N° 2117 -- ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DOUZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 mars 2005. RAPPORT D'INFORMATION DÉPOSÉ en application de l'article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour l'exercice 2004 ET PRÉSENTÉ PAR M. Guy TEISSIER, Député. -- (1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page. La mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour l'exercice 2004 est composée de : M. Guy Teissier, président ; M. Jean-Louis Bernard ; M. Jean-Michel Boucheron ; M. Antoine Carré ; M. Charles Cova ; M. Philippe Folliot ; M. Yves Fromion ; M. René Galy-Dejean ; M. Joël Hart ; M. Gilbert Meyer ; M. Jean Michel ; M. Jérôme Rivière ; M. Philippe Vitel. S O M M A I R E _____ Pages INTRODUCTION 5 I. - UNE EXÉCUTION SATISFAISANTE DES CRÉDITS DE DÉFENSE VOTÉS POUR 2004, SUSCITANT TOUTEFOIS CERTAINES RÉSERVES 7 A. LE RESPECT DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE FINANCES POUR 2004 7 1. Les importants mouvements de crédits intervenus en 2004 7 2. Une consommation des crédits globalement en hausse 10 B. UNE EXÉCUTION ÉQUILIBRÉE DES CRÉDITS DE TITRE III 12 C. LA CONSOMMATION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT : UNE SITUATION CONSTRASTÉE 14 1. Une consommation des crédits de paiement dynamique, mais inférieure aux prévisions 14 2. Des engagements d'autorisations de programme en augmentation 16 3. La croissance marquée des intérêts moratoires 17 II. - LES ENJEUX IMPORTANTS ABORDÉS A L'OCCASION DE L'ANALYSE QUALITATIVE DE L'EXÉCUTION DU BUDGET 19 A. LES DIFFICULTÉS AFFECTANT CERTAINS PROGRAMMES D'ARMEMENT 19 1. Des décalages de livraisons de matériels au regard des prévisions établies 19 2. Les aléas intervenus dans la conduite de certains programmes 21 B. LA DIFFICILE RÉALISATION DES OBJECTIFS D'ACTIVITÉ ASSIGNÉS, UN TAUX DE SOUS-EFFECTIFS STABLE 22 C. LES PREMIERS JALONS D'UNE ÉVOLUTION DES MODALITÉS DE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES 24 EXAMEN EN COMMISSION 27 L'ensemble des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances entrera en vigueur lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006, c'est-à-dire dans quelques mois. Modifiant en profondeur la gestion des finances publiques, cette loi renforcera les pouvoirs de contrôle du Parlement, grâce à une information accrue des commissions, notamment en matière de régulation budgétaire, et à la publication d'objectifs et d'indicateurs de performance par les différents ministères. C'est en ayant à l'esprit les principes de cette réforme majeure, visant à améliorer l'efficacité de la dépense publique, que la commission de la défense a pris les devants, dès février 2003, en instaurant un dispositif parlementaire novateur de contrôle de l'exécution des crédits militaires votés en 2003, par la création d'une mission d'information. Le budget de la défense a en effet longtemps été soumis à des mesures de régulation budgétaire, parfois d'une ampleur telle qu'elles conduisaient à remettre largement en cause les dotations votées par le Parlement. Ces mesures se sont notamment traduites par des retards considérables dans la mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour 1997-2002. Si, lors du vote des lois de finances initiales pour 2003, puis pour 2004, la commission de la défense a salué la hausse marquée des moyens alloués au budget de la défense, en conformité avec les dispositions de la loi de programmation pour 2003-2008, elle a souhaité veiller à ce que les crédits votés soient bien exécutés. La mission a exercé un contrôle régulier et précis de la gestion de l'exercice 2003 ; pour ce faire, elle a demandé aux ministères de la défense et de l'économie, des finances et de l'industrie que lui soient transmises trimestriellement des informations, présentées sous forme d'indicateurs, sur l'exécution de l'ensemble des crédits de défense, et elle a procédé, selon la même périodicité, à l'audition des responsables concernés des deux ministères. La mission a tenu à disposer de données d'ordre quantitatif, telles que la consommation des crédits des différents titres, mais elle a également souhaité obtenir du ministère de la défense des informations plus qualitatives, relatives à l'activité des forces, aux effectifs des armées et aux réalisations physiques des programmes d'armement, afin d'accroître la portée de son contrôle et de lui donner une dimension plus concrète. La mission a rendu compte de ses travaux dans un rapport (1), soulignant la bonne exécution des crédits de la défense en 2003, laquelle n'a été affectée de quasiment aucune mesure de régulation budgétaire. Elle a aussi pu aborder des questions importantes intéressant directement la défense mais dépassant un strict cadre budgétaire, en se fondant sur les indicateurs qualitatifs fournis. Les travaux de la mission ont ainsi constitué un cadre d'échanges et de débats particulièrement fructueux, permettant parfois de mettre en lumière certaines difficultés. Constatant tout l'intérêt qu'avait présenté cette initiative, la commission de la défense a souhaité la reconduire, en créant en avril 2004 une mission d'information portant sur l'exécution des crédits militaires pour l'année 2004. Enracinant son contrôle, grâce à la bonne coopération des deux ministères concernés, cette mission a conservé les modalités de fonctionnement retenues l'année précédente et présente les conclusions de ses analyses dans le présent rapport. I. - UNE EXÉCUTION SATISFAISANTE DES CRÉDITS DE DÉFENSE VOTÉS POUR 2004, SUSCITANT TOUTEFOIS CERTAINES RÉSERVES Avant de procéder à l'examen de l'exécution de la loi de finances initiale pour 2004, il convient de donner quelques précisions méthodologiques. Le périmètre de certains indicateurs transmis par les deux ministères diffère pour partie : pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'engagement des autorisations de programme correspond à leur affectation, qui intervient après le visa du contrôle financier central ; en revanche, pour le ministère de la défense, la notion de consommation recouvre l'engagement comptable des autorisations, qui intervient après leur affectation, après un certain délai résultant des procédures internes du ministère. A une date donnée, le montant de la consommation des autorisations de programme fourni par les deux ministères ne peut être identique. Une même distinction doit être opérée pour les crédits de paiement, leur consommation correspondant, pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, aux ordonnancements globaux visés par le contrôle financier central, c'est-à-dire les ordonnances directes et les délégations de crédits aux ordonnateurs secondaires. L'origine des données prises en compte sera donc indiquée dans les développements suivants, afin de prévenir toute confusion. A. LE RESPECT DES DISPOSITIONS DE LA LOI DE FINANCES POUR 2004 1. Les importants mouvements de crédits intervenus en 2004 De même que l'année précédente, la loi de finances initiale pour 2004 a pleinement respecté les dispositions de la loi de programmation militaire pour 2003-2008, avec l'inscription aux titres V et VI de 14,897 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 9,2 % par rapport à 2003, et de 16,77 milliards d'euros d'autorisations de programme, en augmentation de 9,6 %. Les crédits de titre III s'élèvent quant à eux à 17,504 milliards d'euros (hors pensions), en hausse de 0,5 % par rapport à 2003.
Il convient de rappeler qu'à l'issue de la gestion de 2003, les reports de crédits et de charges se sont avérés particulièrement élevés, en forte progression par rapport à l'année précédente ; cette évolution s'explique pour partie par l'ouverture, en loi de finances rectificative, de crédits qui n'ont matériellement pas pu être consommés durant l'exercice 2003 (499 millions d'euros de crédits de paiement de titres V et VI). Les crédits reportés, qui ont été intégralement mis à la disposition du ministère de la défense au cours de l'année 2004, ont ainsi atteint 169,6 millions d'euros pour le titre III et 1,513 milliard d'euros pour les titres V et VI, tandis que les reports de charges se sont établis respectivement à 186 millions d'euros et 2,12 milliards d'euros. Les reports de charges nets, pesant sur la gestion de 2004, se sont donc élevés à 607 millions d'euros pour les seuls titres V et VI. L'exécution de la loi de finances initiale pour 2004 n'a été affectée que de mesures d'annulations très limitées, portant sur les crédits d'équipement, à hauteur de 35,69 millions d'euros : quatre millions d'euros ont été annulés sur le chapitre 53-71 par le décret n° 2004-543, au titre de la participation du ministère de la défense au partenariat global contre la prolifération, mené sous l'égide du G 8, tandis que les mouvements de crédits intervenus en fin d'exercice se sont traduits, in fine, par des annulations de crédits de paiement de 31,69 millions d'euros. Au total, la diminution des dépenses en capital se limite à 0,24 % du montant des dotations initiales. Dans le même temps, ont été réalisées des ouvertures importantes de crédits de titre III, pour 902,04 millions d'euros, permettant de couvrir les surcoûts résultant des opérations extérieures et de répondre aux besoins du ministère de la défense apparus en cours de gestion. Au total, ce sont donc 866,35 millions d'euros qui sont venus abonder le budget de la défense en 2004. Le dispositif complexe mis en place en fin d'année afin de financer les opérations extérieures, incluant un décret d'avance, un décret d'annulation et la loi de finances rectificative, mérite d'être davantage détaillé. Selon une procédure similaire à celle retenue en 2003, c'est un décret d'avance publié en octobre 2004 (2) qui est venu abonder les crédits de titre III à hauteur de 692,2 millions d'euros, dont 540 millions d'euros au titre des dépenses de rémunérations et charges sociales et de fonctionnement issues des opérations extérieures et 152,2 millions d'euros pour abonder divers postes de dépenses. Ce décret d'avance a été gagé par un décret d'annulation du même montant (3), portant sur les crédits de titres V et VI. Les crédits d'équipement annulés ont ensuite été rendus dans leur quasi-intégralité au budget de la défense par la loi de finances rectificative de fin d'année, avec l'inscription de 660,5 millions d'euros. La loi de finances rectificative a également ouvert des crédits de titre III, à hauteur de 209,84 millions d'euros, notamment pour couvrir des dépenses en carburant. L'ensemble des mouvements budgétaires réalisés au cours de l'année 2004 est retracé dans le tableau ci-dessous :
Le financement des surcoûts résultant des opérations extérieures n'a donc pas été assuré, comme c'était l'usage jusqu'en 2001, par des annulations à due concurrence de crédits de titres V et VI, et on ne peut que saluer la reconduction de cette bonne pratique en 2004. Enfin, si des mises en réserve de crédits ont été demandées au ministère de la défense en début d'année 2004, pour un montant d'un milliard d'euros, dont 100 millions d'euros de titre III et 900 millions d'euros de titre V, celles-ci ont été levées à la mi-2004 pour le titre III, et en octobre 2004 pour le titre V : sur les 900 millions d'euros libérés, 692,2 millions d'euros ont été annulés par le décret susmentionné, tandis que les 207,8 millions d'euros restants ont pu être consommés. 2. Une consommation des crédits globalement en hausse L'exercice 2004 laisse apparaître une hausse significative de la consommation des crédits sur tous les postes de dépenses, ce qui résulte de l'augmentation des dotations inscrites en loi de finances initiale, des reports de crédits issus de la gestion 2003 - lesquels atteignent, pour les crédits d'équipement, 10,15 % des moyens ouverts pour 2004 -, et des abondements réalisés en cours de gestion, notamment pour les crédits de fonctionnement. Pour autant, la consommation des crédits d'équipement n'a pas atteint le niveau attendu au regard des ressources disponibles, comme cela sera détaillé plus avant.
Doivent également être abordées deux grandes catégories de transferts de crédits. Tout d'abord, les transferts réalisés au profit de la direction des applications militaires du commissariat à l'énergie atomique (CEA) sont destinés à financer une grande partie de la dissuasion ; ces transferts interviennent en vertu d'une décision du Premier ministre « fixant les modalités de réalisation des armements nucléaires et des activités connexes par le ministre de la défense et le CEA ». Ce protocole est renouvelé et mis à jour tous les cinq ans. Le dernier renouvellement date du 8 mars 2004 et il reste valable jusqu'en 2009. Ce protocole définit les responsabilités respectives dans la conduite des programmes et pose le principe de financement par transfert de crédits du ministère de la défense vers le chapitre « subvention au Commissariat à l'énergie atomique » du budget du ministère chargé de l'industrie. Le rythme de ces transferts et le montant des crédits concernés, ainsi que leur répartition précise, sont fixés au début de chaque année, à titre prévisionnel, par concertation entre le ministère de la défense et le CEA. Pour l'année 2004, ces transferts se sont élevés à 1,29 milliard d'euros en crédits de paiement et 1,394 milliard d'euros en autorisations de programme. Ces montants sont stables par rapport à 2003, les crédits de paiement ayant alors atteint 1,27 milliard d'euros et les autorisations de programme 1,389 milliard d'euros. En second lieu, le ministère de la défense réalise des transferts de crédits au profit du ministère de la recherche, par une participation au budget civil de recherche et développement (BCRD). Cette participation s'établissait à 200 millions d'euros en 2004, aussi bien en crédits de paiement qu'en autorisations de programme, contre 190,6 millions d'euros l'année précédente. Jusqu'en 2003, ce transfert était entièrement destiné au Centre national d'études spatiales (CNES) ; il faisait l'objet de critiques récurrentes, le ministère de la défense ne semblant pas recevoir de contrepartie directe et concrète de ce versement. Plusieurs dispositions ont été prises afin de renforcer la concertation entre le ministère de la défense et les interlocuteurs concernés par l'utilisation de cette contribution. En 2004, celle-ci a été répartie entre un plus grand nombre d'acteurs : le CNES a reçu la part la plus importante des crédits, avec 130 millions d'euros, tandis que le Fonds national de la science et le Fonds de la recherche technologique ont bénéficié chacun de 15 millions d'euros ; le CEA s'est vu attribuer 35 millions d'euros, les 5 millions restants étant versés à l'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) pour le soutien aux PME/PMI. Enfin, le montant des fonds de concours rattachés au budget de la défense atteint 658 millions d'euros en 2004, contre une prévision initiale de 673 millions d'euros. Pour le titre III, ces fonds de concours s'élèvent à 459 millions d'euros et s'avèrent supérieurs aux prévisions ; cette situation s'explique pour l'essentiel par la hausse des remboursements par la sécurité sociale, les mutuelles et les particuliers des soins dispensés par le service de santé des armées, ces remboursements représentant environ 80 % des montants rattachés au titre III ; la partie restante provient principalement des versements au profit de la DGA de redevances de contrôle de contrats à l'exportation et de recettes au titre de prestations diverses (formation, cessions de matériels). En revanche, pour le titre V, les fonds de concours rattachés sont en retrait par rapport aux prévisions du ministère, en s'établissant à 199 millions d'euros, du fait de la diminution des produits de cessions de matériels et des versements réalisés par des Etats étrangers dans le cadre de programmes en coopération ; dans le même temps, les ressources issues des cessions immobilières sont en hausse de 6 millions d'euros. B. UNE EXÉCUTION ÉQUILIBRÉE DES CRÉDITS DE TITRE III Compte tenu des ouvertures de crédits en cours d'exercice, des reports de crédits sur 2004 et des autres mouvements en gestion, les ressources disponibles de titre III pour 2004 ont atteint 18 987 millions d'euros et les dépenses se sont élevées à 18 888 millions d'euros. L'exécution des crédits de titre III pour 2004 apparaît équilibrée, grâce à des mesures de maîtrise des dépenses de rémunérations ainsi qu'à des abondements intervenus en fin d'année, par le décret d'avance et par la loi de finances rectificative. Au total, pour le titre III, le ministère de la défense a ainsi bénéficié d'ouvertures de crédits à hauteur de 902,04 millions d'euros, dont 540 millions d'euros au titre des opérations extérieures et 362,04 millions d'euros pour divers postes de dépenses. Le ministère de la défense a dû, comme toutes les années, financer en cours de gestion les dépenses supplémentaires résultant des opérations extérieures, leur remboursement, plus ou moins exhaustif, intervenant en fin d'année. Ces surcoûts se sont avérés considérables en 2004, atteignant finalement 543 millions d'euros en titre III, soit un niveau analogue à celui des années précédentes. Compte tenu de l'ouverture par décret d'avance de 540 millions d'euros au titre de ces opérations extérieures, la couverture des dépenses du ministère de la défense pour l'année 2004 apparaît très favorable, en étant beaucoup plus extensive que celle réalisée en 2003 ; en conséquence, la gestion de 2005 ne pâtira pas de reports de charges de fonctionnement (4). Pour autant, ce constat ne doit pas masquer le caractère peu satisfaisant de la procédure actuelle de financement des opérations extérieures, ainsi que cela sera développé plus avant. A la différence de 2003, le ministère de la défense a bénéficié cette année de crédits supplémentaires pour sa gestion courante. La construction budgétaire pour 2004 n'a pas pris pleinement en compte certaines contraintes, telles que la revalorisation du point fonction publique et la hausse des frais de contentieux, tandis que des facteurs externes, comme l'augmentation du prix du carburant, ont pesé sur sa gestion. En cours d'exercice, ont été identifiées des insuffisances sur divers postes de dépenses. S'agissant des rémunérations, le ministère de la défense prévoyait initialement un dépassement de 171 millions d'euros, notamment en raison de la revalorisation du point fonction publique intervenu le 1er janvier 2004, conjuguée au niveau des recrutements prévus. La ministre de la défense a alors décidé de prendre des mesures correctrices destinées à freiner les recrutements des différents employeurs du ministère, ce qui a permis de ramener ce dépassement à 87 millions d'euros. Celui-ci a été couvert par une ouverture de crédits d'un même montant par le décret d'avance du 28 octobre 2004. Lors de l'audition des responsables du ministère de la défense, il a d'ailleurs été souligné que les contraintes budgétaires apparues en 2004 ont été l'occasion d'améliorer les instruments de gestion de la masse salariale et des effectifs du ministère, en réunissant et en coordonnant davantage les différents états-majors, la direction des affaires financières et le cabinet du ministre. Les crédits de fonctionnement inscrits en loi de finances initiale sont également apparus insuffisants s'agissant du paiement des loyers de gendarmerie et des dépenses de carburant, du fait de la forte hausse du prix du pétrole survenue au cours de l'année 2004. De plus, la couverture partielle, à hauteur de seulement 38 %, des surcoûts de fonctionnement issus des opérations extérieures de 2003 s'est traduite par des reports de charges de 135 millions d'euros sur 2004, ce qui a pesé sur le budget du ministère. Les moyens de fonctionnement des armées ont ainsi été abondés tant par le décret d'avance que par la loi de finances rectificative. De plus, cette dernière a inscrit 9,84 millions d'euros au chapitre 37-91, relatif aux frais de contentieux, afin de couvrir le déficit constaté (5). Par ailleurs, la loi de finances rectificative a ouvert 19 millions d'euros afin de permettre au ministère de rembourser des dettes auprès de l'OTAN, 3 millions d'euros destinés à la journée d'appel de préparation à la défense, du fait de l'intégration en son sein d'une formation de secourisme, engagée l'été dernier, et 3 millions d'euros pour le financement du sommet des ministres de l'OTAN.
Il convient également de relever les insuffisances affectant les chapitres évaluatifs concernant les charges sociales (33-90 et 33-91), en raison notamment de l'affiliation rétroactive des militaires ayant quitté le service avant quinze années. Le déficit constaté sur ces chapitres atteint finalement 125 millions d'euros. Il n'a d'effet ni sur la gestion courante du ministère de la défense, ni sur la situation des individus concernés ; pour autant, il doit être également examiné avec attention, puisque, dans le cadre de l'application de la loi organique relative aux lois de finances, les crédits de ces chapitres ont vocation à être inscrits sur un compte d'affectation spéciale. C. LA CONSOMMATION DES CRÉDITS D'ÉQUIPEMENT : UNE SITUATION CONSTRASTÉE 1. Une consommation des crédits de paiement dynamique, mais inférieure aux prévisions Selon les données fournies par le ministère de la défense, la consommation des crédits d'équipement s'établit pour 2004 à 12,382 milliards d'euros, contre 11,816 millions d'euros en 2003, soit une hausse de 4,8 %. Le niveau des dépenses d'investissement pour 2004 s'avère le plus élevé sur la période 1995-2004, ce dont on ne peut que se féliciter.
Ce dynamisme de la dépense doit néanmoins s'apprécier à l'aune des ressources disponibles pour la gestion 2004. Aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004, s'élevant à 14,898 milliards d'euros, s'ajoutent 1,513 milliard d'euros de reports de crédits ainsi que 228 millions d'euros résultant de mouvements en gestion. Une fois retranchés les transferts vers le CEA et le BCRD, le niveau des ressources disponibles s'établit à 15,148 milliards d'euros. En retenant ce même périmètre, il s'élevait à 13,33 milliards d'euros en 2003. Dès lors, le taux de consommation des crédits de paiement est en diminution par rapport à 2003, passant de 88,7 % à 81,7 %. Le tableau suivant, mettant en perspective les crédits disponibles et les dépenses, permet d'illustrer ce paradoxe : en dépit du niveau élevé des dépenses d'investissement, le taux de consommation des crédits s'avère modeste au regard des précédentes années.
La baisse du taux de consommation des crédits d'investissement s'explique par la volonté de maintenir les dépenses de l'Etat au montant fixé par la loi de finances initiale. Or, les crédits disponibles du budget de la défense pour l'année 2004 incluent, outre les dotations inscrites en loi de finances initiale, des reports de crédits importants ; afin de respecter la norme de dépense ainsi définie par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, le ministère de la défense a été contraint de limiter ses engagements financiers en fin d'année, ce qui s'est traduit par une interruption de ses versements au début du mois de décembre, et il n'a pas atteint le niveau prévu de paiements pour l'année 2004 compte tenu de ses ressources disponibles. De surcroît, les crédits de titres V et VI annulés par décret, puis rétablis en fin d'année par la loi de finances rectificative, n'ont pu être consommés en 2004. Dès lors, se pose la question de la conciliation de l'exécution de la loi de programmation militaire, qui suppose la consommation des moyens ouverts en loi de finances initiale et des crédits reportés, avec l'impératif de ne pas dépasser la norme de dépenses votée. De surcroît, cette problématique risque de ressurgir avec acuité lors de l'exercice 2005, puisque la relative faiblesse du taux de consommation de crédits se traduit logiquement par des reports de crédits considérables sur 2005 : ces derniers atteignent 2,767 milliards d'euros, en hausse de 82,9 % par rapport à l'année 2003 (6). Or, ces crédits reportés ont vocation à accroître les dotations ouvertes en loi de finances pour 2005. Il est indispensable de prendre en considération les conséquences négatives de ce mode de fonctionnement ; malgré la hausse considérable des crédits votés depuis 2003, les paiements, bien qu'en hausse, restent inférieurs aux prévisions. Or, de nombreux programmes d'armement majeurs, tels que le Rafale, les frégates multimissions, le second porte-avions et les hélicoptères Tigre et NH 90, doivent être financés au cours des années à venir et l'on peut craindre une forte hausse des besoins au cours des prochaines années, majorés par les décalages actuels de paiements. Cependant, le niveau des reports de charges sur 2005 est proche de celui des reports de crédits, en atteignant environ 2,8 milliards d'euros ; cela signifie que la gestion de 2005 ne sera pas affectée par des reports de charges nets, à la différence de 2004. 2. Des engagements d'autorisations de programme en augmentation Si le niveau des engagements d'autorisations de programme avait atteint en 2003 un étiage, à 13,232 milliards d'euros, en raison du décalage de la commande globale d'avions Rafale sur l'année suivante, la tendance est à la hausse pour l'année 2004, avec un montant de 15,224 milliards d'euros (hors transferts). Ce montant inclut donc la commande des 59 Rafale, pour 3,1 milliards d'euros, qui est intervenue à la fin de l'année 2004, à l'issue de longues négociations portant sur le traitement des obsolescences et les conséquences potentielles de l'exportation du Rafale. Il comprend également une commande concernant le programme de missile M 51 et l'acquisition de 72 canons Caesar. Les prévisions initiales d'engagement du ministère de la défense étaient plus élevées, mais ont été revues à la baisse en raison du décalage de la commande des frégates multimissions, laquelle ne devrait intervenir que courant 2005. Avec l'inscription de 16,77 milliards d'euros en autorisations de programme en loi de finances initiale, les ressources disponibles s'élevaient à 28,058 milliards d'euros pour la gestion 2004 (7). Compte tenu des engagements réalisés et des transferts, le stock des autorisations de programme disponibles à l'engagement en fin de gestion 2004 atteint 11,349 milliards d'euros, dont 4,76 milliards d'euros affectés, c'est-à-dire attribués à une opération budgétaire d'investissement après visa du contrôleur financier.
Le tableau ci-dessus permet de constater que l'année 2004, comme l'année 2003, a été marquée par une légère hausse du stock d'autorisations de programme disponibles, ce qui constitue une inflexion de la tendance constatée depuis 1997. La réforme de grande ampleur engagée par le ministère de la défense en 1998 dans sa gestion des crédits d'investissement, conformément aux prescriptions de la Cour des Comptes dans son rapport de juin 1997 sur « la gestion et la programmation au ministère de la défense », a conduit à une forte résorption du stock d'autorisations de programme, afin de rétablir le lien entre ces dernières et les crédits de paiement et de piloter plus efficacement le budget d'équipement. La hausse de ce stock constatée depuis 2003 reste cependant modérée, d'autant plus qu'il convient de prendre en compte les incidences du recours aux commandes globales, et elle ne remet pas en cause la politique menée par le ministère depuis 1998. 3. La croissance marquée des intérêts moratoires Le niveau des intérêts moratoires versés en 2004 a augmenté de 40,4 % par rapport à 2003, passant de 20,127 à 28,254 millions d'euros.
Cette hausse significative est principalement due aux importants reports de charges de l'année 2003, qui se sont traduits par le décalage du paiement des factures sur le début de l'année 2004. Les intérêts moratoires versés au cours des quatre premiers mois de l'année ont ainsi atteint plus de 60 % de leur montant total pour 2004, leur rythme de progression étant ensuite devenu conforme à celui observé lors des années précédentes. Cette évolution constitue une rupture dans la baisse continue des intérêts moratoires observée depuis 1997 (exception faite de l'année 2000, pour laquelle les intérêts versés ont été majorés du fait de la reprise tardive de la gestion, consécutive à la mise en place du nouvel outil comptable Nabucco au sein des services de programmes de la DGA).
Cette situation risque de se reproduire au cours de la gestion 2005, du fait des reports de charges considérables, de l'ordre de 2,8 milliards d'euros, de 2004. Le ministère de la défense s'est toutefois efforcé de limiter les conséquences de l'interruption de ses versements en décembre 2004, en procédant à des paiements accélérés au début de l'année 2005 ; il a donné la priorité aux PME, qui peuvent rencontrer des difficultés de trésorerie, et aux factures les plus élevées, susceptibles de donner lieu à des intérêts moratoires importants. 718 millions d'euros, selon les chiffres communiqués par le ministère de la défense, ont été versés entre le 7 et le 31 janvier 2005, grâce à l'important travail fourni par la direction des affaires financières, les états-majors et la DGA. II. - LES ENJEUX IMPORTANTS ABORDÉS A L'OCCASION DE L'ANALYSE QUALITATIVE DE L'EXÉCUTION DU BUDGET Si les auditions trimestrielles des responsables du ministère de la défense avaient pour objectif premier d'informer les membres de la mission sur l'exécution du budget tout au long de l'année, elles ont également fourni, comme l'année précédente, l'occasion d'aborder des questions plus larges et prospectives, telles que le déroulement des programmes d'armement et l'activité des forces. La mission a pu exercer un contrôle étendu et concret et, par là même, veiller à la bonne utilisation des ressources allouées au ministère de la défense. A. LES DIFFICULTÉS AFFECTANT CERTAINS PROGRAMMES D'ARMEMENT 1. Des décalages de livraisons de matériels au regard des prévisions établies Pour plusieurs programmes importants destinés à l'armée de terre et à l'armée de l'air, les livraisons d'équipement ont connu des retards significatifs, dont les causes s'avèrent diverses. Sans surprise, le char Leclerc figure parmi les programmes affectés par des décalages ; la mission avait déjà souligné l'année précédente les difficultés récurrentes qu'il rencontrait, alors qu'en 2003, seulement 23 chars avaient été acceptés, contre une prévision de 45. L'année 2004 s'avère plus insatisfaisante encore, puisque ce sont 12 chars qui ont été livrés, pour une prévision de nouveau égale à 45. Ces retards résultent des mouvements sociaux liés à la mise en place du plan Giat 2006, mais aussi de la non-acceptation par la DGA des chars livrés, du fait de leurs défauts de qualité ; ces derniers concernent notamment les tourelles, dont la rotation pose des problèmes de sécurité, et le viseur à infrarouges. En conséquence, l'achèvement des livraisons des 406 chars n'interviendra qu'en 2006, voire en 2007, 94 chars devant encore être fournis à l'issue de l'année 2004. De tels étalements ne peuvent qu'être déplorés, en ce qu'ils sont susceptibles de remettre en cause la réalisation des objectifs opérationnels de l'armée de terre ; pour 2004, ils se traduisent par une baisse de la consommation des crédits de paiement correspondants, dans une moindre mesure néanmoins que la diminution des livraisons, en raison des dispositions du contrat conclu avec Giat Industries, lesquelles prévoient le versement d'importants acomptes, avant la réception des chars. Un autre programme de blindé, l'AMX 10 RC, connaît également des retards, mais pour des raisons différentes. Les AMX 10 RC de l'armée de terre doivent faire l'objet d'une rénovation : entrés en service en 1982, ces engins blindés seront retirés entre 2015 et 2020, la relève devant être assurée par l'EBRC (engin blindé roues canon), et leur rénovation a pour objectif de maintenir leurs capacités opérationnelles jusqu'à cette échéance. Sur les 52 chars rénovés qui devaient être livrés en 2004, seuls trois l'ont été finalement, et une commande portant sur 44 engins a été repoussée de 2004 à 2006. L'ampleur des opérations nécessaires semble avoir été mal estimée et l'organisation industrielle complexe qui a été retenue, impliquant Giat Industries et la direction centrale du matériel de l'armée de terre (DCMAT), s'avère insatisfaisante. Afin de pouvoir disposer de 256 AMX 10 RC rénovés à l'horizon 2010-2011, ainsi que cela était prévu, l'armée de terre a revu à la baisse ses ambitions : au lieu d'une véritable reconstruction de cet équipement, elle s'est réorientée vers une rénovation plus limitée, tandis que les équipements des blindés en systèmes d'information terminaux (SIT) seront réduits. Par ailleurs, les modalités industrielles de cette rénovation ont été modifiées, ce qui devrait permettre de remettre ce programme sur les rails. S'agissant du programme Tigre, la mission précédente avait relevé dans son rapport que les deux premiers hélicoptères n'avaient pas été livrés en 2003, comme cela était prévu ; ce décalage s'est encore amplifié en 2004 : alors que sept exemplaires devaient être reçus en 2004, en sus des deux premiers mentionnés, aucune livraison n'est intervenue cette année. Cette situation trouve ses origines dans les difficultés que rencontre l'industriel ; le premier hélicoptère présenté par Eurocopter ne répondait pas aux spécifications opérationnelles demandées. Compte tenu des dernières négociations intervenues au début du mois de janvier, huit exemplaires devraient être livrés en 2005, dont le premier en février 2005. Ces retards apparaissent particulièrement dommageables : l'armée de terre a besoin de ces hélicoptères, afin de remplacer ses Gazelle vieillissantes ; de surcroît, l'école franco-allemande de formation des pilotes du Tigre, basée au Luc, a été inaugurée dès 2003 et devait commencer à fonctionner en 2004. En l'absence de toute livraison, un accord a été conclu avec l'industriel pour former des pilotes sur le site d'Istres, mais il atteint ses limites, avec l'arrivée des pilotes allemands. Seulement trois avions Rafale ont été livrés à l'armée de l'air en 2004, contre cinq initialement prévus. Ce décalage résulte de difficultés industrielles, notamment sur le calculateur. Les responsables du ministère de la défense auditionnés ont toutefois souligné que de tels aléas étaient courants lors de la livraison des premiers exemplaires et qu'une fois ces problèmes techniques maîtrisés, le cap le plus difficile était franchi. Par ailleurs, ce retard n'aura pas d'incidence sur la mise en place du premier escadron d'avions Rafale sur la base de Saint-Dizier à l'été 2006. Enfin, les livraisons de gilets pare-balles n'ont pas pleinement atteint les objectifs assignés pour l'année 2004 ; alors que, pour 2003, 26 171 unités avaient été livrées, contre 30 000 attendues, ce retard n'a pu être comblé en 2004 : sur les 24 829 gilets prévus (incluant les unités non livrées en 2003), seuls 15 520 ont été réceptionnés.
2. Les aléas intervenus dans la conduite de certains programmes Tout d'abord, le programme de frégates multimissions a connu quelques péripéties ; alors que la loi de finances initiale pour 2004 avait inscrit 1,7 milliard d'euros d'autorisations de programme afin de permettre la commande de quatre premières unités, il a été décidé de repousser celle-ci à 2005, en la portant à huit unités, cette acquisition devant faire l'objet d'un mode de financement innovant. Toutefois, au début de l'année 2005, le ministère de la défense a annoncé qu'il ne recourrait pas à un tel mode de financement, en raison de sa complexité ; à ce jour, les modalités de passation de la commande des frégates en 2005 ne sont pas encore définies. Une commande de mille systèmes individuels Felin devait intervenir en 2004, mais c'est finalement en 2005 qu'elle sera passée, portant désormais sur 1 089 systèmes ; les premiers équipements, qui devaient initialement être livrés en 2005, le seront en 2006, tandis que leur mise en service opérationnelle devrait être effective en 2008. Il convient également de noter que les programmes de missiles Mica et Scalp-EG ont fait l'objet d'aménagements au cours de 2004 ; la cible d'acquisition de missiles Mica a été réduite et le calendrier des livraisons a été modifié ; dans le même temps, le déroulement du programme Scalp-EG a été renégocié, ce qui doit conduire à étaler les livraisons dans le temps. Plus globalement, l'engagement des crédits de paiement destinés au maintien en condition opérationnelle des matériels s'avère relativement modeste au regard des ressources disponibles, leur taux de consommation s'élevant à 75 %. Cette situation s'explique par l'ouverture de moyens importants en loi de finances rectificative de fin d'année, à hauteur de 369,45 millions d'euros, qui n'ont pu être consommés sur la gestion 2004 et sont reportés sur 2005. B. LA DIFFICILE RÉALISATION DES OBJECTIFS D'ACTIVITÉ ASSIGNÉS, UN TAUX DE SOUS-EFFECTIFS STABLE Compte tenu des reports de charges de fonctionnement sur l'année 2005, résultant de la couverture partielle des surcoûts issus des opérations extérieures de 2003, et de l'insuffisante disponibilité de plusieurs matériels, les différentes armées ont été contraintes de réduire certains de leurs objectifs d'activité par rapport aux indicateurs définis par la loi de programmation militaire pour 2003-2008. L'armée de terre a supporté une grande part des reports de charges sur 2004, à hauteur de 48 millions d'euros ; c'est pourquoi elle a décidé de ramener son objectif de jours d'activité de 100 à 90, lesquels ont été effectivement réalisés, et elle a annulé sa participation à plusieurs exercices internationaux, dont les opérations Golfe, avec les Emirats Arabes Unis, Joint Winter, en Norvège, et Carpathina, en Roumanie. Parallèlement, le nombre d'heures de vol pour les pilotes d'hélicoptères, initialement fixé à 180 heures par la loi de programmation militaire, a été réduit à 154 heures pour 2004. Compte tenu du vieillissement des appareils et de leur suremploi, qui affectent fortement leur disponibilité opérationnelle, cette prévision révisée n'a pu être tenue, les pilotes n'ayant réalisé que 147 heures cette année. La marine a également réduit son indicateur de nombre de jours passés à la mer, en le fixant à 90 ; grâce à la mobilisation de ses stocks de carburant, constitués au fil des années par le commissariat de la marine, elle a pu remplir cet objectif. En revanche, elle a été contrainte de freiner ses activités aéronautiques en fin d'année, ne disposant pas de réserves de carburant pour ses appareils, et les heures de vol des pilotes de chasse et d'hélicoptère sont légèrement en retrait par rapport aux prévisions. Seule exception, l'activité des pilotes d'avions de patrouille maritime est supérieure à l'objectif fixé en raison du déploiement de ces avions au titre de l'opération Licorne, en Côte d'Ivoire. L'armée de l'air n'a pas, elle non plus, pleinement atteint ses objectifs d'entraînement ; les pilotes d'avion de chasse et de transport ont réalisé en moyenne respectivement 168 et 325 heures de vol, contre des objectifs de 180 et 400 heures. Sans doute le niveau fixé de 400 heures est-il quelque peu ambitieux, compte tenu de la forte mobilisation de la flotte de transport dans les opérations extérieures, conjuguée à la disponibilité limitée de cette flotte.
S'agissant des personnels, des sous-effectifs d'environ 2,9 % ont été enregistrés à la fin de l'année 2004, ce qui représente environ 12 800 postes ; sur l'ensemble de l'année, ce taux s'est élevé à 2,5 %, soit 10 900 postes.
Ce taux de sous-effectifs est stable par rapport à 2003 et s'avère inférieur à celui constaté en 2002 et 2001. Pour autant, c'est grâce à la persistance de sous-effectifs et au freinage des recrutements réalisé à partir du deuxième semestre que le titre III est à l'équilibre pour l'exercice 2004. C. LES PREMIERS JALONS D'UNE ÉVOLUTION DES MODALITÉS DE FINANCEMENT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES En raison de leur caractère par principe imprévisible, les dépenses supplémentaires occasionnées par les opérations extérieures ne sont pas prises en compte en construction budgétaire, en loi de finances initiale, mais sont couvertes par des ouvertures de crédits en cours d'exécution. Ainsi que la mission sur l'exécution des crédits pour 2003 l'avait souligné dans son rapport, ce dispositif n'est pas satisfaisant et il doit être réformé. Tout d'abord, compte tenu de la durée et de l'importance de certaines opérations extérieures, telles celles conduites dans les Balkans, le montant d'une large part des surcoûts est désormais aisé à estimer et la justification initiale de leur non-inscription en loi de finances initiale perd de sa pertinence. Ensuite, le mécanisme actuel de financement pose des difficultés de gestion au ministère de la défense, en le contraignant à procéder à des avances de trésorerie tout au long de l'année ; ces dernières ne peuvent se prolonger au-delà du troisième trimestre sans risquer d'interrompre le versement des rémunérations ou d'affecter l'activité opérationnelle des forces. De plus, si, depuis 2002, un terme a été mis à la pratique d'ouvertures de crédits au titre des opérations extérieures gagées par des annulations à due concurrence de crédits d'équipement, le remboursement de ces dépenses supplémentaires n'est pas toujours exhaustif, ce qui pèse sur la gestion du ministère. La couverture insuffisante des surcoûts de fonctionnement enregistrés en 2003 a entraîné des reports de charges et a affecté l'activité des armées durant l'année 2004, comme cela vient d'être exposé. Enfin, le mécanisme d'ouverture de crédits en cours d'exercice, par le recours à un décret d'avance, se traduit par l'annulation de crédits de titre V pour un même montant et ces crédits, même rétablis en loi de finances rectificative, ne sont pas disponibles pour l'exercice en cours et sont reportés sur l'année suivante, ce qui entraîne la mise en attente de factures et, partant, participe à la hausse des intérêts moratoires. La question du financement des opérations extérieures fait l'objet de nombreux débats et travaux depuis plusieurs années. Le rapporteur avait d'ailleurs présenté un amendement sur ce sujet lors de l'examen de la loi de programmation militaire pour 2003-2008, ce qui a conduit à insérer dans le rapport annexé à la loi l'alinéa suivant : « une ligne budgétaire spécifique aux opérations extérieures sera créée en loi de finances initiale ». Répondant aux préoccupations ainsi exprimées, le projet de loi de finances initiale pour 2005 comporte une véritable avancée, en inscrivant une dotation de 100 millions d'euros pour le financement des opérations extérieures. Si l'on ne peut que se féliciter de cette disposition, cette somme est très inférieure au niveau des surcoûts généralement enregistrés, de l'ordre de 600 millions d'euros depuis plusieurs années. L'inflexion positive ainsi engagée doit être amplifiée dans le prochain projet de loi de finances, en inscrivant une dotation plus proche des montants effectivement déboursés. La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le présent rapport d'information au cours de sa réunion du mercredi 2 mars 2005. Un débat a suivi l'exposé du rapporteur. M. Jean-Michel Boucheron a salué la qualité du rapport présenté, qui montre tout l'intérêt du système de contrôle mis en place par la commission. Il constitue en quelque sorte un moment de vérité tant il est vrai que c'est dans le réalisé qu'est jugée la politique budgétaire. Par ailleurs, le rapport montre que la situation actuelle ne tranche guère avec les pratiques antérieures. Le problème demeure donc celui de la capacité du ministère des finances à masquer les réalités comptables, au moins dans les premiers mois de l'année. Une inquiétude subsiste sur la mise en œuvre de certaines dispositions de la loi de finances pour 2005. Ainsi, le financement des frégates multimissions (FREMM), éléments structurants pour la marine, ne semble pas pleinement assuré. L'alternative risque d'être la suivante : soit le financement n'est pas au rendez-vous ; soit il se fera au détriment d'autres programmes. M. Guy Teissier, rapporteur, a indiqué avoir interrogé la ministre de la défense sur ce point, comme sur les autres programmes. De fait, tous les grands programmes doivent être réalisés, afin de répondre aux besoins des armées. Pour ce qui concerne les FREMM, l'assurance lui a été donnée d'un financement supplémentaire, dans le cadre du budget pour 2006, d'un montant d'1,3 milliard d'euros. La ministre de la défense pourrait utilement être entendue par la commission sur cette question. M. Charles Cova a souhaité que les inquiétudes des membres de la mission soient inscrites dans le rapport de façon plus explicite. Les conséquences d'une réduction de programmes en cours pour la marine, par exemple, ne doivent pas être sous-estimées. Aussi, si une revue des programmes doit être engagée, il faut la décrire. Par ailleurs, l'utilisation des crédits de la défense versés au commissariat à l'énergie atomique (CEA) reste opaque. Il conviendrait qu'au moins un membre de la mission soit chargé d'assurer un suivi précis de ces crédits. Tout en saluant l'attachement de M. Charles Cova à la marine, M. Guy Teissier, rapporteur, a estimé que le rapport présenté est honnête et équilibré. Plutôt que de risquer de tenir des propos par trop alarmistes, il conviendrait d'entendre la ministre. Les remarques concernant les crédits du CEA sont fondées. Une mission d'information ad hoc pourrait être créée sur ce sujet, à l'instar de ce qui a été fait pour les services de renseignement. Par ailleurs, une audition par la commission de M. Alain Bugat, administrateur général du CEA, est envisageable. M. Bernard Deflesselles a indiqué que le rapport de la Cour des comptes sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels des armées paru en décembre 2004 a mis l'accent sur les difficultés rencontrées en la matière, tant du point de vue technique, avec une augmentation somme toute limitée des taux de disponibilité, que du point de vue financier. Il semble que des sommes plus importantes que prévu devront être affectées au MCO. La mission d'information a-t-elle obtenu des éléments sur ce sujet ? M. Guy Teissier, rapporteur, a observé que le rapport de la Cour des comptes n'apportait guère d'information nouvelle au regard de ce qui avait pu être établi par le rapport d'information de M. Gilbert Meyer en 2002. Il permet toutefois de souligner de nouveau les problèmes que connaissent les trois armées dans ce domaine et conclut à la nécessité de ne pas amoindrir l'effort en cours en faveur du budget de la défense, sous peine de rencontrer d'importantes difficultés. Les moyens alloués ne sont en effet pas suffisants pour rétablir significativement le taux de disponibilité des matériels et l'avenir risque de s'assombrir compte tenu de l'ensemble des programmes qui restent à réaliser. M. Jérôme Rivière a approuvé l'idée d'une audition de la ministre de la défense par la commission, afin qu'elle puisse entendre le sentiment de malaise que fait naître notamment l'insuffisante consommation des crédits. La loi de programmation militaire 2003-2008 a été votée en se référant au contre-exemple que pouvait constituer la loi de programmation militaire précédente et il est impératif de ne pas laisser s'installer une dérive. Il convient de s'assurer de l'exécution des programmes, notamment les FREMM, les crédits supplémentaires annoncés à hauteur de 1,3 milliard d'euros ne couvrant pas l'ensemble des besoins, estimés, semble-t-il, à 1,8 milliard d'euros. M. Guy Teissier, rapporteur, a précisé que cette somme concernait l'exercice 2006 et n'était pas exclusive d'abondements ultérieurs. Il a estimé souhaitable de faire partager les préoccupations de la commission à la ministre. M. Charles Cova a relevé que le budget de la défense italien pour 2005 ne comportait aucun crédit pour les FREMM et s'est inquiété de la possibilité pour le ministère des finances d'en prendre prétexte pour limiter les crédits alloués. M. Michel Voisin, président, a observé qu'il s'agissait d'un problème classique pour les programmes réalisés en coopération. La Commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication. --____-- ________________ N° 2117 - Rapport d'information : mission d'information sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour l'exercice 2004 (Guy Teissier) 1 () Rapport d'information n° 1411 : « le contrôle de l'exécution des crédits de la défense pour l'exercice 2003 », au nom de la commission de la défense et des forces armées. 2 () Décret n°2004-1146 du 28 octobre 2004 portant ouverture de crédits à titre d'avance. 3 () Décret n°2004-1147 du 28 octobre 2004 portant annulation de crédits. 4 () Il convient toutefois de noter que les surcoûts de titre V issus des opérations extérieures, atteignant 69,1 millions d'euros, n'ont fait l'objet d'aucun remboursement, comme de coutume. 5 () Cette inscription a été réalisée en application de la règle selon laquelle la loi de finances rectificative doit ouvrir au minimum, sur les chapitres évaluatifs, un montant de crédits correspondant à l'écart constaté au 30 septembre entre les dépenses effectives et les crédits ouverts en loi de finances initiale. 6 () Chiffres fournis par le ministère de la défense, ne tenant pas compte de la procédure - qui sera évoquée plus loin - de paiements accélérés au début de cette année 2005 pour limiter les difficultés de trésorerie de certaines entreprises créancières de la défense. 7 () Il convient de noter que la loi de finances rectificative a procédé à un réajustement des autorisations de programme, par l'annulation de 471 millions d'euros et l'ouverture de 575,508 millions d'euros, soit une ouverture nette de 104,508 millions d'euros. De plus, le décret n° 2004-543 du 14 juin 2004 annule également 10 millions d'euros d'autorisations de programme sur le chapitre 53-71. |