ÊTRE RENFORCÉ 17 A.- ENCOURAGER LES GAINS DE PRODUCTIVITÉ 17 1.- Un coût essentiellement humain 17 2.- Pérenniser l'effort de réduction du coût des repas servis aux jeunes 19 3.- Réduire le coût des transports 20 4.- Ne plus utiliser de locaux civils 20 5.- Mieux utiliser l'informatique pour alléger les tâches administratives 21 B.- RENFORCER L'ATTRAIT ET L'UTILITÉ DE LA JAPD 22 1.- Renforcer le caractère militaire de la journée 22 2.- La Journée est-elle utile pour le recrutement des armées ? 23 a) L'âge de convocation est-il le bon ? 23 b) Quels éléments statistiques pour mesurer l'impact de la JAPD sur le recrutement ? 23 c) Un moyen moins efficace que les campagnes de communication ou les journées « portes ouvertes » ? 24 3.- Améliorer le suivi de la détection des jeunes en difficulté 25 4.- Mettre à jour les dossiers des jeunes 26 a) La DSN est-elle en mesure d'appeler sous les drapeaux les jeunes Français ? 26 b) Les données concernant le niveau scolaire doivent être actualisées 26 C.- FAUT-IL CRÉER UNE SECONDE JOURNÉE D'APPEL ET DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE ? 27 1.- Une JAPD en deux journées consécutives semble irréaliste 27 2.- L'instauration d'une journée citoyenne est envisageable 28 PROPOSITIONS DE LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE 29 EXAMEN EN COMMISSION 33 AUDITIONS EFFECTUÉES PAR LA MISSION 37 COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 39 La loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a suspendu la conscription pour les jeunes garçons nés après le 31 décembre 1978 et a instauré un « service national universel » qui concerne à la fois les jeunes femmes et les jeunes hommes de nationalité française. La loi précise que ce service national universel comprend trois obligations : le « recensement », qui doit être effectué à 16 ans, « l'appel de préparation à la défense », qui fait l'objet d'un enseignement obligatoire d'une journée et « l'appel sous les drapeaux », qui permet aux jeunes qui le souhaitent de servir l'armée française. La journée d'appel de préparation à la défense (JAPD) s'inscrit dans un « parcours de citoyenneté », dont elle est la troisième étape. Ce parcours a commencé au collège, où les enjeux de la défense font l'objet d'un enseignement, et s'est poursuivi par le recensement. Les jeunes sont convoqués par la direction du service national (DSN) du secrétariat général pour l'administration du ministère de la défense. Ils doivent se rendre dans une enceinte militaire - ou parfois un site civil - dans lequel ils sont accueillis par des agents de la DSN et deux intervenants, issus des trois armées ou de la Gendarmerie, chargés de leur présenter des modules d'information. Ils doivent également passer un test de détection des difficultés de lecture. La première JAPD ayant en lieu en 2000, il a paru opportun à la commission des finances de procéder en 2004 à une évaluation des coûts de la direction du service national et de l'utilité de cette journée. Après une période de mise en place progressive, la JAPD fait l'objet aujourd'hui d'une nouvelle architecture, incluant une présentation de quelques gestes de secourisme, destinés notamment à renforcer son attrait pour les jeunes. Le budget global de la DSN est de l'ordre de 135 millions d'euros. Ses 3.032 agents contribuent à l'accueil de plus de 780.000 jeunes chaque année. Si le coût d'accueil d'un jeune atteignait 162 euros en 2002, il a été réduit à 128 euros en 2003. Cette diminution illustre les efforts de rationalisation entrepris par la DSN. Cependant tous les coûts induits par la JAPD ou sa préparation ne sont pas pris en compte dans ce calcul. Pour être exhaustif, il faudrait y inclure le coût du recensement réalisé par les mairies ou le coût induit par la JAPD pour les armées (de l'ordre d'un million d'euro par armée). La mission s'est attachée à évaluer les coûts de la JAPD, les modalités d'organisation de la journée, l'implication des armées dans ce processus, l'impact sur le recrutement des informations présentées et le suivi des résultats des tests de maîtrise de la langue française. Au-delà de ces éléments, la mission s'est interrogée sur l'utilité de la journée pour le raffermissement du lien entre l'armée et la Nation. La JAPD doit, en effet, être le moment privilégié, dans la vie de chaque Française et chaque Français pour prendre conscience de la nécessité de la défense nationale et s'interroger sur les responsabilités qu'impliquent la qualité de citoyen. Comme le rappelait Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, devant les anciens auditeurs de l'Institut des hautes études de défense nationale le 16 octobre 2003 : « La JAPD doit être ce moment particulier où des jeunes, qui trop souvent ont l'impression de n'avoir que des droits, vont enfin apprendre que dans notre société ils ont des devoirs. » I.- UNE JOURNÉE D'APPEL ET DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE AMBITIEUSE Les objectifs de la JAPD sont particulièrement ambitieux puisqu'elle doit permettre de maintenir la vitalité du lien entre l'armée et la Nation, de rappeler aux jeunes leurs devoirs de citoyens, tout en permettant de détecter ceux qui ont besoin d'aide. Cette journée est organisée par la direction du service national (DSN). 1.- Le lien armée-Nation au cur de la JAPD Avec la suspension du service national classique est apparue la nécessité de consolider le lien entre les citoyens et leur armée. En effet, les jeunes garçons ne se mettant plus, pendant 10 mois de leur vie, au service de la Nation, il convenait de leur permettre d'être en contact, ne fusse qu'une journée, avec le monde militaire. Le législateur a décidé que les jeunes Français et les jeunes Françaises devaient consacrer une journée à approfondir leurs connaissances sur la défense de la France et ainsi de cultiver l'esprit de défense. Cette journée est un substitut au creuset de l'identité de la communauté nationale que constituait la conscription. La journée d'appel de préparation à la défense est l'une des rares occasions permettant aux jeunes Français de tous les horizons de se rencontrer. La Journée d'appel de préparation à la défense est la troisième étape du « parcours de citoyenneté ». La première étape de ce parcours est constituée de l'enseignement de défense. En effet, l'article L. 114-1 du code du service national prévoit que les principes et l'organisation de la défense nationale et de la défense européenne font l'objet d'un enseignement obligatoire dans le cadre du programme des établissement du second degré des premier et second cycles. Cet article précise que « cet enseignement a pour objet de renforcer le lien armée-Nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de défense ». Il trouve naturellement sa place dans les programmes d'histoire, de géographie et d'éducation civique. Tous les jeunes scolarisés en France, quelle que soit leur nationalité, bénéficient, dès la classe de 6ème d'un enseignement des valeurs et des principes de la démocratie. Les cours d'éducation civique, juridique et sociale dispensés en classe de 3ème comportent un module intitulé « la défense et la paix ». De plus, le fonctionnement des institutions politiques est abordé en classe de première. Enfin, les transformations du monde contemporain (et notamment la montée en puissance de l'Europe de la défense) sont enseignées en classe de terminale. La deuxième étape du parcours de citoyenneté est l'obligation faite à tous les jeunes Français de se rendre à leur mairie à l'âge de 16 ans pour se faire recenser. La troisième étape est constituée par la participation à la journée d'appel et de préparation à la défense. La participation à cette journée est obligatoire, mais elle n'est assortie d'aucun mécanisme de sanction. Le législateur a préféré instaurer un système d'incitation forte, prévu par l'article L. 113-4 du code du service national. Ce dernier prévoit que les jeunes gens doivent être, entre 16 et 25 ans, en règle vis-à-vis des obligations du code du service national pour pouvoir s'inscrire aux examens soumis à l'autorité publique. Les jeunes ne s'étant pas fait recensés ne peuvent pas passer des examens scolaires tels que les diplômes professionnels ou le baccalauréat, ni même passer l'examen du permis de conduire. Outre les efforts réalisés par la direction du service national, ces incitations expliquent sans doute le fort pourcentage de recensement volontaire des jeunes. 2.- La JAPD doit-elle promouvoir le recrutement ? La lettre de l'article L. 114-3 est claire : « lors de l'appel de préparation à la défense, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation et respectueux de l'égalité entre les sexes, qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, les formes de volontariats ainsi que les préparations militaires et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve. » Malgré ce texte, les armées ont été extrêmement réticentes à aborder la question des carrières militaires - et donc du recrutement - au cours de la journée. Outre le fait que ce comportement ne correspondait pas à la loi, cette attitude n'a occasionné que des effets néfastes : - les intervenants des armées ne traitant que brièvement ce qu'ils connaissent le mieux, c'est-à-dire leur métier, il était très difficile de trouver des volontaires pour participer aux JAPD ; - les jeunes étaient souvent déçus que les carrières ne leur soient pas présentées. Ce n'est qu'à partir du comité de pilotage interarmées du 6 décembre 2001 que les armées ont décidé d'utiliser pleinement la JAPD. Ce revirement bienvenu était d'autant plus nécessaire qu'une armée professionnalisée rencontre nécessairement des difficultés pour recruter. En outre, il faut rappeler qu'outre-mer, les jeunes sont informés de la possibilité d'effectuer un temps de volontariat spécifique : le service militaire adapté, qui permet aux jeunes d'acquérir une qualification reconnue sur le marché du travail. 3.- La détection de l'illettrisme Outre la présentation de la Défense nationale, la JAPD doit aussi permettre de détecter les jeunes Français en situation de difficulté de lecture. Cette mission s'inspire largement des tests d'évaluation que subissaient les jeunes garçons lors des « trois jours » de l'ancien service national. L'article L. 114-3 du code du service national précise qu'à l'occasion de la JAPD, « sont organisés des tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française ». L'action menée contre l'illettrisme comprend deux aspects : la mesure de l'illettrisme et la détection des jeunes en difficulté pour leur offrir une aide. a) L'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française L'ensemble des jeunes convoqués doit donc passer des épreuves d'évaluation de la compréhension de l'écrit, conçues par la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Éducation nationale. Les épreuves se déroulent en deux temps. La première épreuve, dite d'orientation, a pour objectif de partager la population entre les jeunes qui sont en difficulté de lecture (classés en rubrique A) et les jeunes qui maîtrisent les connaissances indispensables à l'acte même de lire (classés en rubrique B). Elle porte sur la recherche d'informations dans un document de la vie quotidienne - un programme de cinéma - et la compréhension d'un texte narratif court. Les jeunes passent ensuite une épreuve adaptée à la filière dans laquelle ils ont été classés. L'épreuve de la filière A permet d'évaluer la maîtrise des mécanismes fondamentaux impliqués dans la lecture; celle de la filière B évalue la maîtrise des différents degrés de compétences sollicitées par des écrits plus complexes et plus variés. Depuis janvier 2004, tous les jeunes sont soumis à cette épreuve, ce qui permettra de dégager quatre profils de lecteurs. Par ailleurs, des données synthétiques sont recueillies sur l'ensemble des jeunes, permettant ainsi d'obtenir des indications plus fines au plan régional. b) L'action de la DSN en faveur des jeunes en difficulté Une fois les tests effectués dans la matinée, les agents de la DSN les analysent pendant la pause déjeuner afin de détecter les jeunes en difficulté de lecture. Le général Lebourg a souligné que la JAPD « a permis l'année dernière de détecter 55.000 jeunes en difficulté et d'en convaincre plus de 32.000 d'accepter une aide. C'est trois fois plus qu'en 2001 ». Par le passé, certains jeunes ont pu répondre au questionnaire sans le sérieux nécessaire, ce qui rendait l'exploitation des données difficile. Désormais, ils sont informés que les parents des jeunes mineurs détectés en difficulté recevront une lettre officielle du ministère de la défense. En début d'après-midi, les jeunes détectés sont reçus individuellement par un agent de la DSN qui s'efforce d'aider le jeune à sortir de ces difficultés. Ce dernier se voit proposer une aide assurée soit par l'Éducation nationale, si le jeune est encore scolarisé, soit par les missions locales, s'il n'est plus élève de l'Éducation nationale. Lors de cet entretien, le jeune décide s'il souhaite ou non bénéficier de cette aide. S'il ne le souhaite pas, ses parents seront tout de même informés de ses difficultés, s'il est mineur, et il recevra, en tout cas, une lettre de relance l'invitant à revenir sur son choix. Le taux de jeunes détectés en difficulté par la DSN ne correspond pas nécessairement à la proportion de jeunes illettrés. En effet, c'est seulement avec une analyse plus fine des résultats des tests, réalisée chaque année par la direction de l'évaluation et de la prospective, que des enseignements peuvent être tirés. En 2003, 84 % des jeunes ne présentent pas de difficultés particulières de lecture, même si leur niveau de compétences est hétérogène. Un groupe intermédiaire de près de 6 % des jeunes obtient des résultats corrects en compréhension immédiate, mais rencontre des difficultés en matière de compréhension fine. En revanche, près de 10 % de l'ensemble des jeunes évalués ont des difficultés réelles de compréhension et la moitié d'entre eux sont dans une situation qui pourrait déboucher sur l'illettrisme. Ces chiffres correspondent aux mêmes ordres de grandeurs que ceux obtenus par les autres outils statistiques. Par exemple, l'étude sur les difficultés de lecture en 6ème montre que 3,1 % des jeunes sont en grande difficulté, que 4,2 % d'entre eux sont des lecteurs extrêmement lents et que 8 % présentent des difficultés partielles. De nouveaux supports pédagogiques ont été réalisés par le ministère, afin d'encourager la réflexion des jeunes sur le monde qui les entoure. a) Des modules plus interactifs Alors qu'ils utilisaient des transparents à présenter sur un rétroprojecteur, les intervenants disposeront à l'avenir d'outils pédagogiques plus modernes. Ils sont désormais dotés d'une valise contenant un lecteur DVD et un vidéo-projecteur leur permettant de projeter des présentations plus courtes et plus interactives, issues d'un unique DVD. Ces modules alternent exposés oraux, débats, micro-trottoirs, reportages filmés, interviews, séquences de journaux télévisés, clips vidéo, images d'archives, quiz et diapositives. Cette diversité des outils rend la nouvelle journée plus dynamique, en faisant appel à une participation plus active des jeunes. Ils sont ainsi appelés à réagir aux images projetées et aux présentations effectuées par les intervenants. L'objectif recherché consiste à faire prendre conscience aux jeunes de leurs responsabilités dans la société et de les sensibiliser au fait que la défense est nécessaire et légitime et qu'ils doivent y prendre une part active, dans leur vie quotidienne (le module secourisme est notamment destiné à les sensibiliser à cette dimension concrète de la citoyenneté) et au sein des forces armées, dans le cadre des préparations militaires, du volontariat, de la réserve et de l'engagement. Outre le secourisme, le nouveau programme comporte les modules suivants : - le module relatif aux responsabilités du citoyen, qui met l'accent sur les valeurs et les principes fondamentaux de la République, afin de souligner de façon concrète les responsabilités du jeune citoyen envers la Nation ; - le module relatif à la Défense et aux forces armées, qui présente la politique de défense et les missions et les moyens assignés au volet militaire de la défense. En outre, il souligne la participation de la Défense au rayonnement de la France ; - et le module relatif aux métiers de la défense, présenté après une visite du site, qui permet aux jeunes de prendre connaissance des possibilités offertes pour prendre part à la défense (préparations militaires, volontariat, réserve, engagement). L'introduction d'un module de secourisme répond à une volonté exprimée par le ministre de la Défense. En France, à peine 7 % de la population est formée aux premiers secours (contre 22 % en Suède) et de nombreuses vies pourraient être sauvées si davantage de personnes étaient sensibilisées aux gestes élémentaires de secourisme. Savoir donner l'alerte et protéger une victime, l'installer en position latérale de sécurité ou pratiquer une réanimation cardio-vasculaire, sont autant éléments pouvant sauver une vie. La mise en uvre d'une initiation à l'alerte et aux premiers secours dans le cadre de la JAPD est également destinée à sensibiliser les jeunes Françaises et Français à un aspect concret de la citoyenneté : porter secours aux personnes en détresse. L'animation de ce module, dont la durée est de 75 minutes, est assurée par la Croix-Rouge française. Elle fait l'objet d'exercices pratiques sur mannequins. Elle comprend une information sur les alertes en cas de risques majeurs, de 15 minutes ainsi qu'une initiation aux premiers secours, de 60 minutes. Au terme d'une phase d'expérimentation menée au mois d'octobre 2003 sur huit sites, près de 95 % des jeunes participants se sont déclarés satisfaits par ce module et, surtout, un tiers d'entre eux a manifesté le souhait de suivre une formation qualifiante en secourisme. La prise en compte de cette initiation comme unité de valeur pour l'obtention de l'attestation de formation aux premiers secours (AFPS) est actuellement à l'étude. Lors de son audition, le général Lebourg a précisé que le coût de ce module « qui pourrait peut-être nous épargner quelques unes des 10.000 morts subites constatées en France chaque année, sera, en année pleine, de 8 euros par jeune ». B.- DES TÂCHES ADMINISTRATIVES LOURDES POUR LA DIRECTION DU SERVICE NATIONAL La direction du service national, qui assurait la gestion de la conscription, s'est vue confier la mission de mettre en uvre la JAPD. Si cette tâche semble relativement proche de sa mission antérieure, il faut souligner que son travail concerne désormais l'ensemble de la jeunesse française et non les seuls garçons. En outre, ses agents, habitués à un travail sédentaire, doivent désormais être mobiles et aller au contact des jeunes. Le recensement des jeunes est depuis le 1er janvier 1999 obligatoire et universel : il concerne donc tous les garçons et les filles à l'âge de 16 ans. En principe, seuls les jeunes Français sont concernés. Toutefois ceux qui acquièrent la nationalité française avant 25 ans doivent se faire recenser dans le mois qui suit cette acquisition. Les jeunes issus de l'immigration nés sur le territoire français, bénéficiant du droit d'opter ou non pour la nationalité française, peuvent se faire recenser dès l'âge de 16 ans, mais cela ne devient une obligation pour eux qu'une fois qu'ils sont devenus français. Le recensement s'effectue dans les mairies, qui transmettent directement les données à la DSN. Les mairies délivrent, lors de ces opérations, une attestation de recensement à chaque fille et garçon recensé. Contrairement à la procédure en vigueur lors de l'ancien service national, les préfectures ne centralisent pas ces données. La DSN traite donc directement avec les 36.714 communes et non avec les seules 100 préfectures. La charge de travail est donc bien plus lourde. C'est sur la base de ce recensement que les jeunes seront convoqués pour participer à la JAPD. C'est aussi sur ces fichiers que s'appuie le dispositif d'inscription d'office sur les listes électorales des jeunes de 18 ans, prévu par la loi du 10 novembre 1997 précitée. À cet effet, les informations contenues dans le fichier de la DSN sont retransmises aux mairies par l'INSEE. La DSN a entrepris des actions d'information à l'égard des communes. Ses agents rencontrent régulièrement les élus en charge du lien armée-Nation et les secrétaires de mairie, qui assurent concrètement les opérations de recensement. Votre Rapporteur constate que cette action est essentielle. En effet, la qualité des informations transmises par les mairies conditionne l'efficacité du traitement administratif de ces données par la DSN. Entre juillet 2002 et décembre 2003, 6.200 visites de mairies ont été organisées en 18 mois. Votre Rapporteur, qui s'est rendu dans un centre du service national a pu constater la lourdeur administrative du recensement. Les listes transmises par les communes sont parfois incomplètes. Il faut alors que les agents de la DSN entrent en contact avec les mairies pour affiner les données, ce qui retardent d'autant le processus. Par ailleurs, si la DSN s'est dotée d'un logiciel performant - S@ga - pour traiter ces données, votre Rapporteur a pu constater que très peu de mairies - même les plus importantes - transmettent des listes au format électronique. Les agents de la DSN doivent donc saisir l'ensemble des données dans le système informatique. En outre, pour s'assurer de l'exactitude des informations, celles-ci doivent être saisies deux fois... On peut imaginer plus simple ! Pour alléger les opérations de recensement, il faut encourager les mairies à transmettre les données par voie informatique et, si possible, dans un format compatible avec le logiciel de la DSN. L'article L. 114-4 du code du service national prévoit que « les Français choisissent parmi trois dates au moins proposées par l'administration chargée du service national celle à laquelle ils participent à l'appel de préparation à la défense ». Cette obligation législative de proposer trois dates au jeunes entraîne un traitement administratif lourd : le personnel de la DSN doit informer les jeunes par téléphone, répondre aux courriers électroniques et relancer ceux qui n'ont pas donné suite à cette convocation. Pour optimiser le remplissage des salles, la DSN a mis en place une politique de « sur-convocation » des jeunes, adaptée à chaque région et à chaque période de l'année. Par exemple, la direction peut convoquer un nombre de jeunes représentant 130 % des capacités d'accueil en période d'examen car l'expérience montre que c'est le seul moyen de remplir les salles à 98 ou 99 %. Lors de son audition, le lieutenant-colonel Martinelli a précisé que, « comme une agence de voyage, nous essayons de rentabiliser les sites en analysant et en suivant les fluctuations de la population dans le temps et en fonction des périodes ». Cette méthode permet de réaliser des économies à la fois sur les rémunérations des intervenants, puisque pour un nombre équivalent de jeunes appelés, ils interviendront moins souvent, et sur le coût des repas, notamment sur les sites civils où ils sont commandés à l'avance sur la base du nombre de jeunes théoriquement présents. Cet effort de rationalisation doit être encouragé. Les gains budgétaires de cette politique sont loin d'être négligeables puisque le passage d'un taux de remplissage des salles de 91,8 % à 95 % induit une économie pour la DSN de 65.000 euros en fonctionnement et 95.000 euros en alimentation. En outre, la direction mettait à la disposition des jeunes convoqués une lettre « T » pour leur réponse, le coût postal étant à sa charge. À compter de cette année, l'enveloppe réponse doit être affranchie par le jeune, ce qui représente une économie attendue de 300.000 euros. 3.- L'organisation de la journée Dès leur arrivée sur le site où se déroule la journée, les jeunes sont pris en charge par la DSN. Ils rencontrent deux type de cadres du ministère de la défense : ceux de la DSN, chargés du bon déroulement administratif de la journée et deux représentants de l'armée responsable du site. Lors de son audition, M. Yves Le Barbier de Blignières a indiqué que pour chaque JAPD, la DSN envoie au moins deux personnes. Il a précisé qu'il y a « au minimum un représentant de la DSN par salle, qui assure la fonction de chef de salle, et un chef de session, qui est responsable de l'ensemble de la session et qui est amené à prendre des décisions relatives à l'organisation de la journée ». Si un site permet d'animer deux JAPD simultanément, trois représentants de la DSN, seront présents (un chef de session et un chef de salle). Par ailleurs, la présentation des modules est assurée par deux militaires qui font généralement partie de l'armée qui accueille la JAPD. Le plus souvent, ce binôme est composé d'un militaire de carrière et d'un réserviste et, plus rarement, de deux réservistes. Ces intervenants peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'une prime spécifique de 53,36 euros pour leur participation à la journée. Il ressort des auditions des responsables des ressources humaines des trois armées et de la Gendarmerie que la motivation des militaires de carrière et des réservistes est très différente. Lors de son audition, l'amiral Sautter a précisé que les réservistes de la Marine qui interviennent dans les JAPD sont tous volontaires. S'agissant des militaires d'active, il ajoutait que la Marine avait dû désigner des personnes pour participer à la JAPD, mais qu'aujourd'hui tous les intervenants sont volontaires. Le général Cambournac a souligné que « le personnel de réserve participe aux JAPD sur la base du volontariat. En revanche, il faut admettre que, dans la plupart des cas, le personnel d'active est désigné par le commandement au sein du régiment ». Par ailleurs, dans environ 10 % des cas, les intervenants proviennent de la DSN, qui a ainsi souhaité enrichir les tâches de ses cadres. 4.- La transmission des informations recueillies Suite à la JAPD, deux types de données doivent être transmises par la DSN à d'autres acteurs. Il s'agit tout d'abord des dossiers des jeunes détectés en situation de difficulté de lecture et qui ont acceptés d'être aidés. Leur dossier est transmis soit à l'inspection académique de l'Éducation nationale, s'ils sont encore scolarisés, soit à la mission locale la plus proche de leur domicile pour les autres. Votre Rapporteur a pu constater que ces transmissions sont effectivement réalisées dans les 48 heures suivant la journée d'appel. Il s'agit aussi des fiches remplies par les jeunes signalant leur intérêt pour une armée ou pour une préparation militaire ou un volontariat. Ces données sont transmises elles aussi en 48 heures et par voie électronique au centre de recrutement de l'armée concernée le plus proche du domicile des jeunes. La DSN assure les tâches liées au recensement des jeunes, la gestion de leurs dossiers, les modalités de leur convocation, l'organisation de la journée, le traitement et la transmission des données qui sont recueillies et la mise à jour des fiches individuelles des jeunes, jusqu'à 25 ans. Elle établit aux jeunes qui en font la demande, des attestations prouvant leur participation à la JAPD ou écrit aux parents des jeunes mineurs ayant été détectés en situation de difficulté lors des tests de maîtrise de la langue française. En outre, la direction assure aussi la gestion des dossiers des 31 millions de Français soumis à l'ancien service national. Elle fournit différentes attestations, notamment pour la constitution des dossiers de retraite et contribue à la décristallisation des pensions des anciens combattants des États antérieurement placés sous la souveraineté française, dont elle conserve les dossiers. Pour assurer cette mission, le bureau central d'archives administratives militaires (BCAAM) dispose de 350 équivalents temps plein. II.- UNE JOURNÉE UTILE DONT L'ATTRAIT DOIT ÊTRE RENFORCÉ Depuis la définition d'un plan d'action de la DSN en janvier 2002, des gains de productivité significatifs ont été réalisés dans l'organisation de la JAPD. Le coût par jeune a ainsi été ramené de 162 euros en 2001 à 128 euros en 2003. Ces efforts doivent être poursuivis. De plus, l'utilité de la journée dans la formation du sentiment citoyen est indéniable. Il convient cependant de consolider la dimension strictement militaire de cette journée. A.- ENCOURAGER LES GAINS DE PRODUCTIVITÉ Des gains importants de productivité ont été réalisés depuis 2001. Ils commencent à porter leurs fruits : l'action de la DSN est plus efficace. Ces efforts doivent être pérennisés et de nouvelles économies recherchées. 1.- Un coût essentiellement humain Au sein du coût global de la JAPD pour la DSN, de l'ordre de 135 millions d'euros, 90 millions d'euros représentent les rémunérations et les charges sociales du personnel civil et militaire, soit 70 %. Toute réduction significative des coûts de la JAPD repose donc sur la capacité à contenir, voire réduire la masse salariale. Il est vrai que les effectifs de la direction sont en baisse depuis 1997. Cette année là, elle disposait d'environ 6.860 emplois budgétaires. Sur les 3.089 postes dont elle dispose théoriquement au 1er janvier 2004, 3.032 sont effectivement pourvus, pour un total pondéré de 2.950 équivalents temps plein. Au-delà de cette décroissance des effectifs, il faut souligner le profond renouvellement du personnel qui a accompagné la montée en puissance de la nouvelle mission. Le personnel des centres du service national (CSN), de création récente, est bien plus jeune que celui des bureaux du service national (BSN). Ces derniers emploient majoritairement du personnel qui travaillait déjà au sein de la direction au temps de la conscription. Cette particularité explique que près de 25 % du personnel civil de la DSN est âgé de plus de 55 ans. La Cour des comptes a estimé à 270 équivalents temps plein les effectifs en contact avec les jeunes, sur la base de 700.000 jeunes convoqués par an. Cette analyse mérite sans doute d'être approfondie tant les tâches administratives réalisées avant et après les JAPD ont paru lourdes à votre Rapporteur. La Direction estime elle à 215 équivalents temps plein les effectifs assurant l'animation de la journée (sans compter le temps de préparation) et les récupérations, dont bénéficient les civils travaillant le samedi, représentent environ 61 équivalents temps plein. Les formations variées offertes à ces mêmes personnels représentent 45 équivalents temps plein. En outre, 10 % des intervenants sont, depuis 2002, issus de la DSN, soit 28 équivalents temps plein. Cette particularité ne semblait pas prise en compte dans le calcul de la Cour des comptes. Enfin, 9 équivalents temps plein assurent la formation des intervenants de la DSN et des armées. Au total, ce sont donc 388 équivalents temps plein qui sont au contact des jeunes, lors des journées d'appel et de préparation à la défense. Dès lors, la question posée par la MEC est la suivante : à quoi sont employés les 2562 équivalents temps plein restant ? Les opérations de préparation et d'exploitation des données directement liées à la JAPD sont en premier chef d'emplois. Parmi les opérations préalables à la JAPD, on peut citer l'envoi des imprimés de recensement aux mairies, l'exploitation des listes de recensement (dans 30 % des cas, en moyenne, il faut reprendre contact avec les mairies), la recherche des jeunes ne s'étant pas faits recenser, à partir des listes des jeunes nés dans la commune, l'envoi d'un préavis de convocation, les échanges avec les intéressés pour fixer la date de la journée, l'envoi de la convocation définitive et la préparation du matériel pour la session. Au titre des opérations réalisées après la JAPD, on peut citer la mise à jour des fiches administratives individuelles, le bilan des intérêts « exprimés » pour les carrières et leur transmission aux organismes de recrutement locaux sous 48 heures, la transmission des listes de jeunes en difficulté et de leurs fiches d'entretien aux organismes concernés et l'envoi de courriers aux parents des jeunes mineurs en difficulté. Le rapport du Contrôleur général des armées Valtaud évalue le travail administratif à 1,7 heure par administré, soit 996 équivalents temps plein. Les tâches de direction nationale et interrégionale correspondent à 261 équivalents temps plein. La mission d'organier la JAPD représente donc, à elle seule, une charge de 1.645 équivalents temps plein. Les autres charges de personnel se répartissent de la manière suivante : - le bureau central d'archives administratives militaires (BCAAM), qui gère les dossiers des ressortissants de l'ancien code du service national (31 millions de dossiers, conservés jusqu'à l'âge de 92 ans) et des anciens combattants des anciennes colonies emploie 350 équivalents temps plein ; - la gestion des demandes liées à l'ancien code (demande de certificat de position militaire, etc.), qui occupe 250 équivalents temps plein ; - et les fonctions de soutien, qui emploient 401 équivalents temps plein. En outre, la DSN prend en charge, pour le compte de l'armée de terre, des missions tournantes outre-mer (10 équivalents temps plein). De plus, elle prête 82 équivalents temps plein à cette même armée, sans aucun lien avec sa mission. Enfin, 253 personnes sont exemptes de JAPD. Il s'agit des personnes placées dans les bureaux du service national (BSN) lorsque ceux-ci n'effectuaient que des tâches administratives. Il peut aussi s'agir de militaires exempts de campagne, pour des raisons de santé, ou de civils. Cependant, une partie de ce personnel participe aux tâches administratives sédentaires. Outre les 82 postes liés à l'armée de terre, qui font l'objet actuellement d'une négociation, votre Rapporteur souligne que les principaux gains de productivité ne pourront être accomplis qu'en ne remplaçant pas les départs des personnes exemptes de JAPD. 2.- Pérenniser l'effort de réduction du coût des repas servis aux jeunes Lors de la journée, les jeunes gens convoqués sont nourris gratuitement. Ils déjeunent au mess de l'unité militaire qui les accueille. La prestation d'alimentation comprend une sorte de petit-déjeuner d'accueil, prévu par la directive d'application et un repas. L'article 20 du chapitre 34-01 retraçant les crédits destinés à financer les dépenses d'alimentation est doté de 5,1 millions d'euros pour 2004, soit un coût de repas de 6,5 euros par jeune environ. Ce coût unitaire a été significativement réduit depuis 2002. La politique de « sur-convocation » a amélioré le taux de remplissage des salles, permettant ainsi de commander un plus grand nombre de repas par journée. Mais les principales économies résultent de la réduction de l'utilisation des sites civils - où les repas préparés par des traiteurs, sont facturés plus chers - et de la renégociation des conditions de facturation des repas fournis par les armées à la DSN. S'ils sont assurés par un traiteur, le nombre de repas facturés peut parfois être supérieur aux effectifs présents. Le commissaire-colonel Sciré a précisé : « Quand vous passez commande pour un certain effectif, il n'est pas question de le modifier ultérieurement. Nous avons donc estimé que des gains de productivité pouvaient être accomplis sur les repas. » Le coût moyen d'un repas sur un site civil est de 7,39 euros alors qu'il n'est que de 6,34 euros sur un site militaire. Au sein de cette dernière catégorie, des écarts notables peuvent être constatés entre la Marine, qui facture un repas 5,25 euros en moyenne et la Gendarmerie, qui facture le repas 7,78 euros en moyenne. Les armées ordonnent les dépenses d'alimentation sur des crédits issus du budget de la DSN. Les lenteurs de ce circuit nuisent à la bonne connaissance de ces flux financiers. Une nouvelle instruction financière du directeur des affaires financières obligera le régiment à adresser sa facture à l'organisme de la DSN responsable de la gestion pour certifier la facture avant le paiement. Globalement, la DSN a réalisé 200.000 euros d'économie sur les dépenses d'alimentation en 2003. Votre Rapporteur souligne que cet effort doit être pérennisé. Pour autant, le coût actuel des repas semble incompressible. En effet, de la qualité du repas influe largement sur l'appréciation formulée par les jeunes sur la journée elle-même. Le lieutenant-colonel Martinelli a souligné que : « le taux de satisfaction pour les repas atteint 65 %, alors que celui de satisfaction globale dépasse 80 % ». 3.- Réduire le coût des transports Les jeunes convoqués à la JAPD reçoivent un document leur permettant de voyager gratuitement sur les lignes de la SNCF. S'ils l'utilisent, la DSN rembourse à la SNCF le montant du trajet. Mais beaucoup de jeunes n'utilisent pas ce bon de voyage : ils viennent en transports urbains ou par leur propres moyens. Dans ce cas, ils reçoivent, quelques jours après la JAPD une lettre chèque d'un montant de huit euros qu'ils peuvent encaisser sans justification. Les remboursements à la SNCF représentent une dépense de 1,6 million d'euros par an. Les lettres chèques, perçue par 80 % des jeunes, représentent un coût de 5 millions d'euros, soit les trois-quarts des frais de transports. Une négociation est actuellement en cours, en Île-de-France, pour permettre aux jeunes de bénéficier d'un ticket combiné SNCF-RATP. Cette procédure permettrait de réaliser une économie de 200.000 euros. Votre Rapporteur encourage le développement de ces initiatives dans les métropoles régionales, qui devraient générer 100.000 euros supplémentaires d'économies. En ce qui concerne les jeunes qui n'empruntent pas les transports en commun, il peut apparaître choquant qu'ils se voient remboursés d'une dépense qu'ils n'ont pas engagée. Même s'ils ont utilisé un deux-roues ou s'ils ont été accompagnés par leurs parents, votre Rapporteur estime que ces déplacements ne devraient pas faire l'objet d'un remboursement. Cet effort pourrait être envisagé comme un acte individuel de citoyenneté, que la JAPD est supposée renforcer. De plus, la DSN économiserait le coût d'affranchissement de ces lettres chèques. Par ailleurs, la direction a décidé de recourir à la location longue durée de véhicules pour assurer les déplacements de ces agents se rendant sur les sites où sont organisées des JAPD. Avant la mise en uvre de la JAPD, la mission de la DSN reposait sur des tâches sédentaires. Dans un premier temps, elle a acheté des véhicules ou en a loué. Le recours à la location longue durée a permis de réaliser une économie de 210.000 euros par an depuis 2001. 4.- Ne plus utiliser de locaux civils Les jeunes doivent être convoqués dans un lieu proche de leur domicile. Ce critère de proximité conduit la DSN à convoquer les jeunes sur des sites civils dans les zones où les armées ne sont pas implantées et où la Gendarmerie nationale ne dispose pas de locaux adéquats. Le chef de corps d'une unité militaire signe une convention avec un lycée ou, plus rarement, une commune qui met à sa disposition une salle pour assurer la JAPD. L'utilisation de ces salles présente de nombreux inconvénients : elles ne sont pas nécessairement adaptées à l'accueil des jeunes, leur emplacement oblige les agents de la DSN à faire parfois de longs trajets et, surtout, elles contribuent à décevoir les jeunes sur la JAPD. Comme l'a déclaré le Général Lebourg : « il est clair qu'un jeune homme ou une jeune fille qui vient assister à la JAPD et se retrouve dans son lycée est profondément déçu ». De plus, les repas sur ces sites sont généralement commandés à un traiteur, pour un coût unitaire pouvant atteindre 8 à 10 euros par jeune, contre 6,43 euros en moyenne. En outre, les coûts de location et d'entretien de ces locaux sont plus élevés. Le Général Lebourg a précisé que le seul fait de transférer le site accueillant les jeunes d'un lycée de Limoges pour un local militaire représentait une économie annuelle de 3.500 euros. L'effort pour limiter le recours aux sites civils doit donc être encouragé. Une trentaine sont encore utilisés - sur un total de 247 sites - mais la faiblesse du maillage territorial des armées dans certains points rend sans doute ce nombre difficile à réduire. Il faut donc envisager d'aménager des salles susceptibles d'accueillir les jeunes dans les enceintes de la Gendarmerie, présentes sur tout le territoire. 5.- Mieux utiliser l'informatique pour alléger les tâches administratives Il y a deux ans, les agents de la DSN disposaient d'un ordinateur pour cinq. Aujourd'hui, chacun d'eux en sont équipés. En outre, l'ensemble du parc informatique existant a été renouvelé. Désormais, la DSN peut travailler avec des dossiers numérisés, économisant ainsi du temps et des crédits. Cette adaptation a nécessité la formation du personnel. La mise en place d'un système d'information a permis de réduire, en moyenne, de 20 % le temps de traitement des dossiers des jeunes, ce qui représente une économie de 15 équivalents temps plein. La seule utilisation des possibilités de publipostage des courriers destinés aux jeunes a permis de réaliser un gain de 60 équivalents temps plein. Votre Rapporteur estime que la DSN doit aujourd'hui utiliser pleinement son outil informatique en exploitant les possibilités offertes par le développement d'Internet. Les jeunes disposant de plus en plus fréquemment d'une adresse électronique, il convient de leur demander systématiquement de la communiquer à la DSN. Dès lors, un certain nombre d'échanges pourraient être accélérés. En outre, l'adresse électronique des jeunes ou de leur parents pourrait être utilisée pour leur adresser des messages, après la JAPD pour leur rappeler leur obligation de communiquer à la DSN toute modification d'adresse, de situation personnelle, scolaire ou professionnelle. De plus, la DSN pourrait mettre à la disposition de ses administrés un portail internet plus interactif leur permettant d'accéder aux informations les concernant. La DSN fait partie d'un groupe de travail de l'agence pour le déploiement de l'administration électronique. Le guichet unique d'adresses que cette agence tend à créer permettrait à la DSN de mieux informer les jeunes et de mieux suivre leurs dossiers jusqu'à 25 ans. Le colonel Hamm a précisé que la DSN souhaitait mettre en place un réseau privé virtuel qui permettrait « d'accéder directement à Internet et de proposer à nos administrés un portail dédié aux télé-procédures ». Les investissements pour ce type de réseau sont lourds. Il pourrait être opérationnel dans les trois ans. B.- RENFORCER L'ATTRAIT ET L'UTILITÉ DE LA JAPD 1.- Renforcer le caractère militaire de la journée La volonté du législateur était de faire de la JAPD à la fois un rendez-vous citoyen où les jeunes se verraient rappeler les droits et les devoirs des citoyens à la veille de leur majorité et l'occasion pour la jeunesse de rencontrer l'armée. Le programme de la JAPD, tel qu'il résulte des modifications intervenues en 2004, renforce la dimension militaire de la journée. Les responsabilités du citoyen font l'objet d'un module de 40 minutes en début de matinée et la journée se conclut, avant la remise des attestations, par un module de 75 minutes consacré au secourisme. La défense, au sens strict, occupe donc le reste de l'emploi du temps de la journée. Le module intitulé « la défense et les forces armées » dure 80 minutes et le module consacré aux métiers de la défense dure 40 minutes, soit un total de 120 minutes consacrées à la défense. En outre, la visite du site d'accueil doit durer une heure. Votre Rapporteur se félicite de la place accordée au sein de cette journée à la présentation de l'effort de défense de la France. La dimension militaire devrait encore être accentuée de plusieurs manières. Tout d'abord, il faut offrir systématiquement aux jeunes la possibilité de bénéficier d'une visite de site lors de la JAPD. Aujourd'hui, seule la moitié d'entre eux en bénéficie. Il est vrai que cette possibilité n'existe que depuis deux ans. Pour que cette proposition soit réalisable, il faut évidemment que les JAPD ne soient plus organisées dans des sites civils. Ensuite, il faut que les jeunes rencontrent le plus de militaires possible au cours de la journée. Dans cette optique, il faut envisager d'augmenter le nombre des militaires au sein de la JAPD. Si les deux intervenants qui présentent les modules sont presque toujours des militaires (dans 90 % des cas fournis par les armées et dans 10 % des cas par la DSN), les deux organisateurs de la DSN sont, deux fois sur trois, des civils. Le coût de la « militarisation » de la DSN pourrait être compensé par le non remplacement des départs du personnel civil exempt de JAPD. Cette proposition ne constitue pas une remise en cause de la qualité du personnel civil participant aux JAPD dont votre Rapporteur a pu mesurer le dynamisme et le dévouement. Dans le même temps, il convient de permettre aux civils d'accéder aux fonctions d'encadrement de la direction. Par ailleurs, les états-majors des armées doivent aussi prendre conscience de l'enjeu représenté par les JAPD en motivant leurs meilleurs éléments pour intervenir devant les jeunes. De plus, les délégués militaires départementaux doivent s'impliquer dans le bon déroulement de ces journées. 2.- La Journée est-elle utile pour le recrutement des armées ? Ce n'est qu'à partir du comité de pilotage du 6 décembre 2001 que les armées ont décidé d'utiliser pleinement la JAPD pour promouvoir les métiers qu'elles proposent et les possibilités de servir « sous les drapeaux » (volontariat, réserve engagement), selon l'expression même de l'article L. 111-2 du code du service national. L'impact de la JAPD sur le recrutement reste difficile à établir avec certitude. a) L'âge de convocation est-il le bon ? En moyenne, les jeunes participent à la JAPD vers 17 ans et demi. Pour le recrutement dans la Marine, les « appelés » semblent par exemple trop jeunes. L'amiral Sautter a précisé que ce jeune âge expliquait qu'il était impossible de déterminer « le nombre de recrutements réels faisant suite aux contacts signalés par la DSN après les JAPD, lors desquelles près de 40.000 jeunes, chaque année, cochent la case indiquant qu'ils sont intéressés par la Marine. » En revanche, le contact des jeunes Français avant leur majorité permet de leur présenter l'armée à un âge où ils n'ont pas nécessairement formalisé un projet professionnel. Pour reprendre l'expression employée par l'amiral Sautter, la JAPD permet de « semer l'idée » de l'armée dans l'esprit des jeunes. b) Quels éléments statistiques pour mesurer l'impact de la JAPD sur le recrutement ? L'accélération de la rapidité de la transmission - réalisée en 48 heures désormais - des souhaits d'information formulés par les jeunes a incontestablement permis aux armées concernées de traiter plus efficacement ces demandes. Lors de son audition, le général Cambournac a indiqué qu'en 2003, 16,3 % des jeunes ayant suivi la JAPD se sont déclarés, à la fin de la journée, intéressés par un contact avec l'armée de terre, soit 129.800 coordonnées transmises par voie électronique par la DSN. S'agissant de l'impact de la JAPD sur le recrutement, il ajoutait que « 18.300 jeunes ont déclaré que la JAPD était l'une des trois raisons qui les ont amenés à venir dans un CIRAT. Environ 1.700 contrats souscrits l'année dernière ont pour origine la JAPD, soit de façon unique, soit parmi les trois raisons qui ont amené le jeune à signer. » Le général Puyou a estimé que la JAPD induit 1,5 % du volume des candidats sous-officiers ou de corps de soutien de la Gendarmerie, et parmi ces candidats, 5,4 % du volume des recrutés. Globalement, la JAPD n'est à l'origine que de 5 % des candidatures déposées en 2003. Le général Mauger a estimé l'impact de la JAPD pour l'armée de l'air à environ 250 dossiers de recrutement, soit environ 2,5 % des dossiers constitués. La JAPD n'est donc, pour cette armée, qu'un des éléments de sensibilisation des jeunes parmi d'autres. Cependant, depuis septembre 2003, une brochure contenant des cartes réponses est distribuée lors des JAPD. Le général Mauger a indiqué qu'il recevait « tous les mois environ 200 « cartes contacts » de jeunes intéressés par l'un des métiers de l'armée de l'air ». Si les contacts liés aux listings transmis par la DSN ne sont utiles que dans 1 % des cas, le taux de retour sur ces cartes contact est supérieur. Le général Mauger a ajouté que « lorsqu'un jeune fait la démarche (...) d'envoyer la « carte contact » en payant le timbre, ce retour avoisine les 5 % ». Globalement, les éléments statistiques dont la MEC a pu disposer demeurent très parcellaires. Cette situation s'explique facilement : les armées n'ayant que très récemment pris conscience de l'importance de la JAPD sur le recrutement, le suivi statistique de son impact commence seulement. L'amiral Sautter a indiqué : « nous commençons à comptabiliser les jeunes qui viennent suite à la JAPD, mais il peut s'agir de ceux qui ont fait leur JAPD il y a deux ans, à l'époque où on ne parlait pas encore de recrutement. » c) Un moyen moins efficace que les campagnes de communication ou les journées « portes ouvertes » ? L'idée que la JAPD est peut-être plus chère et moins efficace que des campagnes de publicité ou des journées « portes ouvertes » est très répandue. Votre Rapporteur note cependant que la JAPD, outre sa vocation de renforcer l'esprit citoyen chez les jeunes Français, présente certaines spécificités. En premier lieu, elle permet de mettre l'armée en contact avec l'ensemble de la jeunesse française, alors même que celle-ci ne se visitera pas intégralement des unités organisant des journées « portes ouvertes ». En deuxième lieu, et contrairement aux journées « portes ouvertes », elle permet de sensibiliser les jeunes, sur tout le territoire, à l'action de l'ensemble des armées. L'amiral Sautter a souligné que « ces JAPD portent en elles une partie de l'avenir de la Marine, car elles permettent de la faire connaître, ainsi que ses opportunités, sur l'ensemble du territoire, au lieu de nous limiter à nos deux façades maritimes. Les JAPD sont donc un atout pour nous ». Les « portes ouvertes » ne peuvent se dérouler que dans les zones où il y a des militaires. Or, des régions entières en France n'ont plus d'unités militaires. Si la JAPD, par son caractère universel, semble un moyen plus adapté pour sensibiliser la jeunesse aux carrières militaires, est-elle pour autant plus efficace que les autres formes de communication ? Une campagne publicitaire de l'armée de l'air, d'un coût moyen d'un million d'euros suscite 700 à 800 appels par jour, la constitution de 250 dossiers et environ 2.000 à 3.000 visiteurs de plus dans les bureaux d'information. L'insertion d'une publicité dans un magazine ou une revue de l'ONISEP, pour un coût de 3.000 euros, permet d'obtenir entre 300 et 400 contacts. De même, la Marine assure chaque année en janvier une campagne de communication par voie d'affichage et de messages radiophoniques. En 2003, cette opération a coûté 530.000 euros pour 3.247 contacts. Cette même année, la JAPD a permis à la Marine de disposer de 40.000 contacts. L'apport de la JAPD est donc indéniable, même si le fait que le recrutement n'y soit abordé que depuis 18 mois rend l'évaluation de son impact réel encore incertain. Elle permet de toucher des jeunes qui n'auraient peut-être pas réagi à un message publicitaire. Le Général Lebourg a conclu : « la JAPD, en matière de recrutement, est certainement un outil pertinent ». Votre Rapporteur partage cette analyse. 3.- Améliorer le suivi de la détection des jeunes en difficulté Sur 55.000 jeunes détectés en difficulté en 2003, 32.000 ont accepté une aide. La DSN a considérablement amélioré la qualité du traitement de ces dossiers. Les fiches des jeunes sont transmises dans les 48 heures à l'inspection d'académie ou à la mission locale la plus proche du domicile du jeune. Cependant, les informations statistiques sur l'aide effectivement apportée aux jeunes en difficulté demeurent lacunaires. En effet, les organismes d'aide doivent renvoyer à la DSN un coupon réponse permettant de vérifier que les jeunes ont été pris en charge. Très souvent, ces coupons ne sont pas retournés. La DSN est donc dans l'impossibilité d'évaluer précisément les suites données à ses efforts. C'est pourquoi votre Rapporteur insiste sur la nécessité du retour systématique de ces coupons. Bien souvent, le jeune détecté est déjà pris en charge par une mission locale ou bien par la mission générale d'insertion du ministère de l'Éducation nationale. Cette situation explique parfois que les coupons réponses ne soient pas renvoyés. Par ailleurs, votre Rapporteur a pu constater que la mobilisation des inspections d'académie était inégale. Seuls 54 d'entr'elles ont fourni des données à la direction de l'enseignement scolaire du ministère de l'Éducation nationale, au titre de l'année 2003. Il est vrai que la plupart des jeunes scolarisés détectés en difficulté lors du test organisé dans le cadre de la JAPD sont déjà pris en charge par le ministère. Cet état de fait explique sans doute le faible taux de réponse des structures déconcentrées du ministère. Votre Rapporteur souhaite que l'ensemble des inspections d'académie soit mobilisé pour aider les jeunes en difficulté. 4.- Mettre à jour les dossiers des jeunes Lors du recensement, des données sur les jeunes sont collectées. Il s'agit des leur identité, leur sexe, leur âge, leur situation familiale leur adresse et leur niveau scolaire. Lors de la journée d'appel, ils peuvent indiquer les modifications intervenues depuis le recensement. Ensuite, l'article L. 113-7 du code du service national prévoit que « les Français sont tenus de faire connaître à l'administration chargée du service national tout changement de domicile ou de résidence, de situation familiale et professionnelle ». Lors de son audition, le général Lebourg est convenu que « dans les faits, ceux qui le font sont rares »... a) La DSN est-elle en mesure d'appeler sous les drapeaux les jeunes Français ? L'article 2 de la loi du 28 octobre 1997 précitée précise que les dispositions du code du service national, dans sa forme antérieure, « sont suspendues pour les jeunes nés après le 31 décembre 1978 ». Le législateur pourrait donc décider de rétablir la conscription. En pratique, il est plus vraisemblable qu'il s'agisse d'un appel de quelques catégories de jeunes sous les drapeaux. Dans ce cas, la DSN devrait être en mesure de convoquer les jeunes gens concernés. Il semble clair que cette mission serait très difficile à accomplir. En effet, les fichiers des jeunes ne sont que très rarement actualisés après leur passage à la JAPD. Pour qu'un rétablissement de la conscription soit envisageable, il faut, au minimum, que les adresses des jeunes soient connues. Le lieutenant-colonel Martinelli a précisé que « la seule difficulté d'ordre fonctionnel que [la DSN doit] affronter, c'est celle d'imposer aux jeunes de nous signaler tout changement d'adresse, de situation familiale ou autre. » La solution consiste peut-être à se rapprocher de l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) afin que la DSN soit abonnée au guichet unique d'adresses qu'elle met en place. Cette démarche est en cours. Le lieutenant-colonel Martinelli a ajouté : « Au travers de ce guichet unique d'adresses, nous espérons améliorer la qualité de nos fichiers. Pour le reste, il n'y aurait qu'une chose à faire : envoyer des coupons-réponses à tous ces jeunes qui ne nous signalent pas leur qualification pour leur rappeler la loi. Aujourd'hui, dans la loi, tout est obligatoire mais sur la base du volontariat ! » La DSN ne pourra donc être en mesure d'assurer sa mission en cas de rétablissement de la conscription que si elle dispose des adresses des jeunes. Votre Rapporteur estime que des relances des jeunes par courriel, entre 18 et 25 ans, pourraient, pour un coût modeste, contribuer à la mise à jour de ces fichiers. b) Les données concernant le niveau scolaire doivent être actualisées Parmi les données contenues dans les dossiers des jeunes Français ayant participé à la JAPD figurent le cursus scolaire et les diplômes obtenus. L'immense majorité des jeunes effectuant la JAPD entre 17 et 18 ans, on peut supposer que certains d'entre eux obtiendront des diplômes après la journée. Or, le fichier de la DSN n'est que trop rarement actualisé pour prendre en compte ces évolutions du niveau scolaire. Pourtant cette actualisation présenterait un double intérêt. D'une part, elle permettrait de pouvoir mieux cibler les Français à rappeler sous les drapeaux, en cas de rétablissement de la conscription. Seuls pourraient être rappelées les personnes disposant des compétences recherchées par les armées. D'autre part, cette meilleure connaissance des compétences de la jeunesse française permettrait peut-être de mettre en place un nouveau type de réserve citoyenne, qui permettrait de « mobiliser » de jeunes Français, à raison de leurs compétences, pour des missions d'urgence. Par exemple, il pourrait être intéressant d'identifier des docteurs en chimie, disposant de connaissances particulières afin de les faire participer à la lutte contre le terrorisme, en cas d'alerte à l'attentat chimique. La mise à jour de ces données pourrait s'effectuer à partir des données collectées par le ministère de l'Éducation nationale. S'agissant d'informations nominatives, il convient évidemment de respecter scrupuleusement la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le colonel Hamm, interrogé sur les possibilités de mettre à jour ces données à partir des fichiers de l'Éducation nationale, a souligné qu'il sera bientôt en mesure de mettre à jour les fiches individuelles : « cette nouvelle possibilité devrait monter en puissance au cours des trois ans qui viennent ». Si les identifiants informatiques des personnes sont propres à chaque ministère pour des raisons de confidentialité, le colonel Hamm a souligné que l'application « IDENT » permettait, à partir de la seule transmission des nom, prénom et date de naissance d'un individu de retrouver son dossier de service national. Votre Rapporteur encourage vivement les différents efforts engagés pour mettre à jour les adresses et les niveaux scolaires des jeunes Français. C.- FAUT-IL CRÉER UNE SECONDE JOURNÉE D'APPEL ET DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE ? L'idée de doubler la durée de la JAPD pour étoffer les modules présentés aux jeunes est parfois avancée. Votre Rapporteur observe que cette hypothèse semble particulièrement coûteuse. En revanche, il s'interroge sur l'opportunité de créer une seconde journée « citoyenne » destinée aux jeunes entre 20 et 25 ans. 1.- Une JAPD en deux journées consécutives semble irréaliste L'allongement à deux jours de la JAPD induirait nécessairement des surcoûts importants. Il faudrait en effet fournir aux jeunes un dîner et un déjeuner supplémentaire. Surtout, il faudrait encadrer ces jeunes pour la nuit. Les sites devraient donc être aménagés à cette fin. En plus du coût de ces infrastructures, il faudrait aussi former le personnel de la DSN à ces nouvelles missions, pour lesquelles 600 équivalents temps plein seraient nécessaires. Au total, le coût supplémentaire d'une deuxième journée consécutive serait d'environ 66 millions d'euros par an, en plus d'un investissement initial de 46 millions d'euros pour mettre à niveau les infrastructures. 2.- L'instauration d'une journée citoyenne est envisageable Une « journée citoyenne », pour les jeunes âgés de 20 à 25 ans permettrait de renforcer le parcours de citoyenneté. Elle aurait aussi pour mission de rappeler aux jeunes Français l'importance de la défense et les possibilités offertes pour servir la France. Doit-elle concerner tous les jeunes ? Si cette deuxième journée d'appel devait être universelle, il faudrait trouver une incitation suffisamment forte. A cet égard, la création d'une nouvelle attestation nécessaire pour passer les examens nationaux serait sans doute efficace, mais aussi génératrice de lourdeurs administratives. Bénéficiant de l'effort administratif accompli pour réaliser l'actuelle JAPD, cette seconde journée aurait un coût unitaire moindre. Cependant, elle représenterait tout de même une dépense supplémentaire d'environ 30 millions d'euros. * * * Le travail d'évaluation, propre à la MEC, permet donc de conclure que la DSN a su s'adapter à l'organisation de la JAPD, même si les effectifs paraissent pouvoir être réduits. Les personnes auditionnées font preuve d'un souci de dynamisme et de recherche d'efficacité indéniable. Dès lors, c'est plutôt sur la journée d'appel que sur l'administration qui la gère que porte l'essentiel des propositions suivantes. PROPOSITIONS DE LA MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE Réduire les coûts de gestion de la DSN Proposition n° 1 : Inciter encore plus fortement les communes à transmettre les listes de recensement par voie électronique, afin de réduire les importants coûts de traitement des données. Renforcer l'implication des armées dans la JAPD Proposition n° 2 : Faire participer aux JAPD plus fréquemment les militaires formés à cet effet. Il faut en effet mieux rentabiliser leur formation. De manière générale, les états-majors et les délégués militaires départementaux devraient s'impliquer plus fortement dans les JAPD. Réduire les coûts de la journée Proposition n° 3 : Pérenniser l'effort de réduction des coûts des repas. Proposition n° 4 : Réduire les coûts de transport en développant les accords permettant aux jeunes résidant dans les agglomérations d'utiliser les transports urbains. Proposition n° 5 : Réduire les coûts de transport en ne remboursant pas sans justificatif les jeunes n'ayant pas utilisé les transports en commun. Il s'agirait là d'un effort citoyen de la part des jeunes. Il est en effet déconcertant que des jeunes se voient verser une indemnité forfaitaire pour leur déplacement, quel que soit le moyen de transport utilisé. Améliorer le déroulement de la journée Proposition n° 6 : Demander à tous les jeunes de communiquer, si possible, leur adresse électronique personnelle ainsi que celle de leurs parents. Des messages par courriel permettraient de garder le contact avec les jeunes pour un coût réduit. Proposition n° 7 : Renforcer, dans les présentations faites aux jeunes, l'information relative aux différents moyens leur étant offerts pour se mettre au service de la collectivité (carrières militaires, pompiers, secourisme, etc.). Le module de secourisme, en cours de généralisation, s'inscrit parfaitement dans cette logique. Renforcer la dimension militaire de la journée Proposition n° 8 : Ne plus utiliser de sites civils, sauf impossibilité absolue. Il convient de recourir le plus souvent possible à des locaux militaires, moins chers pour la DSN que les sites civils - au besoin en aménageant les locaux de la Gendarmerie, présente sur tout le territoire. Proposition n° 9 : Faire participer plus de militaires de la DSN aux JAPD. En effet, les jeunes rencontrent, au cours de la JAPD, quatre représentants du ministère de la Défense. Deux d'entre eux, appartenant à la DSN, assurent l'encadrement administratif de la journée (2/3 d'entre eux sont civils). La part de militaires au sein des effectifs de la DSN devrait être augmentée. Le coût supplémentaire pourrait être compensé par le non remplacement des départs des civils exemptés de la JAPD. Proposition n° 10 : Augmenter encore le nombre des visites de sites proposées au cours de la JAPD. Améliorer l'impact de la JAPD sur l'image et le recrutement des armées Proposition n° 11 : Augmenter le nombre de places dans les préparations militaires. En effet, la participation à ces préparations peut permettre aux jeunes de mûrir un engagement dans la réserve. Proposition n° 12 : Offrir systématiquement aux jeunes la possibilité de compléter la JAPD par une visite approfondie, éventuellement dans le cadre des journées « portes ouvertes », voire par un stage. Renforcer le suivi des jeunes en difficulté de lecture Proposition n° 13 : Poursuivre l'amélioration du suivi statistique de la prise en charge des jeunes détectés lors de la JAPD : les missions locales et les services de l'Éducation nationale qui les reçoivent doivent retourner systématiquement les coupons réponses permettant d'attester de ce suivi. Proposition n° 14 : Mobiliser les inspections académiques de l'Éducation nationale pour le suivi de ces jeunes. Proposition n° 15 : Relancer par courriel les jeunes qui ont refusé l'aide proposée. Améliorer la mise à jour des fichiers des jeunes ayant effectué la JAPD Proposition n° 16 : Améliorer le suivi des adresses des jeunes. Aujourd'hui, très peu de jeunes signalent à la DSN leurs changements d'adresses entre 17 et 25 ans. Par une procédure électronique, en liaison avec le programme « Administration électronique », il convient de mettre à jour ces données sans lesquelles un rétablissement de la conscription est matériellement impossible. Proposition n° 17 : Améliorer le suivi des cursus scolaires des jeunes. Beaucoup de jeunes participant à la JAPD ont 17 ans. Certains peuvent obtenir des diplômes universitaires après la JAPD. Il serait donc souhaitable que les données relatives aux qualifications soient mises à jour, éventuellement en liaison avec l'Éducation nationale. Les perspectives de la JAPD Proposition n° 18 : Mettre en place un nouveau type de réserve citoyenne permettant de « mobiliser » ponctuellement des jeunes Français, à raisons de leurs compétences, pour des missions d'urgence (exemple : mobiliser des docteurs en chimie pour une alerte à l'attentat chimique). Proposition n° 19 : Ne pas allonger la JAPD à une deuxième journée consécutive. Le coût du logement et les difficultés d'encadrement (les jeunes ne sont pas soumis à l'autorité militaire) rendent cette perspective irréaliste. Proposition n° 20 : Envisager la création d'une « journée citoyenne », pour les jeunes entre 20 et 25 ans. Bénéficiant de l'effort administratif accompli pour réaliser l'actuelle JAPD, cette seconde journée aurait un coût unitaire moindre. Cependant, elle représenterait un coût supplémentaire d'environ 30 millions d'euros. Lors sa réunion du 7 juillet 2004, votre Commission a examiné le présent rapport d'information. Votre Rapporteur a tout d'abord rappelé que le service national n'est pas abrogé mais seulement suspendu. La direction du service national gère donc les 31 millions de dossiers des Français soumis aux règles de l'ancien code du service national. Par ailleurs elle doit être en mesure de rappeler sous les drapeaux certaines catégories de Français. La professionnalisation des armées doit s'accompagner du maintien du lien entre la Nation et l'armée, afin que cette dernière soit imprégnée des valeurs citoyennes et que les Français soient conscients de la nécessité de la défense nationale. La journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) s'inscrit dans un parcours de citoyenneté commencé au collège, qui se poursuit par le recensement dans les mairies avant la participation à la journée proprement dite. La mission s'est déplacée à Rennes, à Nantes et à Verdun pour mesurer, sur le terrain, les difficultés d'organisation de cette journée ainsi que les modalités de son déroulement. Les modules présentés aux jeunes ont beaucoup évolué depuis deux ans. Leur intérêt a été singulièrement renforcé. Un module consacré au secourisme a été introduit dans le programme afin de rappeler aux jeunes que l'esprit de défense passe aussi par l'engagement citoyen et la solidarité. Par ailleurs, la JAPD sensibilise l'ensemble de la jeunesse aux carrières militaires permettant ainsi de favoriser le recrutement et les engagements dans la réserve. La gendarmerie est particulièrement impliquée dans l'organisation de la journée. L'armée de terre a compris qu'elle permettait de sensibiliser les jeunes aux carrières militaires. En outre, la marine et l'armée de l'air s'impliquent elles aussi de plus en plus. La direction du service national a réalisé des gains de productivité très importants au cours des deux dernières années. Il est probable que ces efforts peuvent encore être accentués. Elle dispose d'un effectif de 2.950 équivalant temps plein. Le Président Pierre Méhaignerie a jugé ce chiffre très élevé. Votre Rapporteur a indiqué que cet effectif pourrait sans doute être encore réduit de 200 personnes. Les coûts de fonctionnement ont été maîtrisés. Par exemple, le coût d'un repas servi à un jeune a été ramené à 6,5 euros. Globalement, le coût de la JAPD par jeune est passé de 162 euros en 2001 à 128 euros en 2003. La mission a formulé 20 propositions pour rendre la JAPD plus efficace et plus attractive pour les jeunes. Il convient tout d'abord de réduire les coûts de gestion en incitant fortement les communes à transmettre les listes de recensement par voie électronique. En effet, malgré les sollicitations de la direction du service national, de nombreuses mairies transmettent ces listes imprimées, ce qui induit un coût de traitement très important. En outre, il faut renforcer le caractère militaire de cette journée en faisant participer plus fréquemment les militaires formés spécifiquement à cette tâche, en renforçant la part des militaires au sein des effectifs de la direction du service national et en accueillant les jeunes uniquement sur des sites militaires. Les militaires sont en effet les mieux placés pour parler de l'esprit de défense. Il faut réduire les coûts de la journée en pérennisant l'effort de réduction des crédits consacrés aux repas et en diminuant les coûts de transport. À cette fin, la direction du service national développe des accords permettant aux jeunes résidant dans de grandes agglomérations d'utiliser les transports urbains. En revanche, il faut supprimer le remboursement forfaitaire de 8 euros versé aux jeunes qui ne peuvent pas justifier de leurs frais de transports. Il s'agirait là d'un effort citoyen : la JAPD doit être suffisamment attractive pour que cette incitation financière soit sans objet. Il faut généraliser le recueil de l'adresse électronique des jeunes, comme la direction du service national l'a entrepris, pour faciliter les contacts après la JAPD. Le courrier électronique pourrait aussi être un moyen de relancer les jeunes en difficulté qui ont refusé l'aide proposée, ou bien un moyen pour promouvoir le recrutement dans les armées à moindre coût. Dans les présentations faites aux jeunes, l'information relative aux différentes possibilités leur étant offertes pour se mettre au service de la collectivité doit être renforcée. Le module de secourisme, en cours de généralisation, semble susciter l'intérêt des jeunes. En ce qui concerne le recrutement, il faudrait encore augmenter le nombre des visites de sites organisées pendant la JAPD, ou après celle-ci. Un effort significatif a été accompli depuis deux ans en ce sens. Les armées ont en outre du mal à recruter pour certains emplois techniques, alors même que les filières professionnelles correspondantes sont délaissées dans notre système éducatif. Les tests de détection de l'illettrisme sont efficaces mais le suivi des jeunes détectés en difficulté doit faire l'objet d'une mobilisation plus forte des services déconcentrés du ministère de l'Éducation nationale. La mise à jour des fichiers des jeunes ayant effectué la JAPD doit être renforcée. Il convient, par ailleurs, de s'interroger sur la mise en place d'un nouveau type de réserve citoyenne au bénéfice de la défense nationale et, plus généralement, de la sécurité publique. En ce qui concerne les perspectives de cette journée, il ne faut pas lui adjoindre une journée supplémentaire : le coût du logement et les difficultés d'encadrement rendent en effet cette perspective irréaliste. En revanche, il convient d'envisager la création d'une « journée citoyenne » pour les jeunes entre 20 et 25 ans, afin de les sensibiliser de nouveau à l'esprit de défense ainsi qu'aux possibilités qui leur sont offertes pour se mettre au service de leurs concitoyens. M. Augustin Bonrepaux, co-président de la MEC, a indiqué être prêt à adopter l'excellent rapport de la MEC, qui répond à toutes les interrogations posées. M. Pierre Albertini a souligné une dérive depuis la création de la JAPD qui visait à maintenir un lien entre l'armée et la Nation compte tenu de la suspension du service national. Depuis 2000 en effet, des missions à caractère social ont été raccrochées à cette journée. S'agissant de la lutte contre l'illettrisme, on peut ainsi constater que 8 à 15 % des jeunes peuvent être concernés selon le degré de maîtrise de la langue exigé, mais qu'il est difficile d'intervenir efficacement en la matière, après l'âge de 18 ans. On peut également s'interroger sur l'apprentissage du secourisme ou la détection des jeunes en grande difficulté sociale, qui sont des sujets très éloignés des objectifs initiaux de la JAPD. On peut dès lors se demander si l'ambivalence, voire la dénaturation de la JAPD, ne remet pas en cause la logique de réduction des coûts du dispositif. M. Louis Giscard d'Estaing a rappelé que la JAPD se substitue aux anciens « trois jours » et au service national pour donner aux jeunes les moyens de comprendre les questions de défense et les outils militaires de la Nation. Des demandes émanant d'autres services ministériels ont abouti à mettre à la charge de l'institution militaire des missions hors de son champ de compétences. Cela pose un problème pour les intervenants, officiers d'active et de réserve, en raison à la fois de la baisse à venir des effectifs de réserve et de la nécessité de garantir des phases de récupération aux cadres d'active rentrant d'opérations extérieures, ce qui pose un problème lorsqu'une journée a lieu le samedi. Il y a donc une question de définition du concept même de JAPD. Pour autant, on ne peut que souscrire aux excellentes propositions de la MEC, s'agissant notamment de la moindre utilisation de sites civils. M. Yves Deniaud, co-président de la MEC, a estimé que la réduction des coûts et le renforcement des aspects militaires de la JAPD devraient permettre d'assurer un meilleur recrutement professionnel des armées. M. Charles de Courson, Président, s'est demandé s'il fallait conserver la JAPD. En réponse aux intervenants, votre Rapporteur, a rappelé qu'après les balbutiements initiaux, la JAPD est devenue un outil pédagogique de qualité. Les jeunes détectés en difficulté n'acceptent pas tous d'être aidés, mais un grand nombre d'entre eux disposera d'une nouvelle chance, notamment dans les missions locales. La JAPD est le seul moment où tous les jeunes d'une même classe d'âge se retrouvent ensemble pour marquer leur appartenance à la Nation. Même si l'institution militaire ne constitue plus le creuset de la citoyenneté qu'elle était avec le service national, il lui revient de cultiver les valeurs républicaines, car la France ne saurait disposer d'une « armée de mercenaires ». M. Charles de Courson, Président, a souligné que la conception que le Rapporteur se faisait de l'armée correspondait au concept de la « Nation en armes » de Jean Jaurès. Votre Rapporteur, a estimé qu'on peut attirer l'attention des jeunes à l'occasion de la journée. Dans le cadre de la JAPD, laquelle ne se déroule que dans 30 % des cas le samedi, 120 minutes sont consacrées à la Défense, 75 minutes à l'apprentissage des gestes de survie et une demi-heure aux premiers tests. Le nouveau programme de la journée fait donc une large place aux questions de défense. L'apprentissage des institutions et de l'esprit de défense est nécessaire au citoyen. Il est pour autant indispensable de soutenir l'intérêt des jeunes pour la JAPD, au-delà de la « carotte » que représente 8 euros. Il ne faut donc pas supprimer la JAPD mais lui donner plus de force, pour renforcer le parcours de citoyenneté et l'insertion sociale des jeunes. M. Charles de Courson, Président, a relevé que la ministre de la Défense vient d'estimer souhaitable, dans un entretien de presse, de porter la JAPD à deux journées. Votre Rapporteur, a souligné le caractère dérangeant de certains constats et propositions de la MEC, sur ce sujet comme sur d'autres. Les ministres concernés, parfois poussés par leur entourage, sous cette majorité comme sous la précédente, peuvent être ainsi amenés à faire des propositions avant même que la MEC ne conclue ses travaux, pour tenter de montrer que le Parlement n'est pas le lieu où sont prises les décisions. Il s'agit d'une attitude très désagréable et peu respectueuse des travaux de la MEC, qui prouvent pourtant que l'on peut faire des économies et gagner en efficacité par un caractère plus opérationnel des dispositifs examinés. Ces remarques, qui s'appliquent en l'espèce, sont trop souvent constatées et doivent être regrettées. Conformément à l'article 145 du Règlement, la Commission a autorisé la publication du présent rapport. AUDITIONS EFFECTUÉES PAR LA MISSION Pages 5 février 2004 : a) 9 heures 30 : - Lieutenant-colonel Joseph Martinelli, sous-directeur de la réglementation et de la gestion du service national 39 b) 10 heures 15 : - M. Yves Le Barbier de Blignières, sous-directeur des ressources humaines de la direction du service national 48 c) 11 heures : - Colonel Dominique Hamm, sous-directeur de l'informatique de la direction du service national 54 d) 11 heures 45 : - Commissaire colonel Marc Sciré, sous-directeur des affaires financières et du soutien de la direction du service national 57 25 février 2004 : a) 9 heures 30 : - Général de division Jean-Paul Lebourg, directeur du service national 65 4 mars 2004 : a) 9 heures 30 : - Vice-Amiral d'escadre Philippe Sautter, directeur du personnel militaire de la Marine nationale 77 b) 10 heures 15 : - Général de division Henri Puyou, chef du service des ressources humaines de la Gendarmerie nationale 82 c) 11 heures : - Général de brigade Thierry Cambournac, sous-directeur du recrutement à la Direction du personnel militaire de l'armée de Terre 88 d) 11 heures 45 : - Général de brigade aérienne Claude Mauger, sous-directeur du recrutement à la Direction du personnel militaire de l'armée de l'Air et Général de brigade aérienne Joël Martel, sous-chef d'état-major Plans et finances à l'état-major de l'armée de l'Air 93 Auditions du 5 février 2004 a) 9 h 30 : Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli, sous-directeur de la réglementation et de la gestion du service national Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : La direction du service national et la journée d'appel de préparation à la défense offrent, pour la première fois, l'occasion à la MEC de s'intéresser à un sujet relevant du ministère de la défense. Je salue la présence de la Cour des comptes qui nous assiste comme les années précédentes. Nous accueillons le Lieutenant-colonel Martinelli, sous-directeur de la réglementation et de la gestion du service national. L'objectif de la mission est d'analyser les évolutions que la direction du service national a connues dans ses effectifs et dans ses missions, l'efficacité de cette journée, de prendre connaissance des résultats chiffrés de la participation réelle des jeunes, de comprendre comment les informations recueillies au cours de cette journée sont exploitées. Notre objectif est de rechercher les améliorations qui pourraient rendre la direction du service national plus efficace. Il conviendra d'étudier l'organisation même de la journée d'appel de préparation à la défense. Comment a-t-elle évolué et comment va-t-elle évoluer en termes d'effectifs, de moyens, de coûts et de résultats ? Ce sont ces aspects qui doivent être examinés pour aboutir à des propositions pertinentes du rapporteur. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Sous-directeur de la réglementation et de la gestion à la direction du service national (DSN), j'ai pris mes fonctions à l'automne 2001 après avoir commandé le bureau du service national de Rennes de 1998 à 2001 pendant la période de transition au cours de laquelle le service national a été suspendu et la journée d'appel mise en uvre, puisqu'elle a commencé en octobre 1998. Je suis en charge de l'exécution de la mission principale de la direction sur le terrain et je vous présenterai les grandes lignes de son fonctionnement en revenant sur les points que vous avez soulignés, Monsieur le Président, et en présentant les évolutions les plus significatives. De manière générale, on a l'habitude de dire que la DSN agit, administre, gère et informe. Plus concrètement, de quoi s'agit-il ? La réponse se décompose en cinq volets : - assurer le recensement dès 16 ans des garçons et des filles, désormais en liaison directe avec les 36.000 mairies ; - conduire la JAPD (journée d'appel de préparation à la Défense) pour 750.000 jeunes chaque année ; - administrer les dossiers individuels de ceux qui ont servi sous les armes ou qui ont effectué des services civils, soit 31 millions de dossiers détenus dans nos 40 établissements ; - fournir des attestations de services aux quelque 500.000 personnes qui, chaque année, nous adressent des demandes pour satisfaire aux sollicitations, notamment, des caisses de retraite ; - attester de la position au regard du service national -ce que nous allons faire dans les jours qui viennent, notamment pour les candidats aux régionales. Nous allons être saisis par les préfectures et par les bureaux électoraux afin d'attester que les candidats sont en règle ; - fiabiliser les fichiers des jeunes de 16 à 25 ans, dans l'éventualité du rétablissement de l'appel sous les drapeaux, mais également pour contribuer à la procédure d'inscription d'office à 18 ans sur les listes électorales. Cette procédure, qui est mise en uvre par l'INSEE, s'appuie sur les fichiers de la DSN. Le cur de la mission de la DSN est la journée d'appel de préparation à la Défense. La limitation de mon propos à ce domaine se justifie tant par son symbole, qui contribue au maintien du lien entre la Nation et son armée, que par ses enjeux civiques ainsi que par l'énergie et la diversité des acteurs qu'elle mobilise. J'insisterai, tout d'abord, sur trois points : Premièrement, il fallait faire vivre un dispositif nouveau qui a nécessité un effort important du personnel de la DSN et provoqué une véritable révolution culturelle : au lieu d'être assis derrière son bureau avec son téléphone. Les agents ont dû se déplacer et engager le dialogue avec les jeunes. Deuxièmement, il fallait impliquer progressivement nos partenaires extérieurs - Éducation nationale, missions locales - dans le cadre de l'aide aux jeunes en difficulté de lecture. Troisièmement, la JAPD devait se tenir essentiellement le samedi et on ne devait y évoquer le recrutement que de façon très indirecte puisque la mission principale était -elle le reste- de concourir au lien entre l'armée et la Nation. Depuis octobre 2002, nous sommes dans une phase d'adaptation. Je présenterai ensuite les évolutions prévues au premier trimestre 2004. Cette phase d'adaptation s'est accompagnée d'une transformation en profondeur de la JAPD selon trois axes : l'aide au recrutement ; l'aide aux jeunes en difficulté de lecture ; l'amélioration de l'inscription d'office sur les listes électorales. Aujourd'hui, la JAPD se déroule majoritairement du lundi au vendredi, grâce au soutien des armées. Il s'agit d'une évolution de bon sens. Comment présenter des militaires en activité et permettre des contacts avec des jeunes dans des casernes vides le samedi ? La conséquence indirecte de cette évolution est une optimisation des ressources en personnel puisque les fonctionnaires travaillant le samedi bénéficient de compensations importantes. Parallèlement, des espaces information ont été aménagés sur les 250 sites d'accueil pour présenter l'ensemble des métiers de la Défense ainsi que les volontariats civils et militaires. Les armées ont concouru à cette amélioration en organisant des visites et des présentations de matériels sur leurs sites. En 2003, plus de la moitié des jeunes présents, soit plus de 350.000 d'entre eux, ont bénéficié d'une de ces visites. Nous avons consécutivement adressé 372.000 fiches d'intention aux organismes locaux de recrutement, directement par Internet, dans les 48 heures suivant la journée. Le deuxième axe de progrès est l'aide aux jeunes en difficulté de lecture. Il a fallu mettre en oeuvre un véritable arsenal de moyens, à la fois pour que notre action ne se limite pas à un corpus de statistiques sur les acquis fondamentaux de la langue française au profit de l'Éducation nationale -ce qui est prévu par un protocole-, mais aussi pour en faire un véritable passage de témoin. Nous détectons les jeunes en difficulté de lecture grâce à un test unique au lieu de deux initialement. Nous procédons à un entretien individuel de 20 à 30 minutes pour faire prendre conscience aux jeunes en difficulté de leur situation et obtenir leur accord pour que leurs coordonnées soient transmises à un organisme d'aide. Nous informons les parents des mineurs et relançons les majeurs. Nous suivons les contacts effectifs avec les partenaires pour que l'on ne communique pas des noms inutilement, après avoir transmis les coordonnées en 48 heures par Internet, à l'issue de chaque journée. Le nombre des dossiers et des fiches d'entretien transmis tant aux organismes d'aide de l'Éducation nationale qu'aux missions locales a atteint 32.000 pour l'année 2003. Dernier axe d'amélioration depuis 2002 : l'inscription d'office sur les listes électorales. Nous nous sommes assurés auprès des mairies que les jeunes figurant sur les listes transmises par l'INSEE, et qui avaient effectué leur JAPD étaient réellement inscrits. 80 % des mairies nous ont répondu. Nous avons adressé 22.000 lettres à tous les jeunes qui n'avaient pas pu être inscrits, souvent parce qu'ils avaient changé de domicile entre-temps sans nous le signaler. Tout cela, ce sont les réformes déjà accomplies. J'en arrive maintenant aux évolutions à réaliser en 2004, dès le mois de mars. Nous procéderons à trois changements principaux. D'abord, l'interactivité des modules de présentation de la défense : les jeunes trouvaient cette journée un peu ennuyeuse. Pour débrider l'atmosphère, nous montrerons par exemple des « micro-trottoirs » très agressifs. Ces nouveaux modules ont été réalisés par la Délégation à l'information et communication de la défense (DICoD). Ensuite, nous procéderons à une formation systématique des intervenants pour que l'ensemble de nos cadres - deux cadres par journée d'appel - soit formés à cette présentation. Enfin, sur une incitation très forte de Mme la ministre de la défense, une initiation au secourisme se fera sur tous les sites, après une période de montée en puissance, à la fin du mois de juin. Une information sur les risques naturels, sur les risques liés au terrorisme et sur les accidents de la route sera présentée dans ce cadre. Nous apprendrons à tous les jeunes trois gestes de premiers secours ; cette formation sera assurée par des moniteurs de la Croix-Rouge. Soixante-quinze minutes seront consacrées à cette formation. J'espère, au travers de mon propos, avoir montré comment la direction du service national a entrepris, depuis 2002, et aujourd'hui encore, de rendre cette journée à la fois plus rentable pour l'État, plus profitable pour les armées et, dans une logique de bonne administration, plus utile pour nos jeunes concitoyens grâce à tous les moyens mis en uvre, appuyés notamment par une informatique moderne et performante. Nous avons d'ailleurs lancé cette année une procédure de certification de nos organismes extérieurs qui commencera dès le premier semestre 2004. Pour assurer ma mission, je suis assisté d'une adjointe, plus particulièrement chargée des partenariats civils et du contrôle de gestion et de trois bureaux : le bureau de la réglementation et du contentieux ; le bureau d'appel de préparation à la Défense, pour assurer la mission de maintien du lien entre l'armée et la Nation et le bureau des statistiques et du contrôle de gestion qui relève de ma compétence et grâce auquel nous établissons un certain nombre de tableaux de bord que nous adressons à nos organismes, chaque trimestre, pour leur montrer leurs points forts et leurs points faibles dans divers domaines et conduire les actions correctives en conséquence. Nous voulons être les plus réactifs possibles par rapport aux résultats du terrain, afin de déterminer ce qu'il faut améliorer. M. Yves Deniaud, Président : Je souhaite que vous précisiez quelques éléments de votre propos. Vous avez indiqué que la journée se déroulait majoritairement du lundi au vendredi. Elle a donc parfois encore lieu le samedi. À quelle fréquence ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : 30 % des JAPD se déroulent encore le samedi, notre objectif étant de ramener ce chiffre à 20 % sans descendre en dessous, du fait de notre obligation de service public qui doit permettre aux jeunes qui ne peuvent se déplacer que le samedi de venir ce jour-là. M. Yves Deniaud, Président : L'armée professionnelle connaît aujourd'hui des difficultés de recrutement. L'impact de cette journée sur le recrutement a-t-il été quantifié ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Les 372.000 fiches d'intention transmises à toutes les armées en 2003 ont permis à certaines d'entre elles de nous donner quelques éléments. Notamment, la direction du recrutement de l'armée de terre nous a fourni un chiffre indiquant que 25 à 30 % de leur recrutement est issu de la journée d'appel de préparation à la Défense. C'est pour assurer la plus grande efficacité dans le recrutement que nous transmettons les données aux armées en 48 heures par Internet. Les organismes font l'effort d'adresser aux jeunes en moins de cinq jours -certains le font dans les trois jours qui suivent- une documentation et une invitation à se présenter suite à leur déclaration d'intention. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Mon Colonel, vous êtes entré dans le vif du sujet. Je vous propose d'organiser votre audition avec les collègues, autour d'une série de questions et de réponses rapides. S'agissant de la journée elle-même et de son organisation, il semble assez logique que cette nouvelle forme de contact entre l'armée et les jeunes fasse l'objet, dans ses débuts, d'une attention particulière du Parlement afin d'en évaluer l'impact. On a pu considérer que le rythme de la journée était relativement chargé. Vous avez déjà abordé les contenus, mais il semble que vous ayez maintenant à assurer, à l'intérieur de cette journée, de nouvelles missions d'information, voire de formation. Ma première question porte sur le lien armée - Nation. Au-delà de ce que vous venez de dire sur les statistiques relatives aux jeunes souhaitant une information particulière, pouvez-vous nous préciser à qui ces fiches sont envoyées - les diverses directions ou peut-être les régiments - et quelles études sont menées pour déterminer leur rôle dans le recrutement ? Deuxièmement, les professionnels de la formation s'interrogent sur la durée du test sur l'illettrisme et sur les enseignements que vous en tirez. Il est souvent difficile de mesurer le niveau d'illettrisme. Au-delà de la lecture, le test permet-il de vérifier la bonne compréhension des textes lus ? Comment les nouvelles présentations concernant le secourisme et la sensibilisation à la sécurité, qu'elle relève de la route ou de l'anti-terrorisme, vont-elles s'insérer dans le programme de la journée, déjà chargé ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : En ce qui concerne le recrutement et l'aide aux jeunes en difficulté de lecture, nous sommes avant tout un prestataire de services. Conformément aux recommandations de la CNIL, nous ne conservons, dans nos fichiers, à l'issue de la JAPD, que les données établissant que ces jeunes sont en règle avec le code du service national, afin de pouvoir en attester par la suite. Pour tout ce qui relève du suivi de la JAPD, nous travaillons en coopération avec les armées, notamment dans le cadre du comité de pilotage interarmées de la journée d'appel de préparation de la défense, pour avoir en retour les chiffres mesurant l'impact de la journée sur le recrutement. Ces chiffres sont établis par les sous-directions et directions de recrutement de chaque armée. En retour, nous recevons des armées des chiffres mesurant cet impact. Ils sont de l'ordre de 25 à 30 % pour l'armée de terre, un peu moins pour la Marine et la gendarmerie, laquelle a des exigences particulières en termes de recrutement. Concrètement, ils ont un taux de sélection plus strict dans leur processus de recrutement. Nous attendons des chiffres provenant de l'armée de l'air. Toutes les armées, qui assurent la logistique de la JAPD, montrent par leur engagement volontaire, par la mise en place de visites au profit de ces jeunes sur tous les sites -ce qui est un travail complémentaire pour les unités- qu'elles attendent beaucoup de cette journée. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : La gendarmerie est professionnalisée depuis longtemps. La plupart du temps, le projet de s'engager dans la gendarmerie est souvent particulièrement mûri. Étant profondément terrien, je n'affirmerai rien quant à la Marine, mais vu de l'Est de la France, on peut supposer qu'il y a là aussi une motivation tout à fait particulière et spécifique à s'y engager. Quant à l'armée de terre, compte tenu de la spécialisation et de la professionnalisation de plus en plus importante dans des métiers précis, comment adaptez-vous l'information diffusée à ces besoins qui évoluent ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : L'armée de terre a mis en place une gestion très ciblée, par domaine de compétence, et qui évolue en permanence. Nous ne pouvons pas, dans le temps réduit qui nous est imparti, spécialiser ou orienter nos propos en vue du recrutement. Nous sommes un prestataire qui diffuse de l'information ; nous essayons de transmettre un maximum de données aux organismes de recrutement. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avez-vous essayé de mesurer l'impact de la journée sur l'engagement dans la réserve ? La ministre a donné des orientations très précises pour valoriser la réserve. Avez-vous envisagé des mesures ou des messages particuliers ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Non. Nous mesurons simplement le nombre de jeunes intéressés. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avec le contenu actuel et les évolutions prévues, la durée d'une journée vous convient-elle ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Je sais que c'est un souci. Nous nous efforçons, dans un cadre qui nous a été donné, de tenir notre objectif. Si l'on nous donne une journée, nous nous organisons sur une journée. Si l'on nous en donnait une supplémentaire - c'était dans l'air du temps -, nous l'emploierions. Nous réfléchissons, dans le cadre d'un groupe de travail, à ce qui pourrait être fait en liaison avec d'autres ministères. Contribuer au lien entre la Nation et son armée, ce n'est peut-être pas seulement l'affaire du ministère de la défense et de son seul budget. Les chiffres avancés, pour le coût d'une seconde journée, seraient d'environ 600 personnels et 600 millions d'euros en plus. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Le rapport de la Cour des comptes a montré que l'organisation de la JAPD, tous les jours de la semaine et pas seulement le samedi, avait apporté de significatives économies. Outre les militaires mis à disposition par les armées, quels sont les intervenants extérieurs au ministère et quel type de relations avez-vous avec eux ? Comment mesure-t-on le niveau d'illettrisme des jeunes d'aujourd'hui ? En fonction de la pertinence du test, les résultats peuvent être très différents. Le ministère de l'Éducation nationale participe-t-il à l'élaboration du test et quelle est sa contribution en termes de ressources humaines et de financement ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Aujourd'hui, la journée d'appel de préparation à la Défense est confiée au seul ministère de la Défense qui fournit la totalité des cadres pour informer les jeunes sur les moyens et les missions de la Défense, et bientôt pour animer le module sur les responsabilités du citoyen. La direction du service national a deux missions : elle fournit les intervenants et elle organise administrativement la journée. L'exploitation des données, postérieurement à cette journée, consiste à les transmettre aux organismes de recrutement et aux organismes d'aide aux jeunes en difficulté, ainsi qu'à la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Éducation nationale, qui est à l'origine des tests. En aucun cas, nous ne bénéficions d'une quelconque participation extérieure au ministère de la Défense. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : C'est donc bien l'armée face aux jeunes de la Nation. (Acquiescement de M. Martinelli) Parmi les jeunes recensés dans les mairies que vous appelez pour effectuer cette journée, certains ne viennent pas, même si les statistiques semblent s'améliorer. La Cour des comptes nous dit que cette amélioration est le résultat de la participation des jeunes filles qui seraient plus enclines à répondre. Que se passe-t-il pour ceux qui ne répondent pas à l'appel ? Quels enseignements peut-on en tirer ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : En ce qui concerne la part des jeunes qui échappent, je rappelle que cette journée est obligatoire entre 16 et 25 ans, mais sur volontariat. Nous n'avons pas d'autres moyens d'incitation que ceux prévus par la loi, et qui sont de plus en plus efficaces. Nous incitons notamment les différents ministères à réclamer l'attestation de participation à la journée. Par exemple, le ministère des Transports la demande pour le permis de conduire. S'agissant du baccalauréat, tous les jeunes doivent fournir une attestation, soit de recensement s'ils ont moins de 18 ans, soit de participation à la journée dès lors qu'ils ont 18 ans. Il s'agit là d'une incitation concrète. L'autre incitation est l'information des mairies et, au-delà, des jeunes. Nos agents se déplacent dans les mairies pour assurer cette information ainsi que la formation de base des secrétaires de mairie depuis que le recensement ne s'appuie plus sur les préfectures. Nous avons donc un contact permanent avec les mairies. Cette information est également complétée par les campagnes de presse réalisées par la DICoD. A la suite de ces efforts, nous avons vu augmenter considérablement, c'est-à-dire de plus de 10 points, le taux de recensement au cours de ces trois dernières années. Désormais plus de 95 % des jeunes se sont fait recenser à 18 ans. Pratiquement tous ces jeunes participent à la journée d'appel de préparation à la Défense. En revanche, un jeune peut ne pas se présenter à la JAPD et disparaître discrètement dans la nature s'il n'a pas besoin de passer le permis de conduire, de passer son Bac ou un concours relevant de l'autorité publique. Nous évaluons la proportion de ces jeunes à 1,5 % d'une classe recensée, à l'âge de 25 ans. M. Yves Deniaud, Président : A-t-on une idée de qui sont ces jeunes ? Les jeunes handicapés sont-ils inclus dans ces chiffres ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Pour l'appel de préparation à la défense, le niveau d'exemption est sans commune mesure avec l'ancien service national. Les jeunes qui ont une carte d'invalidité à plus de 85 % sont bien entendu exemptés. En revanche, nous accueillons de façon épisodique, et sur leur demande, des jeunes handicapés qui souhaitent participer à la journée. Au total quelque 5 000 jeunes sont vraiment exemptés, et sont parfaitement identifiés par un médecin agréé. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je souhaiterais aborder maintenant la question des locaux. Vous utilisez des locaux des différentes armées. La gendarmerie est aussi très souvent mobilisée. Quelles sont vos relations avec les différentes armées et la gendarmerie ? Y a-t-il des conventions, une évaluation ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Toutes les armées contribuent à l'organisation de la journée en mettant à disposition des locaux. Nous disposons de 250 sites sur le territoire métropolitain, sans parler de l'outre-mer. La gendarmerie est particulièrement mise à contribution car l'implantation des armées est très dispersée. Nous préférons accueillir les jeunes dans une enceinte militaire plutôt que dans un établissement civil. Avec les établissements civils, des conventions sont signées, alors que ce sont des textes réglementaires qui prévoient la mise à disposition des établissements militaires. Depuis le deuxième trimestre 2002, nous avons mis en place un système d'évaluation systématique de cette journée, portant sur au moins 150 points. Cette évaluation est assurée par deux cadres, l'un appartenant à l'armée dont relève le site, l'autre appartenant à la direction du service national, constituant ainsi un binôme impartial. Ensuite, nous agissons en liaison avec les armées, quand la qualité est jugée insuffisante en matière de repas ou d'accueil. Des locaux sans chauffage en hiver ont un effet désastreux sur nos jeunes. Nous intervenons alors immédiatement, de manière déconcentrée, au niveau régional. Nos directeurs interrégionaux ont pour interlocuteurs les représentants régionaux de chaque armée. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Comment évaluez-vous les coûts d'organisation ? Leur paiement fait-il l'objet d'une convention ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : La DSN prend en charge la totalité des coûts. Elle dispose pour cela d'un budget. Le sous-directeur des affaires financières vous en parlera techniquement beaucoup mieux que moi. Je me bornerai à indiquer que nous payons l'ensemble des prestations par des transferts budgétaires auprès des différents ordonnateurs. Nous contrôlons donc absolument tout, notamment le prix des repas, le prix du transport des jeunes et toutes les prestations liées à l'entretien des locaux, aux charges d'électricité et au nettoyage. A cet égard, nous respectons les plafonds budgétaires, mais nous essayons également de faire en sorte que, pour le repas par exemple, les unités ne nous facturent pas 8 euros un repas qui n'en coûterait que 4 ou 5, au prétexte que le montant budgété serait de 8 euros. Nous sommes particulièrement attentifs à cette question. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Cela veut dire que quand il y a mise à disposition de locaux pour la journée d'appel, il y a une convention et une évaluation des coûts, et donc un contrôle. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Tout à fait. Il y a un suivi permanent dans le cadre du budget. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Concernant le suivi des jeunes, sous réserve de l'accord de la CNIL et du respect de la loi, comment peut-on suivre ces jeunes qui sont recensés, qui participent à la journée, qui ont un numéro de service national ? Il serait utile de suivre chaque jeune, qui est recensé à 16 ans, qui passe la journée à 18 ans et qui évolue dans la vie. Vous avez souligné les difficultés rencontrées pour mettre à jour les données les concernant, y compris s'agissant des adresses. Tout en respectant la liberté individuelle et la loi Informatique et Liberté, comment pourrait-on mettre en place un outil de suivi efficace dont le rôle pourrait être crucial en cas de rétablissement de l'appel sous les drapeaux ? Une réflexion est-elle menée sur ce sujet ? C'est peut-être le sous-directeur chargé de l'informatique qui pourra nous répondre. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Éventuellement, mais nous travaillons ensemble, car il n'y a pas de mission sans informatique. Aujourd'hui, notre système nous permet de disposer de dossiers électroniques sur ces jeunes. La seule difficulté d'ordre fonctionnel que nous devons affronter, c'est celle d'imposer aux jeunes de nous signaler tout changement d'adresse, de situation familiale ou autre. Malgré tout, nous travaillons avec l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) afin d'être abonné au guichet unique d'adresses qu'elle met en place. Par ce biais, avec tous les moyens informatiques, nous allons pouvoir mieux suivre les déplacements des jeunes. Dans le cadre d'un éventuel rétablissement de l'appel, la seule donnée manquante sera la situation familiale et professionnelle, pour affiner les qualifications des jeunes - et cela jusqu'à 25 ans uniquement - puisque tout jeune est réputé en règle au-delà. Au-delà de cet âge, nous n'avons plus aucune obligation envers eux. Ils sont réputés en règle vis-à-vis du service national, même s'ils n'ont jamais participé à la JAPD. Au travers de ce guichet unique d'adresses, nous espérons améliorer la qualité de nos fichiers. Pour le reste, il n'y aurait qu'une chose à faire : envoyer des coupons-réponses à tous ces jeunes qui ne nous signalent pas leur qualification pour leur rappeler la loi. Aujourd'hui, dans la loi, tout est obligatoire mais sur la base du volontariat ! M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : C'est contradictoire ! Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : C'est une situation très difficile à appréhender. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Il faudrait faire en sorte que le volontariat se transforme en obligation. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : C'est certainement le plus grand challenge de cette journée : elle doit devenir suffisamment intéressante et surtout utile pour que les jeunes y viennent naturellement. Nos indicateurs de résultat s'améliorent. Nous suivons de nombreux indicateurs élaborés en relation avec nos organismes. Nous établissons des tableaux de bord avec du rouge et du vert, par organisme et par type d'activité. M. le Président : Comment s'effectue cette évaluation ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Il y a deux aspects dans cette évaluation. Le premier concerne le fonctionnement technique et financier illustré par les indicateurs tels que le taux de remplissage des sites. Ce taux dépasse aujourd'hui 98 % alors qu'il n'était que de 81 % l'an dernier. Comme une agence de voyage, nous essayons de rentabiliser les sites en analysant et en suivant les fluctuations de la population dans le temps et en fonction des périodes. On sait que sur tel site, en période d'examens, il faut convoquer 130 % des jeunes parce que l'on sait que 30 % ne viendront pas. A d'autres moments ou dans d'autres régions, on ne convoque qu'à 110 ou 115 %. Le second aspect de l'évaluation consiste en un questionnaire de satisfaction que nous avons adapté depuis le 1er janvier 2004. Nous aurons les premiers résultats à la fin du premier trimestre 2004. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avant 2004 ce questionnaire n'existait pas ? Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Avant 2004, il y avait déjà un questionnaire. Je souhaitais préciser que nous avions orienté ce questionnaire vers des questions très précises afin de savoir pourquoi les jeunes ne viennent pas, ainsi que ce qui leur paraît intéressant ou pas. Nous avons notamment ajouté les questions suivantes : « Êtes-vous satisfait de votre date de convocation ? Êtes-vous satisfait de votre lieu de convocation ? Avez-vous rencontré des difficultés pour vous rendre sur le site ? » L'appréciation des locaux, du repas, existait dans la précédente version du questionnaire. Nous sommes très attentifs à ces éléments particulièrement importants. Celui à qui on a proposé des petits pois ou une macédoine peut juger le repas très mauvais. Globalement le taux de satisfaction pour les repas atteint 65 %, alors que celui de satisfaction globale dépasse 80 %. Nous avons ajouté des questions précises sur les sujets de la séance, thème par thème, pour savoir si les présentations ont répondu à leurs attentes, si les intervenants ont été performants et si la visite faite au cours de la journée a été intéressante. Là aussi, certains intervenants s'investissent réellement et rendent la visite très intéressante en présentant les matériels, l'activité de terrain. D'autres s'impliquent moins. Avec 250 sites, nous ne pouvons pas les surveiller en permanence. C'est pourquoi nous souhaitons recueillir l'appréciation des jeunes sur les présentations faites, notamment dans l'optique du recrutement des armées. Enfin, nous leur demandons s'ils ont estimé que les entretiens d'orientation pour les jeunes en difficulté étaient satisfaisants ou superflus et s'ils n'ont pas des remarques particulières à nous faire pour améliorer cet ensemble. Le questionnaire comporte donc deux volets : un volet concret, avec des chiffres, et un volet d'appréciation des jeunes, appréciation qui s'exprime en « beaucoup, assez, peu, pas du tout » pour être numérisée et exploitée au plan informatique. M. Gilles Carrez : Mon Colonel, permettez-moi de poser une question très générale à partir d'une expérience que j'ai pu faire dans le Val-de-Marne dont je suis l'élu. La journée d'appel se passe notamment à la caserne de Vincennes. Les jeunes qui y sont passés me disent qu'ils remplissent des formulaires, qu'ils répondent à un certain nombre de questions, qu'ils déjeunent, qu'ils voient au loin quelques hommes en treillis. En aucun cas, on ne peut dire qu'ils ont un contact concret avec notre armée en action. Pour la première fois, en mai ou juin, sur l'esplanade de Vincennes, en face de la caserne, a eu lieu une journée « portes ouvertes », qui a été extraordinaire et qui a suscité l'enthousiasme des jeunes. Les différentes armées, leurs matériels, ont été présentés, des exercices ont été effectués. La perception des jeunes a été extraordinaire. Par rapport à des objectifs proprement militaires, d'une part de bonne connaissance par nos jeunes et par la Nation en général, de l'armée -ce qui est indispensable- et d'autre part d'encouragement aux recrutements qui sont nécessaires, une journée « portes ouvertes » est infiniment plus efficace que la journée d'appel. Au cours de cette dernière, on aura fait un apprentissage au secourisme -que l'on aurait pu faire ailleurs-, on aura rempli des formulaires pour veiller à bien identifier ceux qui sont en situation d'illettrisme -que l'on aurait pu faire ailleurs-, on aura essayé d'identifier ces jeunes qui risquent d'avoir des problèmes d'insertion professionnelle, voire sociale -que l'on aurait pu faire ailleurs. Dès lors, on se pose la question suivante : n'y a-t-il pas un détournement de cette journée d'appel ? S'agissant des objectifs principaux de découverte de l'armée en action et de recrutement, ne pourrait-on pas mettre en oeuvre des moyens radicalement différents, tels que des expositions en milieu urbain ? Quel contraste entre ces exhibitions et cette journée grise, terne, administrative où l'on remplit des questionnaires dans une caserne qui ressemble à tout, sauf à l'image que veut donner notre armée. Je me pose vraiment des questions fondamentales, qui ne sont pas d'ordre financier. Nous avons trop l'habitude de parler de finances ici. Je n'aborderai donc pas la question du coût. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : Les journées portes ouvertes se déroulent dans le cadre d'une politique générale de défense qui relève essentiellement des armées qui mettent en place les moyens. Le cadre de la JAPD a été fixé par la loi. Notre souci est de nous rapprocher des armées, dans le cadre du comité de pilotage interarmées, pour faire en sorte que les unités qui vraisemblablement ne font pas un effort suffisant pour présenter cette armée en action le fassent. Nous menons certaines actions à Vincennes en coopération avec la sous direction du recrutement de l'armée de terre. Il est vrai qu'aujourd'hui 30 à 40 % des unités de l'armée de terre accueillant les JAPD n'organisent pas encore de visite au profit des jeunes. Notre action consiste à trouver les sites les plus intéressants, comme les bataillons de chasseurs alpins, certaines bases aériennes, certains régiments de chars. Paris n'est pas forcément un cas facile, bien qu'à l'École militaire, on présente aux jeunes un certain nombre d'activités. Même au bureau du service national de Paris où il n'y a pas d'armes, nous confions les jeunes pendant une heure aux sapeurs pompiers de la caserne voisine afin de leur montrer comment ils vivent leur métier au quotidien. Notre souci est de faire en sorte que, dans le cadre qui nous a été prescrit, cette journée soit la plus utile possible. S'agissant du secourisme, nous avons fait une expérimentation en région parisienne -c'est près de Compiègne, c'est plus facile, il y a beaucoup de monde- et nous avons des résultats excellents quant à l'intérêt que ces jeunes y ont trouvé. Les 75 minutes que vont consacrer les moniteurs de la Croix-Rouge à ce module seront pour nous un facteur d'amélioration de la perception de l'image que l'on peut se faire de la Défense au travers de cette journée. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : En définitive, ou bien la JAPD est une journée Défense, ou bien il s'agit d'une journée Citoyenneté. La mission Défense, c'est votre travail, votre métier. S'agissant du volet citoyenneté, vous ne pouvez pas le faire seuls. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : C'est exact. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous n'avons pas abordé les coûts. Nous verrons cela avec le directeur du service national. Nous avons le sentiment que l'on est encore dans une phase d'expérimentation malgré les évolutions que vous avez soulignées tout à l'heure, même si, au-delà de l'expérimentation, l'action est là. M. Yves Deniaud, Président : La JAPD semble être une journée fourre-tout, puisque de nouvelles activités sont régulièrement ajoutées. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous aborderons cette question avec les autres personnes auditionnées. Notre rapporteur général a raison de dire que dans la mission « lien armée - Nation », cette journée n'est qu'un élément dans la prise en compte par la Nation de son armée. Il s'agit de sortir l'armée de l'indifférence ou d'éviter qu'elle ne se calfeutre derrière ses murs. Venant de Verdun, j'ai une longue expérience de cette relation, y compris dans le cadre de la contestation... Il ne faut pas que la professionnalisation -c'est peut-être un des aspects de la JAPD- amène l'armée à être un corps étranger à la Nation. La question est posée. C'est aussi aux politiques d'y répondre. Lieutenant-Colonel Joseph Martinelli : La JAPD peut paraître fourre-tout, comme vous le disiez, mais je peux vous assurer que cette journée est parfaitement minutée. Le secourisme a été testé sur plus de 10 000 jeunes en région parisienne en octobre avant que ce nouveau module soit généralisé. L'Éducation nationale nous a fourni de nouveaux tests car les jeunes finissent par les connaître par le bouche-à-oreille. Les nouveaux tests sont proposés depuis le 1er janvier. Les quelque dix emplois du temps possibles de la journée sont fournis à nos organismes avec un minutage précis, sachant que le chef d'orchestre, le chef de session est, lui, le garant du bon déroulement et du timing de cette journée. M. Yves Deniaud, Président : Nous vous remercions. b) 10 h 15 : M. Yves Le Barbier de Blignières, sous-directeur des ressources humaines de la direction du service national Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Comme je l'ai déjà indiqué, nous nous intéressons aussi bien au vivier de ressources humaines que constitue la masse des jeunes qui effectue la journée d'appel de préparation à la Défense que la direction du service national en elle-même. Même si elle n'emploie plus que 3.000 personnes, la DSN va-t-elle voir ses effectifs décroître encore ? Par ailleurs, nous souhaiterions approfondir la discussion que nous avons eue avec le lieutenant-colonel Martinelli sur le recrutement. Comment peut-on améliorer le recrutement des armées ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Monsieur le Président, messieurs les députés, je suis administrateur civil, sous-directeur des ressources humaines de la direction du service national. Cette sous-direction gère l'ensemble du personnel civil et militaire des 40 établissements qui composent la direction du service national en métropole et Outre-mer. Au premier janvier, nous employons 3.032 personnes pour un effectif théorique prévu de 3.089 personnes. S'agissant des militaires, les trois armées et la gendarmerie doivent mettre à disposition de la direction un nombre précis et défini de militaires répartis par grades et, dans la mesure du possible, par spécialité. Pour les civils, cela relève de la direction de la fonction militaire et du personnel civil, une des directions du secrétaire général pour l'administration du ministère. Ces civils relèvent de trois ensembles budgétaires distincts : un ensemble « administration centrale », c'est-à-dire Compiègne, un ensemble formé des services déconcentrés et un ensemble formé des six centres du service national que compte l'Outre-mer. En 1995, avant la professionnalisation, les effectifs de la direction du service national s'élevaient à plus de 7.000 personnes, civils, militaires, militaires sous contrat ou de carrière et appelés. Ces effectifs ont connu une très rapide décroissance puisque, dès 2001, l'ensemble des militaires et des civils ne représentait plus que 3.500 agents, correspondant à la cible initialement prévue. Cette décroissance des effectifs s'est accompagnée d'une profonde réorganisation des structures et des missions confiées aux personnels. La disparition des centres de sélection, chargés de l'orientation des appelés, a permis d'ajouter aux douze bureaux du service national qui existaient de longue date sur le territoire métropolitain, seize centres du service national destinés à assurer une meilleure couverture territoriale des missions attribuées à la direction et, en même temps, à rapprocher les services du service national des jeunes puisqu'il y avait des zones « blanches » sur le territoire. Cette évolution a amené le personnel à évoluer totalement puisque les missions étaient entièrement renouvelées. Jusqu'à présent, le personnel -je parle essentiellement du personnel civil, mais les militaires, qui restaient moins longtemps à la direction, remplissaient le même rôle - avait une mission de répartition des appelés en fonction des besoins des armées. Il accomplissait ces tâches dans un cadre administratif très traditionnel, sédentaire et un peu bureaucratique. Ce personnel a dû s'adapter aux nouvelles missions. On lui a demandé d'aller à la rencontre des jeunes sur les sites de JAPD, de dialoguer avec eux par téléphone pour déterminer la date et le lieu de leur convocation. Pour le personnel, il s'agissait une mission totalement renouvelée qui, en outre, l'a placé en position de demandeur vis-à-vis des jeunes. Il a fallu aussi que ces personnels -je pense plus particulièrement au personnel civil- s'accoutume à se déplacer. Désormais, ils devaient se rendre, avec un véhicule de location, sur un site de JAPD parfois assez éloigné de leur lieu de travail habituel. Enfin, toujours pour le personnel civil, il leur a fallu - pour beaucoup d'eux - s'adapter à l'informatique. Un effort important a été accompli pour doter le personnel en matériel informatique et pour le former à ces nouvelles missions. Cette évolution imposée au personnel civil et militaire a modifié ses caractéristiques sociologiques. La DSN compte un peu plus d'un tiers de militaires et deux tiers de civils de toutes catégories. Cette répartition correspond à la cible initialement fixée, que nous n'avons pas encore tout à fait atteinte. La Direction se compose d'un tiers d'hommes et deux tiers de femmes, sans que les tiers soient en rapport avec les tiers précédents ! Cette répartition a des implications pratiques puisque les femmes ont un rapport tout à fait différent avec les déplacements au quotidien, requis par nos missions actuelles. Nous sommes aussi héritiers d'un service ancien, ce qui explique que la moyenne d'âge de l'ensemble du personnel, civil ou militaire, est largement supérieure à celle de la population active française. La moyenne d'âge des militaires servant dans nos services est de 38 ans, alors qu'elle est de 33 ans dans les armées. La moyenne d'âge des civils est d'environ 44 - 45 ans, alors que la moyenne d'âge de la population active française masculine et féminine est d'environ 38 - 39 ans. Notre personnel est donc nettement plus âgé que le reste de la population active. Il existe aussi une nette différence entre les bureaux du service national, qui sont anciens, et les seize centres du service national qui sont de création plus récente et dont la moyenne d'âge et d'ancienneté sont beaucoup moins élevées. Au bureau du service national le plus ancien, qui est celui de Valenciennes, la moyenne d'âge du personnel civil est de 50 ans, alors qu'au centre du service national de Bordeaux, créé en 1999, la moyenne d'âge du personnel civil est de 33 ans. Les profils de nos militaires et civils sont extrêmement variés, tous comme les statuts et les situations professionnelles. Enfin, malgré un effort récent du ministère, notre taux d'encadrement demeure encore un peu insuffisant. Cette variété des statuts, des personnes, des âges constitue une richesse pour la direction du service national, mais présente aussi, pour le sous-directeur des ressources humaines que je suis, une complexité et une difficulté quotidienne qui font tout l'intérêt de ma fonction. Ma sous-direction compte cinq bureaux. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : La déflation des effectifs de l'ancienne direction a été très forte, mais les missions qui sont assignées à ces personnels ont aussi considérablement évoluées. Les personnels ont-ils été formés à ces nouvelles missions ? Par ailleurs, quelle est la part de vos effectifs en contact direct avec les jeunes lors de ces journées ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Je répondrai d'abord à la seconde question. Pour chaque journée d'appel de préparation à la défense, outre les deux intervenants des armées dont vous a parlé le colonel Martinelli, la direction du service national envoie normalement deux personnes, chargées de l'encadrement administratif. Il y a, au minimum, un représentant de la DSN par salle, qui assure la fonction de chef de salle, et un chef de session, qui est responsable de l'ensemble de la session et qui est amené à prendre des décisions relatives à l'organisation de la journée. Sur un site, il y donc au minimum deux personnes de la DSN. Pour répondre à votre première question, la déflation a amené deux types de besoins de formation. Il a d'abord fallu former les chefs de session et leurs auxiliaires. De plus, il a fallu réapprendre à nos personnels qui, parfois, n'effectuaient que de brefs trajets quotidiens, à conduire dans les conditions imposées par la région dans laquelle ils travaillent (montagne, agglomération, etc.). Nous leur avons proposé des formations comportant deux niveaux. Le premier niveau correspondait à une « remise au volant ». Le deuxième niveau était plus élaboré puisqu'il portait sur la conduite de nuit et les trajets longs. Cette formation devrait s'achever prochainement. Aucun besoin nouveau n'est apparu en 2004, mais nous avons encore assuré quelques sessions de formation pour des volontaires en 2003. Nous formons prioritairement nos 1.300 chefs de session. Bien entendu, quand nous aurons les moyens financiers et des disponibilités, nous ferons également former les équipiers. Nous avons formés nos chefs de session à l'accueil et à la conduite des entretiens. Le chef de session a en charge la réunion initiale avec les animateurs des armées pour mettre au point la journée. En outre, il fait un petit discours d'accueil lors de l'ouverture de la session. Il supervise la gestion des questionnaires etc. L'après-midi, il reçoit en entretien individuel les jeunes qui ont été repérés en difficulté pour les inciter à accepter que la direction transmette leurs coordonnées, soit à l'Éducation nationale, soit aux missions locales. Nos personnels ont été formés à cette mission lors de stages courts : deux jours pour l'accueil et trois jours pour la conduite des entretiens individuels. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Au sein de vos effectifs, 1.300 personnes sont formées pour être chefs de session. Le reste de votre personnel est donc chargé de la gestion administrative, sans être en contact avec les jeunes. Ces agents auront-ils la possibilité d'être, eux aussi en contact avec les jeunes ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Le nombre de chefs de session est de 1.300, ce qui signifie que le reste du personnel joue le rôle d'accompagnateur. Par site, il y a un chef de session et en plus, un équipier par salle. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Une partie de vos effectifs n'a-t-elle jamais de contact avec les jeunes ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Seuls les 250 exemptés médicaux n'assurent pas la JAPD. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quelle est la proportion de civils et de militaires parmi les 1.300 chefs de sessions ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Un peu plus d'un tiers de militaires et un peu moins de deux tiers de civils. M. Yves Deniaud, Président : Pourquoi n'y a-t-il pas plus de militaires au contact des jeunes ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Cette proportion reflète la composition de nos effectifs ! On ne peut pas demander à un agent de faire la JAPD tous les jours, d'être le lundi à Châlons, le mercredi à Metz etc. En outre, nous devons respecter les contraintes de récupération liées à la fonction publique. Le régime des récupérations est assez généreux. Une journée d'appel de préparation à la défense qui se déroule le samedi pour un civil lui permet d'obtenir une journée de récupération et une journée de bonification. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Le colonel Martinelli a expliqué tout à l'heure pourquoi il était nécessaire de conserver une ouverture le samedi. Il est évident que les contraintes de récupérations sont lourdes. S'appliquent-elles dans les mêmes conditions aux militaires ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Non, ils ne récupèrent qu'une journée. Le fait d'organiser une forte proportion de JAPD les autres jours de la semaine nous a fait gagner beaucoup de temps de travail, du fait de la diminution des récupérations. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : La proportion de deux tiers de personnels civils participant à cette JAPD signifie que le jeune se trouve accueilli par des civils dans un cadre militaire. Comment cette situation est-elle perçue par les jeunes ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Pour l'anecdote, je rappelle qu'il a été question de mettre les civils en uniforme, à la demande de certains d'entre eux. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Votre personnel étant relativement âgé, vous allez progressivement le renouveler. Conserverez-vous toujours la même proportion de civils et de militaires ? Comment recrutez-vous vos civils ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Nos civils sont des fonctionnaires titulaires. Ils sont affectés à la DSN soit par choix, soit par l'attribution d'un premier poste. Nous ne choisissons pas vraiment le personnel qui arrive chez nous. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous avez donc bien conscience qu'il peut s'agir de quelqu'un qui passe plusieurs concours et qui accepte le premier poste où il est admis. (Acquiescement de M. Le Barbier de Blignières) Et pourtant il va accueillir les jeunes dans une JAPD. Sera-t-il motivé pour le discours d'accueil, la promotion éventuelle d'un métier, d'un engagement ? M. Yves Le Barbier de Blignières : A son arrivée, il ne sera pas chef de session, mais équipier ou chef de salle : il aura pour tâche de faire remplir les questionnaires, mais seul le chef de session reçoit les jeunes. Il peut arriver que l'équipier reçoive aussi un certain nombre de jeunes repérés en moins grande difficulté au cours d'entretiens collectifs pour les inciter à nous autoriser à communiquer leurs coordonnées personnelles aux organismes concernés. Cela étant, les jeunes fonctionnaires qui viennent chez nous ne sont pas tout de suite en charge de responsabilités. M. Yves Deniaud, Président : J'ai fait un petit calcul simpliste : 35.000 journées sont organisées avec 1.300 chefs de session. Cela fait moins de 30 jours par an et par chef de session ! Que font-ils le reste du temps ? Ils préparent, ils analysent... ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Ils font ce dont je vous ai parlé tout à l'heure. D'abord, le recensement : nous recevons des fichiers des mairies dont il faut éliminer les doublons éventuels. Ensuite, ils assurent des tâches administratives, notamment le dialogue avec les jeunes pour s'accorder sur la date de convocation. Nous devons leur proposer trois dates et un lieu pas trop éloigné. Ensuite, les bureaux du service national -c'est pour cela qu'ils ont conservé une dénomination propre- conservent les archives de l'ancien service national jusqu'à ce que les Français aient atteint l'âge de 50 ans. Il faut pouvoir fournir des états signalétiques des services à ceux qui les demandent, notamment lors de la constitution des dossiers de retraite. Cette gestion administrative est assez lourde car elle se fait essentiellement à partir de documents papier. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Il y a donc une polyvalence des postes ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Justement, l'un des moyens qui nous a permis de diminuer considérablement les effectifs a été d'introduire la polyvalence là où il n'y en avait guère jusque là. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je vais compléter ma question. Compte tenu du rapport entre civils et militaires, n'y a-t-il pas le souhait de « militariser » certaines fonctions ? Sur vos 3.000 personnes, vous parlez de 1300 chefs de session, dont on pourrait supposer que ce sont des ... M. Yves Le Barbier de Blignières : ... chefs de session. M. Yves Deniaud, Président : A chaque fois, il y a deux personnes, un chef de session et un autre. M. Yves Le Barbier de Blignières : Dans certains sites, il y a plusieurs salles. S'il y a quatre salles, les intervenants sont au nombre de cinq. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pour un béotien, « Journée d'appel de préparation à la défense » veut dire que des militaires parlent à des civils pour les sensibiliser, les intéresser, éventuellement les recruter. C'est une mission très forte, alors que la journée est lourdement chargée. Le colonel Martinelli a même ajouté qu'on lui donnait encore de nouvelles missions. Si la gestion de millions de fiches était assurée par des civils, sur informatique, dans un bureau quelconque à Verdun, Nice ou Reims, plus de militaires seraient au contact des jeunes. J'ai l'impression - nous aborderons cette question avec le général LEBOURG- que sous l'intitulé de direction du service national des missions totalement différentes sont accomplies : des missions banalisées, notamment en ce qui concerne la gestion de certains fichiers, et cette mission essentielle d'une préparation à la défense pour que les différentes armées puissent recruter et que l'on puisse sensibiliser les jeunes à s'engager éventuellement dans la réserve. Les civils ne sont-ils pas trop nombreux ? À l'avenir, votre recrutement favorisera-t-il la « militarisation » de la DSN ? M. Yves Le Barbier de Blignières : En salle, le chef de session fait un discours d'accueil aux jeunes et l'équipier leur fait remplir les questionnaires. Mais les deux intervenants sont toujours des militaires en tenue. Généralement, le binôme d'animation est constitué d'un militaire d'active et d'un militaire de réserve. Nous n'assurons que la partie administrative. Le recrutement relève du domaine des intervenants. Cela dit, 10 % des intervenants sont issus de la DSN. Il peut donc y avoir, de manière résiduelle des intervenants civils. Mais ces personnes ont suivi une formation spécifique tout comme les intervenants des armées. Nous nous sommes aperçus que les intervenants mis à disposition par les armées n'étaient pas toujours suffisamment préparés à l'intervention en public sur des thèmes militaires. Pour être plus précis, nous allons moderniser les moyens de ces intervenants, notamment grâce à des DVD. Une présentation d'une suite de transparents en les commentant, peut être réalisée au pied levé. Mais utiliser un DVD avec des possibilités d'itération, de retour arrière sur une diapositive particulièrement adaptée aux questions posées par les jeunes demandera une formation importante. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Dans les conseils municipaux de chaque commune d'importance, un adjoint ou un élu municipal est chargé de suivre les questions de défense. Une formation est-elle prévue pour ces élus ? Dans quelles conditions formez-vous les intervenants militaires ? M. Yves Le Barbier de Blignières : Nous réunissons très souvent les secrétaires de mairie et les élus responsables des rapports avec les armées pour des séances d'information. Ces contacts avec les municipalités, qui sont un succès, s'inscrivent dans ce que nous appelons les « opérations préalables au recensement ». En ce qui concerne la formation des intervenants, nous allons former d'ici avril, avec le concours d'une société privée, une centaine de formateurs d'intervenants, lesquels formeront à leur tour d'ici juin 9.000 intervenants des armées ou de la DSN - dans une proportion de 10 % - pour les adapter à cette JAPD renouvelée. M. Axel Poniatowski : Autant je pense que la JAPD est une journée très importante, en particulier pour le lien entre la Nation et les armées -ce pour quoi elle a été créée-, autant je rejoins les craintes énoncées par la Cour des comptes quant à l'organisation de cette journée. A écouter les propos du colonel Martinelli ce matin, et en particulier ce qui a trait à de nouveaux modules apparus dans l'organisation de cette journée comme le secourisme, on peut tout de même se poser quelques questions. Le secourisme est quelque chose de fondamental pour nos jeunes. Je suis un élu local, un maire. Nous développons les formations au secourisme dans les collèges et les lycées. Nous avons commencé à créer des formations de secourisme, largement assurées d'ailleurs par des professeurs d'éducation physique. Ces formations comprennent un certain nombre d'heures dans l'année, répétées sur plusieurs années consécutives. Autrement dit, c'est une formation de fond qui est nécessaire. Je ne suis pas sûr qu'y consacrer 75 minutes dans la JAPD serve vraiment à grand-chose. En revanche, je suis convaincu que prendre du temps sur cette unique journée d'appel, qui devrait être consacrée à une sensibilisation de nos jeunes sur les problèmes de défense nationale, est une déviation de ce pour quoi elle a été créée. J'espère que le résultat de cette mission de contrôle le mettra en avant. D'autre part, je ne partage pas l'analyse de la Cour des comptes qui remet en cause les statistiques sur l'impact de la JAPD sur le recrutement. Je suppose que les chiffres que vous avez avancés -25 % à 30 % pour l'armée de terre, 20 % pour la Marine, un peu moins pour l'armée de l'air et pour la gendarmerie- sont fondés sur des données très sérieuses ; je ne peux pas imaginer que l'armée lance des chiffres sans qu'ils soient vérifiés. J'observe que la commission des finances s'intéresse surtout au coût de cette journée, que la Cour des comptes chiffre entre 100 et 150 millions d'euros. Il n'en reste pas moins que l'impact sur le recrutement est un élément essentiel, surtout du fait de la professionnalisation de nos armées. Pour avoir une appréciation complète et totalement objective, je souhaiterais que l'on puisse également comparer, dans ce rapport, le coût de la JAPD avec le coût de tous les autres moyens utilisés par l'armée pour le recrutement. Nous savons que ces moyens sont nombreux. L'armée anime des stands dans toutes nos villes pour intéresser les jeunes et pour les recruter. Des campagnes de publicité sont lancées. Il serait intéressant de savoir ce que cela coûte et ce que cela rapporte. Je ne crois pas que les recrutements soient uniquement le fait de toutes ces opérations médiatiques et de relations publiques. Par ailleurs, nous savons que toute une partie du recrutement s'explique pour des raisons de tradition familiale, par exemple. Il me paraît très important -c'est peut-être à la Cour des comptes ou à l'armée de le chiffrer- de mettre en rapport ce coût de la journée d'appel et son impact sur le recrutement avec les autres moyens consacrés par l'armée pour ce recrutement. Je ne suis pas sûr que le résultat final conclurait que cela coûte très cher de recruter, grâce à la JAPD, le tiers des effectifs de l'armée de terre et une grosse proportion de la gendarmerie et de l'armée de l'air. C'est une suggestion que je fais à la mission. Je ne voudrais pas qu'elle conclut que cette journée est horriblement chère et que le coût des recrutements qu'elle induit est exorbitant car ce serait une idée fausse. M. Yves Deniaud, Président : Je voudrais rappeler l'état d'esprit de la mission d'évaluation et de contrôle et, plus largement, de la commission des finances, qui a motivé le choix de ce sujet. Ce n'est pas tant l'ampleur financière -150 millions d'euros, c'est beaucoup et c'est peu à la fois- que l'utilisation de ces crédits qui nous intéressent. Je pense que cette journée a un double but : informer tous les jeunes de la nécessité d'une défense et de leur faire connaître les moyens mis en oeuvre pour l'assurer. Si certains sont intéressés par la carrière militaire, il faut les sensibiliser encore plus et les inciter à sauter le pas et à prendre un contact plus approfondi. On a ajouté à cette double mission l'évaluation - traditionnelle au temps de la conscription - de l'illettrisme de jeunes. On y ajoute, en plus, le secourisme. Pour un militaire ou un civil, avoir des notions de secourisme paraît évident. Quant à l'illettrisme, c'est fondamentalement une mission de l'Éducation nationale de savoir évaluer ses résultats et de détecter ceux pour lesquels elle n'a pas réussi. Le secourisme pourrait très bien être une formation complémentaire à l'examen du permis de conduire et qui serait assurée par les pompiers, lors de stages de formation rémunérés. On pourrait recentrer la JAPD sur ses deux impératifs de base. À ce stade, la JAPD est une institution jeune, héritière d'une tradition séculaire. On demande à une direction du service national, avec ce passé, d'assurer quelque chose de nouveau, de très court et de très différent de ce qu'elle avait toujours fait. Je crois que le rôle de notre mission est d'essayer de faire progresser les choses et d'aider à faire prendre conscience des lacunes éventuelles et des pistes que l'on peut explorer pour rendre cette journée vraiment utile et performante. Encore une fois, les économies ne sont pas notre objectif principal. L'objectif principal -comme le rappelait la Cour des comptes- est que l'argent public soit dépensé à bon escient et pour le but qui lui a été assigné. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Dans les foires expositions, il y a toujours un bus qui vient faire la promotion de telle ou telle armée. Le jeune qui rentre dans le bus est peut-être passé par la JAPD sans avoir rempli de fiches d'intention. Le problème -qui relève davantage de la commission de la défense- est sans doute la forme que l'on veut donner à nos armées et à leurs méthodes de recrutement. M. Yves Le Barbier de Blignières : Je souhaiterais revenir sur ce qui est à la source de la JAPD. La conscription est maintenue et l'appel sous les drapeaux a été suspendu. Nous gérons la conscription, qui est le volet militaire de la JAPD. Il s'agit du recensement. Nous suivons les jeunes assujettis aux obligations militaires jusqu'à l'âge de 25 ans. Initialement, la JAPD n'avait pas explicitement la mission de promouvoir le recrutement qui n'est apparue qu'en 2001. Il me paraît nécessaire de rappeler que nous remplissons cette obligation légale pour le compte des armées. M. Yves Deniaud, Président : Je propose que le lieutenant-colonel Martinelli réponde à cette question. Lieutenant-colonel Joseph Martinelli : Initialement, dans les consignes ministérielles qui nous étaient données, -je commandais à l'époque le bureau du service national de Rennes- il était hors de question de faire la moindre allusion précise au recrutement. Il s'agissait vraiment d'une journée dont la vocation était de concourir au maintien du lien entre la Nation et son armée. Nous devions tout faire pour rendre cette journée la plus intéressante, la plus captivante, la plus dynamique possible de façon à ce que les jeunes soient attentifs à notre message. Au départ, les jeunes jugeaient la journée ennuyeuse. Je comprends bien que le secourisme puisse vous gêner du fait de son caractère non militaire, mais il permet d'apporter quelque chose de nouveau à cette journée. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Un intérêt supplémentaire... M. Axel Poniatowski : Il n'est pas acceptable d'entendre cela. Si l'on n'est pas capable de monter un programme d'une journée pour passionner les jeunes avec ce qu'est aujourd'hui l'armée française, c'est extrêmement triste. Si l'on est obligé de leur faire 75 minutes de secourisme parce que l'on ne sait pas quoi leur dire, c'est que l'on a un vrai problème ! Entre les films, les démonstrations, les matériels, les éléments dont on dispose, il y a de quoi remplir une journée en la rendant passionnante. M. Yves Le Barbier de Blignières : Pour préciser les propos du colonel Martinelli, j'ajoute que l'idée du ministre était d'introduire ce module de secourisme dans la JAPD, non pas pour la meubler, - preuve en est qu'il a fallu comprimer les autres modules -, mais pour dynamiser cet enseignement pour des jeunes qui en sortaient souvent peu enchantés. Surtout, le ministre voulait que les jeunes repartent avec autre chose que le seul diplôme JAPD. Nous leur remettrons une attestation d'instruction aux premiers secours. M. Yves Deniaud, Président : Pour conclure ce débat, je rappelle la lettre de l'article L 114-3 du code du service national : « Lors de l'appel de préparation à la défense, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, les formes de volontariat ainsi que les préparations militaires et les possibilités d'engagement dans les forces armées et les forces de réserve. A cette occasion, sont organisés des tests d'évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. ». La loi est donc très claire. c) 11 heures : Colonel Dominique Hamm, sous-directeur de l'informatique de la direction du service national Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Mon Colonel, vous avez la parole. Colonel Dominique Hamm : Je suis sous-directeur informatique à la direction du service national depuis trois ans et demi. J'ai commandé le bureau du service national de Valenciennes de 1998 à 2000. J'ai donc aussi participé à la mise en uvre du nouveau code du service national. Aujourd'hui, nous ne parlons que de la JAPD, mais le système informatique permet d'assurer deux missions : l'organisation de la JAPD et toute la gestion des Français relevant de l'ancien code, c'est-à-dire la gestion de 31 millions de dossiers. L'enjeu de notre système d'information est simple : il doit permettre d'assurer la gestion d'acteurs très nombreux. Le système d'information, dont le renouvellement avait été lancé en 1992, aurait dû prendre son essor en 1996. A cette époque, a été décidée la suppression de la conscription. Nous avons commencé à adapter le système d'information au « rendez-vous citoyen ». Cette mesure a été abrogée en 1997 au profit de l'appel de préparation à la défense. Toutes les études mises en oeuvre en amont pour soutenir le système ont dû être revues pour les adapter au nouveau système à partir de 2000. Le parc informatique a donc été renouvelé totalement. Il est composé de 3 000 machines, soit un ordinateur par agent. Nous souhaitions que tous nos agents soient polyvalents quant aux outils informatiques habituels et bureautiques. Là encore, cette volonté a nécessité un gros effort de formation, qui a, en réalité, renforcé la motivation de nos agents. M. Le Barbier de Blignières vous a dit que la caractéristique principale de nos personnels n'était pas nécessairement la jeunesse. Il nous a donc fallu les motiver pour les former aux outils modernes. En outre, il a fallu s'adapter à la montée en puissance de l'Internet. En 1996, il a été décidé que l'Internet serait l'outil principal de tout le service public. Il a fallu intégrer toutes les technologies liées à l'Internet au sein de notre nouveau système. Ce dernier devait être évolutif afin de pouvoir s'adapter aux acteurs extérieurs que sont l'Éducation nationale, les organismes du ministère de la défense tels que la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), voire les consulats et les ambassades qui sont responsables de la JAPD à l'étranger. La mise en uvre de ce système a permis d'engager la dématérialisation de nos dossiers. Pour tout ce qui correspond à la JAPD, les dossiers sont électroniques et nous entamons aussi la dématérialisation pour les 31 millions de dossiers des Français relevant de l'ancien code du service national. Cette démarche permet, dans un premier temps, aux agents de pouvoir utiliser tous les outils informatiques et, dans un deuxième temps, à tous les citoyens d'avoir accès à leur dossier à terme. Enfin, pour répondre à une question posée tout à l'heure, je souligne que nous faisons partie d'un groupe de travail de l'agence pour le déploiement de l'administration électronique. Le guichet unique d'adresses nous permettrait de résoudre une partie des problèmes, notamment en matière de suivi des adresses des personnes qui ont fait leur JAPD, afin de pouvoir éventuellement les convoquer jusqu'à l'âge de 25 ans. Globalement, le service informatique, c'est 3000 machines, des réseaux à très hauts débits locaux ainsi que l'utilisation d'Internet et du portail Internet du ministère de la Défense. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avez-vous réfléchi aux moyens d'actualiser ce fichier afin de prendre en compte les changements d'adresse et les évolutions des qualifications des jeunes ? Comment pourriez-vous actualiser ce fichier, dans les conditions prévues par la CNIL ? Vous avez fait référence à l'administration électronique. Comment assurer un vrai suivi des jeunes afin d'être en mesure d'accomplir la mission qui est la vôtre en cas de rétablissement de la conscription ? Un identifiant interministériel unique le permettrait-il ? Colonel Dominique Hamm : Nous souhaitons mettre en place un réseau privé virtuel qui nous permettrait, avec France Télécom, d'accéder directement à Internet et de proposer à nos administrés un portail dédié aux télé-procédures. Nous avons des difficultés à assurer le financement de ce réseau puisque ces nouvelles technologies, et surtout ces artères de communication qui véhiculent des volumes d'information, nécessitent des bandes passantes très importantes. Je négocie actuellement pour que ce coût financier soit pris en compte afin que le réseau soit opérationnel dans les trois ans. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'Éducation nationale dispose d'un système de gestion tout à fait différent du vôtre, avec des numéros identifiants propres. Est-il envisageable que, par un accès aux données de l'Éducation nationale, vous mettiez à jour la fiche qu'un jeune aura rempli à 18 ans, avant d'obtenir d'autres diplômes ? Colonel Dominique Hamm : Le ministère de la défense a, évidemment, toujours travaillé en étroites relations avec le ministère de l'Éducation nationale, depuis le début de la conscription. Aujourd'hui, nous informons l'Éducation nationale par l'intermédiaire de fichiers transmis par Internet de la situation de difficulté de compréhension de lecture des jeunes encore scolarisés. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je ne suis pas un spécialiste de l'informatique, mais il semble que l'identifiant que vous attribuez à un jeune dont le dossier est transmis à l'Éducation nationale n'est pas le même que celui ce ministère lui attribue. Comment l'Éducation nationale peut-elle exploiter cette information ? Colonel Dominique Hamm : Nous transmettons le nom et le prénom en précisant que cette personne relève de la catégorie de difficulté A ou B. Nous prévenons l'inspection d'académie et la structure d'information et d'orientation pour qu'ils convoquent le jeune en difficulté. Nous n'échangeons pas l'identifiant Défense. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Si l'Éducation nationale ne travaille qu'avec son propre identifiant, il y a un risque que certaines informations que vous transmettez soient perdues. Ne pourrait-on créer un identifiant qui permette de suivre l'évolution scolaire des jeunes, y compris ceux qui ne sont pas en difficulté ? Au-delà, dans une logique de recrutement, il pourrait être utile de suivre l'évolution des profils des jeunes. Existe-t-il un obstacle juridique à l'usage d'un identifiant commun entre l'Éducation nationale et la Défense ? Colonel Dominique Hamm : Au départ, nous désirions utiliser pour seule référence le numéro INSEE. Cependant, la CNIL s'est opposée à cette solution. Dans tous les cas, l'harmonisation des identifiants ne règlera pas les difficultés de transposition des données. Actuellement, seuls sont fournis le nom, le prénom et les résultats obtenus par le jeune lors des tests. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je reviens en insistant sur ma question : le suivi des jeunes qui poursuivent un cursus scolaire ne semple pas possible. N'y aurait-il pas un moyen de trouver un système permettant d'assurer ce suivi ? Colonel Dominique HAMM : Toute évolution ne pourra s'appuyer que sur le nom et le prénom. Avec les missions locales et les PAIO, qui sont des structures locales, nous effectuons des échanges de fichiers cryptés, alors qu'avec l'Éducation nationale, nous n'effectuons que des échanges de données standards. Dans le futur, les échanges de données se feront de manière cryptée, via Internet, ce qui nous permettra de recevoir l'aval de la CNIL puisque le support est protégé. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'Éducation nationale pourra-t-elle vous fournir son identifiant ? Colonel Dominique Hamm : Non, je pourrai mettre à jour les fiches individuelles. Cette nouvelle possibilité devrait monter en puissance au cours des trois ans qui viennent. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pourriez-vous assurer pleinement une mission de mise à jour des fiches sans identifiants identiques ? Colonel Dominique Hamm : Un identifiant unique n'est pas impératif. Dans un système informatique, l'identifiant n'apporte que des gains de rapidité et de fiabilité en matière de tri. A partir du moment où nous avons trois entrées dans le système - les noms, les identifiants Défense ou des numéros particuliers -, je peux, grâce aux données qui me sont fournies -nom, prénom, date de naissance de l'individu- connaître son identifiant. Aujourd'hui, l'application « IDENT » permet avec ces éléments de savoir si un individu a un identifiant Défense. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quel est le délai et le coût de la mise en place de ce procédé de suivi des jeunes ? En outre, si vous arrêtez le suivi des jeunes à 25 ans, ceux qui poursuivent des études au-delà pour obtenir un diplôme pouvant éventuellement intéresser l'armée verraient leur fiche rester incomplète. Colonel Dominique Hamm : Notre mission est contenue dans notre nom : direction du service national. Depuis le début, certains nous disent que nous sommes là pour recruter au profit des armées. Ce n'est pas notre mission. Cela ne l'a jamais été. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Permettre le recrutement. Colonel Dominique Hamm : Si cette mission nous était attribuée, nous devrions effectivement adapter notre système d'information. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous êtes donc prêts à répondre à une nouvelle mission, à condition que la loi vous le permette ... Colonel Dominique Hamm : ... et que ce soit financé. M. Yves Deniaud, Président : Il n'y a pas d'autre question. Je vous remercie mon colonel. d) 11 h 45 : Commissaire colonel Marc Sciré, sous-directeur des affaires financières et du soutien de la direction du service national Présidence de M. Yves Deniaud M. Yves Deniaud, Président : Nous accueillons notre dernier invité, le commissaire colonel Marc SCIRE. Commissaire colonel Marc Sciré : Sous-directeur des affaires financières et du soutien de la DSN depuis le 1er septembre 2002, j'ai participé auparavant à la création d'une école à Marrakech pour nos officiers étrangers. Schématiquement, la mission de ma sous-direction est de mettre en place et de suivre les ressources financières, matérielles et immobilières de la DSN, tant pour l'administration centrale que pour nos 40 organismes déconcentrés, y compris les six qui se trouvent outre-mer. Pour cela, je dispose de 32 personnes, civils et militaires, de tous grades, de toutes armées, répartis au sein de quatre bureaux : un bureau du budget et des finances, un bureau des achats centralisés, un bureau de l'équipement et de la gestion des matériels, et un bureau de l'infrastructure. Ce qui caractérise la DSN sur le plan financier, c'est son architecture financière assez particulière puisque nous ne relevons plus des armées mais du secrétariat général pour l'administration (SGA). De ce fait, nous sommes dotés d'une certaine autonomie financière. Au sein de la Défense, nous sommes l'un des rares gouverneurs de crédit. En effet, on n'en compte qu'une quinzaine au sein du ministère, généralement les états-majors et les grandes directions interarmées. La DSN, dotée par la loi de finances de chapitres et de paragraphes spécifiques, a une autonomie de gestion dans certaines catégories de dépenses : les dépenses de fonctionnement - pour l'alimentation par exemple - et les dépenses d'investissement pour les infrastructures, les réseaux informatiques et matériels divers. La deuxième particularité réside dans le fait que nous ne disposons pas d'un réseau d'ordonnateurs secondaires. En conséquence, notamment pour nos 40 organismes déconcentrés, tous nos actes financiers sont traités par l'intermédiaire d'un réseau d'ordonnateurs extérieur à la DSN, en règle générale le réseau des commissariats de l'armée de terre ou, éventuellement, d'autres organismes. M. Yves Deniaud, Président : Êtes-vous ordonnateur principal ? Commissaire colonel Marc Sciré : Non, l'ordonnateur principal est la direction des affaires financières (DAF). Étant un service gestionnaire, nous préparons les actes, mais c'est la DAF qui signe les ordonnances. En revanche, s'agissant des services déconcentrés, nous n'avons aucun ordonnateur secondaire. Nous sommes donc rattachés au réseau des ordonnateurs du commissariat de l'armée de terre et à certains ordonnateurs d'autres armées. Nous traitons avec une quarantaine d'ordonnateurs secondaires des diverses armées, ce qui constitue l'une de nos difficultés d'organisation. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Ces ordonnateurs travaillent pour vous, mais vous n'avez pas autorité sur eux. Commissaire colonel Marc Sciré : Exactement. C'est l'une de nos difficultés. J'en reparlerai tout à l'heure à propos des flux financiers. Nous avons donc une autonomie au niveau du gouvernorat des crédits, mais dans l'exécution, nous sommes obligés de nous reposer sur un réseau d'ordonnateurs extérieurs à la DSN. Depuis tout à l'heure, nous parlons du coût « exorbitant » de la JAPD ou de la DSN. Je relève que dans l'enveloppe de 135 millions d'euros que la Cour des comptes a délimitée, plus de 90 millions d'euros correspondent aux rémunérations et charges sociales dont nous ne sommes pas maîtres. Nous ne sommes pas gouverneurs des crédits des rémunérations et charges sociales, c'est la direction de la fonction militaire et du personnel civil (DFP) du ministère qui en est chargé. Depuis mon arrivée au poste de sous-directeur financier, mon objectif est de faire des gains de productivité pour que l'argent que vous votez et qui nous est alloué pour une mission de service public soit utilisé de manière optimale. Les rémunérations et charges sociales, sur lesquelles je n'ai aucune marge de manuvre, représentent 70 % de cette enveloppe. Je ne suis maître que de 21,6 millions de dépenses de fonctionnement, de 6 millions de dépenses d'alimentation et, selon les années, selon la loi de programmation militaire, de 4 à 5 millions de dépenses d'investissement. Voilà les principales données financières de la DSN. Nous sommes également personne responsable des marchés (PRM). Jusqu'en 2002, dans l'ensemble de la direction, la seule personne responsable de marché était le directeur. Depuis 2002, nous avons étendu cette désignation de PRM à nos cinq directeurs régionaux, à l'échelon déconcentré. Cela dit, jusqu'à présent, comme ils manquent de personnels qualifiés, on ne les autorise qu'à passer des marchés d'un montant inférieur à 90.000 euros hors taxes, c'est-à-dire les marchés sans formalité préalable. Mes préoccupations actuelles sont, à la fois en tant que contribuable et en tant que sous-directeur des affaires financières, d'optimiser ces ressources pour obtenir des gains de productivité dans l'accomplissement de la mission qui nous est confiée. J'ajouterai que ma préoccupation actuelle, au-delà des gains de productivité et de l'optimisation des ressources, est de faire en sorte que nous réussissions -comme tous les sous-directeurs du ministère de la défense chargés des finances- la mise en uvre de l'application coordonnée de comptabilisation, d'ordonnancement et de règlement de la dépense publique (ACCORD), ainsi que de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Á cette fin, il convient d'assurer la formation du personnel et de bien faire comprendre les enjeux du nouveau code des marchés publics. Je voudrais également revenir sur le module secourisme évoqué tout à l'heure. Ce module qui résulte de la volonté politique du ministre, répond à un besoin. Il n'a pas été créé dans le but de compléter la journée, mais parce que nous avons considéré que certains actes s'inscrivaient dans le lien entre le citoyen et la défense. Ce module ne se limite pas à l'apprentissage des gestes de survie, mais permet aux jeunes de prendre conscience des enjeux liés aux catastrophes naturelles ou aux actes terroristes. Ces mesures d'alerte générale concernent l'ensemble des citoyens et relèvent de la mission générale de la défense. Par ailleurs, il est évident que 75 minutes est une durée courte. Mais nous avons fait en sorte que ces 75 minutes soient la première étape du diplôme de secourisme, et en constitue une unité de valeur. C'est pourquoi, en partenariat avec la Croix-Rouge, nous allons permettre au jeune citoyen qui a obtenu l'attestation de la première étape du module secourisme de payer moins cher quand il passera le diplôme complet de secourisme. En outre, nous envisageons de faire en sorte que cette formation complémentaire soit prise en charge par les collectivités territoriales qui le souhaitent. Depuis ce matin, je suis étonné parce que le sujet de la légitimité de la JAPD ou de la DSN a déjà fait l'objet de débats parlementaires lors de la discussion du projet de loi instaurant la JAPD. Tous les sous-directeurs sont des agents de l'État qui appliquent la loi que vous avez votée, en s'efforçant d'optimiser les moyens. Il ne nous appartient pas, en tant qu'agents de l'État, de remettre en cause des décisions politiques. Si demain, vous décidiez que la durée de la JAPD doit être de deux jours, nous ferons en sorte que ce soit fait. Si c'est quinze jours, ce sera quinze jours. M. Yves Deniaud, Président : Notre mission est d'évaluer et de contrôler. Une fois la loi votée, nous nous interrogeons sur les conditions de son application et les résultats obtenus. Par ailleurs, la forte proportion de civils au sein de la DSN s'explique-t-elle à cause des coûts de rémunération ? Un civil coûte-t-il moins cher qu'un militaire ? Commissaire colonel Marc Sciré : Effectivement. Tout le monde le sait : un civil coûte globalement moins cher qu'un militaire car les statuts sont différents. On impose à un militaire des sujétions particulières. La juxtaposition de personnels aux statuts différents rend la gestion des ressources humaines délicate. Jusqu'ici, cette gestion a été assurée dans de bonnes conditions. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avez-vous des observations à faire sur les infrastructures et les coûts des services déconcentrés de la direction du service national ? Avez-vous détecté des surcoûts ? De quel type de comptabilité disposez-vous ? Est-elle adaptée à vos besoins ? S'agit-il d'une comptabilité traditionnelle ou bien avez-vous la capacité d'analyser finement les coûts ? Commissaire colonel Marc Sciré : Il y a 48 heures, nous recevions les sénateurs de la commission des finances à Compiègne. L'objet de leur visite était de voir comment la LOLF et la politique de réforme de l'État pouvaient contribuer à améliorer le fonctionnement de la DSN. A ce titre, l'article 27 de la LOLF impose de mettre en place une comptabilité budgétaire, une comptabilité générale ou d'exercice et une comptabilité des coûts par programme. Comme je l'ai souligné dans mon propos liminaire s'agissant de la comptabilité budgétaire, nous sommes gouverneurs de crédits et service gestionnaire. Cette autonomie, de facto, nous oblige à tenir une comptabilité budgétaire. En outre, au sein du ministère de la défense, nous disposons d'outils permettant d'assurer un suivi des investissements très spécifique, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire. Les autres ministères ne disposent pas d'un tel suivi, d'abord parce qu'ils n'ont pas beaucoup de crédits d'investissement et ensuite parce que leurs équipements sont moins diversifiés. Nous disposons d'un suivi budgétaire - titre III et titre V - particulièrement précis. ACCORD va permettre à tous les intervenants financiers, que ce soit ceux du ministère ou de Bercy, contrôleurs financiers ou comptables publics, de parler le même langage, en temps réel et amènera une transparence considérable. Dès lors, cette comptabilité budgétaire, améliorée par le raccordement à ACCORD nous permettra de disposer d'un outil comptable performant. La comptabilité d'exercice ou la comptabilité générale seront plus difficiles à mettre en uvre. Nous savons tous -il s'agit d'un enjeu majeur de la LOLF - que l'administration n'est pas habituée aux notions d'amortissement, d'investissement, de compte de résultat qui, en règle générale, viennent du monde des entreprises privées. Ces notions sont utilisées de manière plus ou moins pragmatique, par des établissements publics. Mais, dans l'administration, l'adaptation sera plus délicate. Depuis le 1er janvier, un département comptable ministériel a été créé au sein de chaque ministère. Le comptable public central, présent au sein de chaque ministère, assurera la comptabilité d'exercice et devra la justifier vis-à-vis de la Cour des comptes. Nous sommes en train de modifier le plan comptable de la Défense en s'inspirant du plan comptable général, en l'adaptant à nos notions d'amortissement et de catégories de matériels. Cependant, un changement de mentalité et une formation adaptée de nos personnels sont indispensables pour la réussite de cette réforme. Quel que soit le ministère, les gestionnaires se voient attribuer une enveloppe de crédits. Si elle est dépensée à cent pour cent, il est d'usage de considérer que les gestionnaires sont bons ; si elle ne l'est pas complètement, on considère que le gestionnaire est trop riche ; et si cette enveloppe est dépassée, c'est que les gestionnaires sont très mauvais. Cependant, on s'interroge insuffisamment sur l'usage de cet argent public. Il convient donc d'instaurer une comptabilité patrimoniale. Vous m'avez posé la question des différentes comptabilités. Il s'agissait de la comptabilité budgétaire, de la comptabilité d'exercice et de la comptabilité des coûts. Il est évident que la JAPD a un impact politique car elle touche 880.000 jeunes. Il nous est demandé en permanence - que ce soit la Cour des comptes, le Sénat, l'Assemblée nationale, le ministère de la défense etc.- quel en est le coût. Nous sommes extrêmement vigilants sur nos coûts. Ne disposant pas de comptabilité analytique, nous disséquons certaines dépenses de manière pragmatique. La Cour des comptes affirme que 287 personnes seulement assurent la JAPD, et que tous les autres n'appartiennent qu'à une lourde machine administrative qui tourne autour de la JAPD et que ce rapport de un sur dix est surprenant. Mais que font les agents de la DSN ? Tous les sous-directeurs disposent, en moyenne de 42 jours de permission qu'ils n'ont pas pu prendre. Les attachés des services administratifs (ASA), qui sont de très bon niveau, sont proches de la rupture car on leur demande énormément. Soit nous nous organisons mal, soit nous travaillons beaucoup. Pourquoi cette situation ? Si vous demandez à un professeur qui n'a que 15 heures de cours par semaine ce qu'il fait le reste du temps, il vous répondra qu'il prépare ses cours, qu'il fait les corrections ou qu'il suit des formations. Il en va exactement de même pour nous. La durée de traitement du dossier d'un jeune n'est pas d'une journée, mais de neuf mois. Pourquoi ? Parce que la loi nous impose de proposer trois dates aux jeunes. Cette seule contrainte suscite un traitement particulier des dossiers. On ne dit pas d'une équipe de rugby qu'elle est opérationnelle parce qu'elle a joué un match. Avant cela, il faut la préparer, sélectionner les joueurs ; après, il faut corriger les erreurs faites au cours du match. Limiter la JAPD à la simple journée d'appel, c'est ignorer tout ce qui se passe autour. Je pense - mais c'est au Directeur de le dire - que les membres de la mission devraient venir sur place, de manière inopinée, pour voir le travail de nos agents. Ils verront si les gens sont inactifs ou s'ils assurent une multitude de responsabilités. Je connais très peu de fonctionnaires qui se déplacent, qui font de l'instruction, qui font de la formation, et qui ont des rapports avec des citoyens. Nos personnels sont en contact direct avec des citoyens dont le niveau scolaire s'échelonne de Bac -6 à Bac +2. Tout le monde s'exclame : « La JAPD, la JAPD ! ». Il faut quand même noter que 80 % des citoyens se disent satisfaits de la journée. Nous pouvons sans doute l'améliorer, mais, pour cela, il faut nous donner les moyens. La dernière question portait sur la structure déconcentrée de la DSN. Là aussi, la Cour des comptes avait indiqué que la DSN a choisi la proximité et donc multiplié ses infrastructures. Pas du tout ! C'est la loi qui nous a imposé cette proximité. En conséquence, nous avons été obligés de mettre en place un organisme par zone géographique administrative. Nos 40 organismes, dont 6 outre-mer et 5 à l'échelon régional peuvent apparaître nombreux. Mais c'est la seule façon de convoquer chaque jeune dans sa région. Évidemment, nous pourrions convoquer tous les jeunes Français dans une caserne en plein centre de Paris. Nous ferions alors des gains de productivité. Mais nous ne répondrions pas à notre mission. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous nous apportez des éclairages pertinents sur les questions que nous nous posons. Il est vrai que notre mission est plus large que l'organisation d'une journée d'appel. Mais le grand public, tout comme l'élu de terrain que je suis, se focalise sur la JAPD. A l'heure où l'on parle de créer de nouveaux modules, il est bon de mesurer les coûts, l'efficacité du financement public de la JAPD. Parmi les locaux que vous utilisez, certains vous appartiennent-ils ? S'ils ne vous appartiennent pas, sont-ils mis à disposition par le ministère de la défense ? Payez-vous des loyers ? Si ces coûts ne figurent pas dans vos comptes, disposez-vous d'une estimation ? Commissaire colonel Marc Sciré : Je gère directement les 21,6 millions d'euros de crédits de fonctionnement et les 6 millions d'euros de crédits d'alimentation. Je m'appuie sur les 5 directeurs régionaux et les 40 organismes. J'ai donc une bonne visibilité sur ces flux financiers. En revanche, des crédits atteignant 1 million d'euros en dépenses de fonctionnement et plus de 4 millions d'euros en dépenses d'alimentation font l'objet d'ordonnancement par les armées. S'agissant de nos organismes, leur budget leur permet d'assurer les dépenses de fonctionnement et les dépenses JAPD. Quand il s'agit des armées, nous mettons en place un crédit d'un million d'euros pour les dépenses de fonctionnement. Il s'agit des frais de déplacement et de transports de proximité. Nous louons des cars pour le trajet entre la gare et le site. Ces crédits permettent aussi de payer notre quote-part d'électricité, d'eau et de chauffage, dont le montant est déterminé en homme / jour par une instruction financière. Ces crédits, tout comme ceux destinés à financer l'alimentation, sont confiés aux ordonnateurs des armées qui reçoivent directement les factures des régiments concernés. Nous avons constaté que des problèmes existaient. Par exemple, s'agissant des repas, nous avons constaté que le nombre de repas facturés était parfois supérieur aux effectifs présents. Pourquoi ? Il ne s'agit pas d'un détournement, mais les régiments utilisent soit leurs propres organismes d'alimentation - le problème ne se pose alors pas - soit des traiteurs. Quand vous passez commande pour un certain effectif, il n'est pas question de le modifier ultérieurement. Nous avons donc estimé que des gains de productivité pouvaient être accomplis sur les repas. Le message que je souhaite faire passer aux armées est le suivant : les crédits que je mets en place doivent être mieux dépensés. Mais surtout, nous sommes en train d'élaborer une nouvelle instruction financière - qui va être signée par le directeur des affaires financières - qui obligera le régiment à adresser sa facture à l'organisme de la DSN responsable de la gestion pour certifier la facture avant le paiement. Cela ne signifie pas que nous ne faisons pas confiance aux armées. Nous souhaitons seulement avoir une meilleure visibilité sur ces dépenses tout au long du processus financier. Les dépenses d'alimentation varient entre 4 et 5 millions d'euros. Pourquoi cette fourchette ? Parce que le traiteur n'envoie pas toujours sa facture à temps, et aussi parce que les rouages de notre administration sont assez complexes. On ne connaît la réalité de l'exercice budgétaire que deux mois après sa clôture. En l'occurrence, la modification en cours de l'instruction financière, qui permettra que ces factures soient certifiées par nos organismes, nous offrira une vision comptable en temps réel. S'agissant des mesures de rationalisation, d'économie et de gains de productivité, je souhaite présenter quelques exemples simples. Notre budget se compose, pour 70 %, de rémunérations et de charges sociales, ainsi que de dépenses de plein droit, induites par le fait que l'on a appelé un jeune. Par exemple, sur les 21,6 millions d'euros, 5 millions concernent l'indemnité forfaitaire que l'on verse au jeune. Nous envoyons au jeune un ordre de convocation et un bon de transport SNCF. Soit il l'utilise et nous remboursons la SNCF - cela représente une dépense de 1,6 million d'euros -, soit il ne l'utilise pas, et nous lui versons une indemnité de 8 euros, prévue par la loi. 80 % des jeunes perçoivent cette indemnité, pour un coût de 5 millions d'euros. Le coût de l'alimentation est limité à 7,62 euros par personne et par jour pour la JAPD. Généralement, nous sommes légèrement en dessous de ce plafond car les organismes militaires proposent des tarifs de restauration intéressants. La prestation d'alimentation comprend une sorte de petit-déjeuner d'accueil, prévu par la directive d'application et un repas. Au-delà d'efforts de rationalisation largement réalisés, les dépenses d'alimentation semblent incompressibles. Par ailleurs, s'agissant des gains de productivité, nous nous sommes aperçus qu'entre les jeunes gens convoqués et les présents, il y avait 10 à 12 % de taux d'absentéisme, voire 40 % dans certaines grandes agglomérations. Comme les compagnies aériennes, nous avons décidé de pratiquer une politique de surbooking en convoquant plus de gens sachant qu'il y aurait 10 % d'absentéisme au moins. Comme l'a souligné le Lieutenant-colonel Martinelli, le taux de remplissage des salles est passé de 85 % à 98 %. Cela nous a permis de fermer 1.300 salles en un an, ce qui correspond à 700.000 euros, non pas d'économie, puisque cela concerne les armées, mais de gains de productivité, en rémunérations et charges sociales, en frais de déplacement, en entretien des salles etc. C'est un exemple parmi d'autres. Quelle est l'administration qui, avec les contraintes du code des marchés publics, avec le statut de la fonction publique, arrive à réagir comme une entreprise privée ? Je n'en connais pas beaucoup. Je suis sûr que ce n'est pas l'image que vous aviez de la DSN avant cette matinée d'auditions. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Obtenir 13 % de gains de productivité, en termes de fréquentation, cela permet d'organiser moins de journées d'appel. Commissaire colonel Marc Sciré : Cela induit également des économies pour les intervenants que l'on convoque moins souvent, pour l'alimentation et pour l'entretien des salles. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Y a-t-il une convention avec l'organisme qui met les salles à votre disposition ? Payez-vous un loyer ? Commissaire colonel Marc Sciré : Si le site est militaire, il n'y a pas de convention, mais plusieurs cas peuvent se présenter : soit l'organisme ne demande pas de participation aux charges : je ne paie rien ; soit, conformément à l'instruction financière, une quote-part d'entretien est fixée par homme convoqué / jour. L'organisme effectue le calcul et envoie la facture à l'ordonnateur qui paiera sur les crédits que j'ai mis en place. Au maximum, ces dépenses représentent 200.000 euros pour l'entretien des salles des 244 sites et 200.000 euros pour les transports de proximité. Nous pouvons encore faire des efforts - c'est le message que je ferai passer aux armées cet après-midi - mais ils ne peuvent qu'être limités. Les principales économies portent sur l'alimentation ou la fermeture de certaines salles. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Est-il imaginable que les sites militaires vous demandent d'acquitter un loyer, pour couvrir les coûts de l'immobilier ? Commissaire colonel Marc Sciré : La quote-part prévue pour l'entretien prend en compte les coûts liés aux bâtiments. D'ailleurs, lorsque la gendarmerie ou le régiment d'infanterie fait appel à une société extérieure, l'instruction prévoit une quote-part supérieure. Actuellement, je ne pense pas que les taux appliqués gênent nos régiments. Au contraire, ils sont satisfaits de percevoir cette quote-part dont le principe a été décidé avant mon arrivée, et à un taux raisonnable. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Ils rentabilisent leurs locaux.... Commissaire colonel Marc Sciré : Sans plus. Il n'y a pas d'abus parce que je suis attentif à ces coûts. En revanche, dans les sites civils, une convention est passée par le chef de site et pas par la DSN, sauf quand la DSN est maître de ce site. Ces conventions sont signées par le chef de site de l'armée responsable du site et par le prestataire de service. Cette prestation est payée par les ordonnateurs des armées sur des crédits de la DSN. Nous sommes en train d'améliorer les conventions car, par manque de formation, des risques juridiques avaient été pris. Par exemple, à Nice, suite à des travaux d'infrastructure, nous avons dû cesser d'organiser la JAPD dans certains locaux fournis par un prestataire. Le chef de site, qui avait signé la convention, l'a dénoncée. Cependant, le contenu de la convention ne nous permettait pas de le faire. Le rôle de mon bureau consiste à sécuriser ces conventions et le mien est de bien vérifier les engagements de l'État vis-à-vis des tiers. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Combien de sites civils sont utilisés pour la JAPD ? Commissaire colonel Marc Sciré : 44 à 48 sur 245. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Mais leur coût est supérieur à celui des sites militaires ! Commissaire colonel Marc Sciré : Bien entendu ! Le Général nous a réunis avec l'ensemble des directeurs d'organismes. Nous avons décidé de faire une fiche de site mentionnant tous les coûts. Chaque directeur régional a demandé à chaque directeur d'organisme de remplir une fiche de site. Grâce à ce travail, nous pouvons aujourd'hui fermer certains sites, notamment civils, qui nous reviennent trop cher. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Ces sites civils sont-ils plutôt situés en agglomération, là où il n'y a pas d'unités militaires ? Commissaire colonel Marc Sciré : Je pense que le Lieutenant-colonel Martinelli est mieux à même d'en parler. Lieutenant-colonel Joseph Martinelli : Ces sites civils ne sont pas nécessairement situés en agglomération mais surtout là où l'armée, en raison de la professionnalisation, ne dispose plus de suffisamment d'enceintes militaires. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la gendarmerie nous apporte son soutien puisqu'elle est installée sur l'ensemble du territoire. Cela étant, les locaux de la gendarmerie sont souvent exigus. Nous faisons donc appel le plus souvent à l'Éducation nationale et à des sites municipaux, mais de façon extrêmement limitée, car cela nous coûte plus cher, en tout état de cause. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Le ministère de l'Intérieur fournit-il des salles ? Lieutenant-colonel Joseph Martinelli : Non, mais une école de police nous a fourni des locaux, pendant quelques temps, près de Rouen parce que nous avions des difficultés conjoncturelles avec notre centre. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Le site civil ne répond pas au souhait de notre collègue Poniatowski qui consiste à montrer aux jeunes la réalité d'une armée. Manifestement, la proximité est parfois un obstacle à une connaissance pratique des armées. Commissaire Colonel Marc Sciré : Dès lors que l'on veut créer un lien ponctuel entre l'armée et le citoyen, il vaudrait mieux qu'il aille sur une base aérienne ou dans un régiment. Cependant, en raison de la contrainte de proximité, nous ne pouvons pas faire déplacer le jeune au-delà d'une certaine distance. Cela explique le choix de ces sites civils qui évitent au jeune un trop long trajet en train. Nous n'avons pas le choix : ces sites civils ne sont pas faciles à trouver, coûtent cher et les prestataires de service pour l'alimentation sont souvent en situation de monopole. Leur coût dépasse donc généralement la moyenne. A cet égard, l'instruction financière permet au directeur régional, dès lors que la moyenne générale de la circonscription est sous la fourchette de coût, d'accepter les dépassements. Pour faire des économies supplémentaires, il faudra les fermer, mais s'ils ont été choisis, c'est parce que nous n'avions pas d'autres choix possibles. Lieutenant-colonel Joseph Martinelli : Ces sites correspondent à des bassins de population peu nombreuse et sont utilisés uniquement en fonction des besoins. Le coût est donc maîtrisé grâce à leur faible taux d'ouverture. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous avez parlé des investissements relatifs à l'informatisation. Quels sont vos autres investissements ? Commissaire Colonel Marc Sciré : Nous avons des crédits d'infrastructures, des crédits d'informatique et de réseaux, et quelques crédits pour les matériels. Pour les infrastructures, nous avons deux façons de procéder. Les crédits du titre III contiennent une enveloppe de 500.000 à 600.000 euros de crédits d'entretien répartis sur les 40 organismes, dont les 6 Outre-mer. Ces crédits sont inscrits au budget de ces organismes. Ces crédits d'infrastructure concernent exclusivement l'entretien et non pas la construction. Nous ne sommes pas constructeurs, puisque l'armée de terre est propriétaire. Nous sommes des « attributaires occupants », c'est-à-dire des locataires, et nous ne pouvons donc pas créer un mur, par exemple. Mais l'entretien peut néanmoins susciter des dépenses importantes. Ces crédits sont répartis en fonction de la nature et de la vétusté du casernement. Cela étant, pour assurer une certaine justice et une transparence de la dépense, nous prévoyons une quote-part hommes / surface développée en fonction de la nature de la dépense. C'est une politique mise en uvre par mon bureau infrastructure. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Il s'agit donc de bien identifier les investissements de la DSN. Commissaire Colonel Marc Sciré : Soit je place les crédits dans le budget de fonctionnement des organismes de la DSN et ceux-ci traitent directement ou font appel à un prestataire de services civil ; soit un corps support a été désigné par une armée. En l'occurrence, le corps support peut être particulièrement réactif. L'argent est alors mis à la disposition du corps support, mais au sein de l'enveloppe de notre organisme. Cela permet au corps support de pouvoir effectuer les réparations avec nos crédits. Si le corps support est surchargé, je reverse les crédits au budget de notre organisme qui assurera la prestation. Si l'on rapporte ces 500.000 à 600.000 euros à nos 40 organismes - et en sachant que nous avons privilégié quelques opérations très importantes - vous constaterez que la dotation moyenne est limitée. En revanche, en titre V, nous disposons de crédits d'entretien que nous ne gérons pas directement. Nous sommes gouverneurs de crédits, ce qui signifie que nous décidons de l'emploi, mais nous mettons ces dotations à la disposition de la direction centrale du génie et de la direction régionale concernée, en précisant les actions à réaliser. Depuis que la DSN a été extraite des armées pour être placée au sein du SGA, nous ne sommes pas dans le domaine de compétence prioritaire du génie ou du Commissariat de l'armée de terre. Par conséquent, quand nous demandons quelque chose, alors même que nous finançons nous-mêmes nos travaux, il y a parfois des petits blocages. Quand nous estimons qu'un blocage peut remettre en cause notre mission, nous essayons de reprendre nos crédits et de les gérer nous-mêmes. Nous sommes obligés de passer des marchés dans des domaines extrêmement complexes : téléphonie, réseaux, véhicules en location longue durée. Nous recourons également à l'externalisation, dont j'aimerais vous entretenir. Ces marchés sont très compliqués, tant dans leur passation que dans leur suivi. Nous disposons de trois modes opératoires pour agir : soit nous savons faire, soit nous n'avons pas le temps de faire, soit nous ne savons pas faire. Quand nous savons faire, nous pouvons passer un marché au niveau de l'administration centrale, notamment lorsqu'il s'agit d'appliquer une cohérence d'action à l'ensemble de nos organismes. De plus, certains marchés sont réalisés par nos structures déconcentrées, ce qui permet de mieux utiliser l'argent public au niveau local. Quand nous n'avons pas le temps de faire - cela arrive très souvent -, nous faisons appel à des groupements d'achat tels que l'UGAP ou GAIA (groupement d'achats informatiques des armées). Cette procédure nous permet de gagner du temps et le groupement se charge du respect du code des marchés publics. En revanche, nous sommes obligés d'accepter le prix du marché-type. Pour l'entretien de nos sites, qui est la troisième dépense de la DSN (2 millions d'euros) après les lettres chèques et les frais d'affranchissement (2,1 millions d'euros), nous faisons appel à des sociétés sélectionnées par l'UGAP. En deux ans, les « 35 heures » ont suscité une augmentation de 11 % des coûts de ce type de sociétés qui travaillent avec beaucoup de personnel. Dès lors que nous sommes engagés dans l'externalisation, et puisque nous ne pouvons plus recourir aux appelés, nous ne pouvons plus revenir en arrière. Nous sommes particulièrement attentifs à la maîtrise des coûts en la matière. Dans le cas où nous ne disposons pas des compétences nécessaires à une opération, nous l'externalisons. Par exemple, nous nous sommes aperçus que nous ne disposions pas de crédits suffisants au titre V pour acheter des véhicules. En outre, est-il utile d'acheter des véhicules pour l'ensemble de la direction ? Nous avons donc pensé au prêt longue durée. Il faut savoir que dès la création de la JAPD et après la cession des véhicules par les différentes armées, nous manquions de véhicules. Nous avions donc choisi de recourir à des locations de courte durée de véhicules pour le samedi. Mes prédécesseurs ont donc loué des véhicules pour 24 heures ou 48 heures. Cela a coûté cher. Nous utilisons depuis un an la location de véhicule pour une longue durée, sur trois ans, au lieu de les acheter ou de les louer pour 48 heures. Cette location longue durée comprend la maintenance, c'est-à-dire tous les frais qui nous incombaient auparavant. Le véhicule étant toujours le même, nos personnels peuvent s'y habituer. Notre action vise donc à une cohérence globale dans tous les domaines. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Ces véhicules sont-ils identifiés ? Commissaire Colonel Marc Sciré : Bien entendu ! Ce marché comprend même une assurance particulière en cas d'accident, alors que généralement, l'État étant son propre assureur, c'est le bureau contentieux qui paye les frais. Dans notre cas, c'est l'assurance. M. Yves Deniaud, Président : Merci. Nous n'avons plus de questions. Nous pouvons donc conclure en remerciant nos invités. Cet échange a été extrêmement fructueux et animé. Merci de votre disponibilité, de la qualité de vos réponses et de vos explications. Nous avons appris des choses tout à fait intéressantes au cours de cette première matinée. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous tenons à ce que nos régiments soient les plus opérationnels possibles. Vous êtes un des éléments qui peut permettre à l'armée professionnelle de conserver un lien avec la Nation, c'est-à-dire avec les civils que nous sommes. J'y suis personnellement très attaché. C'est la raison pour laquelle, au-delà des coûts, c'est aussi l'efficacité dans le cheminement à la citoyenneté qui nous intéresse. M. Yves Deniaud, Président : C'est tout à fait notre but. Merci. Audition du 25 février 2004 9 heures 30 : Général de division Jean-Paul Lebourg, directeur du service national Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Je voudrais remercier la Cour des comptes qui nous assiste toujours dans nos travaux. Je remercie également le Général Jean-Paul Lebourg, qui a bien voulu répondre à nos questions. Enfin, je voudrais saluer, dans le public, la présence de Pierre Joxe, l'initiateur de notre mission d'évaluation et de contrôle lorsqu'il était Premier Président de la Cour des comptes. Il pourra donc se rendre compte que nous continuons nos travaux avec la même ardeur. Je vais donner tout de suite la parole au rapporteur, M. Jean-Louis Dumont. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je souhaite à mon tour saluer notre ancien collègue Pierre Joxe. Avant d'interroger le directeur du service national, je voudrais informer la mission que nous nous sommes rendus hier à Rennes et à Nantes et que, tout au long de la journée, nous avons pris contact, sur le terrain, avec les services qui sont en charge de la mise en uvre de cette journée d'appel. Nous avons pu, à cette occasion, mesurer la charge du travail qui leur incombe. Nous procéderons à une série d'auditions la semaine prochaine et, avec votre autorisation, j'ai l'intention, afin d'alléger le travail de la MEC engagée dans d'autres évaluations de l'efficacité des financements publics, de rencontrer à titre personnel quelques personnes supplémentaires avant de vous proposer mon rapport et éventuellement quelques propositions. Mon général, si vous le permettez, je voudrais débuter par une première série de questions, articulées autour de trois grands thèmes : l'organisation de la direction du service national, la gestion de vos locaux et la gestion et la mise à jour des dossiers des jeunes. La loi a fixé un certain nombre d'objectifs. Comment évaluez-vous, à l'intérieur même du service, les actions que vous menez pour atteindre ces objectifs ? Quelles évolutions pourraient être envisagées ? La journée d'appel a énormément évolué depuis sa création, que ce soit dans le contenu même des tests qui sont proposés, ou dans celui des thèmes qui sont abordés, voire dans celui des supports de présentation utilisés. Aujourd'hui, vous vous voyez confier la mission d'initier les jeunes aux premiers secours. Dans quelles conditions ce nouveau module va-t-il s'insérer dans une journée déjà bien remplie ? La première question que je vous pose est relative aux intervenants que les états-majors des différentes armées et la gendarmerie vous mettent à disposition. D'autres organismes peuvent intervenir dans l'organisation de la journée : les missions locales, l'Éducation nationale. S'agissant de ce ministère, comment est élaboré le test de compréhension de la lecture destiné aux jeunes ? Par ailleurs, j'ai pu mesurer hier combien les missions locales se mobilisaient pour le suivi des jeunes en difficulté. Il semble que la mobilisation des inspections d'académie soit moins régulière. Enfin, j'ai mesuré hier que vos services comportaient deux tiers de civils et un tiers de militaires. Quel jugement portez-vous sur la composition de vos effectifs ? M. Augustin Bonrepaux, Président : Je rappelle que nous avons pris connaissance du rapport de la Cour des comptes qui montre effectivement que les dépenses peuvent paraître excessives. Notre préoccupation est de savoir comment on peut rendre cette journée plus efficace tout en réduisant son coût. Il serait souhaitable que vos réponses nous présentent des pistes permettant d'améliorer l'effectivité de la dépense. Général Jean-Paul Lebourg : Je vais commencer par un bilan de la présentation des résultats actuels de la JAPD, qui est une institution jeune, d'à peine cinq ans. Elle a connu des difficultés dans sa mise en place, que le Rapporteur a soulignées tout à l'heure. Difficulté avec le personnel de la DSN car il n'était pas préparé à mener ce type de mission à l'extérieur de ses locaux. Difficulté avec les armées aussi qui, au départ, je peux en témoigner dans la mesure où j'étais à l'époque de l'autre côté de la barrière, n'ont pas fait preuve d'un grand enthousiasme, l'autorisation d'y parler de recrutement étant très limitée. Elles considéraient ainsi la JAPD comme une charge. Aujourd'hui, conformément à la loi, la JAPD crée un contact, souvent unique, entre les jeunes et l'armée. Elle vise aussi indiscutablement, et cette dimension est aujourd'hui pleinement assumée, à faciliter le recrutement. Enfin, elle contribue de façon très significative à lutter contre l'illettrisme. Pour chacun des objectifs que je viens de citer, on pourrait peut-être imaginer des moyens moins coûteux et plus efficaces d'y parvenir. Pour autant la barre est haute. Si je m'appuie sur les résultats de 2003, en net progrès par rapport à 2001 - M. Dumont a bien souligné ces progrès -, la JAPD aura permis de faire rencontrer des militaires à 788 000 jeunes, soit 23 % de plus qu'en 2001. Elle aura permis à la moitié de ces jeunes, environ 375 000, de visiter des sites militaires, donc, de voir des matériels, des bateaux, des avions... Aucun d'entre eux n'avait cette possibilité il y a deux ans, il s'agit donc d'un progrès significatif, opéré en très peu de temps. Elle a permis également d'inciter près de 200 000 jeunes gens à manifester concrètement leur intérêt pour une carrière militaire, le volontariat, la réserve, ou une préparation militaire. Le nombre de jeunes intéressés par un éventuel engagement, quelle qu'en soit la forme, a doublé en deux ans. Enfin, elle a permis l'année dernière de détecter 55.000 jeunes en difficulté et d'en convaincre plus de 32.000 d'accepter une aide. C'est trois fois plus qu'en 2001. En termes de coût et d'efficacité, nous avons fait de grands progrès en très peu de temps. Cette journée a permis à l'Éducation nationale de disposer d'éléments statistiques complets sur la l'illettrisme. Elle a également permis de réaliser des études plus marginales, mais utiles, notamment pour l'office français des drogues et toxicomanies. La JAPD a permis d'améliorer le taux d'inscription des jeunes sur les listes électorales. Lors de leur recensement, les jeunes sont théoriquement inscrits d'office sur les listes électorales. Mais beaucoup de mairies ne le font pas, pour différentes raisons. Nous avons donc mis en place pour la première fois en 2003 un nouveau processus qui permet de vérifier auprès des mairies que cette inscription a bien été effectuée. Cette année, cette procédure nouvelle a permis d'inscrire plus de 20.000 jeunes gens supplémentaires sur les listes électorales. Voilà pour le bilan de la JAPD. Il faut ajouter que dès cette année, deux nouveaux modules seront créés, à la demande du ministre. Le premier portera sur l'acquisition par tous de quelques gestes de survie et le second sur le renforcement de l'acquisition des notions de base de la citoyenneté. Seront également abordées les conduites à tenir en matière de sécurité routière, conformément aux priorités définies par le Président de la République. La MEC s'interroge pour savoir si les objectifs de la JAPD pourraient être mieux remplis et à meilleur coût. En matière de recrutement, on pourrait imaginer de s'appuyer sur des opérations telles que les rencontres armée/Nation ou les opérations « portes ouvertes ». Lors des rencontres armée/Nation, 500.000 Français ont eu un contact avec l'armée, pour un coût non négligeable. Cependant, ces 500.000 Français sont de tous âges et non pas uniquement la cible principale du recrutement, c'est-à-dire la jeunesse. Si les journées armée/Nation présentent une utilité considérable, elles seraient cependant très insuffisantes pour remplacer la JAPD. Les « portes ouvertes » ne peuvent se dérouler que dans les zones où il y a des unités militaires. Or, des régions entières en France n'ont plus d'unités militaires. La JAPD, en matière de recrutement, est certainement un outil pertinent. Les directeurs du personnel des différentes armées vous le diront certainement. L'armée de terre considère que le quart de son recrutement vient de la JAPD, tandis que la gendarmerie s'y implique fortement pour des raisons évidentes de recrutement. La Marine et l'armée de l'air ont mis un peu plus de temps à réaliser l'importance de la JAPD en termes de recrutement. 48 heures après la JAPD, les organismes locaux de recrutement des armées - proches du domicile des jeunes - reçoivent l'adresse et les souhaits des jeunes. Il y a deux ans, cette transmission pouvait durer jusqu'à deux mois. Nous avons réalisé, là aussi, des progrès importants de productivité. Par ailleurs, il convient de mentionner le recrutement au profit de la réserve. Nous commençons à réaliser des opérations de recrutement ciblées pour la réserve et la préparation militaire. Je me suis rendu hier à Brest hier où la totalité des postes d'une compagnie de sémaphore est pourvue grâce à la JAPD, du fait d'une opération ponctuelle. En matière de lutte contre l'illettrisme, il n'est pas sûr que l'on puisse procéder autrement car il n'existe pas de dispositif universel comparable. En tout état de cause, le coût de la lutte contre l'illettrisme semble dérisoire. L'appareil statistique, que nous avons simplifié, coûte 0,16 euro par jeune. Depuis deux ans, nous avons focalisé notre effort sur l'action concrète car il ne suffit pas de détecter les illettrés : il faut aussi les aider. C'est pourquoi nous avons mis en place, avec un vigoureux effort de formation, des actions concrètes en faveur de ces jeunes en liaison avec nos partenaires évoqués tout à l'heure par le rapporteur. Le coût de ces actions est très limité. Un jeune détecté acceptant d'être aidé coûte 15 euros à la République. Est-ce cher payé ? C'est à la représentation nationale d'en juger. Il semble - on ne peut pas l'affirmer avec certitude - qu'un quart de ceux qui acceptent d'être aidés vont sortir des difficultés qu'ils connaissent. Le coût est donc de 60 euros. Cela en vaut-il la peine ? Personnellement, je pense que oui. Il est clairement de la responsabilité de l'État d'offrir une dernière chance à tous ces jeunes avant qu'ils n'entrent dans la vie professionnelle, dans la vie d'adulte et de leur dire : « vous êtes en difficulté, nous le constatons et nous sommes prêts à vous proposer, en liaison avec l'Éducation nationale, de l'aide ». Ces jeunes qui se sont comportés en bons citoyens, qui se sont faits recenser, sont venus à la JAPD, ont subi des tests, lesquels ne leur ont pas, par définition, procuré beaucoup de plaisir puisqu'ils les ont ratés ; la moindre des choses que l'État doit faire ensuite est d'aller vers eux et d'essayer de les sortir de leurs difficultés. Dans ce domaine, la JAPD est un outil extrêmement précieux. M. de Gaudemar, directeur de l'enseignement scolaire, me disait il y a très peu de temps : « Vous êtes, avec vos actions, notre révélateur et notre aiguillon ». Je lui laisse la responsabilité de son appréciation, mais c'est ainsi qu'il conçoit les choses. Le troisième sujet qui suscite un débat est le secourisme. Cette initiation peut certes paraître superflue par rapport à la formation que l'Éducation nationale assurera prochainement. Cependant, il faudra probablement quelque temps avant que ce grand ministère réalise effectivement partout l'initiation au secourisme. Nous, nous le ferons dès cette année. Selon l'opinion des experts, si l'on arrive à former la totalité de la jeunesse française à ces deux ou trois gestes de survie - qui sont des gestes de réanimation cardio-vasculaire pour des gens ayant perdu connaissance - on pourrait lutter efficacement contre les 10.000 cas de mort subite recensés chaque année en France. Les sauvera-t-on tous ? Je n'en sais rien, mais en tout cas on pourrait faire face plus efficacement à ces situations d'urgence. Il s'agit là de l'opinion des experts qui se fondent sur des expériences étrangères où l'initiation au secourisme limitée à ces quelques gestes a largement été introduite. Le coût de cette formation, qui pourrait peut-être nous épargner quelques unes des 10.000 morts subites constatées en France chaque année, sera, en année pleine, de 8 euros par jeune. Je cite ce coût car il relativise certaines des critiques qui nous sont adressées. La dernière critique que l'on peut faire sur le programme de la journée, c'est son déroulement très scolaire et peu attractif pour les jeunes. Suite à l'impulsion donnée par Mme Alliot-Marie, dès le mois de mars prochain, ces critiques ne seront plus de mise. Il n'y aura plus de vieux transparents ou de vidéos interminables. Nous proposerons des modules extrêmement interactifs, incitant les jeunes à intervenir plutôt que d'écouter paisiblement un conférencier. La journée aura un caractère beaucoup plus concret. Grâce à la multiplication des visites et à l'introduction d'un module de secourisme, la JAPD de mars 2004 n'aura vraiment rien à voir avec la JAPD de 2002. Encore une fois, c'est une évolution que je considère comme normale. Par ailleurs, M. Dumont a évoqué l'implication de l'Éducation nationale et des missions locales dans la lutte contre l'illettrisme. Je me garderais bien, tout d'abord parce que nous avons avec lui des relations extrêmement confiantes et partenariales, de mettre en cause le travail du ministère de l'Éducation nationale. Pourquoi ? En réalité, les inspections académiques ont reçu d'un seul coup - dans un temps qui, d'un point de vue administratif, est très bref - un nombre de dossiers de jeunes multiplié par trois. Il est bien évident qu'ils n'ont pas pu - pour l'instant - prendre dans toutes les académies la mesure de ce triplement du flux, leurs moyens n'ayant pas été augmentés à cet effet. L'Éducation nationale en est bien consciente. Le directeur de l'enseignement scolaire m'a demandé d'intervenir lors d'une réunion mensuelle des recteurs, le 1er avril prochain, pour inciter les académies qui sont encore un peu en retard à mieux assurer le suivi de ces dossiers. Notre tâche est plus aisée avec les missions locales car le message que nous leur passons est tout simple. Nous leur demandons simplement de traiter en priorité les dossiers des jeunes que nous leur signalons. Cette procédure est donc plus réactive. L'Éducation nationale est une machine plus lourde, mais je ne doute pas qu'une fois qu'elle aura pris en charge correctement cette mission cela fonctionnera bien sur l'ensemble du territoire. La proposition entre un tiers de militaires et deux tiers de civils au sein de nos effectifs est un bon équilibre. Il ne faut surtout pas moins de militaires. Quand les jeunes viennent à la JAPD, ils attendent de rencontrer des soldats, des marins, des aviateurs. Il arrive parfois, lorsque les intervenants - qui ne sont pas uniquement des militaires - sont des civils et que mes équipes sont uniquement civiles, que les jeunes ne voient qu'un seul militaire dans la journée. Ils sont alors un petit peu déçus. Si l'on souhaite des évolutions rapides, malgré les contraintes statutaires, le fait de disposer d'un noyau dur de militaires est particulièrement utile. Depuis deux ans, M. Dumont a pu en juger sur le terrain, nous avons informatisé cette direction dans des proportions extraordinaires. Cette mutation a été possible du fait de l'adhésion des civils à cette réforme, mais aussi parce qu'il y avait un noyau dur de militaires qu'il était peut-être plus facile de faire adhérer au processus. Si l'équilibre entre civils et militaires est satisfaisant, il ne faut surtout pas aller en dessous du seuil d'un tiers de militaires. Évidemment, les militaires coûtent un petit peu plus cher, mais si nous faisions venir les jeunes à une journée d'appel de préparation à la défense animée uniquement par des civils, la déception serait immense. Avec 3.000 personnes, sommes-nous trop nombreux ou pas assez nombreux ? Il y a six ans, la DSN comptait 7.500 personnes. La Cour des comptes, à juste titre, a noté que la réduction des effectifs n'était pas aussi importante que l'on aurait pu l'espérer puisque nous sommes maintenant environ 3.000 personnes. Pour autant, quelles étaient les missions de la DSN auparavant ? Elle gérait et sélectionnait les appelés, dans les centres de sélection. Cette procédure qui devait durer trois jours ne durait en réalité que 36 heures. Cependant, cette mission ne concernait que la moitié de la jeunesse, soit 300.000 garçons. En réalité, la charge actuelle est assez comparable à celle que l'on avait auparavant. En matière de recensement, nous travaillions auparavant en liaison avec les préfectures qui se chargeaient de coordonner le travail des mairies. Aujourd'hui, nous sommes en relation directe avec les mairies. Le centre où s'était rendu M. Dumont hier doit correspondre avec 980 mairies. Ces 980 relations différentes demandent du temps. Nous allons rencontrer les équipes municipales. Nous avons effectué 6.200 visites de mairies en 18 mois. Nous expliquons aux secrétaires de mairie comment nous assurons le recensement et nous les conseillons afin que les listes qu'ils nous envoient soient plus rapidement exploitables. Une réduction d'effectif de 100 ou 200 postes est une idée parfois avancée. Pourquoi ? Nous avons beaucoup de personnes qui, pour des raisons historiques et d'héritage de l'ancienne direction du service national, sont inaptes et nous ont été affectées car cette direction était alors très administrative. Ne pouvant pas participer à la JAPD, elles nous sont d'une utilité modérée. Mais il me semble que tous les services de l'État disposent d'un certain nombre de personnes partiellement employables. Je ne pense donc pas que notre effectif puisse descendre sensiblement en dessous de 3.000 personnes. En deux ans, nous avons encore réduit nos effectifs de 20 %. Je ne crois pas que l'on puisse aller beaucoup plus au-delà. S'agissant des intervenants, je voudrais rectifier un point. Les intervenants sont fournis par les armées, mais aussi par la DSN, depuis deux ans, charge nouvelle que nous avons souhaité assumer. Auparavant, 100 % des intervenants étaient fournis par les armées. Aujourd'hui, nous fournissons 10 % de ceux-ci, ce qui, pour une petite DSN n'employant qu'à peine 3.000 personnes, est tout de même un effort très important comparé à celui des armées. Nous sommes contents de notre participation. M. Augustin Bonrepaux, Président : À propos du personnel, avez-vous pu comparer le coût d'un emploi militaire et d'un emploi civil ? S'il y a des différences, qu'est-ce qui les justifie ? Général Jean-Paul Lebourg : À grade égal, un militaire coûte plus cher qu'un civil. Ce qui justifie ces différences, c'est la disponibilité que l'on demande au militaire et le fait que l'on peut le muter contre son accord. Donc, il y a tout à fait logiquement un léger différentiel de salaire qui concerne ce que nous appelons les indemnités pour charges militaires et qui correspondent aux contraintes statutaires des militaires. M. Augustin Bonrepaux, Président : Pouvez-vous nous le préciser par écrit ultérieurement ? Général Jean-Paul Lebourg : D'accord. M. Jérôme Chartier : Vous avez beaucoup parlé de lutte contre l'illettrisme, et j'avoue que j'y suis très sensible. Avec un bref calcul, j'ai pu constater que, finalement, la somme que vous consacrez à la détection de l'illettrisme était relativement faible. Il est cependant vrai que le budget de la lutte contre l'illettrisme est relativement faible en France. Vous n'êtes pas sans savoir que le budget de l'agence de lutte contre l'illettrisme est de 500.000 euros par an. On consacre aujourd'hui très peu de moyens à cette cause, qui est pourtant une cause nationale. J'ai fait un bref calcul et je constate qu'en 2003, sur 788.000 jeunes, vous avez détecté 55.000 jeunes en difficulté, ce qui fait une proportion de 6,97 %. Si j'en crois les statistiques de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme, on considère qu'il y a environ 10 à 11 % d'une classe d'âge en situation d'illettrisme et, à cela, s'ajoutent 4 % d'une classe d'âge en situation d'analphabétisme, ce qui fait à peu près 10 à 15 % d'une classe d'âge qui sont concernés soit par l'analphabétisme, soit par l'illettrisme. J'en viens au module de détection de l'illettrisme. Votre direction s'est-elle rapprochée de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme qui a établi un module absolument remarquable pour pouvoir détecter la situation d'illettrisme et qui permet d'observer cette statistique sur un échantillon déterminé ? Finalement, le nombre de jeunes illettrés que vous détectez semble relativement faible en comparaison de la statistique nationale. Général Jean-Paul Lebourg : Le test de détection d'illettrisme est établi par la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Éducation nationale. Nous travaillons avec elle depuis le début, ce qui permet d'avoir des séries statistiques sur plusieurs années. Cependant, nous avons changé ce test depuis le 1er janvier 2004 pour l'adapter à l'orientation des jeunes en difficulté et, donc, pour aller bien au-delà du traitement statistique. Le module de détection de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme nous a été proposé. Nous travaillons avec l'Éducation nationale, donc, tout à fait logiquement, c'est le leur que nous avons retenu. En ce qui concerne la différence des chiffres avec ceux de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme, avec laquelle nous travaillons de façon relativement proche, cela s'explique très simplement : nos chiffres reflètent le nombre de jeunes qui ont échoué aux tests et qui sont susceptibles de recevoir une orientation, une nouvelle insertion et, en aucun cas, le nombre d'illettrés. Pour détecter les illettrés, nous utilisons un dispositif d'échantillonnage avec des tests plus complets qui se font en deux vagues - un test le matin et un test l'après-midi - afin de sérier avec précision l'illettrisme en France à partir d'un échantillon de 60.000 jeunes gens. Ces deux outils sont différents, tout deux venant de l'Éducation nationale. Quand nous déclarons de l'ordre de 7 à 8 % des jeunes gens qui ont été détectés en difficulté, ce sont les gens qui ont échoué aux tests. On ne peut pas exclure que ce taux soit encore inférieur s'agissant des illettrés car il est indiscutable qu'une petite partie des jeunes gens - on a pris quelques décisions tout récemment pour y remédier - ne font pas les tests avec suffisamment de sérieux. L'une des mesures que nous avons prises tout récemment, consiste à annoncer aux jeunes gens, avant qu'ils ne passent les tests, que les parents des jeunes mineurs seront informés par lettre officielle de l'échec aux tests ainsi que des propositions d'aide qui leur ont été proposées. Je ne doute pas que cela fera sensiblement chuter le taux concerné. Le montant du budget de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme que vous avez mentionné est théorique. Il est en fait beaucoup plus important que cela puisqu'elle bénéficie d'énormément de mises à disposition de fonctionnaires. M. Jérôme Chartier : Pas énormément, il y en a neuf. On ne peut pas dire que neuf mises à disposition de fonctionnaires soient énormes. Les crédits de lutte contre l'illettrisme sur les lignes du fonds d'aide et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) s'élèvent à 12 millions d'euros par an. Ce montant est relativement faible. De plus, ils ont été gelés pendant un mois et demi cet été. Général Jean-Paul Lebourg : C'est le problème de l'agence. M. Jérôme Chartier : Je ne suis pas sûr que ce soit uniquement le problème de l'agence. Vous avez dit que la proportion d'illettrés que vous détectez allait encore diminuer. Ce n'est pas pour me rassurer car on s'éloignerait encore plus de la proportion réelle de jeunes en situation d'illettrisme et d'analphabétisme constatée sur une classe d'âge. L'un des intérêts de la journée d'appel de préparation à la défense est de détecter pour une classe d'âge déterminée les jeunes qui sont en situation d'échec d'intégration sociale. Vous êtes en train de dire que ce ne sera pas 6,97 %, mais en vérité 4 ou 5 % d'une classe d'âge qui seront détectés alors que, finalement, on sait que ce sont plutôt 10 à 14 % d'une classe d'âge qui se retrouvent en situation d'exclusion probable à terme. Je ne suis pas vraiment rassuré sur l'efficacité de la journée d'appel de préparation à la défense pour détecter ceux qui sont en voie de marginalisation. Général Jean-Paul Lebourg : Très honnêtement, je mets en doute le chiffre de 4 % d'analphabètes - il faudrait auditionner Mme Péretti, directrice de l'évaluation et de la prospective à l'Éducation nationale - car nous ne constatons absolument pas cela. Dans nos organismes, nous ne trouvons jamais 4 % d'analphabètes, que ce soit en métropole ou outre-mer. Les chiffres de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) sont issus de l'Éducation nationale. Les chiffres de l'illettrisme sont hautement politiques car selon leur tendance, les réactions et les actions sont très différentes. Les résultats de la JAPD en matière d'illettrisme donnent lieu, à chaque fois qu'ils sont publiés, à énormément de commentaires. Alors que nous convoquons la quasi-totalité d'une classe d'âge - 95 à 97 % - nous sommes effectivement un peu en dessous des chiffres annoncés par l'ANLCI. C'est une réalité. Je ne crois pas qu'il faut mettre en cause la qualité des tests car ce sont ceux de l'Éducation nationale. Ils ont longuement été expérimentés tout au long de l'année 2003. Ils fonctionnent bien. Les chiffres de l'ANLCI datent peut-être un petit peu. Un taux de 4 % d'analphabètes n'a jamais été observé, même il y a 20 ou 30 ans, du temps de l'ancien service national. Je parle bien d'analphabètes, au sens propre du terme, car les illettrés sont très loin d'être analphabètes. Notre action et celle de l'ANLCI sont proches, mais l'ANLCI est plutôt un organisme de réflexion, d'organisation de colloques ou d'échange d'idées. Ce n'est pas un organisme de terrain car l'agence n'a absolument pas les relais régionaux qui lui seraient indispensables pour épauler l'action des services de l'État. Nous, nous faisons du concret. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : S'agissant des jeunes qui ne répondent pas à la JAPD, on peut supposer qu'il y a parmi eux les exclus sociaux, qui ont le plus de difficultés. Hier, j'ai longuement discuté avec les personnes qui nous recevaient. Au cours de cette journée, un sondage est réalisé sur une population donnée, avec les marges habituelles d'un sondage. Il ne faut pas demander plus à cette journée de préparation à la défense que ce que la loi lui demande. Je souhaite vous interroger sur le rôle des délégués militaires départementaux (DMD). La gendarmerie s'est parfaitement mobilisée dès le début de la JAPD car elle a certainement jugé qu'il y avait là matière pour son recrutement et pour sensibiliser les jeunes. Dans les autres armées, même si l'on sent bien un intérêt pour la JAPD croissant, il a fallu vaincre des réticences culturelles. En revanche, je m'interroge sur la motivation, la mobilisation et le rôle des DMD dans l'organisation de la journée ? Général Jean-Paul Lebourg : Les délégations d'aujourd'hui, au grand désespoir des préfets, c'est un colonel ou un capitaine de vaisseau avec un sous-officier et, parfois, un secrétaire. On a tendance à leur demander aujourd'hui ce qu'on leur demandait hier et encore beaucoup plus puisque les actions civilo-militaires se multiplient. Dans certains départements, nous arrivons à travailler avec la délégation. Les délégués militaires départementaux sont très contents de s'appuyer sur nous, notamment pour les actions qu'ils mènent au profit des correspondants Défense, qui ont été créés il y a à peu près deux ans. Ces colonels sont bien seuls, avec leur secrétaire, pour assurer la multitude de tâches qui leur incombent. M. Louis Giscard d'Estaing : Dans les objectifs qui avaient été assignés à la JAPD dès sa création, il y avait le maintien du lien entre l'armée et la Nation. Cette journée devait permettre aux jeunes d'entrer en relation avec le monde militaire et les forces de défense. Dans l'organisation des JAPD, les intervenants devaient être, en général, un binôme constitué d'un cadre d'active et d'un cadre de réserve. Cette conception est-elle toujours maintenue ? Dans quelles conditions pourrez-vous la pérenniser dès lors que la ressource en cadres de réserve viendra progressivement à se tarir ou, en tout cas, à diminuer fortement. Ayant été moi-même intervenant dans un certain nombre de JAPD avant 2002, j'ai pu constater qu'il y avait effectivement un problème de motivation des intervenants, notamment d'active, qui considéraient que ce n'était pas dans leur fonction militaire et dans leur formation d'intervenir devant des jeunes qui, pour l'essentiel, n'étaient pas motivés pour participer à ces journées. Par ailleurs, les cadres de réserve ont souvent des difficultés de disponibilité, voire d'intérêt pour cette fonction qui, elle aussi, ne rentre pas strictement dans le cadre de la réserve opérationnelle, qui constitue la motivation principale des cadres de réserve. Comment motiver les intervenants ? Général Jean-Paul Lebourg : Je ne peux pas dire que votre question me mette très à l'aise. Concernant l'organisation du binôme active, réserve, c'est toujours dans les textes, cela restera dans les textes. Je dois reconnaître que cela ne se fait pas partout pour des raisons de disponibilité. Cette règle théorique subit de très nombreuses transgressions. Il est par exemple très fréquent que la JAPD soit assurée dans la Marine par deux officiers de réserve ou deux officiers d'active. Des fonctionnaires civils de la DSN peuvent également participer à la JAPD comme intervenant, mais toujours en binôme avec un militaire. La motivation des cadres de réserve est généralement très forte et je crois même pouvoir dire sans me tromper que, sauf exception, les cadres de réserve sont de bien meilleurs intervenants que les cadres d'active : ils font plus de JAPD et ils sont tous volontaires. Ce sont les meilleurs spécialistes de l'intervention. Le seul risque avec les cadres de réserve, mais qui est aujourd'hui résiduel, c'est que certains véhiculent une image datée de l'armée. Je le répète, ce risque est extrêmement marginal. La motivation des cadres d'active est indiscutablement plus limitée. Dans certains cas, elle n'existe pas. Ce n'est pas l'indemnité d'intervenant que l'on a accordée à ces cadres, c'est-à-dire 50 euros pour la journée, qui peut les motiver. Ce qui a beaucoup gêné les cadres des armées c'est le fait qu'ils avaient l'impression de faire cela pour rien. En effet, ils ne pouvaient pas faire de promotion pour le recrutement. En outre, la JAPD avait lieu le samedi. Toutes les conditions étaient donc réunies pour que cela se passe mal. En plus, on demandait - et on demande toujours - à des cadres de l'armée de l'air, de la Marine, de la gendarmerie ou de l'armée de terre de parler d'une autre armée qu'ils connaissent moyennement à un public dont la réceptivité, le matin, n'est pas extraordinaire. L'implication des militaires s'améliore du fait des impulsions données aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie militaire. Aux niveaux intermédiaires, il reste encore des cadres à convaincre de l'intérêt de cette mission. Mme Alliot-Marie a pris une excellente décision : elle a imposé que les cadres militaires, de réserve ou d'active, suivent obligatoirement une formation. Ces séances de formation de deux jours ont commencé. Honnêtement, deux jours de formation pour intervenir une fois dans l'année, c'est totalement déraisonnable. Nous espérons donc que les armées vont désigner quelques cadres pour être spécialistes de la JAPD, faire deux jours de formation et participer à sept ou huit journées. Les nouveaux modules sont extrêmement interactifs. Les vidéos étaient parfois longues et souvent peu attractives. Désormais, les vidéos sont très courtes. Dès lors, l'intervenant aura plus de temps pour parler aux jeunes, en s'appuyant sur des planches Powerpoint à commenter. Par exemple, un l'intervenant au Fort de l'Est, dans la région parisienne, face à des jeunes gens de Seine-Saint-Denis devra se retourner vers la salle pour faire discuter les jeunes après avoir projeté un transparent où il est indiqué en toute lettre « le dealer est un criminel ». Pour cela, il faut un minimum de préparation... Concernant les fiches, je voudrais souligner qu'il s'agit bien de 200.000 jeunes gens et de 372.000 fiches. Concernant l'illettrisme, les jeunes Français sont les seuls à participer à la JAPD. Les étrangers nous échappent effectivement. Cela peut biaiser les statistiques nationales puisqu'elles incluent l'ensemble de la population. Le dossier complémentaire que nous avons transmis à la mission contient une fiche relative à nos effectifs qui est identique à celle transmise à la Cour des comptes au mois de juillet dernier. La JAPD représente, en incluant les récupérations du personnel civil et les formations - car aller en JAPD sans avoir été formé à accueillir et à conduire les entretiens, ce serait déraisonnable - environ 400 postes. M. Dumont était hier sur le terrain à Nantes et à Rennes. Il a pu constater que de nombreuses données devaient être transmises et des travaux préliminaires administratifs importants réalisés. Le contrôle général des armées a évalué les tâches administratives - ils sont allés sur le terrain pour voir les organismes - correspondant aux opérations préalables à la JAPD, recensement inclus, et postérieurs à la JAPD, à 1 heure 70 par agent. En sachant que nous avons environ 750.000 présents et 860.000 convoqués -car certains ne viennent pas et viendront l'année suivante -, un simple calcul montre que ces deux heures par personne correspondent déjà à pratiquement 1.000 équivalents temps plein. On peut déplorer que ces tâches administratives demandent autant de temps. Nous pouvons encore faire des efforts informatiques. Aujourd'hui, tout le monde a un PC. Nous sommes également en charge des archives de l'ancien service national. Cette lourde tâche occupe 400 personnes au bureau central des archives administratives et militaires (BCAAM) dont les fichiers concernent l'ensemble des Français et des étrangers qui ont servi l'armée française, soit 31 millions de dossiers. Nous gardons ces dossiers jusqu'à ce que les intéressés aient atteint l'âge de 92 ans et indéfiniment pour les étrangers ressortissants des États antérieurement placés sous souveraineté française. Le BCAAM et le personnel en charge des archives dans les organismes déconcentrés du bureau national représentent environ 600 postes. Il faut ajouter le soutien et la direction, dont le Contrôle général des armées, et la Cour des comptes, ont noté la maigreur des effectifs. Il y a aussi les 200 personnes qui sont exemptes de JAPD, dont quelques-unes font des tâches administratives, mais qui ne sont pas d'un rendement très élevé. Nous atteignons très vite 3 000 personnes. Nous avons peut-être une centaine de personnes de marge, mais je rends immédiatement les 200 personnes exemptes de JAPD à qui veut les prendre. M. Jérôme Chartier : J'observe qu'il y a sans doute une différence entre l'illettré et le non francophone car je ne pense pas que le non francophone soit illettré pour autant. C'est la raison pour laquelle je ne suis pas sûr que le fait que l'on ne prenne pas en compte les étrangers modifie beaucoup la statistique relevée par l'agence. J'aurai l'occasion de discuter avec le rapporteur sur la marge d'erreur d'un échantillon statistique pour un sondage qui, généralement, est de deux points. Si j'en crois les chiffres que l'on a donnés tout à l'heure, nous sommes largement au-dessus de la proportion des deux points de marge d'erreur. Plus sérieusement, avec les quelques minutes de discussion que nous avons consacrées à l'illettrisme, on se rend compte que l'exercice pratiqué lors de la JAPD connaît un certain nombre de limites : - elle ne concerne pas la totalité d'une classe d'âge ; - on peut s'interroger sur le module qui sert de test d'évaluation pour détecter l'illettrisme ; - on peut également douter du sérieux avec lequel les jeunes qui se rendent à la JAPD accomplissent les tests. Au fond, on peut vraiment se demander si le lieu idéal pour la détection de l'illettrisme est bien cette journée d'appel de préparation à la défense et si, finalement, il ne conviendrait pas de réfléchir à une autre organisation qui serait assurée au niveau national, peut-être dans le cadre de l'Éducation nationale. Il s'agirait d'évaluer d'une part la nature et l'ampleur du problème de l'illettrisme en France de façon plus précise et, d'autre part, son évolution. En effet, un jeune peut être illettré dans une certaine situation à un moment donné, mais cette situation peut évoluer, positivement ou négativement, avec le temps. Il faudra peut-être que l'on puisse réfléchir à un dispositif adapté et astucieux qui puisse précisément évaluer l'illettrisme. Le cadre de la Défense nationale pourrait ne pas être le cadre idéal pour pouvoir procéder à cette évaluation. Général Jean-Paul Lebourg : Pourquoi pas. Le coût global du dispositif est de 500.000 euros. Si l'on trouve un dispositif pour tester 97 % de la jeunesse française pour 500.000 euros, il ne faut pas hésiter à le faire. C'est un coût très marginal pour la JAPD et le ministère de la Défense. M. Jérôme Chartier : Oui et non. Si on assure cette détection dans le cadre de l'Éducation nationale, il faut une vraie comptabilité analytique pour déterminer le temps que le professeur consacre à faire passer un examen à des jeunes. Le jour où l'on arrivera à cette finesse d'analyse comptable dans les comptes de l'Éducation nationale, la Cour des comptes n'aurait plus rien à faire. Soyons franc : ce jour me paraît bien loin... Général Jean-Paul Lebourg : Nous y sommes arrivés sous la pression de la Cour des comptes, car elle nous a amenés à réfléchir au coût de l'illettrisme. Nous avons mené une analyse financière extrêmement sérieuse. Donc, les coûts que nous donnons sont les vrais coûts, soit 0,16 euro pour le dispositif statistique, c'est-à-dire très peu. Vous ne semblez pas tout à fait certain de la fiabilité des tests. Il faudra vraiment en discuter avec la responsable, la directrice de l'évaluation et de la prospective de l'Éducation nationale qui, à mon sens, devrait être entendue car elle tient beaucoup à ce dispositif. Il a l'avantage d'être universel. Nous sommes certains, avec ce dispositif national, conduit certes par la Défense, mais qui agit pour le compte de l'ensemble de l'État, que la quasi-totalité - il manque 2 ou 3 % de marginaux qui ne viendront jamais - de la jeunesse française scolarisée et non scolarisée - 30 % des jeunes gens qui viennent chez nous sont non scolarisés - passe dans ce filtre et reçoit une aide offerte par l'État. Je ne sais pas si un dispositif prenant tout le monde dans ses mailles pourrait se mettre en place aussi aisément. En revanche, je constate que, vis-à-vis des jeunes, cette détection de l'illettrisme est également très positive. Ceux qui sont en difficulté ont une chance de s'en sortir. Cela commence à se savoir. Ceux qui sont intéressés par les armées vont pouvoir le dire et on va les contacter. Ceux qui ne connaissent pas les armées vont visiter un site militaire. Chacun trouve quelque chose dans cette journée. La lutte contre l'illettrisme est un des bons piliers de l'attrait de la JAPD. Concernant le personnel de la DSN, la motivation du personnel civil et militaire pour cette action est extraordinaire car ils se sentent tous dans un rôle de parent - même s'ils ne sont pas tous parents -, quand ils voient des jeunes dans la difficulté et qu'ils peuvent les aider et les amener doucement lors d'un entretien à dire : « Oui c'est vrai, je ne suis pas à l'aise, j'ai des problèmes, d'accord, je signe, je veux bien aller voir les missions locales ou rencontrer un conseiller d'orientation ». Les succès ne sont pas toujours assurés, mais les jeunes font cette démarche. Notre rôle consiste à les sortir de la spirale de l'échec dans laquelle ils sont. Pour le personnel de la DSN c'est extraordinairement motivant. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Tout le monde est très sensibilisé à la mission de détection des jeunes en difficulté. Il y a quelques jours, j'étais dans un collège à Sartrouville et, répondant à une classe de 3ème, je leur indiquais que j'étais chargé d'une mission sur la JAPD. La seule question qui a été posée après mon exposé l'a été par un garçon qui a demandé si la journée était obligatoire. J'ai répondu que non, sauf à considérer qu'il avait déjà son permis de conduire et qu'il n'avait pas besoin de passer le baccalauréat... Sincèrement, j'ai quand même été impressionné hier par la sensibilisation des agents de la direction à l'illettrisme et leur souci qu'un maximum de jeunes fasse non seulement l'objet d'une évaluation, mais encore d'un suivi. Ma deuxième série de questions est relative aux locaux, à leur utilisation, aux éventuels contrats de location ou de mises à disposition que vous pouvez passer non seulement sur les salles qui sont utilisées à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur des casernes. Quelles sont vos relations avec l'ensemble des institutions qui mettent à votre disposition ces locaux ? Des loyers sont-ils payés ? Les coûts de fonctionnement sont-ils partagés ? Général Jean-Paul Lebourg. Nous essayons de plus en plus, dans la mesure du possible, de quitter les sites civils, car il est clair qu'un jeune homme ou une jeune fille qui vient assister à la JAPD et se retrouve dans son lycée est profondément déçu. Si nous utilisons des sites civils, c'est parce qu'il n'y a malheureusement pas d'unités militaires partout. Nous utilisons autant que possible les escadrons de gendarmerie mobile qui sont disséminés sur le territoire et qui accueillent presque tous des JAPD. Mais il y a des endroits où nous sommes obligés de recourir à des sites civils, qui peuvent être des lycées, des salles des fêtes ou des auberges de jeunesse. Au total, nous utilisons une trentaine de sites, que nous essayons de quitter car ils nous coûtent très cher. Il faut les louer et souvent payer un restaurateur qui facture les repas relativement cher : 8 à 10 euros par personne. En outre, les coûts d'entretien sont importants. J'étais la semaine dernière au lycée Renoir de Limoges. Le fait de quitter ce lycée pour un local militaire représente une économie annuelle de 3.500 euros. Avec des efforts de ce type toutes les semaines, nous finirons pas arriver à des résultats significatifs. Pour les sites militaires, généralement, nous ne payons qu'une petite contribution pour l'entretien et les frais de nettoyage et le repas. Pour les repas, nous nous sommes engagés dans une politique de réduction des coûts avec les armées. En effet, elles considéraient parfois la JAPD comme une vache à lait en facturant le forfait à 7,6 euros alors que le prix de revient était de la moitié. Notre politique de réduction très forte des coûts commence déjà à donner des résultats très importants. M. Axel Poniatowski : Je voudrais revenir sur le problème du recrutement consécutif à la JAPD. Dans le dossier que vous nous avez donné, vous mettez en avant quelques statistiques qui montrent qu'à peu près 162.000 jeunes garçons et filles manifestent un intérêt pour la chose militaire, que ce soit dans le cadre d'un engagement dans la réserve ou dans l'active à la suite de cette journée. La JAPD a été reconnue comme étant une journée importante pour les armées pour éventuellement montrer l'intérêt qu'il pouvait y avoir à les rejoindre. En même temps, vous nous disiez tout à l'heure que vous ne pouviez pas vendre la chose militaire de façon trop appuyée. Il semble difficile de savoir si la JAPD a conduit réellement à des recrutements. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur cette question ? Autrement dit, à votre avis, combien de recrutements dans une année civile la JAPD induit-elle ? L'armée finance des campagnes de publicité et de recrutement dans les médias, et développe également un certain nombre de moyens sur le terrain. Tout cela a un coût. Des évaluations comparatives de l'efficacité de ces actions et de celle de la JAPD ont-elles été réalisées ? Pour aller encore plus loin, si la JAPD n'existait pas, quel budget supplémentaire de promotion faudrait-il mettre en place ? Général Jean-Paul Lebourg : Il n'est pas facile de vous répondre. Dire que la JAPD est l'unique déclencheur de vocation pour les jeunes gens qui souhaitent s'intéresser à la Défense, serait très certainement abusif. C'est un déclencheur parmi d'autres. Cela peut être un détonateur supplémentaire, un accélérateur, mais je me garderais bien de dire que c'est l'unique déclencheur. Cependant, il faut reconnaître que beaucoup de jeunes n'avaient tout simplement jamais pensé à l'armée. Ils la découvrent durant la JAPD, au moyen de l'information qu'on leur fournit, des panneaux d'information que l'on a mis en place partout, ainsi qu'au contact d'intervenants dynamiques. J'ai en mémoire la popularité d'intervenants tels que des pilotes de chasse, qui déclenchent une quasi hystérie chez les jeunes qui se voient déjà à leur place... Cet effet miroir incontestable est cependant très difficile à mesurer. Je ne crois pas d'ailleurs que cela soit possible. Les directions du personnel des armées ont commencé - même si l'armée de l'air qui a été la dernière à le faire - à identifier le rôle de la JAPD dans le recrutement. Ces chiffres permettent de se faire une idée, mais dire que la JAPD seule motive un recrutement me semble abusif. Les actions sur le terrain ainsi que les campagnes audiovisuelles que vous évoquiez coûtent très cher par rapport à la JAPD. Combien coûteraient ces actions s'il n'y avait pas de JAPD ? Je ne sais pas. En revanche, je crois que le ministère de la Défense a évalué le coût des chaînes de recrutement. Cela a été fait dans le cadre du contrôle de gestion. M. Pierre Méhaignerie : J'ai connu, comme ministre de la Justice, l'expérience des jeunes au travail de l'Amiral Brac de La Perrière et j'ai pu mesurer ses résultats positifs pour les jeunes en grande difficulté. Pensez-vous que de telles initiatives - même si elles déplaisent aux états-majors qui estiment que ce n'est pas leur mission - pourraient être développées par l'armée, au titre de la valorisation du lien entre l'armée et la Nation ? Général Jean-Paul Lebourg. Cette question ne peut être dissociée du service militaire adapté (SMA). Pourquoi le SMA fonctionne-t-il ? Je suis allé inspecter tous mes organismes outre-mer - à l'exception d'un seul où je me rendrai dans 15 jours. Le SMA assure des formations professionnelles totalement adaptées au marché local de l'emploi, tant en qualité qu'en volume. Je prends l'exemple de la Guyane. Dans ce département où l'insécurité est très grande, la moindre bijouterie a besoin d'un vigile armé à sa porte. C'est pourquoi, le SMA a créé une formation de vigiles. Aujourd'hui, tous les vigiles de Guyane sont formés par le SMA. Accompagnant le développement de l'hôtellerie à la Réunion, le SMA a créé une formation aux métiers de l'hôtellerie. Le financement n'est pas assuré par la Défense, mais par le budget de l'outre-mer. Nous sommes en pratique certains que chaque garçon ou chaque jeune fille obtiendra un emploi. Si l'on formait deux, trois, quatre, cinq, six fois plus de jeunes, bien sûr le nombre de gens formés augmenterait, mais nous risquerions de multiplier le nombre de jeunes ne trouvant pas de poste sur le marché local du travail. Pourquoi ne pas établir un système similaire en métropole ? Je crois que les armées n'y sont pas opposées dès lors que cette charge ne relève pas de leur budget. Je racontais tout à l'heure au Président Joxe une anecdote concernant M. Mauroy lors de la présentation du projet de loi relatif à la professionnalisation des armées à la commission des affaires étrangères et de la Défense du Sénat par le Général Douin, dont j'étais à l'époque la plume. M. Mauroy avait écouté toute l'argumentation en faveur de la professionnalisation, qu'il approuvait. À la fin, il a dodeliné de la tête et dit : « Oui, Général, mais, tout de même, a-t-on bien pensé aux conséquences sur la société de la suppression du service national ? » C'était une vraie question, qui dépasse totalement la Défense. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avez-vous estimé le nombre de jeunes qui échappent ou échapperont à cette journée ? Sont-ils ceux qui sont le plus en difficulté ? Vous sensibilisez à la défense des jeunes de 17 ans qui poursuivent leurs études et peuvent devenir à 24 ou 25 ans docteur en chimie ou en physique. J'ai remarqué hier qu'une des planches réservées aux jeunes : « Relation armée/jeunesse », dépasse largement le cadre de la JAPD. En effet, la JAPD n'est qu'un élément de la professionnalisation dans le rapport entre la Nation et son armée. Aujourd'hui, la défense change de niveau. Dans le fond, la lutte contre le terrorisme ne vous amènera-t-elle pas à améliorer le suivi des jeunes grâce à votre système S@ga ? Il faudrait suivre le parcours universitaire des jeunes, avec l'Éducation nationale, pour mettre à jour vos fichiers. Ainsi en cas d'alerte terroriste, par exemple chimique, l'armée pourrait contacter ces personnes, non pas dans le cadre de la réserve en tant que telle, mais dans celui d'un service civil à disposition de la Nation. Aujourd'hui, je n'ai pas l'impression que l'on assure ce suivi. Pour cela, il faudrait que les coordonnées des Français soient actualisées. Disposez-vous des autorisations légales ou réglementaires pour pouvoir mettre à jour systématiquement vos fichiers ? J'ai assisté hier à des opérations mise à jour des fichiers. Les saisies de données sont relativement lourdes car les mairies ne vous transmettent, bien souvent, que des listes sur papier. Ne pourrait-on généraliser la transmission électronique ? Vous allez peut-être me dire que cette question relève de la CNIL. Si l'on veut réaliser des économies à la DSN, il faut aussi que votre informatique soit utilisée pleinement y compris dans les relations avec les mairies. En dernier lieu, je souhaite connaître votre sentiment sur le fait que les jeunes résidant en France mais non Français ne sont pas appelés. Avez-vous l'intention d'attirer l'attention du Parlement, par la voie de votre ministre, sur cet enjeu très important pour l'intégration des jeunes et surtout pour la lutte contre certaines formes de communautarisation ? Général Jean-Paul Lebourg : Je ne suis pas sûr que Madame le Ministre ait besoin de moi pour interpeller qui que ce soit... Le pourcentage de jeunes gens qui échappent à la JAPD est de plus en plus faible. Au départ, la participation à la journée relevait simplement, comme le recensement d'une incitation. Au passage, je souligne que nous recensons de façon volontaire beaucoup plus de jeunes gens actuellement que du temps du service national obligatoire, où l'on envoyait parfois les gendarmes à la recherche des contrevenants. Il ne faut donc pas désespérer de la jeunesse d'aujourd'hui. Le taux de recensés volontaires est supérieur de 10 points au taux de l'ancien service national. Vous disposez d'éléments d'information supplémentaires dans le dossier que je vous ai transmis. Votre question sur le suivi des adresses me met mal à l'aise car c'est ce que l'on fait le moins bien. La loi nous demande d'actualiser les adresses des jeunes jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 25 ans. La direction avait demandé à l'avant-dernier directeur du cabinet du ministre de la Défense s'il fallait que l'on fasse quelque chose dans ce domaine. La réponse a été : « Pour l'instant non, ce n'est pas opportun, mais n'attendez aucun pardon si l'on a besoin de ces adresses et que vous ne savez pas les fournir ». C'est une situation toujours très ambiguë. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Une de vos missions consiste à assurer l'appel sous les drapeaux s'il était réactivé puisqu'il n'est que suspendu. Il semble que vous ne serez capable d'assumer cette tâche que si vous disposez en temps réel de l'adresse des jeunes que vous devez appeler. Comment allez-vous procéder ? Général Jean-Paul Lebourg : Nous n'avons pas besoin d'un texte. En revanche, nous avons besoin que la loi soit respectée. Les jeunes gens doivent nous communiquer leurs adresses jusqu'à l'âge de 25 ans. Nous les prévenons lorsqu'ils se font recenser, puis lors de la JAPD depuis deux ans. Cependant, dans les faits, ceux qui le font sont rares. Nous avons conçu un dispositif expérimental pour actualiser les données des jeunes gens ayant atteint l'âge de 20 ans. En effet, suivre la totalité du fichier des jeunes gens de 17 à 25 ans est quelque chose qui nous paraît hors de portée. Nous souhaitons donc, au vingtième anniversaire des concernés, envoyer un courrier aux adresses que nous avions lors de la JAPD afin de savoir où en sont ces jeunes gens tant en matière d'études qu'en matière de situation familiale. Nous avions besoin, pour voir si ce dispositif fonctionnait, d'actualiser les fiches à l'âge de 20 ans car, si l'on doit rappeler quelques jeunes gens - on ne va probablement pas rappeler 5 millions de jeunes mais plutôt 30, 40, 50.000 - il faut répondre à deux questions : l'expérimentation fonctionne-t-elle et qui devrons-nous rappeler -les garçons seulement ou bien l'ensemble des jeunes gens ? Nous avons proposé une expérimentation au précédent comme à l'actuel ministre et, à chaque fois, pour des raisons d'opportunité politique, on nous a demandé de retarder l'expérimentation. Le contexte de l'approche des élections ou de la guerre de l'Irak étaient peu favorables. Il est certain qu'au moment où les Américains s'engageaient en Irak, il était un peu difficile politiquement d'envoyer un courrier à 50.000 jeunes en leur demandant d'actualiser leur adresse. Je comprends la réaction du cabinet du ministre. Je termine mon mandat dans quelques mois et je crains, sur ce dossier, d'avoir été riche en idées mais pauvre en réalisation. M. Augustin Bonrepaux, Président : Mon général, je vous remercie de votre participation. Auditions du 4 mars 2004 a) 9 heures 30 : Vice-Amiral d'escadre Philippe Sautter, directeur du personnel militaire de la Marine Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous auditionnons aujourd'hui le vice-amiral d'escadre Philippe Sautter, directeur du personnel militaire de la Marine. Je donne la parole au rapporteur. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Mes questions porteront sur deux aspects distincts : la mise à disposition, par les armées, des intervenants et l'impact de la JAPD sur le recrutement. Lorsque votre armée est sollicitée pour des interventions lors des JAPD, comment s'effectue le choix de vos intervenants ? Avez-vous des profils précis ? Quels enseignements pouvez-vous tirer, au long des années, des qualités requises pour les intervenants ? Sont-ils motivés pour cette mission ? En effet, certains peuvent être attirés par une rémunération supplémentaire, alors que d'autres peuvent considérer cette tâche comme une corvée. Enfin, globalement, disposez-vous d'une estimation des coûts que représente la JAPD pour la Marine ? Amiral Philippe Sautter : Les intervenants de la Marine nationale sont pour moitié des réservistes - des retraités ou des gens encore en activité - et du personnel d'active, dont un cinquième de jeunes officiers et quatre cinquièmes d'officiers mariniers. Les réservistes, qui sont tous volontaires, sont des gens de qualité qui souhaitent uvrer en faveur de la Marine et de la Nation. Leur profil est semblable à celui des personnes qui animent la préparation militaire Marine (PMM). Ces réservistes, qui sont environ 250, nous coûtent 3.000 journées d'engagement à servir dans la réserve (ESR), sur les 200.000 journées dont la Marine dispose budgétairement par année. J'en viens maintenant aux personnels d'active. Dans votre propos introductif, vous avez parlé d'une « corvée ». Au début, je dois admettre que nous avons rencontré quelques difficultés, ce qui nous a obligés à désigner des « volontaires ». Certes, pour motiver les personnels, nous disposions déjà de la possibilité de leur verser la prime de 54 euros par jour. Cela étant, un grand effort de motivation a été entrepris non seulement par la direction du personnel militaire, mais aussi par l'encadrement, c'est-à-dire les officiers. En effet, tous considèrent que ces JAPD portent en elles une partie de l'avenir de la Marine, car elles permettent de la faire connaître, ainsi que ses opportunités, sur l'ensemble du territoire, au lieu de nous limiter à nos deux façades maritimes. Les JAPD sont donc un atout pour nous. Par ailleurs, nous nous sommes efforcés de motiver les commandants et les chefs de service pour qu'ils trouvent, parmi leurs effectifs, des personnes susceptibles d'animer de temps en temps des JAPD. Cet effort porte maintenant ses fruits puisque 250 personnes d'active environ animent au minimum trois JAPD par an, conformément au souhait formulé par le ministre. Au début, nous devions désigner des personnes pour participer à la JAPD, aujourd'hui nous n'avons plus que des volontaires. Le bouche à oreille a bien fonctionné. Certains de nos officiers mariniers et de nos officiers d'active, assurent même jusqu'à dix interventions par an et, ainsi, rentabilisent le coût de leur formation. En termes humains, les JAPD représentent 3. 000 journées d'intervention d'active, soit quinze emplois équivalent temps plein sur un total de 44.000 emplois. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : En ce qui concerne ces intervenants, les spécialisez-vous de plus en plus ? Avez-vous un objectif en termes de journées par an par intervenant ? Il me semble avoir vu dans certains rapports que l'objectif était de huit journées par an et par intervenant, étant entendu qu'il faudra former ces intervenants, compte tenu de la spécificité du public qu'ils rencontrent. Amiral Philippe Sautter : À la demande du ministre, la formation a été revue, augmentée et rendue obligatoire. Elle va d'ailleurs intégrer, dès le mois d'avril, la présentation des nouveaux modules. En accord avec la DSN, avec laquelle nous collaborons étroitement sur cette question, il a été décidé de former des formateurs. En l'occurrence, nos premiers formateurs vont suivre, dans le mois qui vient, une formation pilotée par la DSN. Ensuite ces formateurs iront former l'ensemble des intervenants d'active et de réserve de la Marine nationale. En ce qui concerne le choix des intervenants, il est important de faire intervenir le commandement et la hiérarchie qui sont les mieux placés pour trouver des officiers mariniers ou de jeunes officiers qui ont du charisme et qui ont envie de s'adresser aux jeunes. On leur explique que la population à laquelle ils vont faire face est composée de jeunes garçons et filles de 17 ans, c'est-à-dire une population différente de celle qu'ils connaissent avec leurs officiers mariniers. Ensuite, la formation se fait essentiellement à partir d'outils pédagogiques. Par ailleurs, nous souhaitons mettre en place, dans la formation, une sensibilisation au recrutement. Il ne s'agit pas de transformer nos personnels en agents recruteurs mais de leur donner une idée générale du fonctionnement du recrutement. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'objectif de ces intervenants est donc d'informer les jeunes sur l'armée elle-même, sans pour autant faire du recrutement direct. Quel est l'effet de la JAPD sur votre recrutement ? Les intervenants de la JAPD et les intervenants que l'on retrouve, par exemple, sur les forums pour l'emploi sont-ils les mêmes ? Pour ma part, la semaine dernière, j'ai visité, dans l'Est de la France, un forum pour l'emploi où les différentes armées étaient représentées et où des jeunes semblaient intéressés par la Marine. Amiral Philippe Sautter : En fait, l'intervenant, à l'occasion de la JAPD, n'a pas l'opportunité, pour une question de temps, de faire un petit cours sur les différents métiers de la Marine, comme cela se fait dans un forum. Nous considérons que le plus important pour ces jeunes, c'est d'avoir en face d'eux un intervenant qui parle avec enthousiasme de son métier. L'intervenant peut être très bien un mécanicien ou un ancien pilote d'hélicoptère, mais s'il parle avec enthousiasme de son métier, les jeunes sont particulièrement réceptifs. Il est vrai que les jeunes n'auront entendu parler que d'un métier de la Marine et non des quarante-cinq qu'elle propose. Mais le but de cette journée n'est pas de présenter la totalité des métiers de la Marine, tâche qui relève de la mission du service d'information sur les carrières de la Marine. Notre souhait est que nos intervenants soient des gens dynamiques qui fassent passer une image attrayante de la Marine. Avec le bureau d'information sur les carrières de la Marine (BICM), notre priorité est de développer des passerelles, en particulier depuis que cette petite inflexion vers une action de recrutement a été donnée à la JAPD, inflexion qu'elle n'avait pas à son lancement. Au départ, consigne avait été donnée à nos agents de ne pas apparaître comme des sergents recruteurs. Maintenant, les intervenants parlent assez facilement de leur métier et informent les jeunes intéressés qu'ils peuvent recevoir une documentation. Puis ils leur communiquent l'adresse du bureau d'information sur les carrières de la Marine le plus proche de leur domicile. De plus, dans quelques JAPD dont la Marine a la responsabilité ou dans lesquelles elle intervient, ce sont des officiers mariniers du BICM qui remplissent les fonctions d'intervenant. En effet, lorsque ces journées se déroulent dans des villes non maritimes comme Blois, ce sont les réservistes et les militaires d'active du BICM qui sont en charge d'encadrer ces JAPD. Par exemple, nous faisons intervenir à Caen des réservistes, qui viennent quelquefois de Cherbourg, et un intervenant du BICM de la ville. Il faut tout de même reconnaître qu'il y a une certaine osmose entre les deux intervenants. Par ailleurs, j'ai demandé que nos formateurs suivent également un petit cours de formation auprès du service de recrutement. Ainsi, quand ils forment les intervenants, ils peuvent ajouter une petite touche de recrutement pour la Marine, en plus de la formation DSN. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Les jeunes qui participent à ces journées sont en général âgés de 17 ans ou 17 ans et demi. Ne vous paraissent-ils pas un peu jeunes pour le recrutement ? Les jeunes peuvent être intéressés par l'exercice d'un métier technique ou par une carrière militaire. Peut-on mesurer l'intérêt de l'un ou de l'autre, compte tenu du niveau de maturité du public auquel vous vous adressez dans ces JAPD ? Amiral Philippe Sautter : Selon les objectifs que l'on fixe, ils sont soit trop jeunes, soit trop vieux. Pour un engagement dans la Marine, ils sont souvent trop jeunes. C'est la raison pour laquelle je serais dans l'impossibilité de vous répondre si vous me demandiez le nombre de recrutements réels faisant suite aux contacts signalés par la DSN après les JAPD, lors desquelles près de 40.000 jeunes, chaque année, cochent la case indiquant qu'ils sont intéressés par la Marine. En effet, entre la JAPD et l'intérêt manifesté concrètement par un jeune pour la Marine, il se passe un certain temps. Certains ont reçu la documentation demandée sans pour autant y donner suite. Puis, peut-être un ou deux ans plus tard, ils pousseront la porte du bureau de recrutement. On leur demandera alors comment ils ont connu ce bureau et ils cocheront une case voire plusieurs -par les parents, la campagne de publicité ou les JAPD. Désormais, nous commençons à comptabiliser les jeunes qui viennent suite à la JAPD, mais il peut s'agir de ceux qui ont fait leur JAPD il y a deux ans, à l'époque où on ne parlait pas encore de recrutement. Par conséquent, il est difficile de faire un bilan du suivi de ces actions. Mais il est vrai que ces jeunes, âgés d'environ 17 ans et encore au lycée, ne sont pas forcément dans un projet professionnel immédiat. Ils sont encore un peu jeunes. Par ailleurs, la Marine essaie, dès 13, 14, ou 15 ans, de semer le rêve et l'envie de faire ce métier. Nous commençons donc à faire des conférences dans les collèges. Bien qu'en effectifs limités, le personnel chargé du recrutement intervient parfois dans les collèges dès la quatrième ou la troisième, pour semer l'idée de Marine. Nous devons amener ces jeunes à rêver de la Marine, comme ils rêvent de l'armée de l'air qui a la chance de pouvoir attirer les jeunes depuis toujours. Quand un jeune veut être pilote, il pense aussitôt à l'armée de l'air. Notre but est de faire rêver les jeunes à la mer et à tout ce qui s'y passe. Pour cela, il faut reconnaître que les jeunes qui participent à la JAPD sont déjà presque trop âgés. Cela étant, la JAPD constitue pour nous un outil essentiel qui permet de toucher 750.000 jeunes, dont certains n'ont jamais entendu parler de la Marine. Un ou deux ans après, quand ils sont en recherche d'emploi ou s'interrogent sur leur orientation, ils peuvent alors avoir le désir de s'informer de nouveau sur les métiers de la Marine. Dans ce cas, nous avons gagné. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Couvrez-vous vos besoins en personnel tant en qualité qu'en quantité ? Amiral Philippe Sautter : Aujourd'hui, la situation est très variable selon les métiers et les spécialités. Sur 26.000 dossiers présentés, la Marine recrute 5.500 personnes, y compris les officiers et les officiers sous contrat. Cela fait une moyenne de quatre candidats pour un poste, mais il ne s'agit que d'une moyenne. Entre le concours de l'École navale et les engagés mécaniciens, le taux de sélection va du simple au décuple. Actuellement, en moyenne, pour nos engagés et ceux qui sont des élèves de l'école des sous-officiers, nous avons 2,5 candidats à trois candidats pour un poste, et ce depuis un ou deux ans. Mais, je ne pense pas que les JAPD soient responsables de cette situation. Nous avons des difficultés pour recruter dans certains métiers techniques ou scientifiques pour lesquels on ne trouve pas suffisamment de personnes qualifiées en France. Nous manquons de mécaniciens, d'électriciens, et même de jeunes électroniciens. Dans ce domaine, la JAPD n'est pas très utile. Nous allons essayer de les recruter beaucoup plus jeunes, par le biais de l'apprentissage. En d'autres termes, pour recruter un mécanicien, il faut commencer à prospecter les jeunes, dès l'âge de 16 ans, dans les lycées professionnels pour pouvoir concurrencer l'attrait de l'industrie et des chantiers. Dans la phase de préparation du projet de loi sur les réserves qui sera prochainement soumis à l'Assemblée nationale, j'ai beaucoup insisté pour que l'âge d'engagement dans la réserve soit égal à celui de l'active, dans le nouveau statut, qui est de 17 ans. Nous avons proposé d'élargir le volontariat à 16 ans, pour favoriser le volontariat fractionné, ce qui permettrait aux armées d'accueillir des stagiaires. Jusque-là, je pourrais dire que je n'ai pas eu besoin de la JAPD pour le recrutement. Toutefois, ce premier contact amène 3 ou 4 000 jeunes au bureau de recrutement. Nous le savons car lorsqu'ils viennent s'engager, ils cochent la case « j'ai connu la Marine par la JAPD ». Qui peut dire s'ils l'auraient connue s'ils n'avaient pas fait la JAPD ? Dans les années 2007/2010, lorsque nous serons dans une situation de concurrence avec l'entreprise et l'administration pour recruter des jeunes, je crois que nous serons heureux d'avoir pu bénéficier de cette possibilité de faire connaître, par la JAPD, les armées en général ou un métier militaire particulier. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Votre propos est intéressant. Au départ, il semblait que l'intérêt porté par telle ou telle armée à la JAPD, au recrutement ou à la réserve, était assez différencié. Compte tenu de la technicité des métiers que vous proposez, ne pouvez-vous pas recruter, en apprentissage, des jeunes venant à la JAPD dans vos écoles de formation ? Amiral Philippe Sautter : Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup d'écoles d'apprentissage. L'armée de l'air n'a pu en garder qu'une. Pour notre part, avec l'apparition des filières professionnelles, nous avons fermé notre école d'apprentis mécaniciens qui se trouvait à Toulon et qui a formé des gens illustres. Aujourd'hui, nous le regrettons. Maintenant, nous essayons de former des partenariats avec des écoles techniques, quitte à ce que nous assumions l'internat et le stage, tandis que l'enseignement sera assuré par l'Éducation nationale. Mais en termes de recrutement, il faut montrer aux jeunes qui font leur JAPD à Blois ou à Limoges que la Marine est une armée assez spécifique et spécialisée, qui repose sur des métiers particuliers obligeant à vivre dans des villes comme Brest ou Toulon voire outre-mer. Ces métiers entraînent des absences. Au-delà du métier militaire lui-même, les aspects à présenter aux jeunes sont si nombreux que cela ne peut se faire que dans le cadre d'un entretien et par des professionnels du recrutement. Une JAPD sur une journée, où l'intervention est très courte, n'est pas le lieu adéquat pour cette présentation complète. Néanmoins, l'important est que cette graine semée, dont je parlais tout à l'heure, l'est non seulement à Brest ou Toulon, mais aussi sur l'ensemble du territoire. Pour la Marine, c'est l'aspect le plus important. En revanche, j'espère que, les jeunes ou leurs parents ayant de plus en plus souvent une adresse électronique, les contacts puissent être pris par courriel. Pour nous, il sera beaucoup plus facile de faire des mailings électroniques, à l'instar des Britanniques. En outre, le coût serait beaucoup moins élevé qu'un mailing postal. Nous pouvons adresser, sous forme de « piqûre de rappel », un courrier électronique à mille jeunes dans une tranche d'âge précise et dans un département particulier. Même si seuls dix d'entre eux répondent à ce courriel, c'est déjà une victoire. Aujourd'hui, il faudrait demander, dans les questionnaires de la JAPD, l'adresse électronique pour pouvoir faire ensuite des envois de documentation. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : D'autant plus que vous avez peut-être, par rapport à d'autres armées, un handicap. En effet, lorsqu'une armée est en charge d'un site de JAPD, elle peut faire visiter ses installations. Or cette visite, pour vous, est limitée à deux sites. Par exemple, dans l'Est de la France, quand vos hommes participent à une JAPD, la visite s'effectue soit dans la Gendarmerie, soit dans les différents régiments, que ce soit de l'armée de l'air ou de terre, qui sont là pour appui. La Marine souffre donc d'un léger handicap car, si la motivation du jeune peut passer par l'attrait de la mer et de l'armée que vous représentez, il peut être encore plus attrayant pour lui de visiter un site de la Marine. Quelles visites proposez-vous aux jeunes ? Quel est le coût de ces opérations ? Amiral Philippe Sautter : Les marins, et des réservistes, - car eux aussi sont tout à fait aptes à parler avec enthousiasme de leur engagement - interviennent sur 26 sites. Nous avons environ 300 000 jours/visites par an sur nos sites. Les unités assurent des visites dans d'autres cadres que celui de la JAPD, comme pour le recrutement. En outre, nous accueillons beaucoup d'élèves, en collaboration avec l'Éducation nationale. Nos personnels ont tout à fait conscience que la Marine a intérêt à s'ouvrir, à se « vendre », à s'exposer, non seulement en montrant ce qu'elle fait à des personnalités ou des parlementaires, mais aussi à des responsables de l'Éducation nationale et à des jeunes. En ce qui concerne les centres où nous n'intervenons pas, je ne peux pas vous répondre. Nous espérons seulement que nos collègues intervenants des autres armées savent parler de la Marine et puissent rebondir sur les campagnes de communication que nous menons pendant un ou deux mois par an. Les jeunes auront certes entendu parler du métier militaire et des armées, mais ce n'est pas sur cela que nous pouvons compter. Toutefois, nos services de recrutement, qui couvrent l'ensemble du territoire, communiquent avec leurs homologues des autres armées et organisent des projets, ce qui peut être une piste d'évolution pour la JAPD. Quelle est l'implication des professionnels de l'Éducation nationale dans la transmission de l'esprit de défense ? C'est une question pertinente. Nous constatons que, lorsque nous organisons des jumelages de lycées avec des bateaux, ces projets pédagogiques fonctionnent très bien. Une classe suit un bateau par Internet ; les marins envoient des nouvelles pendant leur déplacement. Ces projets donnent lieu à des concours de dessins dont l'enjeu pour les jeunes est la possibilité de visiter le bateau, voire de naviguer en mer. Ainsi, ces visites que, dans la JAPD, nous ne faisons qu'à Toulon, Brest et Cherbourg, nous les faisons, pour l'ensemble du territoire, par le biais de ces jumelages. Il est évident qu'avec ces projets, qui demeurent modestes, nous ne toucherons pas les 700.000 jeunes du pays, mais cela permet de sensibiliser quelques classes. M. Augustin Bonrepaux, Président : La JAPD est-elle nécessaire pour faire du recrutement pour la Marine ? Comment s'organise le programme de cette journée et vous parait-il convenable ? Par ailleurs, trois dates sont proposées aux jeunes. Selon vous, est-ce suffisant ? Enfin des journées de formation sont-elles organisées sur des bateaux ? Considérez-vous que cette journée soit suffisante pour assurer un lien entre l'armée en général et la Marine en particulier, et les jeunes citoyens ? Est-ce utile de la maintenir ? Faut-il l'améliorer, peut-être en densifiant le contact ? Enfin, notre mission vise à déterminer si cette journée est réellement efficace, pour savoir s'il convient de maintenir cette dépense. Si cette journée ne présente pour vous aucun avantage, est-il préférable de la supprimer ou, au contraire, faut-il la pérenniser car elle permet de maintenir ce lien entre les jeunes citoyens et l'armée ? Amiral Philippe Sautter : J'espère ne pas être influencé par le fait que, dans mes affectations antérieures, j'ai été pendant trois ans au cabinet du ministre à l'époque où a été créé le concept de JAPD. Revenu ensuite à la Marine, je suis maintenant fortement persuadé que nous avons eu raison et que cette JAPD est un outil remarquable. Aujourd'hui, 80 % des jeunes sortent de la JAPD en exprimant un intérêt que je mesure d'ailleurs autour de moi, notamment auprès de mes deux fils et de leurs camarades qui ont tous suivi une JAPD et l'ont trouvée remarquable. J'ai demandé à mes collaborateurs de se livrer à un petit sondage auprès de leurs enfants et de leurs camarades d'école, et tous se sont accordés pour dire qu'il s'agissait d'une journée intéressante. Quand je me remémore ce que l'on disait des trois jours à l'époque où tous les jeunes devaient les faire, le contraste est saisissant. C'est une réussite remarquable. En ce qui concerne le coût, il ne m'appartient pas d'en juger. Toutefois, il faut considérer que, pour la France, c'est un coût qui permet de maintenir au moins une journée de contact au cours de laquelle les jeunes auront entendu parler non seulement de l'armée, mais aussi de citoyenneté et du devoir de mémoire, car il ne s'agit pas seulement de recrutement. Les jeunes entendent beaucoup parler des droits de l'homme, des droits du citoyen, de la démocratie, sans trop savoir comment ces droits ont été gagnés. Je pense que la JAPD est importante si l'on veut préserver un esprit de défense. Pour ma part, je considère que ce n'est pas un outil de recrutement en tant que tel, mais il peut permettre, plus tard, que des jeunes pensent à une carrière militaire s'ils ont entendu parler pendant une journée de ce qu'était la défense et les armées. Quand ils liront dans le journal que la Marine a intercepté un bateau pollueur au large de Brest, lequel risque une amende de 500.000 euros, cela leur donnera une idée de l'action de la Marine. M. Augustin Bonrepaux, Président : Une journée est-elle suffisante ? Amiral Philippe Sautter : La journée étant relativement dense, on pourrait envisager de les faire revenir pour une seconde journée. Mais il me semble que, pour les jeunes, une deuxième journée risquerait d'être longue ou trop dure, et pourrait raviver le syndrome des trois jours. Personnellement, je pense qu'il est quasiment impossible d'organiser une JAPD de deux jours avec une nuit dans un centre, style camp de vacances, pour 700.000 jeunes, d'autant qu'il y aurait des garçons et filles et que certains sont encore mineurs. Le ministère de la Jeunesse et des Sports exigera de nos intervenants réservistes le BAFA pour encadrer les jeunes. Cela me parait très difficile à organiser. Je crains qu'il ne suffise que d'une seule bavure pour que l'ensemble des JAPD en souffre. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Mais sur le terrain, on s'interroge néanmoins sur cette troisième étape de l'apprentissage à la citoyenneté. On prépare les jeunes avant leurs 18 ans et on leur donne un certain nombre d'informations. Peut-être que pour des jeunes âgés de 17 à 25 ans une autre journée, déconnectée de la première, pourrait être utile pour la connaissance de l'armée, de la citoyenneté et de la responsabilité du citoyen. Cinq ou six ans après la JAPD, certains jeunes auront poursuivi de brillantes études et d'autres seront restés sur le côté. Compte tenu de votre expérience, une autre journée, plusieurs années après, ne serait-elle pas utile pour la citoyenneté, la réserve et l'engagement civil dans une activité proche de la Défense comme les pompiers et les secouristes ? Amiral Philippe Sautter : Une deuxième journée pourrait être envisagée, car elle serait utile. Avec le succès des journées armée défense, des journées réserves ou des journées « portes ouvertes », on observe que les jeunes Français, qui ne parlent pas facilement d'honneur, de patrie, de valeur et de discipline, ont quand même un solide fond d'engagement pour le pays. Je reviens à la question des visites. Si la deuxième journée était suggérée, non obligatoire, avec à la clé une visite intéressante d'une frégate, d'un sous-marin ou d'un porte-avions, je pense que nous aurions un grand succès et qu'à l'occasion de cette visite, on pourrait aborder plus la question de la citoyenneté. Mais cette journée serait également intéressante pour la réserve. On pourrait montrer aux jeunes participants que la réserve est un engagement intéressant, pas très coûteux pour eux mais duquel ils peuvent beaucoup recevoir. Aujourd'hui, contrairement à ce que certains pensaient, le niveau d'engagement dans la réserve dans la Marine est satisfaisant. Nous atteignons tous nos objectifs non seulement au niveau des officiers, mais aussi des militaires du rang et des quartiers-maîtres. Nous avons beaucoup de succès et commençons même à refuser des candidatures de jeunes réservistes qui, souvent, ont entendu parler de l'armée par la JAPD. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'enseignement que nous tirons de votre intervention, c'est que la JAPD a une utilité, celle de créer le lien armée-jeunesse, puis plus tard, armée-Nation, qui passe peut-être par une autre forme de réflexion et d'action. Il semble manifeste que l'utilité de la JAPD n'est pas remise en cause par votre armée. b) 10 heures 15 : Général de division Henri Puyou, chef du service des ressources humaines de la Gendarmerie nationale Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous recevons le général de division Henri Puyou, chef du service des ressources humaines de la Gendarmerie nationale. Je donne la parole au rapporteur. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous nous intéressons aujourd'hui à l'organisation de la JAPD et à ses effets en matière de recrutement. Vous comprendrez l'attention particulière que l'on peut porter au recrutement des personnels de la Gendarmerie et à la participation de cette dernière à la JAPD. Lors des JAPD animées par la Gendarmerie, qui sont les intervenants (réserve ou active), leur formation, leurs motivations, leur mobilisation ? La Gendarmerie a-t-elle des difficultés à trouver des locaux pour assurer les JAPD, alors même que dans certains départements, la seule possibilité d'espace réside dans des lieux civils tels que les lycées ? Ma deuxième question concerne plus particulièrement les problèmes que la JAPD peut poser à la Gendarmerie lorsque après le travail en salle, sont organisées des visites et des démonstrations. De quels moyens disposez-vous pour assurer ces visites ? Général Henri Puyou : Je voudrais rappeler que la contribution de la Gendarmerie à la DSN est de 138 militaires, dont vingt-deux officiers, trente-deux sous-officiers, soixante-dix-sept personnels du corps de soutien administratif et technique, et sept gendarmes adjoints. Les intervenants sont des gradés. Les moins gradés sont des maréchaux des logis chefs, mais la grosse majorité des intervenants est constituée d'adjudants, d'adjudants-chefs et de majors. Ils sont les mieux placés pour parler aux jeunes, compte tenu de leur expérience professionnelle et de leur parcours diversifié. Sur les 79 sites de la Gendarmerie, c'est la Gendarmerie mobile qui offre l'infrastructure la plus convenable, compte tenu de la nature des casernements. Sur ces 79 sites, 51 sont des sites de la Gendarmerie et une vingtaine sont des sites civils, auxquels nous avons recours par manque d'infrastructures. Il s'agit généralement d'établissements scolaires, comme le lycée agricole de Pau. Enfin trois sites, animés par la Gendarmerie, appartiennent aux autres armées. Compte tenu des jours de la semaine pendant lesquels se déroulent les JAPD, notamment le mercredi ou le samedi, et le rythme de celles-ci, l'usage de ces locaux ne pose pas de problèmes particuliers. En ce qui concerne l'aspect financier, la JAPD coûte à la Gendarmerie 2 millions d'euros d'indemnités versées à nos intervenants. Ces indemnités correspondent à celles de quarante-sept emplois équivalents plein temps dont vingt-trois de réservistes et vingt-quatre de militaires d'active. L'indemnité est systématiquement versée aux réservistes, mais pas aux personnels d'active puisque ces derniers peuvent prendre une journée de récupération après être intervenus un samedi pour les JAPD. En revanche, ils n'ont pas de repos compensateur spécifique pour avoir travaillé un samedi. L'aspect financier n'est jamais neutre, mais cela nous paraît aujourd'hui supportable. L'effort fait pour raviver le lien armée-Nation, dans le cadre de l'information sur les armées et la Gendarmerie, est essentiel. Il est bon de rappeler à une population jeune que la Gendarmerie est militaire et dépend du ministère de la Défense. Ces informations peuvent être utiles pour le recrutement, même si ce n'est pas la priorité de la JAPD. Cette dépense de 2 millions d'euros, au regard de ces objectifs me paraît tout à fait supportable. S'agissant des démonstrations faites pour informer les jeunes de façon plus animée, nous avons le souci de présenter le travail effectué par les gendarmes dans sa diversité quand cela s'y prête et qu'il y a une disponibilité des unités environnantes. Le travail d'une équipe légère d'intervention, dont dispose chaque escadron, intéresse généralement beaucoup les jeunes. Si la brigade de prévention de la délinquance juvénile existe dans le groupement considéré, les gendarmes viennent leur expliquer leur travail. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je voudrais revenir sur la formation des intervenants. S'adresser à des jeunes garçons et filles de 17 ans, rassemblés et qui ne se connaissent pas, pour les intéresser aux différents domaines soit de l'armée, soit de la citoyenneté, voire de la sécurité, demande des qualités particulières. Avez-vous des formations spécifiques ? Les intervenants sont-ils volontaires ? Sinon, comment sont-ils choisis ? Il semble que la Gendarmerie s'est beaucoup intéressée, dès le départ, à la JAPD et a su en tirer quelques profits, notamment en termes de recrutement. Général Henri Puyou : La Gendarmerie s'y est intéressée car il y a une volonté très forte, à tous les niveaux, d'affirmer notre caractère militaire et de le faire connaître. Je pense que c'est un des éléments qui expliquent l'intérêt de la JAPD. S'agissant des intervenants, nous disposons depuis fort longtemps d'un système de formation continue et collective de nos personnels. Jadis, nous appelions cela la « théorie brigade » : une fois par semaine, pendant une demi-journée, le commandant de brigade réunissait ses hommes pour leur dispenser une information sur de nouveaux textes. Ensuite, la formation continue s'effectue à l'échelon de la compagnie, une fois par mois, et à l'échelon du groupement, pour ce qui concerne la formation en matière de police judiciaire. C'est par ce biais que, dans les rangs, les capacités pédagogiques de certains personnels ont été détectées. Au départ, notre démarche consistait à prendre parmi les volontaires ceux qui, au minimum, avaient une expérience pédagogique, parce qu'ils avaient été employés à présenter les nouveaux textes à leurs camarades. Puis, nous avons une journée de formation spécifique dispensée par des militaires de la Gendarmerie affectés à la DSN. Dès cette année, cette journée de formation passe à deux journées de formation des formateurs. J'ai sous les yeux une note convoquant un certain nombre d'officiers et de sous-officiers, sur deux journées de formation, les 17 et 18 mars. Le contenu de ces deux journées de formation porte à la fois sur l'accueil des participants et l'acquisition des matières qui seront enseignées. C'est une contribution supplémentaire qui nous fera peut-être, mais très marginalement, augmenter le nombre de nos participations aux JAPD. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Avez-vous une statistique sur le nombre de jours d'intervention de ces personnels d'active ou de réserve formés ? L'objectif de participation pour chacun était de huit journées par an, me semble-t-il. Général Henri Puyou : Je n'ai pas le chiffre exact, mais c'est effectivement de l'ordre de huit à dix fois par an et par militaire. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Par conséquent, l'investissement que vous faites sur la formation de ces personnels, notamment quand il y a des changements de support technique, voire de contenu, est rentabilisé par huit à dix journées par an. Général Henri Puyou : Tout à fait. En fait, les personnels peuvent rester dans cette fonction qui n'est qu'un complément à leur fonction principale. Ils remplissent les fonctions afférentes à leur métier de gendarme, la JAPD étant une contribution qui se greffe sur leur activité principale. En général, ils l'exercent au minimum pendant un ou deux ans, voire quatre ou cinq ans. Puis certains demandent, pour des raisons de mutation par exemple, à être déchargés de cette fonction et doivent donc être remplacés. Globalement, cela nous paraît être un investissement rentable. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'indemnité perçue est-elle une motivation pour les volontaires ? Général Henri Puyou : Pour ce qui concerne les réservistes, elle est de 26,68 euros par demi-journée. Il est clair que cela les intéresse beaucoup, mais pour ce qui est des personnels d'active, ce n'est pas la motivation principale. Il est vrai que certains, dont nous avons particulièrement besoin, exercent des fonctions très prenantes. Beaucoup parmi eux ne prennent pas de repos récupérateurs quand ils interviennent le samedi. Dans un tel cas de figure, ces intervenants d'active touchent l'indemnité en question. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Qui verse cette indemnité ? Général Henri Puyou : C'est le budget de la Gendarmerie. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Les jeunes participent à la JAPD vers l'âge de 17 ans en moyenne. Or le recrutement pour la Gendarmerie s'effectue beaucoup plus tard. Avez-vous un outil de mesure pour déterminer si la JAPD a permis le recrutement, la sensibilisation, ou a renforcé la motivation du jeune à s'engager dans la Gendarmerie ? Général Henri Puyou : Nous faisons systématiquement remplir une fiche par les candidats qui constituent un dossier ainsi qu'à ceux qui sont incorporés en école. Nous leur demandons, notamment lorsqu'ils passent les tests de présélection, comment ils connaissent la Gendarmerie. Ensuite, quand ils sont incorporés en école, que ce soit de sous-officiers ou de corps de soutien, ils remplissent le même document. A partir de là, nous collectons des chiffres. Selon les sources d'information constituées par la Gendarmerie pour la JAPD, cette dernière induit 1,5 % du volume des candidats sous-officiers de Gendarmerie ou corps de soutien, et parmi ces candidats, 5,4 % du volume des recrutés sous-officiers de Gendarmerie et corps de soutien confondus, sachant que les deux volumes sont très dissemblables. Vous avez d'un côté 4.000 recrutés par an, de l'autre, 300. Parmi les gendarmes adjoints, 5,4 % d'entre eux entendent parler de la Gendarmerie pour la première fois à travers les JAPD. Sur ces 5,4 %, 6,7 % sont recrutés et signent un contrat de gendarme adjoint. Je peux vous citer quelques pourcentages. J'attire votre attention sur le fait que la Gendarmerie est en mesure de faire elle-même sa propre promotion et communication grâce au maillage important dont elle bénéficie sur le territoire national. Ainsi, en 2003, 26 % des candidatures déposées l'ont été par des jeunes qui connaissent la brigade de Gendarmerie du lieu où ils habitent. Ensuite 15 % ont entendu parler de la Gendarmerie par leurs familles, 10 % par les amis, 7 % par leurs relations militaires, 6,67 % par le Minitel et 5 % par les JAPD. Sur le total des candidatures que nous recevons - entre 32 et 33.000 par an -, 1.622 jeunes ont entendu parler de la Gendarmerie pour la première fois lors de la JAPD. Comme vous le constatez au vu de ces chiffres, la JAPD n'est pas un outil primordial pour notre recrutement, mais c'est une contribution qui n'est pas non plus négligeable. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Toutefois il faut prendre en compte le fait qu'il y a aujourd'hui une plus grande mobilité dans la Gendarmerie : les carrières sont plus courtes qu'auparavant. Avez-vous des statistiques sur ce point ? En effet, si cela s'avérait exact, cela signifierait que votre recrutement risque de s'accélérer pour permettre un remplacement plus rapide du personnel. Général Henri Puyou : C'est une question qui n'est pas facile à évaluer, compte tenu des évolutions liées à la fois à la situation de l'emploi dans le pays et aux réformes importantes, comme celle des retraites. Jusqu'à présent, nos militaires allaient majoritairement au bout de leur carrière. Aujourd'hui, nous avons beaucoup plus d'effectifs qui quittent les rangs avant d'avoir atteint la limite d'âge de leur grade. Comment expliquer ce phénomène qui reste néanmoins, par rapport aux autres armés, relativement limité ? En effet, la Gendarmerie reste une armée où 80 % des personnels font leur carrière. Avec le développement de certaines spécialités, dans le domaine administratif, de l'expertise judiciaire ou de la sécurité, nous observons que, par l'engagement beaucoup plus important de la Gendarmerie dans les opérations extérieures, qui permettent des gains d'annuités, beaucoup de militaires quittent plus tôt la Gendarmerie et envisagent une seconde carrière. Cela ne nous pose pas de problème particulier car il s'agit d'un phénomène minoritaire. En outre, ce phénomène est global puisqu'il touche l'ensemble de la société, et non pas seulement les militaires. Dans la société civile, on peut également observer que, dans la jeune génération, beaucoup ne vont pas au bout d'une carrière dans la même entreprise, voire changent de métier. On peut citer l'exemple de jeunes gens qui font des études d'ingénieur, puis qui se dirigent ensuite vers le marketing. Dans la Gendarmerie, on retrouve certes ce phénomène, mais de façon moins prononcée qu'ailleurs. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pensez-vous que la JAPD permet, d'une part, d'obtenir des engagements de jeunes et, d'autre part, de détecter, au regard de vos besoins, des compétences plus techniques, de plus haut niveau ? Je pense notamment à l'informatique. Général Henri Puyou : Oui, les JAPD nous donnent un éclairage, mais je suis tout à fait incapable de vous donner la proportion de spécialistes détectés et recrutés au travers de la JAPD. Chaque année, 61 000 fiches sont adressées à nos centres d'information et de recrutement par la direction du service national. Cela signifie que 61 000 jeunes gens se disent intéressés par la Gendarmerie. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'ils veulent faire une carrière : ils veulent seulement des renseignements. Ces fiches, qui précisent leur cursus et leurs compétences, sont adressées aux centres d'information et de recrutement de la Gendarmerie implantés dans chaque région. A partir de là et compte tenu de nos besoins, une relance est sans doute faite auprès des jeunes qui ont un métier dont nous avons prioritairement besoin. Toutefois, parmi ces métiers, ce n'est pas l'informatique qui nous préoccupe le plus. Pour ne rien vous cacher, ce que nous recherchons aujourd'hui de façon la plus pressante, ce sont les métiers de bouche, notamment dans la population des gendarmes adjoints volontaires, car nous avons un vrai problème de fonctionnement des mess. Mais cette difficulté est conjoncturelle. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : La JAPD, nous pourrions en tirer quelques enseignements au bénéfice de l'Éducation nationale. En ce qui concerne la réserve, la JAPD vous permet-elle de détecter des jeunes non seulement intéressés par la réserve, mais qui s'engagent ? Général Henri Puyou : Oui, mais dans des proportions qui ne sont pas énormes. Nous remplissons notre contrat de réserve. Par ailleurs, la JAPD est très intéressante pour les jeunes qui veulent suivre une préparation militaire. A ce titre, en 2003, 362 jeunes gens, après leur passage par les JAPD, ont déposé une demande pour suivre une préparation militaire. Sur ces 362 jeunes, 220 -130 garçons et 90 filles- ont été retenus. Cependant, je rappellerais que nous avons quand même rencontré quelques difficultés lorsque nous avons lancé ces préparations militaires. Au début, il y a eu très peu de volontaires, sans compter que les brigades avaient autre chose à faire que de rechercher des volontaires à la préparation militaire. A ce stade, les JAPD constituent sans doute la source principale de volontariat pour les préparations militaires. C'est ce en quoi elles nous intéressent. Nous n'avons pas de difficultés, à cette heure, pour remplir notre contrat de réalisation des effectifs pour ce qui concerne les réservistes. En effet, fin 2004, nous aurons atteint 17.000 engagements à servir dans la réserve sur une cible fixée à 40.000. Ensuite, nous sommes bloqués par des ressources budgétaires pas toujours suffisantes pour pouvoir faire signer des engagements à servir dans la réserve. Ces réservistes sont majoritairement des personnes qui ont quitté la Gendarmerie et d'anciens gendarmes adjoints qui n'ont pas intégré la Gendarmerie pour de multiples raisons. Ces derniers constituent le gros du bataillon de nos réservistes. Mais, parmi les jeunes pour lesquels ce sera la première expérience militaire, les JAPD sont l'occasion de présenter l'intérêt de nos préparations militaires. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Y a-t-il un âge limite pour faire partie de la réserve ? Général Henri Puyou : En fait, la limite d'âge des réservistes est de 5 ans au-delà de la limite d'âge du grade, le maximum pouvant être de 63 ans pour un colonel. Ensuite, les réservistes peuvent rester dans la réserve citoyenne, mais pas dans la réserve opérationnelle. Ils peuvent demeurer intervenants aux JAPD. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Que pensez-vous d'une seconde JAPD pour les jeunes ? Lors de la première journée, les jeunes de 17 ans sont encore scolarisés ou en apprentissage, et entendent un discours qui les fait ou non réagir. Pensez-vous qu'une suite à cette JAPD, plus orientée vers le lien armée-Nation, est nécessaire ? Général Henri Puyou : Nous contribuons à renforcer ce lien armée-Nation, par l'organisation annuelle de journées rencontres dans chaque Gendarmerie départementale. Ces rencontres peuvent aussi, le cas échéant, concerner aussi la Gendarmerie mobile. S'agissant de la deuxième journée, je crois qu'il faut faire la différence entre le souhaitable et le possible. Certes, il serait bien, quelque temps après la première JAPD, de revoir une deuxième fois les jeunes pour leur montrer que l'institution militaire et la Gendarmerie ont évolué depuis leur première visite. Cela permettrait également renouer le contact. Mais avons-nous les moyens d'organiser aujourd'hui une deuxième JAPD ? Je vous avoue franchement que nous avons des tâches et des missions qui nous paraissent plus pressantes que de s'engager dans la voie d'une deuxième journée. Celle-ci ne pourrait, en tout cas, pas avoir lieu le lendemain de la première journée, en raison des problèmes d'infrastructure que cela entraînerait. S'il fallait introduire une deuxième journée, cela multiplierait par deux la nécessité d'engager du personnel. Le personnel, tant de réserve que d'active, serait mis à contribution de façon plus importante. Cela demande aussi de prévoir, notamment si on étale cette deuxième JAPD dans la semaine, des locaux pour accueillir les personnes rappelées. Il nous a été demandé d'évaluer les coûts de cette deuxième journée. Pour ce qui concerne la Gendarmerie, en termes d'indemnités et de coûts de rémunérations et de charges sociales, cela représentait 0,83 million d'euros supplémentaires par rapport au coût actuel. L'aménagement de locaux et le nombre de salles supplémentaires représentent un coût de 3,5 millions d'euros supplémentaires. Nous ne sommes pas contre le principe d'une deuxième JAPD sur le lien armée Nation. Mais il faut aussi se poser la question de savoir si c'est le rôle des armées que d'assurer un suivi citoyen de tous les Français. Peut-être faut-il partager la charge avec d'autres et s'assurer déjà s'ils sont prêts à le faire ? M. Augustin Bonrepaux, Président : Quand vous parlez de partager la tâche, pourriez-vous envisager un changement dans les programmes pour que cette journée soit peut-être davantage orientée vers la formation citoyenne et la relation avec l'armée ? Général Henri Puyou : Sans doute faut-il rajouter des modules, comme sur le secourisme dont il est beaucoup question aujourd'hui. Si demain les programmes présentent une information plus complète sur le fonctionnement des institutions, la problématique budgétaire des armées, par exemple, cela supposerait de réfléchir sur l'utilité de ces informations. Si nous organisons une deuxième journée, il conviendra d'y inclure quelque chose de plus et de ne pas répéter ce qui a été dit une première fois. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : On peut relever néanmoins que le maillage territorial de la Gendarmerie est assez exceptionnel. En comparaison avec les autres armées, vous bénéficiez d'une plus grande notoriété auprès des jeunes car, dans le département où il n'y a pas de régiment de l'armée de terre par exemple, il y a des gendarmes. Grâce à cette relation privilégiée entre la Nation et sa Gendarmerie, vous disposez d'un avantage certain en matière de recrutement. Pour en revenir à la JAPD, parmi les intervenants, quel est le rapport entre réservistes et actifs ? Général Henri Puyou : Quarante-sept emplois équivalent plein temps dont vingt-quatre réservistes et vingt-trois militaires d'active. Physiquement, cela représente environ 600 militaires qui constituent le vivier des intervenants. Pour chaque session, il y a un actif et un réserviste. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quelle est la motivation des gendarmes ? Général Henri Puyou : Elle est très forte pour les réservistes, elle est mitigée pour les personnels d'active. Ces derniers sont volontaires, mais sans le même enthousiasme que l'on retrouve chez les réservistes. Il ne s'agit pas d'une opposition de principe, mais les charges professionnelles quotidiennes lourdes peuvent expliquer la réserve des personnels d'active. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quel est le coût de ces opérations ? Général Henri Puyou : Je n'ai pas le coût en tête. Pour ce qui concerne l'impact, il est du même ordre que les JAPD. Je vous ai indiqué que 4,99 % du total des candidats ont entendu parler de la Gendarmerie, pour la première fois, lors des JAPD. Ensuite, 4,97 % des jeunes, c'est-à-dire 1.616 au lieu de 1.622, ont entendu parler de la Gendarmerie pour la première fois, lors d'une opération « portes ouvertes ». Donc les résultats de ces deux types d'opération sont bien moindres que ceux résultant des méthodes de communication classique. Vous avez souligné la densité du maillage territorial de la Gendarmerie. En additionnant les brigades territoriales, les brigades motorisées, les escadrons de Gendarmerie mobile, les brigades de recherche, nous disposons de 6 000 points d'implantation. L'information ponctuelle présentant des savoir-faire, n'est pas fondamentale. Mais 10 % des jeunes entendent parler de la Gendarmerie pour la première fois lors de la JAPD ou des journées « portes ouvertes ». M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'expérience de la Gendarmerie en matière de communication vers le grand public est peut-être plus riche que celle d'autres armées. Général Henri Puyou : L'actualité s'en charge un peu. Pour avoir une idée des activités de la Gendarmerie, il suffit de lire le journal. Tous les jours, à l'échelon national, se produisent 4.000 événements qui concernent la Gendarmerie, dont 400 intéressent plus ou moins les médias. Les médias parlent souvent des enquêteurs, sans préciser s'il s'agit de forces de police ou de la Gendarmerie. L'un des intérêts des JAPD est de montrer qu'il y a deux forces de police avec un statut différent en France, sans pour autant faire de la publicité pour l'une ou l'autre. M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie. c) 11 heures : Général de brigade Thierry Cambournac, sous-Directeur du recrutement à la Direction du personnel militaire de l'Armée de Terre Présidence de M. Augustin Bonrepaux. M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous accueillons le général de brigade Thierry Cambournac, sous-directeur du recrutement à la direction du personnel militaire de l'armée de terre. Je donne la parole au rapporteur. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous nous intéressons aujourd'hui à l'organisation de la JAPD et à son impact sur les armées. Vous comprendrez l'attention particulière que l'on peut porter au recrutement des personnels de l'armée de terre et à la participation de l'armée de terre à cette JAPD. Dans les sites de la JAPD animés par l'armée de terre, quel est le profil des intervenants (réserve ou active) ? Quelle est leur formation ? Quelles sont leurs motivations ? Quel est, aussi, le coût pour l'armée de terre de ces interventions ? Par ailleurs, quelles sont les retombées de la JAPD en termes de recrutement ? Enfin, comment s'effectue le traitement des informations collectées suite à la JAPD ? Général Thierry Cambournac : L'armée de terre anime 98 sites, soit 37 % des sites animés quotidiennement. Quatre-vingt-neuf d'entre eux sont des sites militaires et neuf des sites civils, essentiellement des lycées. M. Augustin Bonrepaux, Président : Les sites militaires sont-ils répartis sur l'ensemble du territoire national ? Général Thierry Cambournac : Non. Dans certaines communes, il n'y a pas de régiment, voire aucune emprise de la défense nationale. Par conséquent, une des armées, présente dans la région, reçoit la mission d'animer un site qui relève d'un autre ministère. M. Augustin Bonrepaux, Président : Il me semble que la Gendarmerie est présente partout. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Les Côtes d'Armor, par exemple, ne bénéficient pas de la présence de régiments, pas plus que de la présence de sites de la Gendarmerie adaptés à l'accueil des jeunes. A moins de déplacer les jeunes vers des sites situés dans d'autres départements - d'où un coût supplémentaire - les armées sont contraintes de les accueillir sur des sites civils. Général Thierry Cambournac : Au cours de l'année 2003, dans ces 98 centres, nous avons reçu 388.700 jeunes. Sont intervenus 20.896 militaires, répartis en 10.884 personnels d'active et 10.012 personnels de réserve. Dans la quasi-totalité des cas, les JAPD ont été encadrées par un réserviste et un cadre d'active, rarement deux militaires d'active - à moins d'une défection -, et jamais deux militaires de réserve seuls. Les grades des intervenants s'échelonnent de celui d'adjudant à celui de commandant pour les militaires d'active, et de celui d'adjudant à celui de lieutenant-colonel, voire colonel, pour les militaires de réserve. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Combien de militaires interviennent-ils et avec quelle fréquence ? Général Thierry Cambournac : 20.896 personnes sont intervenues en 2003. Les militaires d'active ont animé, en moyenne, une JAPD. Les militaires de réserve ont participé plus fréquemment aux journées, soit sept à dix fois par an. En revanche, nous ne sommes pas parvenus en 2003 à ce que chaque militaire d'active accomplisse au moins trois séances par an. Cette situation s'explique par le taux d'activité des régiments et le nombre des opérations extérieures. Chaque site militaire est placé sous la responsabilité du chef de corps, puisque ce sont généralement des régiments. Quant aux neuf sites civils que nous animons, ils sont placés sous la responsabilité du colonel auquel ils ont été confiés. Celui-ci peut désigner les intervenants parmi ses militaires. Il dispose également d'un réservoir de personnels de réserve motivés, volontaires et formés. Le personnel de réserve participe aux JAPD sur la base du volontariat. En revanche, il faut admettre que, dans la plupart des cas, le personnel d'active est désigné par le commandement au sein du régiment. S'agissant de la formation, nous avons donné comme directive que tout personnel doit avoir suivi la formation avant d'intervenir à la JAPD. Cette formation est assurée par des formateurs qui sont présents dans les cinq régions militaires terre. Toutefois, il me faut reconnaître qu'une petite proportion, que nous estimons à environ 10 %, est désignée à courte échéance, pour pallier des absences ou des problèmes divers. En conséquence, il arrive parfois que des personnels animent une JAPD avant d'avoir suivi la formation ad hoc. S'agissant de la nouvelle JAPD, la formation des formateurs a débuté, et le plan de l'armée de terre nous permettra d'avoir formé 4.600 intervenants d'ici juin 2004. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Compte tenu du nombre d'interventions que vous assurez, donc de personnes qu'il faut solliciter, je suppose que certains militaires vivent la JAPD comme une corvée. En outre, dans un régiment opérationnel où la sur-rémunération liée à des opérations extérieures est attractive, l'indemnité de 50 euros par journée pour une JAPD est sans doute moins motivante. Général Thierry Cambournac : Incontestablement, les 53,36 euros journaliers versés aux cadres ne sont pas une motivation suffisante pour susciter beaucoup de volontariat chez le personnel d'active. Mais je ne suis pas certain non plus qu'un doublement de la prime réussirait à motiver les militaires. Le problème concerne plus la nature de la prestation sur lequel, il faut le reconnaître, nous avons quelques difficultés à motiver nos cadres. En effet, il leur faut parfois réviser des connaissances qu'ils ont oubliées. Ils considèrent que ce n'est pas dans la logique du métier qu'ils exercent tous les jours. C'est à nous de leur faire comprendre que cela correspond aussi à leur mission. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : On peut imaginer qu'un réserviste focalise sa présentation sur une vision globale de la citoyenneté, tandis que le cadre d'active se concentrera sur sa mission au service de la défense nationale. Par ailleurs, vous avez évoqué la nouvelle formule de la JAPD. Les modes opératoires vont évoluer, le matériel utilisé sera totalement différent, la qualité même de la communication sera améliorée. La personne qui présente ces documents doit être formée. Quel type de formation reçoivent vos cadres ? Dans les années à venir, allez-vous demander à certains de vos militaires d'intervenir plus souvent dans les JAPD ? Général Thierry Cambournac : Je n'ai pas le sentiment qu'on aille vers une spécialisation plus forte de nos militaires pour la JAPD. La durée de formation des intervenants est de deux jours. La durée de la formation de nos formateurs régionaux, assurée par la DSN, est de trois jours. En revanche, je ne pense pas que les nouveaux modules soient plus difficiles à mettre en oeuvre que les précédents. Au contraire, les présentations proposées, notamment par la DICoD, sont d'une grande convivialité. Il est incontestable que lorsque l'intervenant est un jeune sergent-chef plein de dynamisme, qui rentre d'une opération extérieure et qui parle avec ses « tripes », il fait un tabac auprès des jeunes. Lorsque l'intervenant n'est pas volontaire, le résultat n'est pas à la hauteur de nos espérances. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Comment articulez-vous les journées « portes ouvertes » des régiments avec la JAPD ? De plus, certains sites de JAPD proposent également des présentations de matériels. Général Thierry Cambournac : Au 31 décembre 2003, 61 % de nos sites de JAPD proposaient des visites. Notre objectif est de porter cette proportion à 88 % à la fin du premier semestre 2004. Nous ne pourrons probablement pas aller au-delà, car il sera difficile d'organiser des visites d'unité sur les neuf sites civils. Dans le cadre de l'heure consacrée aux visites dans le cadre de la JAPD, nous privilégions le contact humain entre nos cadres et les jeunes, parce que nous sommes convaincus que le meilleur moyen de les familiariser avec l'armée, c'est de leur montrer qui nous sommes. Les journées portes ouvertes des régiments sont des activités totalement décentralisées, à l'initiative des chefs de corps. Elles ont lieu généralement une fois tous les deux ans et sont plutôt l'occasion de célébrer une relation privilégiée entre le corps et la ville dans laquelle le régiment est implanté. Il n'existe donc pas de lien structurel entre la JAPD et les « portes ouvertes ». M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quel est l'impact de la JAPD sur le recrutement ? Général Thierry Cambournac : En premier lieu, je citerai quelques chiffres. En 2003, l'armée de terre a recruté 20.130 jeunes. Ces recrutements correspondent à environ 120.000 dialogues de recrutement conduits dans les 101 centres d'information et de recrutement de l'armée de terre. Sur la base de ces 120 000 dialogues de recrutement, nous avons ouvert des dossiers et sélectionné environ 40.000 jeunes, pour en recruter finalement 20.130. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous recrutez donc un candidat sur deux. Général Thierry Cambournac : On peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut. Je n'ai pas la capacité de sélectionner plus de 40 000 jeunes. Je ne dispose pas des locaux, des budgets et surtout des médecins en nombre suffisant pour pouvoir sélectionner plus de 40 000 jeunes dans l'année. Nous avons cinq centres de sélection et d'orientation localisés dans les chefs-lieux des cinq régions militaires terre où nous sélectionnons les jeunes. Nous sélectionnons également des jeunes pour l'armée de l'air et la Marine. Les médecins acceptent déjà de voir trente jeunes par demi-journée. A ce rythme-là, nous ne sommes pas capables de sélectionner plus de 40 000 jeunes dans l'année. Le gros du travail de sélection est effectué en amont de l'ouverture du dossier, par les recruteurs des CIRAT. Ces derniers, sur les 120.000 entretiens qu'ils font passer, ne retiennent que 40.000 jeunes pour lesquels ils ouvrent un dossier et entament une démarche de recrutement. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Ces 120.000 jeunes ont-ils tous suivi une JAPD ? Général Thierry Cambournac : Quasiment tous, compte tenu du fait que les jeunes suivent la JAPD vers 17 ans et qu'ils ne peuvent pas s'engager avant 18 ans. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Vous pouvez donc mesurer là l'impact de la JAPD sur le recrutement. Général Thierry Cambournac : Tout à fait. Quand un jeune rentre dans un centre d'information et de recrutement de l'armée de terre, il doit remplir une fiche sur laquelle on lui demande les modes de communication qui l'ont conduit à venir dans un CIRAT. Il peut donner de une à trois réponses. Quand j'analyse la totalité de ces 160.000 réponses - au titre de l'année 2003 - j'obtiens les résultats suivants : 1) Les médias (télévision, presse, radio, Internet, affichage) : 30 à 35 % des jeunes. 2) Famille, connaissances et rencontres : 25 % des jeunes. 3) JAPD : environ 17 %. 4) Conférences faites à l'Éducation nationale, rencontres sur un salon professionnel ou dans une foire : de 15 à 17 %. 5) ANPE, centres d'information et d'orientation, missions locales : 4 à 5 %. Au total, 18.300 jeunes ont déclaré que la JAPD était l'une des trois raisons qui les ont amenés à venir dans un CIRAT. Environ 1.700 contrats souscrits l'année dernière ont pour origine la JAPD, soit de façon unique, soit parmi les trois raisons qui ont amené le jeune à signer. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Il est intéressant de voir que, parmi les 120.000 jeunes contactés, 18.300 sont venus dans un CIRAT du fait de la JAPD. Général Thierry Cambournac : En réalité, 18.300 jeunes ont cité la JAPD parmi les trois sources qui les ont fait venir. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quel est le nombre de jeunes qui n'ont cité que la JAPD comme raison de leur venue ? Général Thierry Cambournac : Je ne peux pas vous donner ce chiffre à l'heure actuelle. Nous modifions notre système informatique au 1er juin 2004. Nous demanderons aux jeunes de classer leurs trois motivations. Si une telle audition a lieu l'année prochaine nous serons en mesure, au moins sur un semestre, de vous donner le nombre de jeunes ayant cité en priorité la JAPD. Il semble que 8 à 9 % de jeunes qui ont été motivés par la JAPD. Je reste prudent car ces chiffres qui sont issus de sondages assez limités, que j'ai effectués auprès de cinq ou six CIRAT qui gèrent un grand nombre de dossiers. M. Augustin Bonrepaux, Président : L'un des objectifs de notre mission est d'évaluer le rôle de la JAPD sur le recrutement. Disposez-vous d'autres évaluations sur l'apport de la JAPD, au-delà du recrutement, en particulier sur la formation de l'esprit citoyen par le contact entre les jeunes et l'armée ? Avez-vous des évaluations du rapport entre le coût des JAPD et le résultat en termes de formation d'esprit citoyen ? Général Thierry Cambournac : La seule réponse très partielle que je suis en mesure de vous donner sur ce sujet est la suivante. Parmi les jeunes qui ont suivi la JAPD l'année dernière, 16,3 % d'entre eux se sont déclarés, à la fin de la journée, intéressés par un contact avec l'armée de terre, soit 129 800 coordonnées que la DSN nous a transmises par voie électronique. Nous recevons ces informations quarante-huit heures après la tenue de la JAPD. Dans les huit jours qui suivent, le jeune reçoit un courrier du centre d'information et de recrutement de l'armée de terre le plus proche de son domicile, lui indiquant les coordonnées et les horaires de permanence du centre. Le deuxième indicateur que je peux vous donner, c'est le taux de satisfaction des jeunes quant à leur journée passée dans un des centres JAPD dont l'armée de terre a la responsabilité. De mémoire, ce taux est d'environ 75 %. Au-delà de ces quelques chiffres, je n'ai pas d'autres statistiques collectées à vous communiquer sur la JAPD. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'évaluation de l'impact de la JAPD semble relativement difficile à réaliser. Peut-être pourrait-il se mesurer plus facilement s'il y avait une deuxième étape à cette JAPD. Quel est la proportion des jeunes ayant reçu ce courrier du CIRAT qui se présente effectivement ? Général Thierry Cambournac : Depuis le 1er janvier 2003, nous précisons sur le courrier que le jeune doit se présenter au CIRAT muni de celui-ci, afin de nous permettre de mesurer son impact. En revanche, je ne saurais pas encore vous donner de chiffres précis. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous connaissons la faiblesse du taux de retour des mailings. Il serait donc intéressant d'évaluer l'efficacité d'un courrier plus officiel et personnalisé. Général Thierry Cambournac : Les éléments de réponse transmis par mes chefs de centres laissent entrevoir un faible taux de réponse. Cela ne me parait pas anormal dans la mesure où le jeune effectue sa JAPD à 17 ans. À 18 ans, on peut supposer qu'il a égaré le courrier depuis longtemps, et il ne me paraît également pas anormal qu'il ne réagisse pas tout de suite. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quel est l'impact de la JAPD sur les réserves ? Général Thierry Cambournac : L'impact direct, sur la réserve, est quasi inexistant. La démarche consistant pour le jeune à venir se renseigner sur la réserve et souscrire un contrat est très rare. En revanche, il ne faut pas sous-estimer le retour par rebond. Le jeune se laisse tenter par une préparation militaire à l'issue de laquelle il souscrit un contrat dans la réserve. Nous avons quelques résultats en la matière. Nous avons mené à Lyon une expérience intéressante. Le régiment de soutien de l'état-major organisait une préparation militaire et, avec l'accord de la DSN, nous avons informé les jeunes de l'existence de cette préparation militaire dans les sites JAPD de la région. En quelques jours, la totalité des places disponibles dans la préparation militaire étaient pourvues. Les actions ciblées et bien conduites, que nous conduisons, donnent des résultats tangibles. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quels sont vos résultats en matière de préparation militaire ? Général Thierry Cambournac : La préparation militaire est pourvue dans toutes ses composantes : parachutiste, cadre, montagne et terre. En tant que sous-directeur du recrutement, je regrette de ne pas avoir plus de places à la préparation militaire, car je suis intimement convaincu que c'est une voie presque royale de l'engagement. D'une part, elle nous permet d'évaluer le jeune avant qu'il ne signe un contrat et, d'autre part, elle permet au jeune d'expérimenter, pendant quinze jours ou trois semaines, l'armée de terre avant de s'engager. Aujourd'hui, je n'ai aucune difficulté à remplir les préparations militaires. Quant aux chiffres, je vous les fournirai ultérieurement car je ne les ai pas en mémoire. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Votre propos montre que les places de préparation militaire sont relativement limitées, alors même qu'elle constitue une des sources de recrutement pour les armées. Général Thierry Cambournac : La préparation militaire est très coûteuse en encadrement et en fonctionnement. La politique que je mets en place vise surtout à compléter le dispositif de préparation militaire par un très grand nombre de stages de tous types au sein des régiments de l'armée de terre. Tout jeune, en troisième, doit effectuer un stage de connaissance de l'entreprise. Nous accueillons des dizaines de jeunes dans nos régiments. J'ai organisé une prospection très ciblée vers l'enseignement professionnel et technique afin d'accueillir des jeunes en stage dans les régiments. Grâce à l'engagement fractionné de volontaires - qui est inscrit dans la loi - nous avons mis en place un système de bourse pour les jeunes en terminale d'enseignement professionnel, intéressés par des postes de sous-officiers. Par ailleurs, j'envisage de prendre des jeunes en formation en alternance dans les régiments, car je suis convaincu qu'il s'agit là du meilleur moyen de recruter certains techniciens. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Il semble que certains jeunes soient déçus par leur engagement et ne se réengagent pas. Dans quelle mesure la JAPD permet-elle de présenter aux jeunes la diversité des métiers militaires ? Général Thierry Cambournac : Il est incontestable que la JAPD est une des voies de recrutement, et que le jeune ne vient pas dans un centre d'information et de recrutement de l'armée de terre pour une seule raison. C'est un ensemble de stimuli qui l'amènent à venir se présenter chez nous. Mais, aujourd'hui, je passe plus de temps à gérer les déçus, c'est-à-dire les jeunes que je refuse dans l'armée de terre, qu'à chercher les jeunes qui me manquent. Cette situation dure depuis plus de six mois. Je pourrais, si telle était la volonté de la l'armée de terre, ne prendre aucun jeune sans diplôme ou ayant fait quelques bêtises préalables. Mais, l'armée de terre souhaite aussi que ces jeunes puissent encore y rentrer. Je dispose actuellement de suffisamment de candidats n'ayant jamais fait de bêtises et ayant des diplômes pour remplir les régiments et assumer mon plan de recrutement. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Cette situation n'est-elle pas liée à celle du marché de l'emploi civil ? Général Thierry Cambournac : Il est vrai que plus de candidats viennent nous voir. Mais, dans certains départements où le taux de chômage est plus faible que la moyenne nationale, je recrute très bien. En revanche, dans certains départements où le chômage est plus élevé que la moyenne nationale, je recrute mal. Le niveau du recrutement est directement lié à la connaissance de l'armée de terre. Plus le jeune a l'occasion d'entendre parler de l'armée de terre, de rencontrer ses cadres, plus il souhaite s'engager. Dans la grande couronne parisienne, peu d'unités militaires sont présentes. En dépit d'un taux de chômage au-dessus de la moyenne nationale dans certains des départements franciliens, il m'est très difficile de recruter. A contrario, dans des petits départements provinciaux, où un régiment phare est installé, même avec un taux de chômage faible, l'armée de terre attire beaucoup. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quels sont les métiers dans lesquels vous rencontrez le plus de difficultés de recrutement ? Général Thierry Cambournac : Très schématiquement, les métiers militaires sont très demandés tandis que les métiers techniques le sont peu. Incontestablement, l'armée de terre n'a pas su se créer une image d'employeur technique, comme l'armée de l'air et la Marine. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Les représentants de la Gendarmerie, que nous avons auditionnés, ont fait état de difficultés de recrutement dans les métiers de bouche. Général Thierry Cambournac : Il y a quatre ou cinq métiers sur lesquels j'ai de réelles difficultés. Dans les métiers de bouche, la quasi-totalité des jeunes qui ont un CAP de cuisinier et qui viennent s'engager veulent être parachutistes, mais en aucun cas cuisiner. Nous avons des difficultés dans les métiers des communications, de l'électronique au niveau BTS et baccalauréat - mais je n'ai aucune difficulté au niveau bac+5 - et de la maintenance (mécanique automobile et mécanique hélicoptère au niveau baccalauréat et BTS). Dans ces métiers où nous connaissons de gros problèmes de recrutement, j'ai engagé une action d'information des classes de terminale professionnelle. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pour conclure, je voudrais faire une observation. Pour la deuxième fois, au cours de cette matinée, il est fait état de difficultés à recruter des jeunes gens et jeunes filles formés aux métiers techniques. J'ai deux interrogations. Les jeunes savent-ils que vous offrez des postes dans ces métiers ? Ce défaut de recrutement est-il dû à un problème de formation initiale ? Dans ce cas, il faudrait renforcer la formation technique de l'Éducation nationale. M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie. d) 11 heures 45 : Général de brigade aérienne Claude Mauger, sous-directeur du recrutement à la Direction du personnel militaire de l'armée de l'air et Général de brigade aérienne Joël Martel, sous-chef d'état-major plans et finances à l'état-major de l'armée de l'air Présidence de M. Augustin Bonrepaux M. Augustin Bonrepaux, Président : Nous auditionnons le général de brigade aérienne Claude Mauger, sous-directeur du recrutement à la direction du personnel militaire de l'armée de l'air et le général de brigade aérienne Joël Martel, sous-chef d'état-major plans et finances à l'état-major de l'armée de l'air. Je donne la parole au rapporteur. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Nous nous intéressons aujourd'hui à l'organisation de la JAPD, à ses résultats en termes de recrutement et à son coût pour les différentes armées. Dans les sites de la JAPD animés par l'armée de l'air, quels sont les intervenants (réserve ou active), leur formation, leurs motivations et leur mobilisation ? Quel est le coût, pour l'armée de l'air, de sa participation à la JAPD ? Par ailleurs, quel est l'impact de la JAPD sur votre niveau de recrutement ? Il est vrai que votre armée est attractive pour les jeunes. Mais vous ne recrutez pas que des pilotes de chasse : il vous faut aussi attirer des techniciens. Général Joël Martel : Je me permets d'insister, en préambule, sur un point qui nécessite d'être précisé. La réalisation d'opérations aériennes, mission de l'armée de l'air qui s'inscrit dans le cadre général de la politique de défense, n'est possible que parce que nous réunissons deux éléments essentiels. Tout d'abord, notre personnel. Il nous faut du personnel recruté en nombre, entraîné, heureux, formé et que l'on aide à se reconvertir. Bien que nous soyons décrits comme une armée technique, le personnel constitue néanmoins notre première richesse. S'il n'était pas motivé et heureux dans ce qu'il fait, même avec le plus beau des avions, nous ne pourrions pas assurer nos missions. Le deuxième élément qui nous est indispensable, c'est notre réseau de bases aériennes qui est notre véritable outil de combat. Par exemple, pour aller mener une opération en ex-Yougoslavie, au Kosovo ou en Centrafrique, chaque jour, nos avions décollent d'Avord pour ce qui concerne les avions de surveillance aérienne et de Istres pour ce qui concerne les avions de ravitaillement. Nos avions opèrent donc à partir du territoire national pour effectuer chaque jour des missions opérationnelles. Pour en venir aux JAPD, notre chance est de pouvoir organiser sur nos bases aériennes, et donc de pouvoir montrer notre outil de travail aux jeunes qui viennent sur nos bases, qui sont en activité tous les jours et 24 heures sur 24. 65 % des jeunes qui viennent dans l'armée de l'air pour la JAPD participent à des visites. Nous voulons qu'au terme de l'été 2004, tous les sites organisant des JAPD, quelle que soit leur implantation géographique, proposent une visite aux jeunes. En 2003, l'armée de l'air a utilisé trente-neuf sites pour organiser des JAPD, dont trente-six sont des bases aériennes. L'un de ces sites est un bureau d'information et deux sont, par commodité géographique, des lycées. Nous travaillons en parfaite entente avec l'Éducation nationale : des bases ont passé des protocoles avec un lycée situé dans une ville voisine. En 2003, l'armée de l'air a accueilli 115.000 jeunes, soit environ 20 % de la population totale des JAPD, et quelques 3.000 sessions ont été organisées. En août 2003, nous avions comptabilisé 6.154 intervenants. Á l'image des autres armées, dans la très grande majorité des cas, les intervenants travaillent en binôme, composé d'un militaire d'active et d'un militaire de réserve. Les grades des intervenants s'échelonnent, pour les militaires d'active, de sergent-chef ou adjudant à capitaine commandant. Pour les réservistes, le panel des grades est beaucoup plus large. Pour ce qui concerne les personnels d'active, nous avons donné comme directive que les intervenants soient choisis par les commandants de base, de manière préférentielle parmi les personnels de tous grades d'adjudant à capitaine commandant, qui ont à préparer ou préparent des examens. Cela offre à ces militaires l'opportunité de fournir une prestation devant un public varié et permet ainsi de compléter leur formation. La préparation aux JAPD a lieu dans les conditions similaires à celles décrites précédemment par l'armée de terre. En termes d'objectifs, au regard des quelques 6.000 intervenants de 2003, nous comptons former 1.723 intervenants à la nouvelle JAPD, avant l'été 2004. En ce qui concerne le niveau de motivation des intervenants, il est tout à fait similaire à celui que vient de décrire l'armée de terre. S'agissant de l'aspect financier, il est difficile d'en mesurer l'impact, même si l'indemnité apparaît modeste au regard des sujets que les intervenants ont à traiter dans des conditions particulières. En effet, il n'est pas facile de parler de la défense de manière générale, et ce encore moins devant un public aussi large et varié. Ayant participé à ces JAPD, je peux vous dire que c'est un véritable panel de la population que l'on a devant soi. Il y a des jeunes que l'on détecte en grande difficulté et des jeunes qui ont un niveau bac+5 ou 6. Il est évident qu'adapter le discours à cette population si diverse est toujours délicat, et ce d'autant plus que l'intervenant a parfois un niveau de formation qui ne lui permet pas d'aborder les questions de défense avec la hauteur suffisante, par rapport à la frange de population la plus instruite qu'il a en face de lui. En revanche, les réservistes, qui statistiquement s'impliquent beaucoup plus et participent à la JAPD à une fréquence beaucoup plus importante, ont une hauteur de vue plus large parce qu'ils ont un autre vécu et ont contacté les milieux civils. S'agissant de la fréquence d'intervention des militaires d'active, chacun d'entre eux participe moins de deux à trois fois par an, la grande majorité une seule fois. En ce qui concerne les militaires de réserve, c'est l'inverse, la majorité d'entre eux intervient plus de trois fois par an. Les catégories de militaires d'active qui participent sont les mêmes que pour l'armée de terre. À l'image de cette dernière, qui souligne le succès d'un sergent chef rentrant d'une opération extérieure et parlant avec ses « tripes », l'armée de l'air peut affirmer que le pilote de combat qui raconte ses missions en revenant d'Afrique ou du Kosovo suscite l'enthousiasme des jeunes. On imagine que cela a un autre impact sur eux que d'autres corps de métiers, même si je tiens à rappeler que les pilotes ne sont qu'une partie des effectifs de l'armée de l'air. En termes de coûts, nous mettons à disposition de la direction du service national 180 militaires. Le coût direct pour l'armée de l'air est nul ou équilibré, la rémunération des personnels étant prise en charge par la direction. Je propose de céder la parole à mon collègue pour évoquer les retombées des JAPD en termes de recrutement. M. Augustin Bonrepaux, Président : La parole est au Général Mauger. Général Claude Mauger : Tout d'abord, je voudrais rappeler le contexte particulier de l'armée de l'air. Comme le rappelait le Général Martel, l'outil de combat est la base aérienne. La première particularité, pour ce qui concerne le recrutement de l'armée de l'air, c'est qu'une partie de celui-ci - les réservistes, les militaires techniciens de l'air et les volontaires - relève de la responsabilité du commandant de base, qui agit comme un chef d'entreprise avec son directeur des ressources humaines. La seconde particularité de l'armée de l'air, par rapport aux autres armées, réside dans le niveau relativement modeste de nos recrutements. Pour l'année 2004, nous allons recruter quatre-vingts officiers, soixante élèves pilotes et une quarantaine d'officiers sous contrat. Ce sont des recrutements qui ne sont pas liés aux JAPD. Le volume de recrutement des sous-officiers correspond à peu près au rythme des départs et à la respiration du corps, soit environ 1.400 à 1.500 sous-officiers pour l'année. Le volume de recrutement des militaires techniciens - qui ont remplacé nos appelés - et des volontaires est de 1.600 pour l'année. Si l'on rapporte ce chiffre de 1.600 sur l'année aux trente-six bases aériennes, cela correspond en moyenne, pour chaque commandant de base, au recrutement d'une cinquantaine de personnes dans la zone d'influence de sa base. Les recrutements de l'armée de l'air sont beaucoup plus modestes que pour les autres armées, sans compter sur le fait que nous bénéficions d'une certaine dose de sympathie. Nous n'avons aucun problème pour recruter nos pilotes et nos personnels navigants. Nos jeunes militaires techniciens ou militaires du rang, pour la plupart, sont des jeunes à la recherche d'un emploi. Je dois recruter environ 1.400 sous-officiers - c'est ma préoccupation principale - pour une cinquantaine de métiers, dont certains moins « prestigieux » que le métier de pilote. Pour répondre à la question posée par le rapporteur à mon homologue de l'armée de terre, aujourd'hui globalement, je n'ai aucune difficulté pour honorer ces postes annuels de recrutement de sous-officiers. En revanche, il me faut être plus vigilant pour un certain nombre de métiers qui ont leur équivalent dans les autres armées, mais également dans la société civile. Je pense aux métiers de la restauration, de la mécanique - automobile et générale -, du bâtiment et aux pompiers. Actuellement, je suis en mesure d'honorer les plans de recrutement, parce que les effectifs que j'ai à recruter dans ces métiers ne sont pas énormes, contrairement à l'armée de terre. Par exemple, dans les métiers de bouche, nous recrutons une trentaine de spécialistes dans l'année. Général Joël Martel : Je voudrais apporter des précisions sur les spécialités qui pourraient être considérées comme n'étant pas au coeur des métiers de l'aéronautique et qui nous soucient quelque peu. Il en est également d'autres qui nous soucient tout autant car plus directement en lien avec l'aéronautique. Je parle des informaticiens et des contrôleurs aériens car, dans le métier de la défense aérienne, il y a certains aspects que l'on ne retrouve pas dans les métiers civils. Nous observons nos sous-officiers contrôleurs de défense aérienne avec un oeil attentif car ils sont tentés par les conditions de travail de leurs homologues contrôleurs civils. Nous surveillons de près cette population qui est sujette à un fort pouvoir d'attraction de l'extérieur. Général Claude Mauger : J'ajoute qu'il s'agit d'une population très sélectionnée, par des tests spécifiques et trois étapes de sélection. J'en viens à l'impact de la JAPD sur le recrutement. Tout d'abord, comme vous le soulignait précédemment le général Cambournac, il est difficile d'avoir une juste appréciation de l'impact de la JAPD sur le recrutement. En effet, il me semble que c'est toute une série d'informations qui conduisent un jeune à entrer dans un bureau « air information » ou à s'adresser à un commandant de base. Cependant, je dispose aujourd'hui de trois sources pour évaluer l'impact direct ou indirect de la JAPD. Lors de la journée, les jeunes reçoivent un petit fascicule qui comporte des « cartes contacts » proposées par les différentes armées. Le jeune susceptible de vouloir souscrire un engagement poste cette « carte contact » à la sous-direction du recrutement, c'est-à-dire directement à l'administration centrale. Il effectue pleinement cette démarche car il remplit cette carte, y colle un timbre et se déplace pour la poster. Depuis septembre 2003 - et c'est un impact direct - je reçois tous les mois environ 200 « cartes contacts » de jeunes intéressés par l'un des métiers de l'armée de l'air. La deuxième source repose sur des listings qu'adresse la DSN au bureau « air information ». Le délai de réponse s'est nettement amélioré puisque aujourd'hui, il est de quarante-huit heures. Lorsque nous recevons ces listings, nous adressons en retour, à la personne qui a manifesté un intérêt, la documentation relative à un engagement, à une préparation militaire ou à un volontariat. Contrairement aux « cartes contacts », le retour sur ces demandes d'information adressées aux jeunes, suite aux listings, est très modeste, il se situe aux alentours de 1 %. En revanche, lorsqu'un jeune fait la démarche d'aller dans un bureau « air information » ou d'envoyer la « carte contact » en payant le timbre, ce retour avoisine les 5 %. Aujourd'hui, dans l'armée de l'air, nous procédons à 300.000 entretiens de face à face, qui donnent lieu à 15.000 dossiers déposés et 4.000 recrutements. Le retour modeste sur les listings s'explique par le fait qu'il ne s'agit pas d'une démarche qui demande un engagement du jeune, tel que coller un timbre et se déplacer pour poster sa demande. La troisième source d'évaluation est constituée par ce que nous appelons la main courante. Lorsqu'un jeune vient visiter un bureau « air information », il remplit une petite fiche avec son nom, son prénom, et les raisons qui l'ont amené dans ce bureau : une publicité qu'il a vue dans le magazine « Phosphore », les JAPD, ou une démonstration de la Patrouille de France dans un meeting. Nous constatons - et c'est un élément important - que la meilleure publicité que peuvent faire les armées, se fait par l'intermédiaire de la famille proche, pour 15 % de notre recrutement, ou la famille plus éloignée, pour 30 % des jeunes qui intègrent nos écoles. Parmi les autres motivations ayant poussé des jeunes à s'informer sur l'armée de l'air, on retrouve le mythe des « Chevaliers du ciel », les meetings, les conférences, les « carrefours-emplois », les participations aux foires et expositions, les expositions « Des ailes et des hommes » qui sont organisées dans les centres commerciaux, et la JAPD. Lorsque j'identifie l'impact de la JAPD en termes de dossiers identifiés, cela représente environ 250 dossiers, soit 2,5 % des dossiers constitués. La JAPD est donc un élément parmi d'autres. Aujourd'hui, autant je conçois que tous les jeunes n'évoquent pas la JAPD pour expliquer leur volonté de s'engager, autant je pense que dans deux ou trois ans, tous les jeunes devraient citer les JAPD comme premier moment où ils ont entendu parler de l'armée de l'air et de ses métiers. En effet, les jeunes que nous recevons aujourd'hui ont entre 18 et 23 ans. Depuis 2001, un effort a été effectué en faveur des JAPD, pour mieux présenter les métiers des armées. Je pense qu'en 2005 ou 2006, tous les jeunes qui viendront auront été sensibilisés aux métiers de la défense par la nouvelle formule de la JAPD. Pour conclure, la JAPD est une contribution modeste au recrutement. Le meilleur recrutement pour l'armée de l'air repose sur une JAPD organisée sur une base aérienne et accompagnée d'une visite. Cela est équivalent à une journée « portes ouvertes » ou à un meeting de la Patrouille de France. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : J'ai déjà entendu parler de la main courante et du listing qui vous est envoyé suite à la JAPD. En revanche, quelle est la nature du fascicule que vous avez mentionné ? S'agit-il d'un document que seule l'armée de l'air distribue ou l'est-il également par les autres armées ? Général Claude Mauger : Ce fascicule, qui est remis aux jeunes lors de la JAPD, comporte des cartes contacts à détacher et à renvoyer pour obtenir des informations. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : C'est la première fois qu'il en est fait mention. Général Joël Martel : Cette « carte contact » se trouve à l'intérieur de la brochure. Il s'agit d'une nouveauté qui date de quelques mois. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Il s'agit donc d'un nouveau moyen pour sensibiliser les jeunes et les faire réagir. A votre avis ce système a-t-il un impact très positif ? Général Claude Mauger : Oui, parce qu'il suppose la motivation du jeune, ne serait-ce que pour coller un timbre sur cette carte, alors qu'à la JAPD, cela ne lui coûte rien de cocher une case. En janvier, nous avons eu 195 retours par voie des « cartes contacts ». M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Pour vous, la JAPD n'est donc qu'un moyen de sensibilisation des jeunes pour tenter de leur donner envie d'être militaires techniciens de l'air ou sous-officiers. Général Joël Martel : Certes, mais la JAPD a ceci de fabuleux qu'elle nous met en contact avec toute une tranche d'âge et que, de plus, nous avons l'avantage de pouvoir organiser ces JAPD sur nos bases. Au-delà des présentations, nous essayons de leur montrer toute la palette de nos métiers. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Je souhaite m'adresser plus particulièrement au général Martel, en sa qualité de responsable des finances. Quel est le coût de la JAPD pour l'armée de l'air ? Ce coût est-il compensé par des retombées positives ? Général Joël Martel : Le coût de la JAPD dans l'armée de l'air se situe entre un million et 1,5 million d'euros. Il s'agit des dépenses liées aux intervenants civils, au soutien, à la restauration, etc. Ce coût est à comparer à l'impact, tout aussi difficile à mesurer que celui des JAPD, d'une journée « portes ouvertes » ou d'une campagne de publicité bien ciblée. Le coût d'une campagne de publicité bien ciblée est de l'ordre d'un million d'euros. Cela correspond à une campagne d'affichage telle que celle que l'on a pu voir, l'année dernière, tant de la part de l'armée de l'air que de l'armée de terre. Ce coût est à comparer également à celui du spot de publicité que diffuse l'armée de terre à la télévision et que je ne connais pas. Il me semble difficile de mesurer les impacts relatifs de chacun de ces coûts. Comment mesurer l'impact du million d'euros que l'on mettrait dans une campagne de publicité ciblée dans le temps, comme une campagne d'affichage par exemple ? Je crois savoir que la campagne de publicité par voie d'affichage que l'armée de l'air a effectué l'année dernière a immédiatement eu pour conséquence un afflux supplémentaire de dossiers. Cet impact a été estimé équivalent à celui de la JAPD. Général Claude Mauger : L'armée de l'air lance une nouvelle campagne de publicité qui a débuté à Rennes et qui débute à Paris la semaine prochaine. S'agissant de l'impact de la campagne de publicité de l'armée de l'air de mars dernier, elle a eu pour conséquence 700 à 800 appels par jour, la constitution de 250 dossiers et environ 2.000 à 3.000 visiteurs de plus dans les bureaux d'information. C'est l'ordre de grandeur de l'effet d'une campagne d'un million d'euros. Pour revenir sur la question des retours de « cartes contacts », ces derniers sont d'environ 200. Les retours obtenus après l'insertion d'une publicité dans un magazine ou une revue de l'ONISEP en deuxième ou troisième de couverture, pour un coût de 2 ou 3.000 euros, permettent d'obtenir entre 300 et 400 retours. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : L'impact de la JAPD est différent selon l'âge des jeunes. Que pensez-vous de l'éventualité d'une seconde JAPD qui pourrait être organisée deux, trois ou quatre ans après la première ? Ne permettrait-elle pas, du fait de la plus grande maturité du public, d'aborder de manière plus approfondie les liens entre l'armée et la Nation, ainsi que l'esprit de défense ? Général Joël Martel : Je suis d'accord sur le constat selon lequel les jeunes qui, lors de la première JAPD ont entre 17 et 17 ans et demi ne sont pas toujours très réceptifs. Ils ont une tendance naturelle à rejeter de leur mémoire ce qu'ils auront appris lors de cette journée. De ce fait, pourquoi ne pas envisager de faire perdurer l'esprit de défense dans le cadre d'une JAPD qui serait étendue à deux jours ? Certaines études sont en cours sur ce sujet. Je n'en connais pas les conclusions. L'idée que vous avancez consiste à dissocier ces deux jours dans le temps, avec une première journée à l'âge que l'on connaît aujourd'hui, et une seconde journée quelques années plus tard. Je ne connais pas la teneur des études en cours dont nous n'avons d'ailleurs pas encore rendu compte au Ministre. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Quel est l'impact de la JAPD sur le recrutement de réservistes ? Général Joël Martel : Il est là aussi difficile de mesurer l'impact direct de la JAPD sur la réserve. Tout ce que je peux vous dire, c'est que dans les différents questionnaires que les jeunes remplissent lors de cette journée, un certain nombre d'entre eux demande une information sur l'armée de l'air. Les réponses se répartissent selon les pourcentages suivants : - se déclarent intéressés par un engagement comme militaire technicien : 38 % ; - se déclarent intéressés par une information sur le volontariat : 29 % ; - se déclarent intéressés par une information sur les réserves et les préparations militaires : entre 20 et 30 %. M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur : Dans quelle mesure vos bases sont-elles adaptées à l'emploi des réservistes ? Général Joël Martel : La structure de nos bases aériennes est homogène. Toutes les structures de nos bases aériennes, qu'elles soient en métropole, qu'elles accueillent et soutiennent des unités permanentes ou de passage, ou qu'elles soient déployées sur les théâtres d'opérations sont strictement similaires. Ainsi tout individu, amené à se déployer sur un théâtre, arrive en terrain connu. Un militaire qui a sur la base de métropole une fonction déterminée, est déployé sur une base extérieure dans une structure identique avec la même fonction. Il n'est absolument pas dépaysé. En ce qui concerne la réserve opérationnelle, notre cible est de 6.000 ou 8.000 réservistes à l'échéance de 2008 et, en tous les cas, 8.000 à l'échéance de 2015. Actuellement, notre réserve opérationnelle atteint 4.000 ou 4.500 militaires. Nos réservistes ont vocation à occuper toutes les fonctions opérationnelles sans distinction aucune. La réflexion sur la réserve se prolonge chez nous. Par exemple, nous envisageons, aujourd'hui - et nous réfléchissons à la manière de mettre les textes en adéquation avec cela - d'utiliser des pilotes réservistes pour assurer le monitorat dans les écoles. Cela nous offrirait un nombre supplémentaire d'instructeurs, permettant ainsi à des pilotes de rester dans leur unité de combat et de participer aux opérations. Le concept de réserve opérationnelle est donc déjà mis en application. Par ailleurs, nous essayons de mieux utiliser la réserve opérationnelle sur nos bases. M. Augustin Bonrepaux, Président : Je vous remercie. ------------ N° 1721 - Rapport d'information en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle sur la direction du service national et la journée d'appel de préparation à la défense (M. Jean-Louis Dumont, rapporteur - MM. Yves Deniaud et Augustin Bonrepaux, présidents) |